Document mis en distribution le 7 juin 1999 N° 1664 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 juin 1999. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE (n° 1494) relative au statut de la magistrature, PAR MME NICOLE FEIDT, Députée. -- (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Justice. La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann. INTRODUCTION 5 1. Le maintien en activité de magistrats expérimentés est un élément de la politique de réduction des délais de jugement 6 2. L'élévation à la hors hiérarchie des emplois occupés par les chefs des juridictions les plus importantes contribue à la revalorisation des fonctions de responsabilité 7 EXAMEN DES ARTICLES 9 Article premier (art. 1er de la loi organique n° 88-23 du 7 janvier 1988 portant maintien en activité des magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance) : Maintien en activité 9 Article 2 (art. 3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature) : Emplois placés hors hiérarchie 11 TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 13 TABLEAU COMPARATIF 15 MESDAMES, MESSIEURS, Déposée par votre rapporteur, la proposition de loi organique n° 1494 tend à modifier le statut des magistrats, afin de proroger l'autorisation de maintien en activité au-delà de la limite d'âge et de compléter la liste des emplois placés hors hiérarchie. S'agissant de dispositions qui concernent la magistrature, l'article 34 de la Constitution impose qu'elles figurent dans une loi organique, dont l'adoption et le contrôle comportent quelques particularités par rapport à une loi ordinaire : le vote sur le projet ou la proposition ne peut intervenir qu'à l'expiration d'un délai de quinze jours après son dépôt ; à défaut d'accord entre les deux assemblées le texte ne peut être adopté par l'Assemblée nation en dernière lecture qu'à la majorité absolue de ses membres ; la loi organique ne peut être promulguée qu'après déclaration de sa conformité à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Depuis l'adoption de la loi organique du 7 janvier 1988, qui a pour la première fois autorisé à titre temporaire le maintien en activité des magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance, cette mesure a été reconduite jusqu'au 31 décembre 1999 (loi organique du 19 janvier 1995). Quant à la transformation d'emplois du premier grade en emplois hors hiérarchie, elle s'est accélérée au cours de la présente décennie (lois organiques du 25 février 1992, du 5 février 1994 et du 19 janvier 1995). Il s'agit donc de sujets sur lesquels le Parlement est régulièrement sollicité. Il est vrai que les motifs ayant justifié ces mesures restent d'actualité, qu'il s'agisse de l'accroissement du stock des affaires judiciaires ou de la revalorisation des fonctions de responsabilité. 1. Le maintien en activité de magistrats expérimentés est un élément de la politique de réduction des délais de jugement Arès dix années de croissance ininterrompue, le nombre des affaires nouvelles, dans le domaine civil, a connu une légère baisse en 1996 et 1997 (1 498 868), tandis que le stock des affaires en cours a atteint son niveau le plus élevé depuis dix ans ( 1 381 817). Malgré des gains de productivité, il en résulte un allongement de la durée moyenne de règlement des affaires et l'espoir s'éloigne d'atteindre les objectifs fixés par le rapport annexé à la loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice : 12 mois en appel (16,3 mois en 1997), 6 mois devant les tribunaux de grande instance (9,1 mois en 1997) et 3 mois devant les tribunaux d'instance (5 mois en 1997). En outre, ces durées moyennes cachent des situations proches du sinistre, la durée de règlement des affaires civiles, dans les cours d'Aix, Douai, Paris et Versailles, pouvant atteindre trois ans dans certains domaines. ACTIVITÉ JUDICIAIRE CIVILE
Source : Les chiffres clés de la justice - Ministère de la justice. Afin d'accélérer le traitement des dossiers, il apparaît donc hautement souhaitable de proroger les dispositions autorisant le maintien en activité des magistrats au-delà de la limite d'âge, d'autant que ces magistrats expérimentés sont maintenus en surnombre de l'effectif de la juridiction. Par ailleurs, la reconduction de cette mesure n'est pas incompatible avec une politique de recrutement active, bien au contraire : à la demande de la ministre de la justice, le Parlement a décidé depuis deux ans la création d'emplois de magistrats dans des proportions sans précédent (70 en 1998 et 140 en 1999) et a autorisé le recrutement exceptionnel de deux cents magistrats afin d'accélérer leur nominations dans les juridictions. Mais la formation d'un magistrat durant plus de deux ans et demi, le maintien en activité permet de disposer immédiatement de magistrats dans une période où plusieurs réformes vont rendre nécessaire une augmentation des effectifs (juge de la détention, motivation des classements sans suite, réforme des juridictions commerciales, etc). 2. L'élévation à la hors hiérarchie des emplois occupés par les chefs des juridictions les plus importantes contribue à la revalorisation des fonctions de responsabilité Le deuxième objectif poursuivi par la proposition est de revaloriser les fonctions de responsabilité occupées par les chefs de juridictions les plus importantes en les plaçant hors hiérarchie. Actuellement, 341 emplois de magistrats sont classés en hors hiérarchie, soit 5,3 % du corps. MAGISTRATS OCCUPANT DES EMPLOIS HORS HIÉRARCHIE
Source : ministère de la justice La liste des emplois localisés classés en hors hiérarchie est fixée par l'article 3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : sur les quarante-quatre emplois de président de tribunal de grande instance ou de procureur de la République budgétairement classés en hors hiérarchie, trente-six sont effectivement localisés, soit dix-huit juridictions concernées. Il apparaît tout à fait justifié de tenir compte des évolutions qui placent aujourd'hui Aix, Béthune, Grasse et Toulon parmi les juridictions les plus « lourdes », en accordant à leurs chefs, du siège et du parquet, de rejoindre la catégorie des emplois hors hiérarchie. * * * Intervenant dans la discussion générale, M. Gérard Gouzes, après avoir insisté sur les inconvénients résultant de l'augmentation du stock des affaires en cours et de l'allongement des délais de jugement, a noté que les mesures proposées bénéficiaient essentiellement aux magistrats occupant les fonctions les plus élevées. Il s'est demandé s'il ne serait pas plus opportun de concentrer les efforts au niveau des tribunaux de première instance afin, notamment, d'améliorer la qualité des jugements qui y sont rendus. Reconnaissant que les délais de formation des magistrats légitimaient des mesures du type de celles proposées par la rapporteur, il a néanmoins considéré qu'elles étaient insuffisantes pour améliorer significativement la situation actuelle. Mme Nicole Feidt, rapporteur, a souligné que le maintien en activité pour trois ans de magistrats atteints par la limite d'âge n'était pas exclusif d'une politique active de recrutement, comme on pouvait le constater depuis deux ans. * * * Article premier La loi organique n° 88-23 du 7 janvier 1988 a autorisé, jusqu'au 31 décembre 1995, le maintien en activité des magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance lorsqu'ils atteignent la limite d'âge, fixée à soixante-cinq ans par l'article 76 du statut. Ces dispositions ont été complétées par la loi organique du 25 février 1992, puis prorogées jusqu'au 31 décembre 1999 par la loi organique du 19 janvier 1995, cette nouvelle échéance correspondant au terme de la loi de programme relative à la justice du 6 janvier 1995. Sur leur demande, les magistrats peuvent donc être maintenus en activité pour une période non renouvelable de trois ans pour exercer, exclusivement, les fonctions de conseiller, de substitut général, de juge ou de substitut. Sur proposition du garde des sceaux, ils sont maintenus en activité, en surnombre de l'effectif de la juridiction, dans l'une des fonctions qu'ils ont demandé à occuper, dans les formes prévues pour les nominations de magistrats du siège ou du parquet. Ils conservent la rémunération afférente au grade, classe et échelon qu'ils détenaient lorsqu'ils ont atteint la limite d'âge. Le maintien en activité ne peut se prolonger au-delà de l'âge de soixante-dix ans et, en application de l'article L. 26 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite, ne donne pas droit à supplément de liquidation. L'article premier de la proposition reconduit pour trois années supplémentaires ce dispositif provisoire, qui ne figure pas dans l'ordonnance du 22 décembre portant loi organique relative au statut de la magistrature, mais dans une loi organique spécifique. Il tend néanmoins à se pérenniser tant que la situation des juridictions reste critique, car il présente divers avantages : ces magistrats expérimentés apportent sans délai de formation un concours particulièrement appréciable, ils sont affectés en surnombre de l'effectif de la juridiction et n'entravent pas la carrière de leurs collègues plus jeunes. Depuis l'adoption de la loi du 7 janvier 1988, trois cent quatre-vingt-quatorze magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance ont bénéficié du maintien en activité. Par ailleurs, cent trente-quatre magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation ont été maintenus en activité en application de la loi organique du 23 décembre 1986, dont les dispositions ont un caractère permanent.
Pour les trois années à venir, le nombre de retraites prévisibles par limite d'âge est de cent vingt et un (cinquante en 2000, cinquante et un en 2001 et cinquante en 2002), auquel s'ajouteront éventuellement les retraites sur demande. En moyenne, on constate qu'environ un tiers des magistrats atteints par la limite d'âge sollicitent leur maintien en activité en surnombre, ce chiffre variant de 26 à 40 % selon les années. En conséquence, le nombre de magistrats demandant à être maintenus en activité pourrait être de quatorze en 2000, douze en 2001 et quatorze en 2002, soit quarante au total. Ces chiffres sont nettement moins élevés que par le passé en raison du faible nombre de départs en retraite, lié à la pyramide des âges au sein du corps judiciaire, confirmant une tendance observable depuis 1991 et qui devrait commencer à s'inverser en 2003. Néanmoins la prorogation du dispositif de maintien en activité contribuera utilement à la politique de résorption des stocks d'affaires restant à juger et à la réduction des délais de jugement. La Commission a adopté l'article premier sans modification. Article 2 L'article 3 du statut de la magistrature énumère les fonctions occupées par des magistrats placés hors hiérarchie. Depuis l'adoption, en 1958, de la loi organique relative au statut de la magistrature, cette liste a été modifiée sept fois. Mais, depuis le début de l'actuelle décennie, elle a été complétée avec une toute particulière fréquence dans le cadre d'un plan de restructuration du corps judiciaire, prévoyant notamment un « repyramidage » pour revaloriser les fonctions de responsabilité occupées par les chefs des juridictions les plus importantes. Actuellement 11,5 % des emplois budgétaires de chefs de tribunal de grande instance sont classés en hors hiérarchie. Lors du plan de restructuration du corps judiciaire 1991-1995, il a été précisé, dans les circulaires diffusées dans le corps judiciaire, que « pour les emplois de président et de procureur, la classification des juridictions résulte de la combinaison de critères tenant au niveau des responsabilités administratives et de gestion, à l'activité en matière civile et pénale, au nombre d'implantations judiciaires dans le ressort, ainsi qu'au contexte socio-économique et à son évolution ». L'article 2 de la proposition de loi tend à placer hors hiérarchie les présidents des tribunaux de grande instance d'Aix-en-Provence, Béthune, Grasse et Toulon et les procureurs de la République près ces tribunaux. Le choix de ces juridictions a été annoncé en août 1995 mais, d'après les informations communiquées à votre rapporteur, la combinaison des douze critères suivants justifie, aujourd'hui, de retenir le tribunal de Mulhouse plutôt que celui de Toulon : - nombre d'affaires civiles nouvelles en 1997 ; - évolution du nombre d'affaires civiles nouvelles de 1994 à 1997 - nombre d'affaires civiles terminées en 1997 ; - évolution du nombre d'affaires civiles terminées de 1994 à 1997 ; - nombre de procès-verbaux auteurs connus en 1997 - évolution du nombre de procès-verbaux auteurs connus de 1994 à 1997 ; - nombre de procès-verbaux poursuivis en 1997 ; - évolution du nombre de procès-verbaux poursuivis de 1994 à 1997 ; - effectif budgétaire de magistrats ; - effectif budgétaire de fonctionnaires ; - évolution de la population du ressort de 1982 à 1990 ; - prévision de l'évolution du ressort de 1982 à 1990. La combinaison de ces critères justifierait d'élever également à la hors hiérarchie les emplois de chefs des tribunaux de grande instance de Toulon, Nancy et Montpellier. Il serait donc souhaitable de prévoir rapidement les financements nécessaires, afin que l'article 3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 puisse être complété en ce sens lors de l'examen du projet de loi organique modifiant le statut de la magistrature qui suivra le vote de la loi constitutionnelle relative au Conseil supérieur de la magistrature. Après avoir adopté un amendement du rapporteur tendant à rédiger plus lisiblement cet article et à substituer le tribunal de grande instance de Mulhouse à celui de Toulon, la Commission a adopté l'article 2 ainsi modifié. * * * La Commission a adopté la proposition de loi organique, qu'elle vous demande d'adopter dans le texte ci-après. TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION relative au statut de la magistrature A l'article 1er de la loi organique n° 88-23 du 7 janvier 1988 portant maintien en activité des magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance, les mots : « jusqu'au 31 décembre 1999 » sont remplacés par les mots : « jusqu'au 31 décembre 2002 ». L'article 3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi rédigé : « Art. 3. - Sont placés hors hiérarchie : « 1° Les magistrats de la Cour de cassation, à l'exception des conseillers référendaires ; « 2° Les premiers présidents des cours d'appel et les procureurs généraux près lesdites cours ; « 3° Les présidents de chambre à la cour d'appel de Paris et à la cour d'appel de Versailles, ainsi que les avocats généraux près lesdites cours ; « 4° Le président, les premiers vice-présidents et le premier vice-président chargé de l'instruction du tribunal de grande instance de Paris, ainsi que le procureur de la République et les procureurs de la République adjoints près ce tribunal ; « 5° Les présidents des tribunaux de grande instance d'Aix-en-Provence, Béthune, Bobigny, Bordeaux, Créteil, Evry, Grasse, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Metz, Mulhouse, Nanterre, Nantes, Nice, Pontoise, Rouen, Strasbourg, Toulouse et Versailles, ainsi que les procureurs de la République près ces tribunaux. » ___
N°1664. - RAPPORT de Mme Nicole FEIDT (au nom de la commission des lois) sur la proposition de loi organique (n° 1494) relative au statut de la magistrature © Assemblée nationale |