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le mardi 23 juin 1998

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994

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 juin 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI, MODIFIÉE PAR LE SÉNAT, tendant à l’élimination des mines antipersonnel,

PAR M. Robert GAÏA,

Député.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1ère lecture : 561, 853 et T.A. 127.

2ème lecture : 962.

Sénat : 1ère lecture : 410, 451 et T.A. 150 (1997-1998).

Armes.

La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de : M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Arthur Paecht, Jean-Claude Sandrier, vice-présidents ; MM. Robert Gaïa, Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, François Bayrou, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Eric Besson, Bernard Birsinger, Jean-Marie Bockel, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Gérard Charasse, Hervé de Charette, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Roger Franzoni, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, François Hollande, François Huwart, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Pierre-Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Marius Masse, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Jacques Peyrat, Robert Poujade, Gilles de Robien, Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Jean-Claude Viollet, Michel Voisin, Pierre-André Wiltzer, Kofi Yamgnane.

S O M M A I R E

Pages

INTRODUCTION 5

I. — LES MODIFICATIONS INTRODUITES PAR LE SÉNAT 5

A. —   UN ACCORD SANS RÉSERVE SUR LE FOND 5

B. —   DES MODIFICATIONS DE STRUCTURE DISPROPORTIONNÉES ET

CONTESTABLES 6

1. — Les exceptions aux interdictions 7

2. — Les définitions de la proposition de loi 8

3. — Le régime des sanctions pénales 9

II. — L’URGENCE D’UNE ADOPTION DÉFINITIVE 11

A. —  L’ALTERNATIVE OUVERTE PAR LE SÉNAT 11

B. —  LE PARTI PRIS DE L’EFFICACITÉ 12

EXAMEN EN COMMISSION 13

TABLEAU COMPARATIF 15

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat a examiné en première lecture le jeudi 4 juin la proposition de loi sur l’élimination des mines antipersonnel, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 24 avril 1998, à la suite d’une initiative du groupe socialiste dans le cadre de l’article 48 alinéa 3 de la Constitution. Les conséquences de cet examen apparaissent largement paradoxales. En effet, la proposition de loi qui revient du Sénat est à la fois inchangée dans sa portée et considérablement modifiée dans sa structure.

I. —  LES MODIFICATIONS INTRODUITES PAR LE SÉNAT

A. —  UN ACCORD SANS RÉSERVE SUR LE FOND

L’examen par le Sénat fait apparaître une approbation totale des mesures adoptées et des objectifs poursuivis par l’Assemblée nationale. Cette convergence touche la liste des interdictions (article 1er), le régime des exceptions (articles 2 et 11), la définition des mines antipersonnel (article 3), qui est, pour le Sénat comme pour l’Assemblée celle qui figure à l’article 2 de la Convention d’Ottawa, les sanctions pénales et les dispositions de procédure pénale (articles 4 à 8), l’institution de la Commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnel, sa composition et ses attributions (articles 9 et 10) et même la date d‘entrée en vigueur de la loi (article 12), qui avait fait l’objet d’un débat approfondi lors de l’examen par la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale.

De ce fait, les amendements adoptés par le Sénat sont pour l’essentiel soit rédactionnels, soit de précision.

A l’article premier, le Sénat a complété la liste des interdictions en ajoutant à celle du stockage celle de la conservation.

Il a regroupé à l’article 2 les dispositions relatives aux exceptions à ces interdictions, d’abord réparties entre les articles 2 et 11.

A l’article 3, qui établissait trois définitions, des “ mines ” des “ mines antipersonnel ” et du “ transfert ”, toutes trois reprises de la Convention d’Ottawa, il a remplacé l’énoncé de ces définitions par un renvoi à la Convention d’Ottawa elle-même, le projet de loi de ratification de la Convention étant désormais déposé devant le Parlement. Il a aussi transféré le dispositif ainsi modifié dans un article additionnel avant l’article premier.

Tout en laissant inchangées les dispositions pénales adoptées par l’Assemblée nationale, le Sénat a ajouté à l’article 4 un troisième alinéa, tendant à punir de cinq ans d’emprisonnement et de 500 000 F d’amende le fait de s’opposer ou de faire obstacle aux procédures internationales d’établissement des faits, introduites dans la proposition de loi par l’article 11 ter résultant d’un amendement du Gouvernement. De ce fait il a adopté deux amendements de conséquence aux articles 5 et 6.

Il a également adopté un amendement de précision à l’article 8.

Il a enfin adopté sans modification les autres dispositions de la proposition de loi initiale, notamment les articles 9 et 10 relatifs à la Commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnel et l’article 12 relatif à la date d’entrée en vigueur de la proposition de loi.

Le Sénat a par ailleurs marqué son plein accord avec les mesures d’application de la convention d’Ottawa introduites par le Gouvernement lors de l’examen de la proposition de loi en séance publique à l’Assemblée au moyen des quatre longs articles additionnels 11 bis à 11 quinquies. Sur ces articles en effet, la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat s’est bornée à faire adopter deux amendements rédactionnels, l’un supprimant la mention intégrale du libellé de la Convention d’Ottawa à l’article 11 bis, l’autre rectifiant une erreur matérielle à l’article 11 quinquies. Un troisième amendement, à l’article 11 ter, relatif aux inspecteurs chargés des missions internationales d’établissement des faits a été retiré par la Commission au profit d’un amendement du Gouvernement après que celui-ci l’eut convaincue du caractère plus précis et mieux adapté de la rédaction qu’il présentait.

B. —  DES MODIFICATIONS DE STRUCTURE DISPROPORTIONNÉES ET CONTESTABLES

Le caractère limité sur le fond de ces modifications devrait susciter la satisfaction globale de votre rapporteur et l’inciter sans ambages à vous proposer de voter conforme la proposition de loi qui revient du Sénat.

Tel n’est pas le cas. L’ampleur des réécritures et des modifications de structure auxquelles le Sénat a procédé pour parvenir à ce résultat a eu des conséquences qui ne sont pas toutes heureuses. Des approximations, voire des lacunes qui n’y figuraient pas s’y sont trouvées introduites. De plus, la signification politique de la proposition de loi initiale élaborée par la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale en a été profondément altérée. C’est pourquoi votre rapporteur est très partagé quant à la décision à prendre sur les modifications introduites par le Sénat.

On passera sur l’interdiction de la notion de “ conservation ” à l’article premier. Le Sénat estime que la conservation n’est pas synonyme de stockage dans la mesure où celui-ci “ semble plutôt viser la détention d’une quantité élevée de mines ” (rapport n° 451 page 9). La Convention d’Ottawa elle-même interdisant la conservation, il n’est pas déraisonnable d’introduire ce terme dans la loi.

1. — Les exceptions aux interdictions

Les modifications apportées aux articles 2 et 11 de la proposition de loi, relatifs aux exceptions aux interdictions, appellent en revanche des observations plus critiques.

Dans le dispositif initial, l’article 2 autorisait de façon permanente le stockage et le transfert de mines, d’une part en quantité appropriée pour la mise au point de techniques de déminage et la formation des démineurs, d’autre part aux fins de destruction ; cette seconde autorisation visait à prévoir le cas où un pays confierait à la France la destruction de ses stocks, même longtemps après la ratification par celle-ci de la Convention d’Ottawa.

Les précisions et mesures transitoires relatives à l’application des dispositions de l’article 2 figuraient en fin de dispositif, à l’article 11. Celui-ci rappelait que les opérations mentionnées à l’article 2 devaient être effectuées par l’Etat ou sous son contrôle, comme la législation en vigueur en matière d’armes de guerre y oblige, et prévoyait que les stocks existants seraient détruits au plus tard le 31 décembre 2000, une quantité maximale de 5 000 mines pouvant seule être conservée sous le contrôle de l’Etat pour les fins de formation mentionnées au premier alinéa de l’article 2.

Que le Sénat ait souhaité regrouper l’ensemble de ces dispositions au sein de l’article 2 ne rencontre aucune objection de votre rapporteur, d’autant que l’adoption de cinq articles additionnels après l’article 11 a bouleversé la structure d’abord adoptée.

Beaucoup plus contestable apparaît en revanche la méthode suivie. En effet, plutôt que de procéder par intégration des rédactions existantes des articles 2 et 11, la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat a préféré présenter un article 2 entièrement réécrit. Le résultat en est un dispositif à la fois moins facile à lire et moins bien adapté.

Alors que la rédaction de l’Assemblée nationale prévoyait expressément que l’ensemble des opérations de formation, de stockage ou de destruction était effectué par l’Etat ou sous son contrôle, il ressort du nouveau dispositif que les opérations pour lesquelles l’Etat devra recourir à des “ personnes agréées ” sont les seules opérations de conservation et de transfert, et non celles de formation et de destruction, pour lesquelles aucune garantie n’est en apparence plus prévue.

Si cette rédaction pour le moins elliptique est en fait sans incidence sur le fond, les articles 15, 16 et 17 du décret-loi du 18 avril 1939 suffisant à garantir un strict contrôle de l’Etat sur les détenteurs de mines, il reste regrettable qu’un examen en navette n’aboutisse qu’à rendre moins claire la rédaction d’un texte.

De plus, alors que le deuxième alinéa de l’ancien article 2 permettait à la fois le stockage et le transfert des mines antipersonnel aux fins de destruction, le troisième alinéa du nouvel article n’en prévoit plus que le transfert, contraignant les services qui seront chargés de ces opérations à procéder sans délai à la destruction des mines ainsi transférées.

2. — Les définitions de la proposition de loi

La méthode suivie à l’article 3 relatif aux définitions apparaît quant à elle quelque peu négligente.

Que le Sénat ait remplacé l’énoncé des définitions tirées de la Convention d’Ottawa par un renvoi à la Convention d’Ottawa elle-même n’est aucunement critiquable, le projet de loi de ratification de la Convention étant désormais déposé devant le Parlement.

En revanche, on peut s’étonner qu’une des trois définitions, celle des “ mines ” ait purement et simplement disparu du dispositif, alors qu’elle figure comme les autres à l’article 2 de la Convention d’Ottawa, et que la définition des “ mines antipersonnel ” y fait référence.

Surtout, on peut se demander quelle nécessité obligeait à transférer ces définitions de l’article 3 à un article additionnel qui deviendra l’article premier.

Qu’on comprenne bien : pour couper court aux interrogations sur la volonté réelle de la France, dues aux longs mois de silence du Gouvernement après la signature du traité d’Ottawa, l’Assemblée nationale a décidé de prendre elle-même l’initiative du bannissement immédiat des mines antipersonnel, indépendamment du processus de ratification du traité.

Le texte ainsi élaboré puis adopté, s’il était rédigé de sorte à ce que la Convention d’Ottawa, une fois ratifiée, n’y trouve aucune disposition qui puisse gêner sa mise en oeuvre, n’était en aucun cas un texte d’application ou de conséquence mais bien un dispositif autonome dont l’entrée en vigueur n’était nullement liée à la ratification de la Convention d’Ottawa, comme en témoigne la rédaction de son article 12.

Sa structure intérieure traduisait cette réalité : les interdictions étaient énoncées d’emblée à l’article premier, les articles suivants étant eux consacrés aux modalités pratiques, exceptions, définitions, peines, poursuites, consécutives à cette décision.

En raison des modifications de structure dont il a fait l’objet, le texte tend, dans sa nouvelle rédaction, à donner à l’initiative de l’Assemblée nationale l’apparence d’une simple mesure d’application d’une convention soumise à ratification par le Gouvernement, et cela en méconnaissance de la réalité.

3. — Le régime des sanctions pénales

Le Sénat a introduit une disposition nouvelle à l’article 4 pour sanctionner le fait de faire obstacle aux procédures internationales d’établissement des faits.

Pour l’accomplissement de ces vérifications, l’article 11 quater distingue deux cas : soit le lieu soumis à l’inspection dépend d’une personne publique, soit il dépend d’une personne privée. Dans le premier cas, l’autorisation d’inspecter est donnée par une autorité administrative de l’Etat. Dans le second, elle est donnée par la personne privée ; si celle-ci la refuse, le juge tranche, au vu des dispositions de la Convention d’Ottawa.

Or, l’article 8 (§ 14) de la Convention d’Ottawa dispose que l’accès des inspecteurs aux zones et aux installations pourra être “ assujetti

aux mesures que l’Etat partie sollicité jugera nécessaires pour :

a) La protection d’équipements, d’informations et de zones sensibles ;

b) La protection des obligations constitutionnelles qui pourraient incomber à l’Etat partie sollicité en matière de droits de propriété, de fouille et de saisies, et autres droits constitutionnels ; ou

c) La protection physique et la sécurité des membres de la mission d’établissement des faits. ”

Les zones sensibles ne sont pas autrement définies et aucune restriction au droit de propriété n’est prévue par les articles 11 bis à 11 quinquies de la présente proposition de loi.

Par ailleurs, aux termes de l’article 433-6 du code pénal, “ Constitue une rébellion le fait d’opposer une résistance violente à une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissant, dans l’exercice de ses fonctions, pour l’exécution des lois, des ordres de l’autorité publique, des décisions ou mandats de justice. ”

Aux termes des articles suivants, la rébellion est punie, selon les circonstances, de peines pouvant aller jusqu’à sept ans de prison et 700 000 F d’amende.

La disposition introduite par le Sénat à l’article 4 apparaît ainsi comme redondante. L’Assemblée nationale et sa Commission de la Défense nationale avaient souhaité, pour leur part, faire le plus possible référence au droit pénal général et ne créer de dispositions de droit pénal spécial qu’en cas de stricte nécessité.

Enfin, la modification de l’article 4 a amené le Sénat à procéder à deux amendements de conséquence aux articles 5 et 6 : la mention des “ infractions aux dispositions de l’article premier de la présente loi, sous réserve des dispositions de l’article 2 ” y a été remplacée par celle des “ infractions prévues à l’article 4, sous réserve des dispositions de l’article 2 ”. Votre rapporteur se contentera de préciser que si, eu égard aux dispositions nouvelles introduites à l’article 4, le remplacement de la référence à l’article premier par une référence à l’article 4 est logique, le rappel de la réserve des dispositions de l’article 2 est inutile, celle-ci étant incluse dans la référence à l’article 4.

II. —  L’URGENCE D’UNE ADOPTION DÉFINITIVE

Au bout du compte, il faut constater que le dispositif qui revient du Sénat est de même portée que celui issu des travaux de l’Assemblée nationale, mais aussi moins bien adapté et moins précis. En même temps, et contre l’évidence, sa rédaction fait disparaître autant que possible le caractère d’initiative parlementaire qu’il avait d’abord.

A. —  L’ALTERNATIVE OUVERTE PAR LE SÉNAT

Dans cette situation, deux voies s’ouvrent à l’Assemblée nationale. La première consiste à rétablir la cohérence et la précision du texte : transfert des dispositions de l’article 1A à l’article 3 et rétablissement de la définition des mines, oubliée par le Sénat, nouvelle rédaction de l’article 2, cohérente avec la première rédaction des articles 2 et 11, suppression éventuelle du troisième alinéa de l’article 4 et rectification de la rédaction des articles 5 et 6.

Cependant, les imprécisions, les redondances et les modifications de structure que le Sénat a introduites dans le texte d’abord adopté par l’Assemblée nationale n’ont pas eu pour effet d’en modifier le fond : les interdictions, les exceptions, les définitions et les sanctions restent les mêmes ; le Sénat n’a en rien modifié les mesures d’application de la Convention d’Ottawa introduites par le Gouvernement.

La seule différence opérationnelle concerne la suppression de l’autorisation de stockage aux fins de destruction des mines. La Commission de la Défense de l’Assemblée nationale avait cru que l’autorisation du stockage serait appréciée par le Gouvernement, dans la mesure où elle donnerait aux services de l’Etat plus de facilités pour accomplir leur mission. Le Gouvernement ayant approuvé la rédaction issue des débats du Sénat, elle ne peut que prendre acte de cette acceptation, et invite dès lors la Commission pour l’élimination des mines antipersonnel à la faire respecter strictement par le Gouvernement.

Tout en regrettant certaines modifications du dispositif par le Sénat, l’Assemblée est ainsi également en situation de voter celui-ci sans modification. Pour choisir entre ces deux voies, il convient de revenir aux raisons qui ont présidé au dépôt puis à l’adoption en première lecture de la présente proposition de loi.

B. —  LE PARTI PRIS DE L’EFFICACITÉ

Le motif premier de l’action de l’Assemblée nationale a d’abord été de couper court aux impatiences et aux doutes qui se développaient devant le retard que semblait prendre la ratification de la Convention d’Ottawa. L’adoption en première lecture à l’unanimité des membres de l’Assemblée nationale, et donc des groupes politiques qui la composent, tant en Commission de la Défense qu’en séance publique, a montré que la France était effectivement décidée à bannir les mines antipersonnel de son arsenal. C’était l’affirmation de la volonté politique claire et forte que tous attendaient.

L’adoption définitive de la proposition de loi aura elle aussi son efficience propre : celle de montrer que le Parlement aura conduit par lui-même jusqu’au bout la réalisation législative de la volonté politique qu’il avait exprimée.

En regard de ces ambitions, il ne faut pas se cacher les risques qui seraient pris par une prolongation de la navette : la proposition de loi, d’abord élaborée pour hâter l’interdiction, pourrait n’être adoptée que bien après l’autorisation de ratification des traités demandée par le Gouvernement.

Au-delà des quelques imperfections introduites par le Sénat dans le dispositif de la proposition de loi, c’est l’achèvement du processus d’Ottawa et le maintien du rôle de référence de notre pays dans la marche à l’abolition des mines antipersonnel qu’il faut avoir à l’esprit. Ce double objectif impose une entrée en vigueur la plus rapide possible de la loi française.

C’est pourquoi l’efficacité commande d’adopter sans modification la proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative à l’élimination des mines antipersonnel.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné, le jeudi 18 juin 1998, en deuxième lecture, la proposition de loi modifiée par le Sénat tendant à l’élimination des mines antipersonnel (n° 962), sur le rapport de M. Robert Gaïa.

M. Robert Gaïa, rapporteur, a souligné que l’examen de la proposition de loi par le Sénat faisait apparaître une approbation totale par ce dernier des mesures proposées et des objectifs poursuivis par l’Assemblée nationale. Détaillant les décisions prises par le Sénat, il a indiqué qu’une des modifications essentielles qu’il avait apportée au texte consistait à ajouter aux activités interdites la conservation des mines, à côté de leur stockage et qu’il avait approuvé, quant au fond, la quasi totalité des autres dispositions de la proposition de loi.

Relevant que, de ce fait, les amendements adoptés par le Sénat étaient pour l’essentiel soit rédactionnels, soit de précision, il a ajouté qu’il ne pouvait toutefois pas proposer sans réserves à la Commission d’adopter sans modification la proposition de loi ainsi modifiée, l’ampleur des réécritures et des modifications de structure auxquelles il avait été procédé créant plusieurs difficultés.

Il a expliqué que celles-ci venaient d’abord des dispositions relatives aux exceptions aux interdictions ; il a relevé en particulier que la rédaction adoptée par le Sénat ne permettait plus le stockage des mines confiées à la France par les pays étrangers aux fins de destruction, mais seulement leur transfert. Regrettant la souplesse d’action ainsi ôtée aux services chargés de la destruction des mines, M. Robert Gaïa a estimé cependant que, dans la mesure où le Gouvernement avait approuvé la rédaction issue des débats du Sénat, il pouvait proposer à la Commission de la Défense de s’y rallier.

Il a également estimé que le Sénat, par les importantes modifications de structure qu’il avait introduites, sans rien apporter de significatif au fond du texte, lui avait fait prendre l’apparence d’une simple mesure d’application d’une convention soumise à ratification par le Gouvernement, alors que tel n’était pas le cas.

Il s’est enfin déclaré dubitatif sur l’intérêt de la disposition ajoutée par le Sénat pour sanctionner de façon spécifique le fait de faire obstacle aux procédures internationales d’établissement des faits prévues par la Convention d’Ottawa, eu égard notamment à l’existence des articles 433-6 à 433-9 du code pénal relatifs à la rébellion.

Concluant que, mis à part quelques amendements de forme, l’apport du Sénat se résumait à l’introduction, dans le dispositif législatif, d’imperfections sans conséquence sur le fond, le rapporteur a fait valoir que la mise en oeuvre d’un dispositif national d’élimination des mines antipersonnel revêtait un caractère d’urgence dans la mesure où elle devait permettre à la France de jouer pleinement son rôle d’exemple et d’entraînement pour les autres pays. Il a estimé qu’il revenait, dans ces conditions, à l’Assemblée nationale d’agir avec sagesse, et proposé en conséquence à la Commission d’adopter sans modification la proposition de loi.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Commission a alors adopté sans modification la proposition de loi, modifiée par le Sénat (n° 962), tendant à l’élimination des mines antipersonnel.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte adopté par l’Assemblée

nationale en première lecture

___

Texte adopté par le Sénat

en première lecture

___

Propositions de la Commission

___

Proposition de loi tendant à l’élimination des mines antipersonnel

Proposition de loi tendant à l’élimination des mines antipersonnel

Proposition de loi tendant à l’élimination des mines antipersonnel

 

Art. 1er A (nouveau)

Art. 1er A (nouveau)

 

Pour l'application de la présente loi, les termes "mines antipersonnel" et "transfert" ont le sens qui leur est donné par la convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, signée à Ottawa le 3 décembre 1997, ci-après dénommée la convention d'Ottawa.

(Sans modification)

Art. 1er.

Art. 1er.

Art. 1er.

La mise au point, la fabrication, la production, l'acquisition, le stockage, l'offre, la cession, l'importation, l'exportation, le transfert et l'emploi des mines antipersonnel sont interdits.

...le stockage,

la conservation, l’offre...

(Sans modification)

Art. 2.

Art. 2.

Art. 2.

Sont toutefois permis le stockage et le transfert de mines antipersonnel pour la mise au point de techniques de détection des mines, de déminage ou de destruction des mines, et pour la formation à ces techniques, en nombre approprié à ces fins.

Nonobstant les dispositions de l'article 1er, les services de l'Etat sont autorisés :

- à conserver les stocks existants de mines antipersonnel jusqu'à leur destruction au plus tard le 31 décembre 2000,

(Sans modification)

Sont également permis le stockage et le transfert des mines antipersonnel aux fins de destruction.

- à transférer des mines antipersonnel en vue de leur destruction,

 
 

- à conserver ou transférer un certain nombre de mines antipersonnel pour la mise au point de techniques de détection des mines, de déminage ou de destruction des mines et pour la formation à ces techniques, le nombre de mines détenues à ces fins ne pouvant excéder 5 000 à partir du 31 décembre 2000.

 
 

Les services de l'Etat peuvent confier ces opérations à des personnes agréées.

 

Art. 3.

Art. 3.

Art. 3.

Par mine antipersonnel, on entend une mine conçue pour exploser du fait de la présence, de la proximité ou du contact d'une personne et destinée à mettre hors de combat, blesser ou tuer une ou plusieurs personnes. Les mines conçues pour exploser du fait de la présence, de la proximité ou du contact d'un véhicule et non d'une personne qui sont équipées de dispositifs antimanipulation ne sont pas considérées comme des mines antipersonnel du fait de la présence de ces dispositifs.

Supprimé

Maintien de la suppression

Par mine, on entend un engin conçu pour être placé sous ou sur le sol ou une autre surface, ou à proximité, et pour exploser du fait de la présence, de la proximité ou du contact d'une personne ou d'un véhicule.

   

Par transfert, on entend, outre le retrait matériel des mines antipersonnel du territoire d'un Etat ou leur introduction matérielle dans celui d'un autre Etat, le transfert du droit de propriété et du contrôle sur ces mines, mais non la cession d'un territoire sur lequel des mines antipersonnel ont été mises en place.

   

Art. 4.

Art. 4.

Art. 4.

Les infractions aux dispositions de l'article 1er de la présente loi, sous réserve des dispositions de l'article 2, sont punies de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende.

(Alinéa sans modification)

(Sans modification)

Les tentatives d'infraction sont punies de la même peine.

(Alinéa sans modification)

 
 

Le fait de s'opposer ou de faire obstacle aux procédures internationales d'établissement des faits prévues à l'article 11 ter de la présente loi est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende.

 

Art. 5.

Art. 5.

Art. 5.

Les personnes physiques coupables des infractions aux dispositions de l'article 1er de la présente loi, sous réserve des dispositions de l'article 2, encourent également les peines complémentaires prévues aux articles 221-8 à 221-11 du code pénal.

...des infractions prévues à l'article 4, sous réserve...

(Sans modification)

Art. 6.

Art. 6.

Art. 6.

Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal, des infractions aux dispositions de l'article 1er de la présente loi, sous réserve des dispositions de l'article 2.

...des infractions

prévues à l'article 4, sous réserve...

(Sans modification)

Les peines encourues par les personnes morales sont :

(Alinéa sans modification)

 

1° L’amende, suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal ;

(Alinéa sans modification)

 

2° Les peines mentionnées à l’article 131-39 du code pénal.

(Alinéa sans modification)

 

L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.

...131-39 du code pénal porte...

 

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Art. 8.

Art. 8.

Art. 8.

Lorsque les infractions aux dispositions de l'article 1er de la présente loi, sous réserve des dispositions de l'article 2, sont commises hors du territoire de la République par un Français, la loi française est applicable, par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 113-6 du code pénal, et les dispositions de la deuxième phrase de l'article 113-8 du même code ne sont pas applicables.

... la loi pénale

française...

(Sans modification)

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Art. 11.

Art. 11.

Art. 11.

Les opérations mentionnées à l'article 2 sont effectuées par les services de l'Etat ou sous leur contrôle.

Supprimé

Maintien de la suppression

Les stocks existants de mines antipersonnel seront détruits au plus tard le 31 décembre 2000.

   

Toutefois, des mines antipersonnel pourront être détenues sous le contrôle des services de l'Etat aux fins mentionnées au premier alinéa de l'article 2. Leur nombre ne peut excéder 5 000 à partir du 31 décembre 2000.

   

Art. 11 bis (nouveau)

Art. 11 bis

Art. 11 bis

Sont soumis à déclaration, dans les conditions prévues à l'article 7 de la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, signée à Ottawa le 3 décembre 1997, ci-après dénommée la Convention d'Ottawa :

...à l'article 7 de la

convention d'Ottawa :

(Sans modification)

1° Par leur détenteur :

(Alinéa sans modification)

 

a) Le total des stocks de mines antipersonnel, incluant une ventilation par type, quantité, et si cela est possible, par numéro de lot pour chaque type de mines antipersonnel stockées,

(Alinéa sans modification)

 

b) Les types et quantités et, si possible, les numéros de lots de toutes les mines antipersonnel conservées ou transférées pour la mise au point de techniques de détection des mines antipersonnel, de déminage ou de destruction des mines antipersonnel, et pour la formation à ces techniques,

(Alinéa sans modification)

 

c) Les types et quantités, et si possible, les numéros de lots de toutes les mines antipersonnel transférées dans un but de destruction,

(Alinéa sans modification)

 

d) L'état des programmes de destruction des stocks de mines antipersonnel, y compris des précisions sur les méthodes utilisées pour la destruction et les normes observées en matière de sécurité et de protection de l'environnement,

(Alinéa sans modification)

 

e) Les types et quantités de toutes les mines antipersonnel détruites après l'entrée en vigueur de la Convention, y compris une ventilation de la quantité de chaque type de mines antipersonnel détruites de même que, si possible, les numéros de lots de chaque type de mines antipersonnel ;

(Alinéa sans modification)

 

2° Par leur exploitant :

(Alinéa sans modification)

 

a) Les installations autorisées à conserver ou à transférer des mines antipersonnel à des fins de destruction ou pour la mise au point de techniques de détection des mines antipersonnel, de déminage ou de destruction des mines antipersonnel, et pour la formation à ces techniques,

(Alinéa sans modification)

 

b) L'état des programmes de reconversion ou de mise hors service des installations de production des mines antipersonnel.

(Alinéa sans modification)

 

Art. 11 ter (nouveau)

Art. 11 ter

Art. 11 ter

Les missions d'établissement des faits prévues à l'article 8 de la Convention d 'Ottawa portent sur toutes les zones ou toutes les installations situées sur le territoire français où il pourrait être possible de recueillir des faits pertinents relatifs au cas de non respect présumé qui motive la mission.

(Alinéa sans modification)

(Sans modification)

Les missions d'établissement des faits sont effectuées par des inspecteurs habilités par le Secrétaire général des Nations unies et agréées par l'autorité administrative de l'Etat. Pour l'exécution de leur mission, les inspecteurs disposent des pouvoirs et jouissent des privilèges et immunités prévus par la Convention d'Ottawa.

Dans les conditions prévues aux huitième à dixième alinéas (8, 9, 10) de l’article 8 de la convention d’Ottawa, les missions ...

... inspecteurs dé-

signés par le Secrétaire général des Nations unies qui n’ont pas été récusés par l’autorité administrative d’un Etat. Pour l’exécution...

 

A l'occasion de chaque mission d'établissement des faits, l'autorité administrative de l'Etat désigne une équipe d'accompagnement dont chaque membre a la qualité d'accompagnateur.

(Alinéa sans modification)

 

Les accompagnateurs accueillent les inspecteurs à leur point d'entrée sur le territoire, assistent aux opérations effectuées par ceux-ci et les accompagnent jusqu'à leur sortie du territoire.

(Alinéa sans modification)

 

Le chef de l'équipe d'accompagnement veille à la bonne exécution de la mission. Dans le cadre de ses attributions, il représente l'Etat auprès du chef de l'équipe d'inspection et des personnes soumises à l'inspection. Il peut déléguer certaines de ses attributions aux autres accompagnateurs.

(Alinéa sans modification)

 

Le chef de l'équipe d'accompagnement se fait communiquer le mandat d'inspection. Il vérifie au point d'entrée sur le territoire de la mission d'établissement des faits que les équipements détenus par les inspecteurs sont exclusivement destinés à être utilisés pour la collecte de renseignements sur le cas de non-respect présumé. Il s'assure que ces équipements sont conformes à la liste communiquée par la mission avant son arrivée.

(Alinéa sans modification)

 

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Art. 11 quinquies (nouveau)

Art. 11 quinquies

Art. 11 quinquies

Lorsque la mission d'établissement des faits demande l'accès à des zones, locaux, documents, données ou informations ayant un caractère confidentiel ou privé, le chef de l'équipe d'accompagnement, le cas échéant à la demande de la personne concernée, informe par écrit le chef de la mission d'établissement des faits du caractère confidentiel ou privé susmentionné.

(Alinéa sans modification)

(Sans modification)

Le chef de l'équipe d'accompagnement peut prendre toutes dispositions qu'il estime nécessaires à la protection de la confidentialité et du secret relatif aux zones, locaux, documents, données ou informations concernées ainsi que les droits de la personne.

(Alinéa sans modification)

 

Le chef de l'équipe d'accompagnement s'assure qu'aucun document, donnée ou autre type d'information sans rapport avec la mission d'établissement des faits n'est détenu par les inspecteurs. A l'issue de la mission de vérification des faits, il vérifie que les documents et informations qu'il désigne comme confidentiels bénéficient d'une protection appropriée.

(Alinéa sans modification)

 

Le chef de l'équipe d'accompagnement est tenu, lorsqu'il fait usage des pouvoirs visés aux deux articles précédents, de faire tout ce qui est raisonnablement possible pour proposer des mesures de substitution visant à démontrer le respect de la Convention et à satisfaire aux demandes que l'équipe d'inspection formule en application du mandat de la mission d'établissement des faits.

... deux alinéas précédents, ...

 

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N° 994.– Rapport de M. Robert Gaïa, (au nom de la commission de la défense), sur la proposition de loi, modifiée par le Sénat (n° 962), tendant à l’élimination des mines antipersonnel.