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le 22 juin 1998

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N° 988

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le.18 juin 1998

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de l'accord-cadre de coopération destiné à préparer, comme objectif final,une association à caractère politique et économique entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part (ensemble une annexe),

PAR M. HENRI SICRE,

Député

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 259, 354 et T.A. 138 (1997-1998)

Assemblée nationale : 914

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM.  Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Laurence Dumont, M. René Rouquet, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, Jacques Blanc, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Mme Monique Collange, MM. Yves Dauge, Jean-Claude Decagny, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Jacques Desallangre, Paul Dhaille, Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Jean Espilondo, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Georges Hage, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Claude Lefort, François Léotard, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, MM. Jacques Myard, Dominique Paillé, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Jean Rigal, Mme Yvette Roudy, MM. Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Philippe de Villiers, Aloyse Warhouver.

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - LE CHILI : UN CAS PARTICULIER EN AMÉRIQUE LATINE 7

A - LE RÉGIME POLITIQUE CHILIEN 7

B - L'HÉRITAGE LIBÉRAL 8

C - LA PLACE DU CHILI DANS L'ÉCONOMIE RÉGIONALE 9

II - PRÉSENTATION DE L'ACCORD-CADRE 11

A - LES INSTANCES DE DIALOGUE 11

B - LES OBJECTIFS DE L'ACCORD 11

CONCLUSION 15

EXAMEN EN COMMISSION 17

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui nous est soumis vise à autoriser la ratification d'un accord de coopération conclu entre l’Union européenne et la République du Chili le 21 juin 1996.

Cet examen intervient donc tardivement comme cela semble, hélas, être la règle pour la plupart des traités internationaux. Ce délai s'explique par les consultations qui doivent être réalisées avant l'examen du projet de ratification par le Conseil des ministres : visas des différents ministères, d'autant plus nombreux que le cadre de l'accord est large, consultations des assemblées territoriales d'outre-mer, consultation du Conseil d'Etat. Il est vrai que ce retard est sans conséquence puisque les parties ont décidé l'entrée en vigueur de l'accord dès sa signature.

Par ailleurs, la compétence de notre Assemblée repose sur une base étroite. La plupart des dispositions de cet accord relèvent de la compétence exclusive de la Communauté européenne. Seul le "dialogue politique", instauré par l'accord, suppose la ratification des parlements nationaux.

L'objectif final de cet accord est d'instituer une association à caractère politique et économique entre la Communauté européenne et le Chili. A cet effet, il institue des instances de dialogue et élargit le champ de la coopération. Le libre-échange est également l'un des objectifs de l'accord mais aucun calendrier de libéralisation n'a été défini. Il s'agit seulement de s'y préparer méthodiquement en dressant un état des lieux et en engageant des négociations sectorielles.

L'accord paraît donc beaucoup moins ambitieux que ceux conclus avec d'autres régions du monde. Avec les pays d'Europe centrale et orientale, par exemple, les accords d'association comportent un calendrier rapide de libéralisation des échanges, un objectif d'harmonisation des législations dans de nombreux domaines et une perspective d'adhésion à l’Union européenne. Avec les pays méditerranéens, les accords d'association comportent également un calendrier de libéralisation et entendent établir un "partenariat euro-méditerranéen".

Cette modestie pourrait se justifier par l'éloignement géographique des pays d'Amérique latine. En réalité, elle est adaptée aux souhaits de ces pays qui privilégient aujourd'hui le régionalisme économique plutôt que l'ouverture complète à la mondialisation.

Les Etats d'Amérique latine sont tous, à des degrés divers, engagés dans un processus d'intégration régionale. La création du Mercosur (marché commun du Sud) par le traité d'Asuncion, signé en mars 1991 et entré en vigueur en 1995, s'est révélée un succès. Le Mercosur occupe 70% du territoire de l'Amérique latine et représente les deux tiers de sa richesse. Avec 220 millions de consommateurs, c'est le quatrième espace commercial du monde, derrière l'Alena (qui réunit les Etats-Unis, le Canada et le Mexique), l'APEC asiatique et l’Union européenne. Les échanges seront totalement libéralisés en l'an 2000. Constitué de l'Argentine, du Brésil, du Paraguay et de l'Uruguay, le Mercosur a vocation à s'élargir. Déjà, le Chili et la Bolivie en sont devenus des Etats associés.

Ce régionalisme est vu d'un assez mauvais œil par l'administration américaine. En effet, si les échanges internes au Mercosur sont en cours de libéralisation rapide, les importations de cet ensemble sont soumises à un tarif extérieur commun, perçu comme une sorte d'hérésie par les apôtres du libéralisme économique. Les Etats-Unis sont parvenus à attirer le Mexique de leur côté avec la création de l'Alena. En revanche, leur tentative de créer une zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) d'ici 2005 a échoué.

L’Union européenne a adopté une politique beaucoup plus prudente et respectueuse de la sensibilité latino-américaine. Elle est elle-même hostile à un libre-échange débridé, notamment dans le domaine agricole. Son approche graduelle et méthodique devrait lui permettre de soutenir la croissance des échanges économiques entre les économies européennes et celles d'Amérique latine. Elle vise également à promouvoir une coopération qui doit compenser les effets inégalitaires de la croissance économique et combattre le développement du trafic de drogue. A cet effet, un accord inter-régional a été conclu en décembre 1995 entre l'Union européenne et le Mercosur.

Tel est donc le cadre général dans lequel s'inscrit le présent accord. Mais votre Rapporteur souhaiterait à présent traiter de la situation particulière du Chili avant d'exposer les principaux traits de l'accord de coopération.

I - LE CHILI : UN CAS PARTICULIER EN AMÉRIQUE LATINE

A certains égards, la situation du Chili se distingue de celle des autres pays d'Amérique latine : son régime politique demeure marqué par l'héritage de la dictature militaire ; son économie a adopté plus récemment que les autres les principes du libéralisme ; sa stratégie d'intégration économique régionale paraît plus hésitante.

A - Le régime politique chilien

Caractérisé jusqu'au milieu du XXe siècle par une relative stabilité politique, le Chili a vécu sous une dictature militaire de septembre 1973 jusqu'en 1988.

Aujourd'hui, le régime politique chilien est démocratique. Le pouvoir législatif a retrouvé toute sa place ; la démocratie a été étendue à l'échelon local ; la liberté d'expression a été rétablie. L'architecture institutionnelle repose sur une présidence forte et une séparation stricte des pouvoirs.

Le Chili est gouverné depuis 1988 par la même coalition : la Concertation des partis pour la démocratie, composée de 17 partis, parti socialiste et démocratie chrétienne notamment. Deux présidents se sont succédé au terme d'élections régulières : le Président Patricio Aylwin de 1988 à 1993 ; puis le Président Eduardo Frei. La coalition est légèrement dominée par la démocratie chrétienne mais le parti socialiste réclame une alternance interne, fort d'un candidat particulièrement populaire, M. Ricardo Lagos, et de ses bons résultats aux dernières élections municipales.

Cependant, l'héritage de la dictature est encore pesant.

En 1990, la commission "Vérité et réconciliation" a établi que plus de 2000 décès étaient intervenus en violation des droits de l'Homme. L'armée et le général Pinochet ont été mis en cause, mais, de peur de déstabiliser la démocratie, peu de crimes ont été jugés. La question des disparus (près de mille) est toujours un objet de tensions avec l'armée.

L'armée a obtenu par ailleurs un régime très particulier grâce aux lois dites "d'amarrage". Les commandants en chef sont inamovibles ; le conseil de sécurité nationale est dominé par les militaires ; l'armée dispose de privilèges budgétaires.

Le général Pinochet joue le double rôle de protecteur de la situation de l'armée et de modérateur des pulsions militaires. Il a quitté le commandement en chef de l'armée de terre le 10 mars 1998 pour occuper un siège de sénateur à vie.

Les élections législatives du 11 décembre 1997 ont été l'occasion d'une progression de l'opposition de droite. Ces résultats n'ont pas provoqué de changement de gouvernement mais ils empêchent le Président Frei de poursuivre les réformes constitutionnelles qui se heurtent à l'obstacle du Sénat.

B - L'héritage libéral

Tournant le dos à la politique économique du Président Salvador Allende, le général Pinochet a engagé son pays dans un processus d'ouverture commerciale et de privatisation, bien avant que les pays voisins adoptent la même voie.

Le retour à la démocratie ne s'est pas traduit par un changement fondamental de politique économique qui est l'objet d'un réel consensus.

Les performances économiques affichées par l'économie chilienne depuis dix ans sont remarquables. La croissance n'a jamais été inférieure à 3% l'an depuis 1985, avec une moyenne d'environ 7%. Le PIB par habitant est voisin de 5000 dollars, c'est-à-dire de celui de la Grèce. L'inflation a dans le même temps ralenti progressivement de 25% en 1984 à 7,4% en 1996.

La croissance chilienne est tirée par les investissements, les gains de productivité et la demande interne. Le budget est excédentaire depuis neuf années consécutives ; les excédents permettent de rembourser par anticipation la dette extérieure. Quant au taux de change, il est géré avec rigueur et pragmatisme ; l'appréciation du peso a été continue au cours des dernières années.

Le marché du travail est proche du plein emploi : malgré une légère augmentation en 1997, le taux de chômage se maintient sous les 6%.

Seule la balance commerciale accuse un déficit sous l'effet de la progression de la consommation, mais surtout de la baisse du cours des matières premières. Le cuivre représente encore un peu plus du tiers des exportations chiliennes ; la baisse du prix du cuivre contribue donc à creuser le déficit commercial. Ce déficit est cependant largement couvert par les entrées de capitaux, en particulier les investissements directs étrangers.

La politique économique du Président Frei prolonge la politique de ses prédécesseurs avec une différence essentielle : la liberté syndicale qui ne se traduit pas encore par une activité très forte. Le Président met également l'accent sur l'éducation considérant qu'un meilleur accès au système éducatif est susceptible de réduire les disparités de revenus qui tendent à augmenter sous l'effet des forces du marché. Par ailleurs, les infrastructures et la recherche-développement sont des priorités budgétaires.

C - La place du Chili dans l'économie régionale

La politique économique chilienne est une politique d'ouverture au commerce international. Les droits de douane devraient continuer à baisser ; ils devraient passer de 11% à 7% en 1998.

En revanche, le Chili a hésité entre l'option régionaliste et l'option nord-américaine.

Le Chili n'a pas renoncé définitivement à intégrer l'Alena. En 1995, sa tentative d'y entrer a échoué car le Président Bill Clinton, à l'issue du renouvellement de la Chambre des Représentants, ne pouvait plus espérer obtenir du Congrès la procédure de négociation accélérée. Cependant, en novembre 1996, le Chili a signé un accord de libre-échange avec le Canada qui prévoit l'élimination de toutes les barrières tarifaires dans un délai de cinq ans.

Parallèlement, le Chili, après avoir observé une certaine prudence face à la construction du Mercosur, s'en est rapproché par un accord d'association, signé en juin 1996. Depuis 1997, il est devenu un "associé privilégié" et participe aux réunions institutionnelles du Mercosur ainsi qu'aux travaux préparatoires dans les domaines politique, économique et social. Cette intégration a été précédée par les investisseurs chiliens qui ont spontanément privilégié ce marché en forte expansion. Mais elle résulte aussi d'un choix politique du Président Frei qui a permis de surmonter les obstacles rencontrés lors de la négociation.

L'accord conclu en 1996 prévoit la suppression des barrières douanières et des restrictions aux échanges en dix ans. Le Chili a obtenu que le délai de suppression des droits soit porté à dix-huit ans pour certains produits agricoles, notamment les céréales.

La politique de libéralisation du Chili est donc prudente et se ménage plusieurs options. Lors de la signature de l'accord avec le Canada, le Président chilien a déclaré que le Canada avait la possibilité d'accéder au Mercosur, ce qui indique que la voie du multilatéralisme n'est pas abandonnée. Toutefois, l'évolution des échanges chiliens est favorable au Mercosur même si la part des Etats-Unis, du Japon et de l’Union européenne est encore importante.

II - PRÉSENTATION DE L'ACCORD-CADRE

L'accord-cadre a pour objet de promouvoir une démarche graduelle et maîtrisée de libéralisation des échanges et d'élargir et renforcer la coopération entre la Communauté et le Chili.

A - Les instances de dialogue

L'accord institue en premier lieu un "dialogue politique renforcé". Ses modalités sont esquissées par l'article 3 de l'accord et par une déclaration finale annexée.

Les parties s'engagent à définir plus précisément des "mécanismes de dialogue", c'est-à-dire des réunions régulières à plusieurs niveaux : Président de la République du Chili, ministres des Affaires extérieures, ministres compétents sur des questions d'intérêt commun, hauts fonctionnaires. Par ailleurs, les parties soutiennent l'initiative prise par le Parlement européen et le Parlement chilien en vue d'institutionnaliser un dialogue entre les deux assemblées.

A ce stade, l'accord est moins précis que les accords d'association conclus avec d'autres pays qui définissent des instances et des périodicités pour chacun des niveaux de dialogue.

Seul le dialogue ministériel se voit désigner une instance de déroulement sous la forme du "Conseil conjoint" chargé de superviser l'accord.

Le "Conseil conjoint" institué par l'article 33, se réunit au niveau ministériel à intervalles réguliers et chaque fois que les circonstances l'exigent. Il réunit des représentants du Chili et des membres du Conseil de l'Union et de la Commission européenne. Il est assisté d'une "commission mixte" et d'une "sous-commission commerciale mixte" chargées de la libéralisation commerciale.

B - Les objectifs de l'accord

L'objectif à terme est d'instaurer une association à caractère politique et économique entre le Chili et l’Union européenne. L'accord ne précise pas les contours de cette future association mais prévoit que les Parties détermineront l'opportunité et le moment pour le passage à cette seconde étape, qui fera l'objet d'un nouvel accord.

Dans une première phase, il s'agit donc d'engager un processus de libéralisation des échanges en instituant un "dialogue économique et commercial". Ce dernier portera sur tous les aspects des échanges. L'accès au marché, barrières douanières et non-douanières, structure tarifaire, compatibilité avec les normes de l'OMC, identification des réductions tarifaires possibles et des produits sensibles, situation des services, droit de la concurrence, normes d'origine ...

Un état des lieux est en cours d'élaboration au sein de la sous-commission commerciale mixte. Des négociations sont également engagées en vue de la conclusion d'accords sectoriels spécifiques, notamment s'agissant de l'assistance mutuelle en matière douanière.

Actuellement, l’Union européenne absorbe 26% des exportations chiliennes mais ne fournit que 2% de ses importations. En 1996, ces exportations s'élevaient à 3,1 milliards d'écus et ces importations à 2,7 milliards ; le Chili est donc excédentaire de 0,416 milliard d'écus dans ses échanges avec l'Union. Le Chili exporte vers l'Union du cuivre (35%) des fruits et légumes (raisins, pommes, poires), du papier et des produits de la forêt et de la pêche. A l'inverse, il importe de l'Union essentiellement des produits manufacturés, des machines électriques ou mécaniques, des automobiles et des matériels de transport.

Ces échanges sont en forte progression (+ 9,2%) et le marché chilien offre des perspectives intéressantes pour l'Union. En particulier, le secteur des services est bien développé. Les potentialités sont très importantes dans le secteur de la distribution, du tourisme, du transport (notamment aérien), du secteur bancaire et des assurances.

Dans le cadre des Accords de Marrakech, le Chili applique depuis 1995 un taux de droit de douane uniforme de 11% (contre 3,5% pour l’Union européenne) à tous les pays avec qui il n'a pas conclu d'accords préférentiels. Ces droits sont "consolidés" à l'OMC à 24%, au lieu de 35% auparavant, ce qui signifie qu'ils ne peuvent dépasser ce plafond.

En revanche, le Chili n'a pas voulu adhérer à l'Accord sur les technologies de l'information (ATI), signé à Singapour en 1996, et qui vise à la suppression totale des droits de douane dans les secteurs de l'informatique, des semi-conducteurs et de la téléphonie d'ici l'an 2000. Or, le Chili bénéficiera, au moins théoriquement, d'un meilleur accès sur ces secteurs dans l'Union, au titre de la clause de la nation la plus favorisée. L'un des objectifs de l'accord préférentiel futur avec le Chili sera de réduire ces disparités en notre défaveur.

Le Chili a déposé des offres de qualité très satisfaisantes en matières de services à l'OMC. Sans atteindre le degré de libéralisation de la plupart des pays développés, le degré d'ouverture du marché est significatif et comparable à celui des pays d'Europe centrale (Pologne, Hongrie et République tchèque).

S'agissant des discussions sur les investissements, le Chili a une attitude ouverte : il est observateur au groupe de négociation de l'Accord multilatéral sur l'investissement de l'OCDE et participe de manière constructive au groupe de travail "commerce et investissement" de l'OMC.

En revanche, le problème majeur qui se posera pour l'Union concerne le secteur agricole. Actuellement, le Chili est exclu des avantages tarifaires consentis par l'Union aux pays en développement. Le taux moyen des droits de douane pour ce secteur est d'environ 10 %, avec les pics de 19 % pour les raisins par exemple.

Par ailleurs, l'accord énumère les secteurs où la coopération entre l'Union et le Chili doit se développer.

Un premier accord de coopération, signé en 1990, a déjà permis un développement substantiel de cette coopération. Depuis 1990, le montant de l'aide s'élève à 151 millions d'écus. L'Union apporte environ deux tiers de l'aide non remboursable, intervenant dans des projets de développement rural, de soutien institutionnel, d'éducation et de formation.

Parmi les domaines de coopération, la lutte contre la drogue revêt une importance particulière.

La Commission européenne dispose d'une ligne budgétaire pour l'aide à la lutte contre la drogue depuis 1987. S'y ajoutent les clauses spécifiques du Système de Préférences généralisées. De 1991 à 1995, les fonds engagés sur cette ligne se sont élevés à 50 millions d'écus dont 34% à destination de l'Amérique latine.

L'accord soumis à ratification s'inscrit avant tout dans un cadre régional. En effet, l'Union européenne a déjà signé des accords de coopération en matière de détournement de produits "précurseurs" tant avec les pays du Mercosur qu'avec ceux du Pacte Andin. Seul le Chili, qui n'appartient à aucune de ces deux associations économiques, échappait au réseau de coopération ainsi institué, ce qui paraissait, tant par souci de cohérence que d'efficacité, préjudiciable au dispositif mis en place.

En effet, le Chili n'est pas un pays producteur de drogue mais sa position géographique en fait une zone de transit à destination des Etats-Unis d'Amérique et de l'Europe pour les stupéfiants produits par les pays du Mercosur et du Pacte Andin. Par ailleurs, le haut niveau de développement du secteur bancaire chilien rend ce pays très attractif pour les mafieux soucieux de blanchir leurs revenus illicites. Enfin, sa capacité industrielle en fait un producteur important de produits "précurseurs".

C'est pourquoi la ratification d'un accord comprenant des dispositions visant à développer la coopération entre l’Union européenne et le Chili, afin d'empêcher le détournement des "précurseurs" et substances chimiques utilisées fréquemment pour la fabrication illicite de drogues ou de substances psychotropes, semble parfaitement pertinente.

Le Chili doit faire face depuis cinq ans à des problèmes de trafic de stupéfiants, de blanchiment d'argent, et de consommation de stupéfiants. L'amplification du trafic s'explique par la géographie du Chili qui rend presque impossible un contrôle permanent des frontières. Le blanchiment, compris entre 0,5 et 1,5 milliard de dollars par an, est facilité par un strict secret bancaire et une législation très libérale en matière d'investissements étrangers. La consommation de marijuana, de cocaïne mais également, depuis 1990, de pâte-base importée de Bolivie, s'est récemment accrue. Enfin, le Chili produit en abondance des produits "précurseurs" ensuite exportés vers le Pérou et la Bolivie. La culture de la marijuana, centrée sur la région située au sud de la capitale, s'est étendue à de nouvelles zones de plantation plus méridionales.

Pour lutter contre l'aggravation récente de ses problèmes de drogue, le Chili s'est doté d'un arsenal répressif : la loi "antidrogue" entrée en vigueur en janvier 1995 donne au blanchiment un caractère délictueux, règlemente de façon restrictive la circulation des produits chimiques pouvant être utilisés comme "précurseurs" et charge le Conseil de défense de l'Etat de diligenter des enquêtes administratives sur le trafic et le blanchiment. En outre, le Chili a passé un grand nombre d'accords bilatéraux, notamment avec les Etats-Unis (traité d'extradition et échange d'informations), le Canada (formation), l'Argentine, le Pérou et la Bolivie (conventions d'entraide judiciaire). Avec ces trois derniers pays, le Chili a conclu un accord multilatéral mettant en place un programme de formation des fonctionnaires de justice.

CONCLUSION

Au bénéfice de ces observations, votre Rapporteur vous propose d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 17 juin 1998.

Après l’exposé du Rapporteur, M. Pierre Brana a demandé quels étaient les produits agricoles chiliens qui pouvaient concurrencer les produits européens.

M. Henri Sicre a précisé que de nombreux produits agricoles chiliens sont compétitifs, mais que seuls les pommes et les vins chiliens pouvaient concurrencer les productions européennes, car ils peuvent être conservés, alors que les autres productions sont mises sur le marché à contresaison.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 914).

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La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord-cadre figure en annexe au projet de loi (n° 914).

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N° 988.– Rapport de M. Henri Sicre (au nom de la commission des affaires étrangères), sur le projet de loi, adopté par le Sénat (n° 914), autorisant la ratification de l'accord-cadre de coopération destiné à préparer, comme objectif final,une association à caractère politique et économique entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part (ensemble une annexe).