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le 29 juin 1998

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1021

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 juin 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 969) DE M. FRANÇOIS HUWART portant extension de la qualification d’officier de police judiciaire au corps de maîtrise et d’application de la police nationale,

PAR M. CHRISTOPHE CARESCHE,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Police.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Jean-Louis Borloo, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Ameline, MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Bernard Derosier, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Gilbert Roseau, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

MESDAMES, MESSIEURS,

De portée apparemment limitée, la présente proposition de loi tendant à étendre la qualification d’officier de police judiciaire n’en est pas moins au confluent de deux profondes mutations à l’œuvre dans la police nationale. Il s’agit, d’une part, de la mise en œuvre statutaire et fonctionnelle de la réforme des corps et des carrières, amorcée en 1995. Il s’agit, d’autre part, de l’inflexion décisive imprimée par le ministre de l’intérieur qui entend, enfin, promouvoir une authentique police de proximité qui ne se limite pas à quelques déclarations de bonne volonté trop peu suivies d’effet.

De fait, cette disposition technique de procédure pénale concourt à améliorer la sécurité de nos concitoyens. Elle prend ainsi sa place dans une panoplie de mesures – on rappellera le déploiement de plusieurs milliers d’adjoints de sécurité, le statut des polices municipales, la création d’une instance indépendante en charge de la déontologie de la sécurité – participant d’une approche renouvelée de l’action des pouvoirs publics visant à répondre plus efficacement à une préoccupation essentielle de nos concitoyens.

1. Quelques rappels concernant la police judiciaire

Si beaucoup de juristes et d’apprentis juristes ont en mémoire la summa divisio entre police judiciaire, en charge de la répression, et police administrative, compétente en matière de prévention, celle-ci est cependant ténue au plan pratique : les mêmes fonctionnaires interviennent indifféremment dans les deux domaines ; certains actes – en particulier les contrôles d’identité – sont opérés dans le cadre de l’une ou de l’autre police.

En fait, la caractéristique essentielle de la police judiciaire est d’être l’auxiliaire de la justice, tant du point de vue de ses personnels que de ses attributions.

Les missions de la police judiciaire sont décrites par l’article 14 du code de procédure pénale qui distingue deux situations. Lorsqu’une information n’est pas encore ouverte, la police judiciaire est chargée de constater les infractions, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs. Dans ce cas, ses compétences sont plus ou moins étendues, selon qu’elle opère ou non dans le cas de flagrance. Hors le cas de flagrance, la police judiciaire peut en effet conduire des enquêtes préliminaires, spontanément ou sur demande du parquet, agissements légalisés par l’article 75 du code de procédure pénale, étant entendu que la loi du 4 janvier 1993 a renforcé le contrôle du procureur sur ces procédures, notamment en ce qui concerne la garde à vue.

En revanche, s’il y a une information, la police judiciaire se borne à exécuter les délégations d’un juge d’instruction et à déférer à ses réquisitions ; elle agit alors au nom du juge et effectue des actes de justice et non de police.

Les prérogatives de la police judiciaire sont limitées par la nature des moyens à mettre en oeuvre, par la capacité judiciaire des fonctionnaires et par leurs compétences territoriales limitées, encore que de nombreuses dérogations sont prévues, soit en situation d’urgence, soit au profit de certains offices centraux à vocation nationale.

D’une manière générale, la police judiciaire est exercée sous la direction quotidienne du parquet en application de l’article 12 du code de procédure pénale. Celui-ci dispose de compétences propres ; il doit être systématiquement informé et peut diligenter des enquêtes et en prendre lui-même la direction. Dans chaque ressort de cour d’appel, elle est, en outre, placée sous la surveillance du procureur général qui habilite et note les O.P.J. et peut leur retirer leur habilitation. Elle est enfin soumise à la surveillance de la chambre d’accusation qui dispose à leur égard d’un pouvoir disciplinaire indépendant de celui qui appartient à l’autorité administrative.

C’est l’article 15 du code de procédure pénale qui énumère les différents membres de la police judiciaire. Il s’agit des officiers de police judiciaire, des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints et des fonctionnaires et agents auxquels la loi attribue certaines fonctions de police judiciaire. En fait, c’est l’O.P.J. qui est le rouage essentiel de la police judiciaire comme en atteste l’article 17 du code de procédure pénale : lui seul est investi de la totalité des missions de police judiciaire, que celles-ci résultent du code de procédure pénale ou de lois particulières ; les autres catégories agissent sur leurs ordres et sous leur contrôle.

Aux termes de l’article 16 du code de procédure pénale, qui établit expressément la distinction entre le statut administratif des personnels et leur qualification judiciaire, quatre groupes de personnes ont la qualité d’officier de police judiciaire :

—  les maires et leurs adjoints ;

—  les officiers et gradés de la gendarmerie nationale, ainsi que les gendarmes comptant au moins trois ans de services, nominativement désignés par arrêté interministériel et après avis conforme d’une commission ;

—  les inspecteurs généraux, les sous-directeurs de la police active, les contrôleurs généraux, les commissaires de police et les officiers de police – c’est-à-dire les anciens inspecteurs avant la réforme des corps et de carrières – nominativement désignés par arrêté interministériel des ministres de l’intérieur et la justice après avis conforme d’une commission ;

—  les directeurs ou sous-directeur de la police judiciaire, le directeur et le sous-directeur de la gendarmerie.

Comme on le constate, mis à part les magistrats municipaux, l’ensemble des personnes ainsi visées ne bénéficient de la qualité d’O.P.J. que dans la mesure où elles sont affectées à des missions de police judiciaire. En outre, elles doivent y être personnellement habilitées par le procureur général près la cour d’appel. Enfin, si certains fonctionnaires et militaires sont O.P.J. de plein droit (officiers de gendarmerie, commissaires et hauts fonctionnaires de police), les gendarmes et officiers de police ne peuvent y prétendre que sur désignation nominative après avis conforme d’une commission dont la composition est fixée par un décret en Conseil d’Etat, codifié aux articles R. 5 (gendarmerie) et R. 8 (police nationale) du code de procédure pénale.

2. Une nécessité fonctionnelle et opérationnelle

En élargissant le champ des candidats à l’habilitation d’O.P.J., la présente proposition de loi n’est pas dictée par une simple préoccupation de gestion. Elle est à la fois une conséquence directe de la réforme des corps et des carrières au sein de la police nationale et la condition sine qua non de la mise en place d’une police de proximité de plein exercice.

a)  Depuis 1995, à la suite du vote de la loi d’orientation et de programmation de la sécurité (L.O.P.S.), 140 textes réglementaires et un règlement général d’emploi ont modifié en profondeur le visage de la police nationale, puisque la structure traditionnelle en cinq corps a été remplacée par une architecture en trois corps qui unifie les fonctions en civil et en tenue.

Ainsi, le corps de conception et de direction regroupe désormais les commissaires de police ; le corps de commandement et d’encadrement, décliné en grades de lieutenant, capitaine et commandant, fusionne les corps des inspecteurs et officiers de paix ; enfin, le corps de maîtrise et d’application (gardiens, brigadiers et brigadiers-major) réunit les anciens corps des enquêteurs et celui des gradés et gardiens de la paix.

Outre ces modifications statutaires, la réforme implique une réorganisation des missions imparties à chacun des corps par le biais des règlements d’emploi mais aussi des fiches et nomenclatures d’emplois, censées définir les tâches des uns et des autres.

Par ailleurs, elle suppose une diminution sensible des effectifs des corps de conception et de direction et des officiers de police au profit de celui de maîtrise et d’application dont les personnels ont ainsi vocation à exercer certaines des fonctions antérieurement assumées par les inspecteurs ou officiers de paix. En pratique, en dix ans, le nombre de commissaires devrait être ramené de 2.200 à 1.600 et celui des officiers de 18.000 à 12.500. Drastique, cette déflation des effectifs devrait cependant être grandement facilitée par l’augmentation des départs en retraite, ce qui permet de maintenir un niveau de recrutement important et, partant, de rajeunir les différents corps.

Même si tous les commissaires et officiers ne sont pas habilités (cf. supra), ce “ repyramidage ” des corps devrait se traduire par un déficit important en O.P.J., ceux-ci passant de 14.500 à environ 9.000 à l’échéance 2006. L’extension de la qualification judiciaire au profit des fonctionnaires du corps de maîtrise et d’application constitue donc bien un corollaire de la réforme des corps et des carrières. A cet égard, on reconnaîtra que le ministère de l’intérieur réfléchit à une telle mesure depuis 1995 mais n’a pas trouvé l’occasion de proposer un dispositif législatif depuis lors. Insistons cependant sur le fait que, les transformations d’emplois montant en puissance, une mesure en ce sens devient une nécessité urgente car, d’ores et déjà, des tensions préoccupantes apparaissent dans le fonctionnement normal des services privés d’environ 1.600 O.P.J. à ce jour.

b)  A l’occasion du colloque de Villepinte, le Gouvernement a fait connaître ses orientations en matière de sécurité publique parmi lesquelles figure, au premier chef, la mise en oeuvre prioritaire d’une authentique police de proximité. Jusqu’à présent, les tentatives visant à promouvoir ce type de réponse policière à la délinquance se sont limitées à l’îlotage – utile mais insuffisant – et à quelques déclarations d’intention. Or, l’évolution récente de la criminalité, en particulier l’essor de celle imputable aux mineurs et la banalisation de la délinquance de voie publique qui a augmenté de près de 25 % en dix ans, face auxquelles les stratégies policières traditionnelles semblent marquer le pas, commande d’agir résolument.

Le levier principal de cette réorientation majeure est la création de 35.000 emplois de proximité, dont 20.000 adjoints de sécurité déployés dans les secteurs connaissant de graves problèmes de délinquance. Mais la police de proximité ne passe pas seulement par une augmentation des effectifs présents sur la voie publique ; elle implique, en particulier, de renforcer la capacité des policiers de terrain à apporter une réponse plus complète, plus rapide et plus efficace aux problèmes qu’ils rencontrent afin de rétablir la crédibilité des forces de l’ordre.

De ce point de vue, participe essentiellement de cet objectif l’accélération de l’implantation des services de quart dans les circonscriptions de sécurité publique. Cette action consiste à transférer aux unités de voie publique la prise en charge de l’ensemble des affaires judiciaires ne nécessitant pas d’investigations complexes. Relèvent ainsi de la compétence du service de quart, ou des unités de traitement judiciaire en temps réel dans les petites circonscriptions, les premiers actes d’enquête en cas de crimes ou de délits flagrants, de même que l’ensemble des procédures simples correspondant au traitement judiciaire en temps réel. En revanche, échappent à ses attributions la délinquance organisée, les affaires graves de mœurs ou la criminalité économique et financière.

A l’évidence, cette nouvelle orientation est fortement “ consommatrice ” de police judiciaire. Bien sûr, les O.P.J. actuels sont déjà sollicités pour assurer l’encadrement mais ils ne peuvent faire face à eux seuls au moment où leurs effectifs sont en diminution programmée. Logiquement, et en cohérence avec les objectifs poursuivis à travers la réforme des corps et des carrières, il apparaît donc opportun d’étendre la qualification d’O.P.J. aux fonctionnaires du corps de maîtrise et d’application, sous réserve que toutes les précautions soient prises sur le plan des libertés publiques.

3. Un dispositif adapté qui apporte toutes les garanties nécessaires

La mesure proposée, souvent évoquée depuis le vote de la L.O.P.S., est équilibrée. Elle répond aux nécessités opérationnelles de la police nationale tout en étant entourée des garanties qu’impose la mise à disposition de prérogatives souvent contraignantes, telles que la vérification d’identité ou, bien sûr, garde à vue. Sur ce plan, on ne soulèvera pas de difficultés de principe dès lors qu’il ne s’agit, somme toute, que d’étendre le champ d’application d’un statut juridique déjà rigoureusement encadré tant par la loi que par la jurisprudence.

A titre liminaire, rappelons que les effectifs actifs de la police nationale sont de l’ordre de 113.00 fonctionnaires, dont plus de 94.000 appartenant au corps de maîtrise et d’application, 53.500 d’entre eux étant rattachés à la direction de la sécurité publique et 14.700 à la préfecture de police.

En 1996, un peu plus de 4.000 candidats avaient intégré une école de police au titre du concours de gardien de la paix, où ils reçoivent 539 heures de formation consacrées au domaine judiciaire. 78,6 % d’entre eux possédaient au moins le baccalauréat, 14,8 % au moins un D.E.U.G. et 6,5 % au moins une licence, sachant qu’aucun diplôme n’est en théorie exigé ; en 1997, 83 % étaient titulaires au moins du baccalauréat et 8 % au moins d’une licence.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi se fixe comme objectif raisonnable – perspective avalisée par le Gouvernement – de former 8.000 nouveaux O.P.J. sur une période de huit ans.

Techniquement, l’article unique de la proposition n’innove pas puisqu’il s’inspire des dispositions déjà en vigueur pour d’autres catégories de fonctionnaires et de militaires. Il appelle cependant quelques commentaires sur son application, les ministères de la justice et de l’intérieur ayant déjà envisagé assez précisément les modalités pratiques d’une mesure comparable.

Le I reprend, grosso modo, les principes de l’article 16-3° du code de procédure pénale relatives aux gendarmes qui ne sont ni officiers ni gradés.

En vertu d’un 4° nouveau, pourraient ainsi recevoir la qualification d’O.P.J. les fonctionnaires du corps de maîtrise et d’application comptant trois ans de services effectifs en qualité de titulaires. Ils devront être nominativement désignés, après avis conforme d’une commission.

A ce stade, il est utile de fournir préalablement quelques précisions sur la formation que pourraient recevoir ces nouveaux “ O.P.J. 16 ”.

Volontaires, les candidats devront obtenir l’aval de leur hiérarchie. La formation, organisée sur site et au sein des délégations régionales au recrutement et à la formation, se déroulerait sur deux années, comprenant 55 jours de cours. Un examen de passage en deuxième année est prévu, ainsi qu’un contrôle continu noté. L’objectif de cette formation, sanctionnée par l’examen d’aptitude à la qualité d’O.P.J., est de rendre les candidats capables d’accomplir tous les actes relevant de la compétence d’un O.P.J., que ce soit dans le cadre d’une enquête préliminaire, d’une délégation judiciaire ou lors de procédures spécifiques.

A titre transitoire, afin de combler un déficit immédiat d’environ 400 O.P.J., un cycle court, réservé aux ex-enquêteurs et aux gradés et gardiens titulaires d’un D.E.U.G. ou d’une licence, pourrait être mis en place pour les deux premières années. Il serait effectué sur un an, moyennant vingt-huit jours de formation.

Dans les deux cas de figure, cette formation est en alternance, les fonctionnaires continuant à exercer leurs missions habituelles auxquelles s’ajouterait le travail personnel. A l’évidence, il s’agit donc de consentir un effort important qui implique une forte motivation, étant entendu que les formations sur sites ou en délégations devraient logiquement être imputées sur le temps de travail effectif.

Le présent paragraphe prévoit que les candidats devront justifier d’une certaine ancienneté, celle-ci incluant toutefois la période de formation décrite ci-dessus. Celle-ci est fixée à trois ans de services effectifs en qualité de titulaire.

Concrètement, après une formation initiale d’un an, le gardien de la paix effectue un stage d’une nouvelle année à l’issue de laquelle il est titularisé. A partir de ce moment, il peut postuler pour devenir O.P.J., mais, en tout état de cause, sa nomination ne pourra intervenir qu’au bout de trois ans. Compte tenu de la durée de la formation, les candidats auront donc tout intérêt à poser leur candidature à l’issue de la première année qui suit la titularisation. En d’autres termes, aucun fonctionnaire du corps de maîtrise et d’application ne pourra devenir O.P.J. moins de cinq ans après avoir intégré l’école de police.

On notera que, sur ce point, la rédaction retenue diffère de celle applicable aux gendarmes qui ne mentionne que “ trois années de service  ”, la conséquence pratique étant que l’année de stage des gendarmes est validée comme année d’ancienneté, ce qui leur permet de gagner un an. A l’examen, cette différence de traitement ne s’explique pas et gagnerait sans doute à être gommée.

Comme pour les gendarmes et les officiers de police, la désignation des futurs O.P.J. reçus à l’examen d’aptitude technique est subordonnée à l’avis conforme d’une commission.

Actuellement, celle qui est compétente pour les officiers de police est composée du procureur général près la Cour de cassation ou son délégué, de sept magistrats dont quatre au plus sont honoraires ou en retraite, du directeur général de la police nationale ou son représentant, du directeur du personnel et des écoles de la police nationale ou son représentant, du chef de l’inspection de la police nationale ou son représentant et de quatre fonctionnaires de police ayant au moins rang de commissaire principal.

La rédaction proposée ne précise pas quelle commission sera compétente s’agissant des O.P.J. recrutés au sein du corps de maîtrise et d’application. Il pourrait s’agir de la même que celle en charge des officiers, mais le nombre de candidats à désigner pourrait inciter le Gouvernement à mettre en place une instance plus légère afin d’accélérer le traitement des dossiers.

Votre rapporteur estime néanmoins préférable d’assurer le niveau de garantie le plus élevé possible en renvoyant explicitement à la commission dont relèvent actuellement les officiers de police. Cette option aurait de surcroît le mérite de confirmer que la capacité judiciaire des fonctionnaires de police est liée à une formation spécifique et adaptée et non à un statut administratif déterminé. Par ailleurs, il ne sera pas interdit au pouvoir réglementaire d’adapter, le cas échéant, le fonctionnement de la commission prévue à l’article R. 8 précitée.

Pour conforter cette suggestion, on notera que, contrairement à une idée reçue, l’avis de la commission ne constitue pas une simple formalité. Ainsi, en ce qui concerne les officiers de police en poste, ancien officiers de paix qui doivent obtenir la qualification d’O.P.J. depuis 1995, la commission n’a donné un avis favorable que dans 85 % des cas en 1998.

Le paragraphe II de l’article unique a pour objet d’étendre aux fonctionnaires du corps de maîtrise et d’application les restrictions fonctionnelles et statutaires déjà prévues pour les militaires de la gendarmerie et les fonctionnaires de police :

—  ils ne peuvent exercer les attributions des O.P.J. que s’ils sont affectés à un emploi comportant l’exercice de compétences judiciaires, ceci afin d’éviter la dilution des prérogatives contraignantes ;

—  ils doivent recevoir une habilitation personnelle du procureur général près la cour d’appel ;

—  leurs compétences sont suspendues pendant le temps où ils participent, en unités constituées, au maintien de l’ordre.

En dehors d’un ajustement rédactionnel, ces dispositions n’appellent que peu d’observations. Elles confirment que la capacité judiciaire est finalisée au vu des missions à effectuer et que les O.P.J., quel que soit leur statut administratif, sont placés sous la surveillance du parquet.

Le III de l’article unique, dont il semble souhaitable de préciser la rédaction, introduit, en revanche, une condition spécifique pour l’attribution de la qualification d’O.P.J. 16 aux fonctionnaires du corps de maîtrise et d’application.

En effet, outre l’exercice d’un emploi comportant l’exercice de prérogatives judiciaires, ne pourront recevoir l’habilitation que les fonctionnaires affectés :

—  dans un service ou une catégorie de services déterminés en application de l’article 15-1 du code de procédure pénale, lequel renvoie à un décret en Conseil d’Etat – codifié aux articles R. 15-18 et suivants du code de procédure pénale – la liste des services dans lesquels les O.P.J. et A.P.J. exercent habituellement leurs missions, et mentionné par arrêté conjoint des ministres de la justice et de l’intérieur ;

—  ou, à titre exclusif, dans une formation appartenant à un de ces services et mentionnée par le même arrêté, cette deuxième hypothèse visant l’affectation exclusive à des subdivisions spécifiques de services qui en eux mêmes n’ouvriraient pas droit à la qualification d’O.P.J. en application de l’alinéa précédent.

A l’évidence, l’octroi de la capacité judiciaire aux fonctionnaires du corps de maîtrise et d’application ne peut conduire à rigidifier les structures et à freiner la mobilité. Il est donc probable que certains gardiens ou gradés seront amenés à quitter un service éligible à la qualification d’O.P.J. pour un autre qui ne l’est pas. Dans ce cas, sans remettre en cause leur capacité à exercer des fonctions d’O.P.J., leur habilitation devrait leur être retirée, quitte à la leur restituer en cas de nouvelle mutation à destination d’un des services ou formations figurant dans l’arrêté précité. Dans cet intervalle, les fonctionnaires concernés redeviendront de droit agents de police judiciaire en application de l’article 20-2° du code de procédure pénale.

A ce stade, il est prématuré de commenter la liste des services ou formations d’accueil des futurs O.P.J., mais quelques observations apparaissent nécessaires. D’une manière générale, le régime spécifique des gardiens et gradés est justifié : pour des raisons pratiques, ceux-ci n’ont pas tous vocation à effectuer des missions à caractère judiciaire ; s’agissant d’une minorité d’entre eux – 8.000 sur près de 70.000 – il est opportun d’encadrer leurs affectations. En revanche, au vu des informations transmises à votre rapporteur, on peut s’interroger sur les réflexions conjointes de la Chancellerie et du ministère de l’intérieur, lesquelles sembleraient privilégier, en l’état, les affectations dans des unités judiciaires spécialisées où sont effectuées des missions d’investigations stricto sensu.

Votre rapporteur doute du bien fondé de cette approche, si celle-ci devait être confirmée dans les textes réglementaires à venir. D’une part, elle risquerait de déboucher sur une reconstitution implicite du corps des enquêteurs, en contradiction avec les objectifs de la réforme des corps et des carrières. D’autre part, conformément aux priorités gouvernementales et aux attentes de nos concitoyens, l’accent doit être mis sans ambiguïté sur la police de proximité et les services qui y concourent. Autrement dit, cette réforme n’a véritablement d’intérêt que si elle permet d’améliorer la réponse policière à la délinquance de masse grâce au renforcement de l’efficacité de l’ilôtage et à l’accélération des procédures rendue possible par la mise en place des services de quart ou des unités de traitement judiciaire en temps réel.

*

* *

Intervenant dans la discussion générale, M. Louis Mermaz s’est interrogé sur l’opportunité de la proposition de loi de M. François Huwart ainsi que sur la nature des garanties mises en avant par le rapporteur lors de la présentation du dispositif. Après avoir souligné l’absence de marge de manœuvre du Gouvernement en raison des nombreux départs en retraite au sein de la police nationale, il a souhaité obtenir des précisions sur les conditions de mise en œuvre de ce texte, compte tenu des responsabilités importantes conférées aux officiers de police judiciaire.

M. Jacky Darne a fait observer qu’il était préférable de promouvoir une bonne gestion des corps de police par une amélioration des voies de promotion interne, plutôt que de recourir à des dispositions transitoires et conjoncturelles.

Mme Catherine Tasca, présidente, a insisté sur la nécessité d’obtenir des éclaircissements sur la nature des services dans lesquels seront affectés les personnels ayant acquis la qualité d’officier de police judiciaire.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a fait valoir que, loin de constituer une mesure d’ajustement conjoncturelle, la proposition de loi était directement liée aux conséquences de la réforme des corps et des carrières et qu’elle était également indispensable pour la mise en œuvre effective des nouvelles orientations du Gouvernement en matière de sécurité. Il a, par ailleurs, souligné que, tout en définissant de manière plus restrictive les services ouvrant droit à la qualification d’officier de police judiciaire, la proposition de loi maintenait, en outre, les garanties déjà prévues vis-à-vis des autres personnels de la police nationale et de la gendarmerie nationale, étant entendu que le statut de d’officier de police judiciaire est très rigoureusement encadré par le code de procédure pénale.

La Commission a adopté l’article unique de la proposition de loi dans la rédaction présentée par le rapporteur.

*

* *

En conséquence, la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi dont le texte suit.

PROPOSITION DE LOI PORTANT EXTENSION
DE LA QUALIFICATION D’OFFICIER DE POLICE
JUDICIAIRE AU CORPS DE MAITRÎSE ET D’APPLICATION
DE LA POLICE NATIONALE

Article unique

I. —  Après le quatrième alinéa de l’article 16 du code de procédure pénale (3°), il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

“ 4° Les fonctionnaires du corps de maîtrise et d’application de la police nationale comptant au moins trois ans de services dans ce corps, nominativement désignés par arrêté des ministres de la justice et de l’intérieur, après avis conforme de la commission mentionnée au 3°. ”

II. —  Dans les cinquième et avant-dernier alinéas du même article, les mots : “ 2° et 3°” sont remplacés par les mots : “ 2° à 4° ”.

III. —  Il est inséré, avant le dernier alinéa du même article, un alinéa ainsi rédigé :

“ Toutefois, les fonctionnaires visés au 4° ne peuvent recevoir l’habilitation prévue à l’alinéa précédent que s’ils sont affectés soit dans un service ou une catégorie de services déterminés en application de l’article 15-1 et figurant sur une liste fixée par arrêté des ministres de la justice et de l’intérieur, soit, à titre exclusif, dans une formation d’un service mentionnée par le même arrêté. ”

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Conclusions de la Commission

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Code de procédure pénale

Article unique

Article unique

Art. 16. —  Ont la qualité d’officier de police judiciaire :

I. —  L’article 16 du code de procédure pénale est complété par un alinéa (4°) ainsi rédigé :

I. —  Après le quatrième alinéa de l’article 16 du code de procédure pénale (3°) est inséré un alinéa ainsi rédigé :

1° Les maires et leurs adjoints ;

   

2° Les officiers et les gradés de la gendarmerie, les gendarmes comptant au moins trois ans de service dans la gendarmerie, nominativement désignés par arrêté des ministres de la justice et de la défense, après avis conforme d’une commission ;

   

3° Les inspecteurs généraux, les sous-directeurs de police active, les contrôleurs généraux, les commissaires de police, les fonctionnaires titulaires du corps de commandement et d’encadrement de la police nationale, nominativement désignés par arrêté des ministres de la justice et de l’intérieur, après avis conforme d’une commission.

   
 

“ 4° Les fonctionnaires du corps de maîtrise et d’application de la police nationale comptant au moins trois ans de services effectifs dans ce corps en qualité de titulaires, nominativement désignés, par arrêté des ministres de la justice et de l’intérieur, après avis conforme d’une commission. ”

“ 4° 

... services dans ce corps, nominativement désignés par ...

... con- forme de la commission mentionnée au 3°. ”

La composition des commissions prévues aux 2° et 3° sera déterminée par un décret en Conseil d’Etat pris sur le rapport du ministre de la justice et des ministres intéressés.

   

Ont également la qualité d’officier de police judiciaire les personnes exerçant des fonctions de directeur ou sous-directeur de la police judiciaire relevant du ministre de l’intérieur et de directeur ou sous-directeur de la gendarmerie au ministère des armées.

   

Les fonctionnaires mentionnés aux 2° et 3° ci-dessus ne peuvent exercer effectivement les attributions attachées à leur qualité d’officier de police judiciaire ni se prévaloir de cette qualité que s’ils sont affectés à un emploi comportant cet exercice et en vertu d’une décision du procureur général près la cour d’appel les y habilitant personnellement. L’exercice de ces attributions est momentanément suspendu pendant le temps où ils participent, en unité constituée, à une opération de maintien de l’ordre. Lorsqu’ils appartiennent à un service dont la compétence excède le ressort de la cour d’appel, la décision d’habilitation est prise par le procureur général près la cour d’appel du siège de leur fonction.

II. —  Dans les cinquième et avant-dernier alinéas du même article, les mots : “ 2° et 3° ” sont remplacés par les mots : “ 2° et 4° ”.

II. —  

... mots : “ 2° à 4° ”.

 

III. —  Il est inséré, avant le dernier alinéa du même article, un alinéa ainsi rédigé :

III. —  (Alinéa sans modification).

 

“ Toutefois, les fonctionnaires mentionnés au 4°  ne peuvent recevoir l’habilitation prévue à l’alinéa précédent que s’ils sont affectés soit dans un service appartenant à l’une des catégories déterminées en application de l’article 15-1 et mentionné sur une liste fixée par arrêté conjoint des ministres de la justice et de l’intérieur, soit à titre exclusif dans une formation appartenant à un de ces services et mentionné sur une liste fixée par le même arrêté. ”

... fonctionnaires

visés au ...

... ser-

vice ou une catégorie de services déterminés en ...

... et figurant sur... ... par

arrêté des ...

... formation d’un service

mentionnée par ...

Les conditions d’octroi, de retrait et de suspension pour une durée déterminée de l’habilitation prévue par le précédent alinéa sont fixées par décret en Conseil d’Etat pris sur le rapport du ministre de la justice et des ministres intéressés.

   

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N° 1021.– Rapport de M. Christophe Caresche (au nom de la commission des lois), sur la proposition de loi (n° 969) de M. François Huwart portant extension de la qualification d’officier de police judiciaire au corps de maîtrise et d’application de la police nationale.