COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES
COMPTE RENDU N° 33
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 25 janvier 2006
(Séance de 9 heures 30)
12/03/95
Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.
SOMMAIRE
ppages | |
- Suite de l'examen du projet de loi pour l'égalité des chances - n° 2787 (M. Laurent Hénart, rapporteur) |
|
La commission a examiné, sur le rapport de M. Laurent Hénart, les articles du projet de loi pour l'égalité des chances - n° 2787.
Se défendant de revenir sur les conditions déplorables de l'examen du présent projet de loi, M. Yves Durand a demandé que la séance de la commission soit suspendue vers 11 heures pour permettre au groupe socialiste de se réunir afin de prendre connaissance des amendements déposés à la dernière minute par le gouvernement, dont la portée est considérable puisqu'ils remettent en cause des pans entiers du code du travail. Le président du groupe socialiste, M. Jean-Marc Ayrault, a d'ailleurs saisi officiellement le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales d'une demande de suspension des travaux de la commission.
Le président Jean-Michel Dubernard a tout d'abord précisé qu'il n'a été saisi d'aucune demande officielle de la part du président du groupe socialiste, puis a indiqué que la commission devant absolument avancer dans l'examen des articles de ce projet de loi, la décision de suspendre serait prise le moment venu selon l'état d'avancement des travaux, sachant qu'une autre séance de travail est prévue dans l'après-midi pour poursuivre l'examen du texte.
M. Yves Durand a souhaité que les travaux de la commission soient conduits avec sérénité.
Puis la commission a procédé à l'examen des articles.
Avant le titre Ier
M. Francis Vercamer a présenté un amendement tendant à affirmer en exergue des principes généraux garantissant à tous l'égalité des chances. Il doit être solennellement rappelé que tous les acteurs de la société française doivent s'impliquer dans la lutte contre les discriminations et dans la promotion de l'égalité des chances et ces principes généraux doivent figurer dans le corps du projet de loi pour permettre à la HALDE de fonder en droit ses procédures de poursuite à l'encontre des organisations coupables de pratiques discriminatoires.
Le président Jean-Michel Dubernard a observé que le préambule de la Constitution affirme déjà de tels principes.
M. Maxime Gremetz a déclaré soutenir l'esprit de cet amendement mais a estimé que l'expression « toute organisation reflète la diversité de la nation » comporte une certaine ambiguïté, une entreprise ne pouvant être par exemple considérée comme une organisation. Il conviendrait donc de revoir la formulation de cet amendement.
Le rapporteur s'est déclaré défavorable à cet amendement qui, tout en ayant une excellente intention, risque d'introduire dans le droit positif des motifs de discrimination supplémentaires car il cite un certain nombre de facteurs de discrimination tout en omettant d'autres, par exemple la discrimination syndicale, qui sont pourtant sanctionnés dans d'autres textes. Il est donc préférable de s'en tenir aux principes généraux affirmés dans le préambule de la Constitution et aux lois spécifiques qui traitent de chaque type de discrimination.
La commission a rejeté l'amendement.
TITRE IER
MESURES EN FAVEUR DE L'ÉDUCATION, DE L'EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
Section 1
« Formation d'apprenti junior » et contrat de professionnalisation
Article 1er : Création de l'apprentissage junior
La commission a examiné deux amendements de suppression de l'article présentés respectivement par M. Yves Durand et M. Maxime Gremetz.
M. Yves Durand a souligné que l'instauration de l'apprentissage junior revient à remettre en cause subrepticement le principe de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans. En effet, même si les jeunes concernés restent sous statut scolaire la première année, ils n'auront aucune chance de pouvoir revenir dans l'enseignement général s'ils se rendent compte que la voie de l'apprentissage ne les satisfait pas. Comment prétendre sérieusement qu'un jeune, qui est déjà un élève en difficulté, pourra, au bout de deux ans pendant lesquels il aura dû s'adapter au monde du travail, réintégrer l'enseignement général alors qu'il n'aura pu acquérir le socle commun de connaissances indispensable à la poursuite de sa scolarité ? Le gouvernement avance masqué et, par une sorte d'entourloupe, il va parvenir à ses fins. Loin d'être un texte promoteur de l'égalité des chances, ce projet de loi restera dans l'histoire comme celui qui a introduit une discrimination entre les jeunes qui, à partir de quatorze ans, seront exclus du système scolaire, et les autres, plus chanceux, qui auront pu prolonger leur scolarité.
Le président Jean-Michel Dubernard a conseillé à M. Durand de modérer ses propos, le terme d'entourloupe étant particulièrement déshonorant et laissant croire à une opération empreinte de malhonnêteté intellectuelle. Il convient que les discussions se déroulent dans un climat de sérénité.
En réaction aux propos du président Jean-Michel Dubernard, M. Yves Durand a proposé d'employer l'expression « rideau de fumée » et a réaffirmé la position de son groupe, considérant que l'instauration de l'apprentissage junior est la voie ouverte à la suppression de l'obligation scolaire jusqu'à seize ans.
M. Maxime Gremetz a estimé que le projet comporte deux questions majeures : le contrat première embauche et l'apprentissage à quatorze ans. Ce dernier point est décisif pour des millions de jeunes. En effet, l'apprentissage dès quatorze ans, tel qu'il a pu être pratiqué dans les années soixante, est devenu aujourd'hui totalement incompatible avec la révolution technologique : les jeunes ont bien besoin de connaissances générales pour s'intégrer à la société de l'information. La même remarque est valable pour les ouvriers qualifiés. Remettre en cause le principe de l'obligation scolaire jusqu'à seize ans constitue donc une mesure régressive, un véritable retour en arrière.
La preuve du malaise qu'entraîne cette proposition est l'absence du ministre en charge de l'éducation nationale au sein de ce débat. Compte tenu du fait que les prétendues passerelles entre l'enseignement général et l'apprentissage n'existent pas, la proposition conduit bien à sacrifier des millions de jeunes en supprimant toutes leurs chances de poursuivre des études. Elle va également à l'encontre de toutes les politiques conduites chez nos voisins européens, qui prolongent la durée de ces études. Cette proposition, d'une gravité extrême, suscite enfin bien des questions sur le statut et la rémunération de ces jeunes apprentis. Il s'agit d'un mauvais coup porté à la jeunesse et à la France.
Favorable à la suppression de l'article, M. Christian Paul a jugé que le texte comporte deux types de mesures : d'une part les mesures insuffisantes, d'autre part les mesures inacceptables. À l'évidence, l'instauration d'un préapprentissage à quatorze ans figure parmi ces dernières. En outre, la mesure est inopportune d'un point de vue économique, puisque l'exemple allemand montre que les apprentis les moins qualifiés se retrouvent rapidement au chômage.
Ce que propose le gouvernement aux jeunes, c'est un apprentissage à quatorze ans, un contrat de première embauche à seize ans, puis le chômage à seize ans et demi. Or, d'un point de vue éducatif, l'orientation doit être choisie et non subie, alors que depuis quelques années, des objectifs irréalistes sont fixés en ce qui concerne le nombre d'apprentis. Il faut d'ailleurs rappeler que, depuis 1971, l'apprentissage est un contrat de travail.
Faute de moyens nouveaux alloués à l'Education nationale, la mesure ne résoudra en rien le problème de l'échec scolaire et il est vraiment paradoxal de demander aux jeunes les plus en difficulté de choisir le plus précocement leur avenir professionnel. La proposition conduit à rompre le principe d'égalité, pilier de notre république. Elle va à rebours d'une évolution qui trouve son origine il y a soixante ans. Pour la majorité parlementaire, l'école est l'école de l'avant-guerre, ayant pour principe directeur : « ça passe ou ça casse », l'élève étant responsable de son échec scolaire.
Il manque trois choses à ce projet : la refonte de l'éducation prioritaire ; la nécessaire concertation avec les régions, collectivités territoriales en charge de la politique de l'apprentissage ; l'adhésion des partenaires sociaux, puisque la proposition a suscité une levée de boucliers au Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie.
M. Maurice Giro s'est déclaré surpris de la tournure prise par le débat. En effet, il ne faut pas considérer l'apprentissage comme une voie complètement séparée de l'école. Il s'agit d'une alternance entre l'école et l'entreprise : la meilleure preuve en est que certains apprentis sont devenus ingénieurs. L'apprentissage à quatorze ans constitue une proposition issue d'un constat fait sur le terrain. Dans les collèges, certains jeunes, à partir de quatorze ans, ne trouvent plus aucun intérêt à satisfaire à l'obligation scolaire et finissent par représenter un véritable problème pour les enseignants et les autres élèves. Le dispositif s'inscrit en outre dans une certaine continuité et n'a rien de révolutionnaire.
M. Bernard Perrut a rappelé que 150 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans qualification. La mesure répond donc aux préoccupations des jeunes et de leurs familles et s'inscrit dans le cadre de dispositions déjà en vigueur, qui permettent le recours à l'alternance avant seize ans. Les jeunes seront bien encadrés grâce au système du tutorat. De quatorze à quinze ans, ils choisiront une voie professionnelle ; puis ils signeront un contrat d'apprentissage à quinze ans. Compte tenu des garanties apportées, les inquiétudes exprimées ne sont pas de mise. Enfin, à tout moment, le jeune pourra revenir dans le système de l'enseignement général.
M. Francis Vercamer a fait part de son opposition à l'amendement de suppression de l'article. Compte tenu de la diversité des populations vivant en France, il est évident que certains n'ont pas de véritable vocation pour les études. De ce point de vue, c'est une lourde erreur de considérer systématiquement l'apprentissage comme une voie de garage. Certes, c'est une solution pour certains jeunes déscolarisés, mais l'apprentissage peut également être très utile à d'autres. Le problème crucial est la qualité de l'accueil de l'apprenti par l'entreprise, ce qui pose la question de la lutte contre les discriminations.
Le rapporteur a souhaité apporter les éléments de réponse suivants.
S'agissant en premier lieu des conditions de la réussite, l'alternance prépare à 90 % à des diplômes avec le même taux de réussite que les filières classiques. De plus, à diplôme équivalent, l'apprentissage permet une meilleure insertion. Le projet de loi réforme une filière d'apprentissage existante qui est déjà décrite dans le code de l'éducation sous l'appellation « classes d'initiation au préapprentissage en alternance » et qui produit des résultats, en dépit d'un certain nombre de limites. L'objectif du projet consiste à la relancer de manière performante. S'il manquait certes dans le projet de loi des précisions sur l'organisation souple de l'équipe pédagogique, un amendement relatif aux actions de tutorat viendra combler cette absence.
En second lieu, il s'agit avec ce projet de loi de prendre le temps de l'orientation professionnelle. Alors que les taux de rupture des contrats d'apprentissage sont faibles en Allemagne, ils sont de plus de 20 % en France dans les premiers mois de découverte du monde du travail. Il est donc essentiel de prendre le temps de sélectionner son univers professionnel ; c'est ce que propose l'apprentissage junior.
Pour ce qui concerne enfin les moyens de financement, ils sont déjà largement en place puisque la loi de programmation pour la cohésion sociale a instauré un fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage, doté de 150 millions d'euros en 2005 et de 250 millions d'euros en 2006, qui peut être utilisé dans ce cadre. Les régions ont signé des contrats d'objectifs et de moyens permettant de bénéficier d'un financement en provenance de ce fonds, les deux tiers d'entre elles prévoyant à ce titre des actions de préapprentissage - la région Poitou-Charentes étant d'ailleurs celle qui a mobilisé le plus de fonds à cet effet. Le dispositif proposé constitue donc un progrès par rapport à celui existant et doit être regardé avec confiance.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a rejeté les amendements de suppression de l'article 1er.
M. Francis Vercamer a présenté un amendement visant à préciser que la possibilité de bénéficier d'un apprentissage junior dès l'âge de 14 ans doit être réservée aux jeunes ayant 14 ans révolus à la rentrée scolaire.
Le rapporteur a estimé que le libellé de cet amendement n'est pas suffisamment souple et ne respecte pas, de plus, les pratiques actuelles de l'Éducation nationale.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.
Le rapporteur a présenté un amendement visant à préciser les conditions d'élaboration du projet pédagogique personnalisé, en faisant référence à l'intervention d'un tuteur au sein de l'équipe pédagogique.
M. Christian Paul a souhaité obtenir des précisions sur le tuteur. Qui pourra être tuteur ? Quels moyens le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche prévoit-il pour cet accompagnement ? Le gouvernement s'est-il engagé sur cette question ? Il est regrettable que le ministre concerné n'ait pas pu s'exprimer hier devant la commission sur ces points d'importance.
M. Maxime Gremetz a commencé par s'interroger sur la notion d'« apprenti junior » en mettant en avant le flou entourant une expression qui semble plutôt relever du champ lexical du football, voire de la politique. L'apprentissage ne doit pas être confondu avec l'alternance qui est un dispositif clair ; dans le passé, l'apprentissage consistait à suivre des cours du soir après une journée de travail. On sait aussi très bien que les apprentis sont peu payés. En outre, leur préservera-t-on un quota d'heures sur leur temps de travail pour la formation ? Il ne faut enfin pas oublier que le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, dont la composition est très diverse, a unanimement repoussé ce projet de loi.
M. Yves Durand a souhaité savoir qui pourra être tuteur - un enseignant ? une personne extérieure au collège ?- et qui le désignera - le chef d'établissement ? le conseil de classe ? Il convient aussi de noter que le texte de l'amendement ne prévoit que la possibilité, et non l'obligation, de désigner un tuteur. En outre, se pose la question de la définition du statut de ce tuteur. Enfin, son action s'inscrira-t-elle en dehors ou dans le cadre de son temps de service ? Dans ce dernier cas, et compte tenu de la suppression de postes dans l'enseignement secondaire, il faudra nécessairement dégager des moyens supplémentaires.
Après avoir déclaré qu'il avait eu personnellement la responsabilité de mettre en place des sections spécialisées en matière scolaire, M. Alain Néri a posé à son tour la question du statut de l'apprenti junior. Sera-t-il sous statut scolaire ? Sera-t-il rémunéré ? Aura-t-il droit aux bourses scolaires ? Cette dernière interrogation est d'importance pour les conseils généraux. Par ailleurs, la composition et le fonctionnement de l'équipe pédagogique posent question. Celle-ci sera-t-elle composée de professeurs et lesquels ? Comprendra-t-elle des assistantes sociales ? Ces questions appellent des réponses précises. L'apprentissage à quatorze ans constitue en effet une remise en cause de la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans.
M. Bernard Perrut s'est félicité que l'amendement du rapporteur aborde la question du tutorat. Il est en effet essentiel que les principes de l'exposé des motifs qui prévoient explicitement la constitution d'une équipe pédagogique et l'intervention d'un tuteur pour accompagner l'apprenti junior soient repris dans l'article 1er, sachant qu'il est important de savoir si la période d'accompagnement du tutorat est limitée ou non à la période de découverte des métiers. S'il demeure une incertitude relative à la simple possibilité de désigner un tuteur, possibilité qui peut toutefois s'expliquer en raison de la souplesse qu'elle offre, l'amendement reste utile.
M. Christian Paul a souhaité compléter la question de M. Alain Néri en interrogeant le rapporteur sur les conditions d'engagement de la responsabilité des futurs tuteurs. Dans le département de la Nièvre, un chef d'établissement et un enseignant remplissant des fonctions de tutorat dans l'enseignement agricole ont récemment été condamnés à des peines de prison avec sursis parce qu'ils étaient censés assurer une surveillance dans le cadre de leurs activités de tutorat.
Le rapporteur a estimé que les articles du projet de loi permettent de répondre à une partie de ces interrogations.
L'apprenti junior est bien sous statut scolaire lors de la première phase de sa formation - l'apprentissage junior initial. Les articles relatifs à l'apprentissage junior figurent d'ailleurs dans le code de l'éducation.
La réforme ne vise à supprimer que les dispositifs relatifs aux classes préparatoires à l'apprentissage (CPA) et aux classes d'initiation préprofessionnelle en alternance (CLIPA), les sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA), notamment, étant maintenues.
Le tuteur, qui relèverait de l'Éducation nationale, serait compétent au cours des deux phases de l'apprentissage junior.
La question des moyens ne manquera pas d'être abordée lors des débats budgétaires.
Quant à la définition de l'apprenti junior, il s'agit tout simplement de la nouvelle dénomination de celui qu'on appelait antérieurement préapprenti.
Un suivi par le tuteur, dès les premiers mois, assurera un niveau de réussite supérieur aux jeunes. Le problème de la responsabilité juridique des enseignants ne doit pas être évacué et des études sont menées dans certains départements sur cette question ; au demeurant, ce point relève largement du niveau réglementaire, ainsi que, le cas échéant, d'évaluations dans le cadre de la préparation de la discussion des projets de loi de finances par exemple.
M. Christian Paul a regretté que le rapporteur n'apporte pas de réponse à la question des moyens, la renvoyant au débat budgétaire. Alors que le projet de loi concerne à l'évidence quelques milliers de postes par an, il aurait pourtant été souhaitable de connaître la position du gouvernement sur ce point. On ne peut manquer de s'interroger sur l'impact des lois que l'on vote !
M. Alain Néri a renouvelé son interrogation sur la composition de l'équipe pédagogique.
Le rapporteur a répondu que pour ce qui concerne les SEGPA, la législation n'a jamais pointé le détail des postes par établissement, cette matière relevant à l'évidence de la compétence réglementaire conformément aux articles 34 et 37 de la Constitution.
La question du financement est à poser au ministre, mais il existe d'ores et déjà des moyens affectés aux filières de préapprentissage existantes (CPA et CLIPA) et un fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage, créé par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005.
La commission a adopté l'amendement.
La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer visant à prévoir la possibilité de la réintégration d'un apprenti junior ayant mis fin à sa formation au sein de son collège d'origine.
Le rapporteur a donné un avis favorable à cet amendement, qui renforce le caractère réversible de la formation d'apprenti junior.
La commission a adopté l'amendement.
La commission a ensuite examiné un amendement de M. Maxime Gremetz prévoyant la transmission par l'entreprise d'une déclaration préalable d'engagement d'un apprenti junior à l'inspection du travail.
M. Maxime Gremetz a indiqué que l'inspection du travail doit être à même de vérifier la sécurité des conditions de travail des apprentis juniors.
Le rapporteur a souligné que le texte de cet amendement, loin d'apporter des garanties, correspond à une forme de démembrement de la scolarité obligatoire jusqu'à l'âge de seize ans. Le projet de loi prévoit au contraire que le parcours d'initiation qu'emprunte le jeune jusqu'à l'âge de quinze ans reste de la compétence de l'Éducation nationale, qui décide du placement de celui-ci dans le cadre du processus d'orientation. C'est en effet l'Éducation nationale qui choisit l'employeur. La phase suivante consiste en la signature d'un contrat d'apprentissage en bonne et due forme avec les garanties législatives et réglementaires qui s'y attachent.
L'adoption de l'amendement conduirait à un retrait de la fonction de « pilotage » du dispositif d'apprentissage junior initial des mains de l'Education nationale et à l'établissement d'un système de déclaration préalable moins complet s'agissant de la phase d'apprentissage junior confirmé.
M. Maxime Gremetz a relevé que l'emploi du terme d'employeur constitue la preuve que cet apprenti junior doit dépendre du droit du travail et donc du contrôle de l'inspection du travail. À quinze ans, l'apprenti n'est plus sous statut scolaire.
Le rapporteur a fait observer que la rédaction de l'amendement est ambiguë : s'il s'agit de prévoir une procédure de déclaration spécifique concernant la phase d'apprentissage confirmée, en tout état de cause, les garanties posées à l'article L. 117-5 du code du travail en matière de déclaration de l'employeur prévaudront. Il a cependant proposé que cette question soit réexaminée dans la perspective de la réunion que la commission tiendra en application de l'article 88 du Règlement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.
La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.
Article 2 : Modifications du code du travail nécessaires à la mise en œuvre de l'apprentissage junior
La commission a examiné un amendement de suppression de l'article présenté par M. Yves Durand.
M. Christian Paul a indiqué que cet amendement vise à supprimer le dispositif relatif au retour au collège, qui dans les faits sera plus exactement un aller simple sans retour et relève donc de la pure fiction.
M. Yves Durand a rappelé que la discussion de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école a donné lieu à un vaste débat autour du socle commun de connaissances et de compétences que doit acquérir chaque élève. La mission d'information créée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la définition des savoirs enseignés à l'école, que présidait M. Pierre-André Périssol, a également conclu à la nécessité d'un socle pluridisciplinaire de connaissances dispensé aux élèves jusqu'à l'age de seize ans. Or la possibilité d'une orientation vers l'apprentissage dès l'âge de quatorze ans met à mal cet objectif.
Écarter les jeunes de cet objectif au motif qu'ils ne sont pas capables d'acquérir ce socle, ainsi que le prévoit le présent projet, est donc en contradiction flagrante avec la loi pour l'avenir de l'école. Le groupe socialiste n'est pas hostile par principe à la culture professionnelle et technologique, mais encore faut-il que cette voie soit ouverte à tous et constitue un atout supplémentaire pour les élèves. Il est illusoire de demander aux élèves en difficulté d'acquérir à la fois le socle commun de connaissances et de compétences et le savoir professionnel.
M. Dominique Juillot a indiqué qu'il convient de ne pas considérer a priori l'entrée en apprentissage comme un échec, non plus qu'il ne faut analyser en terme d'échec l'absence de retour au collège, le cas échéant. Poursuivre dans la filière de l'apprentissage peut constituer une réussite et l'acquisition nécessaire du socle commun de connaissances peut parfaitement s'effectuer progressivement dans ce cadre.
M. Alain Néri a relevé que parler d'égalité des chances est une véritable hérésie au regard de la réalité pratique. La démarche pertinente consiste plutôt à mettre en place une égalisation des chances, ce qui revient à donner davantage à ceux qui sont défavorisés au départ. Il est par ailleurs nécessaire de prendre en compte le caractère pluriel de l'intelligence : celle-ci n'est pas seulement théorique, comme on a trop souvent tendance à le croire, mais aussi pratique. L'épanouissement de chacun passe par le développement de ces différentes formes d'intelligence au sein du système scolaire.
M. Christian Paul a souligné les aspects contradictoires de ce projet de loi, improvisé par le gouvernement à la suite de la crise sociale des banlieues. En réalité, ce projet vise à mettre en œuvre un nouveau cursus d'orientation de masse pour les élèves en échec scolaire et corrélativement une procédure d'élimination du collège - puisque le retour n'est à l'évidence pas possible. Au lieu de refonder l'éducation publique pour tous, ce texte fait le choix de mettre en place de nouvelles procédures d'éviction sans corde de rappel pour ces élèves.
M. Maxime Gremetz a demandé une suspension de séance afin que son groupe puisse étudier les amendements déposés par le gouvernement.
Le président Jean-Michel Dubernard a indiqué que le rythme d'examen des amendements depuis le début de la séance est tel que seul un article sur les vingt-huit que compte le projet a été examiné. Dans ces conditions, et dans la mesure où le rapporteur ne peut être disponible demain puisqu'il procède à de nombreuses auditions, il n'est pas possible de suspendre les travaux de la commission alors que seuls 8 amendements sur 57 ont été examinés.
M. Yves Durand a rappelé l'importance que revêt le dispositif de l'article 1er du projet et la nécessité d'en débattre sereinement. Le groupe socialiste tient actuellement une réunion, afin d'arrêter une position sur les amendements déposés par le gouvernement sur ce texte, à laquelle les commissaires socialistes souhaitent également pouvoir participer.
M. Jean Le Garrec s'est déclaré en parfait accord sur le fond avec M. Christian Paul et a souligné que, dans la pratique, l'apprentissage continuera à s'adresser aux jeunes en situation d'échec scolaire. Quant à la forme, il est évident que le dépôt par le gouvernement d'amendements à la fois tardifs et conséquents contrevient aux remarques formulées à cet égard tant par le président de l'Assemblée nationale que par le Conseil constitutionnel. Il est en conséquence nécessaire de laisser du temps aux groupes politiques pour examiner ces amendements.
Le président Jean-Michel Dubernard a réitéré son refus de suspendre la séance en raison du retard déjà pris par la commission dans l'examen des amendements.
M. Francis Vercamer a proposé de prolonger le plus possible la séance afin de terminer l'examen des amendements et pouvoir participer ensuite au débat en séance publique, dans l'après-midi, sur le projet de loi portant engagement national pour le logement.
Mme Irène Tharin a contesté l'idée selon laquelle les dispositions de ce projet de loi ont été arrêtées dans l'urgence. Elle a rappelé que M. Jean-Pierre Raffarin lui a confié une mission sur la question de l'orientation alors qu'il était Premier ministre, en février 2005, et qu'elle a pu à cette occasion constater que le refus de faire entrer en apprentissage un élève qui ne connaît pas de difficultés scolaires peut émaner de l'enseignant, et ce contre l'avis des parents.
M. Christian Paul a rappelé que le débat porte non pas sur l'apprentissage en général, mais sur l'apprentissage dès l'âge de quatorze ans. En réponse à la décision du président Jean-Michel Dubernard de ne pas suspendre les travaux de la commission, contrairement à son engagement initial, le groupe socialiste effectuera une démarche officielle auprès du président de l'Assemblée nationale pour lui faire part des conditions de travail qui sont imposées aux commissaires et interviendra en séance publique pour un rappel au Règlement.
M. Alain Néri s'est déclaré atterré par la façon dont se déroule ce débat, pourtant fondamental pour l'avenir des jeunes de ce pays. Le gouvernement et sa majorité tentent un passage en force afin de faire adopter à la sauvette des amendements que la représentation nationale n'a pu étudier sérieusement. Le travail en commission ne peut pas s'effectuer dans des conditions normales et cela aura bien entendu des conséquences sur le débat en séance publique.
Le président Jean-Michel Dubernard a indiqué que la durée moyenne d'examen d'un amendement par la commission depuis ce matin est de vingt minutes, ce qui peut difficilement passer pour du travail bâclé.
La commission a rejeté l'amendement.
Après que M. Maxime Gremetz a quitté la salle en indiquant se rendre chez le président de l'Assemblée nationale pour lui faire part des mauvaises conditions dans lesquelles le texte est examiné, la commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle du rapporteur.
La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.
Article 3 : Crédit d'impôt au profit des entreprises employant des apprentis juniors
Après que les commissaires membres du groupe socialiste, à l'exception de M. Alain Néri, ont quitté la salle de la commission pour protester contre les conditions d'examen du projet de loi, la commission a examiné un amendement de suppression de l'article de M. Yves Durand.
M. Alain Néri a indiqué que cet amendement s'inscrit dans le prolongement de l'amendement de suppression de l'article 1er sur lequel un débat a déjà eu lieu.
Après que le rapporteur a émis un avis défavorable, la commission a rejeté l'amendement.
La commission a adopté l'article 3 sans modification.
Article additionnel après l'article 3 : Missions du fonds unique de péréquation des fonds de la formation professionnelle continue
La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à ce que les crédits du fonds unique de péréquation des fonds de la formation professionnelle (FUP) puissent servir au financement des politiques menées pour la formation professionnelle, notamment en faveur des demandeurs d'emploi non indemnisés.
Article additionnel après l'article 3 : « Contrat première embauche »
La commission a examiné l'amendement n° 3 du gouvernement instituant le « contrat première embauche ».
Le rapporteur a rappelé les caractéristiques principales de ce nouveau contrat de travail. Il s'agit d'un contrat à durée indéterminée (CDI) s'adressant aux jeunes de moins de 26 ans et comportant une période de consolidation de deux ans au cours desquels chacune des parties peut rompre unilatéralement le contrat, dans le respect toutefois des mesures caractérisant l'ordre public social (interdiction de discrimination, etc.).
Le contrat première embauche offre également un certain nombre de garanties supplémentaires par rapport au droit commun. Ainsi, les personnes signant un tel contrat verront leur préavis croître en fonction de l'ancienneté, disposeront de droits à la formation et au logement renforcés avec la possibilité de mobilisation du droit individuel à la formation (DIF) dès la fin d'un délai d'un mois à compter de la signature du contrat et auront la possibilité de recourir à une caution pour accéder à un logement. En cas de rupture du contrat et de chômage, les salariés ne justifiant pas de droits suffisants pour bénéficier de l'assurance chômage bénéficieront d'une indemnisation à hauteur de 16,40 euros par jour pendant deux mois. La rupture à l'initiative de l'employeur pendant la période de consolidation ouvre droit pour le salarié à une indemnité de 8 % du montant total de la rémunération, à laquelle s'ajoute une contribution de l'employeur égale à 2 % destinée à financer des actions d'accompagnement renforcé du salarié en faveur de son retour à l'emploi. Ce contrat constitue une opportunité supplémentaire pour les 16-25 ans de trouver un emploi.
M. Francis Vercamer a déclaré que le groupe UDF est totalement opposé à cette disposition. D'une part, la méthode retenue par le gouvernement pour l'introduire dans le projet de loi, par voie d'amendement, est plus que contestable pour une disposition de cette importance. D'autre part, sur le fond, il y a une évidente contradiction à affirmer vouloir favoriser l'égalité des chances quand dans le même temps on précarise l'emploi. En réalité, le contrat première embauche n'a d'autre but que d'alléger les contraintes de l'employeur. Autre contradiction, on ne peut pas à la fois dénoncer la lourdeur et la complexité du code du travail et, dans le même temps, y introduire un nouveau type de contrat de travail, dérogatoire, lequel, de surcroît, introduit une « discrimination négative » en réduisant les droits des jeunes.
Pour sa part, M. Alain Néri a souligné le caractère stupéfiant de l'amendement, en parfaite contradiction avec la jurisprudence que vient de réaffirmer récemment le Conseil constitutionnel. Un « cavalier » lourd et pesant de cinq pages, tel est cet amendement qui constitue pratiquement à lui seul un projet de loi et qu'il n'est donc pas raisonnable d'insérer dans le texte soumis à la commission. À lui seul et par l'examen attentif qu'il nécessite, cet amendement justifiait la suspension de séance réclamée par les commissaires membres des groupes socialiste et communistes et républicains et qui leur a pourtant été refusée. Sur le fond également, l'inconstitutionnalité de l'amendement semble avérée, tant celui-ci remet en cause l'égalité des droits consacrée par la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Par ailleurs, sur le plan politique, comment est-il possible de dénoncer d'un côté les discriminations, quand c'est pour les institutionnaliser par ailleurs ? Assurément, cette disposition, à laquelle le groupe socialiste est opposé, mérite un large débat en séance publique.
M. Michel Heinrich a souhaité la confirmation du rapporteur sur le fait que seules les entreprises de plus de vingt salariés sont concernées par la disposition.
M. Bernard Perrut a ensuite rappelé quelques données chiffrées. Plus de 20 % des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage, soit un taux plus de deux fois supérieur à la moyenne de la population active. Ce taux double pour les jeunes non qualifiés. Enfin, 60 % des jeunes qui travaillent sont embauchés sous contrat à durée déterminée (CDD) et la moitié d'entre eux voit leur contrat rompu au bout d'un mois. Telle est la réalité ! Dans ces conditions, la mesure proposée par le gouvernement, même s'il est aujourd'hui difficile d'en mesurer l'impact, ne peut qu'aller dans le bon sens. Des points positifs sont d'ores et déjà à mettre en exergue. La prise en compte des périodes de stages et d'alternance dans le contrat ou les modalités du droit à l'indemnisation chômage constituent des garanties nouvelles offertes au salarié jeune. Plutôt que de critiquer la disposition, il conviendrait d'en saluer les éléments positifs. Les exemples étrangers montrent qu'en ce domaine, il n'y a pas de fatalité.
M. Dominique Juillot a fait part de son enthousiasme pour le contrat première embauche. L'expérience acquise sur le terrain montre qu'il s'agit d'une formidable opportunité pour les jeunes à la recherche d'un emploi. S'agissant des critiques, où est la précarisation quand aujourd'hui les jeunes, pour ceux qui ont un emploi, sont majoritairement en contrat à durée déterminée ? Où est la discrimination quand le seul avantage pour l'employeur consiste en une exonération de charges prévalant déjà pour de nombreux contrats aidés ? De ce point de vue, les contrats tels ceux que vient de mettre en place la région Bourgogne, et qui consistent en des emplois « gratuits » pour une période de huit mois, constituent bien plus que le contrat première embauche des mesures discriminantes. En réalité, il ne s'agit de rien d'autre que d'introduire un peu de souplesse dans le code du travail.
M. Jean Ueberschlag a également souligné le pragmatisme dont témoigne l'amendement. En cette matière, il convient de mettre l'idéologie sous le boisseau. L'expérience montre en effet que le contrat à durée indéterminée (CDI) n'en est en vérité plus un puisqu'il n'empêche pas les licenciements. Dès lors, le contrat première embauche ne sera pas plus précaire qu'un CDI qui n'est plus un passeport pour l'emploi. D'autre part, il est vrai que ce contrat institue une discrimination. Mais des discriminations existent déjà à tous les niveaux dans le droit français, notamment en matière fiscale. De plus, dans la mesure où la discrimination apporte un correctif à une situation d'inégalité, elle s'avère nécessaire, sauf à établir un constat de carence. L'amendement ne constitue donc en rien un « cavalier » puisque, même si sa rédaction est peut-être perfectible, son objet est précisément de promouvoir l'égalité des chances.
Mme Pascale Gruny a déclaré que son expérience dans l'entreprise lui a montré que le premier frein à l'embauche réside moins dans le coût que représente un salarié que dans la crainte de l'employeur de ne pas pouvoir se séparer de ce dernier dans le cas où il ne conviendrait pas au poste ou en cas de baisse de l'activité de la société. De ce point de vue, le contrat première embauche répond bien aux interrogations des entrepreneurs.
M. Francis Vercamer s'est interrogé sur l'emplacement de la disposition dans le texte, estimant que sa place serait plutôt dans la section 2 du titre Ier du projet de loi relative à l'emploi des jeunes.
M. Alain Néri a déclaré que les différentes interventions ont levé tous les doutes qu'il pouvait encore nourrir à l'égard des intentions du gouvernement et de sa majorité. Ainsi, il n'y aura plus aucune illusion sur la réalité du contrat à durée indéterminée. Mais les jeunes, et ils vont bientôt le démontrer, sont vent debout contre le contrat première embauche et la flexibilité accrue qu'il introduit dans le code du travail. L'objectif inavoué du gouvernement est bien de mettre un terme au contrat à durée indéterminée. La preuve : il n'est pas besoin de deux ans, période d'essai prévue par le nouveau contrat, pour se rendre compte des compétences du salarié et de leur compatibilité ou non avec le poste qu'il occupe. En réalité, il s'agit de mettre un terme aux contrats pérennes et de briser les solidarités d'entreprise. Le groupe socialiste est contre cette disposition.
Après que le rapporteur a répondu à M. Francis Vercamer en lui indiquant que sa remarque est tout à fait justifiée puis à M. Michel Heinrich en lui précisant qu'en deçà d'un effectif de vingt salariés les entreprises entrent dans le champ d'application du contrat nouvelles embauches, la commission a adopté l'amendement n° 3 du gouvernement.
Puis la commission a examiné l'amendement n° 2 du gouvernement instituant une indemnisation des stages en entreprise d'une durée supérieure à trois mois. Le rapporteur a présenté un sous-amendement de précision visant à garantir l'effectivité du dispositif proposé en cas d'absence de convention de branche ou d'accord professionnel étendu.
La commission a adopté le sous-amendement et l'amendement ainsi sous-amendé.
Article 4 : Procédure de prise en charge financière des formations du contrat de professionnalisation par les OPCA
La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à assouplir la procédure préalable à la prise en charge financière des formations dans le cadre des contrats de professionnalisation par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), de manière à éviter tout blocage dans cette procédure, conformément à l'esprit de l'article 4.
La commission a ensuite adopté l'article 4 ainsi modifié.
Article additionnel après l'article 4 : Modulation du taux de la taxe d'apprentissage pour favoriser l'alternance
La commission a examiné l'amendement n° 1 du gouvernement visant à augmenter, dans certains cas, la taxe d'apprentissage.
Le rapporteur a indiqué que la charge de l'apprentissage est très majoritairement supportée par les petites entreprises. Afin d'inciter les grandes entreprises à s'engager elles aussi dans cette voie, l'amendement introduit donc un système de bonus-malus alourdissant la taxe d'apprentissage pour les entreprises de 250 salariés et plus qui ne rempliraient pas certains objectifs en termes de signature de contrats d'apprentissage et de professionnalisation. Les marges de progression sont bien réelles si l'on observe par exemple que l'apprentissage représente 6 % de la masse salariale en Allemagne.
La commission a adopté l'amendement n° 1 du gouvernement.
Après l'article 4
La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer visant à instituer le recours obligatoire au curriculum vitae (CV) anonyme pour les procédures d'embauche dans les entreprises de plus de 250 salariés.
Le rapporteur a invité M. Francis Vercamer à relire les conclusions du rapport établi par M. Roger Fauroux sur le sujet, qui démontre que les effets bénéfiques pour lutter contre les discriminations à l'embauche sont bien plus à attendre d'une pratique volontaire que d'une réglementation contraignante. En revanche, il s'est déclaré favorable à l'amendement de M. Francis Vercamer relatif aux maisons de l'emploi, sur un sujet voisin, qui sera examiné plus tard.
M. Francis Vercamer a estimé que s'en remettre au volontariat pour l'utilisation du CV anonyme revient à renforcer la discrimination puisque n'y auront recours que ceux qui se savent l'objet de discriminations.
Après que le rapporteur a précisé que la faculté de recourir ou non au CV anonyme appartient évidemment à l'entreprise et non au demandeur d'emploi, la commission a rejeté l'amendement.
M. Francis Vercamer a ensuite retiré un amendement relatif aux modalités du travail à temps partiel, estimant sa rédaction en l'état imparfaite.
Puis la commission, suivant l'avis défavorable du rapporteur motivé par les mêmes raisons que celles précédemment évoquées, a rejeté un amendement de M. Francis Vercamer visant à organiser à l'attention des personnels en charge des recrutements des formations les sensibilisant au problème des discriminations à l'embauche.
La commission a ensuite examiné un amendement de M. Francis Vercamer visant à ce que les maisons de l'emploi sensibilisent les employeurs aux problèmes liés à la discrimination à l'embauche.
Le rapporteur a émis un avis favorable sur le fond mais a souhaité que la rédaction de l'amendement puisse être précisée, dans la perspective d'un réexamen par la commission lors de la réunion qu'elle tiendra en application de l'article 88 du Règlement.
En conséquence, M. Francis Vercamer a retiré l'amendement.
Puis, la commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer visant à ce que les salariés à temps partiel désireux de reprendre une activité à temps plein bénéficient d'une priorité pour l'attribution d'un emploi.
Le rapporteur a indiqué que l'amendement est satisfait par les dispositions du premier alinéa de l'article L. 212-4-9 du code du travail.
En conséquence, M. Francis Vercamer a retiré son amendement.
La commission a ensuite examiné un amendement de M. Francis Vercamer visant à favoriser la transmission du savoir des « seniors » vers les plus jeunes via des actions de valorisation de l'expérience professionnelle.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.
M. Alain Néri a estimé que les conditions dans lesquelles ont été examinés les amendements de M. Francis Vercamer témoignent de façon éloquente de l'absence de sérénité des travaux de la commission puisque, de son aveu même, il n'a pas eu le temps d'affiner la rédaction de ses amendements, ce qui oblige à renvoyer systématiquement leur examen lors de la réunion prévue au titre de l'article 88 du Règlement. Cela n'est pas satisfaisant et il conviendrait plutôt de donner aux commissaires davantage de temps pour préparer les séances de commission.
La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer visant à ce que les personnels coordonnateurs et formateurs des centres de formation d'apprentis d'établissements publics locaux d'enseignement soient salariés par ces établissements, dans le cadre d'un statut dont les modalités seraient déterminées par décret en Conseil d'État.
M. Francis Vercamer a rappelé qu'il a déjà soulevé ce problème alors que le rapporteur était ministre, lors de la discussion du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.
Le rapporteur a répondu que, compte tenu de la diversité des statuts des agents des centres de formation d'apprentis - statuts de droit public ou de droit privé, contrats à durée indéterminée ou vacations, ...- , l'amendement n'est pas opportun. Il est en particulier impossible de « sortir » des agents publics ou des personnels consulaires de leur statut. Cela ne serait pas respectueux de la diversité des cadres.
La commission a rejeté l'amendement.
La commission a ensuite examiné un amendement de M. Francis Vercamer visant à ce que le gouvernement dépose sur le bureau des assemblées un rapport sur l'opportunité de valoriser l'expérience et de favoriser la transmission du savoir des seniors dans les secteurs public et privé.
Le rapporteur a indiqué que cette question pourrait être utilement abordée dans le cadre de la discussion d'un prochain projet de loi relatif au travail des seniors.
M. Alain Néri a demandé s'il faut envisager de manière coordonnée les statuts de l'apprenti junior et du contrat senior, ce à quoi le rapporteur a répondu que le tuteur relève de l'Éducation nationale et que sa vocation est avant tout pédagogique. Cependant, des propositions intéressantes pourraient, il est vrai, être évoquées en matière de tutorat, notamment pour ce qui est des cas de cessation progressive d'activité.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.
Section 2
Emploi des jeunes
Article 5 : Accès prioritaire au Soutien à l'emploi des jeunes en entreprises (SEJE) au profit des jeunes issus des zones urbaines sensibles
La commission a examiné un amendement du rapporteur portant rédaction globale de l'article et proposant une nouvelle rédaction du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (SEJE).
Le rapporteur a précisé que l'amendement prévoit la possibilité de verser une prime à l'employeur pour les contrats signés avec des jeunes de seize à vingt-cinq ans dont le niveau de formation est inférieur à celui d'un diplôme de fin de second cycle long de l'enseignement général, technologique ou professionnel et des jeunes de seize à vingt-cinq ans résidant en zone urbaine sensible. Le montant de la prime peut être modulé en fonction du niveau de formation des bénéficiaires ainsi que, le cas échéant, de leur adhésion au contrat d'insertion dans la vie civile et de leur résidence dans une zone urbaine sensible. L'amendement propose également, conformément à la déclaration récente du Premier ministre, d'étendre momentanément l'accès à ce dispositif à l'ensemble des jeunes au chômage depuis plus de six mois à la date de cette déclaration. Cette mesure permettra de dynamiser la mise en œuvre du contrat première embauche.
La commission a adopté l'amendement et l'article 5 a été ainsi rédigé.
Un amendement rédactionnel de M. Francis Vercamer est devenu sans objet.
Section 3
Zones franches urbaines
Article 6 : Création de nouvelles zones franches urbaines (ZFU)
La commission a adopté l'article 6 sans modification.
Article 7 : Allègement d'impôt sur les bénéfices
La commission a adopté l'article 7 sans modification.
Article 8 : Investissements des grandes entreprises dans les ZFU
La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à étendre l'application du régime d'incitation à l'investissement dans les petites et moyennes entreprises situées dans les zones franches urbaines à l'ensemble de ces zones, quelle que soit la date de création de la zone.
La commission a ensuite adopté un amendement de coordination du rapporteur.
Puis la commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.
Article 9 : Exonérations de cotisations sociales patronales dans les ZFU
La commission a adopté l'article 9 sans modification.
Article 10 : Mise en œuvre de la clause locale d'embauche dans les nouvelles ZFU
La commission a adopté l'article 10 sans modification.
Article 11 : Prorogation et extension aux nouvelles ZFU de l'exonération de cotisations sociales personnelles
La commission a adopté l'article 11 sans modification.
Article 12 : Assouplissement de la procédure d'autorisation des implantations commerciales en ZFU
La commission a adopté l'article 12 sans modification.
Article 13 : Dispense d'autorisation pour les projets de multiplexes cinématographiques
La commission a adopté l'article 13 sans modification.
Article 14 : Dispense d'autorisation pour les projets d'équipement commercial d'une surface inférieure à 1500 m2 et l'établissement de certains établissements hôteliers
La commission a adopté l'article 14 sans modification.
Article 15 : Exonération de taxe d'aide au commerce et à l'artisanat
La commission a adopté l'article 15 sans modification.
TITRE II
MESURES RELATIVES À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ET À LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS
Section 1
Agence nationale pour la cohésion sociale
et l'égalité des chances
Article 16 : Création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances
La commission a examiné un amendement de suppression présenté par M. Yves Durand.
M. Michel Charzat a considéré que cet article est aussi insatisfaisant que dangereux. La création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances ne permettra pas de lutter contre les discriminations. En raison de la dilution des missions qu'elle entraîne et de l'amalgame auquel il est procédé entre illettrisme et immigration, cette mesure est inacceptable. Le champ des actions concernées est excessivement étendu, alors même que la création de l'agence conduit à supprimer des organismes qui ont fait leurs preuves, comme le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD). En outre, le rôle dévolu aux préfets dans la gestion des concours financiers de l'agence montre bien l'objectif : instrumentaliser les associations et les mettre sous tutelle. L'État se désengage et charge le secteur associatif, tout en lui imposant ses méthodes et en diminuant les subventions. Il y a aussi un risque de morcellement de l'action de l'État et de rupture de l'égalité de traitement.
S'agissant de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, ce texte ne lui donne pas tout le rôle qu'elle pourrait jouer en matière de prévention : elle reste cantonnée à une intervention a posteriori.
M. Yves Durand a insisté sur la suppression de dispositifs existants et efficaces, particulièrement l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, dont les responsables ont exprimé la plus vive inquiétude quant à la possibilité d'atteindre leurs objectifs grâce aux nouvelles structures. L'agence a effectué un travail remarquable sur un sujet majeur et l'ancien ministre chargé de l'Éducation nationale, M. Luc Ferry, l'avait d'ailleurs souligné. En la matière une structure ad hoc est indispensable. Or le dispositif proposé noie les structures. De plus, la tutelle du ministère de l'intérieur est inopportune. Enfin il ne fait pas de doute que les associations seront bien mises sous tutelle. En bref, le gouvernement cède à la facilité d'un effet d'affichage, et n'a pas pris la mesure de la gravité des problèmes.
Le rapporteur a en premier lieu précisé que l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme n'est pas concernée par le projet de loi, qui ne la mentionne ni dans son dispositif, ni dans son exposé des motifs ; il en est de même de la délégation interministérielle à la ville. S'agissant du FASILD, une réforme est nécessaire du fait de la création de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM), qui doit reprendre certaines de ses missions. Plus généralement, le FASILD a été l'objet d'observations critiques, notamment de la Cour des comptes ; il faut accroître la performance de la structure, qui s'inscrira désormais dans une démarche générale de prévention.
La situation de nos quartiers justifie que l'on crée en quelque sorte le pendant humain de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) : on ne peut pas se contenter de construire et réhabiliter des logements.
Quant au mode de financement des associations, l'inscription dans la loi du principe de conventions pluriannuelles répond précisément à une de leurs demandes les plus fortes.
M. Yves Durand a demandé au rapporteur s'il pourra confirmer à la responsable de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, qu'il reçoit demain, que cette structure et ses moyens seront préservés, ce à quoi le rapporteur a répondu que le projet ne supprime pas l'agence.
La commission a rejeté l'amendement.
La commission a rejeté un amendement présenté par M. Francis Vercamer visant à ce que la nouvelle agence ait notamment pour mission la prise en compte des personnes rencontrant des difficultés d'accès aux droits fondamentaux, le rapporteur ayant estimé que la définition des missions de l'agence est déjà complète.
M. Francis Vercamer a présenté un amendement visant à ce que le président du conseil d'administration de l'agence soit le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, expliquant qu'il convient d'éviter que l'agence soit placée sous la tutelle d'un autre ministère.
Le rapporteur a observé que la présidence d'un établissement public est sans incidence sur le ministère de tutelle et qu'il n'est pas habituel d'attribuer à un ministre la présidence d'un conseil d'administration où sont représentés de nombreux acteurs sociaux.
La commission a rejeté l'amendement.
La commission a rejeté un amendement présenté par M. Francis Vercamer proposant que l'échelon d'organisation de la nouvelle agence soit celui de la région, le rapporteur, soutenu par M. Alain Néri, ayant considéré que l'échelon départemental est plus adapté au regard des missions de l'établissement.
La commission a rejeté un amendement présenté par M. Francis Vercamer supprimant la mention de contributions des organismes de la sécurité sociale au financement des actions de l'agence, le rapporteur ayant fait valoir que de telles contributions ont existé pour le FASILD et qu'en tout état de cause, le projet de loi les inscrit comme une faculté, non comme une obligation.
La commission a adopté l'article 16 sans modification.
Article 17 : Substitution de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances au Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté un amendement de suppression de l'article présenté par M. Alain Néri.
La commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.
Puis elle a adopté l'article 17 ainsi modifié.
Article 18 : Coordination
La commission a examiné un amendement de suppression de l'article de M. Yves Durand.
M. Alain Néri a précisé que l'amendement a pour objet de préserver l'existence du FASILD et de ses missions, en évitant de le noyer dans une structure trop large.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.
La commission a adopté l'article 18 sans modification.
Section 2
Renforcement des pouvoirs de sanction de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité
Article 19 : Sanctions pécuniaires prononcées par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE)
La commission a adopté cinq amendements du rapporteur : le premier visant à inscrire dans la loi les garanties habituelles en matière de droits de la défense ; le deuxième fixant un délai de prescription ; le troisième de nature rédactionnelle ; le quatrième organisant la transmission de pièces entre les juridictions pénales et la Haute autorité ; le cinquième de nature rédactionnelle.
Puis la commission a adopté l'article 19 ainsi modifié.
Article 20 : Recommandations de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité à l'encontre des personnes soumises à un régime d'agrément ou d'autorisation
La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à étendre au-delà des activités soumises à agrément ou autorisation la prérogative de recommandation instituée par le présent article au bénéfice de la HALDE.
Le rapporteur a précisé qu'il s'agit de prendre en compte les activités soumises à un régime de déclaration, voire celles qui en sont dispensées, mais restent assujetties à un régime de contrôle administratif spécial.
La commission a adopté l'amendement, rendant sans objet un amendement rédactionnel de M. Francis Vercamer.
Puis la commission a adopté l'article 20 ainsi modifié.
Article 21 : Reconnaissance du recours à la pratique des tests comme mode de preuve au pénal
La commission a adopté l'article 21 sans modification.
Article 22 : Application outre-mer des dispositions relatives à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et au testing
La commission a adopté l'article 22 sans modification.
Section 3
Actions en faveur de la cohésion sociale et lutte contre les discriminations dans le domaine audiovisuel
Article 23 : Actions de cohésion sociale et lutte contre les discriminations
à la télévision et à la radio
La commission a adopté l'article 23 sans modification.
TITRE III
CONTRAT DE RESPONSABILITÉ PARENTALE
Article 24 : Définition du contrat de responsabilité parentale
M. Yves Durand a présenté un amendement de suppression de cet article instituant un contrat de responsabilité parentale. Il ne s'agit pas de mettre en cause le rôle majeur des parents dans la construction d'une forme de co-éducation entre les enseignants et les familles. La famille fait partie des acteurs éducatifs, comme l'école ; rien n'est possible sans une alliance entre les parents et l'école. Mais ouvrir la possibilité de suspendre les allocations familiales pour les raisons évoquées - absentéisme, troubles pédagogiques liés à une carence parentale, ...- cela n'est pas de la responsabilisation.
On peut prendre l'exemple des situations d'échec scolaire. Il suffit de fréquenter les réunions organisées entre les parents et les professeurs pour constater qu'on n'y trouve pas les parents des jeunes qui posent le plus de difficultés. Et ce, non parce que les parents se désintéressent de leurs enfants, mais parce qu'ils ont tellement intégré l'échec de leur enfant qu'ils ne voient pas la nécessité de cette démarche. Ces situations d'échec sont nombreuses, comme en attestent les publications annuelles de l'Éducation nationale sur « l'état de l'école ». Ces parents ont à ce point intégré cette situation d'échec qui se perpétue dès la petite enfance, pour perdurer au collège, qu'ils en ont honte et se sentent rejetés du système. Une telle attitude caractérise la majeure partie des parents dont les enfants rencontrent des difficultés scolaires et il est illusoire de penser qu'il est possible avec cet article de régler cette situation.
L'argument selon lequel cette mesure serait de bon sens est non avenu. Au contraire, il s'agit d'une mauvaise mesure, au demeurant très dangereuse. Le désaccord porte sur le fond - ainsi qu'en témoignent les réactions de l'ensemble des associations de parents d'élèves ou d'enseignants. Le contrat de responsabilité parentale ne fera que culpabiliser encore un peu plus des parents déjà stigmatisés par leur précarité sociale.
En outre, s'agissant de la forme, de nombreuses questions restent ouvertes. Qui va déterminer les cas d'enclenchement de la procédure ? Comment sera appréciée la carence de l'autorité parentale ? Quel sera exactement le rôle du président du Conseil général en cette matière ? Qui va déterminer et sur quelle base ce qu'est le trouble éducatif dû à une carence éducative ? Évoquant son expérience de professeur d'histoire, M. Yves Durand a cité l'exemple d'un élève qui n'apporterait pas ses livres en cours trois ou quatre fois d'affilée et a pointé la difficulté à déterminer des critères pour caractériser les situations où ces mesures pourraient être appliquées.
Il semble bien que cette disposition soit avant tout destinée à faire plaisir aux plus conservateurs. Pourtant, le problème est ailleurs : comment faire revenir les parents des enfants en difficulté à l'école ? Certainement pas en les culpabilisant.
Autre difficulté : quelle est la part des allocations familiales qui donnera lieu à suspension dans le cas d'une famille nombreuse au sein de laquelle un enfant seulement a des difficultés ? Il est des cas dans lesquels ces difficultés se résolvent grâce à une forme de solidarité familiale, d'entraide entre frères et sœurs. Mais précisément, dans ces situations, la suspension des allocations pénaliserait l'ensemble des intéressés et conduirait, au final, à empêcher la résolution de ces problèmes.
En conclusion, il faut redire que cette mesure prise à la va vite, qui émaille les discours les plus réactionnaires depuis des années, est non seulement une mauvaise mesure, mais une mesure dangereuse.
M. Alain Néri a fait observer que l'éducation est un tout. La base de l'éducation, c'est la famille, les enseignants, l'environnement d'un quartier ou d'un village ; c'est du moins ainsi qu'il en allait il n'y a pas si longtemps. Il s'agit aujourd'hui de recréer des conditions propices à la mobilisation de l'ensemble des partenaires éducatifs. L'Éducation nationale ne doit pas être la seule institution chargée de l'intégration sociale des jeunes.
Les enfants n'ont pas des difficultés causées par des éléments « génétiques » : l'influence du milieu est primordiale, aux plans sociologique, éducatif ou culturel. Priver de moyens les personnes qui disposent déjà de peu de moyens, cela conduit en fait à renforcer la discrimination et l'exclusion.
De nombreux exemples montrent que des difficultés dans la famille d'un enfant peuvent être à l'origine de la dégradation de sa situation scolaire. Y ajouter des difficultés d'ordre matériel n'aiderait pas. C'est la raison pour laquelle il faut absolument supprimer cet article.
Une autre question se pose : pourquoi avoir choisi le conseil général pour mettre en œuvre une telle procédure ? Les effets d'annonce sont aisés. L'essentiel est ailleurs : il faut avoir du bon sens et recréer un climat global de confiance, ce à quoi contribuera pas une sanction financière.
M. Christian Paul a fait part de son intérêt mais aussi de son accablement après avoir entendu ces témoignages, témoignages révélant eux un vrai bon sens. La mise en place de ce nouveau contrat s'apparente à l'évidence à l'établissement d'une nouvelle procédure d'exclusion, à l'image du récent contrat de réussite éducative. De fait, ces dispositifs ne sont qu'en apparence contractuels.
En outre, s'est-on interrogé sur la réaction, à l'annonce de cette mesure, des conseils généraux ? Ont-ils seulement été consultés ? Avec cette mesure, le gouvernement assure le service après-vente législatif d'annonces précipitées, alors même que ce gouvernement avait du temps devant lui. Enfin, comment ne pas évoquer l'inspiration réactionnaire de cet article ? Le rapporteur sera sans aucun doute gêné pour défendre ce dispositif.
Le président Jean-Michel Dubernard a salué la finesse psychologique de M. Christian Paul.
M. Jean Bardet a souhaité rappeler qu'aujourd'hui, tout le monde s'accorde pour reconnaître l'importance et des gènes et du milieu socioculturel pour la réussite scolaire des jeunes. S'agissant de la suspension des allocations familiales, il a précisé que, n'appartenant pas aux rangs les plus conservateurs, il n'est pas très favorable à cette mesure. Etablir d'autres formes de contrôle serait préférable.
Mme Béatrice Vernaudon, évoquant son expérience d'assistante sociale, a rappelé que l'essentiel doit rester la réussite éducative de chaque enfant. Il est important que les écoles entretiennent de bonnes relations avec les familles. Ce doit être une culture que d'essayer, par tout moyen, d'associer les parents à la réussite de leurs enfants. Mais, aujourd'hui, en cas de carence de l'autorité parentale, il est fait appel au juge des enfants ou à des procédures d'assistance éducative en milieu ouvert : mécanismes loin d'être illégitimes mais longs et complexes à mettre en œuvre. Or le présent article propose une solution plus souple et constitue un outil supplémentaire, à l'image des programmes de réussite éducative auxquels de nombreux financements ont été consacrés dans le cadre de la politique de la ville.
Le président Jean-Michel Dubernard a estimé que le débat en commission prouve la nécessité d'un message nuancé sur ce dispositif.
Le rapporteur a souhaité revenir sur les modalités de ce contrat, en une perspective qui se veut également morale et politique. L'instrument créé avec cet article ne constitue pas l'outil premier, moins encore un outil obligatoire. D'ailleurs, il existe déjà depuis la loi de programmation pour la cohésion sociale d'autres dispositifs de réussite éducative. Il convient par cet article d'ouvrir une faculté au président du conseil général.
Concernant la question du déclenchement de la procédure, un amendement sera proposé pour associer à l'initiative du président du conseil général d'autres acteurs, par-delà les services sociaux de ce conseil : à savoir les chefs d'établissement, les maires, les caisses d'allocations familiales ou encore les préfets. En tout état de cause, confier au président du conseil général ces pouvoirs, c'est préférer à l'État une autorité déjà garante de la mise en œuvre des moyens consacrés à la protection de l'enfance.
Concernant les sanctions applicables, il est vrai que certaines questions se posent concernant notamment la saisine du procureur de la République. À cet égard, un amendement de clarification sera aussi déposé. Il conviendra que les services départementaux informent le parquet. Un autre amendement définira la teneur des échanges entre le président du conseil général et le parquet.
Pour ce qui est enfin des prestations sociales, il convient de se rappeler que certaines dispositions permettent d'ores et déjà au juge de procéder à une mise sous tutelle des prestations familiales. Surtout, il faut souligner qu'il s'agit d'un régime de suspension et non pas de suppression des allocations familiales : un tel mécanisme a pu exister par le passé mais a été abrogé.
Dans le cadre d'un certain nombre de principes clairement définis, il importe en tout état de cause de poursuivre la réflexion grâce aux échanges avec les membres du gouvernement et leurs services mais également aux auditions des personnes et organismes intéressés par la question.
Cet article doit être considéré comme apportant un outil nouveau à une collectivité qui dispose par ailleurs de moyens d'intervention sociale et éducative. Cet outil - sous la réserve des quelques amendements proposés - laisse une place à l'intervention des acteurs de terrain et aux maires. Dans les cas les plus graves, il reviendra à l'autorité judiciaire d'apprécier comment remédier à la défaillance des parents.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.
La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur visant à préciser les autorités qui peuvent saisir le président du conseil général pour lui demander qu'il soit proposé à telle ou telle famille de signer d'un contrat de responsabilité parentale.
La commission a adopté l'amendement.
La commission a examiné un amendement du rapporteur proposant que le président du conseil général puisse saisir le procureur s'il estime que le comportement du mineur doit être pénalement sanctionné ou si la carence manifeste de l'autorité parentale peut mettre en danger le mineur.
La commission a adopté cet amendement et l'article 24 ainsi modifié.
Article 25 : Suspension des prestations familiales
La commission a examiné un amendement de suppression de l'article présenté par M. Yves Durand.
M. Alain Néri a déclaré que la suspension des allocations familiales aboutit à précariser les familles en difficulté et à pénaliser les enfants. Il s'agit d'une mesure discriminatoire qu'il convient de supprimer.
Le rapporteur a rappelé que la mesure envisagée consiste à suspendre et non à supprimer les allocations familiales. Sur le fond cette disposition génère un double questionnement à la fois sur le contrôle des engagements éducatifs pris par les parents qui est confié au président du conseil général alors qu'il appartient au juge dans un certain nombre de cas voisins, et sur la légitimité de la CAF à mettre en oeuvre une décision émanant du président du conseil général. Les auditions permettront sans doute d'avancer dans la réflexion sur ces sujets qui méritent d'être juridiquement sécurisés.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté cet amendement.
La commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur ainsi que l'article 25 ainsi modifié.
TITRE IV
LUTTE CONTRE LES INCIVILITÉS
Article 26 : Élargissement des pouvoirs de constatation de la police municipale
La commission a adopté l'article 26 sans modification.
Article 27 : Procédures alternatives à l'encontre des auteurs d'actes d'incivilité
La commission a adopté l'article 27 sans modification.
Article 28 : Création du service civil volontaire
La commission a adopté l'article 28 sans modification.
Puis, la commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.
© Assemblée nationale