Document mis en distribution le 16 février 2000 N° 2142 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 février 2000. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse. PAR M. CHARLES de COURSON, Député. -- (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Voir les numéros : Sénat : 394 rect, 408 et T.A. 160 (1998-1999) Assemblée nationale : 1734 Chasse et pêche. La commission de la production et des échanges est composée de : M. André Lajoinie, président ; MM. Jean-Paul Charié, Jean-Pierre Defontaine, Pierre Ducout, Jean Proriol, vice-présidents ; MM. Léonce Deprez, Christian Jacob, Daniel Paul, Patrick Rimbert, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Jean-Claude Abrioux, Stéphane Alaize, Damien Alary, André Angot, André Aschieri, François Asensi, Jean-Marie Aubron, Pierre Aubry, Jean Auclair, Jean-Pierre Balduyck, Jacques Bascou, Mme Sylvia Bassot, MM. Christian Bataille, Jean Besson, Gilbert Biessy, Claude Billard, Claude Birraux, Jean-Pierre Blazy, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Franck Borotra, Christian Bourquin, Mme Danièle Bousquet, MM. François Brottes, Vincent Burroni, Alain Cacheux, Dominique Caillaud, André Capet, Jean-Paul Chanteguet, Jean Charroppin, Philippe Chaulet, Jean-Claude Chazal, Daniel Chevallier, Pierre Cohen, Charles de Courson, Alain Cousin, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Jean-Claude Daniel, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Decaudin, Mme Monique Denise, MM. Jacques Desallangre, Eric Doligé, François Dosé, Jean-Pierre Dufau, Marc Dumoulin, Dominique Dupilet, Philippe Duron, Jean-Claude Etienne, Michel Etiévant, Alain Fabre-Pujol, Albert Facon, Alain Ferry, Jean-Jacques Filleul, Jacques Fleury, Nicolas Forissier, Roland Francisci, Claude Gaillard, Robert Galley, Claude Gatignol, André Godin, Alain Gouriou, Michel Grégoire, Gérard Grignon, Hubert Grimault, Lucien Guichon, Gérard Hamel, Patrick Herr, Claude Hoarau, Robert Honde, Claude Jacquot, Mme Janine Jambu, MM. Aimé Kergueris, Jean Launay, Thierry Lazaro, Jean-Yves Le Déaut, Patrick Lemasle, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Arnaud Lepercq, René Leroux, Roger Lestas, Alain Le Vern, Félix Leyzour, Michel Liebgott, Lionnel Luca, Jean-Michel Marchand, Daniel Marcovitch, Alain Marleix, Daniel Marsin, Philippe Martin, Jacques Masdeu-Arus, Marius Masse, Roger Meï, Roland Metzinger, Pierre Micaux, Yvon Montané, Gabriel Montcharmont, Jean-Marie Morisset, Bernard Nayral, Jean-Marc Nudant, Jean-Paul Nunzi, Patrick Ollier, Joseph Parrenin, Paul Patriarche, François Patriat, Germinal Peiro, Jacques Pélissard, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Annette Peulvast-Bergeal, MM. Serge Poignant, Bernard Pons, Jacques Rebillard, Jean-Luc Reitzer, Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Jean Rigaud, Mme Michèle Rivasi, MM. Jean Roatta, André Santini, Joël Sarlot, Mme Odile Saugues, MM. François Sauvadet, Jean-Claude Thomas, Léon Vachet, Daniel Vachez, François Vannson, Michel Vaxès, Michel Vergnier, Gérard Voisin, Roland Vuillaume. INTRODUCTION 5 I.- LA NÉCESSITÉ D'AUTORISER DE MANIÈRE CLAIRE ET STABLE LES CHASSES AU GIBIER D'EAU PRATIQUÉES ENTRE LE COUCHER DU SOLEIL ET SON LEVER 6 A.- DES PRATIQUES VARIÉES ET LARGEMENT RÉPANDUES QUI NE METTENT PAS EN PÉRIL LES ESPÈCES CHASSÉES 6 1. Les différentes chasses pratiquées entre le coucher du soleil et son lever 6 2. Des pratiques de chasse très répandues 7 3. Des pratiques populaires 9 4. Des pratiques qui contribuent à défendre l'environnement 11 B.- L'INTERDICTION AMBIGUË DE LA CHASSE DE NUIT 13 1. La chasse aux heures crépusculaires, qui a toujours été autorisée, doit être définie de manière claire par le législateur 13 2. Il convient d'autoriser la pratique de la chasse de nuit du gibier d'eau, là où elle est devenue coutumière 16 II.- LE RISQUE QUE SE DÉVELOPPE UN CONTENTIEUX IMPORTANT LIÉ À L'APPLICATION DE LA « LOI VERDEILLE » 19 A.- LA « LOI VERDEILLE » VISAIT À GARANTIR UNE GESTION EFFICACE DES TERRITOIRES DE CHASSE 19 1. La nécessité de définir des territoires de chasse permettant une gestion cynégétique efficace 19 2. La loi du 10 juillet 1964 20 B.- LA DÉCISION DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME DU 29 AVRIL 1999 RISQUE DE CONDUIRE AU DÉVELOPPEMENT D'UN CONTENTIEUX IMPORTANT 21 1. La contestation de la « loi Verdeille » devant les juridictions nationales n'a pas aboutie 21 2. La décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 29 avril 1999 rend nécessaire une modification de la loi du 10 juillet 1964 21 III.- LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI 22 EXAMEN EN COMMISSION 25 MESDAMES, MESSIEURS, Les modalités d'exercice du droit de chasse font l'objet depuis quelques années d'un contentieux incessant. Des pratiques traditionnelles ou des institutions solidement établies sont ainsi soumises à la critique sur la base de normes variées et parfois imprécises. Sollicité constamment par l'imagination fertile des adversaires de la chasse, le juge est ainsi parfois amené à remettre en cause ce qui, il y a peu, était encore incontestable. Ainsi, deux décisions juridictionnelles récentes ont pour conséquences, pour l'une, l'interdiction de la chasse aux heures crépusculaires, pratique que le législateur a pourtant toujours entendu autoriser, et pour l'autre, la remise en cause du fonctionnement des associations de chasse agréées qui organisent l'activité cynégétique sur une grande partie de notre territoire. L'exercice du droit de chasse selon ses modalités traditionnelles est donc gravement menacé. Il n'est toutefois pas condamné. Le nouveau contexte juridique impose simplement une intervention immédiate du législateur pour clarifier le droit en ce qui concerne la chasse à la passée et la chasse de nuit, et l'invite, en outre, à aménager le régime issu de la loi du 10 juillet 1964 dite « loi Verdeille » pour prendre en compte les préoccupations de ceux des propriétaires qui ne souhaitent pas que la chasse soit pratiquée sur leurs terres. Tel est l'objet de la proposition de loi déposée au Sénat par MM. Gérard Larcher, Roland du Luart et plusieurs de leurs collègues d'appartenances politiques diverses et adoptée à l'unanimité par la Haute Assemblée le 22 juin 1999, n° 1734. Il s'agit sur ces deux points précis d'adopter d'urgence les dispositions immédiatement nécessaires pour, d'une part, préserver les droits des chasseurs et pour, d'autre part, accorder un droit nouveau aux propriétaires opposés à la pratique de la chasse sur leurs terres, évitant la prolifération d'un contentieux inutile. Une modernisation plus large du droit de la chasse est sans doute nécessaire. Le rapport remis par notre collègue François Patriat au Premier ministre évoque certaines des voies que cette modernisation pourrait emprunter. Pour ce qui concerne les questions consensuelles abordées par la proposition de loi, on peut d'ailleurs noter que M. François Patriat préconise des solutions voisines de celles retenues par le Sénat. Le travail de réflexion est actuellement prolongé par Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, qui prépare un projet de loi relatif à la chasse. Il n'est pas question ici de se prononcer sur celui-ci, dont la rédaction finale n'est pas connue à ce jour. La discussion parlementaire sérieuse que nécessite un texte d'une telle ampleur permettra l'examen attentif de l'ensemble des options envisageables. Ce n'est pas là l'ambition de la proposition de loi n° 1734 qui se borne à apporter, sur deux points précis les réponses urgentes permettant d'apaiser les esprits et de garantir, avant l'ouverture de la prochaine saison, le respect aussi bien des choix des chasseurs que de ceux qui sont opposés à la pratique de la chasse sur leurs propriétés. Ce texte apportant des solutions équilibrées et consensuelles, votre rapporteur vous propose de ne plus tarder et de l'adopter sans modification. I.- LA NÉCESSITÉ D'AUTORISER DE MANIÈRE CLAIRE ET STABLE LES CHASSES AU GIBIER D'EAU PRATIQUÉES ENTRE LE COUCHER DU SOLEIL ET SON LEVER Bien que fort nombreux, les chasseurs constituent, comme les pratiquants de tout autre loisir, une minorité. Dans une société devenue aujourd'hui majoritairement urbaine, leurs pratiques sont mal connues et des idées fausses, savamment entretenues et exploitées par leurs adversaires, abondent. Cela est tout particulièrement vrai pour ce qui concerne les chasses au gibier d'eau. Votre rapporteur souhaite donc rétablir quelques vérités simples sur ces pratiques, les incompréhensions souvent rencontrées lui semblant expliquer pour une large part la situation juridique actuelle : l'interdiction de fait de pratiques légitimes que le législateur a toujours souhaité permettre. A.- DES PRATIQUES VARIÉES ET LARGEMENT RÉPANDUES QUI NE METTENT PAS EN PÉRIL LES ESPÈCES CHASSÉES 1. Les différentes chasses pratiquées entre le coucher du soleil et son lever La distinction la plus importante sur le plan juridique est celle de la chasse dite à la passée, pratiquée aux heures crépusculaires, et de la chasse de nuit stricto sensu, pratiquée durant une partie de la période comprise entre le coucher du soleil et son lever à partir de postes fixes. La passée est le moment du soir ou du matin où les oiseaux, qui dorment le jour, se rendent ou reviennent de leurs lieux de gagnage dans les zones humides. Cette définition met en évidence le fait qu'interdire cette pratique fort commune reviendrait à limiter fortement la chasse des espèces concernées. Après la passée du soir, le gibier d'eau passe la nuit à chercher sa nourriture. Il est alors chassé à partir de postes fixes. Ceux-ci sont pour l'essentiel de trois types : les huttes ou gabions qui sont de petites cabanes parfois aménagées, les tonnes qui sont des tonneaux plantés dans une zone marécageuse et les hutteaux mobiles, également appelés cercueils en baie de Somme, qui sont des boîtes que l'on peut déplacer grâce à leurs roues jusqu'au meilleur lieu de chasse mais qui restent fixes durant l'action de chasse. 2. Des pratiques de chasse très répandues - de nombreux passionnés Il n'existe pas, à la connaissance de votre rapporteur, de dénombrement fiable des chasseurs pratiquant la chasse entre le coucher du soleil et son lever, soit à la passée, soit depuis un poste fixe, de nuit. Selon des représentants des associations cynégétiques, ils seraient plus de 100 000. Le nombre de postes fixes peut donner une idée du nombre de personnes pratiquant la chasse de nuit, auquel il faut ajouter celles qui chassent à la passée. Il faut rappeler, à cet égard, que les chasseurs à partir de postes fixes se partagent les postes soit parce qu'ils chassent ensemble, soit parce qu'un même poste sert successivement à plusieurs chasseurs ou groupes de chasseurs qui le louent (d'ailleurs dans des conditions en général bien éloignées de celles évoquées récemment par certains (1)). Il y a donc beaucoup plus de chasseurs à partir de postes fixes que de postes. Or les recensements disponibles bien qu'anciens puisqu'ils datent du début des années 1980 et parcellaires, dénombrent environ 10 000 installations. Il faut ajouter à ce chiffre celles mises en place depuis, probablement pour un nombre limité qui ne correspond sans doute pas à la multiplication évoquée devant le Sénat à partir de différents exemples par Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, ainsi que les installations pouvant être déplacées. - une chasse pratiquée sur une large partie de notre territoire La chasse à la passée et la chasse de nuit sont très largement pratiquées sur notre territoire. Pour ce qui concerne la chasse de nuit, une enquête a été conduite par le ministère de l'environnement auprès des préfets. Achevée en juillet 1999, elle a porté sur 71 départements et a révélé que dans seulement 38 d'entre eux la chasse de nuit n'était pas pratiquée. Aux 33 départements dans lesquels cette enquête conclut qu'elle l'est, il convient d'ajouter ceux où cette chasse est pratiquée mais dont les préfets n'ont pas répondu au questionnaire de la direction de la nature et des paysages ce qui est par exemple le cas de la Charente-Maritime ou de l'Indre-et-Loire. En tenant compte de ces départements, le nombre total de départements où la chasse de nuit du gibier à partir de postes fixes est pratiquée de manière traditionnelle est donc bien supérieur au chiffre de dix-neuf avancé par M. François Patriat dans son rapport. De toute évidence, il serait plutôt de l'ordre du double de ce chiffre. L'Office national de la chasse estime pour sa part, à partir d'enquêtes réalisées sur le terrain par ses agents, que « l'utilisation des huttes, tonnes ou gabions est constante et fait partie des usages locaux » dans quarante-deux départements, dont la liste est annexée à l'instruction du 31 juillet 1996 du directeur de cet établissement public. C'est cette liste que le Sénat a choisi de retenir pour déterminer les départements dans lesquels il convenait d'autoriser la pratique de la chasse de nuit du gibier d'eau à partir de postes fixes. - une pratique qui n'est pas une exception française Contrairement à ce que l'on croit parfois, la pratique de la chasse de nuit et de la chasse à la passée ne constituent pas des exceptions françaises. Ces modes de chasse sont également pratiqués chez beaucoup de nos voisins européens. Elles sont en conséquence très souvent autorisées. Une étude de la Fédération des associations de chasseurs de l'Union européenne portant sur 10 autres Etats membres révèle que dans aucun d'entre eux, la chasse n'est systématiquement interdite dès le coucher du soleil ou avant son lever. Chez nos voisins, la chasse aux heures crépusculaires est ainsi possible pour certaines espèces dans une période comprise entre trente minutes et deux heures après le coucher du soleil et avant son lever. La chasse de nuit est quant à elle autorisée, mais parfois seulement pour certaines espèces ou dans certaines régions, dans 6 de ces Etats. L'autorisation de la chasse à la passée pour le gibier d'eau deux heures après le coucher du soleil et deux heures avant son lever ainsi que celle, pour les mêmes espèces, de la chasse de nuit à partir de postes fixes dans quarante-deux départements ne placerait donc pas la France dans une situation significativement différente de celles de nos partenaires. Le 22 juin dernier, au Sénat, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, évoquait lors de la discussion de la proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise, le fait qu'une nuit « pour toute la saison se loue entre 5 000 et 10 000 francs sur les huttes de l'arrière littoral du Pas-de-Calais » (J.O débats, p. 4269). Le 27 janvier, alors que l'inscription de cette même proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale venait d'être décidée, le journal Le Monde publiait sous le titre « Une passion lucrative qui échappe à l'administration fiscale », un article précisant qu'en « Flandre maritime ou en baie de Somme, la location d'une hutte, une nuit par semaine pendant toute la saison, se négocie entre 8 000 et 15 000 francs, davantage pour certaines installations (...) », « sans contrat écrit » et « en espèces » entraînant pour les propriétaires un revenu compris « entre 48 000 et 90 000 francs (...) net d'impôt ». La chasse de nuit au gibier d'eau serait donc une activité de nantis désireux de massacrer des oiseaux à tout prix et grâce à laquelle, en outre, certains prospéreraient en fraudant l'administration fiscale. Qu'en est-il en réalité ? Il s'agit au contraire d'une activité populaire, comme l'est d'ailleurs la chasse en général, où la convivialité, le bien être de se retrouver entre amis dans une nature que l'on aime assez pour braver le froid et l'humidité priment souvent sur la recherche du beau coup de fusil. Votre rapporteur n'entend pas contester les prix qui ont été évoqués. Peut être existe-t-il effectivement une poignée d'installations bénéficiant d'un aménagement soigné et d'une situation exceptionnelle dont l'usage se négocie à de telles sommes. Votre rapporteur regretterait toutefois qu'à partir de cette infime minorité, aussi représentative de l'ensemble des installations que peuvent l'être de l'hôtellerie française les plus grands palaces parisiens, ceux qui ne sont pas familiers de la pratique de la chasse de nuit tirent des conclusions d'ensemble erronées. Il existe en effet un commerce des postes fixes. Son principal animateur est l'Etat qui perçoit notamment des redevances pour l'utilisation des installations situées sur le domaine public maritime. Ainsi, dans le Pas-de-Calais, la location d'un hutteau pour toute la saison peut se négocier pour la somme modeste de 60 ou 70 francs. Des propriétaires privés louent également leurs installations pour quelques centaines ou quelques milliers de francs. Il ne paraît pas déraisonnable d'estimer d'ailleurs que c'est dans cet ordre de grandeur que se situe le prix moyen des locations. On est loin des 100 000 francs évoqués par la presse, niveau de prix dont on espère que l'absurdité sera tout de même évidente aux esprits de bon sens. S'il existe sans doute sur la planète quelques chasseurs fortunés susceptibles de consacrer des sommes de cet ordre à leur passion, votre rapporteur rappelle tout de même que si de tels montants étaient nécessaires pour pratiquer la chasse de nuit, elle ne connaîtrait sans doute pas le succès qui est le sien, compte tenu des niveaux de revenus dans notre pays que certains semblent parfois oublier. En ce qui concerne l'économie souterraine qui prospérerait par la location de postes fixes, votre rapporteur admet qu'il est possible que certaines transactions relatives à des installations de chasse échappent à l'administration fiscale. Il doit toutefois avouer ne pas comprendre pourquoi elles seraient davantage l'objet d'une économie souterraine que la location de chambres ou de logements à but touristique. Toute transaction peut être délibérément dissimulée à l'administration fiscale et c'est à celle-ci qu'il appartient d'intensifier ses contrôles si la fraude se révèle particulièrement répandue dans un secteur donné. Il est vrai que le nombre d'agents affectés à des missions de contrôle est nécessairement limité et qu'il est opportun de les faire intervenir là où ils sont les plus efficaces. On peut donc raisonnablement penser que si des pratiques contestables existent en ce qui concerne les locations de postes fixes, c'est assez largement parce que l'administration fiscale, plus soucieuse de défendre les recettes de l'Etat que de conduire une polémique anti-chasse, s'est peut être désintéressée de cette question au regard de la modestie des sommes en cause. D'autre part, votre rapporteur rappelle que loin d'être la zone de non-droit fiscal que certains semblent dénoncer, l'activité cynégétique est soumise à des prélèvements qui lui sont spécifiques. Ainsi, non seulement la location du droit de chasse ou d'une installation tel un poste fixe constituent évidemment des revenus imposables, mais en outre, le fait pour le propriétaire de se réserver le droit de chasse, constitue un avantage en nature soumis à l'impôt sur la base du loyer que pourrait produire ce droit s'il était donné en location, minoré des charges qui lui sont afférentes. Il s'agit là d'une survivance du mécanisme du loyer fictif qui s'appliquait autrefois aux avantages en nature tirés du logement dont le propriétaire se réserve la jouissance ce qui est le cas de près de 55 % de nos concitoyens. On peut donc dire que loin d'être placée dans une situation fiscale favorable, la détention du droit de chasse est au contraire particulièrement imposée y compris lorsque celui-ci n'est pas loué. Enfin, pour conclure sur l'économie des installations de chasse de nuit, il convient de rappeler que le produit tiré de celles-ci par leurs propriétaires ne constitue pas un revenu net. L'entretien d'un poste fixe a naturellement un coût qui est d'autant plus élevé qu'il n'y aurait aucun sens à entretenir une installation et non les zones humides qui lui donnent tout son intérêt. En effet, il va de soi que c'est le caractère giboyeux de la zone dans laquelle il se situe qui donne sa valeur à un poste fixe et que, par conséquent, son propriétaire est le premier intéressé à la préservation des espèces chassées. C'est notamment pour cette raison que la chasse de nuit contribue à la défense de l'environnement. 4. Des pratiques qui contribuent à défendre l'environnement Les chasseurs sont toujours les premiers intéressés à la conservation des espèces chassées, patrimoine cynégétique sans lequel leur passion deviendrait impossible. C'est pourquoi ils ne réalisent que des prélèvements responsables bien moins menaçants pour la faune que la disparition de certains milieux naturels. En ce qui concerne les chasses de nuit, cela est très clair. Quelle est en effet l'espèce la plus chassée dans le cadre de ces pratiques ? Il s'agit de la sarcelle d'hiver, dont une enquête réalisée dans la Manche lors de la saison 1989-1990 révélait qu'elle représentait plus de 50 % des prélèvements des 138 huttes du département. Or les sarcelles d'hiver qui hivernent en France sont en effectif croissant comme l'indique le professeur Jean-Claude Lefeuvre dans son récent rapport sur les données à prendre en compte pour définir les modalités de l'application des dispositions légales et réglementaires de chasse aux oiseaux d'eau et oiseaux migrateurs en France. Ce rapport estime donc qu'il s'agit d'une espèce dont le statut de conservation est favorable. De même, il signale que la population de canards colverts, autre espèce représentant une part très importante des prélèvements des chasses de nuit et à la passée est stable. Pour expliquer cette situation, il faut rappeler que la vulnérabilité d'une espèce peut avoir deux types de cause : les dérangements liés aux activités économiques qui aboutissent à des pertes d'habitat ou ceux plus irréguliers liés aux activités récréatives, dont la chasse mais aussi naturellement d'autres pratiques telles les promenades. Or si, en ce qui concerne le gibier d'eau, le dérangement lié à l'activité cynégétique a pu être maintenu à un niveau compatible avec l'accroissement des effectifs des espèces concernées, c'est, non seulement grâce à l'attitude responsable des chasseurs, mais aussi parce que le risque de confusion entre les espèces est très faible. Il s'agit là d'un point important, l'identification des oiseaux lors de chasses pratiquées entre le coucher du soleil et son lever restant souvent mystérieuse au néophyte. C'est pourquoi votre rapporteur souhaite rappeler deux éléments simples. En premier lieu, il faut se souvenir que celui qui chasse à la passée ou de nuit voit sa cible, faute de quoi il serait bien en peine de la tirer. La nuit n'est pas, en règle générale, synonyme d'obscurité, une nuit sans nuage où la lune est pleine pouvant même être plus claire qu'une journée brumeuse. D'autre part, il convient également de rappeler que le chasseur de gibier d'eau connaît les espèces qu'il chasse et les lieux où il les chasse, souvent même mieux que quiconque. Il peut donc reconnaître un oiseau non seulement d'après sa silhouette mais aussi grâce à d'autres éléments et notamment d'après son cri et selon son comportement. Il faut en outre préciser que le tir du gibier d'eau se pratique souvent posé, laissant ainsi le temps au chasseur d'identifier sa cible. Pour illustrer ces éléments, votre rapporteur souhaite évoquer l'exemple de l'un des chasseurs de gibier d'eau qu'il a rencontré, fervent pratiquant de la chasse de nuit depuis plusieurs décennies, et qui sur l'ensemble de cette période n'a confondu qu'à deux reprises l'oiseau qu'il tirait avec un individu appartenant à une autre espèce qui était, elle aussi, chassable, ces deux incidents ayant eu lieu de jour... Mais si la population des différentes espèces de gibier d'eau a dans l'ensemble été maintenue ou s'est accrue, ce n'est sans doute pas tant en raison des pratiques cynégétiques que parce que les habitats ont été préservés et ce notamment grâce, là encore, à l'action des chasseurs. Il convient sur ce point d'évoquer à nouveau la question de l'économie des postes fixes d'un point de vue cette fois théorique. Il est possible de définir ces installations comme des biens dont la valeur est étroitement corrélée à l'abondance du gibier à leur proximité. Il s'agit donc de toute évidence de l'appropriation partielle de ce bien collectif qu'est la qualité de l'environnement et notamment l'abondance et la diversité de la faune sauvage dans la zone concernée. Or, on le sait, ce qui fait bien souvent obstacle à la protection de l'environnement, c'est que celui-ci n'appartenant à personne, chacun peut le dégrader. En pratique, il est évident que la qualité de l'environnement et la préservation de la faune sauvage ont une valeur pour chacun de nous et notamment pour les chasseurs. Ce qui est particulièrement intéressant dans le cas de la chasse de nuit au gibier d'eau, c'est qu'il s'agit, par le biais des postes fixes lorsque ceux-ci appartiennent à des personnes privées, d'un exemple où cette valeur trouve une traduction marchande directe. Loin de s'en offusquer, votre rapporteur s'en félicite vivement puisque, grâce à cela, des particuliers s'emploient à conserver à leurs frais l'habitat de la faune sauvage pour maintenir la valeur de leurs biens, exemple frappant d'intérêts particuliers concourant à l'intérêt général. B.- L'INTERDICTION AMBIGUË DE LA CHASSE DE NUIT Il existe dans notre droit, depuis 1844, un principe général d'interdiction de la chasse de nuit. L'article L. 224-4 du code rural indique ainsi que « Dans le temps où la chasse est ouverte, le permis donne à celui qui l'a obtenu le droit de chasser de jour (...). ». Beaucoup plus explicite, l'article L. 228-5 du même code dispose que « seront punis de l'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe et d'un emprisonnement de dix jours à un mois, ceux qui auront chassé pendant la nuit. ». Cette prohibition a néanmoins une portée incertaine. Il apparaît en effet clairement que le législateur a toujours entendu autoriser la chasse aux heures crépusculaire, sans toutefois définir celles-ci avec précision ce qu'il nous appartient aujourd'hui de faire. L'interdiction de la chasse de nuit, à laquelle des dérogations avaient été envisagées dès la loi de 1844 pour la chasse du gibier d'eau et dont l'applicabilité au domaine public maritime est restée longtemps douteuse, ne semble pour sa part plus justifiée. L'autorisation de cette chasse, là où elle est devenue coutumière, est donc nécessaire. 1. La chasse aux heures crépusculaires, qui a toujours été autorisée, doit être définie de manière claire par le législateur Le sens que le législateur de 1844 a souhaité donner à l'interdiction de la chasse de nuit met en évidence sa volonté d'autoriser la chasse crépusculaire. Il n'a en effet pas entendu définir la nuit comme la période comprise entre les heures légales du lever et du coucher du soleil. M. Franck-Carré, dans son rapport sur le projet de loi relatif à la police de la chasse présenté à la chambre des pairs, précisait d'ailleurs explicitement que « c'est aux tribunaux qu'il appartiendra de décider, d'après les circonstances du fait, si ce fait a été commis ou non pendant la nuit. » (2) et ajoutait en séance que « définir ce qu'est la nuit a paru impossible à la commission » (3). Il est vrai que l'exercice était délicat. Qu'est-ce en effet que la nuit ? Pour Littré, il s'agit de « l'espace de temps qui suit le crépuscule du soir jusqu'au crépuscule du matin », le crépuscule se définissant quant à lui comme « la lumière qui reste après le coucher du soleil ou qui précède le lever du soleil ». Chacun conviendra qu'il existe des définitions plus aisées à manier et l'étymologie nous apprend d'ailleurs que le mot crépuscule trouve son origine dans le latin « crepusculum » lui-même dérivé de « creperus » qui signifie douteux ou incertain ... On conçoit que, dans ces conditions et conformément à la volonté du législateur, l'imagination des juges ait été sollicitée. La jurisprudence qui rappelle qu'en prohibant la chasse de nuit, le législateur n'a pas entendu interdire la chasse dès l'heure légale du coucher du soleil, s'est rapidement accordée sur l'idée que la nuit, au sens de cette disposition, commençait à partir du moment où l'_il humain ne peut plus discerner les objets (cf. par exemple, la décision du tribunal correctionnel de Clermont du 22 novembre 1894 ou celles de celui de Gien du 27 octobre 1897 et du 30 novembre 1898). Conformément au principe traditionnel d'interprétation stricte de la loi pénale, cette disposition à la portée incertaine a donc été interprétée d'une manière restrictive au sens de la « nuit noire », de la véritable obscurité. En pratique, les juges furent donc conduits à considérer comme n'ayant pas lieu de nuit les faits de chasse accomplis par des prévenus dont les procès-verbaux dressés par les gendarmes donnaient des descriptions dont le détail et la précision établissaient un doute qui doit profiter aux prévenus quant à l'existence de la nuit (cf. par exemple l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers du 28 février 1908). Cette situation un peu cocasse où la précision d'un procès-verbal et l'identification certaine d'un prévenu joue en sa faveur manifeste que si l'interdiction de la chasse de nuit était appliquée, conformément à l'intention du législateur, à partir du critère d'obscurité, il en résultait en pratique une incertitude juridique fâcheuse, un contentieux étant toujours possible pour contester la qualification juridique d'un fait de chasse comme étant accompli de nuit. Il est en effet naturellement impossible de définir un seuil d'éclairement en dessous duquel la nuit commencerait puisque l'éclairement de chaque point est fonction d'un grand nombre de critères, tel le relief de l'horizon, qu'il varie bien sûr d'instant en instant, en fonction des nuages par exemple, et qu'il serait somme tout peu commode d'équiper les gardes-chasse de luxmètres. Notons en outre que chacun a une acuité visuelle différente et susceptible d'évoluer de sorte que ce qui est l'obscurité pour le père peut ne pas l'être pour le fils. Face à ces imprécisions, l'administration a décidé en 1977 d'établir une règle générale permettant de guider l'action de ses agents verbalisateurs. C'est l'objet d'une circulaire du directeur de l'Office national de la chasse du 12 juillet 1977 qui ordonne à ses agents de ne pas dresser de procès-verbal lors de la chasse à la passée pendant la période des deux heures avant le lever du soleil ou des deux heures après son coucher. Cette disposition sera ensuite reprise dans des circulaires successives et en dernier lieu par une instruction du 31 juillet 1996 prescrivant aux agents de l'ONC « de ne relever les infractions ... que dans la période en-deça des deux heures avant le lever du soleil et au-delà des deux heures après son coucher (heure légale). ». Par une décision du 7 avril 1999 (4), le Conseil d'Etat a annulé cette disposition dont il a estimé qu'elle méconnaissait l'interdiction légale de la chasse de nuit. Il est vrai que, selon le lieu et la saison, une période de deux heures après le coucher du soleil ou avant son lever peut prolonger ou précéder le crépuscule et couvrir une partie de la nuit. Cette disposition était donc bien susceptible, dans certaines circonstances, de méconnaître l'interdiction légale de la chasse de nuit. La situation était toutefois insoluble pour l'administration puisque le choix, pour éviter un tel risque, d'une période plus restreinte aurait été, lui aussi, illégal. La définition d'une période plus restreinte aurait certes permis d'éviter d'autoriser de considérer, en certains lieux et à certaines époques, comme crépusculaire et autorisée une chasse en fait nocturne et donc, en principe, interdite, mais elle aurait en revanche conduit, dans d'autres conditions, à interdire une chasse en réalité pratiquée aux heures crépusculaires en la considérant abusivement comme nocturne. De ces deux illégalités, l'administration a privilégié la solution la plus libérale, choix naturellement justifié mais excédant ses pouvoirs. La situation nécessite donc une intervention du législateur. 2. Il convient d'autoriser la pratique de la chasse de nuit du gibier d'eau, là où elle est devenue coutumière L'interdiction de la chasse de nuit, instituée par la loi de 1844, répondait essentiellement à des préoccupations de sécurité publique. L'objectif était, à l'époque, de lutter contre le brigandage ainsi que contre le braconnage. M. Franck-Carré, rapporteur du projet de loi pour la chambre des pairs, estimait ainsi qu'il vaut « assurément mieux restreindre et entraver quelque peu, sous ce rapport, l'exercice du droit de chasse, que de compromettre la sécurité publique, en permettant à des hommes armés de circuler librement pendant la nuit à travers les champs et au milieu des bois. ». M. Lenoble, rapporteur pour la chambre des députés, insistait pour sa part sur le fait que « le braconnage, presque toujours école du crime, est une menace incessante contre la sécurité des personnes ». Cette préoccupation sécuritaire est traduite sans ambiguïté par le Garde des Sceaux qui explique, dans une circulaire adressée aux procureurs généraux le 9 mai 1844 et commentant la loi adoptée quelques jours plus tôt, que celle-ci « interdit la plus dangereuse de toutes les chasses, la chasse de nuit, qui a été la cause de tant de meurtres et de crimes contre les personnes. ». Cette prohibition de la chasse de nuit s'appliquait en principe à la chasse du gibier d'eau. Toutefois des dérogations avaient initialement été envisagées pour cette chasse, attestant que sa spécificité était reconnue dès cette date. Ainsi, l'article 9 du projet de loi prévoyait que « des ordonnances royales, portant règlement d'administration publique, détermineront dans quels cas et sous quelles conditions, la chasse sera permise pendant la nuit ». L'exposé des motifs précise qu' « il aurait été difficile de déterminer par la loi dans quels cas et sous quelles conditions les chasses de nuit peuvent être permises. Les chasses de cette espèce présentent en général de graves inconvénients (...). Cependant, il existe, dans plusieurs départements, certaines chasses de nuit que l'on peut autoriser sans danger. Celles-là ne doivent pas être interdites, mais il faut les régler suivant les saisons, les pays, les usages locaux. Des règlements spéciaux sont nécessaires. ». Ces possibilités de dérogations furent toutefois supprimées par le législateur, inquiet, comme on l'a rappelé, par les risques pour l'ordre public que pouvaient présenter de telles pratiques. La nécessité de telles dérogations étant toutefois bien perçue, la définition de leurs modalités fut renvoyé à une date ultérieure. M. Lenoble, rapporteur pour la chambre des députés, indiquait ainsi que « la chasse dans les marais et sur les étangs (...) est nécessairement soumise à des règles spéciales, non seulement pour le temps prohibé, mais encore pour les procédés de la chasse. Nous nous en occuperons ultérieurement. ». La vie parlementaire étant telle qu'il était déjà imprudent, alors, de renvoyer à plus tard les questions que l'on souhaite voir traitées, ces régimes dérogatoires ne furent jamais élaborés, plusieurs tentatives pour définir un cadre juridique d'ensemble pour la pratique, y compris nocturne, de la chasse au gibier d'eau échouant successivement, notamment en 1934. L'interdiction de la chasse de nuit n'a néanmoins jamais été complète. La chasse sur le domaine public maritime a ainsi fait l'objet, jusqu'en 1989, d'une réglementation autonome dont l'articulation avec le droit commun est restée incertaine avant d'être précisée par la loi n°68-918 du 24 octobre 1968 relative à la chasse maritime. Or, le décret n°72-826 du 25 septembre 1972 qui organise l'application de celle-ci prévoit explicitement que des arrêtés du ministre chargé de la chasse et du ministre chargé de la marine marchande pourront fixer des dispositions particulières dérogeant à certaines règles dont celles sanctionnant la pratique de la chasse de nuit prévues par l'article 376 de l'ancien code rural. Toutefois, une fois encore, les régimes dérogatoires envisagés ne furent pas élaborés. Pourtant, la pratique de la chasse de nuit du gibier d'eau s'est poursuivie, continûment tolérée par l'administration. Son ancienneté est incontestable. Ainsi, selon l'enquête nationale sur les huttes, tonnes et gabions réalisée par l'ONC en 1982, le poste fixe encore utilisé à cette date le plus ancien, situé dans la Marne, datait de 1820. Cette pratique est en outre considérée dans les départements concernés comme parfaitement légitime. On peut donc considérer qu'elle est devenue coutumière sur une grande partie de notre territoire. C'est d'ailleurs l'analyse de l'ONC selon lequel, comme votre rapporteur l'a déjà rappelé, « l'utilisation des huttes, tonnes et gabions est constante et fait partie des usages locaux » dans quarante-deux départements. Il appartient donc au législateur de préciser enfin la portée du principe d'interdiction de la chasse de nuit en excluant explicitement de son champ la chasse du gibier d'eau là où elle est coutumière. Cela lui est en effet loisible, aucune disposition de droit international n'interdisant la chasse de nuit que le droit communautaire autorise pour sa part, ce dont on ne s'étonnera pas, de telles pratiques étant, on l'a dit, communes chez beaucoup de nos voisins européens. Ainsi, selon la Fédération des associations de chasseurs de l'Union européenne qui a étudié les pratiques de dix de nos voisins, la chasse de nuit est pratiquée, pour toutes les espèces chassables ou pour certaines d'entre elles dont en général le gibier d'eau, en Allemagne, en Autriche, en Irlande, en Espagne, en Suède, en Finlande et au Royaume-Uni. En effet, si la question de la chasse de nuit n'a jamais été explicitement abordée au niveau communautaire, la directive du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages autorise implicitement cette pratique. Son article 8 interdit le recours à tous moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort massive ou non sélective, et en particulier à ceux énumérés dans l'annexe IV de cette directive. Or, figurent à cette annexe un certain nombre d'équipements dont l'utilisation n'a de sens qu'en cas de chasse de nuit, tels les dispositifs de lumière artificielle ou qui éclairent les cibles ou encore les dispositifs de visée comportant un amplificateur d'image électronique pour le tir de nuit. Il va de soi qu'en réglementant ainsi la chasse de nuit pour éviter que, grâce à des équipements trop sophistiqués, la chasse de nuit n'aboutisse à une mise à mort massive du gibier, la directive l'autorise a contrario lorsque de tels matériels ne sont pas utilisés. Des extrapolations faites à partir de certaines interprétations de la Cour de justice des Communautés, qui ne s'est, en réalité, jamais prononcée sur la question de la chasse de nuit, conduisent certains à soutenir que la chasse de nuit serait, au contraire, incompatible avec la directive. Votre rapporteur souligne toutefois, qu'outre le fait que la directive lui semble bien plutôt autoriser cette chasse, il serait absurde d'en interdire la pratique en invoquant le dérangement qu'elle entraîne pour les oiseaux concernés ou le risque de confusion qui existerait entre espèces chassables et espèces protégées. En effet, il est vrai qu'aussi faible qu'il puisse être, le risque de confusion ne peut pas être nul et il est non moins exact que la chasse de nuit dérange les oiseaux. Ces arguments sont toutefois tout aussi pertinents pour ce qui concerne la pratique diurne de la chasse. Or il semble à votre rapporteur, dont la lecture est peut-être trop naïve, que la directive du 2 avril 1979 n'a pas interdit la chasse. Il n'est donc pas raisonnable de soutenir que le droit communautaire interdirait la reconnaissance de la légalité de la pratique de la chasse de nuit. Celle-ci, votre rapporteur l'a rappelé, a été envisagée à de nombreuses reprises en vain. Les raisons qui ont pu, un temps, lui faire obstacle ne semblent plus aujourd'hui pertinentes. Or la légitimité de cette pratique, en particulier en regard de la protection de l'environnement, est établie. Il convient donc de l'autoriser enfin sans ambiguïtés là où elle est coutumière. II.- LE RISQUE QUE SE DÉVELOPPE UN CONTENTIEUX IMPORTANT LIÉ À L'APPLICATION DE LA « LOI VERDEILLE » A.- LA « LOI VERDEILLE » VISAIT À GARANTIR UNE GESTION EFFICACE DES TERRITOIRES DE CHASSE 1. La nécessité de définir des territoires de chasse permettant une gestion cynégétique efficace En proclamant l'abolition du « droit exclusif de la chasse et des garennes ouvertes » le 11 août 1789, l'Assemblée nationale entendait restituer au propriétaire le droit de chasse, conçu comme « inhérent à la propriété » (Mirabeau). Le principe est alors simple : « Tout propriétaire a le droit de détruire et de faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier ». A partir de 1844, la règle devient que « nul n'aura la faculté de chasser sur la propriété d'autrui sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants droit. » Bien qu'intangible jusqu'en 1964, cette disposition n'était toutefois pas dépourvue d'inconvénients, d'une part, pour les propriétaires eux-mêmes dont la responsabilité était naturellement engagée en cas de dégâts de gibier (5) et, d'autre part du point de vue de la conservation du gibier en particulier dans le sud de la France où la propriété est davantage morcelée. Le consentement tacite du propriétaire à la chasse par autrui sur ses terres était en effet toujours présumé. Dès lors, dans les régions où la propriété n'était pas suffisamment concentrée pour justifier l'exploitation économique du droit de chasse, l'activité cynégétique n'était pas régulée. La réforme de cette disposition de la loi du 3 mai 1844 est donc rapidement apparue nécessaire. Dès 1867, M. de Saint-Germain estimait au Sénat qu' « il y aurait lieu (...) d'examiner s'il ne conviendrait pas de réglementer l'exercice du droit de chasse eu égard à l'étendue des propriétés, car ce droit (...) ne peut et ne doit être, en fait, sérieusement attribué qu'à ceux dont les parcelles comportent, par leur contenance, une pratique présumée suffisante de la chasse. Ce serait, il est vrai, une restriction apportée dans une certaine mesure à un des attributs de la propriété, mais cette restriction ne serait-elle pas justifiée par des raisons d'intérêt général et d'utilité publique de nature à la faire admettre ? ». Le modèle est alors le système institué en Prusse par la loi du 7 mai 1850 qui prévoit que tout propriétaire n'ayant pas 300 arpents de terres ou de bois d'un seul tenant n'a pas la faculté de réserver sa chasse qui appartient à la commune. Par un détour de l'histoire, ce système, devenu loi d'Empire en 1881, s'appliquant donc à partir de cette date en Alsace-Moselle et maintenu en vigueur dans ces départements après la première guerre mondiale, servira de modèle à celui mis en place par la loi n°64-696 du 10 juillet 1964 dite « loi Verdeille ». La loi n°64-696 du 10 juillet 1964 dite « loi Verdeille » organise ainsi, dans certaines parties du territoire, le regroupement de territoires de chasse dont la gestion est confiée aux associations de chasse agréées qui peuvent être communales (ACCA) ou intercommunales. L'objectif est d'assurer une gestion cynégétique efficace de ces terres tout en préservant le caractère populaire de la pratique de la chasse, tous les chasseurs de la commune sur laquelle l'ACCA est constituée pouvant chasser sur les terres soumises à l'action de celles-ci. Ces associations de chasse agréées n'ont été constituées que là où la structure de la propriété et les pratiques cynégétiques le justifiaient. Elles ne sont donc obligatoires que dans 29 départements métropolitains, 851 communes situées en dehors de ces départements ayant en outre opté pour ce régime à la demande de 60 % des propriétaires représentant 60 % de la superficie de leur territoire. Dans les communes où une ACCA est constituée, l'article L. 222-10 du code rural dispose que tous les terrains sont soumis à son action. Des exceptions sont toutefois prévues pour ceux situés dans un rayon de 150 mètres autour de toute habitation, entourés d'une clôture « continue et constante faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins et empêchant complètement le passage de ce gibier et celui de l'homme » ou faisant partie du domaine public de l'Etat, des départements et des communes, des emprises de la SNCF ou des forêts domaniales, ces dernières pouvant toutefois être amodiées à une association de chasse agréée par décision de l'autorité compétente (article L. 222-11). Peuvent également ne pas être soumis à l'action de l'ACCA, les terrains faisant partie du domaine privé de l'Etat, par décision de l'autorité compétente, ainsi que ceux ayant fait l'objet de l'opposition des propriétaires ou des détenteurs de droits de chasse. Aux termes de l'article L. 222-13 du même code, pour être recevable cette opposition doit porter sur des terrains d'un seul tenant d'une superficie minimale comprise entre cinquante ares (étangs dans lesquels existaient des postes fixes au 1er septembre 1963) et cent hectares (terrains situés en montagne au-dessus de la limite de la végétation forestière), la superficie minimum de droit commun étant de vingt hectares. Des arrêtés pris, par département, par le ministre chargé de la chasse dans les conditions prévues à l'article L. 222-6 peuvent augmenter, dans la limite du double, ces superficies minimales. B.- LA DÉCISION DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME DU 29 AVRIL 1999 RISQUE DE CONDUIRE AU DÉVELOPPEMENT D'UN CONTENTIEUX IMPORTANT 1. La contestation de la « loi Verdeille » devant les juridictions nationales n'a pas aboutie Les opposants à la chasse contestaient de longue date le dispositif institué par la loi du 10 juillet 1964 en considérant illégitime qu'un propriétaire « opposant de conscience à la chasse » doive soumettre ses terrains à l'action d'une ACCA et donc permettre la pratique cynégétique sur ceux-ci lorsqu'ils sont d'une superficie insuffisante pour lui permettre de faire opposition. Ils ont donc entrepris contre les dispositions de cette loi un ensemble de procédures devant les juridictions nationales en invoquant notamment la violation des droits garantis par la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La Cour de cassation (Cass, 3ème civile, 16 mars 1994) puis le Conseil d'Etat (CE, 10 mai 1995, M. Montion et Société nationale de protection de la nature) ont successivement estimé que les moyens tirés de la violation de cette convention par la loi du 10 juillet 1964 n'étaient pas fondés, la décision du Conseil d'Etat étant particulièrement significative en raison de la diversité des moyens soulevés par les requérants et jugés infondés par la Haute juridiction. 2. La décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 29 avril 1999 rend nécessaire une modification de la loi du 10 juillet 1964 Ayant épuisé les voies de recours internes, les opposants à la chasse ont pu introduire en 1994 et en 1995 des requêtes devant la Commission européenne des droits de l'homme qui les a déférées à la Cour. Celle-ci a estimé, dans un arrêt du 29 avril 1999, que les dispositions de la « loi Verdeille » dont elle reconnaît les « buts légitimes » entraînaient une violation des droits garantis aux requérants par la Convention européenne des droits de l'homme. La Cour constate en effet une atteinte au droit de propriété en violation de l'article 1 du Protocole n° 1 et une atteinte à la liberté d'association garantie par l'article 14 de la Convention. Elle estime en outre qu'existe une discrimination entre les propriétaires contraire à l'article 14 de la Convention. Cette décision a été l'objet de vives critiques (6) dont votre rapporteur ne conteste pas le bien-fondé sur le plan juridique. L'analyse de la Cour européenne diverge en effet point par point avec celles des juridictions françaises, auxquelles l'interprétation de la Convention réalisée par la Cour de Strasbourg ne s'impose pas. Les décisions de celles-ci, qui en outre ne sont pas exécutoires, n'ont en effet que l'autorité relative de la chose jugée, les Etats parties à la Convention ne s'étant engagés à se conformer aux décisions de la Cour que dans les litiges sur lesquels celle-ci s'est prononcée. Le maintien de leur jurisprudence par les juridictions nationales impliquerait donc que d'éventuels requérants épuisent les voies de recours internes en vain avant d'obtenir réparation par décision de la Cour européenne. Votre rapporteur estime que cela conduirait au développement d'un contentieux inutile, avivant encore davantage des tensions qu'il convient au contraire d'apaiser. Il considère en outre que cette décision juridictionnelle témoigne des évolutions de notre société, devenue majoritairement urbaine et où la cohabitation dans les campagnes, des ruraux attachés à leurs traditions et de certains urbains qui les ignorent, est plus difficile que lorsque notre société était plus homogène. Il est donc nécessaire d'en tirer tous les enseignements pour accorder aux propriétaires opposés à la pratique de la chasse sur leurs terres des droits nouveaux permettant d'apaiser les esprits dans des conditions compatibles avec la préservation des équilibres agro-sylvo-cynégétiques. III.- LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI L'article 1er de la proposition de loi vise, d'une part, à définir les heures crépusculaires au cours desquelles la pratique de la chasse du gibier d'eau est autorisée et, d'autre part, à autoriser dans les 42 départements où sa pratique est coutumière, la chasse de nuit du gibier d'eau à partir de postes fixes en prévoyant en outre, les dispositions propres à assurer une meilleure gestion du capital cynégétique. Il complète à cet effet l'article L.224-4 du code rural ainsi que, par coordination, l'article L.228-5 du même code relatif aux sanctions. En ce qui concerne la chasse aux heures crépusculaires, la proposition vise à rétablir l'état du droit qui prévalait avant la décision du Conseil d'Etat du 7 avril 1999. Il s'agit donc, pour éviter les incertitudes juridiques et les contentieux inutiles qui en découlent, de retenir, comme l'avait décidé illégalement mais pour des motifs légitimes, l'ONC, une définition horaire du crépuscule. La chasse du gibier d'eau à la passée sera ainsi autorisée deux heures avant le lever du soleil et deux heures après son coucher, heure légale, cette période étant celle retenue de longue date par l'ONC et rappelée dans l'instruction du 31 juillet 1996. En ce qui concerne la chasse de nuit du gibier d'eau, la proposition de loi vise à l'autoriser à partir de postes fixes dans les 42 départements où l'ONC, dans la seule enquête réalisée sur la question portant sur l'ensemble du territoire national, estime que l'utilisation de ces installations est « constante et fait partie des usages locaux ». Le choix d'énumérer dans la loi les départements concernés plutôt que de laisser au pouvoir réglementaire le soin de déterminer ceux qui répondent au critère de pratique traditionnelle de la chasse de nuit du gibier d'eau répond au souci d'éviter d'interminables contentieux sur la définition de cette liste. En effet, la pratique traditionnelle de ce mode de chasse constitue un fait que s'efforceraient de prouver les personnes intéressées à l'extension de cette liste pour obtenir l'annulation du décret concerné. Un tel contentieux, très probable, pérenniserait une situation d'incertitude juridique et risquerait même, en cas d'annulation, d'aboutir à placer à nouveau la pratique de la chasse de nuit du gibier d'eau dans la situation de non-droit dont il convient de la sortir. L'article 1er de la proposition de loi prévoit en outre deux dispositions visant à permettre une meilleure gestion du prélèvement cynégétique. La première est l'obligation à compter du 1er juillet 2000 de déclarer en mairie, par souci de simplicité, les installations concernées. Cette disposition permettra de réaliser le recensement des installations sur la nécessité duquel tout le monde s'accorde. En outre, la proposition de loi vise également à instituer pour chaque installation un carnet de prélèvement obligatoire qui permettra d'améliorer l'information sur le prélèvement réalisé ainsi que de mettre en _uvre les mesures de maîtrise de celui-ci. L'article 2 de la proposition de loi tend à reconnaître le droit de non-chasse des propriétaires opposés à la chasse. Ceux-ci pourront, sur simple déclaration en mairie déclarer leur opposition à la chasse qui entraînera l'exclusion de leurs terrains de ceux soumis à l'action des associations de chasse agréées. En outre, ces personnes ne seront plus membres des associations de chasse agréées. Ce dispositif simple répond pleinement aux attentes des personnes concernées et est parfaitement compatible avec l'interprétation donnée par la Cour européenne des droits de l'homme des principes de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet article vise donc à reconnaître un nouvel aspect du droit de propriété. Votre rapporteur estimant que celui-ci ne peut être dissocié des devoirs qui s'imposent au propriétaire se félicite que cette reconnaissance soit équilibrée par le rappel des devoirs correspondants. Le plus important est la responsabilité du propriétaire concerné en particulier pour les dégâts qui pourraient être causés par le gibier provenant de son fonds qu'il convient de réaffirmer pour éviter toute ambiguïté. Le second devoir incombant au propriétaire répond quant à lui à un souci pratique puisqu'il s'agit de prévoir la délimitation par des pancartes des terrains concernés qui est bien évidemment nécessaire pour que les chasseurs, informés du choix du propriétaire, le respectent. Cette proposition de loi tend à préciser le régime juridique de pratiques cynégétiques traditionnelles et à adapter le fonctionnement des associations de chasse agréées aux nouvelles réalités sociologiques. Il s'agit donc d'un texte équilibré ce qui explique le consensus dont il a fait l'objet au Sénat. En regard de la réforme d'ensemble du droit de la chasse annoncée, l'objet de cette proposition de loi est modeste. Certains seront peut-être tentés d'en conclure que son adoption ne présente pas de caractère d'urgence puisqu'il s'agit d'un texte mineur. Votre rapporteur estime qu'une telle analyse méconnaîtrait les exigences essentielles de l'Etat de droit. La loi de la République est aujourd'hui bafouée et, pour un républicain, l'irrespect de la loi n'est jamais mineur. En effet, certaines pratiques ont été privées par des décisions juridictionnelles récentes de toute base juridique. Elles ne sont pourtant pas sanctionnées par une administration probablement consciente de leur légitimité et de l'absurdité du vide juridique actuel. Ce mépris du droit n'est pas acceptable. La République n'existe plus dès lors que des pratiques illégales perdurent avec l'accord tacite de l'administration. Votre rapporteur appelle donc tous les républicains à rétablir sur le champ l'Etat de droit. Lors de sa réunion du 9 février 2000, la commission a examiné, sur le rapport de M. Charles de Courson, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse (n° 1734). M. Charles de Courson, rapporteur, a tout d'abord indiqué que la proposition de loi prévoyait trois dispositions visant à tirer les conséquences de deux décisions juridictionnelles d'avril 1999, l'une du Conseil d'Etat et l'autre de la Cour européenne des droits de l'homme. Il a rappelé que, déposée à l'initiative de sénateurs appartenant à tous les groupes de la Haute Assemblée, la proposition avait été adoptée par celle-ci à l'unanimité. Il a en outre estimé qu'il s'agissait d'un texte d'équilibre proposant d'ailleurs des solutions très voisines de celles recommandées par M. François Patriat dans son rapport. Il a ensuite indiqué que les deux premières dispositions de la proposition de loi étaient relatives à la chasse du gibier d'eau, pour la première, à la passée c'est-à-dire aux heures crépusculaires et, pour la seconde, de nuit. M. Charles de Courson a rappelé qu'il s'agissait de pratiques largement répandues sur notre territoire. En ce qui concerne la chasse de nuit, une enquête conduite cet été par le ministère de l'environnement sur 71 départements a ainsi révélé qu'elle était pratiquée dans 33 d'entre eux. L'Office national de la chasse estime quant à lui que l'utilisation des « huttes, tonnes et gabions », installations à partir desquelles la chasse de nuit est pratiquée, « est constante et fait partie des usages locaux » dans 42 départements. Il a ensuite précisé que ces pratiques n'étaient pas propres à notre pays. Ainsi, la chasse à la passée est possible chez la plupart de nos voisins. En effet, aucun des 10 autres Etats membres sur les législations desquels la Fédération des associations de chasseurs de l'Union européenne a conduit une enquête n'interdit systématiquement la chasse dès le coucher du soleil ou avant son lever, sa pratique étant en général autorisée entre trente minutes et deux heures après le coucher du soleil et avant son lever. La chasse de nuit est pour sa part possible sous certaines conditions dans six de ces Etats. Il s'agit le plus souvent d'une pratique populaire, les prix de location exorbitants évoqués dans la presse ne correspondant qu'à une infime minorité d'installations. En outre, M. Charles de Courson a estimé que la chasse au gibier d'eau contribuait à la défense de l'environnement puisque les chasseurs, premiers intéressés par la préservation de la faune, luttaient contre la disparition des zones humides, habitats dont le recul expliquait la fragilité de certaines espèces et notamment de la bécassine sourde. Le prélèvement cynégétique ne constitue pas en revanche une menace comme l'illustre l'exemple de la sarcelle d'hiver, qui est l'une des espèces les plus chassées après le coucher du soleil, et dont la population hivernant en France s'accroît année après année. M. Charles de Courson a précisé que le risque de confusion entre oiseaux aboutissant à tirer sur des individus appartenant à des espèces protégées, souvent invoqué pour remettre en cause la pratique de la chasse de nuit, lui semblait en réalité très faible. En effet, la plupart des oiseaux présents sur les territoires de chasse appartiennent à des espèces chassables notamment parce que les appelants n'attirent évidemment pas les espèces protégées. Une éventuelle confusion resterait donc sans conséquences pour celles-ci. En outre, lorsque l'on chasse de nuit, le tir s'effectue en général posé ce qui laisse le temps d'identifier la cible. La chasse de nuit est également contestée en raison du dérangement des oiseaux qu'elle entraîne mais celui-ci est inhérent à la chasse, qu'elle soit pratiquée de nuit ou de jour. La question du niveau de prélèvement paraît plus importante. Historiquement, la chasse aux heures crépusculaires a toujours été autorisée au moins depuis la Révolution. La loi du 3 mai 1844 relative à la police de la chasse, dont les dispositions relatives à cette question sont à l'origine des articles du code rural en vigueur, interdisait en effet la pratique de la chasse de nuit mais en entendant la nuit au sens de la nuit noire et donc d'une obscurité liée aux circonstances de fait que, par définition, on ne constate pas aux heures crépusculaires. Tant les débats législatifs qu'une jurisprudence ultérieure abondante sont sans ambiguïté sur ce point. Or définir ainsi la nuit est certes pertinent du point de vue de la pratique de la chasse mais crée une certaine incertitude juridique puisqu'il est, dans ces conditions, toujours possible de contester qu'un fait ait eu lieu de nuit. L'administration a donc défini une règle selon laquelle il convenait de ne verbaliser pour pratique de la chasse la nuit qu'à partir de deux heures après le coucher du soleil et jusqu'à deux heures avant son lever (heure légale). Le 7 avril dernier, le Conseil d'Etat a annulé pour excès de pouvoir l'instruction du directeur de l'Office national de la chasse rappelant cette règle. M. Charles de Courson a estimé que, s'il ne revenait pas à l'administration de la définir, l'adoption d'une telle règle était néanmoins nécessaire et était d'ailleurs préconisée par le rapport de M. François Patriat. Il a indiqué que Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, s'y était en revanche initialement déclarée hostile avant de se rallier à la définition d'une période d'une heure après le coucher du soleil et d'une heure avant son lever. En ce qui concerne la chasse de nuit, M. Charles de Courson a tout d'abord rappelé que sa pratique était autorisée de manière claire sur le domaine public maritime au moins jusqu'à la loi du 24 octobre 1968, l'interprétation de celle-ci sur ce point étant ambiguë. Elle était en revanche interdite depuis la loi du 3 mai 1844 ailleurs, malgré les possibilités de dérogations initialement envisagées, en raison de la volonté du législateur de l'époque de lutter contre le brigandage et contre le braconnage. Toutefois, malgré cette prohibition de principe, sa pratique coutumière s'est poursuivie sur une large partie de notre territoire. M. Charles de Courson a ensuite estimé que les arguments justifiant en 1844 son interdiction n'avaient plus la même force et qu'il convenait de trouver aujourd'hui une solution d'apaisement équilibrée permettant de mettre fin au décalage entre la loi et les pratiques. Il a précisé qu'à l'heure actuelle, aucune disposition de droit communautaire ne s'opposait à l'autorisation de la chasse de nuit malgré les extrapolations de certains. La proposition de loi adoptée par le Sénat vise donc à reconnaître explicitement la légalité de la pratique de la chasse de nuit là où elle est coutumière. La prise en compte du critère de la tradition est d'ailleurs recommandée par le rapport de M. François Patriat et proposée par l'avant-projet du Gouvernement. La liste des départements à retenir est en revanche contestée. Le rapport de M. François Patriat en retenait 19 alors que l'ONC identifiait pour sa part 42 départements où l'utilisation des postes fixes est traditionnelle. L'enquête récente réalisée depuis par M. Vincent Schricke pour le ministère de l'environnement conclue pour sa part que la chasse de nuit est pratiquée dans 33 des 71 départements pour lesquels des réponses sont disponibles, certains de ceux où elle est très pratiquée comme la Charente-Maritime ne figurant pas parmi ceux dont les préfets ont répondu. M. Charles de Courson a, en conséquence, insisté sur la nécessité d'énumérer les départements concernés dans la loi. Un contentieux long et complexe risque en effet d'apparaître s'il appartient au pouvoir réglementaire de définir les départements répondant au critère de tradition fixé par la loi. Le décret concerné risque en effet d'être attaqué parce qu'incomplet, son annulation, dans cette hypothèse, privant la pratique de la chasse de nuit de base juridique tant que ne lui aura pas succédé un nouveau décret, incontestable. C'est pourquoi la proposition de loi énumère la liste des départements concernés en reprenant celle établi par l'ONC. M. Charles de Courson a précisé qu'elle prévoyait en outre un inventaire des installations, sur la nécessité duquel tout le monde s'accorde, par le biais de déclarations en mairie. A la différence de l'avant-projet de loi, la proposition de loi n'interdit pas la mise en place de nouveaux postes fixes dont il va de soi qu'elle peut être nécessaire, en particulier sur le domaine public maritime, en raison de l'évolution au fil du temps des terrains concernés. En outre, la proposition de loi impose la tenue d'un carnet de prélèvement annuel pour chaque installation, nécessaire pour disposer d'une meilleure information et, à terme, pour évoluer vers une régulation par quotas de prélèvement. M. Charles de Courson a ensuite évoqué l'article 2 de la proposition de loi qui modifie les articles L. 222-10 et L. 222-19 du code rural issus de la loi du 10 juillet 1964 relative à l'organisation des associations communales et intercommunales de chasse agréées dite « loi Verdeille ». Après avoir rappelé que ces modifications, tirant les conséquences de la décision de la Cour européenne des droits de l'Homme du 29 avril 1999, ne s'imposaient pas d'un point de vue juridique, il a indiqué qu'un accord large existait aujourd'hui sur la nécessité de reconnaître le droit de non-chasse. Des nuances importantes existent toutefois quant aux modalités de cette reconnaissance. La proposition de loi apporte à cet égard une précision importante en disposant que l'opposition des propriétaires concernés se fera sans préjudice des conséquences liées à leur responsabilité notamment pour les dégâts qui pourraient être causés par le gibier provenant de leur fonds. M. Charles de Courson a en effet estimé que la reconnaissance du droit du propriétaire doit être équilibré par le rappel des devoirs du propriétaire, en particulier, dans ce cas, en matière de gestion de la faune. Une jurisprudence constante considère que le propriétaire négligent car ayant laissé proliférer le gibier sur son fonds est responsable des dégâts qui en résultent pour les récoltes mais aussi par exemple, aux véhicules par suite de collisions. Certains estiment donc l'incise de l'article 2 de la proposition de loi relative à cette question inutile. M. Charles de Courson a toutefois estimé que des difficultés peuvent apparaître et qu'il convenait de réaffirmer explicitement cette responsabilité. Il a en outre précisé que la proposition de loi prévoyait la déclaration de l'opposition en mairie, solution plus simple que la notification au préfet envisagée par l'avant-projet de loi. M. Charles de Courson a conclu en soulignant l'urgence qui existe à adopter la proposition de loi. Il n'est pas acceptable plus longtemps que des pratiques légitimes s'exercent dans une totale illégalité et que l'Etat républicain devienne un état de non-droit. Il a en outre souligné que la clôture de la chasse ne sera totale qu'à la fin de février, que la proposition de loi pourrait donc, si elle était adoptée, être promulguée avant la fin de la saison et permettre de rétablir la légalité républicaine et d'apaiser les esprits. Reconnaissant le caractère beaucoup plus vaste du projet de loi annoncé, qui abordera de nombreuses questions dont certaines, comme la définition des périodes d'ouverture de la chasse, feront sans doute l'objet d'un examen passionné, M. Charles de Courson a souhaité qu'avant l'examen de celui-ci la proposition de loi adoptée par le Sénat soit adoptée par l'Assemblée nationale et a espéré qu'elle puisse l'être, comme au Sénat, à l'unanimité. La commission a ensuite examiné l'exception d'irrecevabilité présentée par Mme Marie-Hélène Aubert. M. Charles de Courson, rapporteur, s'est déclaré surpris par le dépôt de cette exception d'irrecevabilité et a précisé qu'il ne comprenait pas quelle disposition de la proposition de loi pourrait être considérée comme contraire à des dispositions constitutionnelles. En ce qui concerne la compatibilité des dispositions de la proposition de loi avec le droit communautaire, il a rappelé que la question ne pouvait se poser que pour ce qui concerne la chasse de nuit. Or aucune disposition d'origine communautaire n'interdit explicitement cette pratique sur laquelle la Cour de justice des communautés européennes ne s'est, à ce jour, pas prononcée malgré l'interprétation extrêmement restrictive que celle-ci a donné des dispositions de la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages. La commission a ensuite rejeté l'exception d'irrecevabilité puis elle a rejeté la question préalable présentée par M. Guy Hascoët. Dans la discussion générale, deux commissaires sont intervenus. M. Léonce Deprez a salué l'expertise de M. Charles de Courson et son bon sens. Il a fait valoir que la commission s'honorerait en dépassant les conflits vécus sur le terrain car le sujet recueille la quasi-unanimité des députés, le clivage entre la droite et la gauche étant dépassé. Le rapport de M. François Patriat a cherché à dépassionner le débat, mais dans l'attente de la discussion du projet de loi sur la chasse, M. Léonce Deprez a insisté sur l'utilité de voter la proposition de loi pour calmer les esprits et sur la nécessité de cesser de médiatiser les conflits. Il a jugé que la proposition de loi adoptée par le Sénat était modeste et offrait une solution aux litiges tout en se contentant de légaliser les traditions de chasse reconnues. Il s'est déclaré favorable à son adoption. M. André Godin a fait observer que la chasse à la passée était une tradition séculaire dans les Dombes et s'est étonné que le département de l'Ain ne figurât pas dans la liste des 42 départements où la chasse de nuit était autorisée. C'est pourquoi, il a indiqué son opposition à la proposition de loi. M. Charles de Courson, rapporteur, a répondu que l'article 1er de la loi reprenait la liste de départements établie par l'ONC et reprise dans la circulaire du 31 juillet 1996 ayant fait l'objet d'une annulation. Le département de l'Ain figure parmi ceux n'ayant pas répondu à l'enquête du ministère de l'environnement. La possibilité d'amender la proposition de loi est bien évidemment ouverte. En outre, le rapporteur a précisé que l'article 1er de la proposition de loi correspondait aux articles 10 et 11 de l'avant-projet de loi préparé par Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Si cet article 1er est adopté, l'examen des articles 10 et 11 de l'avant-projet de loi serait alors facilité puisque ces dispositions auront donné lieu à une discussion préalable et approfondie. La commission a ensuite été saisie de deux motions de renvoi en commission présentées, d'une part, par M. Guy Hascoët et, d'autre part, par M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste et apparentés. Défendant la motion de renvoi en commission déposée par les députés socialistes, M. François Patriat a expliqué que la motion de procédure ne visait qu'à remettre en cause le calendrier d'examen de la proposition de loi. Les questions que ce texte aborde doivent être traitées dans la sérénité. Sans doute faut-il des mesures d'urgence, mais en matière de chasse de nuit, a-t-il estimé, le Parlement dispose de six mois pour légiférer car aujourd'hui, et a fortiori le 22 février, jour de discussion en séance publique de la proposition de loi, la chasse au gibier d'eau est interdite par la directive européenne de 1979 et par le code rural dans la plupart des départements français. Il a donc fait valoir que le groupe socialiste contestait la procédure d'examen du texte de loi et non le fond de ses dispositions. Il a fait remarquer que celles-ci pouvaient être débattues dans le cadre du prochain projet de loi sur la chasse, annoncé dès septembre 1999 par le Premier ministre, et qui sera déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 16 février prochain. Il a ensuite estimé que la proposition de loi ne réglerait rien car les problèmes auxquels est confrontée la chasse ne sont pas des problèmes de date d'ouverture ou de légalisation de la chasse à la passée ou de nuit, mais un problème plus global de partage de temps, de rapports entre populations urbaine et rurale et entre ruraux eux-mêmes, de maintien de territoires de chasse, d'entretien des forêts et des zones humides, d'exercice en toute sécurité d'activités sportives ou de promenade en pleine nature. Il a fait valoir que toutes les chasses pratiquées étaient défendables si des règles d'éthique, de sécurité et de respect des espèces étaient respectées. Il a donné raison à M. Charles de Courson lorsqu'il a indiqué que ce n'était pas la chasse qui était la cause de la disparition d'espèces de gibier d'eau ; les causes essentielles doivent être recherchées dans l'extension des terres cultivées et les méthodes de culture. Sans les chasseurs, la plupart des zones humides auraient disparues. M. François Patriat a insisté sur les problèmes de sécurité nés de la libre circulation de personnes avec des armes à feu. La plupart de nos concitoyens ne supportent plus le sentiment d'insécurité qu'elle fait naître. Il a ensuite abordé les problèmes d'organisation de la chasse sur le territoire. Il s'est tout d'abord demandé si les fédérations de chasseurs ne devaient pas désormais avoir un rôle reconnu pas la loi de formation, d'aménagement du territoire, de défense des intérêts de la chasse, d'organisation plus large de celle-ci. La proposition de loi n'aborde pas cette question. Or il faut montrer que le chasseur peut rendre à la nature ce qu'il lui prélève. La proposition de loi ne traite pas non plus du statut de l'Office national de la chasse et des garderies, ni des autorités (fédérations de chasseurs, communes, Office national de la chasse) qui devraient être compétentes en matière de police de la chasse. Pour sa part, il a jugé qu'elle devait relever d'un pouvoir régalien. Concernant la révision de la loi Verdeille, il a estimé que l'institution d'un droit de non-chasse ne voudrait rien dire ; il faut mettre en place un régime d'acceptation ou de refus de la chasse sur sa propriété. La loi Verdeille doit être modifiée ; la proposition de loi est peu éloignée des propositions figurant dans le rapport remis au Premier ministre qui reprend les travaux de M. Henri Savoie, maître des requêtes au Conseil d'Etat. M. François Patriat a attiré l'attention sur le fait que l'objection de conscience cynégétique impose un devoir de gestion à l'objecteur et engage sa responsabilité pour réparer les dégâts que causerait le gibier qu'il laisse proliférer sur ses terres. En matière de dates d'ouverture de la chasse, il a fait valoir que la fixation de ces dates ne relevait pas de la loi. Il appartient, en revanche, au Parlement de transposer complètement la directive européenne du 2 avril 1979. Pendant douze ans, on a fait croire aux chasseurs qu'elle n'existait pas et depuis 1994 ou leur fait croire qu'on allait la changer. Il a indiqué qu'il venait, une nouvelle fois, de consulter des députés français siégeant au Parlement européen et qu'ils lui avaient indiqué que, compte tenu des délibérations de la commission de l'environnement, ils ne seraient pas en mesure d'obtenir, en l'état, une modification de la directive européenne. M. François Patriat a donc demandé qu'un texte de loi règle globalement le problème de compatibilité et permette à la France de demander les dérogations nécessaires prévues par la directive. Après avoir évoqué le problème de la disparition progressive du petit gibier, il a fait observer que la chasse crépusculaire était pratiquée dans tous les départements français. Celle-ci doit être légalisée mais elle doit respecter deux principes : la non-perturbation des animaux ; l'identification préalable du gibier. La chasse à la passée doit rassurer tout le monde car ses méthodes garantissent l'identification du gibier. Autoriser la chasse deux heures avant le coucher du soleil et deux avant son lever (heure légale) est en outre raisonnable car la limitation à une heure n'a pas de sens du fait qu'en été il fait encore jour durant ce laps de temps et qu'en hiver la nuit est devenue noire, rendant impossible la chasse. L'autorisation en fonction de l'heure légale rend la loi très lisible pour tous et est adaptée à toutes les régions françaises. Quant à la chasse de nuit, il a indiqué qu'il avait découvert l'exercice de cette chasse au cours de sa mission. Elle correspond à une véritable réalité sociologique et constitue un patrimoine culturel formant l'identité de plusieurs régions françaises. Cependant, la tradition voulait qu'elle se pratiquât dans des postes fixes sans chauffage ni réfrigérateur ou plaque de cuisson. Le chasseur était souvent posté dans des barques. Avant 1953, elle était certes traditionnelle mais rare. Or les relevés photographiques depuis dix ans ont montré que le nombre d'installations s'est multiplié. Les critiques des écologistes viennent du fait que la nuit les animaux sortent pour s'alimenter. La chasse perturbe les oiseaux qui ne peuvent reconstituer leurs réserves pour la migration. En outre, les oiseaux migrateurs sont chassés en permanence sur tout leur trajet de migration ; ils ne sont jamais en état de quiétude. Cependant, M. François Patriat a fait valoir que cette chasse était peu prédatrice. Les principaux dégâts proviennent du braconnage car les contrôles sur le terrain sont difficiles bien qu'ils soient appelés de leurs v_ux par les chasseurs (notamment, de nombreux appeaux interdits sont utilisés). Il a indiqué que le choix des 19 départements, figurant dans son rapport, dans lesquels la chasse de nuit est avérée résultait des observations et propositions des directions départementales de l'agriculture. Il s'est interrogé sur la réalité de la chasse de nuit dans plusieurs départements figurant dans la proposition de loi : dans l'Ariège seules 7 ou 8 huttes sont recensées, dans le Rhône la chasse de nuit est quasiment inexistante, dans l'Aveyron personne ne la pratique. En conclusion, il a indiqué que le projet de loi sur la chasse serait examiné par l'Assemblée du Conseil d'Etat demain jeudi 10 février. L'adoption de la motion de renvoi en commission ne signifie pas que la proposition de loi est rejetée ; il s'agit en fait d'attendre l'examen en commission le 21 mars prochain du projet de loi et sa discussion en séance publique les 28 et 29 mars pour débattre des questions traitées par la proposition de loi. En réponse, M. Charles de Courson, rapporteur, a souligné que les problèmes actuels n'étaient pas dus, contrairement à ce qui avait été dit, à la position adoptée par l'Union européenne, mais à l'interprétation que la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a donnée de la directive n° 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages ainsi que de la directive n° 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages. Une interprétation trop large de la notion de perturbation risque de conduire à une disparition progressive de la chasse puisqu'on ne peut chasser sans perturber les oiseaux. S'agissant du problème de la confusion entre espèces, on ne peut pas garantir un risque zéro ; même si le risque est faible et d'ailleurs bien plus faible qu'on ne le dit, il ne peut pas être nul. Des interprétations juridictionnelles conduisent donc à transformer le sens de ces deux directives par rapport à leur intention initiale. C'est pourquoi elles doivent être précisées afin de restreindre d'autant le champ d'appréciation laissé aux juges européens, comme l'a lui-même souligné le directeur général chargé de l'environnement au sein de la Commission européenne. Il faudrait en outre préciser que l'Union européenne a vocation à traiter la seule question des oiseaux migrateurs, notamment en instituant des mécanismes de prélèvement et de comptage, l'échelle nationale étant pertinente pour les autres espèces. S'agissant de l'articulation entre la proposition de loi adoptée par le Sénat et l'avant-projet de loi, le rapporteur a attiré l'attention sur le fait que le Gouvernement a prévu d'engager l'examen du projet de loi vers la fin du mois de mars ; pour autant, même si l'urgence est déclarée, il n'est pas sûr que ce texte sera définitivement adopté avant la fin de la session parlementaire. C'est pourquoi le rapporteur a souhaité que les points traités par la proposition de loi donnent lieu à un vote dans les plus brefs délais. Cela permettrait de sortir de l'état actuel de non-droit, lié notamment à l'annulation d'arrêtés relatifs aux dates d'ouverture de la chasse dans onze départements. En outre, il a souligné que la proposition de loi ne traitait pas la question des dates d'ouverture et que l'avant-projet de loi se contentait, sur ce point, de reprendre les dispositions de la directive du 2 avril 1979. M. Charles de Courson, rapporteur, a estimé que les arguments présentés par M. François Patriat n'étaient pas recevables. Il a rappelé que celui-ci avait exprimé son accord sur l'article 1er de la proposition de loi et donc son désaccord concernant la position gouvernementale sur la chasse de nuit. Il a constaté que l'article 1er emportait l'accord d'une majorité de députés en insistant sur le fait que la liste des départements concernés par cette disposition ne devait pas être définie par le pouvoir réglementaire. Concernant l'article 2 qui modifie la loi dite « Verdeille », il est prévu que son application soit limitée dans le temps puisqu'il s'agit de mesures d'urgence. Son adoption ne porterait donc pas atteinte à l'application ultérieure des dispositions du projet de loi. Il a donc déclaré qu'il voterait contre la motion de renvoi en commission. Pour M. Félix Leyzour, la chasse et sa pratique posent des problèmes auxquels il est temps d'apporter des solutions afin de dépassionner le débat. Une des questions importantes aujourd'hui soulevées porte sur les dates de chasse des gibiers d'eau et des oiseaux migrateurs. Or il faut rappeler que c'est la directive « oiseaux » de 1979, approuvée par le gouvernement de M. Raymond Barre et en particulier par son ministre M. Jean François-Poncet, qui est à l'origine des problèmes actuels. Il est regrettable qu'on ait tant tardé côté français à sortir de l'impasse dans laquelle nous nous sommes fourvoyés depuis quelques années. Plusieurs éléments sont à prendre en considération en matière de chasse : le nécessaire respect des grands équilibres écologiques auxquels les chasseurs sont très sensibles, le phénomène d'urbanisation de notre société et la réappropriation par les urbains des espaces naturels, et l'origine démocratique de notre droit de la chasse, acquis populaire de la Révolution de 1789. La proposition de loi aujourd'hui débattue reprend certes un texte voté à l'unanimité par le Sénat. Mais dans tout débat, au delà du texte il y a le contexte. Or, le contexte actuel est marqué non seulement par la situation conflictuelle précédemment évoquée mais aussi par l'inscription prochaine à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale d'un projet de loi. Ce texte qui couvre un champ plus large que la proposition de loi permettra de débattre de l'ensemble des problèmes de la chasse. La question qu'il faut donc se poser est la suivante : l'adoption conforme de la proposition de loi du Sénat faciliterait-elle ou non le débat global sur la chasse ? Pour M. Félix Leyzour, le calendrier d'adoption et de promulgation de la proposition de loi risque en outre de compliquer la situation actuelle. C'est pourquoi il a estimé qu'il était préférable de verser la proposition de loi au débat général qui s'instaurera lors de la présentation du projet de loi, débat au cours duquel le groupe communiste sera amené à défendre plusieurs des dispositions prévues par la proposition de loi qu'il a déposée sur cette question. Pour ces raisons, il s'est, au nom de son groupe, déclaré favorable à la motion de renvoi en commission. M. Jean-Claude Lemoine a indiqué que dans ce débat, l'urgence était l'élément déterminant à prendre en compte puisque certains départements se trouvaient dans une situation de non-droit. Dans ces conditions, il n'est pas souhaitable d'attendre l'examen d'un projet de loi qui sera long et risque en outre de générer des recours devant le Conseil constitutionnel. En conséquence, il a indiqué qu'au nom du groupe R.P.R., il s'opposait à la motion de renvoi en commission. Après avoir relevé qu'il y avait plusieurs points de convergence dans les exposés du rapporteur et de M. François Patriat, M. Jean Proriol a indiqué que le mérite de la proposition de loi était d'apporter une solution rapide à des problèmes certes ponctuels et que dans ces conditions le groupe démocratie libérale ne voterait pas la motion de renvoi en commission. M. Hubert Grimault a insisté sur la nécessité d'apaiser la situation. Le meilleur moyen de revenir au calme et à la pondération sur ces questions est d'adopter la proposition de loi très modérée du Sénat. Pour ces raisons il a indiqué que le groupe UDF ne voterait pas la motion de renvoi en commission. Puis la commission a adopté, à la majorité, les motions de renvoi en commission présentées, d'une part, par M. Guy Hascoët et, d'autre part, par M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste et apparentés. TABLEAU COMPARATIF ___
() Moniteur universel du mercredi 5 juillet 1843, p. 1758. () CE, 7 avril 1999, Syndicat indépendant de la garderie nationale de l'environnement et autres. () La Cour de cassation estimant dès 1810 que le propriétaire d'un bois qui a laissé considérablement accroître le nombre des lapins qui s'y trouvent est passible de la réparation du dommage qu'ils occasionnent. () Cf en particulier Brèves observations sur la condamnation de la loi « Verdeille » par la Cour européenne des droits de l'Homme, Revue française de droit administratif, mai-juin 1999. © Assemblée nationale |