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le 15 novembre 2001

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N° 3306

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2001

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification du Traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis d'Amérique (ensemble un procès-verbal d'accord sur la représentation),

PAR M. MARC REYMANN

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 377 (1999-2000) , 69 et T.A. 38 (2000-2001)

Assemblée nationale : 2814

Traités et conventions

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Philippe Briand, M. Bernard Brochand, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Jean-Claude Decagny, M. Patrick Delnatte, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Michel Fromet, M. Georges Frêche, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. Michel Grégoire, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. Gilbert Le Bris, M. Alain Le Vern, M. Jean-Claude Lefort, M. Pierre Lequiller, M. François Léotard, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. Jean Rigal, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, M. Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - LES SPÉCIFICITÉS DU SYSTÈME JUDICIAIRE DES ETATS-UNIS RENDENT LA COOPÉRATION JUDICIAIRE AVEC CE PAYS
COMPLEXE MAIS POSSIBLE
7

A - LA COMPLEXITÉ DE LA COOPÉRATION JUDICIAIRE AVEC LES ETATS-UNIS 7

1) Un système judiciaire complexe 7

2) La suprématie de l'Etat fédéral dans la conduite des relations internationales permet néanmoins une véritable coopération judiciaire 7

B - LA NÉCESSAIRE PRISE EN COMPTE DES ÉVOLUTIONS INTERVENUES DEPUIS LA SIGNATURE DES TEXTES DE 1909 ET 1970 8

1) La nécessité d'accords clairs et précis 8

2) Les questions posées par le maintien de la peine de mort dans 38 Etats 9

II - LE TRAITÉ D'EXTRADITION REPREND DES PRINCIPES CLASSIQUES MAIS COMPORTE DES ORIGINALITÉS 11

A - L'ÉTENDUE DE L'EXTRADITION 11

B - LA PROCÉDURE D'EXTRADITION 12

CONCLUSION 14

EXAMEN EN COMMISSION 15

ANNEXE  : Lettre de M. Hubert Védrine 20

Mesdames, Messieurs,

En matière d'extradition, les relations entre la France et les Etats-Unis sont actuellement régies par un Traité signé en 1909 et complété en 1970. Ce texte étant manifestement devenu insuffisant, les deux pays ont entrepris des négociations qui ont abouti à la signature d'un nouveau Traité d'extradition le 23 avril 1996.

La signature de ce texte doit être inscrite dans le contexte du développement de la coopération judiciaire internationale prôné par la France, laquelle cherche à accroître le nombre de pays liés avec elle par un traité de coopération judiciaire (extradition ou entraide judiciaire).

En effet, par essence, un Traité d'extradition constitue une limitation de la souveraineté des Etats, mais celle-ci est réciproque et absolument indispensable pour obtenir une coopération judiciaire renforcée. La mondialisation de l'économie, des transports, des télécommunications s'est accompagnée d'une mondialisation de la criminalité dans des secteurs tels que le trafic de drogue, le terrorisme, le blanchiment d'argent, mais elle rend aussi plus compliquée la lutte contre la criminalité classique.

Des affaires récentes ont en effet montré que la France et les Etats-Unis auraient tous deux intérêt à un renforcement de la coopération judiciaire et notamment à une simplification des procédures d'extradition. En avril 2001, un test ADN a montré que l'Espagnol Fransisco Arte Montes, détenu en Floride, était probablement l'assassin de la jeune Caroline Dickinson, violée et tuée à Pleine-Fougères en juillet 1996. Les autorités judiciaires de Floride ont montré beaucoup de bonne volonté dans cette affaire, mais les procédures sont longues et il faudra encore beaucoup de temps avant que Arce Montes ne soit traduit devant une cour d'assises française. La nouvelle procédure d'extradition ne réglera pas tous les problèmes mais elle sera moins lourde donc probablement plus rapide. En ce même mois d'avril 2001, l'arrestation en Bretagne de James Charles Kopp, citoyen américain accusé d'avoir assassiné un médecin pratiquant l'avortement aux Etats-Unis, a bien montré que les Etats-Unis autant que la France ont intérêt à bénéficier de procédures d'extradition plus efficaces.

Le Traité signé en 1996 devrait permettre de faciliter les procédures d'extradition entre les deux pays. Les Etats-Unis sont un Etat fédéral, les procédures d'extradition avec ce pays en sont encore complexifiées mais cela n'empêche pas pour autant une coopération judiciaire ambitieuse.

I - LES SPÉCIFICITÉS DU SYSTÈME JUDICIAIRE DES ETATS-UNIS RENDENT LA COOPÉRATION JUDICIAIRE AVEC CE PAYS COMPLEXE MAIS POSSIBLE

A - La complexité de la coopération judiciaire avec les Etats-Unis

1) Un système judiciaire complexe

La complexité de la mise en _uvre d'une coopération judiciaire, notamment en matière pénale, avec les Etats-Unis tient à la structure fédérale et à la tradition de common law en vigueur dans ce pays.

En effet, la matière pénale est de la compétence des Etats fédérés, il en résulte la coexistence de 52 systèmes pénaux : ceux des 50 Etats, celui du district de Columbia et celui de l'Etat fédéral (uniquement pour les crimes et délits « fédéraux »). Il en résulte que 90 % des infractions pénales sont poursuivies devant les juridictions des Etats. En l'absence de convention internationale, la coopération judiciaire se fait sur la base de la réciprocité, c'est le cas actuellement pour l'entraide judiciaire en matière pénale : une telle procédure est donc particulièrement complexe puisque la pratique en la matière peut varier en fonction des interlocuteurs.

Par ailleurs, l'influence de la common law sur la procédure pénale multiplie les possibilités de recours et protège particulièrement bien les droits de la défense. Par là même, elle peut retarder une procédure de coopération judiciaire. En matière d'extradition par exemple, les juges américains exigent pour accorder une demande d'arrestation provisoire préalable à une demande d'extradition des éléments de preuve tangibles très proches de ce qu'ils exigent pour accorder l'extradition elle-même (procédure dite de la probable cause).

2) La suprématie de l'Etat fédéral dans la conduite des relations internationales permet néanmoins une véritable coopération judiciaire

La Constitution des Etats-Unis et la pratique jurisprudentielle de la Cour suprême affirment le primat de l'Etat fédéral dans la conduite des relations internationales. Ainsi, le Président des Etats-Unis a seul le pouvoir de négocier les traités, sous réserve de l'accord du Sénat. Or, les juges des Etats sont tenus par les stipulations des traités, même si elles sont contraires à des dispositions de la loi de l'Etat, et cela alors même que les traités interviennent généralement dans des matières de la compétence des Etats fédérés. Le droit pénal, qui nous intéresse aujourd'hui, en est un bon exemple. En conséquence, la suprématie de l'Etat fédéral en matière de relations internationales permet de mettre en _uvre une véritable coopération judiciaire avec les Etats-Unis, à condition que les stipulations des traités soient assez claires et précises afin de faire obstacle à des interprétations divergentes de la part des juges des Etats fédérés.

B - La nécessaire prise en compte des évolutions intervenues depuis la signature des textes de 1909 et 1970

Dans la mesure où c'est sur la base des stipulations d'un traité que la coopération judiciaire peut se développer, il est indispensable de s'assurer de la précision et de la clarté des termes choisis, et surtout de veiller à l'actualisation de ces traités afin de prendre en compte les évolutions intervenues. Or le Traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis date de 1909, modifié cependant en 1970, il est donc mal adapté aux réalités de la criminalité du début du 21ème siècle et aux évolutions socioculturelles qui ont pu intervenir depuis, comme la peine de mort abolie en France en 1981 mais encore majoritairement acceptée aux Etats-Unis.

1) La nécessité d'accords clairs et précis

La principale caractéristique du Traité d'extradition actuellement en vigueur entre la France et les Etats-Unis est d'être un instrument « à liste », c'est à dire qu'un certain nombre de crimes ou délits sont énumérés, lesquels donnent droit à extradition. L'inconvénient de ce type de texte, outre qu'il est par nature moins favorable à la coopération judiciaire qu'un instrument prévoyant l'extradition comme le principe, est qu'il ne permet pas de prendre en compte de nouvelles formes d'infractions.

Par ailleurs, les procédures d'extradition prévues par le texte de 1909, même réactualisé en 1970, ne correspondaient plus à la pratique de l'extradition telle qu'elle est aujourd'hui couramment pratiquée, particulièrement entre Etats de droit, sur le modèle de la convention européenne d'extradition de 1957. Ainsi, le texte actuellement applicable est très laconique sur les informations et documents devant accompagner la demande d'extradition, il en résulte qu'une large place est laissée à l'application du droit interne des Etats. De même en l'absence de stipulations concernant certaines procédures aujourd'hui couramment pratiquées - remise temporaire, demande d'informations complémentaires, extradition accessoire...- celles-ci ne peuvent être mises en _uvre dans le cadre d'une procédure d'extradition entre la France et les Etats-Unis.

2) Les questions posées par le maintien de la peine de mort dans 38 Etats

Depuis 1970, date de la dernière modification de la convention d'extradition, une double évolution est intervenue quant à l'attitude vis à vis de la peine de mort. Aux Etats-Unis, sa légitimité a été confortée dans les années 80 après une période où elle avait été strictement encadrée par la Cour suprême et supprimée de la législation pénale de nombreux Etats. Depuis que la Cour suprême a estimé, dans une décision rendue en 1976 (Gregg c. Géorgie), que le huitième amendement à la Constitution des Etats-Unis n'interdisait pas l'application de la peine de mort, de nombreux Etats ont rétabli la peine capitale, celle-ci est aujourd'hui prévue dans le droit pénal de 38 Etats (plus le droit pénal fédéral) et largement appliquée. La tendance est d'ailleurs à l'augmentation régulière du nombre des exécutions comme le montre le tableau ci-dessous.

Condamnations à la peine de mort exécutées aux Etats-Unis entre 1977 et 2000

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1

0

2

0

1

2

5

21

18

18

25

11

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

16

23

14

31

38

31

56

45

74

68

98

82

Source : U.S Department of Justice

En France, au contraire, un mouvement inverse a pu être constaté ; d'abord contestée tout au long des années 1970, la peine de mort est abolie en 1980, abolition qui s'impose aujourd'hui au législateur en raison de la ratification en 1986 du Protocole numéro 6 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales concernant l'abolition de la peine de mort.

Les textes modernes régissant le droit de l'extradition organisent généralement des procédures particulières dans le cas où le pays requis n'appliquerait pas la peine de mort contrairement au pays requérant, tel est par exemple le cas de la convention européenne d'extradition de 1957. Ils permettent ainsi de refuser l'extradition d'une personne qui risque la peine de mort, à moins que l'Etat requérant ne donne des assurances que la peine de mort ne sera pas prononcée ou pas exécutée.

Le Traité de 1909 ne prévoyant pas une telle procédure, les autorités judiciaires françaises et américaines ont mis au point un système semblable, mais sur la base d'accords au cas par cas. Ce système a globalement donné satisfaction, le Conseil d'Etat se montrant très vigilant sur la nature des garanties données par les autorités judiciaires américaines. Pour autant, l'inscription dans le Traité de cette procédure est souhaitable, elle lui donnerait une force juridique certaine dans la mesure où les stipulations des traités s'imposent au droit des Etats, et donc éventuellement à des décisions de justice prises par des juridictions d'Etats américains.

Par ailleurs, suite aux inquiétudes soulevées par la Commission quant à la formulation de l'article 7 du Traité qui prévoit que « cette peine ne sera pas infligée ou, si elle est prononcée, qu'elle ne sera pas exécutée », il convient d'apporter les précisions suivantes. Tout d'abord, il s'agit là d'une mesure de protection supplémentaire pour la personne extradable, en effet le principe de base est que l'extradition ne sera acceptée que si la France obtient des garanties suffisantes. Actuellement, le Conseil d'Etat exige du Procureur de l'Etat l'assurance qu'il ne requerra pas la peine de mort, rendant ainsi impossible qu'elle soit prononcée. Mais, sur l'exemple de la convention européenne d'extradition, figure toujours dans ce genre de texte une garantie quant à la non-exécution de la peine de mort si elle est prononcée. De plus, dans ce cas très hypothétique, la Commission a reçu de la part de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, des précisions rassurantes sur l'application de cet article ; il ne signifierait en aucun cas que le condamné serait détenu indéfiniment dans les « couloirs de la mort » puisque « les autorités américaines compétentes seraient tenues d'exercer le droit de grâce » (voir lettre en annexe).

II - LE TRAITÉ D'EXTRADITION REPREND DES PRINCIPES CLASSIQUES MAIS COMPORTE DES ORIGINALITÉS

La Traité signée le 23 avril 1996 est conforme aux principes généraux du droit français de l'extradition tels qu'ils résultent de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers, de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 et des conventions conclues par la France avec d'autres pays de common law comme l'Australie et le Canada.

A - L'étendue de l'extradition

Les deux Etats s'engagent à se livrer réciproquement toute personne poursuivie pour une infraction pénale, reconnue comme telle dans les deux Etats.

L'infraction doit revêtir un certain caractère de gravité : Ne peuvent donner lieu à extradition que les infractions passibles d'une peine privative de liberté d'au moins un an. Si l'extradition est demandée en vue de l'exécution d'un jugement, la partie de la peine restant à exécuter doit être d'au moins six mois. Ce quantum est destiné à éviter d'engager des procédures d'extradition pour des faits sanctionnés par des peines déjà pratiquement exécutées. En outre l'infraction doit être punissable dans les deux pays. Pour autant, le Traité étend considérablement le champ des infractions extraditionnelles, lesquelles faisaient auparavant l'objet d'une liste limitative.

Les cas de refus d'extradition prévus par le Traité peuvent être de nature différente.

L'extradition doit être refusée si la demande se rapporte à des infractions politiques (article 4) ou à des infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun (article 5). Elle doit être également refusée lorsque la personne réclamée a fait l'objet d'un jugement définitif pour infraction en raison de laquelle l'extradition est demandée (article 8) ou lorsque l'infraction est prescrite (article 9). Ces motifs de refus s'inspirent des stipulations de la convention européenne d'extradition.

En ce qui concerne l'interdiction de l'extradition pour motif politique, le Traité d'extradition innove, il comprend une clause dite de « dépolitisation » de certaines infractions terroristes, inédite jusque là dans une convention bilatérale. En effet, le Traité s'inspire de la convention européenne sur le terrorisme de 1977 qui prévoit l'impossibilité d'invoquer le motif politique d'une infraction à caractère terroriste pour refuser une extradition. Il faut cependant préciser que cette clause contient de nombreuses exceptions permettant à l'Etat requis de faire valoir malgré tout le caractère politique d'une infraction. Ainsi, cette clause de dépolitisation ne modifie pas les conditions de fond du droit conventionnel de l'extradition mais elle constitue un signe de la volonté de mettre en _uvre une coopération judiciaire renforcée entre la France et les Etats-Unis, même si les dispositions du traité franco-américain restent en deçà de celles des instruments élaborés dans le cadre de l'Union européenne.

La convention énumère les cas dans lesquels l'extradition peut être refusée. L'extradition peut être tout d'abord refusée lorsque la personne réclamée à la nationalité de l'Etat requis (article 3), ce qui permettra à la France de continuer d'appliquer le principe de non-extradition de ses nationaux, comme elle l'a d'ailleurs précisé à la partie américaine lors des négociations.

L'extradition peut être refusée si l'infraction est punie de la peine de mort par la législation de l'Etat requérant, à moins que l'Etat requérant ne donne des assurances jugées suffisantes par l'Etat requis, que cette peine ne sera pas exécutée (article 11).

Elle peut être enfin refusée pour des considérations humanitaires, si la remise de la personne réclamée est susceptible d'avoir pour elle des conséquences d'une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de santé (article 6).

B - La procédure d'extradition

Un certain nombre de garanties entourent la procédure et la personne extradée. Le Traité réaffirme le principe de la spécialité de l'extradition (article 19). L'Etat requérant ne saurait tirer profit de la présence de l'extradé sur son territoire pour le poursuivre, le juger ou le détenir pour des faits différents de ceux ayant motivé l'extradition ou antérieurs à la remise de la personne réclamée, sauf exceptions limitativement énumérées. A cet égard, il faut préciser que le Sénat américain a précisé, par une déclaration interprétative jointe à la résolution autorisant la ratification du traité, que ce principe de spécialité empêchait de une réextradition de toute personne depuis les Etats-Unis vers la cour pénale internationale. Cette déclaration unilatérale s'impose au pouvoir exécutif des Etats-Unis. La France, elle, doit respecter le statut de la Cour pénale internationale et on ne peut donc pas considérer qu'elle est liée par cette déclaration d'interprétation ; cependant cette déclaration est en fait redondante avec le principe de spécialité sur la base duquel la France ne peut effectivement pas réextrader une personne vers la Cour pénale internationale.

Le Traité fixe les conditions et la durée de l'arrestation provisoire qui ne doit, en aucun cas, excéder soixante jours. Ce délai est différent de celui de la convention européenne d'extradition qui n'est que de quarante jours (article 13).

Le Traité énumère enfin des stipulations d'ordre pratique. Elle prévoit que les frais de l'extradition sont à la charge de la partie requise lorsqu'ils sont exposés sur son territoire (article 22), comme cela est classique dans le droit de l'extradition.

CONCLUSION

L'adoption du projet de loi autorisant la ratification du Traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis, après celle du Traité d'entraide judiciaire en matière pénale en mars 2001, permettra de compléter le dispositif de coopération judiciaire entre les deux pays.

Renforcer la coopération judiciaire doit bien évidemment se faire dans le respect des droits de l'Homme, ce qui justifie le contrôle parlementaire sur les conventions d'extradition. Ainsi la Commission des Affaires étrangères s'attache toujours à s'assurer de la signification de certaines stipulations qui peuvent lui apparaître ambiguës, ce qui avait motivé sa décision de reporter son examen sur ce texte le 28 mars 2001. Ayant obtenu les précisions souhaitées, votre Rapporteur recommande l'adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 28 mars 2001, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Marc Reymann, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du Traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et les Etats-Unis d'Amérique (ensemble deux annexes) (n° 2813), et le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du Traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis d'Amérique (ensemble un procès-verbal d'accord sur la représentation) (n° 2814).

Après l'exposé du Rapporteur, Le Président François Loncle a insisté sur les difficultés particulières que posait l'existence de la peine de mort aux Etats-Unis et sur la vigilance que devaient avoir les députés français à ce sujet.

M. Paul Dhaille s'est déclaré très partagé sur cette convention. Certes, il semblerait que ce texte apporte certaines garanties juridiques mais il n'en demeure pas moins que l'application de la peine de mort aux Etats-Unis est une chose scandaleuse et que l'on ne peut se contenter toujours de protestations verbales. Les pays qui appliquent le plus la peine de mort dans le monde sont : la Chine, la Corée du Nord, l'Iran et les Etats-Unis. Que viennent faire les Américains dans une telle liste ? La solution organisée par la convention n'est pas satisfaisante. Certes, si la peine de mort est prononcée, elle ne sera pas appliquée ; mais est-il plus raisonnable d'imaginer enfermer un homme des dizaines d'années dans les couloirs de la mort ? M. Paul Dhaille a donc précisé qu'il ne pouvait voter qu'à l'encontre de la ratification de la convention. Il ne s'agit pas tant d'un problème juridique que de la nécessité d'envoyer un signal politique.

M. Jean-Claude Lefort a rappelé que le nouveau président des Etats-Unis était un farouche partisan de la peine de mort. Le moment de la ratification de cette convention est donc particulièrement peu opportun. Ce n'est pas tant un problème juridique que politique et symbolique. En conséquence, M. Jean-Claude Lefort a déclaré qu'il voterait contre la ratification de la convention.

Le Président François Loncle a souligné que la convention ne prévoyait pas l'interdiction de la peine de mort mais sa non-exécution. Il est vrai, ainsi que l'a rappelé devant la Commission des Affaires étrangères, l'ancien ambassadeur des Etats-Unis M. Félix George Rohatyn, que c'est aux Etats et non à l'Etat fédéral de décider de l'abolition de la peine de mort, selon une décision de la Cour suprême.

M. Gilbert Maurer a souligné que le nombre d'exécutions aux Etats-Unis était en augmentation. Il a fait toutefois remarquer que ce problème d'extradition vers des pays reconnaissant la peine s'était déjà posé par le passé à la Commission et que celle-ci avait cependant approuvé ces conventions.

M. Pierre Brana a considéré que l'entrée en vigueur du Traité d'extradition n'apporterait pas de progrès réel sur la question de la peine de mort. Il a par ailleurs demandé qui appréciait l'état de santé de la personne dont l'extradition est refusée pour des raisons humanitaires.

M. François Rochebloine s'est étonné du calendrier qui fait venir aujourd'hui devant la Commission des Affaires étrangères un texte signé en 1996.

M. Marc Reymann a répondu aux intervenants.

Il a précisé que la clause permettant de refuser une extradition pour des raisons humanitaires était désormais classique dans ce type de convention. C'est alors à l'état requis d'invoquer des considérations relatives à la santé de la personne dont l'extradition est demandée.

En ce qui concerne le délai de ratification du Traité d'extradition, il a été répondu au Rapporteur que la France avait préféré attendre la finalisation du Traité d'entraide judiciaire en matière pénale qui a été signé en décembre 1998 pour lancer la procédure de ratification. Il n'en demeure pas moins que les Etats-Unis ont ratifié ce texte dès 1998.

Sur la question de la peine de mort, il est incontestable que le nombre d'exécutions capitales aux Etats-Unis a augmenté régulièrement ces dernières années. Pour autant, la situation actuelle sur ce point n'est pas plus favorable pour les personnes extradables vers les Etats-Unis que le système prévu par le Traité signé en 1996. En effet, actuellement le Gouvernement français accorde l'extradition pour des infractions encourant la peine de mort, conformément à l'avis donné par la chambre d'accusation et sous le contrôle du conseil d'Etat qu'à la condition que la partie requérante donne des assurances suffisantes que la peine de mort encourue ne soit pas prononcée ou ne sera pas exécutée. C'est ce même système qui a été repris dans l'article 7 du Traité. En outre, la ratification du Traité constituerait un progrès sur ce plan là car l'interdiction de prononcer ou d'exécuter la peine de mort à des personnes extradées de France s'imposerait aux tribunaux américains, y compris des Etats fédérés.

Le Président François Loncle a insisté sur la nécessité d'envoyer un signe politique fort. En conséquence, il a proposé d'adopter le projet de loi autorisant la ratification du Traité d'entraide judiciaire en matière pénale, mais de reporter l'examen du projet de loi sur l'extradition.

La Commission a alors adopté le projet de loi n° 2813 sur l'entraide judiciaire mais reporté l'examen du projet de loi n° 2814.

*

Au cours de sa réunion du mercredi 10 octobre 2001, la Commission a poursuivi l'examen du projet de loi (n° 2814) sur le Traité d'extradition.

Le Président François Loncle a rappelé que la Commission des Affaires étrangères avait examiné, le 28 mars dernier, le projet de loi autorisant la ratification d'un nouveau Traité d'extradition avec les Etats-Unis, qui prévoit notamment qu'une extradition vers ce pays est soumise à l'engagement des autorités américaines de ne pas requérir la peine de mort. Des interrogations sur les modalités d'application avaient conduit la Commission à reporter sa décision sur ce Traité.

Depuis lors, le Président Valéry Giscard d'Estaing a fait part de l'étonnement qu'avait suscité à Washington une telle décision de la Commission et M. Hubert Védrine, interrogé par lettre, a fourni certaines informations supplémentaires qui semblent apporter toutes garanties.

Voilà pourquoi le Président François Loncle a souhaité que la Commission réexamine aujourd'hui ce Traité, à quelques jours de l'envoi d'une mission parlementaire aux Etats-Unis, commune aux Commissions de la Défense et des Affaires étrangères.

M. Marc Reymann, rapporteur, a précisé que, dans sa séance du 28 mars 2001, la Commission des Affaires étrangères avait interrompu l'examen du projet de loi autorisant la ratification du Traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis. Il a rappelé les positions de MM. Jean-Claude Lefort, Paul Dhaille et Pierre Brana qui avaient estimé qu'une telle convention n'apportait pas de garantie supplémentaire quant à la non-application de la peine de mort et que ne pas l'adopter constituerait un signal politique du refus de la France de l'utilisation de la peine capitale.

Ce signal ayant été alors donné, M. Marc Reymann a insisté sur la nécessité de maintenant ratifier le Traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis dont il avait expliqué devant la Commission les principaux avantages. Prévoyant une procédure moins lourde qu'actuellement et permettant l'extradition dans des cas plus nombreux, la mise en _uvre du Traité signé en 1996 permettra de renforcer la coopération judiciaire entre les deux pays dont des affaires récentes ont encore montré la nécessité, comme l'affaire Arce Montes, meurtrier présumé de la jeune Caroline Dickinson, violée et tuée à Pleine-Fougères en juillet 1996 et détenu en Floride, ou l'affaire James Charles Kopp, Américain accusé d'avoir assassiné un médecin pratiquant l'avortement aux Etats-Unis, arrêté récemment en Bretagne.

M. Marc Reymann a ensuite voulu rassurer les membres de la Commission sur le risque qu'une personne extradée par la France puisse encourir la peine de mort. La formulation de l'article 7 du Traité qui prévoit que cette peine ne sera pas infligée ou, si elle est prononcée, elle ne sera pas exécutée avait étonné car, actuellement, le Conseil d'Etat n'accorde l'extradition que s'il a l'assurance que la peine de mort ne sera pas prononcée. En fait, l'entrée en vigueur du Traité ne changera pas la procédure en France et le Conseil d'Etat continuera d'exiger du Procureur de l'Etat l'assurance qu'il ne requerra pas la peine de mort, rendant ainsi impossible qu'elle soit prononcée.

Mais, sur l'exemple de la convention européenne d'extradition, une garantie quant à la non-exécution de la peine de mort si elle est prononcée figure toujours dans ce genre de texte, il s'agit en fait d'une protection supplémentaire. De plus, dans ce cas très hypothétique, la Commission a reçu de la part de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, des précisions rassurantes sur l'application de cet article ; il ne signifierait en aucun cas que le condamné serait détenu indéfiniment dans les « couloirs de la mort » puisque « les autorités américaines compétentes seraient tenues d'exercer le droit de grâce ».

Ainsi, concernant la peine de mort, le système mis en place dans le Traité reprend fidèlement la pratique actuelle de la France en la matière, en lui donnant une force juridique supplémentaire puisque ce système avait été imaginé en marge du Traité d'extradition de 1909 qui ne le prévoyait absolument pas.

M. Marc Reymann a donc souhaité l'adoption du projet de loi afin de permettre une mise en _uvre rapide du Traité d'extradition que les Etats-Unis ont ratifié dès 1998.

Le Président François Loncle a rappelé qu'il avait, dans une lettre datée du 3 mai dernier adressée à M. Hubert Védrine, transmis les souhaits des commissaires en la matière et que la réponse du Ministre des Affaires étrangères était très claire.

M. Pierre Brana a suggéré que la délégation de l'Assemblée nationale qui se rendra prochainement aux Etats-Unis profite de l'occasion pour signaler que la France vient de fêter le vingtième anniversaire de l'abolition de la peine de mort et rappeler notre position sur cette peine abominable qui est pratiquée aux Etats-Unis. Par ailleurs, les assurances apportées par le Ministre des Affaires étrangères dans sa réponse à la lettre du Président François Loncle permettent la ratification du présent Traité.

M. Valéry Giscard d'Estaing a tout d'abord souligné que le présent texte n'avait aucun rapport avec l'actualité puisque le terrorisme n'est pas visé par le Traité d'extradition et les affaires politiques en sont exclues. Puis il a rappelé qu'un premier traité en la matière avait été élaboré en 1909, suivi par un échange de lettres et un nouveau traité en 1970. Depuis, le droit a évolué sur des sujets tels que l'enlèvement d'enfants. Le droit américain et le droit français n'étant pas les mêmes, aujourd'hui, nous sommes confrontés à des problèmes d'extradition liés au trafic de drogue par exemple. Le texte présenté peut donc être considéré comme une mise à jour d'un Traité déjà existant. En outre, il renforce le principe de la non application de la peine de mort et améliore les procédures judiciaires entre la France et les Etats-Unis. On ne peut donc qu'être favorable à sa ratification.

Le Président François Loncle a dit sa fierté d'avoir été l'un de ceux qui ont voté en 1981 l'abolition de la peine de mort. Il a également souligné que l'ancien Ambassadeur des Etats-Unis en France, M. Félix Rohatyn, un homme de grande qualité, était devenu un fervent partisan de l'abolition et le faisait savoir auprès de ses concitoyens.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2814).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte du Traité d'extradition figure en annexe au projet de loi (n° 2814).

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N° 3306. - Rapport de M. Marc Reymann au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du Traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis d'Amérique


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