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SOMMAIRE Pages Document mis en distribution le 29 juin 1998 N° 1019 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 juin 1998. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE LOI (n° 956) relatif à laccès au droit et à la résolution amiable des conflits, PAR M. JACQUES BRUNHES, Député. (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Justice. La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Jean-Louis Borloo, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Ameline, MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Bernard Derosier, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Gilbert Roseau, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann. INTRODUCTION 7 A. LE PROJET DE LOI FAVORISE LE DÉVELOPPEMENT DES PROCÉDURES AMIABLES DE RÉSOLUTION DES CONFLITS 9 1. Réorganisée par la loi du 10 juillet 1991, laide juridictionnelle sest développée 10 a) Laide juridictionnelle a fortement augmenté 10 b) Le nombre dadmissions à laide juridictionnelle na cessé de croître 12 c) La faiblesse des plafonds écarte du bénéfice de laide juridictionnelle un pourcentage important de la population 13 2. Le projet de loi perfectionne le dispositif de laide juridictionnelle 14 3. Le projet de loi élargit laide financière de lEtat à la transaction avant procès et à la médiation pénale 15 a) Laide juridictionnelle pourra être accordée en vue de parvenir à une transaction de nature à éviter la saisine de la juridiction 16 b) Le bureau de l'aide juridictionnelle pourra accorder une aide à l'intervention de l'avocat en matière de médiation pénale 17 B. LE PROJET DE LOI DONNE UNE NOUVELLE IMPULSION À L'AIDE À L'ACCÈS AU DROIT 20 1. Créée par la loi du 10 juillet 1991, l'aide à l'accès au droit na pas connu tous les développements espérés 21 a) La mise en place dune aide à l'accès au droit répond à un besoin fondamental 21 b) Le bilan de lactivité des conseils départementaux daide juridique mis en place est contrasté 22 2. Le projet de loi favorise la généralisation de l'aide à l'accès au droit en réajustant son cadre institutionnel 23 a) Les modalités de création et de fonctionnement des conseils départementaux chargés de laide à laccès au droit sont simplifiées 23 b) Le développement de laide à laccès au droit est lié à lessor du règlement amiable des litiges 24 c) La politique daccès au droit est incluse dans la politique de lutte contre les exclusions 24 C. LE PROJET DE LOI INSTITUTIONNALISE LES MAISONS DE JUSTICE ET DU DROIT 24 1. Les maisons de justice et du droit sont nées dune réponse pragmatique à des besoins locaux 24 a) Une organisation et un fonctionnement très diversifiés 25 b) Des activités communes 25 2. La circulaire du 19 mars 1996 a encadré la création et le fonctionnement des maisons de justice et du droit 28 3. Le projet de loi intègre les maisons de justice et du droit dans le code de lorganisation judiciaire 28 AUDITION de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice 31 DISCUSSION GÉNÉRALE 51 EXAMEN DES ARTICLES 57 TITRE PREMIER DISPOSITIONS MODIFIANT LA LOI N° 91-647 DU 10 JUILLET 1991 RELATIVE À LAIDE JURIDICTIONNELLE 57 Chapitre premier De laide juriditionnelle 57 Avant larticle premier (art. 4 de la loi du 10 juillet 1991) : Evolution du plafond des ressources pour ladmission à laide juridictionnelle 57 Article premier (art. 10 et 39 de la loi du 10 juillet 1991) : Extension de laide juridictionnelle à la transaction 58 Article 2 (art. 16 de la loi du 10 juillet 1991) : Rôle du vice-président du bureau daide juridictionnelle 61 Article 3 (art. 22 de la loi du 10 juillet 1991) : Examen des demandes ne présentant pas de difficulté sérieuse 62 Article 4 (art. 36 de la loi du 10 juillet 1991) : Demande dhonoraires en cas de retour à meilleure fortune par suite du gain du procès 63 Article 5 (art. 37 de la loi du 10 juillet 1991) : Délai de perception de la contribution de lEtat en cas de condamnation à des frais irrépétibles 64 Après larticle 5 64 Article 6 (art. 50 de la loi du 10 juillet 1991) : Procédures de retrait de laide juridictionnelle 64 Article 7 (art. 52-1 de la loi du 10 juillet 1991) : Communication des conditions de retrait 66 Chapitre II De laide à laccès au droit 66 Article 8 (art. 53 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991) : Définition de laide à laccès au droit 67 Article 9 (art. 54 à 60 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991) : Mise en uvre de laide à laccès au droit 70 Article 54 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : Missions du conseil départemental de laccès au droit et de la résolution amiable des litiges 73 Article 55 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : Statut et constitution du conseil départemental de l'accès au droit et de la résolution amiable des litiges 73 Article 56 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : Représentants avec voix consultative 75 Article 57 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : Réception et répartition des ressources permettant de financer laide à l'accès au droit 76 Article 58 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : Etablissement du barème du montant des frais de consultation pouvant rester à la charge du bénéficiaire 77 Article 59 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : Bénéfice de laide à laccès au droit pour les Français établis hors de France 77 Article 60 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : Attributions du ministre des affaires étrangères et des chefs des postes diplomatiques et consulaires en matière daide à l'accès au droit 77 Article 10 (art. 69 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991) : Tarification des consultations juridiques organisées dans le cadre de laide à laccès au droit 78 Article 11 (art. 29 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991) : Coordinations 79 Chapitre III De laide à lintervention de lavocat au cours de la garde à vue et en matière de médiation pénale 80 Article 12 (art. premier de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991) : Coordination 81 Article 13 Coordination 81 Article 14 (art. 64-2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991) : Aide à lintervention de lavocat en matière de médiation pénale 81 Chapitre IV Dispositions diverses et transitoires 82 Article 15 (art. 45, 46, 49 et 61 à 64 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991) : Abrogations 82 Articles 45, 46 et 49 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : Remboursement des frais couverts par laide juridictionnelle 83 Articles 61 et 62 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : Aide à la consultation 83 Articles 63 et 64 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : Assistance au cours de procédures non juridictionnelles 83 Après larticle 15 : Coordination 83 Article 16 : Dispositions transitoires 84 Après larticle 16 84 TITRE II DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE LORGANISATION JUDICIAIRE ET RELATIVES AUX MAISONS DE JUSTICE ET DU DROIT 84 Article 17 (art. L. 7-11-1-1, L. 7-11-1-2 et L. 7-11-1-3 du code de lorganisation judiciaire) : Institutionnalisation des maisons de justice et du droit 84 TITRE III DISPOSITIONS RELATIVES À LOUTRE-MER 88 Articles 18 et 19 (ordonnances nos 92-1143 et 92-1147 du 12 octobre 1992) : Aide juridictionnelle à Mayotte et dans les territoires doutre-mer 88 Titre 91 TABLEAU COMPARATIF 93 AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 119 PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 125 ANNEXES 127 Liste des conseils départementaux de laide juridique 129 Liste des maisons de justice et du droit 131 Législation sur laide juridique dans quelques pays de lUnion européenne 133 MESDAMES, MESSIEURS, Engagée sans tarder par le Gouvernement, et amorcée par la modification de la composition et des compétences du Conseil supérieur de la magistrature, la réforme de la justice donnera lieu à lexamen de sept textes au Parlement. Le projet de loi relatif à laccès au droit et à la résolution amiable, qui nous est soumis aujourdhui, est un texte clef de cette réforme globale qui rompt avec des années de réformisme timide, où des textes éclatés et sans vision densemble, nont pas apporté de solutions à la hauteur des enjeux. Laccès au droit est un droit fondamental qui participe dune vision citoyenne de la justice : cest un élément essentiel du pacte démocratique, car il découle du principe dégalité, contribue à la dignité humaine et conditionne un exercice effectif de la citoyenneté. La demande de droit va croissant et touche tous les domaines de la vie, car les mécanismes traditionnels de régulation se sont grippés entraînant de ce fait une juridiciarisation des questions de société. A défaut dune régulation par le droit accessible à tous, les conflits seront gérés par lutilisation inégalitaire de la force, de largent ou du savoir. La régulation par le droit nest dailleurs pas forcément la régulation par le juge, cest là toute la différence entre laccès au droit et laccès à la justice, qui ne sont pas exclusifs mais ne sont pas conditionnés lun par lautre. Ce projet, qui entend ouvrir à tous les portes du droit, aura de grandes conséquences sur le fonctionnement de la justice au quotidien, cette justice de proximité à laquelle nos concitoyens sont attachés et qui parvient de plus en plus difficilement à traiter de manière satisfaisante les petits contentieux . Or, le traitement de ces affaires, de nature civile le plus fréquemment ou pénale, est souvent la seule occasion de rencontre de linstitution judiciaire : lappréciation portée par les justiciables sur le service public de la justice est alors sévère, quil sagisse de sa lenteur, de son coût ou de linsuffisance découte. Le projet poursuit un objectif des plus ambitieux : acclimater en France une culture du compromis , selon lexpression de Paul Ricur, alors que la demande croissante de droit dans une société de plus en plus complexe sest traduite par le développement des procès, ce goût français pour la chicane nétant pas nouveau si lon en juge par les auteurs classiques. Il sagit donc dencourager le développement de procédures non contentieuses au cours du procès mais mieux encore en amont dune saisine du juge afin de la rendre inutile auxquelles le législateur a déjà donné un cadre, quil sagisse de la conciliation, de la médiation ou de la transaction. Linformation doit être développée afin de mieux faire connaître ces procédures de résolution amiable des litiges et de susciter un réflexe non-contentieux : cela est particulièrement nécessaire pour les litiges civils, de loin les plus nombreux, dans lesquels linitiative de saisir un conciliateur appartient aux intéressés eux-mêmes tandis que, en cas de dépôt dune plainte ou de saisine dun juge, la conciliation ou la médiation sont proposées par un magistrat. Lincitation à la résolution amiable des conflits ne doit pas être perçue comme une sous-justice , tout juste bonne pour les petits contentieux . Bien au contraire, elle ajoute à la résolution du conflit une dimension dapaisement social que ne procure pas toujours une décision judiciaire : lune des parties y perd finalement la face, parfois longtemps après les faits et le dommage causé nest pas toujours réparé par son auteur. Les effets de ce texte devraient aussi se faire sentir dans laccès de tous aux droits ouverts par les lois et règlements, droits qui peuvent rester formels faute dêtre connus où dêtre mis en uvre par incapacité daffronter les prescripteurs. Ce soutien est particulièrement nécessaire pour les personnes en situation de grande précarité et le projet de loi relatif à laccès au droit complète très opportunément le projet de loi dorientation relatif à la lutte contre les exclusions, qui fait de cette lutte un impératif national fondé sur le respect de légale dignité de tous les êtres humains et une priorité de lensemble des politiques publiques de la Nation . Compte tenu de lexpérience accumulée depuis le vote de la loi du 10 juillet 1991 relative à laide juridique, le projet contient un ensemble de mesures concrètes qui permettront à chacun, quels que soient son bagage intellectuel et sa situation sociale, de connaître ses droits et ses obligations, dobtenir la mise en uvre de ses droits, de résoudre à lamiable un litige le concernant et daccéder au juge si nécessaire. Ce projet devrait donc induire une véritable révolution culturelle de nos murs juridico-judiciaires en apportant, face à une demande croissante de soumission au droit de notre vie sociale, des réponses compréhensibles, efficaces, rapides et apaisantes . Cest en tout cas le pari que fait la Chancellerie et la priorité que sest assignée la garde des sceaux, qui a fait du projet de loi relatif à laccès au droit et à la résolution amiable des conflits le texte emblématique de sa réforme de la justice. Pour toute ces raisons, votre rapporteur vous engage vivement à soutenir et à inscrire cette volonté dans la loi et, donc, dans la durée. Mais, pour que cette grande ambition prenne corps, des moyens supplémentaires, en personnels et en crédits, devront impérativement être dégagés pour accompagner la réforme proposée, faute de quoi les habitudes ne pourront pas évoluer. Lobjectif de ce texte nest pas de faire des économies, mais bien de réorienter les personnes en but à un litige vers une solution où le droit est dit dans des conditions plus satisfaisantes en termes de rapidité et de paix sociale. Si ce projet contribue accessoirement à désengorger les juridictions, il ny aura pas lieu de sen plaindre quand les Français nont jamais autant sollicité linstitution judiciaire : mais là nest pas sa finalité première. En 1996, 1.540.091 affaires civiles ont été introduites au fond ; 5.185 495 procès-verbaux ont été reçus dans les parquets, 4.114.672 ont été classés sans suite (90.128 ayant toutefois donnés lieu à des procédures alternatives aux poursuites) et 590.235 affaires ont été orientées vers les tribunaux. Si lexplosion des contentieux, selon lexpression consacrée, est indéniable et se poursuit, les gains de productivité dégagés ces dernières années par les magistrats et les personnels de justice trouvent aujourdhui leurs limites, même si quelques redéploiements deffectifs restent possibles. Ce projet est donc porteur de grandes espérances pour tous ceux qui, aujourdhui encore, peinent à accéder à leurs droits, ce qui va bien au-delà des plus démunis dentre nous. On regrettera, toutefois, le renvoi par trop systématique à des décrets en Conseil dEtat pour lapplication de la réforme. Il nest pas satisfaisant, par exemple, de navoir aucune visibilité quant au contenu des maisons de justice et du droit, notamment sous langle de la présence judiciaire. Votre rapporteur souhaite, donc, vivement que les projets de décret voient le jour avant la fin de la navette parlementaire. Quoi quil en soit, et malgré quelques zones dombre, ce projet contient des avancées très fortes par rapport au texte originel de la loi du 10 juillet 1991 sur laide juridique, dont bénéficieront également la collectivité territoriale de Mayotte et les territoires doutre-mer (titre III du projet) : il favorise le règlement amiable des litiges (A) et donne une nouvelle impulsion à laide à laccès au droit (B) ; il institutionnalise les maisons de justice et du droit, lieu naturel de résolution amiable des conflits et daide à laccès au droit (C). A. LE PROJET DE LOI FAVORISE LE DÉVELOPPEMENT DES PROCÉDURES AMIABLES DE RÉSOLUTION DES CONFLITS Réorganisé par la loi du 10 juillet 1991, le dispositif dattribution de laide juridictionnelle a globalement bien fonctionné (1). Le projet de loi y apporte quelques améliorations (2) et élargit laide financière de lEtat à la transaction avant procès et à la médiation pénale (3) afin dencourager les négociations précontentieuses. 1. Réorganisée par la loi du 10 juillet 1991, laide juridictionnelle sest développée Laide juridictionnelle a fortement augmenté (a) et le nombre dadmissions na cessé de croître (b), même si la faiblesse des plafonds en écarte un pourcentage important de la population (c). a) Laide juridictionnelle a fortement augmenté Succédant à laide judiciaire, laide juridictionnelle instituée par la loi du 10 juillet 1991 permet daider les personnes dont les ressources sont inférieures à un certain plafond à faire valoir leurs droits en justice. Elle est accordée en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense, devant toute juridiction, ainsi que pour lexécution dun jugement ou dun acte. Les frais de médiation judiciaire entrent dans son champ dapplication. Elle est de droit pour les procédures, actes ou mesures dexécution des décisions de justice obtenues avec son bénéfice et pour se défendre en cas dexercice des voies de recours. Les bureaux daide juridictionnelle, établis au siège de chaque tribunal dinstance, sont chargés de se prononcer sur les demandes dadmission. Chaque bureau comporte, sil y a lieu, plusieurs sections compétentes respectivement pour les juridictions judiciaires de première instance et la cour dassises, les juridictions administratives statuant en premier ressort, les cours dappel et les cours administratives dappel ; il existe en outre un bureau daide auprès de la Cour de cassation, du Conseil dEtat et des commissions de recours des réfugiés. Le bureau ou la section de bureau daide juridictionnelle est présidé, selon le cas, par un magistrat du siège du tribunal de grande instance ou de la cour dappel ou un membre du tribunal administratif ou de la cour administrative dappel ; il comprend des représentants des professions juridiques et des administrations qui sont tenus au secret professionnel. Le bureau ou la section de bureau daide juridictionnelle chargé de se prononcer sur la demande peut recueillir tous renseignements sur la situation financière de lintéressé, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ; les décisions de rejet doivent être motivées ; en cas durgence, le président du bureau peut prononcer ladmission provisoire à laide juridictionnelle ; il peut également rejeter seul les demandes manifestement irrecevables. La décision du bureau ou de son président peut être déférée devant le président de la juridiction concernée par le litige qui statue lui-même sans recours. Laide juridictionnelle procure à son bénéficiaire le concours des avocats et de tous les officiers publics ministériels et lexonère des honoraires et des frais quil aurait eu à supporter normalement. Toutefois, laide juridictionnelle partielle laisse à sa charge un honoraire complémentaire négocié avec lavocat. Il peut avoir recours à lauxiliaire de justice de son choix et ce nest quà défaut de choix ou en cas de refus de lauxiliaire de justice choisi que celui-ci est désigné par le bâtonnier ou par le président de lorganisme professionnel dont il dépend. Les auxiliaires de justice autres que les avocats perçoivent une rétribution selon un barème établi par un décret en Conseil dEtat ; pour les avocats, la rétribution est versée par leur barreau grâce à une dotation de lEtat fixée en fonction, dune part, du nombre de missions daide et, dautre part, du produit dun coefficient par type de procédure et dune unité de valeur déterminée chaque année par la loi de finances (132 F en 1998). Les auxiliaires de justice rémunérés par un tarif peuvent renoncer à percevoir la contribution de lEtat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de laide le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre ; les avocats bénéficient dune disposition similaire puisquils peuvent demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens et qui nest pas bénéficiaire de laide juridictionnelle à une somme au titre des frais que leur client aurait exposés sans cette aide ; si la condamnation est obtenue, ils peuvent renoncer à percevoir la contribution de lEtat et poursuivre le recouvrement à leur profit de la somme allouée par le juge. Le bénéficiaire de laide juridictionnelle est également dispensé du paiement des frais de justice (taxe des témoins, honoraires des experts, frais de correspondance, etc.). Le recouvrement de ces frais dus à lEtat se fait différemment selon que le bénéficiaire de laide est ou non condamné aux dépens : dans le premier cas, il supporte en principe exclusivement la charge des frais exposés par son adversaire, sauf si le juge laisse une partie des dépens à la charge du Trésor public ; dans le second cas, les frais sont recouvrés par lEtat sur la partie condamnée, à moins que cette dernière bénéficie également dune aide. Laide juridictionnelle peut enfin être retirée lorsque le bénéficiaire obtient, indépendamment de linstance, des ressources telles que si elles avaient existé au jour de la demande daide, celle-ci naurait pas été accordée ou lorsque laide a été obtenue par une déclaration frauduleuse ; le retrait est prononcé par le bureau qui a accordé laide. Par ailleurs, le juge peut condamner le bénéficiaire de laide à rembourser les frais exposés lorsque le jugement lui à procuré des ressources telles que si elles avaient existé au jour de la demande, laide ne lui aurait pas été accordée ou lorsque laction a été jugée dilatoire ou abusive. Lors de son audition par votre rapporteur, Mme Dominique de la Garanderie a suggéré que le bénéficiaire de laide juridictionnelle puisse se faire assister de plusieurs avocats lorsque laffaire se révèle particulièrement complexe. Elle a, par ailleurs, réitéré son souhait de voir appliquer un taux réduit de T.V.A. sur les actes accomplis dans le cadre de laide juridictionnelle. b) Le nombre dadmissions à laide juridictionnelle na cessé de croître La réforme de 1991 a entraîné un fort développement de laide juridictionnelle : le nombre dadmissions est ainsi passé de 388.250 en 1992 à plus de 709.500 en 1997, soit une progression de 82,7 % en cinq ans. ÉVOLUTION DES ADMISSIONS À LAIDE LÉGALE DEPUIS 1984 (Aide juridictionnelle totale et partielle)
Source : répertoire de laide juridictionnelle. Le taux de rejet sétablit à 9,1 % ; plus de la moitié des rejets sont motivés par lexistence de ressources supérieures aux plafonds. Les admissions à laide juridictionnelle totale représentent toujours une part prépondérante des admissions (87,4 %). Les admissions à laide pénale progressent dans lensemble plus vite que les admissions à laide civile ; elles ne représentent cependant que 38,5 % des admissions totales. Les admissions pour les contentieux civil, principalement familiaux, occupent les trois cinquième des admissions totales à laide juridictionnelle ; les divorces génèrent un nombre important daides juridictionnelles, stabilisé autour de 120.000 depuis quelques années ; en revanche, le contentieux familial hors divorces a augmenté de près de 11 % en 1997. Daprès lenquête réalisée en 1995 par linspection générale des services judiciaires, les demandeurs de laide juridictionnelle sont âgés en moyenne de 37 ans et sont majoritairement des femmes (58,7 %) ; la proportion de femmes est plus importante dans les contentieux de la famille puisque celles-ci représentent alors les deux tiers des bénéficiaires. Les demandeurs sont français dans 91,9 % des cas et souvent sans emploi (61,5 %). La part des chômeurs atteint 37,1 % et celle des inactifs 24,4 %. Les dotations budgétaires ont bien entendu suivi cette explosion du nombre dadmissions à laide juridictionnelle : les crédits inscrits au chapitre 46-12 sont ainsi passés de 574,7 millions de francs en 1991 à 1 228,5 millions de francs en 1998, soit une progression de 128%. Laugmentation prévisionnelle du nombre de demandes devrait conduire à une dotation de lordre de 1 500 millions de francs en 1999. c) La faiblesse des plafonds écarte du bénéfice de laide juridictionnelle un pourcentage important de la population Les plafonds daide juridictionnelle, malgré leur revalorisation annuelle indexée sur la tranche la plus basse du barème de limpôt sur le revenu, sont fixés à un niveau assez faible : au 1er janvier 1998, ils étaient de 4.901 F pour laide juridictionnelle totale et de 7.353 F pour laide juridictionnelle partielle et augmenté de 557 F par personne à charge, ce qui ne permet malheureusement pas de toucher, loin sen faut, toutes les personnes qui auraient effectivement besoin dune aide financière pour pouvoir accéder à la justice. Notons cependant que les personnes bénéficiaires de lallocation supplémentaire du Fonds national de solidarité ou du revenu minimum dinsertion sont admises de plein droit au bénéfice de cette aide, qui peut également être accordée à titre exceptionnel aux demandeurs ne remplissant pas les conditions de ressources mais dont la situation apparaît particulièrement digne dintérêt au regard de lobjet du litige ou des charges prévisibles du procès (article 6 de la loi de 1991). 2. Le projet de loi perfectionne le dispositif de laide juridictionnelle Si le bilan de la loi du 10 juillet 1991 présenté par le Gouvernement au Parlement en 1995 paraît globalement positif, les nouvelles modalités de laide juridictionnelle ayant effectivement contribué à faciliter laccès des plus démunis à la justice, des aménagements ont néanmoins été jugés nécessaires, afin daméliorer le fonctionnement des bureaux daide juridictionnelle. Un groupe de travail réunissant des parlementaires et des représentants des administrations concernées a donc été constitué au cours de lannée 1996 afin dexaminer les suites quil convenait de donner au bilan dapplication de la réforme. Tout en conservant léconomie générale du dispositif daide juridictionnelle, ce groupe de travail a formulé quelques propositions pour améliorer le fonctionnement des bureaux daide juridictionnelle et mieux maîtriser les dépenses. Ces propositions ont été approuvées par le Conseil national de laide juridique et ont reçu un écho favorable dans le rapport de M. Jean-Marie Coulon sur la procédure civile, remis en décembre 1996 au garde des sceaux, avant dêtre reprises, pour celles dentre elles qui présentent un caractère législatif, dans le projet de loi présenté par le Gouvernement. Pour répondre à lencombrement des bureaux daide juridictionnelle, le projet de loi propose délargir les pouvoirs de leur président afin que celui-ci puisse non seulement rejeter les demandes manifestement irrecevables, mais aussi admettre celles qui ne présentent pas de difficultés particulières, et procéder aux mesures dinvestigation nécessaires. Il a aussi pour objet de confier au vice-président, cest-à-dire au greffier en chef, la présidence du bureau et les pouvoirs qui y sont attachés (examen des demandes ne présentant pas de difficultés sérieuses) en cas dempêchement ou dabsence du président (articles 2 et 3 du projet de loi). Une fois le projet de loi adopté, le président ou le vice-président du bureau daide juridictionnelle aura, en outre, la charge daccorder laide à lintervention de lavocat en matière de médiation pénale et laide juridictionnelle en vue de parvenir à une transaction avant linstance. Afin de prévenir les dérives financières, le projet de loi encourage lavocat du bénéficiaire de laide à ne pas percevoir la part contributive de lEtat et à poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge lorsque la partie adverse est condamnée au paiement dune indemnité au titre des frais irrépétibles : il sera réputé avoir renoncé à sa rétribution sil ne demande pas expressément son versement dans les six mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée (article 5). Par ailleurs, lorsque la décision aura procuré au bénéficiaire de laide des ressources telles que celle-ci ne lui aurait pas été accordée si ces ressources avaient existé au jour de la demande, lavocat ne pourra demander des honoraires à son client quaprès le retrait de laide juridictionnelle (article 4). Enfin, le projet de loi unifie les procédures de retrait et de remboursement de laide juridictionnelle, actuellement trop rarement utilisées, et institue une procédure unique de retrait sous la responsabilité du bureau daide juridictionnelle (articles 6 et 7). 3. Le projet de loi élargit laide financière de lEtat à la transaction avant procès et à la médiation pénale Afin dencourager les négociations précontentieuses, le projet étend laide financière de lEtat au bénéfice des plus démunis à la transaction avant procès (a) et à la médiation pénale (b). Consultés par votre rapporteur, les bâtonniers de Paris et des Hauts-de-Seine ont fait part de leur satisfaction quant à cette mesure. AIDE JURIDICTIONNELLE AUX DIFFÉRENTES PHASES DE LA PROCÉDURE
AJ : Aide juridictionnelle telle quelle résulte des textes actuels. AJ : Aide juridictionelle ou assimilée prévue par le projet de loi. (1) Le recours à un conciliateur est gratuit. (2) Lorsque le projet de loi relatif aux alternatives aux poursuites aura été définitivement adopté. a) Laide juridictionnelle pourra être accordée en vue de parvenir à une transaction de nature à éviter la saisine de la juridiction Le Gouvernement a souhaité profiter de ces aménagements de laide juridictionnelle pour mettre en place une réforme essentielle réclamée de longue date, notamment par M. Jean-Marie Coulon, dont la finalité est dencourager le développement des procédures de règlement amiable des conflits : laide juridictionnelle pourra désormais être accordée en vue de parvenir à une transaction de nature à éviter la saisine de la juridiction au contentieux. Lorsquune transaction na pu être conclue, le versement de la rétribution de lauxiliaire de justice, dont le montant sera fixé par décret, sera subordonné à la justification du sérieux des diligences accomplies ; cette rétribution simputera sur celle due pour linstance éventuellement engagée à la suite de léchec de la transaction (article premier). Comme le souligne létude dimpact, ces nouvelles dispositions auront un effet dattrait, dont on ne peut que se réjouir, en entraînant certaines personnes démunies à régler leurs litiges par la transaction, puis, le cas échéant, par la voie contentieuse, alors quelles nauraient pas osé sengager directement dans des procédures judiciaires réputées pour leur longueur et leur complexité. Daprès les estimations figurant dans létude dimpact, le coût budgétaire de cette réforme devrait être faible : en effet, laugmentation des aides juridictionnelles au titre des transactions devrait être compensée par une diminution de celles, par définition plus coûteuses pour lEtat, accordées en vue de linstance. Cette extension de laide juridictionnelle limitera paradoxalement son caractère inflationniste , les personnes démunies nétant plus obligées daller devant le juge pour obtenir laide financière qui leur permettra de régler leur conflit. Même si ce nest pas là lobjectif principal, la réforme a également un impact budgétaire favorable sur les crédits de fonctionnement des juridictions, celles-ci se voyant déchargées des affaires qui feront lobjet de transactions. Sur la base des statistiques du contentieux patrimonial général ayant donné lieu à aide juridictionnelle, seul susceptible de faire lobjet dune transaction, soit environ 78.000 affaires, et en appliquant taux dattrait de 10 %, létude dimpact avance le chiffre de 7.800 affaires supplémentaires. En retenant comme hypothèse que seule la moitié de ces affaires nouvelles donnera lieu au paiement dune aide juridictionnelle à taux plein (transaction réussie ou débouchant sur une procédure contentieuse), lautre moitié étant rémunérée à un taux réduit évalué à la moitié du taux plein, le coût budgétaire supplémentaire est estimé à 14,7 millions de francs. Comparé au 1,2 milliard de laide juridique, ce chiffre est dérisoire et largement justifié par la possibilité offerte aux populations les plus défavorisées de faire valoir leurs droits. Votre rapporteur tient à souligner que létude dimpact se contente danalyser les conséquences budgétaires de lextension de laide juridictionnelle à la transaction, alors même que la révolution culturelle proposée par le projet suppose des moyens financiers importants, notamment en matière de formation. b) Le bureau de l'aide juridictionnelle pourra accorder une aide à l'intervention de l'avocat en matière de médiation pénale Comme le soulignait la garde des sceaux dans un discours prononcé, le 18 juin dernier, en ouverture d'un colloque consacré aux conciliateurs de justice, la justice pénale a davantage anticipé l'évolution consistant à permettre à tout individu de faire valoir ses droits sans obligatoirement assigner son adversaire devant le tribunal. En effet, lorsque dans le ressort du tribunal de Lyon, le tribunal correctionnel juge dans l'année 8.000 affaires, tandis que 4.000 font l'objet d'une médiation pénale en maison de justice, cela signifie clairement que l'on est passé du stade de l'expérimentation à celui d'une véritable politique judiciaire. Née de la pratique des parquets, et consacrée par le législateurs en 1994, la médiation pénale permet qu'une part croissante, bien qu'encore trop faible, des classements sans suite deviennent des classements sans poursuite mais non sans réponse judiciaire. Toutes cours d'appels confondues, le nombre de médiations pénales a augmenté de 75 % en seulement trois ans : 38.918 en 1996, contre 22.187 en 1993.
La médiation pénale est généralement utilisée en cas d'atteinte aux biens (vols, dégradations) et lorsque l'auteur est mineur. Pour des infractions de petite ou moyenne importance, le parquet peut ainsi privilégier à la fois la réparation effective du préjudice causé à la victime et, dans le même temps, faire uvre pédagogique, ce que ne permet pas toujours la sanction judiciaire traditionnelle. Le magistrat fait convoquer la victime et l'auteur des faits reprochés et reconnus par lui devant le médiateur, tiers habilité qu'il désigne. Si un accord intervient sur le principe et les modalités de la réparation dans des conditions raisonnables et que celle-ci est effective, le procureur classe l'affaire. La réparation peut être symbolique, les victimes se satisfaisant fréquemment d'excuses, en argent ou en nature (nettoyage de graffitis sur un mur, par exemple). On peut bien sûr arriver au même résultat avec un jugement, notamment au travers de la condamnation à un travail d'intérêt général, mais la médiation pénale est supérieure à la décision judiciaire sur bien des plans : les mesures décidées résultent de leur acceptation par l'auteur des faits et par la victime ; un temps précieux est gagné compte tenu des délais de jugement ; les aléas liés à l'exécution effective des décisions de justice sont supprimés ; la lourdeur de l'audience est évitée, laquelle peut nécessiter l'intervention de quatre magistrats, trois du siège et un du parquet, et celle d'un greffier, puis la rédaction, la frappe et la notification du jugement. La médiation pénale est un moyen pour la justice de retrouver toute son utilité sociale, à l'égard de la victime comme du délinquant, et plus particulièrement au bénéfice de ceux pour lesquels la politique de la ville a été mise en place, comme l'a souligné M. Pierre Lyon-Caen auprès de votre rapporteur. C'est pourquoi, le projet de loi contient une disposition déterminante pour favoriser davantage encore l'essor de la médiation pénale : les parties impécunieuses pourront désormais obtenir une aide financière de l'Etat afin de pouvoir se faire assister par un avocat, aide dont elles peuvent déjà bénéficier, depuis la loi du 24 août 1993, lorsque l'avocat intervient au cours de la garde à vue. Dans ces deux hypothèses, il ne s'agit pas de l'aide juridictionnelle stricto sensu, puisqu'une juridiction n'est pas encore saisie et ne le sera, peut-être, jamais. L'article 14 du projet de loi institue donc un régime de financement spécifique de l'aide à l'intervention de l'avocat en matière de médiation pénale : spécifique au regard de l'aide juridictionnelle mais aussi de l'aide à l'intervention de l'avocat en cours de garde à vue, pour laquelle l'Etat affecte annuellement à chaque barreau une dotation représentant sa part contributive aux missions assurées par les avocats et qui est calculée en fonction du nombre des missions effectuées par les avocats désignés d'office. Pour ce qui est de la médiation pénale, l'aide sera accordée par le président ou le vice-président du bureau de l'aide juridictionnelle, sous les conditions de ressources de l'aide juridictionnelle et selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat "présentant toutes garanties en termes de célérité du traitement et de maîtrise de la dépense publique", selon les termes de l'exposé des motifs auxquels on ne peut que souscrire dans leur intention générale. Cela étant, il est à regretter que l'étude d'impact concernant le projet de loi, transmise par le gouvernement pour l'information des parlementaires, ne comporte aucun développement sur l'impact, en matière de crédits d'intervention, de la rétribution de l'intervention de l'avocat pour la procédure de médiation pénale. Ajouté aux incertitudes sur le contenu du décret fixant la rétribution de l'avocat et les modalités selon lesquelles l'aide sera accordée par le président du bureau d'aide juridictionnelle, cela ne permet pas au législateur d'avoir une vision claire des conditions d'application d'un principe auquel il souscrit. Il est donc impératif que le gouvernement mette à profit la navette parlementaire pour apporter des précisions sur ses intentions réglementaires. Daprès les indications fournies à votre rapporteur, le coût unitaire de la médiation pénale pourrait être de 285 F et cette mesure pourrait entraîner une dépense supplémentaire de 3.500.000 F. Quoi qu'il en soit, il conviendra de convaincre les parties de l'intérêt de se rapprocher pour trouver une solution à leur conflit, que ce soit par la voie de la transaction hors saisine du juge ou de la médiation pénale. Par partie, il faut entendre le plaideur potentiel et son conseil car il est indispensable que puisse s'exprimer librement une volonté soutenue par un consentement éclairé. Une nécessaire évolution des mentalités devra donc se faire chez les avocats et les justiciables, par delà l'accompagnement financier de l'Etat prévu par le projet. B. LE PROJET DE LOI DONNE UNE NOUVELLE IMPULSION À L'AIDE À L'ACCÈS AU DROIT En votant la loi du 10 juillet 1991, le Parlement a souhaité assurer à tous un égal accès non seulement à la justice, en redéfinissant les conditions de l'aide juridictionnelle, mais aussi au droit, en créant les conseils départementaux de l'aide juridique. Le second volet de la loi a donc vocation à trouver application en amont du procès et à faciliter l'accès des citoyens à la connaissance de leurs droits et obligations. Par rapport à lintention du législateur, laide à laccès au droit est loin davoir connu tous les développements espérés (1). Le projet de loi entend favoriser sa généralisation en réajustant son cadre institutionnel (2). 1. Créée par la loi du 10 juillet 1991, l'aide à l'accès au droit na pas connu tous les développements espérés La mise en place dune aide à l'accès au droit répond à un besoin fondamental (a) et le bilan des conseils départementaux de l'aide juridique, là où ils ont été mis en place, est un encouragement à persévérer dans cette voie (b). a) La mise en place dune aide à l'accès au droit répond à un besoin fondamental Pour mettre en uvre, sur le terrain, une politique d'aide à l'accès au droit, le législateur a prévu la création dans chaque département d'un conseil départemental de l'aide juridique, sous la forme d'un groupement d'intérêt public, qui réunit les représentants de l'Etat mais aussi du département et des professions judiciaires et juridiques. La création de ces structures suppose donc une dynamique locale et un fort engagement du président du tribunal de grande instance du chef lieu du département, du barreau et des élus locaux. Il y faut donc beaucoup d'énergie, une volonté conjointe de travailler ensemble et des moyens financiers, humains et matériels à y consacrer. Pour favoriser l'aide à la consultation et l'assistance au cours de procédures non juridictionnelles, les conseils départementaux peuvent conclure des conventions avec les membres des professions judiciaires et juridiques. A ce jour, seuls vingt-sept départements sur cent ont constitué un conseil départemental de l'aide juridique, alors même quil sagit dune obligation légale : de fait, sa création suppose l'élaboration et l'adoption par l'ensemble de ses membres de droit d'une convention constitutive et d'un programme de financement d'actions d'accès au droit qui auront été préalablement définies. C'est pourquoi, après avoir constitué un groupe de travail et consulté le Conseil national de l'aide juridique, la Chancellerie a souhaité simplifier les modalités de création et de fonctionnement de ces conseils départementaux. Il convient toutefois de souligner que l'absence de constitution d'un groupement dans un département ne fait pas obstacles à la mise en uvre par les barreaux d'actions d'aide à la consultation au bénéfice des plus démunis. Au titre de l'exercice 1998, les subventions versées par le ministère de la justice aux conseils départementaux de l'aide juridique se sont élevées à environ 2,5 millions de francs. Cependant, comme la souligné la garde des sceaux dans son discours, prononcé le 2 avril dernier en ouverture du colloque Accès à la justice, accès au droit organisé à la Sorbonne, en 1996 et 1997, les 2,7 millions de crédits budgétaires de subventions accordés au C.D.A.J. - à comparer au milliard de laide juridictionnelle - navaient pu être intégralement dépensés, faute de projets suffisants . Outre les participations de l'Etat, qui s'entendent des subventions de la Chancellerie mais aussi des sommes octroyées dans le cadre des contrats de ville ou des contrats de plan Etat - régions, le financement de l'aide à l'accès au droit résulte principalement des apports des collectivités locales et des professionnels du droit. b) Le bilan de lactivité des conseils départementaux daide juridique mis en place est contrasté Les conseils départementaux de l'aide juridique ont principalement mis en place des dispositifs de consultation juridique gratuite ou aidée : organisation de permanences dans les mairies et les juridictions, délivrance de bons de consultation, etc. Selon les départements, l'accès à ces dispositifs peut être subordonné à des conditions de ressources. Certains conseils départementaux ont plus particulièrement lié la politique d'aide à l'accès au droit aux politiques d'insertion et d'aide sociale menées en direction des populations en situation de précarité et d'exclusion. Des actions transversales entre les professionnels du droit, les associations et les services sociaux ont, notamment, permis de développer l'accès au droit dans des secteurs très sensibles (antennes de médiation extrajudiciaire dans les quartiers difficiles de Marseille, permanences de consultation juridiques dans le Restaurant du cur de Marseille, par exemple) ou de favoriser la formation juridique des relais sociaux, associations ou enseignants. Plusieurs conseils départementaux ont élaboré et diffusé des plaquettes recensant les services d'information juridique existant dans le département et organisé de journées consacrées à l'accès au droit afin de permettre à chacun, et en particulier aux plus démunis, de mieux connaître ses droits et les moyens de les faire valoir. La seconde composante de l'accès au droit, l'assistance au cours de procédures non juridictionnelles (recours amiable devant la commission des Assedic, devant la commission de surendettement ou auprès de l'administration fiscale, par exemple) a été en revanche assez peu prise en compte dans les programmes d'activité des conseils départementaux. Or, certaines personnes ont besoin d'être aidées dans cette phase de mise en uvre de leurs droits, lesquels risquent sinon de rester largement théoriques. 2. Le projet de loi favorise la généralisation de l'aide à l'accès au droit en réajustant son cadre institutionnel Outre le changement de dénomination du conseil départemental de l'aide juridique, qui devient conseil départemental de l'accès au droit, le projet de loi simplifie les modalités de création de cette structure (a), lie le développement de laide à l'accès au droit à lessor du règlement amiable des litiges (b) et inclut la politique daccès au droit dans la politique plus générale de lutte contre les exclusions (c). a) Les modalités de création et de fonctionnement des conseils départementaux chargés de laide à laccès au droit sont simplifiées Une des principales causes de difficultés pour mettre en place un conseil départemental de l'aide juridique tient au grand nombre de membres de droit du groupement dintérêt public. Afin de faciliter sa constitution, le projet réduit le nombre des membres fondateurs aux partenaires incontournables, ceux qui sont particulièrement concernés par laccès au droit et ont des capacités de financement des actions à conduire : lEtat, le conseil général, le barreau et la caisse des règlements pécuniaires de ce barreau. Le projet rend, néanmoins, obligatoire la présence dune association uvrant dans le domaine de laccès au droit car elles ont fait la preuve de leur dynamisme dans ce domaine et de leur rôle indispensable pour établir le lien entre les usagers du droit et les professionnels du droit. Afin de ne pas écarter dautres partenaire localement très dynamiques et disposés à soutenir la politique daccès au droit par la mise à disposition de moyens ou par une contribution financière, le projet précise que la convention constitutive du groupement prévoit les conditions dans lesquelles ces membres complémentaires pourront être accueillis au sein du groupement. Par ailleurs, les travaux du conseil départemental de l'accès au droit et de la résolution amiable des litiges pourront être ouverts avec voix consultative, en fonction de leur mobilisation, aux communes, à dautres professionnels du droit (notamment les huissiers de justice et les notaires) et à toute personne reconnue pour ses activités en matière daide à laccès au droit et de résolution amiable des litiges. Les sources de financement de laide à l'accès au droit sont précisées : dune part, les participations des membres du conseil départemental ; dautre part, les subventions extérieures. Compte tenu des pratiques très variables observées dun département à lautre, le principe dune tarification des consultations juridiques organisées dans le cadre de laide à l'accès au droit est posé. b) Le développement de laide à laccès au droit est lié à lessor du règlement amiable des litiges Le projet assigne au conseil départemental de l'accès au droit une mission nouvelle de développement des modes alternatifs de règlement des conflits. A ce titre, et comme le souligne lexposé des motifs, il devra recenser les dispositifs et les lieux de conciliation et de médiation, favoriser la création de nouvelles structures si besoin est, orienter les personnes vers ce type de procédures et évaluer la pertinence des actions entreprises en veillant, notamment, à la bonne répartition des moyens déployés sur lensemble du département. Les chefs de juridiction conservent un rôle moteur dans la constitution du groupement dintérêt public et le fonctionnement du conseil départemental de l'accès au droit, laide à l'accès au droit sarticulant désormais avec une politique dalternatives au procès. c) La politique daccès au droit est incluse dans la politique de lutte contre les exclusions Le projet innove en énonçant clairement que les modalités de laide à l'accès au droit devront être adaptées aux besoins des personnes en situation de grande précarité. Comme la souligné Jean-Luc Bédos, président de lassociation Droits durgence, ces personnes qui plus que toutes autres ont besoin dêtre rétablies dans leurs droits niront pas consulter dans les lieux institutionnels : il faut que linformation vienne à elles. Cest ainsi que cette association parisienne tient des consultations juridiques à la Boutique Solidarité, dans les permanences de Médecins du Monde, à la Halte-Gare de Lyon, au Centre Emmaüs de lutte contre lillétrisme, dans les Relais du cur, auprès des Amis du bus des femmes, etc ... C. LE PROJET DE LOI INSTITUTIONNALISE LES MAISONS DE JUSTICE ET DU DROIT 1. Les maisons de justice et du droit sont nées dune réponse pragmatique à des besoins locaux Sinscrivant dans une politique générale de rapprochement des services de lEtat et des citoyens, les maisons de justice et du droit ont été créées au début des années 1990 à linitiative du procureur de Pontoise. On en compte aujourdhui une soixantaine, y compris les vingt antennes de justice de la cour dappel de Saint-Denis-de-la-Réunion (voir la liste en annexe). Ces structures connaissent une organisation et un fonctionnement très diversifiés qui tiennent compte des réalités locales, comme lillustre dailleurs lutilisation qui nest pas neutre des dénominations de maison de justice et du droit et dantenne de justice, cette dernière mettant davantage laccent sur le caractère judiciaire de leur activité. a) Une organisation et un fonctionnement très diversifiés Malgré leur diversité, ces différentes structures que lon appellera par commodité des maisons de justice et du droit ont des objectifs communs et présentent des caractéristiques similaires recensées à la fois dans le rapport de M. Gérard Vignoble publié en février 1995 et dans celui de la direction des affaires criminelles et des grâces paru au début de lannée 1997. Les maisons de justice et du droit ont été créées par convention entre les chefs de la juridiction concernée et leurs interlocuteurs locaux, cest à dire le préfet ou le sous-préfet chargé de la ville, le président du conseil général, le maire de la commune, les responsables des services déconcentrés de la protection judiciaire de la jeunesse et de ladministration pénitentiaire ou le directeur départemental des polices urbaines. Elles fonctionnent généralement avec un comité de pilotage ou une instance similaire où le parquet est systématiquement représenté ; y participent également selon les cas le président du tribunal de grande instance, le préfet, des représentants du barreau, de la protection judiciaire de la jeunesse ou des associations daide aux victimes ; ce comité a pour mission de fixer les orientations générales de la maison de justice et du droit et de préparer le budget annuel. Comme le souligne le rapport de M. Gérard Vignoble, les montages financiers sont souvent hétéroclites et obligent les différents partenaires à faire preuve dimagination. Lexistence de trois sources de financement, les crédits du ministère de la justice, ceux de la ville et les dotations des municipalités rendent difficile le contrôle du budget. En outre, labsence de cadre juridique clairement défini fragilise le montage financier retenu. Ainsi, un trésorier-payeur général a contesté la possibilité pour lEtat de prendre en charge le salaire de léducateur mis à disposition par la municipalité. Les activités des maisons de justice et du droit sorganisent autour de trois axes principaux. Elles ont une action purement judiciaire en étant le lieu où sexercent les mesures alternatives aux poursuites pénales et le règlement amiable des litiges civils. Le parquet sélectionne les affaires qui ne justifient pas des poursuites pénales et qui pour la plupart auraient fait lobjet dun classement sans suite. Il choisit la mesure adaptée, médiation pénale, réparation pour les mineurs, rappel à la loi ou classement sous condition, et classe le dossier si la procédure aboutit. La médiation pénale et la réparation étant exercées par des tiers (associations, éducateurs...), la présence sur place dun substitut du procureur nest pas systématique : ainsi, en 1995, le parquet nétait présent que dans 13 maisons de justice et du droit sur 17. La présence effective dun délégué du procureur, ne serait-ce quune ou deux demi-journées par semaine, étoffe pourtant sensiblement le rôle des maisons de justice et du droit. Ainsi, lantenne de justice de Gennevilliers mise en place au début des années 1990 par le procureur de la République de Nanterre de lépoque, M. Pierre Lyon-Caen, bénéficiait de la présence à temps partiel dun substitut du procureur qui dirigeait sur place laction publique. Concrètement, ce substitut recevait durant sa permanence les appels téléphoniques des services de police judiciaire et décidait immédiatement de la suite à leur donner, traitant ainsi les affaires en temps réel. Sa présence lui permettait davoir une connaissance approfondie de la délinquance dans les quartiers concernés et de prendre les décisions appropriées en fonction du contexte local : en effet, comme la fait remarquer M. Lyon-Caen à votre rapporteur, certaines infractions objectivement mineures peuvent avoir des répercussions locales fortes dont la justice doit tenir compte. La présence du parquet a en outre permis de désamorcer des conflits virtuels, les habitants du quartier pouvant dénoncer plus facilement les abus quotidiens dont ils étaient victimes. Il reste que, comme la souligné lactuel procureur de la République de Nanterre, M. Yves Bot, la présence du parquet nest pas toujours possible faute de volontaires, certains magistrats considérant quune telle présence brouille limage de la justice. Le développement des maisons de justice et du droit suppose donc un effort de formation en direction des magistrats auquel votre rapporteur est particulièrement attaché. La participation de deux médiateurs de la S.N.C.F. et de la R.A.T.P. constitue une autre originalité de lantenne de justice de Gennevilliers, que lon retrouve également à Bagneux : ces médiateurs traitent les infractions commises par les usagers lorsquil apparaît quune médiation est plus appropriée quun traitement judiciaire. Les équipes des maisons de justice et du droit comportent presque systématiquement un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse, ce qui permet dassurer un meilleur suivi éducatif des mineurs ; les mesures de réparation représentent une part croissante de son activité. Un juge des enfants reçoit à Bagneux et Gennevilliers en audience dassistance éducative et de tutelle aux prestations sociales. Pour les majeurs, la présence des agents de probation permet un rapprochement géographique avec les personnes suivies. En matière civile, les maisons de justice et du droit sont, ou plutôt devraient être comme la rappelé récemment Mme la Garde des Sceaux lors dun colloque à la Cour dappel de Paris, des lieux privilégiés pour les procédures de règlement amiable des litiges que sont la transaction, la conciliation et la médiation. En 1995, des conciliateurs nétaient pourtant présents que dans 8 maisons de justice et du droit sur 17. A côté de ces activités purement judiciaires, les maisons de justice et du droit joue un rôle essentiel dans la mise en uvre de la politique daide à laccès au droit définie par les conseils départementaux daide juridique. En plus de la structure daccueil proprement dite, des associations daide aux victimes, des travailleurs sociaux ou des avocats y tiennent des permanences qui permettent aux personnes les plus démunies davoir accès à la connaissance de leurs droits en dehors de toute procédure judiciaire. Ainsi, en 1995, les avocats étaient présents dans 14 des 17 maisons de justice et du droit. Enfin, quelques maisons de justice et du droit ont développé une politique de communication en direction des élus locaux et des citoyens. Celle-ci permet daméliorer limage de la justice, souvent négative dans ces quartiers, et de comprendre les attentes des citoyens et de leurs élus. Des journées portes ouvertes sont ainsi organisées en partenariat notamment avec les collèges et les lycées. Comme la souligné M. Pierre Lyon-Caen, lexistence même de ces maisons de justice et du droit répond en partie au besoin de considération manifesté par les jeunes de ces quartiers. Cette diversité des maisons de justice et du droit illustre létendue de leur champ dintervention potentiel, tout en mettant en lumière certaines insuffisances qui tempèrent leur développement. 2. La circulaire du 19 mars 1996 a encadré la création et le fonctionnement des maisons de justice et du droit Devant le développement des maisons de justice et du droit et à la suite du rapport de M. Gérard Vignoble, la Chancellerie a été amenée à préciser les orientations à respecter pour leur création et leur fonctionnement. La circulaire du 19 mars 1996 reprend les principales propositions du rapport de M. Vignoble. Elle rappelle les trois grands axes de lactivité des maisons de justice et du droit évoqués ci-dessus et donne des indications précises sur leur modalités de création et dorganisation qui permettent de respecter les principes dindépendance et de partenariat. Les créations de maison de justice et du droit sont décidées par la Chancellerie au vu des demandes présentées par les chefs de juridiction sous couvert des chefs de cour, après un travail de concertation avec les partenaires locaux ; ces créations doivent concerner des quartiers situés dans des départements prioritaires pour la politique de la ville, suffisamment éloignés du siège des différentes juridictions pour correspondre à un réel besoin. La circulaire recommande également que les maisons de justice et du droit sorganisent dans le cadre de conventions entre les autorités judiciaires et une ou plusieurs collectivités locales qui définissent clairement les obligations de chacun. Pour éviter les dysfonctionnements relevés par le rapport de M. Vignoble, laccueil et le secrétariat doivent être assurés par un greffier, ce qui est de nature à garantir la confidentialité des dossiers traités. Le ministère de la justice prend en charge les frais relatifs aux fournitures et aux consommables et attribue 50.000 F au titre de participation aux frais dinstallation (informatique), les collectivités locales mettant à disposition un local et finançant les dépenses de fonctionnement. 3. Le projet de loi intègre les maisons de justice et du droit dans le code de lorganisation judiciaire Dans le souci de renforcer la justice de proximité, selon les termes mêmes de lexposé des motifs, le Gouvernement a souhaité aller plus loin que la simple circulaire et inscrire les maisons de justice et du droit dans la loi. Les trois articles insérés dans le code de lorganisation judiciaire par larticle 17 du projet de loi sont cependant suffisamment concis pour pouvoir sadapter aux différentes formes dorganisation des maisons de justice et du droit. Il est simplement indiqué que celles-ci concourent, en assurant une présence judiciaire de proximité, à la prévention de la délinquance et aux politiques daide aux victimes et daccès au droit et que les mesures alternatives de traitement pénal et les procédures de règlement amiable des litiges peuvent y prendre place. Cest un décret en Conseil dEtat qui déterminera les modalités de leur création et de leur fonctionnement. Votre rapporteur regrette que la Chancellerie nait pas été en mesure de lui communiquer un avant projet de décret qui lui aurait permis davoir une vision plus précise de lorganisation future des maisons de justice et du droit. Il sera donc très attentif au décret dapplication de larticle 17 qui devra être suffisamment souple pour pouvoir tenir compte des besoins locaux, tout en encourageant la présence effective de magistrats du siège et du parquet afin de donner un véritable rôle judiciaire aux maisons de justice et du droit. Comme la souligné lavocat général Pierre Lyon-Caen, cette réforme devra saccompagner dun effort de formation dispensée dans le cadre de lEcole nationale de la magistrature afin de sensibiliser les futurs magistrats à limportance de cette forme de justice de proximité. * * * Avant dexaminer le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature, la Commission a procédé le jeudi 16 mai 1998 à laudition de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, qui a présenté lensemble des textes constituant la réforme de la justice que le Gouvernement entend conduire (1). Mme la garde des sceaux : Les objectifs que s'est fixé le Gouvernement ont été annoncés lors de la communication en conseil des ministres du 29 octobre. Cette réforme, destinée à restaurer la confiance de nos concitoyens dans le service public de la justice, comporte trois volets : le premier, auquel le Gouvernement donne la priorité, est l'amélioration de la justice au quotidien ; le deuxième porte sur la protection des libertés individuelles ; enfin, le troisième concerne la clarification des relations entre la chancellerie et le parquet. Ces orientations ont donné lieu à un débat à l'Assemblée nationale le 15 janvier dernier, et au Sénat le 22 janvier. Depuis lors, nous avons élaboré sept textes. Le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature sera accompagné de deux projets de loi organiques, encore aujourd'hui à l'état d'avant-projets. Ils ne pourront être examinés par le Parlement que lorsque le projet de loi constitutionnelle aura été approuvé par le Congrès, cest-à-dire au plus tôt lors de la rentrée de septembre. Ensuite viendra un texte auquel j'attache une grande importance, celui concernant l'accès au droit. C'est un des piliers du volet de la réforme sur lamélioration de la justice au quotidien. Il a pour but de développer les modes alternatifs de règlement des conflits, comme la médiation et la conciliation, de telle sorte que l'on puisse mieux distinguer l'accès au droit, que chacun doit obtenir, de l'accès au juge, quil faut réserver aux dossiers complexes qui n'auront pas pu être résolus par le dialogue. Il permettra également, grâce à une simplification de leur constitution, de généraliser les centres départementaux d'aide juridique et les maisons de justice et du droit. Ce texte, qui n'a pas encore été examiné par le Conseil des ministres, devrait venir en première lecture devant votre assemblée au début du mois de juin. Le projet de loi relatif à l'amélioration de l'efficacité de la procédure pénale, que j'ai présenté hier au conseil des ministres, vise, quant à lui, à développer ce que l'on appelle la troisième voie , mise en place en 1993 avec le recours à la médiation, pour répondre à la petite délinquance urbaine. Ce projet de loi permet de légaliser un certain nombre de pratiques développées par les parquets en matière de réparation ou d'amendes concernant des infractions bien précises. Un sixième texte, encore à l'état de projet, concerne la présomption d'innocence. Il comprend à la fois une réforme de la détention provisoire et des dispositions sur les relations entre la presse et la justice. Le dernier texte, qui vient d'être transmis au Conseil d'Etat, porte sur les relations entre la chancellerie et le parquet. Vous voyez donc qu'en dehors du projet de loi constitutionnelle et du projet renforçant l'efficacité de la procédure pénale, ces textes n'ont pas encore été adoptés par l'exécutif. J'ai voulu en effet qu'ils soient élaborés après une très large concertation. Ont participé à ce travail non seulement les organisations syndicales qui l'ont bien voulu, mais également des experts, des professeurs de droit ou des parlementaires. Beaucoup d'entre vous ont d'ailleurs souhaité pouvoir communiquer leurs observations sur les avant-projets qui ont, pour certains d'entre eux, été modifiés. J'ai choisi cette méthode parce que je crois indispensable d'élargir au maximum la réflexion. Le premier des textes présentés à lAssemblée nationale est donc le projet de loi constitutionnelle. Il modifie l'article 65 de la Constitution afin de donner au Conseil supérieur de la magistrature des pouvoirs sans précédents en matière de nomination des magistrats du parquet et de sanctions disciplinaires. Sur le premier point, le projet prévoit que désormais aucune nomination de magistrats du parquet ne pourra intervenir sans l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. C'est déjà le cas pour les 4.263 magistrats du siège, les conseillers auprès de la Cour de cassation, les premiers présidents de cour d'appel et les présidents de tribunaux de grande instance étant de leur côté nommés sur proposition du C.S.M. C'est évidemment une réforme sans précédent pour les procureurs : dans le système actuel, les procureurs généraux sont nommés comme les hauts fonctionnaires par décret en conseil des ministres, sans même un avis simple, lequel en revanche est requis pour la nomination des procureurs. Il est vrai que depuis que j'exerce mes fonctions, et conformément à l'engagement du Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, je me suis engagée, avant même l'entrée en vigueur de la loi, à respecter l'avis du Conseil supérieur de la magistrature. Je me suis toujours tenue à cette règle et n'ai jamais passé outre un avis négatif du Conseil lorsque le cas s'est présenté. Quant au second point de la réforme, il consiste à donner au Conseil supérieur de la magistrature la responsabilité des sanctions disciplinaires à l'égard des magistrats du parquet, comme c'est aujourd'hui le cas pour les magistrats du siège. Compte tenu de ces importantes modifications, qui renforcent considérablement le rôle du Conseil supérieur de la magistrature, il a paru nécessaire d'en modifier la composition, afin que celle-ci reflète davantage la diversité de la Nation. Ainsi, le nombre de ses membres sera porté de seize à vingt et un, avec dix membres magistrats et onze nappartenant pas à la magistrature, ce qui permet davoir une majorité de non-magistrats. Un des deux projets de loi organique précise le mode d'élection des membres issus de la magistrature. Sagissant des personnalités extérieures, le projet de loi constitutionnelle prévoit qu'elles seront nommées par les plus hautes personnalités de l'Etat ainsi que par le président du Conseil économique et social, le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour des comptes et le premier président de la Cour de cassation. Ces sept textes, qui vous seront présentés soit avant l'été, soit à la rentrée, sont loin d'épuiser toutes les voies de cette vaste réforme de la justice. En effet, d'autres mesures ont été prises qui, bien que n'ayant pas un caractère législatif, ont une grande importance. C'est ainsi que j'ai lancé la réforme indispensable des tribunaux de commerce. De même, un décret visant à moraliser la profession des mandataires et administrateurs liquidataires d'entreprise est au stade de la discussion interministérielle et de la concertation avec les organismes professionnels. Il renforcera les contrôles sur cette profession et les obligera notamment à déposer leurs fonds auprès de la Caisse des dépôts et consignations. En ce qui concerne la réforme des tribunaux de commerce, j'attends pour la mettre en uvre la remise du rapport de la commission d'enquête parlementaire, qui devrait avoir lieu fin juin ou début juillet. Le Gouvernement annoncera alors ses intentions. Nous progressons également dans le dossier de la réforme du droit des sociétés, ouvert depuis déjà un certain temps, mais sur lequel nous souhaitons pouvoir présenter un texte l'année prochaine. De même, le Gouvernement annoncera lors de la prochaine réunion du conseil de sécurité intérieure les mesures qu'il entend prendre concernant la prise en charge des mineurs délinquants, à laquelle il attache une grande importance. Ces mesures feront suite au rapport déposé par Mme Lazerges et M. Balduyck à la demande du Premier ministre. Un certain nombre d'actions sont également engagées dans le domaine de la procédure civile. Car si la procédure pénale est bien sûr concernée par une rénovation de la justice au quotidien, il ne faut pas oublier que c'est à la justice civile que nos concitoyens sont le plus souvent confrontés. Des décrets s'inspirant du rapport Coulon sont en préparation sur l'accélération des procédures, l'exécution provisoire et les contrats de procédures. L'objectif est d'améliorer la rapidité et l'efficacité du service public de la justice. Plusieurs autres mesures ont pour but de mieux organiser les juridictions et d'en améliorer et moderniser la gestion. Ainsi, des pôles spécialisés seront créés pour mieux lutter contre la délinquance financière. Ils consistent à mettre à la disposition des magistrats chargés de ces dossiers complexes des assistants spécialisés, dont vous avez récemment adopté le statut. Celui de Paris est en voie de constitution, et sera, je l'espère, opérationnel avant la fin de l'année. Un pôle de cette nature sera également créé en Corse. A terme, je crois qu'il faudra mettre en place six à huit de ces pôles sur tout le territoire. Naturellement, tous les projets des juridictions seront examinés par la chancellerie. Par ailleurs, une mission chargée de la redéfinition de la carte judiciaire a été mise en place. Je poursuis également le renforcement des services administratifs régionaux. Il est indispensable, en effet, que les présidents puissent être assistés dans la gestion de leur tribunal d'administrateurs. Enfin, nous avons engagé une réflexion globale sur le droit de la famille. Le rapport de Mme Irène Théry, à qui Martine Aubry et moi avions demandé d'analyser l'état actuel de la structure familiale et de faire des propositions pour adapter le droit de la famille, doit être publié aujourd'hui même. Bien entendu, ce rapport n'engage aucunement le Gouvernement, mais ses conclusions sont très intéressantes et utiles pour la réflexion quil entend mener. Mme la Présidente : Je vous remercie beaucoup, madame la ministre, d'avoir apporté à la commission des éléments complémentaires d'information sur l'ensemble de la politique que vous menez en faveur d'une meilleure justice. Je crois qu'il est essentiel, ce matin, de consacrer notre attention sur le projet de loi constitutionnelle, mais bien entendu tous les thèmes abordés par la ministre peuvent être également discutés dans le cadre de cette réunion. M. Pascal Clément : Le projet de loi constitutionnelle sur le Conseil supérieur de la magistrature me semble assez équilibré : en effet, s'il est vrai qu'un avis conforme du C.S.M. sera nécessaire pour la nomination des magistrats du parquet, le Gouvernement gardera son pouvoir de proposition. C'est précisément la différence avec les magistrats du siège, et vous avez peut-être trop peu insisté sur ce point. Sagissant de la représentation des magistrats au sein du C.S.M., il semblerait que le mode de scrutin actuel favorise largement la représentation de l'Union syndicale des magistrats par rapport au Syndicat de la magistrature et à l'Association professionnelle des magistrats. Cette sur-représentation de l'U.S.M. a pour conséquence, me disent les magistrats parisiens, deffacer le clivage Parisprovince, si important dans la carrière des juges, parce que ce sont essentiellement des provinciaux qui sont représentés au Conseil supérieur de la magistrature. On voit bien quelle est la volonté du Gouvernement dans ce projet. Celle-ci est assez éloignée des promesses faites lors de la campagne électorale et je m'en réjouis. Visiblement, le réalisme l'a emporté, ou bien est-ce un effet de la cohabitation, je ne sais. Mais si un énorme pas est fait dans la voie de l'autonomie des magistrats, l'avancée est moins visible sagissant de leur responsabilité. En effet, ce qui est frappant dans ce mouvement de renforcement de lautonomie de la magistrature, qui répond aux abus commis par les différents gouvernements et à cet égard, nul n'est à l'abri des critiques cest que personne n'insiste sur la responsabilité qui devrait être la conséquence de cette plus grande indépendance. Mme la garde des sceaux : Sagissant du mode de nomination des magistrats, je voudrais vous rappeler que la grande majorité des magistrats du siège, c'est-à-dire environ 4.300, sont d'ores et déjà nommés sur proposition du Gouvernement, et personne n'y trouve à redire : à partir du moment où le C.S.M. donne un avis conforme, c'est lui qui détient la clé de la nomination. Et c'est bien le choix qui a été fait dans ce projet. En ce qui concerne la composition du C.S.M., il est vrai que vous n'en connaissez pas les détails, puisqu'elle est organisée par un des projets de loi organique. Il est exact qu'aujourd'hui, l'Union syndicale des magistrats est la seule organisation professionnelle représentée au Conseil supérieur de la magistrature. Nous avons justement voulu prévoir un système d'élection des magistrats qui réponde au problème que vous avez soulevé. Car il nous semble nécessaire que les deux autres syndicats, le Syndicat de la magistrature et l'Association professionnelle des magistrats, puissent être également représentés au C.S.M. C'est pourquoi nous avons décidé de modifier le mode de scrutin. Sur les dix magistrats membres du Conseil, six seront élus à la représentation proportionnelle au plus fort reste. Deux autres seront élus par le collège de la Cour de cassation, et les deux derniers par les cours d'appel. Dans les deux derniers cas, un magistrat représentera le parquet et l'autre le siège. D'après les simulations que nous avons réalisées, ce système devrait permettre une représentation équitable des trois grandes formations syndicales du corps judiciaire. Dès lors, il appartient aux organisations elles-mêmes de choisir, à travers les candidats qu'elles présentent, la proportion qu'elles souhaitent avoir entre magistrats parisiens et provinciaux. C'est une question qui ne concerne que le monde syndical. Le problème du rapport entre autonomie et responsabilité est très important. Bien entendu, il est nécessaire que les magistrats, qu'ils relèvent du parquet ou du siège, soient indépendants et puissent accomplir leur travail sur les dossiers particuliers sans subir aucune pression. Il faut néanmoins noter que, conformément à l'article 20 de la Constitution, le Gouvernement se réserve le droit de définir les orientations de sa politique pénale. Mais dans l'acte de jugement lui-même, les magistrats seront indépendants. Les magistrats du siège bénéficient déjà de garanties statutaires. Mais qu'en est-il de leur responsabilité ? Ils sont bien entendu soumis à une responsabilité disciplinaire. Notre projet prévoit justement d'élargir la saisine du Conseil supérieur de la magistrature aux chefs de cour. Actuellement, seul la garde des sceaux détient ce droit. Or, ce droit est aussi un devoir. On a trop longtemps laissé traîner certains dossiers, pour lesquels des sanctions auraient dû être prononcées. Personnellement, lorsque j'ai connaissance de rapports provenant de l'inspection générale des services judiciaires ou des chefs de cour, je veille à transmettre rapidement les dossiers correspondants au Conseil supérieur de la magistrature, ou bien, s'il s'agit du parquet, et en attendant la réforme, à prendre les mesures qui s'imposent. Sagissant de la responsabilité civile, la procédure est la même que celle qui existe pour tous les fonctionnaires. M. Pascal Clément : Elle n'est jamais engagée ! Mme la garde des sceaux : Peut-être, mais il faut alors poser la question pour l'ensemble de la fonction publique. Je ne vois pas pourquoi on réserverait un sort particulier aux magistrats. Enfin, il y a la responsabilité pénale, à laquelle les magistrats sont soumis comme tous les Français. Toute autre est la question de savoir s'il existe un contrôle satisfaisant du fonctionnement du système judiciaire, sachant que sur l'acte de jugement lui-même, les garanties sont apportées par les différentes possibilités de recours ou d'appel. Nous estimons qu'il est important qu'un regard extérieur soit porté sur l'activité judiciaire. C'est pour cette raison que nous avons choisi de faire siéger une majorité de non-magistrats au Conseil supérieur de la magistrature. Nous avons également prévu que chaque citoyen pourrait introduire un recours contre le classement sans suite de son affaire. Enfin, des commissions de réclamation seront mises en place. Elles devront examiner les dysfonctionnements de l'institution judiciaire. J'insiste sur le fait qu'elles ne concerneront pas l'acte de jugement : il ne s'agit pas de mettre en place une nouvelle possibilité de recours. Le projet de loi organique qui doit donner jour à ces commissions n'est cependant pas encore finalisé. Il convient en effet de prévoir un système de filtres susceptible d'éviter de déstabiliser les magistrats. Nous étudions différentes modalités. Ces recours citoyens sont une façon de poser la question du fonctionnement du système judiciaire. Le but est que chaque citoyen se voie garantir au minimum un accueil, une écoute et une réponse. M. Jacques Brunhes : Nous avons exposé lors du débat dorientation générale le 15 janvier dernier nos positions sur vos réformes et manifesté notre intérêt ainsi que lesprit constructif qui est le nôtre. Deux éléments avaient retenu notre attention : dune part lurgence et dautre part léchec des réformes progressives antérieures. Lintérêt de votre réforme est quelle propose une batterie de textes globaux, à laquelle sajoutent les textes sur les tribunaux de commerce et les mandataires-liquidateurs. Toutes ces mesures nous semblent former un ensemble cohérent et répondent à la nécessité daborder le problème de la réforme de la justice dans son ensemble. Je tiens par ailleurs à souligner quaucune réforme de fond ne peut aboutir si elle ne saccompagne pas de moyens supplémentaires. Une autre de nos préoccupations concerne lindépendance de la justice. Il ne nous paraît pas essentiel de couper entièrement le cordon ombilical entre le parquet et le gouvernement. Ce dernier doit pouvoir mener une politique pénale en adressant des instructions de portée générale au parquet. Ces instructions assurent la coordination nationale de laction publique et empêchent les inégalités de traitement. Jen viens maintenant plus précisément aux textes que vous nous proposez. Le projet de loi sur laccès au droit est un texte extrêmement important que nous aurons à examiner de près. La réforme du Conseil supérieur de la magistrature nous paraît nécessaire, mais il est regrettable que vous nayez pas repris les dispositions de la constitution de 1946 qui prévoyaient que les membres du Conseil étrangers au corps de la magistrature étaient désignés par lAssemblée nationale en dehors de ses membres à la proportionnelle des groupes. Une telle procédure est plus démocratique, puisquelle respecte la physionomie politique du pays. Le mode proposé de désignation des membres du C.S.M. ne garantit pas une telle représentativité. Je réitère notre souhait que le Congrès ne soit pas un congrès fourre-tout où se mêlent les discussions concernant le traité dAmsterdam, la parité hommes/femmes, le cumul des mandats, le quinquennat, les accords de Nouméa... Un congrès spécial doit être consacré à la réforme de la justice, mais je ne sais pas si le temps le permettra. Mme la garde des sceaux : Vous avez raison de souligner que la réforme ne pourra aboutir sans moyens supplémentaires. Jai fait un chiffrage extrêmement précis. Dans les discussions budgétaires pour le projet de loi de finances pour 1999, jaxe mes demandes sur deux éléments : le premier ne concerne pas la réforme, puisquil touche à lamélioration du fonctionnement des juridictions ; le deuxième la concerne directement puisquil sagit de demander des moyens supplémentaires pour la mener à bien. Jai lappui du Premier ministre et vous avez pu constater que le budget de la justice fait partie des six priorités du Gouvernement. Certains me reprocheront de présenter des textes sans moyens financiers correspondants et de rester dans lincertitude, mais je voudrais souligner dune part que je respecte les procédures, et dautre part que les exemples de lois pluriannuelles nont pas été très concluants. Ces lois ont dabord bien été appliquées la première année, puis, dans les deux ou trois années qui ont suivi, on est arrivé à une situation qui na rien à voir avec la loi de programmation votée par le Parlement. Par respect envers la représentation nationale, je préfère vous assurer que je me battrai pour obtenir les moyens nécessaires. Vous pouvez dores et déjà voir ce que jai obtenu dans le budget pour 1998 avec les recrutements exceptionnels de magistrats et les recrutements en surnombre de fonctionnaires. Il faut par ailleurs souligner que la situation extrêmement difficile de beaucoup de tribunaux est le résultat des décisions budgétaires prises ces deux dernières années. De plus, il faut tenir compte du décalage dû aux trois années de formation des magistrats : les 70 postes de magistrats créés dans le budget de 1998 ne seront occupés que dans trois ans au plus tôt. Jessaie de compenser les effets des décisions budgétaires prises par mes prédécesseurs par des recrutements exceptionnels. Je préfère néanmoins recruter des magistrats par la voie de lécole nationale de la magistrature, encore que ces recrutements exceptionnels permettent larrivée de personnes ayant déjà une expérience professionnelle. La situation des greffiers nest pas meilleure que celle des magistrats : depuis deux ans, aucun greffier na été recruté. Heureusement, la formation des greffiers dure un an et demi : les concours exceptionnels que jai ouverts porteront donc leurs fruits rapidement. Pour faire face à la situation difficile que nous connaissons, je demande également aux magistrats de rationaliser la gestion des tribunaux afin de la rendre plus efficace. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire que les présidents de juridiction soient assistés dadministrateurs. Les magistrats sont en effet très sollicités en dehors de leur activité juridictionnelle : ils sont membres de multiples commissions, ils participent à la politique de la ville... Dans cette même optique, le texte sur laccès au droit est essentiel, car il favorise des procédures encourageant lécoute et le dialogue, les tribunaux nétant saisis que des dossiers les plus complexes. Je mefforce aussi daméliorer les procédures : je pense notamment aux dispositions du rapport Coulon, même si deux dentre elles, le juge unique et le caractère exécutoire des décisions en première instance, soulèvent des difficultés. Sagissant du mode de désignation des membres non-magistrats du Conseil supérieur de la magistrature, nous nous sommes bien sûr posé la question de savoir si ces membres ne devaient pas être élus par le Parlement à une majorité des trois-cinquième pour assurer une représentation de tous les groupes. Notre choix se justifie par la volonté de respecter la séparation des pouvoirs. Il nous a semblé que la désignation des membres non-magistrats ne devait pas être trop politique. Jai bien noté votre souhait concernant le Congrès. Le Gouvernement na pas encore pris de décision définitive, mais il est vraisemblable que le Congrès se réunira avant le 14 juillet sur la réforme du statut de la Nouvelle-Calédonie. Il reste à savoir, dune part, si le projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature sera à cette date voté dans les mêmes termes par les deux assemblées et, dautre part, si le président de la République choisira de le mettre à lordre du jour de ce Congrès. M. Gérard Gouzes : Les magistrats jugent au nom du peuple français. Cest une belle formule, mais il faudrait quelle corresponde à la réalité. Je lis beaucoup darticles qui exprime, avec une franchise parfois surprenante, le corporatisme des magistrats. Je note que le projet de loi constitutionnelle prévoit que le Conseil supérieur de la magistrature sera composé de dix magistrats, un conseiller dEtat et dix personnalités nappartenant pas au corps de la magistrature. Jen conclus, peut-être est-ce une vision optimiste, que les magistrats deviendront minoritaires. Je voudrais savoir, Madame la garde des sceaux, si vous tenez à cet équilibre ou si vous seriez prête à accepter des modifications de cette composition. Je note par ailleurs que le Conseil dEtat intervient de deux manières dans la désignation des membres du C.S.M. : dune part, il désigne un conseiller dEtat, dautre part, le vice-président du conseil dEtat désigne, conjointement avec le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes, deux personnalités. Léquilibre ne devient-il pas, de ce fait, factice ? Votre réforme met en jeu deux intérêts contradictoires : dune part, lindépendance des magistrats dans leur activité juridictionnelle et je sais que votre volonté est réelle en ce domaine et, dautre part, la possibilité pour le Gouvernement, évoquée par M. Brunhes, de mettre en place une politique pénale qui se traduit par des instructions individuelles et générales au parquet. Avec votre réforme, les magistrats du parquet vont devenir quasiment inamovibles, et même si votre pouvoir dinitiative semble renforcé, bien quil soit contesté, nallez-vous pas perdre toute autorité hiérarchique sur le parquet ? Mme Nicole Catala : Cest certain. M. Pascal Clément : Cest pourtant bien ce que vous avez demandé. M. Gérard Gouzes : Vous voulez parler du président de la République, Monsieur Clément ? Naurait-il pas été préférable de séparer de manière plus absolue un corps davocats de la République dun corps de magistrats du siège ? Cest un vieux débat. Je voudrais enfin souligner que la carrière des magistrats se déroule souvent dans le ressort de la même cour dappel. Que devient alors lindépendance du magistrat vis-à-vis de la société locale ? Comment juger en toute indépendance quand on est en quelque sorte absorbé par son environnement ? Quelles sont vos intentions à cet égard dans le projet de loi organique ? Mme la garde des sceaux : Sagissant de la composition du Conseil supérieur de la magistrature, il est clair que le Gouvernement ne peut revenir sur son choix qui ne donne pas la majorité aux magistrats. La composition prévue par ce texte nest sans doute pas idéale Il est essentiel que ce projet de loi soit voté rapidement. Les préoccupations de nos concitoyens portent avant tout sur le fonctionnement de la justice au quotidien. Dans ces conditions, et même si cette réforme institutionnelle a son importance, jattire votre attention sur limpression que pourraient faire sur lopinion publique des débats interminables sur la composition du Conseil supérieur de la magistrature. Bien entendu, le Parlement est totalement libre de modifier ce texte. Concernant la mise en place de la politique pénale par le Gouvernement, le projet de loi sur les rapports entre la chancellerie et le parquet, qui sera bientôt examiné par votre assemblée puisquil passe en conseil des ministres fin mai ou début juin, propose que le garde des sceaux ne puisse plus donner dinstructions individuelles, mais quil conserve la possibilité de donner des instructions générales et de fixer les orientations de la politique pénale. Ces instructions générales seront transmises aux procureurs généraux qui les répercuteront sur les procureurs de la République de leur ressort. Ce système garantit mieux lapplication de la politique pénale définie par le Gouvernement : lintervention par instruction individuelle au coup par coup empêche en effet davoir une vision densemble de cette politique. Il vaut beaucoup mieux que le Gouvernement définisse sa politique pénale dans le domaine du racisme, des sectes ou encore de la sécurité lors de la Coupe du monde et la traduise par des instructions générales, plutôt que de se contenter dinitiatives ponctuelles souvent évoquées par la presse. Outre le fait quil entraîne des pressions sur les magistrats, ce système dinstructions individuelles est donc à tous égards détestable. Aurait-il été préférable de prévoir une séparation totale du parquet et du siège ? Le choix du Gouvernement de préserver lunité du corps des magistrats rejoint les conclusions de plusieurs commissions de réflexion, dont la commission présidée par M. Pierre Truche. Une séparation des deux fonctions implique, en effet, une évolution vers un système à langlo-saxonne de type accusatoire. Je me suis rendue au Royaume-Uni pour étudier le fonctionnement de la procédure pénale. Jai pu constater que la place de la police y est extrêmement importante. Il faut néanmoins rappeler lexistence, depuis plus de 700 ans, de lHabeas Corpus. Le rôle de lavocat y est aussi très différent et se rapproche plus de celui de lavocat américain : les prévenus qui ont des moyens financiers connaissent un meilleur sort que les autres. Ce système me paraît donc difficilement transposable en France. Il est nécessaire de favoriser la mobilité des magistrats. Il nest en effet pas bon quun magistrat fasse toute sa carrière dans un même ressort. Cest un sujet auquel le Conseil supérieur de la magistrature est extrêmement sensible, puisquil fait de la mobilité un des critères de lavancement. Je nai pas encore dopinion définitive sur le sujet, mais je reconnais quil pose un vrai problème. M. Jean-Luc Warsmann : Je regrette un peu le ton polémique que vous avez employé, madame la garde des sceaux, lorsque que vous avez expliqué que les dysfonctionnements actuels de la justice étaient liés aux décisions prises deux ans auparavant. Je crois qu'il y a un temps pour tout. Votre prédécesseur a mené une politique qui a permis un certain nombre d'avancées. Il est quelque peu contradictoire de tenir de tels propos avant d'appeler, quelques minutes plus tard, au consensus du Parlement sur votre projet. Si vous le voulez bien, je préfère me concentrer sur les problèmes actuels et sur l'avenir. Les juges Eva Joly et Laurence Vichnievsky sont intervenues, il y a quelque temps, pour expliquer qu'avec les moyens dont elles disposaient, l'instruction de l'affaire du Crédit lyonnais, mais également d'autres affaires financières importantes, connaîtrait des lenteurs considérables. Où en est-on ? Ont-elles obtenu des moyens supplémentaires ? Vous avez fait allusion à un décret en préparation sur les mandataires liquidateurs, qui les contraindrait à déposer les sommes qu'ils gèrent à la Caisse des dépôts et consignations. J'aurais voulu connaître votre sentiment sur le fonctionnement général de cette profession, et savoir si vous comptez prendre d'autres mesures à leur sujet. Le troisième problème sur lequel j'aimerais entendre vos explications est celui du lien entre le parquet et la chancellerie. Vous avez dit que pour assurer une cohérence dans l'ensemble des décisions des parquets, vous utiliseriez les directives générales Je m'interroge sur l'efficacité de ces directives. Vous-même ou vos prédécesseurs avez certainement donné ce genre d'instructions dans le passé. Ont-elles été respectées ? Je pense en particulier au problème de la détention provisoire. Par ailleurs, de quels moyens le garde des sceaux dispose-t-il pour vérifier l'application effective de ces directives générales, si ce n'est en s'intéressant aux cas particuliers ? Et s'il ne le peut pas, qui le fera ? Quelle que soit la valeur des principes invoqués, je crois qu'il faut s'interroger sur la cohérence de l'action publique. Il est fréquent que la position des parquets ne soit pas la même à quelques kilomètres de distance. Cela pose un problème. Si votre réforme conduit à accroître ces incohérences, nous risquons de voir des infractions qui, poursuivies dans une juridiction, seront classées sans suite dans une autre. Enfin, vous avez dit tout à l'heure que vous aviez travaillé en concertation avec les organisations professionnelles concernées. Or, j'ai cru comprendre qu'un grand nombre de magistrats se posaient beaucoup de questions. On a assisté à des mouvements comme il n'en était pas survenu depuis longtemps. Beaucoup de magistrats semblent avoir le sentiment que les projets proposés témoignent d'un manque de confiance à leur égard. Ils s'interrogent notamment sur les commissions de réclamation ou de recours. Pourriez-vous être plus précise sur le sujet ? On prête à ces futures commissions, où siégeront des magistrats du siège, la faculté de se prononcer sur des décisions de classement, prises par le parquet. Tout à l'heure, notre collègue Gouzes défendait l'idée d'une plus grande séparation entre le siège et le parquet. On irait là dans une direction totalement opposée, puisque l'on demanderait à des magistrats du siège de se prononcer sur des décisions du parquet. Mme la garde des sceaux : Tout d'abord, pour répondre à votre remarque sur la polémique et le consensus, je n'ai pas dit que tout ce qu'avait fait M. Toubon était mauvais. J'ai d'ailleurs repris, vous l'avez noté, son projet de loi sur la délinquance sexuelle. J'y ai apporté des modifications et des ajouts, notamment sur le droit des victimes, mais le texte avait été préparé par le précédent gouvernement. De même, les réflexions que nous menons actuellement ne font pas table rase de ce qui a été réalisé dans le passé. Mais s'agissant des moyens, et sur ce point précis, je ne retire rien de ce que j'ai dit tout à l'heure. Je reviens sur le problème des moyens à la disposition des juges notamment parisiens, mais d'autres ont ces difficultés confrontés à des dossiers financiers complexes comme celui du Crédit lyonnais. La chancellerie tient régulièrement des réunions avec les chefs de cour et de juridiction de Paris pour accélérer la mise en place du pôle économique et financier dont je vous ai parlé, qui doit permettre d'améliorer le travail des juges. Cela implique de mettre à leur disposition du matériel informatique, des locaux et naturellement des assistants spécialisés. Ce sont les locaux qui posaient le plus de problèmes. Le choix a été fait d'installer ce pôle à l'extérieur du palais de justice, ce qui n'allait pas de soi. Sagissant des mandataires liquidateurs, le décret les concernant devrait intervenir fin juin ou début juillet. J'ai souhaité prendre certaines mesures sans attendre les résultats de la commission d'enquête, mais je n'exclue pas, pour aller plus loin, de faire appel à la voie législative, et notamment de revoir la loi de 1985 sur les entreprises en difficulté et les liquidations d'entreprise. Je suis également prête à mener une réforme du droit des sociétés. J'attends les résultats de la commission d'enquête, qui fait un travail considérable, pour déterminer s'il est nécessaire d'aller plus loin. A propos des liens entre le parquet et la chancellerie, vous posez à juste titre la question de savoir si, après la suppression des instructions individuelles, le garde des sceaux conservera les moyens de faire appliquer sa politique pénale. Je crois que la réponse est oui, et dans de meilleures conditions que par le passé. Le projet de loi prévoit que des rapports réguliers seront adressés par les procureurs aux procureurs généraux, et par les procureurs généraux au garde des sceaux qui fera un rapport annuel au Parlement. Un tel système permet d'être beaucoup plus clair et transparent sur les objectifs de la politique pénale, de renvoyer correctement les informations et de permettre des ajustements. Je souhaite aussi que cette réforme soit fondée sur la confiance. Son but essentiel est en effet de rétablir la confiance de nos concitoyens à l'égard de la justice. Si nous continuons à promouvoir un système dans lequel se manifeste une défiance systématique du pouvoir politique à l'égard des magistrats, nous allons dans la mauvaise direction. Je ne dis pas qu'il faut laisser les magistrats sans encadrement. Il appartient au Gouvernement de faire les choix de politique pénale. Mais je ne crois pas à la nécessité de prévoir des contrôles tatillons de la chancellerie. M. Jean-Luc Warsmann : Ce n'est pas ce que j'ai dit ! Mme la garde des sceaux : Non, ce n'est pas ce que vous avez dit. Mais si ce sujet me tient à cur, c'est parce que je crois que nous avons besoin d'un système plus lisible et qui inspire confiance. C'est l'harmonie du fonctionnement de notre démocratie qui est en jeu. Il faut aussi permettre la prise en compte par les procureurs des particularités locales et la possibilité d'interpréter les directives générales. On ne peut pas tout rigidifier. Nous ne sommes pas dans une société dans laquelle le pouvoir central doit tout décider jusqu'à la moindre virgule. Certes, il faut des contrôles. Les textes les prévoient. En ce qui concerne les commissions de réclamation et de recours, je sais bien que les magistrats ont exprimé des inquiétudes. Et je ne les prends pas à la légère. Mais les magistrats ont intérêt à accepter un regard extérieur sur leur travail, d'autant plus que 99,9 % d'entre eux le font de façon excellente et dans des conditions difficiles, et à ce que tout dysfonctionnement soit identifié puis sanctionné. Aucun corps social ne peut rester isolé des autres. Il reste à en déterminer les modalités, afin de faire en sorte que les juges ne soient pas assaillis par les plaignants professionnels, ces spécialistes de la procédure qui se regroupent parfois en associations... Il suffit de mettre en place les filtres adéquats. Je suis prête à vous communiquer l'avant-projet, si vous n'en avez pas connaissance, et à écouter vos suggestions. M. Jean-Antoine Léonetti : Vous avez recherché dans ce projet un équilibre entre l'indépendance de la justice et la volonté de ne pas laisser les juges sans aucun contrôle, équilibre que nous navez pas réussi à trouver. Je pense que le curseur est placé vers trop d'indépendance, même si ce nest pas à la mode de dire cela. Lexistence de deux sortes de justice, avec les affaires médiatisées et celles de la vie quotidienne, concoure au manque de confiance de nos concitoyens à l'égard de leur justice. La première phrase que prononcent les personnes ayant affaire à la justice est celle-ci : j'ai confiance en la justice de mon pays . Peut-être espèrent-ils s'attirer ainsi les bonnes grâces du juge. Mais ils le disent avec si peu de conviction que l'on peut se demander si quelqu'un fait encore confiance à notre justice. Dans le cas des affaires , sur lesquelles, il est vrai, le garde des sceaux ne doit pas intervenir à titre individuel, le peuple français délibère avant même les juges, par voie médiatique. Il semble difficile que la décision finale des juges ne soit pas influencée par la pression médiatique. Nous sommes bien sûr tous convaincus que la liberté de la presse est la première des libertés qu'il faut sauvegarder. Mais comment garantir le secret de l'instruction et ne pas remplacer le pouvoir politique, détenu par le peuple français, par un pouvoir médiatique, qui relève de la liberté individuelle ? Ma deuxième question concerne cette politique de proximité que vous voulez mettre en place. Elle me paraît effectivement nécessaire, mais requiert des moyens considérables. Vous nous dites que vous avez l'appui du Premier ministre. Je le souhaite, parce que le dernier budget voté et le calendrier envisagé donnent à penser que vous n'avez pas les moyens des ambitions que vous affichez. Le traitement d'une affaire judiciaire est long, et son efficacité ne peut être améliorée que par un recrutement important. Or, ce recrutement est obligatoirement différé si on veut quil soit de qualité. Notre vie politique a tendance à privilégier l'immédiat sur le long terme, et l'émotion sur la raison. Mais vous disposez de plusieurs années, peut-être même de plusieurs législatures... A moins qu'une nouvelle dissolution ne vienne compromettre vos réformes, vous avez le temps de les mettre en place, sans chercher l'effet d'annonce. M. Alain Vidalies : Votre texte sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature est équilibré et répond aux engagements pris devant le peuple. Je suis convaincu comme vous quil est nécessaire, lors des débats parlementaires, de respecter léquilibre que vous avez défini en accord avec le président de la République, afin que la réforme puisse aboutir rapidement. Sagissant de la justice au quotidien, je suis réservé sur la distinction entre laccès au droit et laccès au juge. Il ne faut pas qu on restreigne les possibilités daccès au juge afin de faire face à linflation des contentieux. Nous avons déjà pu constater cette tentation dans le passé. Ainsi, un décret de 1993 a modifié les conditions de saisine du juge de lexécution en obligeant le requérant à recourir à une assignation et donc à des avocats ou des huissiers alors quune simple lettre suffisait précédemment ; le nombre daffaires soumises au juge de lexécution a diminué, mais ce nest pas une situation satisfaisante, car si certaines personnes ne saisissent plus le juge de lexécution, cest parce quelles nen ont plus les moyens. Je voudrais enfin souligner labsence de la justice administrative dans nos discussions. Il faudrait réfléchir aux moyens dappliquer à lordre administratif les principes que nous invoquons pour lordre judiciaire. Le statut des magistrats administratifs noffre aucune garantie dindépendance : lEtat nomme les juges qui le jugent. La distinction entre ces ordres de juridiction nest dailleurs pas très répandue chez nos voisins. De plus, le fonctionnement des juridictions administratives est très chaotique : les délais sont trop longs, les procédures et les règlements trop complexes. Lincompréhension de nos concitoyens face à ces juridictions est donc grande. Or, leur champ de compétence est étendu et devient de plus en plus important, notamment dans les domaines de lurbanisme et de lenvironnement. Je souhaiterais donc savoir si le Gouvernement a réfléchi à lavenir des juridictions administratives. M. Philippe Houillon : Madame la garde des sceaux, je voudrais connaître votre position sur la question du syndicalisme dans la magistrature. Les journalistes ont lhabitude daccoler létiquette modéré à lUnion syndicale des magistrats, létiquette droite à lAssociation professionnelle des magistrats et létiquette gauche au Syndicat de la magistrature. On constate dailleurs que lorsquun cabinet ministériel a besoin de collaborateurs, un ministre de gauche fera appel à des magistrats appartenant au Syndicat de la magistrature, alors quun ministre de droite préférera des magistrats de l Association professionnelle des magistrats ou de l Union syndicale des magistrats. Est-il normal quil y ait des juges de droite et des juges de gauche ? Ce clivage affiché est-il compatible avec lindépendance des magistrats et avec la crédibilité de linstitution judiciaire ? Mme la garde des sceaux : La question du pouvoir médiatique est vaste. Certes, ma réforme est globale et ambitieuse, mais elle na pas pour objectif de répondre à la question de la place des médias dans notre société. Je me contente daborder les relations de la presse et de la justice dans le texte sur la présomption dinnocence. Deux principes mont guidé. Dune part, la dignité des citoyens doit être mieux protégée. Il est légitime de punir, mais pas dhumilier. Je souhaite ainsi que larticle 803 du code de procédure pénale, qui prévoit que la mise de menottes est exceptionnelle, soit plus rigoureusement appliqué. Les journalistes qui publieront des images de personnes menottées pourront, à certaines conditions, être sanctionnés, car de telles images napportent pas grand chose à linformation et sont très humiliantes pour les personnes concernées. Dautre part, la liberté dinformation doit être garantie. Je nai pas retenu la proposition faite par certains rapports dinterdire de citer le nom des personnes mises en cause par la justice. Quant à la question du secret de linstruction, je voudrais rappeler que ce secret ne simpose ni aux journalistes ni aux avocats. Il est évident que notre société est une société de linformation. Il faut toutefois assurer une information contradictoire en permettant à toutes les parties prenantes à une procédure judiciaire de sexprimer. Cest la raison pour laquelle le texte sur la présomption dinnocence prévoit que des fenêtres de publicité seront ouvertes régulièrement tout au long de la procédure. Sagissant de la question des moyens, il est évident que lon ne pourra pas rattraper en deux ou trois les ans les retards accumulés depuis plusieurs décennies. Toutefois, la structure démographique du corps de la magistrature, laugmentation des postes à lécole nationale de la magistrature et les concours exceptionnels devraient permettre une amélioration significative. Par ailleurs, ce nest pas parce que je ne veux pas de loi de programmation que je ne dispose pas dun chiffrage pluriannuel des réformes que jentreprends. Jai bon espoir de pouvoir mener à bien mes réformes avant la fin de la présente législature. Je suis extrêmement sensible à la remarque de M. Alain Vidalies sur laccès au droit et laccès au juge et je prends toutes les précautions nécessaires pour que laccès au juge ne soit pas réservé aux personnes qui en ont les moyens. Ma réforme na dailleurs pas pour principal objectif de résoudre le problème de linflation des contentieux. Elle cherche avant tout à combattre la tendance à faire converger vers le système judiciaire tous les conflits qui nont pu être résolus en amont. Cette tendance est particulièrement prononcée dans le domaine de la délinquance des jeunes. Il faut faire en sorte que les systèmes de résolution des conflits en amont fonctionnent mieux. Je reconnais quon parle peu de la justice administrative. Je ne remets pas en cause lexistence de la séparation de la justice en deux ordres. Cest une tradition française que lon retrouve également en Allemagne, en Italie et aux Pays-Bas. Jai demandé au vice-président du Conseil dEtat de faire un rapport sur laccélération des procédures. Sagissant du syndicalisme dans la magistrature, les magistrats ont le droit, en tant que citoyens, davoir une représentation syndicale et des opinions politiques. Ils nont pas en revanche à exprimer ces opinions dans leur activité juridictionnelle : il faut distinguer cette activité juridictionnelle du fonctionnement du service public de la justice, sur lequel les magistrats peuvent prendre position. Le syndicalisme ne me semble pas incompatible avec lexigence dimpartialité. * * * Après lexposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale. Mme Catherine Tasca, présidente, a regretté que le projet de loi soit inscrit un lundi à lordre du jour alors que de nombreux parlementaires sont retenus par leurs obligations dans leur circonscription. Elle sest engagée à se faire lécho des difficultés que suscitait ce choix pour les membres de la Commission et a exprimé le souhait quau cours de la prochaine session, lon puisse parvenir à une meilleure gestion du temps parlementaire. M. Gérard Gouzes a souligné que le projet de loi relatif à laccès au droit sinscrivait dans une réforme densemble de la justice. Considérant quil était indispensable que chacun puisse accéder à la justice pour exercer pleinement sa citoyenneté, il a estimé que la loi du 10 juillet 1991 constituait une avancée en ce sens, quil convenait maintenant de compléter. Constatant que de nombreuses personnes nexerçaient pas leurs droits, soit par ignorance, soit par crainte des difficultés inhérentes aux procédures judiciaires, il a observé que ce texte devait également contribuer à la lutte contre lexclusion. A cet égard, il a évoqué lintérêt du règlement amiable des conflits par la mise en place de transactions, ainsi que le caractère positif du relèvement des plafonds de ressources exigées pour bénéficier de laide juridictionnelle. Il a, par ailleurs, souligné que le projet de loi contribuait à améliorer la situation des avocats exerçant leur activité dans le cadre de laide juridictionnelle en même temps quil permettrait à tous de bénéficier dun conseil. Il sest, en revanche, montré plus réservé sur certaines dispositions relatives aux abus de droit ou aux demandes daide juridictionnelle infondées. Il a notamment souhaité que le juge ordonne plus systématiquement la récupération des sommes versées au titre de laide en cas de recours abusif ou de procédure dilatoire. Enfin, il a souligné lintérêt de la généralisation des maisons de justice auprès de chaque tribunal de grande instance dans le but de promouvoir linformation des justiciables et la résolution alternative des conflits. Après avoir observé quil existait un consensus sur la nécessité de favoriser un plus large accès au droit pour tous, M. Olivier de Chazeaux a cependant considéré que le projet de loi ne constituait pas un texte majeur puisquil ne visait quà améliorer lexistant, sans se donner les moyens de faire cesser le malaise des citoyens vis-à-vis de la justice. Il a ainsi regretté quil ne permette pas de donner plus de clarté au système judiciaire, quil ne constitue pas une réflexion sur un autre mode de fonctionnement de laide juridictionnelle, et quil ne se traduise nullement par une simplification et une accélération des procédures judiciaires. Soulignant que les avocats exerçant dans le cadre de laide juridictionnelle étaient peu motivés du fait du régime indemnitaire en vigueur et observant quen conséquence ils ne traitaient pas ce type de dossiers en priorité, il a estimé quil serait souhaitable que certains avocats puissent se consacrer à plein temps à laide juridictionnelle, tout en bénéficiant de rémunérations correctes. Il a enfin émis des réserves sur certaines dispositions du projet de loi. Jugeant que la mise en uvre de larticle premier, exigeant de lavocat quil puisse faire la preuve de sa diligence pour faire aboutir la transaction serait difficile, il a, dautre part, souhaité que soient précisées, à larticle 4, les conditions dans lesquelles lavocat pourra fixer ses honoraires lorsque le bénéficiaire de laide juridictionnelle obtiendra gain de cause. Il a, par ailleurs, considéré que les dispositions de larticle 6, prévoyant quen cas de décision favorable le justiciable doit rembourser le montant de laide juridictionnelle qui lui a été accordée, étaient critiquables. Soulignant que le projet de loi avait essentiellement pour objet lamélioration du régime daide juridictionnelle mis en place par la loi de 1991, M. Claude Goasguen a estimé quil ne constituait pas un texte majeur. Déplorant le manque dambition de cette réforme, il a jugé quil aurait été préférable que soit répertorié lensemble des difficultés qui se posent aux justiciables en matière daccès au droit. Evoquant les problèmes spécifiques rencontrés par les mineurs et les étrangers, il a considéré que les réponses apportées par le texte étaient décevantes et insuffisantes. Il a, par ailleurs, critiqué lémiettement législatif de la réforme de la justice en cours, estimant quil nuisait à sa lisibilité. Il a en outre ironisé sur les visées simplificatrices du projet de loi, mentionnant à titre dexemple la dénomination retenue pour les conseils départementaux de laccès au droit et de la résolution amiable des litiges. Enfin, il a regretté que la création des maisons de la justice et du droit soit facultative, soulignant que, sur le plan de légalité, il conviendrait quelles soient généralisées à lensemble du territoire. Constatant que la réforme de la justice était en effet conduite par petites touches, M. René Dosière a considéré que cette méthode modeste était la seule qui permette daboutir réellement, la présentation dun texte global, dune grande complexité, étant toujours le gage dun échec certain. Il a estimé que cest à la commission des Lois quil appartiendrait de sassurer de la cohérence de la réforme de la justice, au fur et à mesure que les différents projets lui seraient soumis. Il a souligné que les dispositions relatives aux maisons de justice et du droit constituaient une avancée et permettraient aux personnes qui nont pas facilement accès à la justice de pouvoir faire reconnaître leurs droits dans des conditions satisfaisantes. Il a néanmoins fait part dun certain nombre dinterrogations concernant la mise en uvre pratique de ce dispositif. Ainsi, tout en jugeant acceptable que les collectivités locales participent au financement de ces maisons de justice, il a souhaité quelles ne soient pas cantonnées à un rôle purement financier mais quelles puissent aussi participer à leur vie et à leur gestion. Observant également que limplantation de ces maisons sur lensemble du territoire soulevait quelques difficultés, il a considéré quil faudrait, en tout état de cause, veiller à ce que le budget du ministère de la justice prévoie les moyens nécessaires à leur mise en place. Enfin, se déclarant surpris, et même choqué, que M. Olivier de Chazeaux propose que certains avocats se spécialisent dans laide juridictionnelle, ce qui, a-t-il estimé, reviendrait à créer un corps davocats des pauvres , il a jugé que les avocats devaient, au contraire, intervenir dans tous les domaines et assister tous les justiciables, quelle que soit leur origine sociale. Exprimant son accord sur les objectifs affichés par le projet de loi, M. Michel Hunault a néanmoins estimé que celui-ci avait en fait comme principal objectif lamélioration des statistiques et non la mise en uvre de moyens réels destinés à simplifier les procédures et à améliorer laccès à la justice. Il sest déclaré opposé au fait que le président du bureau daide juridictionnelle puisse, en quelque sorte, préjuger dune affaire en refusant à un justiciable loctroi de cette aide, faisant ainsi obstacle à son renvoi devant la juridiction. Evoquant les difficultés rencontrées par les jeunes avocats pour avoir accès à des stages professionnels, il sest, par ailleurs, interrogé sur la manière dont allaient coexister les maisons de justice et les maisons de lavocat qui, aujourdhui, jouent un rôle important dans laccès au droit. En conclusion, il a fait part de son scepticisme sur les améliorations concrètes que ce texte pourrait apporter au sort des justiciables et a regretté quaucune réforme de fond ne soit présentée au Parlement pour renforcer les moyens de la justice et, surtout, pour réviser la carte judiciaire. Rappelant que, lors de la législature précédente, M. Jacques Toubon, garde des sceaux, avait créé une commission chargée de réfléchir au dispositif daide juridictionnelle, M. Jacques Floch a observé quil existait une forme de continuité républicaine, puisque les dispositions du projet de loi reprenaient, pour certaines dentre elles, les propositions faites par cette commission. A linstar de M. Michel Hunault, il sest interrogé sur cette forme de préjugement que représenterait le refus à un justiciable de laide juridictionnelle. Tout en admettant que le texte soumis à lAssemblée aurait pu être plus ambitieux, il a, néanmoins, considéré quil avait le mérite essentiel de sattaquer à une question importante, celle de la présence de la justice sur lensemble du territoire français. Rappelant quil existait dans notre pays de véritables déserts judiciaires puisque certaines communes, parfois importantes, étaient totalement privées de la présence de magistrats, il a estimé que le projet de loi remédiait à cette carence en prévoyant la création de maisons de justice, qui devraient constituer lun des meilleurs outils de laccès au droit. Il a notamment souligné que la présence de professionnels du droit était un point important pour aider à lorientation du justiciable qui souhaite faire reconnaître ses droits. Il a considéré enfin que le projet de loi pouvait être amélioré sur un certain nombre de points, jugeant quil fallait notamment conforter le dispositif de larticle 17 relatif aux maisons de justice. En réponse aux différents intervenants, M. Jacques Brunhes, rapporteur, a tout dabord jugé la méthode employée par la garde des sceaux tout à fait cohérente. Il a rappelé quen janvier dernier sétait tenu à lAssemblée nationale un débat dorientation qui avait défini un cadre densemble, dans lequel vient sinscrire le présent projet de loi qui procède dune philosophie tout à fait nouvelle. Constatant que le projet de loi améliorait le texte de la loi du 10 juillet 1991 relatif à laide juridictionnelle, il a cependant souligné que cette partie du projet pour importante quelle soit, nétait pas ici la plus innovante. Il a jugé, en effet, que son aspect essentiel consistait dans la mise en uvre de mécanismes permettant la résolution amiable des conflits. Il a indiqué que tous les intervenants quil avait entendus, quil sagisse des magistrats, des avocats ou des associations, saccordaient à reconnaître la nécessité de cette approche nouvelle de la justice qui permet à une personne de faire reconnaître ses droits sans forcément franchir les portes dun tribunal. En réponse aux observations de M. Claude Goasguen, il a précisé que lensemble des obstacles qui, concrètement, soppose à laccès au droit serait examiné dans son rapport. Il a ensuite insisté sur la différence existant entre les antennes de justice, dans lesquelles le parquet est représenté, et les maisons de justice au sein desquelles sont présents, pour lessentiel, des médiateurs et des conciliateurs, et a considéré que cette souplesse dans les structures était utile. Regrettant que le projet de décret relatif aux maisons de justice nait pas été porté à la connaissance du Parlement, il a souhaité quil le soit avant lexamen en deuxième lecture du projet de loi, soulignant la nécessité pour les parlementaires dexaminer le dispositif relatif aux maisons de justice dans sa globalité. Il a également insisté sur les efforts qui devaient être menés pour améliorer la formation des magistrats afin de les sensibiliser au problème de laccès au droit. Enfin, il a rejeté lidée selon laquelle il faudrait aborder les problèmes de justice sous langle de la seule rationalisation budgétaire, et a exprimé, à cet égard, sa satisfaction sur la cohérence et la qualité du texte qui était soumis à lAssemblée nationale. Rappelant quelle avait posé à la garde des sceaux une question dactualité sur ce sujet, Mme Catherine Tasca, présidente, a souligné limportance de la formation de lensemble des personnels de la justice pour la mise en uvre de cette réforme. * * * Le projet de loi comporte trois titres : dans le premier, figurent les dispositions modifiant la loi du 10 juillet 1991 relative à laide juridique, dans le deuxième, celles concernant les maisons de justice et du droit et, dans le troisième, celles relatives à loutre-mer. TITRE PREMIER Le titre premier du projet de loi est constitué de quatre chapitres portant sur : laide juridictionnelle (articles premier à 7) ; laide à laccès au droit (articles 8 à 11) ; laide à lintervention de lavocat au cours de la garde à vue et en matière de médiation pénale (articles 12 à 14) ; des dispositions diverses et transitoires (articles 15 et 16). Chapitre premier Avant larticle premier La Commission a rejeté un amendement de M. André Gerin fixant les plafonds de ressources pour ladmission à laide juridictionnelle en référence au salaire minimum interprofessionnel de croissance (S.M.I.C.). Elle a, en revanche, adopté un amendement de M. Claude Goasguen prévoyant que ces plafonds de ressources seront revalorisés chaque année en fonction de lévolution du S.M.I.C. et non plus de la première tranche du barème de limpôt sur le revenu, Mme la présidente et le rapporteur ayant cependant émis des doutes sur sa recevabilité au regard de larticle 40 de la Constitution (amendement n° 1). Puis la Commission a rejeté deux amendements de M. André Gerin, lun précisant que la résidence principale ne doit pas être prise en compte dans lévaluation des ressources et lautre indiquant que le bureau daide juridictionnelle doit tenir compte de lendettement du demandeur ; M. Gérard Gouzes a fait valoir que les personnes endettées pouvaient dores et déjà bénéficier de laide juridictionnelle ; répondant à Mme la Présidente qui craignait que cette disposition ne permette à des personnes endettées, mais fortunées, dobtenir cette aide, M. Jacques Brunhes a rappelé que le plafond de ressources était fixé à 4.900 F pour laide juridictionnelle totale, soit un montant très faible. La Commission a également rejeté un amendement de M. André Gérin précisant que laide juridictionnelle est accordée pour les mises en examen sans détention provisoire et les médiations civiles. Article premier Laide juridictionnelle peut actuellement être accordée de manière totale ou partielle en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense, pour toute procédure juridictionnelle. Larticle 10 de la loi du 10 juillet 1991 prévoit également quelle puisse être accordée pour lexécution dune décision de justice. Par ailleurs, il est précisé à larticle 11 que laide juridictionnelle obtenue pour une décision de justice sapplique de plein droit aux procédures, actes ou mesures dexécution qui sont la conséquence de la décision de justice ou qui ont été déterminés par le bureau ayant prononcé ladmission. Outre les procédures juridictionnelles stricto sensu, laide juridictionnelle couvre les mesures accomplies après la saisine de la juridiction au contentieux : ainsi, les procédures de médiation et de transaction définies respectivement par les articles 131-1 et suivants du code de procédure civile et par les articles 2044 et suivants du code civil bénéficient de laide juridictionnelle. En revanche, une transaction conclue avant linstance ne donne droit à aucune aide financière. On se trouve donc actuellement dans une situation pour le moins critiquable qui incite les personnes les plus démunies à saisir la justice pour pouvoir bénéficier dun avocat par lintermédiaire de laide juridictionnelle, alors même quils souhaiteraient conclure leur différend par une transaction. Larticle premier du projet modifie donc la loi du 10 juillet 1991 afin détendre le bénéfice de laide juridictionnelle aux transactions conclues avant la saisine de la juridiction au contentieux. Cette extension permettra aux personnes défavorisées de faire valoir leurs droits plus rapidement, tout en allégeant la charge de travail des magistrats. En outre, comme lavocat général Pierre Lyon-Caen la fait remarquer à votre rapporteur, la présence de lavocat rendue possible par laide juridictionnelle contribuera à renforcer léquilibre des transactions. Le paragraphe I de larticle premier complète larticle 10 de la loi de 1991 qui détermine le domaine de laide juridictionnelle afin de préciser que celle-ci peut être accordée en vue de parvenir à une transaction avant la saisine de la juridiction. Aux termes de larticle 2044 du code civil, la transaction est un contrat écrit par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ; elle a, entre ces parties, lautorité de la chose jugée en dernier ressort. Laide juridictionnelle pourra donc sappliquer aux transactions civiles stricto sensu, mais également aux transactions fiscales ou administratives, même si celles-ci ne sont pas les premières visées par la réforme. La conciliation, autre mode de règlement alternatif des conflits, nest pas concernée par lextension de laide juridictionnelle ; elle nentraîne en effet la plupart du temps aucun frais pour les parties, la présence dun avocat nétant pas indispensable en raison de lexistence même dun conciliateur. Le paragraphe II de larticle premier modifie larticle 39 de la loi de 1991, qui dispose que lavocat concourant à une transaction en cours dinstance a droit à la totalité des émoluments auxquels il pouvait prétendre, afin de préciser que cette rétribution est également accordée lorsque la transaction intervient avant linstance ; en outre, il remplace la référence aux émoluments par celle, plus exacte, de rétribution et précise que cette rétribution est égale à celle attribuée pour une instance contentieuse. Afin dinciter les avocats à proposer à leur client de recourir à la transaction, même si les chances de trouver un accord sont limitées, le paragraphe III complète ce même article 39 pour indiquer que léchec des pourparlers transactionnels nempêchera pas lavocat du bénéficiaire de laide de percevoir une rétribution dont le montant sera fixé par décret : daprès les indications fournies par la Chancellerie, le montant de cette rétribution sera forfaitaire et égal à la moitié de celui perçu en cas de transaction. Son versement sera toutefois subordonné à limportance et au sérieux des diligences accomplies par lavocat, qui devra fournir les pièces justificatives dans le délai dun an qui suit la décision dadmission. Ce dispositif sinspire de larticle 111 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 qui prévoit quen cas dextinction de linstance pour une cause autre quun jugement ou une transaction, le juge peut allouer à lavocat une rétribution dont le montant est déterminé en fonction des diligences accomplies, mais ne peut en aucun cas excéder la moitié de celui fixé par le barème. Lautorité chargée dapprécier le sérieux des diligences accomplies par lavocat et les modalités de transmission des pièces justifiant de ce sérieux seront déterminées par voie réglementaire. Il serait cependant logique que cette responsabilité soit confiée au juge avec, le cas échéant, lintervention du bâtonnier afin de préserver le secret professionnel, le bureau daide juridictionnelle ayant une compétence limitée à la vérification des conditions de ressources des demandeurs. Bien que rien ne soit prévu dans le projet de loi, ce sujet relevant à lévidence du pouvoir réglementaire, le versement de la rétribution à lavocat en cas de transaction réussie sera subordonné à la justification de lexistence de cette transaction qui pourrait, elle aussi, se faire auprès de la juridiction. Afin déviter que des considérations purement financières conduisent à multiplier les tentatives de transaction, le dernier alinéa du paragraphe III précise que la rétribution versée à lavocat en cas déchec des pourparlers transactionnels simpute sur celle qui lui est due pour une éventuelle instance ; un décret en Conseil dEtat déterminera les conditions de cette imputation. Comme lindique lexposé des motifs du projet de loi, cette disposition est justifiée par le fait que lavocat naura pas à effectuer une nouvelle analyse du dossier. M. Claude Goasguen sest interrogé sur la cohérence du projet de loi qui place la transaction dans le chapitre relatif à laide juridictionnelle, alors que cette disposition trouverait, selon lui, mieux sa place dans le chapitre qui traite de laccès au droit, avant de sinquiéter des modalités qui permettront à lavocat de prouver lexistence dune transaction. M. Gérard Gouzes a fait valoir que la mention de la transaction à larticle premier permettait dinsister sur limportance du règlement amiable des litiges. Il sest ensuite demandé si la procédure darbitrage pouvait bénéficier de laide juridictionnelle. Mme Christine Lazerges a souligné que si la transaction nétait pas, au sens strict, une procédure juridictionnelle, lextension progressive de cette notion justifiait la structure proposée par le projet de loi ; elle a par ailleurs indiqué quil lui semblait plus facile de financer laide à la transaction sur les crédits de laide juridictionnelle que sur ceux de laide à laccès au droit. Le rapporteur a alors précisé que le problème de la preuve de la transaction serait réglé par voie réglementaire. La Commission a ensuite adopté deux amendements du rapporteur : le premier modifie larticle 13 de la loi du 10 juillet 1991 afin de préciser que les bureaux daide juridictionnelle se prononcent sur les demandes daide en vue de parvenir à une transaction avant linstance (amendement n° 2) ; le second renvoie la fixation de la rétribution due à lavocat en cas déchec des pourparlers transactionnels à un décret en Conseil dEtat (amendement n° 3). Puis elle a rejeté un amendement de M. Claude Goasguen supprimant la possibilité dimputer la rétribution versée à lavocat en cas déchec des pourparlers transactionnels sur celle qui lui est versée pour linstance qui suit cet échec, après que le rapporteur eut fait valoir que cette suppression allait encourager les avocats à tenter dans tous les cas une transaction, quelle que soit leur chance de succès. La Commission a ensuite adopté larticle premier ainsi modifié. Article 2 La loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à lorganisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative a modifié larticle 16 de la loi du 10 juillet 1991 afin de confier au greffier en chef du tribunal de grande instance ou de la cour dappel, selon le cas, les fonctions de vice-président du bureau ou de la section du bureau chargé dexaminer les demandes daide juridictionnelle, sans toutefois préciser le champ dapplication de ses fonctions. Larticle 2 de projet de loi comble cette lacune en indiquant que le vice-président préside le bureau ou la section du bureau daide juridictionnelle en cas dempêchement ou dabsence du président qui est, rappelons-le, un magistrat du siège. Conjuguée avec le nouvel article 22 de la loi de 1991 (article 3 du projet de loi) qui permet au vice-président de statuer seul sur les demandes ne présentant manifestement pas de difficulté sérieuse , cette disposition, en améliorant le fonctionnement des bureaux daide juridictionnelle, accélérera le traitement des demandes. La Commission a adopté larticle 2 sans modification. Article 3 Lactuel article 22 de la loi de 1991 permet au président du bureau ou de la section compétente du bureau daide juridictionnelle de rejeter seul les demandes manifestement irrecevables ou dénuées de fondement ou émanant dune personne dont les ressources excèdent manifestement le plafond dadmission . En pratique, il semble que cette procédure particulière de rejet soit très rarement utilisée, notamment lorsquil sagit de demandes de première instance. En revanche, lexpérience a conduit certains bureaux daide juridictionnelle à mettre en place des mécanismes qui conduisent bien souvent leur président à statuer seul sur certaines demandes. Ainsi, daprès le rapport de linspection générale des services judiciaires sur le bilan dapplication de la loi de 1991, les dossiers daide juridictionnelle pénale sont regroupés à des séances spécifiques ou en fin de séance et ne sont souvent examinés que par le seul président du bureau, quand ils ne sont pas traités par le président en dehors même des séances. Larticle 3 du projet de loi généralise ces expériences en permettant désormais au président du bureau ou de la section compétente ou au vice-président en cas dabsence ou dempêchement du président, non seulement de rejeter les demandes manifestement irrecevables ou dénuées de fondement, mais aussi dadmettre celles qui ne présentent manifestement pas de difficulté sérieuse , ce qui est souvent le cas pour les demandes daide juridictionnelle pénale lorsque le critère de ressources est rempli. Ce dispositif trouvera néanmoins à sappliquer également pour certains dossiers civils. Pour permettre au président de se prononcer en toute connaissance de cause, le nouvel article 22 lui donne le pouvoir dordonner les mesures dinvestigation nécessaires : selon lexposé des motifs du projet de loi, ce pouvoir facilitera une application plus rigoureuse du critère des conditions de ressources. Larticle 22 précise également que le président pourra rejeter la demande si les documents ou renseignements exigés ne sont pas communiqués, sans motif légitime, dans le délai imparti, transposant ainsi au président une disposition qui existe à larticle 42 du décret du 19 décembre 1991 pour les bureaux daide juridictionnelle. Actuellement, le délai imparti est généralement fixé à un mois et une grande majorité des demandeurs (68%) sy conforment. En tout état de cause, le rejet pour non respect du délai fixé nest quune simple faculté pour le président. La Commission a rejeté un amendement de suppression de larticle présenté par M. Claude Goasguen, le rapporteur ayant fait observer que lexamen par le seul président permettrait daccélérer le traitement des demandes daide juridictionnelle. La Commission a adopté larticle 3 sans modification. Article 4 Larticle 36 de la loi du 10 juillet 1991 permet à lavocat désigné de demander des honoraires à son client bénéficiaire de laide juridictionnelle lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune par suite du gain de son procès. Il soumet toutefois cette demande à deux conditions : la décision doit être passée en force de chose jugée et le bâtonnier de lordre auquel appartient lavocat doit lavoir autorisée. Afin dinciter les avocats à demander le retrait de laide juridictionnelle lorsque la situation financière de leur client le justifie, larticle 4 du projet réécrit larticle 36 et remplace lautorisation du bâtonnier par lexigence du retrait préalable de laide juridictionnelle. La rédaction proposée diffère légèrement de celle de lactuel article 36 afin de reprendre les termes utilisés à larticle 50 pour le retrait de laide juridictionnelle (article 6 du projet) ; par ailleurs, la référence à laide juridictionnelle partielle, inutile puisque laide juridictionnelle comprend par définition laide juridictionnelle partielle, disparaît. La Commission a rejeté un amendement de M. André Gerin supprimant la possibilité pour lavocat de demander des honoraires au bénéficiaire de laide juridictionnelle en cas de retour à meilleure fortune dû au gain du procès. La Commission a adopté larticle 4 sans modification. Article 5 Larticle 37 de la loi de 1991 permet à lavocat du bénéficiaire de laide juridictionnelle de demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de laide juridictionnelle à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de laide aurait exposé sans cette aide ; en cas de condamnation, lavocat peut renoncer à percevoir la contribution de lEtat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée. Larticle 5 du projet complète ce dispositif en précisant que lavocat devra demander le versement de la contribution de lEtat dans les six mois suivant le jour où la décision de condamnation est passée en force de chose jugée, faute de quoi il sera réputé avoir renoncé à cette contribution. En exigeant une démarche spécifique pour le versement de la part contributive de lEtat, cette disposition devrait inciter davantage les avocats des bénéficiaires de laide à recouvrer leurs émoluments sur la partie condamnée aux dépens. La Commission a adopté larticle 5 sans modification. La Commission a rejeté un amendement de M. Claude Goasguen précisant les conditions dans lesquelles le juge peut condamner une partie au paiement des frais irrépétibles, le rapporteur ayant souligné le manque de clarté du dispositif proposé. Article 6 Les articles 45 et 46 de la loi de 1991 prévoient, dans certaines circonstances, le remboursement de laide juridictionnelle : ainsi, lorsque la décision passée en force de chose jugée a procuré au bénéficiaire de laide des ressources telles que si elles avaient existé au jour de la demande, celle-ci naurait pas été accordée, même partiellement, et que les dépens ont été mis à la charge de lintéressé, les sommes exposées par lEtat au titre de laide juridictionnelle doivent être remboursées par le bénéficiaire dans les mêmes proportions que les dépens ; en revanche, le remboursement est laissé à lappréciation du juge lorsque que celui-ci estime que la procédure engagée par le bénéficiaire de laide juridictionnelle est dilatoire ou abusive. Parallèlement à ces procédures de remboursement qui font intervenir la juridiction de jugement, larticle 50 de la loi de 1991 prévoit des mécanismes de retrait obligatoire ou facultatif sous la responsabilité du bureau daide juridictionnelle : laide est ainsi obligatoirement retirée lorsquil apparaît quelle a été obtenue à la suite de déclarations ou au vu de pièces inexactes ; le bureau daide juridictionnelle est, en revanche, libre de la retirer pour tout ou partie en cas de retour à meilleure fortune indépendante de linstance. Quil sagisse du remboursement ou du retrait, ces procédures qui permettent déviter des aides injustifiées sont malheureusement trop rarement utilisées. Dans un souci de maîtrise des dépenses daide juridictionnelle, la Chancellerie propose de les simplifier en les regroupant dans une procédure unique de retrait décidée par le bureau daide juridictionnelle. Larticle 6 du projet réécrit le deuxième alinéa de larticle 50 de la loi de 1991 afin dintégrer deux nouveaux cas de retrait facultatif : outre le cas de retour à meilleure fortune indépendant de linstance (1°), le bureau daide juridictionnelle pourra retirer laide en cas de retour à meilleure fortune dû au gain du procès (2°) ou lorsque la procédure aura été jugée dilatoire ou abusive par la juridiction de jugement (3°). La rédaction proposée reprend celles des actuels articles 45 et 46, sous réserve de quelques modifications sagissant de larticle 45 : le retrait de laide juridictionnelle en cas de retour à meilleure fortune lié au jugement est facultatif, comme cest le cas actuellement en cas de retour à meilleure fortune indépendant de linstance, alors que larticle 45 prévoit un remboursement obligatoire ; la condition liée aux dépens, qui rendait la procédure de remboursement très théorique puisque les dépens sont généralement mis à la charge de la partie succombante, disparaît ; enfin, la référence à laide juridictionnelle partielle, inutile puisque la notion daide juridictionnelle couvre laide juridictionnelle partielle, est supprimée. La Commission a rejeté deux amendements identiques de MM. Philippe Houillon et André Gerin supprimant la possibilité de retrait de laide juridictionnelle en cas de procédure dilatoire ou abusive, avant dadopter un amendement dharmonisation rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 4). La Commission a adopté larticle 6 ainsi modifié. Article 7 Larticle 49 de la loi de 1991 prévoit la communication au bénéficiaire de laide juridictionnelle des dispositions relatives à la charge des dépens en cas de condamnation (article 42) et aux conditions de remboursement de laide (articles 45 et 46). La procédure de retrait ne fait en revanche lobjet daucune publicité. Larticle 7 du projet comble cette lacune en introduisant, à la fin du titre VI consacré au retrait de laide juridictionnelle, un article 52-1 qui prévoit que les dispositions des articles 42 et 50 à 52 sont portées à la connaissance du bénéficiaire de laide juridictionnelle lors de la notification de son admission. Outre les cas de retrait désormais regroupés à larticle 50, le bénéficiaire de laide se verra communiquer les conditions de ce retrait, qui peut être demandé par tout intéressé et qui est prononcé par le bureau ayant accordé laide (article 51), ainsi que ses conséquences, énumérées à larticle 52 (exigibilité immédiate des droits dont le bénéficiaire avait été dispensés, remboursement des sommes versées par lEtat). La Commission a adopté larticle 7 sans modification. Chapitre II La deuxième partie de la loi du 10 juillet 1991 relative à laide juridique est consacrée à laide à laccès au droit (art. 53 à 64) et sarticule en deux titres portant, le premier, sur laide à laccès à la consultation (art. 59 à 62) et, le second, sur lassistance au cours de procédures non juridictionnelles (art. 63 et 64). Le chapitre II du projet de loi procède à de nombreux aménagements de cette partie de la loi du 10 juillet 1991 : sa structure est réorganisée autour de deux titres relatifs à la définition (art. 53) et à la mise en uvre de laccès au droit (art. 54 à 60) ; ses dispositions sont redécoupées dans un souci de clarification, ce qui conduit à donner une nouvelle rédaction aux articles 53 à 60 et à abroger les articles 61 à 64 ; le conseil départemental de l'aide juridique devient le conseil départemental de l'accès au droit. La plupart des modifications ont pour objet de faciliter la mise en place et le fonctionnement du conseil départemental. La principale innovation consiste à réduire le nombre des membres de droit du conseil départemental et à prévoir quune association uvrant dans le domaine de laccès au droit figurera obligatoirement dans sa composition initiale, afin de généraliser et simplifier le dispositif départemental daccès au droit . Cela étant, pour que tous les départements soient dotés, dans les meilleurs délais, de conseils de laccès au droit, la motivation et le dynamisme des chefs de juridiction, des professionnels du droit et des associations resteront déterminant. Cest à eux quil appartient de relayer la volonté du Gouvernement solennisée et pérennisée par le législateur. Article 8 Actuellement, larticle 53 de la loi du 10 juillet se limite à indiquer que laide à laccès au droit comprend laide à la consultation et lassistance au cours de procédures non juridictionnelles. Trois articles complètent cette définition générale. Larticle 59 précise le champ de laide à la consultation : les droits et obligations relatifs aux droits fondamentaux et aux conditions essentielles de vie. Les articles 60 et 63 définissent ce que laide à la consultation et lassistance au cours des procédures non juridictionnelles permettent à leurs bénéficiaires dobtenir : dans le premier cas, des informations sur létendue de leurs droits et obligations, des conseils sur les moyens de faire valoir leurs droits et une assistance en vue de létablissement dun acte juridique ; dans le second cas, une assistance devant les commissions à caractère non juridictionnel et devant les administrations en vue dobtenir une décision ou dexercer un recours préalable obligatoire. Larticle 8 du projet insère, avant larticle 53, un titre premier relatif à la définition de laide à l'accès au droit et donne une nouvelle rédaction à larticle 53 afin de rassembler dans cet article le contenu des actions menées, leur finalité, leurs modalités et les conditions dexercice propres à laide à la consultation juridique. Contenu des actions menées dans le cadre de laide à l'accès au droit Désormais, laide à l'accès au droit se décline en trois types dactions : linformation sur les droits, laide pour laccomplissement des démarches et, enfin, la consultation juridique à lexclusion de la rédaction dacte sous seing privé. Il sagit donc de la reprise de ce qui se pratique déjà sur le fondement des articles 59, 60 et 63 mais avec quelques nuances : laide à l'accès au droit porte sur tous les droits et obligations et pas seulement sur ceux relatifs aux droits fondamentaux et aux conditions essentielles de vie du bénéficiaire ; linformation générale sur les droits est détachée de la consultation juridique stricto sensu ; laide dans laccomplissement des démarches nest pas limitée à lassistance au cours des procédures non juridictionnelles : il peut donc sagir dune aide pour obtenir le versement dune allocation, le fait dêtre accompagné dun sachant suffisant parfois à changer radicalement la qualité découte dun guichetier, ou dune aide pour défendre un dossier devant une commission de surendettement. Finalité de laide à l'accès au droit Le projet précise, ce qui est nouveau, que les actions menées dans le cadre de laide à l'accès au droit doivent être conduites de manière à favoriser le règlement amiable des litiges . Cela participe de lesprit général de la réforme proposée, qui privilégie la résolution amiable des litiges sur le réflexe contentieux, et que lon retrouve dans le projet de loi relatif aux alternatives aux poursuites qui institue la compensation judiciaire. Bien évidemment, cette orientation ne privera pas le bénéficiaire dune information sur ses droits ou dune consultation juridique dans le cadre de laide à l'accès au droit dengager une action en justice et de bénéficier alors de laide juridictionnelle. Modalités de laide à l'accès au droit La lutte contre la marginalisation sociale passe aussi par laccès au droit, cest-à-dire par la connaissance de ses droits et la possibilité de les exercer. En complément du projet de loi dorientation relatif à la lutte contre les exclusions, en cours de discussion au Parlement, larticle 8 du présent projet précise que les modalités de laide à l'accès au droit doivent être adaptées aux besoins des personnes en situation de grande précarité. Concrètement, cela signifie que devront être encouragées toutes les démarches consistant à aller à la rencontre des plus démunis, sur les lieux quils fréquentent, pour les informer de leurs droits mais aussi de leurs obligations. Comme lont souligné M. Jean-Marie Coulon, président du tribunal de grande instance de Paris, et M. Jean-Luc Bédos, président de Droits durgence, lors de leur audition par votre rapporteur, pour toucher cette partie de la population, les permanences classiques dans les mairies, les palais de justice ou même les maisons de justice et du droit ne sont pas adaptées : les intéressés ne vont pas ou ne voudront pas se rendre sur ces lieux qui leur sont étrangers, dont laccès peut être conditionné par la présentation dune pièce didentité et devant lesquels peuvent se trouver des policiers en faction. Conditions dexercice de laide à l'accès au droit Il appartiendra au conseil départemental de laccès au droit de déterminer les conditions dans lesquelles sexerce laide à la consultation en matière juridique dans le cadre de laide à l'accès au droit. Ce faisant, il ne devra pas contrevenir à la réglementation de la consultation en matière juridique qui résulte des dispositions du titre II de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, ni aux règles de déontologie applicables aux différents personnes en charge de cette activité, le défaut dobservation de ces règles pouvant donner lieur à sanction disciplinaire. Cette disposition sinspire de celle figurant actuellement dans larticle 61 de la loi du 10 juillet 1991 supprimé par larticle 15 du projet. Concrètement, cela signifie que les destinataires dune consultation juridique bénéficieront des mêmes garanties de compétence du consultant, que la consultation soit donnée dans le cadre de laide à laccès au droit ou directement par des professionnels du droit. Dans cette catégorie entrent non seulement les avocats, les notaires ou les huissiers qui, dans le cadre des activités définies par leurs statuts, disposent du droit de donner des consultations juridiques, mais aussi les associations et fondations reconnues dutilité publique, les associations exerçant leur activité dans le domaine du logement ou encore les associations familiales qui peuvent donner à leurs membres des consultations juridiques relatives aux questions se rapportant directement à leur objet. Au titre de la déontologie, rappelons, par exemple, que lavocat doit veiller avec une particulière attention à recueillir tous les éléments nécessaires, préalablement à toute consultation ou avis quil donne, sous quelque forme que ce soit ; dans le cadre des consultations gratuites, il sinterdit en principe daccepter comme client la personne qui le consulte. La Commission a adopté un amendement de M. Claude Goasguen ayant pour objet dinclure, dans laide à laccès au droit, lassistance à la rédaction et à la conclusion des actes juridiques, M. Gérard Gouzes sétant déclaré très favorable à cette extension (amendement n° 7). Après avoir rejeté un amendement de M. Philippe Houillon tendant à supprimer le dernier alinéa de cet article relatif aux conditions dans lesquelles sexerce laide à la consultation en matière juridique, elle a adopté deux amendements présentés par le rapporteur, le premier supprimant la référence à la résolution amiable des litiges dans la dénomination de la commission départementale de laccès au droit (amendement n° 5), le second tendant à mentionner les règles de déontologie, avant de renvoyer au titre II de la loi du 31 décembre 1971 qui énumère limitativement les personnes habilitées à donner des consultations juridiques (amendement n° 6). La Commission a adopté larticle 8 ainsi modifié. Article 9 Cet article insère, après larticle 53 de la loi du 10 juillet 1990, un titre II relatif à la mise en uvre de laccès au droit et procède à la réécriture des articles 54 à 60, afin de donner une pleine effectivité à linstitution des conseils départementaux de l'accès au droit et de la résolution amiable des litiges . Pour cela, il a été largement tenu compte de lexpérience accumulée depuis huit ans. La dénomination des conseils départementaux chargés de mettre en uvre une politique daide à laccès au droit est modifiée afin de mieux refléter leurs missions : le conseil départemental de laide juridique laisse ainsi place au conseil départemental de laide à l'accès au droit . La référence à laide juridique est supprimée dans la mesure où cette notion englobe à la fois laide juridictionnelle et laide à laccès au droit, ladmission à laide juridictionnelle étant prononcée par le bureau daide juridictionnelle et non pas par le conseil départemental de l'accès au droit. La fonction de ce conseil est énoncée dans son titre même favoriser laccès au droit avec, en complément, la mention de la résolution amiable des litiges vers laquelle doivent tendre les actions conduites dans le cadre de laide à l'accès au droit. Pour être complète, la dénomination de ces conseils départementaux devient un peu longue, y compris si elle est contractée en initiales : par commodité, la seconde partie de lintitulé évoquant la résolution amiable des conflits risque fort de passer à la trappe. Autant en tirer immédiatement les conséquences en parlant de conseil départemental de laide à l'accès au droit , ce qui à le mérite dêtre bref et significatif, comme lest, dans son registre, la dénomination de bureau daide juridictionnelle . La Commission a adopté un amendement du rapporteur ayant pour objet de procéder à plusieurs coordinations en relation avec la dénomination du conseil départemental (amendement n° 8). Article 54 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 Aux termes de larticle 53 de la loi du 10 juillet 1991, le conseil départemental de l'aide juridique est chargé : dévaluer les besoins daccès au droit ; de déterminer et mettre en uvre une politique daide à l'accès au droit ; dévaluer la qualité du fonctionnement des services organisés à cette occasion ; de rechercher et de recevoir les fonds destinés au financement de sa politique et de les répartir ; détablir, chaque année, un rapport sur laide juridictionnelle et sur laide à laccès au droit. Le projet de loi resserre la définition des missions du conseil départemental de l'accès au droit et encadre leur exercice, les questions financières étant spécifiquement évoquées au nouvel article 57 de la loi. En conséquence, le conseil est chargé : de recenser les besoins ; de définir une politique locale, les besoins daccès au droit nétant pas les mêmes dun département à lautre ; de dresser et diffuser linventaire de lensemble des actions menées, dans un souci de cohérence, mais aussi dinformation : il ne suffit pas de faire, il faut également faire savoir. Afin dassurer la cohérence des actions conduites dans le département, le conseil devra désormais être saisi, pour information, de tout projet daction préalablement à sa mise en uvre et, pour avis, de toute demande de concours financier de lEtat. Comme par le passé, il devra évaluer la qualité et lefficacité des dispositifs auxquels il apporte son concours. Par ailleurs, et cette fois dans un souci déquité et daménagement du territoire, le conseil départemental devra veiller à la bonne répartition territoriale des instances qui contribuent à favoriser laccès au droit afin que, au sein dun même département, certaines communes naccaparent pas tous les services tandis que dautres seraient négligées. Pour mener à bien les missions qui lui sont confiées, le conseil départemental de l'accès au droit pourra, comme cest déjà le cas (cf. actuels articles 61 et 64), passer des conventions avec les personnes et organismes concernés par laide à laccès au droit et participer au financement des actions poursuivies. Par ailleurs, le conseil départemental de l'accès au droit devra établir chaque année un rapport sur laide juridique, ce quil fait déjà, mais aussi sur les modes alternatifs de règlement des litiges dans le département. On peut sinterroger sur le champ de ce rapport. Laide juridique englobe laide juridictionnelle qui est attribuée non pas par les conseils départementaux mais par les bureaux daide juridictionnelle installés au siège des tribunaux de grande instance sis dans le département, le seul intérêt étant peut-être de donner des informations pour lensemble du département et non par juridiction. Par ailleurs, les modes de règlements alternatifs des litiges ne passent pas nécessairement par le canal de laide à laccès au droit, quil sagisse de la conciliation, de la médiation ou de la transaction. Enfin, dans un souci de clarification, il est précisé que les activités du médiateur et de ses délégués nentrent pas dans le champ de larticle 54 modifié par le projet de loi, laide à l'accès au droit ne se limitant dailleurs pas aux difficultés rencontrées par les administrés dans leurs relations avec ladministration. La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à permettre au conseil départemental de mener des campagnes de sensibilisation et de formation auprès des personnes susceptibles de mettre en uvre laide à laccès au droit (amendement n° 9). Article 55 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 Tout comme le conseil départemental de l'aide juridique, le conseil départemental de l'accès au droit sera un groupement dintérêt public. Cette formule a été conservée car elle offre beaucoup de souplesse en permettant à des personnes morales de droit public et de droit privé dexercer ensemble des activités à but non lucratif dans des secteurs prévus par une trentaine de lois, aussi divers que laction sanitaire et sociale, ladministration locale ou la recherche. Larticle 21 de la loi du 15 juillet 1982 dorientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France sappliquera dailleurs au conseil départemental de l'accès au droit : doté de la personnalité morale et de lautonomie financière, le groupement dintérêt public sera soumis au contrôle de la Cour des comptes ; nommé par le conseil dadministration, son directeur assurera le fonctionnement du groupement sous lautorité du conseil et du président. Par ailleurs, le nombre des membres de droit du conseil départemental de l'accès au droit est réduit afin de faciliter sa constitution et son fonctionnement. Sont conservés comme membres fondateurs du groupement dintérêt public les partenaires les plus impliqués dans laide à laccès au droit qui ont les capacités à financer ou à faire fonctionner linstitution : lEtat, le département, lordre des avocats, la caisse des règlements pécuniaires du barreau concerné (C.A.R.P.A.), auxquels sajoute, ce qui est nouveau, une association uvrant dans le domaine de l'accès au droit désignée par le préfet. A Paris, cette liste sera complétée par lordre des avocats aux conseils, tandis que ny figureront plus les chambres départementales des huissiers et des notaires et les chambres de discipline des commissaires-priseurs et des avoués. Il est à noter que, actuellement, lorsque le département comporte plusieurs barreaux, tous les ordres des avocats sont présents dans le groupement dintérêt public : à lavenir, seul un des ordres établis dans le département choisi par leurs bâtonniers respectifs en fera partie. Le conseil départemental reste présidé par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département, qui a voix prépondérante en cas de partage égal des voix : cest là une traduction de son rôle moteur dans la constitution et le fonctionnement de cette structure. Il est désormais précisé que les fonctions de commissaire du gouvernement, prévues par la loi précitée du 15 juillet 1982 comme pour tout organisme soumis à un contrôle de lEtat, seront exercées par le procureur de la République près le tribunal de grande instance du chef lieu du département. En revanche, il nest plus précisé que, au sein du conseil dadministration du conseil départemental, les représentants des professions judiciaires et juridiques et des C.A.R.P.A. doivent être en nombre au moins égal à celui des représentants des autres catégories. Comme aujourdhui (cf. art. 55), la convention constitutive devra déterminer les modalités de participation des membres au financement des activités ou celles de lassociation des moyens de toute nature mis par chacun à la disposition du groupement . En outre, elle devra préciser les conditions dans lesquelles le groupement pourra accueillir en son sein dautres membres, personnes morales de droit public ou privé. Enfin, lalinéa traitant de laccès au droit pour les Français établis hors de France est transféré dans larticle 59 qui leur est désormais spécifiquement consacré. La Commission a rejeté un amendement de M. Claude Goasguen tendant à transformer le conseil départemental de laccès au droit en association, son auteur et Mme Christine Lazerges ayant estimé que lobligation de recourir à un groupement dintérêt public avait freiné la constitution des conseils départementaux, tandis que le rapporteur a fait valoir quelle apportait des garanties de transparence et de contrôle. Elle a également rejeté un amendement de M. André Gerin et un amendement de M. Philippe Houillon concernant lassociation membre de droit du groupement dintérêt public, le premier tendant à substituer, à la désignation par le préfet, la cooptation par les autres membres du groupement et le second tendant à préciser quelle est désignée par le préfet après avis des représentants du département, de lordre des avocats et du président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département. La Commission a, en revanche, adopté un amendement du rapporteur, rectifié à linitiative de Mme la Présidente afin de ne pas faire référence à la structure du groupement dintérêt public, tendant à préciser que tous les membres de droit du conseil départemental pourront demander sa constitution au président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département (amendement n° 10). Puis, elle a rejeté trois amendements complétant la liste des membres de droit, le premier de M. Claude Goasguen ajoutant la chambre des notaires du département et les deux autres de M. André Gerin proposant dadjoindre un représentant de chacune des organisations syndicales représentatives au plan national et un conseiller prudhomal. Le rapporteur a rappelé que le projet réduisait le nombre des membres de droit du conseil départemental, mais lui laissait la possibilité dadmettre en son sein dautres membres et permettait au président dappeler à siéger au conseil départemental, avec voix consultative, la chambre départementale des notaires. Le rapporteur ayant estimé inopportun de renoncer à cette souplesse, la Commission a rejeté un amendement de M. Philippe Houillon supprimant la possibilité pour le groupement daccueillir en son sein dautres membres que les membres de droit. Article 56 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 Actuellement, larticle 56 précise que le conseil départemental peut conclure des conventions avec les centres communaux daction sociale ou tout autre organisme public ou privé en vue dobtenir leur concours pour lattribution de laide. Larticle 9 du projet transférant cette disposition dans larticle 57 de la loi, qui est consacré à la répartition des ressources, larticle 56 change dobjet : afin de faciliter la constitution du groupement dintérêt public sans le priver de la présence de tous les intervenants concernés par laide à l'accès au droit, il permet dassocier aux travaux du conseil départemental des personnes nayant pas la qualité de membre fondateur du groupement. Désormais, le président pourra donc appeler à siéger au conseil départemental de l'accès au droit, avec voix consultative : des représentants des communes ou des groupements de communes du département ; des représentants dorganismes qui ne font plus partie du noyau dur du groupement dintérêt public tel que défini par larticle 55 modifié, cest-à-dire les chambres départementales des huissiers de justice et des notaires et, si le département comporte plus dun barreau, les ordres des avocats et leurs caisses des règlements pécuniaires nayant pas la qualité de membre fondateur du groupement ; toute personne reconnue pour ses activités en matière daide à laccès au droit et de résolution amiable des litiges. La Commission a adopté un amendement du rapporteur procédant à une coordination dordre rédactionnel (amendement n° 11). Article 57 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 Actuellement, larticle 57 de la loi du 10 juillet 1991 traite des attributions du ministre des affaires étrangères et des chefs de postes diplomatiques et consulaires en matière daide à laccès au droit. Larticle 9 du projet transfère ces dispositions dans larticle 60 de la loi précitée et consacre, dorénavant, larticle 57 à la réception et à la répartition des ressources permettant de financer laide à laccès au droit. Aux termes de larticle 68, que le projet ne modifie pas, le financement de laide à l'accès au droit est notamment assuré par : les participations de lEtat, du département et des autres membres du groupement dintérêt public prévues par la convention constitutive ; les contributions des caisses des règlements pécuniaires des barreaux du ressort ; les participations des organismes professionnels des professions judiciaires et juridiques ; les subventions accordées par les collectivités territoriales, les établissements publics, les organismes de sécurité sociale et toute autre participation. Les fonds destinés à laide à l'accès au droit sont versés au conseil départemental de laide juridique territorialement compétent. Dans sa nouvelle rédaction, larticle 57 de la loi du 10 juillet 1991 indique que le conseil départemental reçoit et répartit les ressources, précision qui figure actuellement dans larticle 54. Comme par le passé (cf. art. 56 et 61), il pourra conclure des conventions dont la finalité est cependant précisée : avec les membres des professions juridiques ou judiciaires réglementées (ou leurs organismes professionnels) ou avec les personnes autorisées à donner des consultations juridiques par la loi du 31 décembre 1971, afin de définir les modalités de leur participation aux actions daide à l'accès au droit . avec les centres communaux daction sociale ou tout autre organisme public ou privé, afin dobtenir leur concours pour la mise en uvre de laide à laccès au droit , ces conventions étant déjà possibles sur le fondement, pour les premières de larticle 61 et, pour les secondes, de larticle 56. Article 58 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 Actuellement, sur la base de larticle 62 de la loi du 10 juillet 1991, le conseil départemental de laide juridique peut laisser à la charge du bénéficiaire une partie des frais de la consultation juridique, selon un barème quil établit en tenant compte de deux critères : les ressources de lintéressé, la nature de la consultation. Il en va dailleurs de même en matière daide juridictionnelle si ce nest que les critères sont fixés au plan national dans la mesure où son financement est exclusivement assuré par lEtat puisque des plafonds de ressources sont fixés pour ladmission à cette aide, qui peut être totale ou partielle. Sous réserve de modifications purement rédactionnelles, larticle 58 modifié par larticle 9 du projet est lexacte transposition de lactuel article 62 de la loi précitée. Article 59 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 Actuellement, larticle 59 de la loi du 10 juillet 1991 précise que laide à l'accès au droit porte sur les droits et obligations relatifs aux droits fondamentaux et aux conditions essentielles de vie du bénéficiaire. Le champ de laide à l'accès au droit étant désormais défini plus largement, dans larticle 53 modifié, larticle 59 traitera à lavenir de laide à l'accès au droit pour les Français de létranger. Composé de deux alinéas, il reprend au mot près lactuel article 59 et le douzième alinéa de lactuel article 54. Il en résulte que : le bénéfice des mesures prises par les conseils départementaux de l'accès au droit et de la résolution amiable des litiges ne pourra pas être refusée aux Français établis hors de France en raison de leur résidence à létranger ; les questions relatives à l'accès au droit intéressant les Français établis à létranger continueront de relever, en labsence de lien avec un autre département, du conseil départemental de Paris. Article 60 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 Aux termes de larticle 60 de la loi du 10 juillet 1991, laide à la consultation juridique permet à son bénéficiaire dobtenir des informations sur létendue de ses droits et obligations, des conseils sur les moyens de faire valoir ses droits et une assistance en vue de létablissement dun acte juridique. Cette disposition na plus sa place dans le nouveau dispositif qui définit le contenu de laide à l'accès au droit dans larticle 53 modifié. Dans la rédaction que lui donne larticle 9 du projet, larticle 60 dispose que le ministre des affaires étrangères et les postes diplomatiques ou consulaires continuent à exercer leurs attributions en matière daide à l'accès au droit pour les Français de létranger concurremment, le cas échéant, avec les autres aides ou mesures dassistance prévues par les conseils départementaux. Il sagit là de la reprise, au mot près, de lactuel article 57 désormais consacré aux conventions que le conseil départemental pourra passer avec les professionnels du droit et les centres communaux daction sociale. La Commission a adopté larticle 9 ainsi modifié. Article 10 La quatrième partie de la loi du 10 juillet 1991 est consacrée aux dispositions communes à laide juridictionnelle, à laide à l'accès au droit et à laide à lintervention de lavocat au cours de la garde à vue. Son titre premier traite du Conseil national de laide juridique (art. 65) et son titre II du financement de laide juridique (art. 67 à 69). Larticle 68 établit une liste non exhaustive des financements de laide à l'accès au droit, au nombre desquels figure la participation de lEtat en tant que membre du groupement dintérêt public. Larticle 69 précise que, pour compenser les disparités entre les départements et soutenir des initiatives dintérêt général, lEtat peut, en outre, participer par voie de convention à la prise en charge dactions mises en uvre par le conseil départemental de l'aide juridique. Dans la rédaction que lui donne larticle 10 du projet, larticle 69 prévoit que les consultations juridiques organisées dans le cadre de laide à l'accès au droit font lobjet dune tarification dans des conditions prévues par décret. Cela permettra dunifier les pratiques sur lensemble du territoire, dautant plus quune partie du montant des frais de consultation pourra rester à la charge du bénéficiaire (cf. supra art. 58). Actuellement, les consultations délivrées par les personnes habilitées (avocats, autres professionnels du droit ou associations spécialisées) sont facturées soit à lacte, soit au forfait de permanence dune demi-journée ; les coûts unitaires peuvent varier de 250 francs à 900 francs, voire à plus de mille francs, selon les C.D.A.J., parfois même selon les barreaux à lintérieur dun même C.D.A.J. Cest pour remédier à ces trop grandes disparités que larticle 10 du projet prévoit une tarification par décret. Selon les indications fournies à votre rapporteur, un plafond national de rémunération horaire devrait être fixé mais son montant nest pas encore arbitré. La Commission a rejeté deux amendements identiques de MM. Philippe Houillon et André Gerin tendant à préciser que les consultations juridiques données dans le cadre de laide à laccès au droit sont indemnisées dans les conditions prévues par décret pour la part de financement de lEtat, la référence à une tarification leur ayant paru ne pas permettre la prise en compte de situations variées tenant à léloignement ou à la matière en cause. Elle a adopté un amendement du rapporteur tendant à préciser que les principes de la tarification seront déterminés par décret pris en Conseil dEtat (amendement n° 12). La Commission a adopté larticle 10 ainsi modifié. Article 11 Cet article procède à diverses coordinations dans la loi du 10 juillet 1991 rendues nécessaires par la transformation du conseil départemental de l'aide juridique en conseil départemental de l'accès au droit et de la résolution amiable des conflits. Cette substitution de dénomination est opérée : dans larticle 29, qui prévoit que les dispositions du règlement intérieur du barreau relatives à laide juridictionnelle sont communiquées pour information au conseil départemental ; dans larticle 65, qui précise que le Conseil national de laide juridique peut faire aux conseils départementaux des suggestions en vue de développer et dharmoniser les actions menées localement ; dans larticle 70, qui renvoie à un décret en Conseil dEtat le soin de fixer les règles de composition et de fonctionnement des conseils départementaux. Après avoir rejeté un amendement de M. Claude Goasguen tendant à supprimer cet article, la Commission a adopté un amendement du rapporteur procédant à une coordination rédactionnelle avec la dénomination retenue pour le conseil départemental de laccès au droit (amendement n° 13) et larticle 11 ainsi modifié. Chapitre III La loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale a complété larticle 41 du code de procédure pénale par un alinéa institutionnalisant la médiation pénale. Préalablement à sa décision sur laction publique et avec laccord des parties, le procureur de la République peut décider de recourir à une médiation sil lui apparaît quune telle mesure est susceptible dassurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de linfraction et de contribuer au reclassement de lauteur de linfraction ; cette mesure sinscrit dans le pouvoir dappréciation de lopportunité des poursuites que le procureur tient du premier alinéa de larticle 40 du code précité. Le législateur a souhaité ainsi conforter une pratique apparue dans certains parquets et concourir à leur développement, compte tenu du très grand intérêt quelles présentent. Le médiateur nest pas le procureur mais un tiers neutre chargé de rapprocher les points de vue. Si un accord intervient et est exécuté, le parquet classe sans suite, sans quil y ait extinction de laction publique. Le projet de loi étend laide juridique à laide à lintervention de lavocat en matière de médiation pénale, déjà étendue à laide à lintervention de lavocat au cours de la garde à vue par la loi du 24 août 1993. Article 12 Cet article complète larticle premier de la loi du 10 juillet 1991 afin de préciser que laide juridique comprend : laide juridictionnelle ; laide à l'accès au droit ; laide à lintervention de lavocat, non seulement au cours de la garde à vue mais aussi, désormais, en matière de médiation pénale. La Commission a adopté larticle 12 sans modification. Cet article complète lintitulé de la troisième partie de la loi du 10 juillet 1991 relative à laide à lintervention de lavocat au cours de la garde à vue afin dy faire figurer lintervention de lavocat en matière de médiation pénale. Cette partie comprendra lactuel article 64-1 et le futur article 64-2 relatifs, respectivement, à ces deux hypothèses dintervention dun avocat, qui ne peuvent donner lieu à une rémunération sur le fondement de laide juridictionnelle puisquil ne sagit pas, stricto sensu, de faire valoir des droits en justice. La Commission a adopté larticle 13 sans modification. Article 14 Larticle 64-1 de la loi du 10 juillet 1991 permet de rétribuer lavocat désigné doffice intervenant à partir de la vingt et unième heure de garde à vue, grâce à une dotation affectée par lEtat à chaque barreau. Aux termes de larticle 132-2 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de ladite loi, la contribution de lEtat à la rétribution des avocats est de 300 F hors taxes. Elle est majorée de 200 F hors taxes lorsque lintervention a lieu de nuit, entre vingt-deux heures et sept heures, et de 100 F lorsque lintervention a lieu hors des limites du siège du tribunal de grande instance ; ces deux majorations sont cumulables. Larticle 14 du projet insère un article 64-2 dans la loi du 10 juillet 1991, afin douvrir un droit à rétribution pour lavocat assistant au cours dune médiation pénale, soit la personne mise en cause, soit la victime, si son client remplit les conditions pour bénéficier de laide juridictionnelle. Actuellement, le demandeur doit justifier que ses ressources mensuelles sont inférieures à 4.901 F pour bénéficier de laide juridictionnelle totale et de 7.353 F pour bénéficier de laide partielle. Un décret fixera la rétribution de lavocat intervenant en matière de médiation pénale et déterminera les modalités selon lesquelles laide est accordée par le président ou le vice-président du bureau daide juridictionnelle. Selon les indications fournies à votre rapporteur, laide juridictionnelle sera accordée conformément aux principes de droit commun, au vu de la déclaration de ressources de lintéressé et au terme dune procédure dinstruction qui pourra, désormais, être menée par le président du bureau daide juridictionnelle statuant seul. La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à préciser que les modalités dattribution de laide à lintervention de lEtat en matière de médiation pénale seront fixées par un décret pris en Conseil dEtat (amendement n° 14). La Commission a adopté larticle 14 ainsi modifié. Chapitre IV Article 15 Cet article procède à diverses abrogations dans les trois premières parties de la loi du 11 juillet 1991. Articles 45, 46 et 49 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 Les articles 45, 46 et 49 de la loi du 10 juillet 1991 relatifs aux conditions de remboursement des frais couverts par laide juridictionnelle et à leur notification sont abrogés par cet article, leur contenu ayant été repris aux articles 50 et 52-1 (art. 6 et 7 du projet). Articles 61 et 62 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 Il y a également lieu dabroger les articles 61 et 62 de la loi du 10 juillet 1991 dont les dispositions ont été transférées par le projet de loi, pour le premier, dans le dernier alinéa de larticle 53 relatif à laide à la consultation en matière juridique et, pour le second, dans larticle 58 relatif aux frais pouvant être laissés à la charge du bénéficiaire dune consultation juridique. Articles 63 et 64 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 Actuellement, les articles 63 et 64 de la loi du 11 juillet 1991 définissent lassistance au cours des procédures non juridictionnelles et les conditions dans lesquelles elles sexercent. Compte tenu de la nouvelle économie de la deuxième partie de la loi du 11 juillet 1991, ces articles sont abrogés, leur contenu figurant désormais dans les articles 53, 57 et 58 qui ont une portée générale concernant tous les types dactions conduites dans le cadre de laide à laccès au droit. La Commission a adopté larticle 15 sans modification. Après larticle 15 La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant les titres premier et II de la deuxième partie de la loi du 10 juillet 1971, le projet de loi déplaçant ces titres et leur donnant de nouveaux intitulés (amendement n° 15). Article 16 Cet article autorise les conseils départementaux de l'aide juridique, constitués à la date dentrée en vigueur de la réforme de la loi relative à laccès au droit et à la résolution amiable des conflits, de poursuivre leurs activités dans les conditions actuellement en vigueur et cela jusquà lexpiration de la durée du groupement dintérêt public fixée dans la convention constitutive. La Commission a adopté larticle 16 sans modification. Sur proposition du rapporteur, la Commission a rejeté un amendement de M. Claude Goasguen ayant pour objet dinciter les particuliers à souscrire des contrats dassurance de protection juridique en rendant déductible le montant des primes versées. M. Gérard Gouzes sest déclaré très hostile à cette mesure, estimant que les justiciables devaient rester libres de choisir leur avocat, qui ne saurait leur être imposé par leur assureur. TITRE II Article 17 Cet article complète le livre VII du code de lorganisation judiciaire consacré aux dispositions communes à plusieurs juridictions par un titre XI comprenant trois articles (articles L. 7-11-1-1 à L. 7-11-1-3) qui donnent un cadre juridique aux maisons de justice et du droit. Ces articles sont volontairement concis, afin de laisser le maximum de souplesse à des structures qui doivent avant tout tenir compte des réalités locales. Le premier alinéa de larticle L. 7-11-1-1 consacre la possibilité de créer dans le ressort des tribunaux de grande instance des maisons de justice et du droit, placées sous lautorité du procureur de la République et du président du tribunal concernés. Conformément aux recommandations formulées dans le rapport de M. Gérard Vignoble, le Gouvernement a retenu la dénomination de maison de justice et du droit, plutôt que celle dantenne de justice qui a pourtant la préférence de votre rapporteur dans la mesure où elle met laccent sur laspect judiciaire de leur activité. La référence au président du tribunal de grande instance, jusquà présent semble-t-il peu impliqué dans le fonctionnement des maisons de justice et du droit, illustre la volonté de la Chancellerie de développer au sein de ces structures le traitement des affaires civiles. Les deux alinéas suivants définissent de façon sommaire le rôle des maisons de justice et du droit. Leur mission est double : en amont, elles participent à la prévention de la délinquance et aux politiques daide aux victimes et daccès au droit grâce à la présence judiciaire de proximité quelles assurent ; en pratique, cette participation pourra se traduire par la présence dun juge des enfants et dun éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse pour la prévention de la délinquance ; laide aux victimes et la politique daide à laccès au droit définie par les conseils départementaux de laccès au droit seront notamment assurées par le personnel daccueil, des associations daide aux victimes, des travailleurs sociaux et des avocats ; les maisons de justice et du droit joueront également un rôle essentiel dans le développement du traitement non juridictionnel des affaires, puisquelles sont appelées à devenir des lieux privilégiés pour les mesures alternatives de traitement pénal , cest-à-dire pour la médiation pénale, qui bénéficiera désormais dune aide financière (article 14 du projet de loi) ou la réparation pour les mineurs ou encore les procédures de rappel à la loi ou de classement sous condition ; la compensation judiciaire prévue par le projet de loi renforçant lefficacité de la procédure pénale trouvera naturellement à sappliquer au sein de ces structures. Comme la souligné votre rapporteur dans lexposé général, le développement de ces pratiques suppose la présence régulière dun substitut du procureur qui pourra ainsi prendre en temps réel les mesures appropriées pour répondre aux actes de petite délinquance. Le droit civil nest pas oublié puisque le texte fait explicitement référence aux actions tendant à la résolution amiable des litiges : la conciliation et la médiation judiciaires pourront être effectuées dans les maisons de justice et du droit, tout comme la conciliation avant linstance ou la transaction qui sera amenée à se développer avec lextension de laide juridictionnelle. Lors de son audition par votre rapporteur, M. Jean-Marie Coulon a insisté sur la nécessité de prévoir pour les conciliateurs et les médiateurs des formations adaptées à la spécificité de leur mission dans ces quartiers sensibles. La définition du rôle des maisons de justice et du droit permet donc dans lensemble de conforter les expériences menées actuellement et décrites dans la première partie du rapport. Elle est suffisamment générale pour rendre possible la présence de nouveaux intervenants, comme par exemple, le juge des tutelles dont Mme Marie-Françoise Petit a souligné limportance lors de son audition par le rapporteur On peut cependant regretter que larticle L. 7-11-1-1 ne mentionne pas explicitement le suivi des personnes condamnées, la présence des comités de probation et dassistance aux libérés au sein de ces structures ayant fait la preuve de son efficacité. Le caractère très général de larticle L. 7-11-1-1 confère une grande importance au décret en Conseil dEtat prévu par larticle L. 7-11-1-2 et qui devra déterminer les modalités de création et de fonctionnement des maisons de justice et du droit. Ce décret nest pas encore prêt, mais daprès les indications fournies par la Chancellerie, il semble quil reprendra les grandes lignes de la circulaire du 19 mars 1996 relative aux maisons de justice et du droit. Rappelons que cette circulaire précise que les créations de maisons de justice et du droit sont décidées par la Chancellerie au vu des demandes présentées par les chefs de juridiction sous couvert des chefs de cour , après un travail de concertation avec les partenaires locaux ; la circulaire recommande également que les maisons de justice et du droit sorganisent dans le cadre de conventions entre les autorités judiciaires et la ou les collectivités locales qui définissent les obligations de chacun, la charge de secrétariat et daccueil étant assurée par un fonctionnaire de justice tandis que les dépenses dinvestissement initial et les frais de fonctionnement incombent aux collectivités locales. Quelles que soient les modalités retenues, celles-ci devront être suffisamment souples pour permettre de sadapter aux besoins locaux et ne pas remettre en cause lexistence des structures actuelles qui ont fait la preuve de leur efficacité. Enfin, larticle L. 7-11-1-3 rend ce nouveau dispositif applicable à Mayotte et dans les territoires doutre-mer. Il convient de souligner quil nexiste pas encore de maisons de justice et du droit dans ces territoires et collectivité, alors que de telles structures seraient fort utiles étant donné létendue géographique de certains dentre eux. La Commission a adopté un amendement du rapporteur créant dans le code de lorganisation judiciaire un nouveau titre pour les maisons de justice et du droit (amendement n° 16), lauteur ayant souligné que le titre proposé par le projet de loi existait déjà, avant de rejeter un amendement de M. André Gerin prévoyant que les maisons de justice et du droit sont gérées par un conseil dadministration comportant des représentants des collectivités locales, des associations et des organisations syndicales représentatives. Elle a ensuite été saisie dun amendement de M. Claude Goasguen tendant à rendre obligatoire la création de maisons de justice et du droit. Lauteur a indiqué que son amendement permettait de ne pas faire dépendre cette création de la situation financière de la collectivité locale concernée, soulignant que le ministère du budget serait sans doute très réticent pour financer une structure dont la création nest que facultative. Mme la Présidente a indiqué quil revenait à lEtat davoir un rôle moteur en la matière, avant de faire observer que lobligation proposée par lamendement nétait assortie daucune sanction. Mme Christine Lazerges a rappelé que lobjectif du projet de loi nétait pas de couvrir le territoire national de maisons de justice et du droit, mais bien den créer là où cest nécessaire, cest-à-dire dans les quartiers difficiles. Elle a regretté le caractère trop succinct du dispositif proposé et suggéré que lon indique plus clairement dans le texte la nécessité dune présence judiciaire. Après avoir rappelé que les maisons de justice et du droit sétaient créées de manière spontanée, M. Gérard Gouzes a estimé que lamendement de M. Claude Goasguen était trop contraignant. Mme Raymonde Le Texier sest opposée à cette obligation de création, faisant valoir quelle nécessiterait des moyens financiers considérables. Elle a en revanche estimé que le projet de loi devait prévoir la présence de magistrats. Après avoir indiqué quil partageait lopinion de Mmes Christine Lazerges et Raymonde Le Texier sur limportance de la présence judiciaire dans les maisons de justice et du droit, le rapporteur a observé quune telle présence relevait du pouvoir réglementaire et rappelé quil demanderait au Gouvernement de lui communiquer le projet de décret avant la seconde lecture du texte. Il a ajouté que la présence de magistrats ne dépendait pas uniquement de considérations financières, mais était liée au problème plus général de la formation, certains magistrats refusant de se rendre dans les maisons de justice et du droit. La Commission a alors rejeté lamendement de M. Claude Goasguen, ainsi quun amendement de M. André Gerin confiant la vice-présidence des maisons de justice et du droit à un représentant des collectivités locales. La Commission a adopté larticle 17 ainsi modifié. TITRE III Articles 18 et 19 Les ordonnances nos 92-1143 et 92-1147 du 12 octobre 1992 ont étendu à Mayotte et aux territoires doutre-mer les dispositions de la loi du 10 juillet 1991 sur laide juridictionnelle, en les adaptant aux spécificités de ces collectivités. Les articles 18 et 19 récrivent donc ces ordonnances afin de rendre applicables sur ces îles les modifications apportées à la loi de 1991 par les chapitres premier et trois du titre premier du présent projet de loi. Le paragraphe I de larticle 18 complète le deuxième alinéa de larticle 10 de lordonnance n° 92-1143 du 12 octobre 1992, qui précise que laide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant linstance et être accordée pour tout ou partie de celle-ci, afin dindiquer quelle peut également être accordée pour une transaction avant linstance, comme le prévoit larticle premier du projet de loi. Le paragraphe II réécrit larticle 25 de lordonnance en reprenant les dispositions de larticle 4 du projet de loi qui ne permet à lavocat de demander des honoraires à son client quaprès le retrait de laide juridictionnelle. Le paragraphe III complète larticle 26 de lordonnance afin de préciser, comme le fait le paragraphe III de larticle premier du projet de loi, que lorsquune transaction na pu être conclue, la rétribution de lavocat ou de la personne agréée dépend de limportance et du sérieux des diligences accomplies et que cette rétribution simpute sur celle qui lui est due si une instance est engagée après léchec de la transaction. Les seules différences avec le texte proposé par larticle premier du projet de loi concernent labsence de renvoi à un décret pour fixer le montant de la rétribution de lavocat et la référence à la personne agréée : larticle 15 de lordonnance prévoit en effet que les personnes agréées par le président du tribunal supérieur dappel pour exercer les attributions dévolues par le code de procédure pénale aux conseils des parties commis doffice peuvent saisir le bureau daide juridictionnelle. Comme larticle 6 du projet de loi, le paragraphe V instaure une procédure unique de retrait total ou partiel de laide juridictionnelle. Cette nouvelle rédaction de larticle 37 de lordonnance rend nécessaire, par coordination, la suppression proposée par le paragraphe IV des articles 32 et 33 de cette même ordonnance qui traitent du remboursement de laide juridictionnelle. Le paragraphe IV prévoit également la suppression de larticle 36 qui impose la communication des dispositions des articles 29, 32 et 33. Le paragraphe VI insère à la fin du titre de lordonnance consacré au retrait de laide juridictionnelle un article 39-1 qui reprend partiellement larticle 36 en indiquant que les dispositions de larticle 29 sur la charge des dépens en cas de condamnation doivent être portées à la connaissance du bénéficiaire de laide lors de la notification de son admission. Larticle 39-1 prévoit également la communication à lintéressé des articles 37 à 39 de lordonnance relative aux conditions de retrait de laide juridictionnelle, sur le modèle de larticle 52-1 créé par larticle 7 du projet de loi. Le paragraphe VII insère dans le titre VII de lordonnance portant dispositions diverses un article 40-1 dont le premier alinéa pose le principe de la rétribution par lEtat de lavocat désigné doffice qui intervient au cours de la garde à vue : larticle 64-1, introduit dans la loi du 10 juillet 1991 par la loi du 24 août 1993, qui prévoit cette rétribution, navait pas jusquà présent été étendu à loutre-mer ; laide au cours de la garde à vue concernera également la personne agréée en application de larticle 879 du code de procédure pénale par le président du tribunal supérieur dappel pour exercer les attributions dévolues par ce code aux avocats et aux conseils des parties. Le deuxième alinéa de larticle 40-1 reprend les dispositions de larticle 64-2 de la loi du 10 juillet 1991 (article 14 du projet de loi) sur laide destinée à financer lavocat dans le cadre de la médiation pénale. Les seules différences avec larticle 64-2 portent sur la mention de la personne agréée et labsence de référence au vice-président du bureau daide juridictionnelle insérée dans la loi de 1991 par larticle 18 de la loi du 8 février 1995, cet article nayant pas été étendu à loutre-mer. Les modalités dapplication de larticle 40-1, notamment le montant de la dotation de lEtat affectée à cette aide et ses conditions dattribution, seront fixées par décret en Conseil dEtat, comme le prévoit le paragraphe VIII. La Commission a adopté trois amendements du rapporteur modifiant lordonnance de 1992 relative à laide juridictionnelle à Mayotte : le premier précise, comme le fait larticle premier pour la métropole, que lavocat a droit à une rétribution pour une transaction conclue avant linstance et que le montant de cette rétribution en cas déchec des pourparlers transactionnels est fixé par décret en Conseil dEtat (amendement n° 17) ; le second supprime, par coordination, la référence à laide juridictionnelle partielle (amendement n° 18) et le troisième fait disparaître une référence inutile à un décret pour fixer le montant de la rétribution de lavocat en cas de médiation pénale (amendement n° 19). La Commission a adopté larticle 18 ainsi modifié. Larticle 19 procède aux mêmes adaptations pour lordonnance n° 92-1147 du 12 octobre 1992 relatives aux territoires doutre-mer, mais uniquement en ce qui concerne laide juridictionnelle en matière pénale, puisque la procédure civile relève de la compétence de ces territoires. Les paragraphes I et II rendent applicables les dispositions des articles 6 et 7 du projet de loi sur les modalités de retrait de laide juridictionnelle ; le paragraphe III insère dans lordonnance deux articles 23-2 et 23-3 qui posent le principe dune aide à lintervention de lavocat au cours de la garde à vue et en matière de médiation pénale : à Wallis-et-Futuna, laide pourra également financer lintervention de la personne agréée par le président du tribunal de première instance en application du dernier alinéa de larticle 814 du code de procédure pénale ; enfin, le paragraphe IV renvoie à un décret en Conseil dEtat le soin de fixer les modalités doctroi de cette aide ; notons cependant que larticle 23-3 nindique pas, contrairement à ce qui est prévu pour Mayotte, que laide en matière de médiation pénale est accordée par le président du bureau daide juridictionnelle puisque quun tel bureau nexiste quen Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie et non à Wallis-et-Futuna. La Commission a adopté deux amendements du rapporteur modifiant lordonnance de 1992 relative à laide juridictionnelle en matière pénale dans les territoires doutre-mer afin de préciser les conditions de désignation de la personne agréée à Wallis-et-Futuna (amendement n° 20) et de supprimer une référence inutile à un décret en matière de médiation pénale (amendement n° 21). La Commission a adopté larticle 19 ainsi modifié. La Commission a été saisie dun amendement du rapporteur modifiant le titre du projet de loi afin de remplacer, par coordination avec le reste du texte, la référence aux conflits par celle aux litiges, et dintroduire in fine la notion daccès à la justice. Après que Mme Christine Lazerges eut souligné que le terme de litige était plus restrictif que celui de conflit et fait valoir quil était préférable dinsérer laccès à la justice juste après laccès au droit, le rapporteur a retiré son amendement. La Commission a ensuite adopté lensemble du projet de loi ainsi modifié. * * * En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de ladministration générale de la République vous demande dadopter le projet de loi (n° 956) relatif à laccès au droit et à la résolution amiable des conflits modifié par les amendements figurant au tableau comparatif ciaprès. ___
AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION Avant larticle premier Amendements présentés par M. André Gerin et les commissaires membres du groupe communiste : Insérer larticle suivant : Dans le premier alinéa de larticle 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, les mots : 4.400 F sont remplacés par les mots : 120 pour cent du SMIC et les mots : à 6.600 F sont remplacés par les mots : au double du SMIC . Insérer larticle suivant : Le début du deuxième alinéa de larticle 5 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 est ainsi rédigé : Il est tenu compte de lexistence de biens, même non productifs de revenus, à lexclusion des locaux constituant la résidence principale du demandeur et des biens qui ne pourraient être vendus ou... (le reste sans changement) . Insérer larticle suivant : Dans larticle 6 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, après les mots : objet du litige , sont insérés les mots : , de leur endettement . Insérer larticle suivant : Larticle 10 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 est complété par deux alinéas ainsi rédigés : Le bénéfice de laide juridictionnelle est également accordé à toute personne mise en examen dont la détention nest pas décidée par le juge dinstruction, quil y ait ou non débat contradictoire. Ce bénéfice est également accordé à toute personne bénéficiant dune médiation civile. Article premier Amendement présenté par M. Claude Goasguen : Supprimer le dernier alinéa de cet article. Article 3 Amendement présenté par M. Claude Goasguen : Supprimer cet article. Article 4 Amendement présenté par M. André Gerin et les commissaires membres du groupe communiste : Rédiger ainsi cet article : Larticle 36 de la même loi est abrogé. Après larticle 5 Amendement présenté par M. Claude Goasguen : Insérer larticle suivant : I. Le I de larticle 75 de la même loi est complété par un alinéa ainsi rédigé : Le juge ne prend pas en considération la qualité de bénéficiaire de laide juridictionnelle pour rejeter la demande en paiement dune indemnité pour frais irrépétibles. II. En conséquence, larticle 700 du code de procédure civile est complété par un alinéa ainsi rédigé : Le juge ne prend pas en considération la qualité de bénéficiaire de laide juridictionnelle pour rejeter la demande en paiement dune indemnité pour frais irrépétibles. Article 6 Amendements identiques présentés par M. Philippe Houillon et par M. André Gerin et les commissaires membres du groupe communiste : Supprimer le dernier alinéa (3°) de cet article. Article 8 Amendement présenté par M. Philippe Houillon : Supprimer le dernier alinéa de cet article. Article 9 (art. 55 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991) Amendement présenté par M. Claude Goasguen : Rédiger ainsi le premier alinéa de cet article : Art. 55. Le conseil départemental de laccès au droit et de la résolution amiable des litiges est une association. Amendement présenté par M. Philippe Houillon : Compléter le septième alinéa (5°) de cet article par les mots : après avis des représentants du département de lOrdre des avocats mentionné au 3° de larticle et du président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département . Amendement présenté par M. André Gerin et les commissaires membres du groupe communiste : Dans le septième alinéa de cet article (5°), substituer aux mots : désignée par le préfet , les mots : cooptée par les autres membres du conseil départemental de laccès au droit et de la résolution amiable des litiges. Amendement présenté par M. Claude Goasguen : Après le huitième alinéa (6°) de cet article, insérer lalinéa suivant : 7° De la chambre des notaires du département. Amendements présentés par M. André Gerin et les commissaires membres du groupe communiste : Après le huitième alinéa (6°) de cet article, insérer lalinéa suivant : 7° Dun représentant de chacune des organisations syndicales représentatives au plan national, désigné à tour de rôle, pour une année. Après le huitième alinéa (6°) de cet article, insérer lalinéa suivant : 7° Dun conseiller prudhomal. Amendement présenté par M. Philippe Houillon : Dans le dernier alinéa de cet article, supprimer les mots : ainsi que les conditions dans lesquelles ce dernier peut accueillir en son sein dautres membres que ceux mentionnés aux 1° à 6° ci-dessus . Article 10 (art. 69 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991) Amendement présenté par M. André Gerin et les commissaires membres du groupe communiste : Rédiger ainsi cet article : Art. 69. Les consultations juridiques financées sur fonds publics et délivrées dans le cadre de la présente loi sont indemnisées dans les conditions prévues par décret pour la part de financement de lEtat. Amendement présenté par M. Philippe Houillon : Rédiger ainsi cet article : Art. 69. Les consultations juridiques financées sur fonds publics et délivrées dans le cadre de la deuxième partie de la présente loi sont indemnisées dans les conditions prévues par décret pour la part de financement de lEtat. Article 11 Amendement présenté par M. Claude Goasguen : Supprimer cet article. Après larticle 16 Amendement présenté par M. Claude Goasguen : Insérer larticle suivant : I. Après larticle 163 bis du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé : Art. 163 ter. Le montant des primes versées dans le cadre des contrats dassurance de protection juridique est déductible pour la détermination du revenu net. II. La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. Article 17 (art. 7-11-1-1 du code de lorganisation judiciaire) Amendement présenté par M. Claude Goasguen : Dans le premier alinéa de cet article, substituer aux mots : Il peut être institué , les mots : Il est institué . Amendements présentés par M. André Gerin et les commissaires membres du groupe communiste : Après le premier alinéa de cet article, insérer lalinéa suivant : Elles sont gérées par un conseil dadministration auquel participent notamment un représentant de la collectivité locale et de représentants dassociations locales et dorganisations syndicales représentatives. Après le premier alinéa de cet article, insérer lalinéa suivant : La vice-présidence est assurée par un représentant de la collectivité locale. PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR M. Jean ACQUAVIVA, bâtonnier de lOrdre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine M. Jean-Luc BÉDOS, président de lassociation Droits durgence M. Yves BOT, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre M. Jean-Marie COULON, président du tribunal de grande instance de Paris Mme Dominique de la GARANDERIE, bâtonnier de lOrdre des avocats à la cour de Paris M. Pierre LYON-CAEN, avocat général près la Cour de cassation Mme Marie-Françoise PETIT, présidente du tribunal de grande instance de Nanterre N.B. : La Conférence des bâtonniers a communiqué ses observations par écrit.
A N N E X E 2 LISTE DES MAISONS DE JUSTICE ET DU DROIT COUR DAPPEL DAIX EN PROVENCE LA SEYNE-SUR-MER : 10, place Germani Loro, 83500 TOULON : 6, rue Jules Perroux, 83100 MARSEILLE (12 antennes de justice) : Henri Barnier, Grand Saint-Antoine, Kallisté-La Granière, Château de Servières, Salvator Allende, Val Plan-Bégude, Malpassé, La Valbarelle, Les Hauts-de-Mazargues, Parc Bellevue, rue Montgrand, LA CIOTAT et AUBAGNE COURS DAPPEL DE BORDEAUX ANGOULEME : quartier du Basseau, bâtiment le Corsaire, 16000 BORDEAUX/BASTIDE : route de Lormont, 33310 BORDEAUX BORDEAUX NORD : 50, rue Joseph Brunet, 33300 BORDEAUX COUR DAPPEL DE CHAMBERY CHAMBERY : 57, place du Forum, 73000 COUR DAPPEL DE COLMAR COLMAR : 8, rue de Varsovie, 68000 COUR DAPPEL DE DOUAI HENIN-BEAUMONT : place Carnot, Maison Anne Frank, 62110 MAUBEUGE : 234 bis, rue dHautmont, 59600 TOURCOING : 7, rue Gabriel Péri, 59200 COUR DAPPEL DE FORT-DE-FRANCE GUYANE : SAINT-LAURENT DU MARONI : La Case-en-Pierre, 97000 COUR DAPPEL DE SAINT-DENIS DE LA REUNION (20 antennes de justice) : LE PORT, TAMPON, RAVINES-DES-CABRIS, SAINT-LEU, SAINT-ANDRE, SAINT-PAUL, SAINT-JOSEPH, ETANG-SALE-LES-HAUTS, LA PLAINE-DES-PALMISTES, SALAZIE, SAINTE-MARIE, SAINT-LOUIS, SAINT-BENOIT, LE BRAS-PANON, SAINT-PIERRE, SAINT-DENIS... COUR DAPPEL DE LYON BRON : 3/5, rue Carnot, 69671 GIVORS : 45, rue Roger Salengro, 69700 LYON : 32, avenue Jean Mermoz, 69008 VAULX-EN-VELIN : 5, chemin Gaston Bachelard, 69120 VILLEURBANNE : 52, rue Racine, 69100 COUR DAPPEL DE NIMES NIMES : 19, place Pythagore, 30900 COUR DAPPEL DE RENNES NANTES : 21, rue Charles Roger, 44000 COUR DAPPEL DE RIOM MONTLUCON : Centre social de Fontbouillant, 03105 COUR DAPPEL DE ROUEN ELBEUF-SUR-SEINE : 17, rue Boucher de Perthes, 76500 ROUEN : place Alfred de Musset, Les Hauts de Rouen, 76000 COUR DAPPEL DE TOULOUSE TOULOUSE : 2, impasse Abbé Salvat, 31100 COUR DAPPEL DE VERSAILLES BAGNEUX : 7, rue du Docteur Schweitzer, 92220 CERGY-PONTOISE : 12, rue Crève-Cur, 95800 CERGY-SAINT-CHRISTOPHE GENNEVILLIERS : 4-6, boulevard Beaumarchais, 92230 LES MUREAUX : 19, allée Pierre Panloup, 78130 PERSAN, avenue Gaston Vermeine, 95340 SARCELLES, 31 bis, avenue du 8 mai 1945, 95200 VILLIERS-LE-BEL, 2, rue Pompon, 95400 A N N E X E 3 LÉGISLATION SUR LAIDE JURIDIQUE DANS ALLEMAGNE 1. Laide judiciaire La Loi fondamentale reconnaît le principe de libre accès à la justice. Larticle 103 précise, en effet, que devant les tribunaux, chacun a le droit dêtre entendu . Laide judiciaire (Prozeßkostenhilfe) peut être attribuée aux personnes résidant en Allemagne, sauf si elles ont contracté une assurance de protection juridique. La juridiction compétente au fond pour le règlement du litige décide que laide peut être attribuée si laffaire a une chance suffisante daboutir à une solution et si la demande est fondée. En ce qui concerne les affaires pénales, les personnes aidées bénéficient de lintervention dun avocat commis doffice. Laide répond à des conditions de ressources selon un barème devant faire lobjet dactualisations successives. Le calcul de laide est établi sur la base des ressources nettes, cest-à-dire après déduction des impôts, cotisations sociales, frais professionnels et frais de logement. Les ressources prises en compte font lobjet dune déduction forfaitaire denviron 2 200 F. pour une partie et son conjoint et de 1 530 F. par enfant ou personne à charge. Une déduction supplémentaire de 950 F. est effectuée pour les personnes qui travaillent. Les personnes dont les revenus nets après déduction ne sélèvent quà 100 F. font lobjet dune aide entièrement gratuite. En revanche, les personnes ayant des revenus nets après déduction des forfaits séchelonnant de 100 F. à 5 000 F. doivent fournir pendant 48 mois une contribution variant jusquà 2 000 F., au-delà les taux étant très dissuasifs. Laide couvre les honoraires davocat et les frais de procédure, de déplacement mais non les dépens à la charge de la partie perdante. La rémunération de lavocat de la personne assistée est versée par le Land en fonction dun barème dindemnisation des avocats. En général, laide judiciaire concerne les affaires de divorce. 2. Laide de lavocat au cours de la garde à vue Le droit pénal allemand nétablit pas de distinction fondamentale entre les institutions de la police et de la justice, mais entre les juridictions pénales et le ministère public. La police est, hormis dautres fonctions, auxiliaire du ministère public. Ce sont les fonctionnaires auxiliaires du ministère public qui, en cas durgence, sont habilités à prendre des mesures de contrainte. Néanmoins, conformément aux articles 127 et 136 du code de procédure pénale, tous les fonctionnaires de police ont le droit de procéder à une arrestation provisoire. Larrestation provisoire constitue lune des mesures de contrainte sinscrivant dans la procédure préliminaire au procès pénal. Le ministère public et les fonctionnaires de police peuvent procéder à une arrestation provisoire en cas de flagrant délit ou de risque de fuite. Larrestation provisoire peut aussi être ordonnée à lissue dun contrôle didentité lorsque la police soupçonne une personne davoir commis une infraction pénale et quelle ne peut vérifier immédiatement son identité. La personne arrêtée est alors conduite au poste de police pour y être interrogée. La durée de larrestation provisoire ne peut dépasser 12 heures. Sil apparaît que la personne est innocente, celle-ci est remise en liberté, sinon, elle est présentée au juge qui, à lissue de linterrogatoire, la remet en liberté ou délivre un mandat damener. Conformément aux dispositions de larticle 136, alinéa premier du code de procédure pénale, le suspect peut demander, avant tout interrogatoire, à consulter un avocat. La police doit mettre en mesure la personne de contacter un avocat choisi à sa convenance dans un annuaire ou désigné par lintermédiaire du tribunal ou du barreau. Le contact avec lavocat est de droit à tout moment. La présence de lavocat nest pas obligatoire de sorte que si la personne déclare vouloir parler à son avocat, on doit lui donner la possibilité dêtre en relation téléphonique mais linterrogatoire peut alors être interrompu. 3. Lassistance au cours de procédures non-juridictionnelles Dans de nombreux domaines comme le droit du travail, les relations avec les administrations, les prestations sociales et dans tous les autres domaines, une aide à la consultation (Beratungshilfe) peut être accordée aux personnes résidant en Allemagne. Il peut même sagir aussi dune assistance essentiellement pratique. Les personnes souhaitant bénéficier de laide peuvent en faire la demande auprès dun tribunal. La consultation peut se dérouler au tribunal ou auprès dun avocat vers lequel le demandeur aura été dirigé. Si le demandeur consulte directement un avocat, il doit ensuite sadresser au tribunal pour présenter sa demande daide. Il convient de préciser que les Länder de Brême et de Hambourg, dans lesquels existait depuis longtemps une consultation publique dans plusieurs services dérogent à la législation sur laide à la consultation. A Berlin, il existe une possibilité de choix entre la consultation dun service dans un secteur déterminé et la consultation de droit commun. La consultation auprès dun tribunal (Amtsgericht) est gratuite. En revanche, lorsquelle a lieu chez un avocat, le demandeur de laide doit acquitter une contribution de 20 marks (environ 70 F.), à moins que la personne nait pas les moyens de régler cette somme. Lavocat ne peut refuser daccorder la consultation. ESPAGNE 1. Intervention de lavocat au cours de la garde à vue Le droit à un avocat fait partie en Espagne des droits fondamentaux reconnus par la Constitution de 1978 et dont la violation permet au citoyen de demander la protection de la justice (Tutela judicial) et, le cas échéant, dexercer un recours individuel devant le Tribunal constitutionnel (Recurso de amparo). Article 17.3 de la Constitution : Toute personne arrêtée doit être informée immédiatement et de façon qui lui soit compréhensible de ses droits et des raisons de son arrestation et ne peut pas être obligée de faire une déclaration. Lassistance dun avocat est garantie au prévenu dans les enquêtes policières ou les poursuites judiciaires, dans les termes établis par la loi. Aux termes des lois organiques n° 14/1983 du 12 décembre 1983 sur la procédure pénale et n° 4/1988 du 25 mai 1988 sur le terrorisme, le système est le suivant : La personne interpellée a le droit de désigner un avocat et de demander sa présence pour quil assiste à son interrogatoire policier ou judiciaire, ainsi quà toute présentation pour reconnaissance dont il fera lobjet. Il lui est indiqué que si elle ne désigne pas davocat, il lui en sera désigné un doffice. Lavocat désigné doit se présenter à lendroit où la personne gardée à vue est retenue dans le délai maximum de huit heures. Si personne ne se présente, il pourra être procédé à laudition du gardé à vue, mais uniquement si le gardé à vue y consent expressément. Le gardé à vue ne peut renoncer à lassistance effective dun avocat quen matière dinfraction à la sécurité routière. Dans les cas de personnes interpellées pour terrorisme, appartenance ou relation avec une bande armée ou rébellion contre la Constitution, le juge peut décréter lisolement (Incomunicación), qui fera que le gardé à vue restera au secret pendant une durée de cinq jours ; le gardé à vue nest pas privé de son droit constitutionnel à assistance dun avocat mais il perd la liberté de choix et la possibilité de sentretenir en privé avec lui. Les avocats doffice sont payés par le ministère de la justice ; chaque intervention est payée environ 9.000 pesetas (360 francs), avec un maximum de 38.000 pesetas (1.520 francs) à partir de cinq assistances ; pour les barreaux qui ont institué un système de garde, le jour de permanence est rémunéré 19.000 pesetas (760 francs), avec possibilité de doublement si lavocat effectue plus de six assistances dans la journée. Lavocat intervenant en garde à vue peut ensuite assister son client lors de la procédure ultérieure. 2. Laide à laccès au droit La loi n° 1/96 du 10 janvier 1996 sur lassistance juridique gratuite, complétée par le décret royal n° 2103/96 du 20 septembre 1996 relatif au règlement sur lassistance juridique gratuite, a pour objet de mettre en uvre les principes constitutionnels instituant un système judiciaire gratuit pour ceux qui manquent de ressources économiques. Larticle 119 de la Constitution espagnole, en effet, dispose que la justice est gratuite lorsque la loi létablit et, dans tous les cas, pour ceux qui prouvent linsuffisance de leurs ressources pour ester en justice . Les articles 24 et 25 établissent pour chaque citoyen le droit dobtenir la protection effective des juges et tribunaux, la garantie dune procédure respectueuse des droits de la défense et le principe de la légalité des peines : Article 24 : 1. Toute personne a le droit dobtenir la protection effective des juges et des tribunaux pour exercer ses droits et ses intérêts légitimes, sans quen aucun cas elle puisse être mise dans limpossibilité de se défendre. 2. De même, tous ont droit au juge ordinaire déterminé préalablement par la loi, de se défendre et de se faire assister par un avocat, dêtre informés de laccusation portée contre eux, davoir un procès public sans délais injustifiés et avec toutes les garanties, dutiliser les moyens de preuve appropriés pour leur défense, de ne pas déclarer contre eux-mêmes, de ne pas savouer coupables et dêtre présumés innocents (...) Article 25 : 1. Nul ne peut être condamné ou puni pour des actions ou des omissions qui, au moment où elles ont eu lieu, ne constituaient pas un délit, une faute ou une infraction administrative, conformément à la législation en vigueur. 2. et 3. (...) La loi organique n° 6/85 sur le pouvoir judiciaire avait renvoyé à une loi ordinaire la mise en application du principe constitutionnel. La loi n° 25/1986 a supprimé toutes les taxes judiciaires ; les coûts de justice se limitent donc seulement à la rémunération des professions spécialisées dans la défense et la représentation : avocats, avoués, frais détablissement de preuves documentaires ou dexpertise, ... La loi n° 1/96 unifie les dispositions jusqualors éparses, notamment dans le code de procédure civile, relatives à la gratuité de la justice pour ceux qui ne pourraient pas y accéder pour raison économique, ce qui clarifie le droit et améliore la sécurité juridique. La reconnaissance du droit à lassistance juridique gratuite permet la désignation doffice dun avocat et dun avoué (procurador). La loi prévoit en outre deux prestations : une prestation de conseil (asesoramiento) et dorientation préalable au procès, afin déviter dans la mesure du possible les litiges artificiels coûteux, ainsi quune prestation dassistance pour lobtention dexpertises. En outre, elle réduit substantiellement le coût dobtention des écritures, documents notariaux et documents originaires émanant des registres publics, qui sont nécessaires au procès. La loi établit des critères pour bénéficier du droit à lassistance juridique gratuite : un critère objectif fondé sur la situation économique du demandeur ; un critère subjectif, dérivé de la jurisprudence constitutionnelle, qui permet à un demandeur qui ne remplit pas le premier critère mais qui affronte des circonstances qui nécessitent, à titre exceptionnel, la reconnaissance de son droit à assistance juridique gratuite. Dans tous les cas, est garanti aux intéressés le droit à la libre désignation des avocat et avoué. La reconnaissance des conditions requises pour lobtention de lassistance juridique gratuite est retirée au juge, pour suivre une procédure purement administrative. Cela décharge les juges et assure une procédure simplifiée et normalisée. Sont instituées des Commissions de lassistance juridique gratuite , nouveaux organes administratifs où sont représentés les instances au procès et qui sont responsables de la décision finale. Les organes juridictionnels continuent à intervenir en cas de recours. En application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de lHomme et du Tribunal constitutionnel espagnol, cest lEtat espagnol qui supporte le coût du financement de cette assistance juridique gratuite. Un mécanisme de contrôle est créé pour vérifier la bonne affectation des fonds. Sont garantis les principes de la rémunération digne, suffisante et dans des délais raisonnables du service dassistance juridique gratuite. Le décret royal n° 2103/96 contient les mesures dapplication de la loi n° 1/96. Il établit un règlement de lassistance juridique gratuite qui fixe : les normes de lorganisation et du fonctionnement des commissions de lassistance juridique gratuite ; la procédure pour la reconnaissance du droit à lassistance juridique gratuite ; lorganisation des services dassistance judiciaire, de défense et de représentation gratuite ; le financement et le contrôle des services dassistance juridique gratuite ; et les règles relatives à lassistance gratuite en matière dexpertise. Le règlement présente un modèle normalisé de demande dassistance juridique gratuite et un barème de rémunération forfaitaire, avec un échéancier des paiements (70 % au début du procès, 30 % après le jugement final). ITALIE 1. Les principes de laide juridique Larticle 24, alinéa 3 de la Constitution du 27 décembre 1947 précise que des institutions particulières assurent aux indigents les moyens dester et de se défendre devant toutes les juridictions . Larticle 98 du code de procédure pénale prévoit que les personnes impliquées dans une procédure judiciaire peuvent demander à voir leurs dépenses être prises en charge par lEtat, conformément à la loi n° 217 du 30 juillet 1990 relative à linstauration de la défense, prise en charge par lEtat au profit des indigents. Ce dispositif sapplique aux procédures pénales (sauf lorsquelles concernent des contraventions, à moins que celles-ci ne soient connexes à un délit et lorsque la mise en cause de laccusé est relative à un délit commis en violation des règles applicables à la répression de lévasion en matière dimpôts sur le revenu et sur la valeur ajoutée). Ladmission au bénéfice de laide vaut pour tous les niveaux de juridiction. Elle est également ouverte pour les procédures civiles ayant pour objet la réparation dun préjudice ayant pour cause un crime ou un délit. Ladmission à laide peut également être demandée au cours de lenquête préliminaire. Le bénéfice de ce dispositif est ouvert au ressortissant italien ainsi quà létranger ou lapatride résidant sur le territoire italien. Il entraîne la prise en charge par lEtat de lensemble des frais de justice, honoraires davocats, dexpertise, de notaires et dofficiers publics. 2. Lintervention de lavocat au cours de la garde à vue Larticle 386 du code de procédure pénale précise que, lors de larrestation dune personne par la police judiciaire (en cas de flagrant délit notamment), cette dernière doit avertir la personne arrêtée de la possibilité de se faire assister dun avocat. Celui-ci ou lavocat doffice désigné par le ministère public est immédiatement informé par la police judiciaire de larrestation. Le ministère public peut interroger le suspect à condition den avoir averti lavocat de celui-ci en temps utile. En outre, larticle 350 du code de procédure pénale prévoit que les officiers de police judiciaire, avant dinterroger le suspect ne se situant pas dans une situation darrestation, linvitent à recourir aux services dun avocat ou, à défaut, en désignent un doffice. Linterrogatoire doit nécessairement se dérouler en présence de lavocat que la police judiciaire aura averti en temps utile et qui doit assister à linterrogatoire. Si lavocat ne se présente pas, la police judiciaire demande au ministère public de désigner un autre avocat immédiatement disponible. Il existe cependant trois exceptions à ce principe : au cours des enquêtes préliminaires et pour des raisons exceptionnelles, le juge peut, sur demande du ministère public, et par décision motivée, différer pour une durée maximale de cinq jours, lexercice pour la personne entendue du droit de sentretenir avec un avocat (article 104-3 du code de procédure pénale) ; sur le lieu ou dans les instants qui suivent la survenance du fait, la police judiciaire peut recueillir de la personne des informations utiles pour la poursuite immédiate de lenquête hors de la présence dun avocat ; mais, dans ce cas, les déclarations recueillies ne peuvent être ni répertoriées, ni utilisées (articles 350-5 et 350-6 du code de procédure pénale) ; enfin, la police judiciaire peut recueillir des déclarations spontanées qui ne pourront être utilisées au cours du procès (article 350-7 du code de procédure pénale). Lavocat intervenant est choisi, en priorité, par la personne gardée à vue ou par sa famille (article 96 du code de procédure pénale). PAYS-BAS 1. Laide judiciaire Larticle 18 de la Constitution du Royaume des Pays-Bas précise que toute personne peut se faire assister en justice et dans les recours administratifs. La loi fixe des règles sur loctroi dune assistance judiciaire aux économiquement faibles . Conformément à ces dispositions et à celles de larticle 6 de la Convention européenne des droits de lhomme, a été institué un système dassistance sur le fondement de la loi sur laide juridique (Wet op de Rechtsbijstand : WRB). Une personne a droit à laide judiciaire à condition quelle nait pas les ressources suffisantes pour supporter les coûts dune procédure. En outre, la procédure doit avoir une chance daboutir à une décision judiciaire et supposer une compétence juridique particulière pour assurer la défense des droits de la personne concernée. On compte environ 8 000 avocats ayant suivi une formation pour défendre les intérêts de personnes éligibles à laide judiciaire. Les personnes ayant des ressources insuffisantes peuvent aussi bénéficier de laide de bureaux daide juridique (bureau voor rechtshulp) dans les conflits nexigeant pas une décision de justice. Laide est attribuée par les conseils daide juridique. Le bureau daide juridique placé auprès de chaque juridiction est une instance administrative indépendante compétente pour apprécier si les conditions dattribution de laide sont réunies, notamment du point de vue de la nécessité dune assistance juridique. Toute personne concernée effectuant une démarche auprès du bureau daide peut faire lobjet dune assistance pendant les horaires dentretien. Si laffaire quelle expose ne peut être réglée suffisamment rapidement, elle peut, avec le responsable du bureau, demander une commission doffice. Mais, si la personne a déjà consulté un avocat, le déclenchement de la procédure de commission doffice est subordonnée à une décision du bureau daide juridique. La personne souhaitant bénéficier de laide peut demander à ladministration de la commune une attestation sur linsuffisance de ses conditions de ressources. Des plafonds de revenus sont fixés pour obtenir une défense par un avocat. Néanmoins, une contribution minimale est exigée de la part de la personne aidée. Les bénéficiaires de laide doivent ainsi contribuer personnellement à lacquittement des frais dans une limite variant de 330 F. pour les personnes ayant un revenu mensuel inférieur à 6.000 F., jusquà 3.000 F. pour les personnes situées dans une tranche de revenu de 9.500 à 9.800 F. Les avocats et conseillers juridiques désignés sont rémunérés par lEtat. Les honoraires sont calculés par référence au coût moyen dune action civile affecté dune pondération. Ils perçoivent aussi la contribution personnelle du client assisté, mais cette dernière est déduite des honoraires alloués par lEtat. En outre, la partie aidée doit acquitter une fraction des frais de justice. La décision de refus daide judiciaire peut être contestée par la personne demandant à en bénéficier devant le bureau daide juridique et, le cas échéant, devant la Cour du Conseil dEtat. On recense annuellement environ 225.000 commissions doffice pour les affaires civiles et administratives et 75.000 pour les affaires pénales. Les principaux cas dassistance judiciaire concernent le divorce (pensions alimentaires, garde des enfants, partage des biens), les conflits du travail, les loyers, les problèmes de sécurité sociale et de retraite, les crimes et délits. 2. Lassistance au cours de procédures non-juridictionnelles Les bureaux daide juridique exercent un rôle de conseil ce qui peut dans certains cas dissuader les particuliers de porter un différend devant une juridiction. Certains conflits peuvent aussi être résolus directement par des personnes extérieures au corps judiciaire dans le cadre de recommandations obligatoires (binding advies). Les compagnies dassurances organisent en leur sein une conciliation entre leurs assurés et des tiers grâce à des médiateurs. Les associations de locataires conseillent à leurs sociétaires de porter leurs différends, par exemple, devant la commission des loyers, composée de magistrats et de représentants de locataires et de propriétaires, qui tranche les litiges nés entre propriétaires et locataires. En novembre 1995, une commission présidée par le professeur Ruyter, mise en place par le ministre de la justice, a proposé le transfert du contentieux des divorces des tribunaux à des auxiliaires de justice. Une telle réforme a pour conséquence logique le transfert dune partie des dotations de laide juridique vers des postes budgétaires destinés à financer les prestations des auxiliaires de justice dans leurs fonctions de médiateur. 3. Laide de lavocat lors de la garde à vue Les personnes placées en garde à vue peuvent se faire assister dun avocat. Dès le début de la garde à vue, la police doit prendre contact avec lavocat choisi par le suspect ou avec lavocat de permanence, étant précisé quil existe une liste séparée davocats pour les mineurs. Selon les dispositions de larticle 40 du code de procédure pénale, le Procureur doit immédiatement avertir lavocat dune personne placée en garde à vue. Le policier ayant placé la personne en garde à vue doit dabord faire un compte-rendu des faits reprochés et lui exposer le déroulement de la procédure dont une copie est délivrée par le magistrat devant lequel la personne est déférée. Les policiers peuvent refuser la présence de lavocat sils estiment quelle nuit au bon déroulement de lenquête. Toutefois, le substitut de permanence peut enjoindre la police daccepter la présence dun avocat qui la saisi. Pendant une durée de six heures préalable au placement proprement dit en garde à vue, la police peut procéder à un interrogatoire en dehors de la présence dun avocat. Les avocats sont, en principe, rémunérés par leur client ou par lEtat sils sont commis doffice. Le tarif dune intervention en garde à vue est denviron 450 F. Il convient de préciser quen général, les avocats se déplacent peu pour lassistance dun client en garde à vue. ROYAUME-UNI Le système britannique daide juridique a été institué en 1949 et plusieurs fois modifié depuis. Il repose sur le principe dune assistance aux personnes justifiant de conditions de revenu et de capital, qui est octroyée par des professionnels indépendants choisis par le justiciable et rémunérés sur fonds publics. Une réforme densemble du dispositif a été annoncée le 18 octobre 1997 par le Ministre de la justice, Lord Irvine, mais aucun projet de loi en ce sens na encore été déposé au Parlement. I. LES DIFFERENTES FORMES DAIDE JURIDIQUE On distingue laide par la prise en charge des frais liés au déroulement dun procès (ou aide juridictionnelle) de laide à laccès au droit. A. Laide juridictionnelle. Elle est régie par la loi de 1988 sur laide juridique ( Legal Aid Act ) et couvre trois domaines : laide juridique civile ( Civil Legal Aid ), laide juridique criminelle ( Criminal Legal Aid ) et lassistance par représentation ( Assistance by way of representation ou ABWOR). 1. Laide juridique civile Elle couvre lensemble des frais impliqués par le procès (préparation de la défense par lavocat, représentation devant le tribunal, consultations relatives à lappel...). Toutefois le bénéficiaire peut, sil perd son procès, être amené à payer tout ou partie des frais engagés par son adversaire. Cest le tribunal qui prend la décision au vu des moyens financiers du bénéficiaire de laide et de son attitude pendant le procès. Lavocat est librement choisi par le justiciable et rémunéré par le Bureau daide juridique ( Legal Aid Board ) sur la base du temps passé et du coût de lheure de travail. Dans lhypothèse où lintervention de lavocat permet au bénéficiaire de récupérer de largent, lavocat est rémunéré sur la somme récupérée. Laide civile est accordée aux demandeurs dont le revenu annuel net est inférieur à 2.563 livres sterling (le cours actuel de la livre sterling est de 9,95 F) et le capital disponible inférieur à 3.000 livres. Les demandeurs qui ont un revenu et un capital supérieurs à ces plafonds, mais inférieurs à respectivement 7.595 et 6.750 livres, bénéficient également de laide civile mais doivent payer une contribution à la couverture des frais (voir tableau ci-dessous). Laide nest accordée que si un motif raisonnable justifie la mise en route dune action devant les tribunaux civils : elle sera notamment refusée si le coût de la procédure dépasse celui du bien en jeu. 2. Laide juridique criminelle Comme laide civile, laide juridique criminelle est destinée à couvrir tous les frais relatifs au procès. De même, lavocat est choisi librement par le demandeur et rémunéré par le Bureau daide légale. Loctroi de cette aide nest pas soumise à des conditions de revenu ou de capital. Une contribution est due par le bénéficiaire lorsque son revenu hebdomadaire est supérieur à 49 livres ou si le capital disponible excède 3.000 livres (voir tableau ci-dessous). Laide est accordée si le tribunal estime que tel est lintérêt de la justice . Le tribunal prend en compte la gravité de laffaire (laide est toujours accordée pour les affaires de viol ou de meurtre) ou certains critères énumérés par la loi de 1988 comme le risque pour défendeur, en cas de culpabilité, de subir un préjudice grave, la mise en jeu de questions de droit essentielles au cours du procès ou lincapacité pour le défendeur, pour des raisons physiques ou linguistiques, de sexprimer au cours des débats. Ces critères sont suffisamment stricts pour aboutir à exclure du bénéfice de laide environ 80 % des affaires. 3. Lassistance par représentation Cette aide couvre les frais de représentation liés à la présence dun avocat auprès des Magistratescourts qui sont des juridictions composées, pour lessentiel, de juges non-professionnels et compétentes pour les questions familiales et matrimoniales et pour dautres affaires relevant dinstances spécialisées (juridictions chargées de vérifier le bien-fondé des traitements médicaux, régime disciplinaire des prisonniers ...). Lexistence dun motif raisonnable est exigé par la loi. Comme pour laide en matière civile, le bénéficiaire peut être amené à reverser à son avocat choisi librement par lui et rémunéré par le Bureau daide légale une partie des sommes que son intervention a permis de récupérer. Laide nest pas accordée si le revenu hebdomadaire du demandeur est supérieur à 166 livres ou si le capital disponible excède 3 000 livres. Laide est attribuée mais moyennant le paiement dune contribution si le revenu hebdomadaire se situe entre 69 et 166 livres et le capital disponible inférieur à 3 000 livres. Si le revenu hebdomadaire est inférieur à 69 livres, laide légale criminelle est totale. Le tableau ci-dessous résume pour les différentes formes daide juridictionnelle les conditions de revenu et de patrimoine ouvrant droit à laide intégrale ou à laide partielle et le montant de la contribution éventuellement due par le justiciable.
B. Laide à laccès au droit Laide à laccès au droit au cours de procédures non juridictionnelles comprend deux volets : le dispositif du formulaire vert ( green form ) et celui des avocats de permanence. La loi sur laide juridique de 1988 (Legal Aid Act) reconnaît à toute personne disposant de revenus et dun capital inférieurs à certaines limites (77 livres de salaire hebdomadaire et 1 000 livres de capital) le droit au conseil et à lassistance juridique dun avocat rémunéré par le Bureau daide légale. Cette procédure du green form qui tire son nom du formulaire vert que doit remplir le demandeur peut sappliquer à la rédaction de lettres, à des négociations à lamiable, à la préparation dun dossier écrit si la procédure contentieuse est inévitable ou à des simples conseils. Laide accordée ne peut dépasser deux heures de travail de lavocat (3 heures pour les affaires de divorce), des dépassements nétant possibles quavec lautorisation du Bureau daide légale. Ce type daide peut concerner tous les domaines du droit à lexclusion des transactions immobilières et de la rédaction dun testament (sauf cas particuliers comme pour les personnes âgées). Un autre dispositif a été instauré par la loi de 1984 sur la police et les preuves criminelles ( Police and criminal Evidence Act ) reconnaissant à toute personne en garde à vue pour enquête à un poste de police le droit à bénéficier gratuitement des conseils dun avocat. Ce droit daccès sapplique quelles que soient les ressources de la personne ou le délit dont elle est soupçonnée. On rappellera que tout suspect a le droit dêtre assisté dun avocat dès le début de sa garde à vue. Si la police peut commencer son interrogatoire avant larrivée de lavocat, le suspect peut également refuser de répondre aux questions. Le suspect est informé de ses droits par lofficier de police judiciaire responsable de la garde à vue. Il peut prendre contact avec un avocat de son choix ou sadresser à un système de permanence lui permettant de disposer de laide dun avocat de service ( 24 hours Duty Sollicitor Scheme ). Lavocat est rémunéré par le Bureau daide juridique. II. LÉVOLUTION DES DÉPENSES Le nombre dactes individuels dassistance a connu, en six ans, une croissance régulière, passant de 2,60 millions en 1991 à 3,48 millions dactes en 1997, soit + 33 %.
Laugmentation du total des dépenses relatives à laide juridique est toutefois beaucoup plus forte sur la même période : 682,8 millions de livres en 1991 contre 1 475,7 millions en 1997 (+ 115 %). Les dépenses estimées sont de 1,560 millions en 1998. La répartition des dépenses par catégorie daides est la suivante :
Ce décalage tient à laugmentation des dépenses par acte dassistance qui, dans le seul domaine de la justice civile, ont augmenté en 6 ans de 89 %. III. LES PROJETS DE RÉFORME Le Lord Chancellor, Lord Irvine, a présenté le 18 octobre 1997 un plan densemble de réforme de la justice civile et du système daide juridique. Lobjectif est daméliorer le fonctionnement de la justice civile en la simplifiant et en la rendant plus accessible aux justiciables, mais aussi de revoir le dispositif daide juridique dont le ministre a vivement critiqué le coût excessif et la faible efficacité. Lexplosion du coût de lacte individuel dassistance, le décalage entre laugmentation des dépenses daide (+ 115 %) et celle du nombre de personnes aidées (+ 9 %), linsuffisance du contrôle sur les honoraires davocats qui absorbent 90 % de laide ont été particulièrement mis en avant par Lord Irvine au moment de la présentation de son projet de réforme. Cest pourquoi le ministre propose de recentrer laide juridique sur des objectifs ciblés et daméliorer le contrôle des dépenses. Laide juridique ne bénéficierait quaux seuls avocats ayant conclu avec le Bureau daide juridique un contrat fixant le niveau de leurs honoraires. Le Bureau examinerait, pour chaque cas, la probabilité de succès. Le système des honoraires conditionnels suivant lequel lavocat ne reçoit rien en cas déchec et des honoraires supplémentaires en cas de succès serait étendu à lensemble des procédures civiles. La plupart des litiges ayant trait aux demandes dindemnisation et de réparation de préjudice seraient exclus de laide. Lord Irvine a également évoqué la création, à moyen terme, dun nouveau service juridique social ( community legal service ) regroupant différents services dinformation juridique déjà existants et dont lobjet serait daider les personnes à décider si une question est dordre juridique ou non et, si ce nest pas le cas, de les orienter vers le service administratif compétent. Il a enfin proposé dintroduire deux nouvelles procédures plus simples et plus rapides de règlement des litiges devant la justice civile. _________ N° 1019. Rapport de M. Jacques Brunhes (au nom de la commission des lois), sur le projet de loi (n° 956) relatif à laccès au droit et à la résolution amiable des conflits. ) Le compte rendu de cette audition figure également dans le rapport (n° 930) de M. Jacques Floch sur le projet de loi relatif au Conseil supérieur de la magistrature. |