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Audition de Mme Brigitte Girardin, Ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie
Le Président Édouard Balladur a remercié Mme Brigitte Girardin, Ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, de sa présence devant la Commission des Affaires étrangères aux fins de présenter les crédits de la mission « Aide publique au développement ».
Mme Brigitte Girardin, Ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, a tout d’abord souligné que ce dernier budget de la législature 2002-2007, qui marquait une étape importante, incitait à une analyse rétrospective particulièrement utile en matière d’aide publique au développement. La période 2002-2007 a, en effet, coïncidé avec une très forte augmentation des efforts consentis en la matière. Ainsi, l’engagement pris en 2002 par le Président de la République de porter l’aide française de 0,3 % du revenu national brut en 2001 à 0,5 % en 2007 sera tenu. Cet objectif a été une préoccupation constante du Gouvernement depuis cinq ans. A cet égard, les chiffres sont éloquents puisqu’on est passé d’une aide totale de 4,7 milliards d’euros en 2001 à 9,2 milliards d’euros en 2007.
Bien entendu, ces montants ne font pas en totalité l’objet de crédits votés par le Parlement. Pour autant, la Ministre a manifesté le souci d’être transparente sur ce sujet. A la demande de la Commission, depuis l’an dernier, le ministère a réalisé un travail considérable d’élaboration de documents synthétiques établissant le lien entre les chiffres votés par le Parlement et ceux qui sont déclarés, en application de la méthodologie de l’OCDE, au titre de l’aide publique au développement. Encore approfondi cette année, ce travail montre que l’aide se décompose, schématiquement, en trois tiers : le premier relève de la mission « Aide publique au développement » ; un deuxième est voté dans le cadre d’autres missions budgétaires ; le dernier est constitué notamment d’allégements de dettes, de prêts de l’Agence française de développement (AFD) ou d’interventions des collectivités locales.
De 2002 à 2007, l’augmentation de l’aide française aura porté sur toutes ces composantes. Ainsi, l’aide au développement relevant du budget du ministère des Affaires étrangères sera passée de 1,7 milliard d’euros en 2002 à 2,5 milliards d’euros en 2007. C’est un effort particulièrement important, consenti alors même que le Gouvernement était engagé dans le redressement des finances publiques.
Surtout, au-delà de cette impulsion politique vigoureuse, on peut parler d’une véritable rupture de la politique française puisque, sous la législature précédente, l’aide française avait fortement diminué, passant de 0,47 % du PIB en 1996 à 0,31 % en 2001.
En outre, l’objectif de 0,5 % sera atteint en 2007 sans prendre en compte la contribution de solidarité sur les billets d’avion votée l’an dernier, qui rapportera 200 millions d’euros en 2007, entièrement affectés au secteur de la santé. Ainsi, ni Unitaid ni la Facilité financière internationale pour la vaccination, qui viennent toutes deux d’être lancées, ne sont comptabilisées dans l’effort de 9,2 milliards d’euros en 2007. L’article 42 du projet de loi de finances pour 2007 marque le soutien français à cette initiative de vaccination, qui permettra de sauver, dans un premier temps, la vie de 5 millions d’enfants d’ici 2015, puis, ultérieurement, celle de 5 millions d’adultes.
De nombreuses autres politiques publiques conduisent à des transferts en faveur des pays du Sud et ne sont pas comptabilisées dans l’aide, même si elles ont pu augmenter. Par exemple, les 110 millions d’euros supplémentaires qui seront attribués aux anciens combattants ressortissants de ces pays n’entrent pas dans les déclarations à l’OCDE.
Enfin, le Gouvernement ne compte pas non plus sur les allègements de dette pour augmenter l’aide en 2007, puisque qu’ils représenteront 2 milliards d’euros, soit 800 millions de moins qu’en 2006.
Ces engagements chiffrés placent la France en tête des pays européens par le volume de son aide et en tête du G8 par la part de la richesse nationale qui y est consacrée. Mais, bien entendu, au-delà des engagements chiffrés, le Gouvernement a également à cœur de rendre cette aide plus efficace. Le document de politique transversale rappelle que l’efficacité passe par deux objectifs fondamentaux, d’ailleurs indissociables de l’aide : mettre en œuvre les Objectifs du Millénaire adoptés par les Nations Unies, qui visent à réduire la pauvreté de moitié dans le monde d’ici 2015 ; promouvoir le développement à travers les idées et le savoir-faire français, car consacrer des sommes importantes à des dépenses réalisées en faveur de pays étrangers est bien un objectif d’influence.
La Ministre a souligné que la réforme du dispositif de coopération qu’elle avait présentée devant la Commission l’an passé, avait permis des progrès importants et attendus en matière de pilotage stratégique et de lisibilité de l’aide. La Ministre a ainsi signé, au cours de l’année écoulée, une vingtaine de documents-cadres de partenariat (DCP), qui constituent de véritables plans d’action conclus sur cinq ans entre la France et les pays qu’elle aide. Ces documents permettent de concentrer l’aide pour la rendre plus efficace et plus lisible. Ils permettent également de la rendre plus prévisible sur le moyen terme. Mais ceci doit se faire de manière souple. C’est pourquoi la Ministre a demandé aux ambassadeurs, qui sont en charge de la négociation et du suivi de l’application de ces DCP, d’en réaliser une revue annuelle. Elle se rendra elle-même en janvier 2007 au Cambodge pour examiner l’application du premier DCP signé il y a un an. Ces documents stratégiques signés définissent les projets sur lesquels la France et ses partenaires travailleront au cours des cinq prochaines années. Mais ils sont aussi l’instrument par lequel la France applique sa politique. Celle-ci allie en conséquence continuité et adaptation. C’est dans cet esprit qu’elle a été infléchie sur cinq aspects au cours de cette année 2006.
En premier lieu, les Objectifs du millénaire pour le développement restent le but principal de la politique française de développement. C’est pour les atteindre que l’accent a été mis, lors du dernier comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID) du 19 juin 2006, sur le concept de biens publics mondiaux, en établissant trois priorités : la lutte contre les maladies transmissibles, la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité. La perte de ces biens publics mondiaux toucherait, en effet, plus durement encore les pays les plus pauvres.
En deuxième lieu, le développement de ces pays est la seule solution à long terme au problème des migrations incontrôlées. C’est pourquoi le CICID de juin 2006 a établi un plan d’action détaillé en ce sens. Le co-développement constitue de ce point de vue une piste prometteuse, mais la maîtrise des flux migratoires doit surtout s’intégrer pleinement à l’ensemble des politiques de développement.
En troisième lieu, l’Afrique restera la priorité, concentrant les deux tiers de l’aide bilatérale française. Cette priorité s’explique non seulement par le fait que ce continent est celui qui a les besoins les plus grands puisqu’il risque d’être le seul à ne pas pouvoir atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement, mais également par sa proximité immédiate de l’Europe qui a tout intérêt, notamment pour lutter contre les migrations, à son succès. Ce succès doit se construire sur la base du secteur privé, pour lequel le dernier CICID a annoncé une initiative d’un milliard d’euros sur trois ans. C’est aussi pourquoi la France a été le seul pays à organiser en 2005, année de la microfinance, une grande conférence ouverte par le Président de la République et à laquelle ont participé les plus grandes personnalités du secteur, dont M. Mohammed Yunus, qui vient de recevoir le Prix Nobel de la paix. Tous ces efforts commencent à porter leurs fruits. Beaucoup l’ignorent, mais le taux de croissance économique du continent africain a sensiblement progressé au cours des dernières années, et il atteindra 5 à 6 % par an au cours de la période 2005-2007.
En quatrième lieu, le développement nécessite une amélioration de la gouvernance de ces pays. C’est la raison pour laquelle l’Union européenne a défini une stratégie en la matière, que celle établie par la Banque mondiale a été, pour sa part, examinée lors de la réunion qui s’est tenue à Singapour en septembre 2006 et que la France adoptera aussi une telle stratégie en décembre 2006, lors de la prochaine conférence d’orientation stratégique et de programmation ; cette instance, créée par le CICID, réunit l’ensemble des ministères autour du ministre chargé de la coopération.
Enfin, un effort particulier doit être réalisé en matière de santé. Les contributions multilatérales à ce secteur ont très sensiblement augmenté, passant de 50 millions d’euros entre 2000 et 2002 à 1,4 milliard d’euros entre 2006 et 2008. Il convient désormais que la France adapte sa politique bilatérale à cette nouvelle donne, ainsi qu’à la croissance du phénomène migratoire. On observe, en effet, une augmentation du nombre de migrants pour raison de santé. Parallèlement, il nous faut s’assurer qu’il y aura assez de médecins et d’infirmières pour administrer les traitements prescrits. Cela sera également fait à l’occasion de la conférence d’orientation stratégique de décembre 2006 à laquelle il vient d’être fait référence.
Ces orientations en matière de moyens et d’efficacité se déclinent dans le projet de budget pour 2007. Pris globalement, il reflète l’augmentation continue des moyens, qui dépassent pour la première fois les 3 milliards d’euros. L’augmentation d’environ 250 millions d’euros sur 2006 est en partie financée par des dividendes de l’AFD.
Ce budget marque aussi la continuité des efforts engagés en faveur des contributions multilatérales. La contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme est ainsi portée à 300 millions d’euros, tandis que celles en faveur des Nations Unies augmentent de 20 millions d’euros et celle réservée à l’Agence universitaire de la francophonie de 10 millions d’euros. Les apports à plusieurs institutions financières sont également maintenus à un niveau élevé : le Fonds africain de développement, dont la France est le premier contributeur en 2007 avec 114 millions d’euros ; le Fonds européen de développement, pour lequel 692 millions d’euros sont prévus, soit une quarantaine de millions de plus qu’en 2006 ; le Fonds pour l’environnement mondial, dont la France est le cinquième contributeur avec 36 millions d’euros en 2007.
Sur le plan bilatéral, les contributions aux contrats de désendettement et développement (C2D) augmentent de 84 millions d’euros, et les dons pour les projets du Fonds de solidarité prioritaire et de l’AFD de plus de 50 millions d’euros. Concernant ces dons, le choix a été fait de maintenir les autorisations d’engagements à 450 millions d’euros, niveau historiquement élevé qu’elles avaient atteint en 2006.
Au-delà, il est également prévu d’augmenter de plus de 200 millions d’euros le volume de décaissement de prêts. Ces prêts sont de nature très différente de ceux qui avaient été octroyés dans les années 1980 et 1990, qui ont conduit à des crises de surendettement. Les emprunteurs ne sont pas les mêmes : il s’agit essentiellement de pays à revenu intermédiaire comme ceux du Maghreb, ou d’entreprises publiques affichant un plan d’affaires rigoureux. Une vigilance très forte est également exercée, y compris dans un cadre multilatéral, pour s’assurer de la soutenabilité de la dette pays par pays.
Ainsi, avec au total plus de 300 millions d’euros d’aides supplémentaires aux projets de terrain, on observe les premiers effets de la politique volontariste que la Ministre avait présentée en 2005. L’augmentation de l’aide au développement a ainsi porté, dans un premier temps, en majorité sur des contributions multilatérales, dont les décaissements sont plus rapides. Dans le même temps, de nouveaux projets bilatéraux ont été lancés, qui commencent maintenant à faire l’objet de décaissements et de volumes accrus d’aide bilatérale.
Dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), les chefs de programmes sont responsables de la bonne gestion d’enveloppes fongibles. Ceci rend délicat l’annonce dès aujourd’hui, c’est-à-dire avant l’exercice de programmation détaillée de ces crédits, de chiffrages précis quant à l’affectation de cette forte augmentation de l’aide bilatérale. La Ministre a estimé néanmoins devoir faire part à la Commission des deux orientations fortes qu’elle compte donner.
La première consiste en un effort accru en faveur des organisations non gouvernementales (ONG). Le Président de la République s’est engagé à doubler entre 2004 et 2009 la part de l’aide passant par ces organisations. Il est, en effet, important pour la visibilité de la France d’encourager le renforcement du secteur associatif. Bien entendu, cette augmentation sera assortie d’une exigence forte quant à la qualité des projets et à leur adéquation avec la politique française. C’est pourquoi la Ministre souhaite un recours accru aux appels à propositions.
La deuxième orientation forte consiste à privilégier les actions de terrain des ambassades aux projets conçus depuis Paris.
Engagement constant depuis cinq ans sur l’augmentation des volumes de l’aide, adaptation permanente aux besoins de la politique de coopération, clarté et persévérance dans les objectifs : ce projet de budget est dans la continuité de ceux que le Parlement a adoptés depuis le début de la présente législature. Il marque une ambition nouvelle pour la coopération française.
Les engagements en matière d’augmentation de l’aide sont tenus, et l’appui du Parlement a été à cet égard décisif. C’est un signe fort de l’attachement de la France dans son ensemble à une forte générosité à l’égard des plus pauvres. C’est d’ailleurs ce que confirmait un récent sondage, selon lequel 61 % des Français considéraient qu’il fallait augmenter l’aide aux plus pauvres, même en présence de difficultés budgétaires.
La Ministre a formé le vœu que les orientations suivies depuis cinq ans donnent lieu à l’avenir à une véritable mobilisation consensuelle. La France s’est engagée avec ses partenaires européens à atteindre d’ici à 2012 l’objectif de 0,7 % du PIB consacré à l’aide au développement. Cela nécessitera d’augmenter chaque année cette aide de plus de 1 milliard d’euros supplémentaire. Ce n’est qu’avec la constance des politiques que l’on parviendra à des progrès réels pour le développement des pays du Sud, seul garant de la prospérité et de la sécurité collective sur la planète.
M. Jacques Godfrain, Rapporteur pour avis, a félicité la Ministre pour ce budget en augmentation et l’a remerciée pour sa disponibilité sans faille à l’égard des parlementaires, ainsi que pour la qualité d’une présentation dans laquelle elle a insisté à juste titre sur la lisibilité, la transparence et l’efficacité de l’action du Gouvernement en ce domaine.
En cette fin de législature et de mandat présidentiel, on peut affirmer que l’effort budgétaire de la France vers le Sud a été tout à fait considérable. Les chiffres sont éloquents. On trouve toujours des esprits chagrins qui les critiquent estimant que le budget est insuffisant. Évidemment les sommes engagées ne semblent jamais à la hauteur des attentes de l’opinion publique ou des pays bénéficiaires. Mais au-delà des chiffres dont il ne faut pas surévaluer l’importance, il faut souligner l’engagement politique et humain de la France pour l’aide aux pays les plus pauvres.
Des gestes forts ont été faits qui placent la France, au sein de la communauté internationale, parmi les pays qui ont marqué cette génération. On peut à ce titre mentionner le très important rapport de M. Jean-Pierre Landau, la contribution sur les billets d’avion, l’initiative en faveur de la vaccination ; au-delà des discours, l’attitude de la France est tangible et elle est saluée comme telle.
Humainement, on ne peut que constater l’engagement sans faille des Français en faveur des pays du Sud. En tant que président de l’association des Volontaires du progrès, créée il y a quarante ans au moment de l’indépendance des pays africains et à l’initiative du Général de Gaulle, le Rapporteur pour avis peut témoigner que des milliers de jeunes sont aujourd’hui candidats pour participer au développement des pays du Sud, dans des conditions parfois précaires, mais pour des missions toujours passionnantes. Il ne faudrait pas qu’apparaisse un décalage entre une opinion française aujourd’hui très éloignée des thèses défendues par Raymond Cartier il y a quarante ans, et dont la générosité se manifeste à tous les niveaux et une classe politique qui ne mesure pas toujours tous les enjeux de ces questions en termes humains, culturels, commerciaux, migratoires. Au sein d’un large éventail d’associations, depuis la Fédération Léo Lagrange jusqu’à la Délégation catholique pour la coopération, on trouve le même engagement qu’il faut saluer.
Interrogeant la Ministre, le Rapporteur pour avis a souhaité savoir quel bilan elle tirait, en cette fin de législature, de la réforme de la coopération et de l’aide au développement. L’administration qu’elle dirige est réputée dans les pays du Sud parce que ses personnels connaissent ces pays et qu’ils y sont appréciés. Mais d’autres structures s’occupent aussi de cette coopération, comme l’Agence française de développement. Il conviendrait de vérifier que ses opérateurs apparaissent bien comme agissant très clairement au nom de la France à l’étranger ; il est, en effet, fort troublant pour les habitants des pays bénéficiaires qui attendent une aide française de voir arriver, en lieu et place de médecins français, des praticiens de pays du Nord de l’Europe, par exemple, parce que leurs ONG ont remporté des appels d’offres lancés par l’AFD. Comment faire, dès lors, pour accroître la visibilité de la présence française sur le terrain ?
S’agissant de la dette, si la commission d’enquête dont certains avaient réclamé la création en 2005 n’a pas été constituée, le Rapporteur a souligné que son avis comporterait, cette année, un chapitre complet sur ce sujet. À ce propos, il serait intéressant que la Ministre indique quel est le stock de créances que détient la France vis-à-vis des pays en développement, qu’elle en donne le détail continent par continent et qu’elle précise les perspectives d’annulation au cours de la période qui correspondra à la prochaine législature.
M. Richard Cazenave a remercié la Ministre pour sa présentation qui montre que la France respecte les objectifs qu’elle s’était fixée en début de législature pour l’aide au développement. Il a insisté sur la nécessité de privilégier les actions de terrain. L’expérience des contrats de désendettement et de développement (C2D) montre que les plans de lutte contre la pauvreté qui ont été demandés en échange des annulations de dettes ont du mal à s’enraciner au plus profond des territoires, en particulier en Afrique ; l’expertise humaine y fait défaut pour mener à bien les projets là où la pauvreté est la plus grande.
De ce point de vue, si la Ministre a indiqué que le choix a été fait de privilégier les ONG et les ambassades dans la mise en œuvre de l’aide bilatérale, cela ne saurait dispenser d’une réflexion approfondie sur les capacités humaines qui peuvent être mobilisées sur le terrain, pour bâtir des projets de développement local. Les Volontaires du progrès sont une piste, mais d’autres peuvent se faire jour pour mettre en valeur le caractère humain de la coopération avec les pays du Sud.
Dans la mesure où 2,8 milliards de personnes dans le monde vivent en dessous du seuil de pauvreté – soit moins deux dollars par jour – et 1,3 milliard en dessous du seuil d’extrême pauvreté – soit moins d’un dollar par jour –, on évalue à 250 milliards de dollars par an les sommes nécessaires pour atteindre l’objectif du millénaire de réduire de moitié la pauvreté en 2015. Or aujourd’hui, l’aide au développement de tous les pays ne représente pas plus de 80 milliards de dollars. L’Europe se fixe aujourd’hui pour objectif celui qu’elle était censée atteindre il y a déjà plusieurs années. Des pays comme l’Italie ou l’Allemagne consacrent, pour le moment, seulement 0,2 % de leur RNB à l’aide au développement. Même si l’on atteint les objectifs européens et que la France pousse ses partenaires à aller vers 0,7 % du RNB, on sera encore bien loin de satisfaire tous les besoins, alors que l’on mesure aujourd’hui le défi que représente l’extrême pauvreté dont les effets se manifestent aux Canaries, en Sicile ou à Malte avec la venue massive de migrants. C’est une question d’importance européenne et mondiale. On peut se demander s’il existe aujourd’hui en Europe une véritable prise de conscience et un plan d’action.
Après avoir félicité la Ministre pour la qualité du budget qu’elle venait présenter à la Commission, M. Jean-Claude Guibal a souhaité savoir à quelles conditions pourrait effectivement être mis en œuvre un réel co-développement, idée généreuse qui est gage d’efficacité et qui répond à plusieurs objectifs. Il s’est interrogé ensuite sur les raisons qui justifiaient que l’Etat finance des ONG pour l’exécution d’une part de ce budget de l’aide publique au développement et comment il était possible de contrôler l’efficacité des moyens qui sont mis à leur disposition.
M. François Rochebloine a rappelé que la Ministre était également en charge de la francophonie, très peu évoquée dans son propos liminaire. De ce point de vue, il a souhaité appeler son attention sur les crédits de l’Agence de l’enseignement français à l’étranger (AEFE), qui demeurent inchangés depuis cinq ans, sans même avoir suivi les augmentations du coût de la vie, alors que le nombre d’élèves scolarisés a progressé de 10 % depuis quinze ans. Qui plus est, dans la mesure où 16 millions d’euros de crédits ont été gelés en 2006, l’annonce d’une augmentation de 8 millions en 2007 apparaît comme un trompe-l’œil. Faut-il considérer que l’AEFE, qui s’est vu transférer la charge des équipements, de la réhabilitation et de la construction des lycées, est victime de sa trop bonne gestion de ses crédits ? Pourtant, avec ces responsabilités nouvelles, elle peut se trouver en difficulté : si le gel était maintenu elle ne disposerait que de onze jours de fonds de roulement.
M. Michel Terrot s’est dit préoccupé à son tour par la lisibilité de l’action bilatérale, en évoquant le problème des interventions de l’AFD. On se rend compte, en Afrique, que la population a du mal à identifier les dossiers portés par l’AFD et oublie souvent que la France a contribué à la réalisation d’un projet. Il faut donc trouver un équilibre, peut-être en définissant un format minimum pour les actions sur le terrain.
Par ailleurs, s’étant rendu sur place durant l’été 2006, il a constaté que, pour des raisons historiques, la France était très peu présente en République démocratique du Congo, qui est pourtant, par sa taille, le premier pays francophone d’Afrique. Il connaît des difficultés depuis des années ; peut-être faudrait-il y faire davantage, d’autant que la comparaison est aisée avec d’autres pays comme le Cameroun, qui a bénéficié d’une annulation de sa dette et de moyens d’intervention considérables. Ne pourrait-on envisager, au moins dans le domaine de la francophonie, des actions plus fortes en direction de la République démocratique du Congo ?
Il a enfin rappelé qu’il avait saisi à plusieurs reprises les services du ministère de la situation de la congrégation des Clercs de Saint-Viateur qui, présente dans le Nord de la Côte-d’Ivoire malgré les troubles actuels, souhaite pouvoir continuer à y assurer l’enseignement du français ainsi que le fonctionnement d’un nombre très important de dispensaires. Cette congrégation est aujourd’hui la seule à le faire ; or elle éprouve, bien que son dossier soit soutenu par notre ambassade en Côte d’Ivoire, de grosses difficultés, faute d’une aide qui serait d’ailleurs fort modeste, de notre gouvernement. On a le sentiment qu’elle ne rencontrerait pas de telles difficultés si elle avait le statut d’une ONG. Ne serait-il pas possible de simplifier les règles de façon à pouvoir aussi aider des institutions si utiles ?
M. François Loncle a souligné que, sans contester sa volonté politique ni sa compétence, il ne partageait pas l’analyse faite par la Ministre, ni d’ailleurs celle du Rapporteur pour avis : l’augmentation de l’aide publique au développement relève davantage de l’effet d’affichage que d’une véritable progression des moyens. En effet, la part d’annulation des dettes est considérable dans ce budget ; elle représente 2 milliards d’euros, dont 500 millions en faveur de l’Irak. Elle inclut, en outre, dans ses prévisions deux annulations conditionnées à une évolution politique vers la paix et la démocratie, à hauteur de 660 millions d’euros en République démocratique du Congo et de 425 millions en Côte d’Ivoire. Les actions militaires extérieures sont également incluses pour partie dans l’aide publique au développement – par exemple à hauteur de 30 millions pour Djibouti – ainsi que les frais relatifs aux traitements des demandes d’asile. Le fait que l’AFD, qui est une institution financière, devienne l’instrument privilégié de l’aide publique au développement, pose également problème.
Les prêts prennent une place croissante. Ils sont dirigés de façon préférentielle vers les pays émergents comme le Nigeria, la Chine ou la Turquie, ce qui est une nouveauté. En contrepartie, les pays les moins avancés, en particulier ceux de l’Afrique subsaharienne, occupent une place moins importante qu’autrefois. Le Groupe socialiste considère que l’aide publique au développement doit au contraire être centrée sur les pays les moins avancés et que l’objectif de 0,7 % du RNB doit être compris comme une aide effective aux plus pauvres, mise au service de la lutte contre les inégalités. Améliorer la lisibilité de cette aide mériterait une vraie loi de programmation.
Enfin, ce budget ne tient pas compte, s’agissant des organisations internationales, en particulier de l’ONU, de l’engagement solennel qu’avait pris en 2005 le président Chirac dans une lettre au Secrétaire général, M. Kofi Annan. On peut donc parler d’un recul par rapport aux promesses qui avaient été faites.
La Ministre déléguée a remercié M. Jacques Godfrain d’avoir souligné à quel point l’opinion publique française s’intéressait à ces questions. C’est un grand encouragement, de savoir que les Français veulent que l’on fasse toujours plus et que l’on soit toujours plus efficace. Plusieurs sondages ont montré que l’aide au développement figurait parmi les principales préoccupations des Français, qui sont 83 % à considérer que la France doit jouer un rôle en la matière et 61 % qu’elle doit poursuivre un effort important, en dépit des difficultés budgétaires.
La réforme de la coopération a été menée de manière très pragmatique. Ainsi, la durée des documents cadres de partenariat a été portée de trois ans à cinq ans, afin de les rendre plus lisibles et de permettre une programmation plus efficace. On ressent, aussi bien dans les pays bénéficiaires de l’aide qu’auprès des intervenants français, une adhésion complète à cette réforme. Les premiers se réjouissent de l’amélioration de la méthode comme de la mise en œuvre concrète de la coopération. La volonté de définir ensemble, dans un accord de partenariat, quelle est la stratégie commune, quelles sont les grandes priorités sur lesquelles la France va concentrer 80 % de son aide, est très bien perçue. Pour leur part, les acteurs français apprécient la volonté de renforcer la coordination. Le fait de regrouper tout le monde dans les documents cadre de partenariat, autour d’une stratégie clairement négociée avec le pays bénéficiaire, emporte l’adhésion de tous : AFD, collectivités locales – qui font beaucoup en matière de coopération décentralisée mais qui ont travaillé bien seules ces dernières années –, ONG, entreprises.
Outre le fait qu’une revue en profondeur des effets de cette réforme aura lieu à mi-parcours, la Ministre a souhaité que, chaque année, les ambassadeurs, qui sont pilotes et coordonnateurs sur le terrain, mènent une évaluation conjointe avec les autorités locales en regardant précisément les projets qui fonctionnent et ceux qui sont en difficulté, pour procéder aux ajustements nécessaires. Cette réforme ne sera, en effet, efficace que si chacun a le souci de l’évaluer en permanence. Les Français demandent qu’on leur rende des comptes quant aux résultats et à l’efficacité d’une aide aussi importante.
Il est vrai, par ailleurs, que ces efforts ne sont pas toujours lisibles sur le terrain. La logique de la réforme est non seulement d’aller vers des regroupements, mais aussi de faire savoir que les ONG qui interviennent ont le soutien de la France, que les organes de l’ONU agissent grâce aux financements français, que la France participe à hauteur de 25 % au financement du Fonds européen de développement. Faire en sorte que l’ensemble de ses actions soit regroupé sous une même bannière est une préoccupation majeure du Gouvernement. C’est aussi le sens de la proposition du CICID qui a souhaité que soit adopté un logo unique pour toutes les actions financées par la France, quel que soit le canal qu’elles empruntent. Ce logo, qui devra apparaître à chaque fois que l’argent des contribuables français est engagé, sera présenté par la Ministre lors de la semaine de la solidarité internationale, au mois de novembre 2006.
En ce qui concerne l’annulation des dettes, il faut rappeler que la dette des pays en développement à l’égard de la France s’élève à 33 milliards d’euros, dont un peu moins de la moitié pour l’Afrique, l’Asie venant ensuite avec un peu plus de 6 milliards, suivie par les Amériques avec 2,2 milliards. Ces annulations pourraient contribuer à hauteur de 2,4 à 4,2 milliards d’euros à l’aide publique au développement pour la période 2008-2011. Elles proviendront en majeure partie de l’initiative PPTE, qui contribuera, pour sa part, à l’aide au développement à hauteur de 0,6 à 3,4 milliards d’euros, selon le rythme d’avancement des pays dans ce processus. Les hypothèses en matière d’allégement de dettes pour 2007 sont, quant à elles, tout à fait raisonnables puisqu’il est prévu l’an prochain un montant inférieur de 800 millions d’euros à celui de 2006, alors que l’aide augmentera globalement de 900 millions.
S’agissant des contributions de la France aux Nations Unies , le Président de la République a pris l’engagement de les porter, par paliers annuels de 20 millions d’euros, de 50 millions en 2004 à 110 millions en 2007 Cet engagement est respecté. Parmi ces 110 millions d’euros de 2007, 90 millions d’euros correspondront à des contributions non affectées et 20 millions d’euros à des contributions affectées aux projets des différentes agences de l’ONU.
La Ministre s’est déclarée très préoccupée par la question de l’expertise humaine qu’a évoquée M. Richard Cazenave. Dans le secteur de la santé, la France fait d’énormes efforts en faveur de la lutte contre le sida. Elle va ainsi consacrer des moyens importants à l’achat de médicaments antirétroviraux afin de mettre 6 millions de personnes sous traitement alors qu’il n’y en a qu’un million aujourd’hui. Mais la mise à disposition des médicaments ne suffit pas : si l’on n’a pas de personnel médical pour suivre les malades, on ne saurait atteindre cet objectif.
Il est vrai que les effectifs consacrés à l’assistance technique ont beaucoup diminué depuis vingt ans, parce que l’on a voulu réduire le recours à la « coopération-substitution » en essayant de former les gens sur place. Mais, pour la première fois en 2006, cette décrue a été stoppée et les effectifs stabilisés à 1 300 assistants techniques dans les pays pauvres. Une forte augmentation des volontaires est également prévue en 2007. Ils passeraient de 2 200 à 2 500. La piste des Volontaires du progrès est très intéressante, mais d’autres voies peuvent être explorées en ce qui concerne les ressources humaines, qui passent par le renforcement de la formation sur place mais aussi par l’utilisation des moyens modernes de communication pour faciliter la formation depuis la France, sans obliger les experts à se déplacer. Il convient aussi d’essayer de mettre à contribution la diaspora étrangère hautement qualifiée installée en France. Ce serait une réponse à la critique sur la fuite des cerveaux et des compétences. Les expatriés participeraient ainsi aux actions en direction de leur pays d’origine ou d’un autre pays en développement, sur le modèle de ce qui est fait avec le programme des chaires croisées entre universités. On observe aussi une évolution dans le domaine de l’assistance technique : il est de plus en plus difficile de trouver des experts acceptant de partir trois ans dans certains pays. C’est pourquoi il conviendrait sans doute de s’orienter davantage vers des missions de courte durée renouvelables, qui présenteraient, en outre, l’avantage d’être moins onéreuses. Là aussi, il faudrait se tourner vers la diaspora qualifiée en France. Cela paraît naturel quand on sait, par exemple, qu’il y a plus de médecins béninois en France qu’au Bénin. Pourquoi ne pas leur proposer de consacrer quelques semaines à une mission de courte durée dans un pays africain, sans que cela ne remette en cause leur installation en France ?
S’agissant des difficultés à atteindre les Objectifs du millénaire, il faut être réaliste : même quand tous les pays consacreront 0,7 % de leur revenu national brut à l’aide publique au développement, on sera loin d’avoir éradiqué la pauvreté. Si le Président de la République a pris des initiatives en matière de financement innovant du développement, c’est précisément pour répondre à cette préoccupation. Il a fait, depuis longtemps, le constat que l’aide publique au développement non seulement n’était pas suffisante mais qu’elle était trop liée aux aléas budgétaires. Une première expérience est menée avec la contribution de solidarité sur les billets d’avion, mais la France soutient aussi l’initiative britannique de facilité pour les vaccinations. Si, parmi les quarante propositions qui lui avaient été faites, le Président de la République a retenu la contribution de solidarité sur les billets d’avion, c’est parce que la croissance prévisible du trafic aérien permet de miser sur des recettes stables et prévisibles de l’ordre de 200 millions d’euros par an. Des ressources pérennes sont nécessaires car on ne peut placer les malades sous un traitement antirétroviral pour l’interrompre l’année suivante faute de financement. C’est bien à partir de ces sources de financement que l’on pourra bâtir de véritables stratégies de développement. À défaut, comment cela serait-il imaginable dans un continent comme l’Afrique, où 30 % de la population active de nombreux pays est touchée par le sida ? Le développement passe évidemment par l’éradication des grandes pandémies. La France est en train de convaincre un certain nombre de ses partenaires européens. Il semble qu’il y ait aujourd’hui une prise de conscience mondiale de la nécessité de ne pas limiter l’aide aux seules ressources budgétaires.
La Ministre a ensuite rappelé que le co-développement était une idée française, expérimentale, qui commence à intéresser les autres pays d’Europe. On ne peut pas lutter contre l’immigration clandestine, contre les grandes pandémies, contre le terrorisme, sans traiter les problèmes à la source. Pour régler la question des flux migratoires, il faut une approche globale et équilibrée. Pour sa part, la Ministre s’est déclarée convaincue que ce phénomène pouvait devenir positif, aussi bien pour le pays de départ que pour le pays d’accueil. Quand on parle d’immigration choisie, il ne faut pas oublier qu’elle suppose une émigration choisie dans le pays d’origine. Faute de prendre en considération ces deux aspects, on échouera. On ne saurait donc mener une politique d’immigration sans une politique de développement qui lui soit liée et il nous faut convaincre les pays africains de la volonté de notre pays de mener une politique équilibrée.
A ce propos, la Ministre a indiqué avoir donné instruction à tous les ambassadeurs concernés de déterminer avec précision quelles étaient les régions d’où les candidats à l’émigration étaient originaires dans leur pays. Les Maliens qui émigrent partent pour beaucoup de la région de Kayes, les Haïtiens qui arrivent en Guadeloupe viennent de la région de Nippes, les Comoriens qui se rendent à Mayotte partent d’Anjouan. Cette connaissance précise permet d’agir en amont par des actions de développement dans ces régions. Les projets de coopération doivent surtout être créateurs d’emplois, afin de fixer les populations, que ce soit par exemple dans les domaines agricole ou touristique. C’est ainsi que l’on dissuadera les populations de partir pour fuir la pauvreté.
Aujourd’hui, le co-développement doit consister à aider les populations locales à monter des micro-projets, avec l’aide de la microfinance et avec des formations adaptées. C’est ce qui a été fait récemment avec 300 Maliens, qui se sont investis dans de petits projets comme la culture maraîchère, l’artisanat, l’achat de taxis. Ces personnes sont non seulement rentrés chez elles dignement, mais elles ont aussi créé 700 emplois ; ce sont 700 candidats à l’émigration qui ont été dissuadés de quitter leur pays. Si l’on parvient à multiplier de telles opérations, à inciter les autres pays européens à suivre l’exemple français, on parviendra à mettre en avant une stratégie bénéfique pour tous.
On sait, par ailleurs, que les transferts financiers d’immigrants sont considérables puisqu’ils sont plus importants, au plan mondial, que l’aide publique au développement. Pour autant, ils ne sont investis qu’à hauteur de 10 % dans des projets productifs. Pour qu’ils participent au développement du pays d’origine, on peut agir sur deux fronts : d’une part s’efforcer de réduire le coût des transferts en essayant de réduire les monopoles existants, d’autre part encourager l’ouverture de comptes d’épargne pour les migrants, avec une incitation fiscale destinée à en orienter le contenu vers l’investissement productif dans le pays d’origine.
Le co-développement est une idée très prometteuse, qui a suscité un grand intérêt au sein du Conseil européen. La conférence de Rabat de juillet 2006, consacrée aux questions migratoires, a été la manifestation de cette prise de conscience : pour la première fois, on a vu ensemble des ministres de l’intérieur et des ministres en charge du développement s’attaquer à cette question. La Ministre a d’ailleurs indiqué avoir proposé que l’on s’en inspire, au premier semestre 2007, sous la présidence allemande de l’Union européenne, au sein d’un Conseil des Ministres.
Abordant la question du financement des ONG, la Ministre a constaté que l’Etat ne pouvait pas se passer de l’intervention de ces organisations qui font un travail de terrain, le plus proche possible des populations. Naturellement, il faut contrôler ce qu’elles font ; c’est d’ailleurs pourquoi leurs actions doivent s’inscrire dans les objectifs des documents cadres de partenariat.
Concernant la francophonie qui n’était pas dans le périmètre de la mission budgétaire « Aide publique au développement » qu’elle est venue présenter à la Commission, la Ministre a indiqué que les crédits de l’AEFE passeraient, en 2007, de 324 à 332 millions d’euros et qu’elle avait bon espoir d’obtenir le dégel des crédits antérieurs.
Évoquant la présence de la France en République démocratique du Congo, elle a observé que la France était particulièrement impliquée dans le processus électoral, que ses forces armées étaient mobilisées pour faciliter la transition démocratique sur laquelle reposent beaucoup d’espoirs. Un contrat de désendettement et de développement portant sur 20 millions d’euros en 2007 et sur 40 millions en 2008 a été prévu avec ce pays. On peut, en outre, espérer que Kinshasa accueillera un prochain sommet des chefs d’État des pays francophones. Les efforts en matière d’aide au développement ont peut-être été moins visibles dans ce pays qu’ailleurs en raison de la crise dans laquelle il a été plongé ces dernières années. Mais la France a l’intention de s’y engager très fortement, avec ses partenaires européens. La Ministre a fait savoir qu’elle comptait se rendre sur place avant la fin de 2006, après le deuxième tour des élections, en compagnie de son homologue allemande, qui est également très impliquée dans ce dossier.
S’agissant de la Côte-d’Ivoire, elle a rappelé qu’elle s’était rendue à onze reprises dans ce pays en moins d’un an pour délivrer à chaque fois un message d’espoir sur la coopération française. L’action de la France a toutefois dû être réduite pour des raisons de sécurité évidentes. Dans l’attente de pouvoir reprendre une action de grande ampleur en faveur de ce pays, la France s’efforce de maintenir des petites opérations qui touchent la population dans sa vie quotidienne. Elle a indiqué qu’elle examinerait précisément la situation du projet évoqué par M. Michel Terrot. La population ivoirienne est très reconnaissante à la France de sa présence et des nombreuses actions humanitaires que mène la force Licorne, dans le domaine de l’éducation, de la santé ou de l’apport en eau potable.
Le Président Édouard Balladur a remercié la Ministre pour la qualité de son exposé et des réponses qu’elle avait bien voulu apporter aux membres de la Commission.
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Examen pour avis des crédits de la mission « Aide publique au développement » pour 2007
Observant que Mme Brigitte Girardin, Ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, avait fait une présentation tout à fait exhaustive de l’effort consenti par la France en matière d’aide publique au développement, M. Jacques Godfrain, Rapporteur pour avis, a observé que le montant de cette aide en 2007 – 0,5 % du Revenu national brut – correspondait aux engagements pris par le Président de la République en 2002, ce qui est très satisfaisant. Notre pays se situe ainsi en première position au sein du G8 en termes de rapport entre l’aide publique au développement et le Revenu national brut. Il a indiqué que son rapport écrit contiendrait un chapitre détaillé sur la question de la dette des pays en développement qui a déjà suscité l’attention des membres de la Commission des Affaires étrangères. Pour la préparation de cette étude, plusieurs ONG ont été entendues par le Rapporteur qui a suggéré que l’on mette en place un groupe de suivi parlementaire pour la question de la dette et plus largement de l’aide publique au développement. En conclusion, il a invité les membres de la Commission à donner un avis favorable aux crédits de la mission « Aide publique au développement ».
Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement » pour 2007.
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Examen pour avis des crédits du programme « Développement des entreprises » de la mission « Développement et régulation économiques » pour 2007
Rappelant que l’avis budgétaire qu’il présente sur le commerce extérieur est le dernier de la présente législature, M. Jean-Paul Bacquet, Rapporteur pour avis, a déclaré que l’heure était au bilan de l’action que le Gouvernement a engagée en faveur du développement international des entreprises françaises.
Il a rappelé qu’au cours des trois premières années de la législature, les conclusions qu’il avait présentées avaient été adoptées à l’unanimité des membres de la Commission. Tel ne fut pas le cas, en 2005, année où il avait mis l’accent sur les évolutions préoccupantes de notre commerce extérieur dont les performances s’étaient alors nettement dégradées. Cette année, cette dégradation se confirmant, est plus que jamais nécessaire de sortir des discours lénifiants et aseptisés qui tentent de relativiser la gravité de la situation.
Le Rapporteur a estimé que certains ne manqueraient pas de juger son analyse alarmiste, voire provocatrice mais que d’autres apprécieraient que soient mises en lumière les faiblesses structurelles de notre commerce extérieur afin d’explorer, avec lucidité, les voies d’une amélioration de nos positions dans le commerce mondial. Les résultats de notre commerce extérieur peuvent, en effet, être lus et interprétés de manières très différentes. Ainsi, s’il n’a jamais été aussi dynamique, jamais, le déficit commercial n’a été, quant à lui, aussi élevé. Si le commerce mondial, avec une croissance de 7,5 %, n’a jamais eu d’effet d’entraînement aussi fort sur nos échanges, jamais le différentiel avec le rythme de progression de nos exportations n’a été aussi grand. Si nos ventes à l’étranger n’ont jamais été aussi performantes, jamais nos importations n’ont été aussi importantes. Nos échanges commerciaux n’ont jamais autant progressé, mais ils n’ont jamais enregistré un tel déficit avec nos voisins de la zone euro. Si les échanges français n’ont jamais été aussi orientés vers la conquête de marchés porteurs, jamais ces échanges n’ont affiché d’aussi mauvais résultats, avec nos partenaires traditionnels. Enfin, si les instruments, mis en place pour favoriser le développement international de nos entreprises, n’ont jamais été aussi ambitieux, jamais ces instruments n’ont été aussi méconnus des interlocuteurs rencontrés.
M. Jean-Paul Bacquet a néanmoins souhaité appeler l’attention sur quelques aspects saillants des évolutions en cours. En premier lieu, les moyens consacrés au commerce extérieur, dans le projet de budget pour 2007, ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées. A titre d’exemple, les deux tiers des crédits d’intervention de l’opérateur national, Ubifrance, destinés à la promotion des entreprises françaises, ont été obtenus par redéploiement, au cours des trois dernières années. Ces crédits pourraient disparaître, en 2007, si aucune solution de remplacement n’était trouvée. En deuxième lieu, le dispositif d’aide aux entreprises exportatrices souffre d’un défaut de visibilité et d’un manque de cohérence qui nuisent à son efficacité et, in fine, à sa crédibilité. Enfin, si la conquête de nouveaux marchés est nécessaire, nos entreprises doivent également être soutenues dans leurs efforts de consolidation des positions acquises, sur les marchés où leur présence est ancienne. Le déficit de nos échanges avec nos voisins européens vient démontrer les limites de la politique de ciblage et, surtout, la nécessité de ne pas délaisser les marchés où nos entreprises sont traditionnellement actives.
Le Rapporteur a rappelé que, pendant trois ans, il avait soutenu l’adoption des crédits du commerce extérieur, car ils s’inscrivaient dans une démarche de dynamisation de nos échanges commerciaux avec le reste du monde. L’an passé, il a, en revanche, émis les plus grandes réserves, non seulement sur l’efficacité du dispositif d’appui à nos entreprises exportatrices, mais également, sur les explications, purement conjoncturelles – hausse des prix des matières premières, appréciation de l’euro – qui étaient données pour justifier le déficit qu’affichait notre commerce extérieur. Il a considéré que, cette année, il ne pourrait pas davantage approuver les crédits du programme « Développement des entreprises » consacrés au commerce extérieur, non pas en raison des mauvais résultats globaux du commerce extérieur, mais, en raison de l’absence d’un véritable plan de reconquête des marchés, à moyen et à long terme. En outre, il a estimé que la présentation de ces résultats, beaucoup trop optimiste, n’était pas sincère et que ce défaut de sincérité compromettait les efforts collectifs, nécessaires pour engager une démarche de prospection des marchés, à l’avenir.
Il a ajouté qu’au cours des cinq dernières années, il avait pu constater le manque d’intérêt que suscite l’évolution de nos échanges extérieurs. Il a regretté cette faible mobilisation car, c’est à travers les résultats du commerce extérieur, que l’on peut mesurer le dynamisme économique d’un pays et sa capacité de projection dans l’avenir. Dans le même temps, comment ne pas comprendre cette relative indifférence face à l’ésotérisme des chiffres du commerce extérieur, la complexité des mécanismes en jeu et la multiplicité des structures qui, dans le meilleur des cas, s’empilent, mais, le plus souvent, affaiblissent mutuellement leurs actions, malgré les compétences qui y sont réunies ?
Considérant que ce bilan n’invitait pas à la sérénité, le Rapporteur a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits du programme « Développement des entreprises » pour 2007.
M. Jean-Jacques Guillet a déclaré comprendre les réserves du Rapporteur et partager ses préoccupations sur l’état de la balance commerciale française, tout en soulignant que la persistance du déficit dépend en grande partie d’une situation mondiale très favorable à certains pays, asiatiques notamment. Ce n’est pas la première année que ce budget pêche par l’absence de plans et d’indicateurs et, par ailleurs, cela peut se rectifier. Rejeter ces crédits constituerait un mauvais signal pour 2007.
M. Jean-Paul Bacquet, Rapporteur pour avis, a reconnu que l’on pouvait trouver dans les chiffres du commerce extérieur de la France tous les motifs de satisfaction mais aussi tous les motifs d’insatisfaction. Il a insisté sur le fait qu’il ne recommandait pas de voter contre les résultats du commerce extérieur français mais contre leur présentation. A cet égard, il a regretté de ne pas avoir trouvé, comme ses collègues rapporteurs pour avis pour la mission « Action extérieure de l’Etat » ou « Aide publique au Développement », lisibilité, efficacité et transparence dans la présentation des crédits du commerce extérieur pour 2007. Le reproche principal que l’on peut exprimer est l’absence d’objectifs et d’indicateurs de performance, mais aussi de lisibilité de la démarche actuelle. Il faut reconnaître qu’il s’agit là d’une grande faiblesse.
Contrairement aux conclusions du Rapporteur, la Commission ne s’est pas prononcée défavorablement sur les crédits du programme « Développement des entreprises » de la mission « Développement et régulation économiques » pour 2007.
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• Budget 2007