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Accord avec le Conseil Fédéral suisse relatif au raccordement de l’autoroute A 35 à la route nationale N 2 entre Bâle et Saint-Louis
La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Martine Aurillac, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif au raccordement de l’autoroute A 35 à la route nationale N 2 entre Bâle et Saint-Louis (n° 3400).
Mme Martine Aurillac, Rapporteur, a tout d’abord indiqué que le présent accord signé le 13 juillet 2004 constituait le dernier acte d’un long processus juridique qui a débuté en 1963. Par le biais d’un échange de lettres des 4 et 9 janvier de cette année-là, la France et la Suisse ont arrêté la position du lieu de franchissement de la frontière par l’autoroute allant de Mulhouse à Bâle et décidé, ainsi, de raccorder l’autoroute française A35 avec la tangente Est suisse qui assure la continuité entre la N2 en Suisse et l’autoroute A5 en Allemagne. En raison de la forte urbanisation de cette zone, le processus visant à définir et à réaliser le tracé a été long si bien que les travaux n’ont effectivement débuté qu’en 1994. Par ailleurs, depuis 1963, différents arrangements ont été signés entre les gouvernements français et suisse et de multiples négociations ont été menées entre les services de l’équipement respectifs qui ont porté, entre autres, sur le financement partiel par la France des travaux réalisés sur le territoire suisse. Au cours de la réunion finale du 17 avril 1996, la répartition définitive du financement des travaux de raccordement a été fixée et la participation française a été arrêtée à un montant forfaitaire de 1,55 million de francs suisses, montant ajustable à la date d’achèvement des travaux en fonction de l’indice suisse des prix à la consommation.
Aujourd’hui, l’ensemble des travaux de cette infrastructure, dont le coût total avoisine les 800 millions d’euros, n’est certes pas totalement achevé, mais la chaussée autoroutière et les bretelles de raccordement de l’A35 française à la N2 suisse, qui sont visées par le présent accord, ont été inaugurées le 2 mai 2000. Dans ces conditions, conformément au paragraphe 4 de l’article 1er du présent accord, la France doit verser à la Suisse 1,6485 million de francs suisses, soit 1,15 million d’euros, correspondants au montant forfaitaire à réviser qui avait été initialement fixé à 1,55 million de francs suisses. L’échéance de ce versement a été fixée à trois mois après l’entrée en vigueur du présent accord.
Après avoir formulé ces observations, Mme Martine Aurillac a recommandé l’adoption du présent projet de loi.
Le Président Hervé de Charette s’est étonné du délai mis entre la signature du présent accord en 2004 et sa présentation devant le Parlement en 2006.
Mme Martine Aurillac a fait observer que c’était d’autant plus regrettable dans la mesure où le Gouvernement avait indiqué qu’il y avait urgence à approuver cet accord, les travaux visés étant maintenant achevés et le versement de la compensation financière arrivant à échéance.
Conformément aux conclusions de la Rapporteure, la Commission a adopté le projet de loi (n° 3400).
Examen pour avis des crédits de la Défense pour 2007
La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Paul Quilès, les crédits de la Défense pour 2007.
M. Paul Quilès a fait observer que c’était, une fois encore, dans un contexte international très incertain que la Commission était amenée à examiner les crédits destinés au financement de la mission « défense » pour 2007. Il a identifié deux sujets de préoccupation majeure pour la sécurité et la stabilité internationales : l’aggravation des tensions et des crises internationales, auxquelles le système de sécurité collective peine à répondre ; la crise du système international de non-prolifération nucléaire, dont on peine à voir comment le relancer et en préserver l’avenir.
Le Rapporteur a tout d’abord rappelé que l’année 2006 aura été marquée par la dégradation continue des crises préexistantes : au Moyen-Orient, en Afrique ou en Afghanistan, et qu’on assistait sur le terrain à une exaspération des tensions. Au regard de l’enjeu pour la stabilité internationale et en termes humanitaires, quatre conflits retiennent l’attention.
En Irak, les Etats-Unis commencent à admettre l’ampleur du désastre militaire, politique et humanitaire qu’a entraîné leur intervention. Le bilan humain de la guerre en Irak ne cesse de s’alourdir pour les Etats-Unis. En septembre 2006, environ 2 700 soldats américains auront été tués en Irak depuis mars 2003 – soit bientôt autant de victimes américaines que dans les attentats du World Trade Center. Cela en fait la guerre la plus meurtrière pour les États-Unis depuis la guerre du Vietnam. Ceci sans compter les blessés graves : au total, environ 20 000 soldats auront été mis hors de combat soit environ 12 % des effectifs engagés. Du côté irakien, ce bilan est plus terrible encore, même si, officiellement, le nombre d’Irakiens victimes des violences est inconnu. On avance le nombre de plus de 43 000 morts. Le coût financier de la présence américaine en Irak est lui aussi massif, du fait de l’importance du dispositif américain en Irak. Le budget consacré par les Etats-Unis à la guerre en Irak, est estimé, en octobre 2006, à un total de 320 milliards de dollars depuis le début de la guerre.
L’Afghanistan, second théâtre majeur d’intervention de troupes internationales, voit également sa situation se dégrader fortement depuis quelques mois. Comme en Irak, c’est une dialectique redoutable qui s’est mise en place entre difficultés, pour les forces armées internationales, à assurer leur mission, et incapacité du gouvernement élu à établir son autorité sur l’ensemble du territoire. On assiste aujourd’hui à la résurgence des talibans dans le sud-ouest de l’Afghanistan. Ceux-ci entretiennent des liens avec les forces antiaméricaines en Irak, qui leur font partager leur expérience en matière de guérilla. Qui plus est, l’Afghanistan est redevenu un narco-État, fournissant 90 % de l’approvisionnement mondial d’opium.
Le déploiement de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) renforcée se déroule de façon satisfaisante, sans que l’on puisse se départir d’une certaine prudence. Le bilan qui peut être tiré de l’intervention israélienne au Liban à l’été 2006 apparaît d’ores et déjà comme hautement préoccupant. L’absence de stratégie claire d’Israël a conduit au renforcement du prestige du Hezbollah, dont il est à craindre qu’il utilise la FINUL comme un bouclier.
Enfin, la situation au Darfour se dégrade de façon préoccupante, dans la quasi-indifférence de l’opinion internationale, sauf aux Etats-Unis, pour des raisons notamment liées aux pressions des églises américaines. Dans cette région de la taille de la France, ce sont près de 10 000 personnes par mois qui périssent. L’ampleur de la crise au Darfour impose le déploiement d’une opération de maintien de la paix des Nations unies, conformément à la résolution 1706 du Conseil de sécurité adoptée le 31 août 2006. Cependant, le gouvernement soudanais oppose un refus catégorique au déploiement de cette force de 17 000 casques bleus et 3 000 policiers mais semble accepter le renforcement de la mission de l’Union africaine par les Nations unies, dont le mandat a été prolongé de trois mois, tout en exigeant le départ du représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour les propos tenus sur les difficultés militaires du camp gouvernemental – départ qu’il a obtenu, sans que cela suscite d’ailleurs quelque rédaction que ce soit, à l’ONU ou ailleurs.
Le Rapporteur a estimé que trois enseignements majeurs peuvent être tirés des quatre crises qu’il venait de décrire.
En premier lieu, elles révèlent que le système international n’a pas encore réussi à tirer les conséquences du constat partout fait depuis la fin de la guerre froide, relatif à l’évolution de la nature des conflits. Le Rapporteur a évoqué, lors de l’intervention de l’OTAN au Kosovo, les savants développements sur les guerres de l’après-guerre froide, qui devaient désormais prendre, disait-on, la forme de guerres éclairs, sous forme de frappes aériennes. Les mêmes constats définitifs furent entendus après l’intervention en Afghanistan. Or, on le voit aujourd’hui en Irak, l’erreur fondamentale des Etats-Unis est d’avoir cru que le déroulement éclair de la guerre en Afghanistan serait désormais le modèle des futures interventions qui conjuguent avance technologique, effet de surprise et moyens humains fortement resserrés. Les Etats-Unis payent aujourd’hui en Irak un lourd prix à l’omission, dans les plans du Pentagone, des besoins liés à la reconstruction du pays.
Deuxième enseignement qu’il faut tirer des quatre crises évoquées – les Etats-Unis détiennent, qu’on le veuille ou non, les clés de la stabilité internationale. A ce titre, la focalisation de l’administration américaine sur la « guerre contre le terrorisme », au détriment d’une analyse politique de la situation de terrain – en Irak surtout, au Moyen-Orient en général – est lourde de conséquences pour la stabilité internationale.
En troisième et dernier lieu, la crise du Liban a de nouveau posé la question du cadre international dans lequel une action d’interposition armée pouvait être efficacement conduite. A travers ce débat, c’est, plus largement, le problème de l’articulation entre l’action de l’ONU, de l’OTAN et de l’Union européenne qui revient au premier plan. Pour leur part, les Etats-Unis cherchent à faire évoluer l’Alliance atlantique vers un rôle global de sécurité. La préparation du sommet de l’OTAN à Riga, au mois de novembre 2006, fournit un nouvel exemple de cette démarche constante des Etats-Unis depuis quelques années. Ainsi, en vue de cette réunion de l’Alliance, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont proposé, en mars dernier, la mise en place, pour 2008, d’un partenariat global qui se superposerait aux cadres actuels réunissant les membres, les Alliés, les Partenaires et les pays-contacts autour du Conseil de l’Atlantique. Ce partenariat global permettrait, dans le projet américano-britannique, de créer, d’un côté, un « forum des pourvoyeurs de sécurité » et, de l’autre, un « forum des consommateurs de sécurité ». L’idée serait en quelque sorte, en adjoignant à l’Alliance le Japon, la Corée du Sud et l’Australie notamment, de créer une sorte de « club » des pays riches, qui prendrait en charge les problèmes de sécurité collective, voire traiterait des grands problèmes internationaux.
M. Paul Quilès a expliqué que cette vision était rejetée, par la France notamment : c’est à l’ONU qu’il revient d’en assumer la charge. A cette fin, en dépit des difficultés que leur négociation et leur mise en œuvre suscitent, les réformes visant à renforcer l’ONU doivent être poursuivies, seules à même de ramener la confiance des États dans l’organisation.
Au-delà même des négociations internationales, au sein de l’ONU, sur la nécessaire réforme de l’Organisation, c’est dans un autre domaine que risque de se jouer la crédibilité du système onusien : les récents développements concernant le développement d’une arme nucléaire en Corée du Nord et en Iran mettent en cause les fondements du système de sécurité collective, qui repose, depuis près de quatre décennies, sur le régime de non-prolifération dont le traité de non-prolifération (TNP), signé en 1968, constitue le socle.
M. Paul Quilès a fait valoir qu’une nucléarisation officielle de la Corée du Nord, puis de l’Iran, ferait basculer le monde dans un contexte stratégique radicalement nouveau. Elle créerait notamment un risque élevé de proliférations en chaîne dans un certain nombre de pays, dont la liste peut d’ores et déjà être établie : peuvent être considérés comme de possibles candidats le Japon, Taiwan, l’Arabie saoudite, l’Égypte ou encore le Brésil.
Face à ce scénario de cauchemar, une question s’impose : que peut-on faire pour sauver le régime de non-prolifération ? Même si le traité manque de clarté, par exemple sur le problème de l’enrichissement, l’amender reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore. A ce stade, cependant, il existe encore une initiative de nature à convaincre les États non dotés de l’arme nucléaire que le régime de non-prolifération est crédible et que l’inégalité fondamentale qu’il instaure vise la sécurité internationale, et non la préservation, par quelques-uns, de leur supériorité stratégique. Celle-ci tient dans un seul mot : désarmement.
Le TNP ne pouvant être modifié en lui-même, il faut le compléter par un traité de désarmement complet et progressif, c’est-à-dire tout simplement appliquer les dispositions contenues dans l’article 6. De même, il faut poursuivre les efforts en vue de rendre applicable le traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), signé en 1996. Par ailleurs, une avancée dans la négociation du traité d’interdiction de production des matières fissiles (TIPMF ou cut-off) pourrait contribuer à donner corps aux engagements pris par les États nucléaires. M. Paul Quilès a observé à cet égard que les Etats-Unis avaient présenté fin mai un projet de traité que beaucoup d’États, dont la France, pourraient accepter bien qu’il ne soit pas vérifiable. La proposition américaine, reçue par beaucoup comme un ultime moyen de revitaliser la Conférence de Désarmement, aurait des chances d’aboutir. En complément de ces démarches au sein de la Conférence du Désarmement, il faut revaloriser le rôle de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA). Les dispositifs de vérification et de contrôle doivent être renforcés et amplifiés : à ce titre, l’universalisation des protocoles additionnels renforçant le rôle de l’AIEA est indispensable.
Le Rapporteur s’est ensuite interrogé sur l’adaptation du projet de budget de la défense pour 2007 aux besoins de la politique de défense, en fonction du contexte international qui venait d’être décrit.
Certes, avec un montant de crédits de paiements de 47,7 milliards d’euros, pensions incluses, et de 35,3 milliards d’euros hors pensions, le projet de budget de la mission « Défense » progresse de 0,8 % en volume et de 2,5 % en valeur. Il est conforme à l’annuité théorique actualisée de la loi de programmation militaire 2003-2008. Le Rapporteur s’est notamment réjoui de la poursuite de la budgétisation des opérations extérieures (OPEX)
– qu’il demandait de longue date – dès le stade de la loi de finances initiale, qui franchit une nouvelle étape, très significative. Le montant total du financement des OPEX en loi de finances initiale progresse à nouveau, en effet, pour atteindre 375 millions d’euros. C’est désormais presque 60 % du surcoût annuel des OPEX qui sera financé dès le vote du budget en 2007 puisque le surcoût relatif aux OPEX est évalué pour l’année 2006 à 634 millions d’euros.
Il a cependant jugé que, dans la mesure même où ce projet de budget n’était que l’application annuelle d’une loi de programmation dont les choix, ou plutôt les non-choix, ne paraissent pas répondre au contexte stratégique complexe et troublé précédemment décrit, on ne pouvait pas considérer qu’il était adapté aux besoins de notre défense et à notre volonté de voir la France jouer tout son rôle dans la résolution des crises internationales. A l’appui de son opinion, il a cité les propos du Général Jean-Louis Georgelin, chef d'état-major des armées, devant la commission de la défense, lors de son audition le 10 octobre dernier : « Si le modèle d’armée 2015 avait été bâti en 2006, les choix auraient sans doute été différents ».
Le Rapporteur a jugé ce constat inquiétant, rappelant qu’il était généralement expliqué à la représentation nationale que cette construction théorique qu’est la planification militaire effectuée dans le cadre du modèle d’armée 2015 n’était pas figée, mais qu’elle était susceptible d’intégrer, en cours de réalisation, des aménagements qui permettaient à l’édifice de rester en phase avec les évolutions du monde. Il a estimé que cette affirmation était contredite par les propos du chef d’État-major des armées, dans lesquels il a dit voir un plaidoyer pour une remise à plat de notre système de défense. Ajoutant que le constat de l’inadéquation et du caractère irréalisable du modèle d’armée 2015 était également le fait de nombre d’experts, il a expliqué que, quand bien même le modèle d’armée 2015 deviendrait le modèle d’armée 2020, il faudrait, pour le réaliser, injecter 70 milliards d’euros supplémentaires, autrement dit faire passer les crédits d’investissement de 14,7 milliards à 20 milliards par an, soit une augmentation annuelle de 36 %. Constatant qu’une telle augmentation du budget de la défense n’était nullement envisageable, il a fait valoir en outre qu’elle serait largement vaine, les objectifs mêmes du modèle 2015 étant à revoir. Notamment, les formats humains et les choix d’équipement qu’il propose ne sont plus adaptés à la conduite des conflits actuels : pourquoi, par exemple, prévoir le déploiement de 50 000 hommes pour des combats en Europe ? A quoi sert un parc de 450 avions de combat
– objectif qui était déjà affiché en 1986 – est-il indispensable quand l’intervention au Kosovo n’a nécessité au maximum qu’une soixantaine d’appareils ?
M. Paul Quilès a regretté que ces questions ne soient aujourd’hui pas posées au sein de l’appareil gouvernemental, alors même que la communauté militaire réfléchissait de manière approfondie sur ces questions. Il a jugé impensable que le monde politique reste en retrait par rapport aux réflexions en cours au sein de l’institution militaire.
Il a expliqué que, dans le cadre d’une réflexion renouvelée sur les enjeux stratégiques actuels, trois aspects apparaissent essentiels en cette fin d’année 2006 : le poids du référentiel stratégique américain ; le retour durable des problématiques de prolifération nucléaire ; et la globalisation des questions de sécurité, à travers l’exemple de la sécurité énergétique. Il a relevé que ces différents aspects avaient pour point commun de montrer l’urgence qu’il y avait à réexaminer à la fois les orientations de la politique de défense et les choix d’équipement qui en découlaient, notant que la question posée portait moins sur le niveau des dépenses que sur leur affectation et leur « euro-compatibilité ».
Faisant valoir que la question de l’affectation des crédits de défense n’était autre que celle du poids respectif des missions de projection, prévention et protection dans notre système de défense, il a rappelé que si, du temps de la guerre froide, les forces armées étaient dans une posture d’attente, elles étaient désormais dans une posture d’emploi, sur des théâtres complexes, divers et, pour certains, durablement déstabilisés. Il faut à cet égard reconnaître, avec le Chef d’état-major des armées, que, s’agissant de la situation des troupes françaises à l’étranger, presque tous les clignotants des opérations extérieures sont à l’orange. Près de 14 000 femmes et hommes sont actuellement engagés dans des opérations, auxquels il convient d’ajouter les forces de présence et de souveraineté hors de la métropole, soit plus de 35 000 femmes et hommes au total, sans compter les 1 300 personnels déployés sur le territoire national, essentiellement dans le cadre du plan Vigipirate.
Toute la difficulté de la planification de défense vient de ce que l’accent mis, depuis la chute du mur de Berlin, sur la mission de projection ne saurait pour autant conduire à réduire la place qui doit être accordée aux missions de prévention et de protection. Tel est le principal enseignement stratégique que l’on peut tirer du développement du terrorisme international. En France, l’articulation entre projection, prévention et protection pose la question de la part que doit avoir la dissuasion dans notre système de défense.
Le Rapporteur a rappelé que, sur ce sujet, il plaidait de longue date en faveur de la tenue d’un véritable débat, qui n’avait pas lieu, plus encore après le discours prononcé par le Président de la République à l’Île Longue, le 19 janvier 2006, qui, sous prétexte de précisions explicitant le contenu de la doctrine française de dissuasion nucléaire, pouvait sembler la modifier. Il s’est interrogé notamment sur le lien entre dissuasion et terrorisme, sur lequel il a considéré que des propos ambigus avaient été tenus. Il a, dans le même sens, souhaité que soit débattu du choix d’engager la France, au sein de l’OTAN, dans des études relatives à un système de défense antimissile stratégique, pourtant traditionnellement considéré en France comme affaiblissant la dissuasion, car postulant son échec.
M. Paul Quilès a conclu en considérant qu’en dépit d’un affichage favorable, le projet de loi de finances pour 2007 révélait une fois encore que ni les mutations de l’environnement stratégique, ni l’irréalisme patent et reconnu du modèle d’armée pour 2015 n’avaient été véritablement et pleinement pris en compte ni assumés. Il a, pour cette raison, invité la Commission à donner un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission défense dans le projet de loi de finances pour 2007.
Après avoir fait observer qu’il appréciait certains aspects de la démonstration du Rapporteur, mais qu’il n’en tirait pas les mêmes conclusions, M. Jean-Jacques Guillet lui a demandé comment il analysait l’articulation entre notre politique de défense et notre rôle dans l’OTAN.
M. Paul Quilès a rappelé que, si la France était intégrée dans l’OTAN, elle refusait cependant l’évolution des missions de l’Alliance atlantique que les Etats-Unis et le Royaume-Uni souhaitaient confier à l’Alliance.
S’agissant des trois missions attribuées à la politique de défense de la France (projection, prévention, protection), il a estimé qu’il n’était pas possible de définir le format et les équipements des armées sans débat profond sur ces missions.
Concernant la mission de protection, qui inclut notamment la lutte contre le terrorisme, il a rappelé que la France n’en avait pas la même analyse que les Etats-Unis qui, se considérant engagés dans une guerre, s’apprêtent à dépenser 440 milliards de dollars pour 2007 pour leur défense, sans compter que cette notion absorbe leur capacité d’analyse stratégique. A ce sujet, le Rapporteur a expliqué combien était intéressante la lecture de la dernière revue de défense quadriennale américaine, très révélatrice de la vision du système international par le Pentagone. Il a jugé que, les investissements massifs des Etats-Unis en matière de défense pesant sur l’ensemble du système de sécurité, cela justifiait de plus en plus que nous cadrions mieux nos objectifs en matière de défense, dans un cadre européen.
M. Marc Reymann a demandé au Rapporteur comment il expliquait les difficultés de vente du Rafale à l’étranger, alors que l’Eurofighter trouvait des marchés.
M. Paul Quilès, après avoir fait observer que cette question était posée depuis quinze ans, a noté que, quelles que soient les qualités de tel ou tel appareil de combat, le développement des drones risquait, à vingt ou trente ans, de supplanter partiellement les avions de combat.
M. Hervé de Charette a souhaité avoir l’avis du Rapporteur sur la nécessité, pour la France, de disposer d’un second porte-avions.
M. Paul Quilès a rappelé que lorsqu’il avait, en 1985, lancé le porte-avions Charles de Gaulle dans la loi de finances pour 1986, le second était prévu pour 1990. En 2006, ce second porte-avions, qui n’existe toujours pas, est envisagé dans le cadre d’un marché franco-britannique. Le Rapporteur a estimé qu’au-delà de ces aléas, la question était celle de l’utilité d’un second porte-avions aujourd’hui et, surtout, d’ici vingt à trente ans. Il a expliqué avoir toujours considéré que cet aérodrome mobile qu’était en définitive un porte-avions était un outil de gesticulation diplomatique sur les lieux de crise. Or, dans vingt ou trente ans, alors qu’existera probablement une force armée européenne, quels seront les besoins d’équipement correspondant aux missions qui seront assignées à cette force ? Peut-on d’ores et déjà faire figurer le porte-avions au nombre de ces besoins ? Pour cette raison, le Rapporteur a jugé nécessaire de reprendre la réflexion sur le second porte-avions à partir de la question des objectifs. Il a estimé que l’un des arguments présentés en faveur de ce programme, relatif à l’indisponibilité ponctuelle, pour entretien, du porte-avions actuel, n’était pas crédible, les avions pouvant également décoller depuis les bases fixes, à l’instar de la plupart des avions américains lors de l’intervention au Kosovo. Dans ces conditions, M. Paul Quilès, s’est dit d’un avis nuancé sur la construction d’un second porte-avions.
Contrairement aux conclusions du Rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la Défense pour 2007.
Examen pour avis des crédits de l’Ecologie et du Développement durable pour 2007
La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Jacques Guillet, les crédits de l’Ecologie et du Développement durable pour 2007.
M. Jean-Jacques Guillet, Rapporteur pour avis, a, tout d’abord, souligné qu’en quelques années, l’écologie et le développement durable sont devenus des éléments essentiels des relations internationales ainsi qu’un levier important de notre propre action en faveur de l’aide multilatérale. Il a rappelé les principales étapes qui ont jalonné la prise de conscience, au niveau international, de la nécessité de promouvoir un développement durable pour tous : le « Sommet de la terre » de Rio, en 1992 ; la définition des Objectifs du Millénaire, en 2000 ; le Sommet de Johannesburg en 2002 et les rencontres du G8, en particulier, la rencontre de Gleneagles, en 2005, qui a été marquée par un volontarisme fort de la présidence britannique dans ce domaine. Aujourd’hui, la lutte contre le changement climatique est au cœur des préoccupations et suscite une forte mobilisation de l’opinion publique, sensibilisée par des initiatives comme les films d’Al Gore et de Yann Arthus-Bertrand ou le récent rapport de Sir Nicholas Stern, ancien économiste en chef de la Banque mondiale, qui met « la responsabilité de l’action fermement dans le camp des artisans de la politique étrangère et économique ». Cette mobilisation montre que la lutte contre le réchauffement climatique devient un axe majeur de la politique étrangère, ce qui conforte la légitimité d’un avis de la Commission des affaires étrangères sur les crédits de l’écologie et du développement durable.
Le Rapporteur a insisté sur le rôle actif joué par la France dans cette diplomatie environnementale en plein essor tout en regrettant l’existence d’un décalage entre les discours et les actes dans ce domaine. Bien que ce décalage ne soit pas propre à la France, il reste préoccupant. Notre attitude volontariste et notre participation active aux négociations internationales doivent en effet obliger la France à être exemplaire et à passer aux actes. Cette exigence est renforcée au cours de la période actuelle qui est une période charnière à mains égards :
− en premier lieu, certains pays, comme le Canada, rencontrent des difficultés à respecter leurs engagements de réduction des gaz à effet de serre. Dans le même temps, certains pays émergents comme la Chine et l’Inde expriment une attente forte en matière de transferts de technologies sobres en carbone ;
− en second lieu, une réflexion est d’ores et déjà engagée sur l’avenir du régime multilatéral du climat, après 2012 c’est-à-dire au-delà de la période d’engagements visée par le protocole de Kyoto ;
− enfin, la question des changements climatiques est étroitement liée à celles de la sécurité et de l’efficacité énergétiques qui sont au cœur des préoccupations actuelles.
Il est, par ailleurs, nécessaire de se préparer à des échéances importantes pour l’avenir comme la présidence française de l’Union européenne, au 2nd semestre 2008, qui coïncidera avec les négociations internationales sur ces thèmes.
M. Jean-Jacques Guillet a précisé que, dans cette perspective, le rapport qu’il présentait à la Commission avait pour objet de dresser un bilan d’étape de l’activité de la France en faveur du développement durable, autour de trois aspects :
− les avancées en matière de lutte contre le changement climatique ;
− la promotion du développement durable comme effet de levier puissant pour la coopération internationale ;
− les insuffisances de la gouvernance en matière de développement durable au regard des enjeux.
Dans ces perspectives, il a souhaité faire plusieurs observations.
En premier lieu, les efforts de la France en matière de développement durable et, plus particulièrement de lutte contre le changement climatique obéissent à une logique transversale que ne reflètent pas les crédits de la mission « écologie et développement durable » qui recouvrent strictement le périmètre d’intervention du Ministère de l’écologie et du développement durable. En outre, les crédits consacrés à l’action internationale du Ministère sont limités dans la mesure où l’essentiel des actions est mené par le Ministère des affaires étrangères ou par le Ministère des finances. Toutefois, l’élaboration d’un « Document de politique transversale » (DPT) a été annoncée qui portera sur la politique « climat » et devrait éclairer la représentation nationale sur les efforts engagés dans ce domaine, qui ont été évalués à 2 milliards d’euros en 2006, par la Mission interministérielle sur l’effet de serre (MIES).
S’agissant des crédits prévus pour 2007, le Rapporteur a ajouté que le projet de budget progresse de 2,5% - hors ressources financières résultant du « fonds Barnier » et des taxes affectées – ce qui, dans un contexte budgétaire exigeant, n’est pas négligeable. Le Ministère bénéficiera, par ailleurs, d’une création nette de 40 emplois mais reste fragilisé par l’absence d’un corps spécialisé et, son corollaire, le recours à des personnels d’autres ministères, mis à disposition. Enfin, les moyens de la MIES s’établiront à 830.000 euros contre 635.000 euros en 2006, ce qui représente une progression significative que le Rapporteur avait appelé de ses vœux, l’année dernière, en présentant un amendement en ce sens.
En second lieu, le dispositif, mis en place par le protocole de Kyoto, est désormais une réalité. Les mécanismes de flexibilité que sont le système d’échanges de quotas d’émissions, la mise en œuvre conjointe (MOC) et le mécanisme de développement propre (MDP) fonctionnent de manière satisfaisante, même si certains aménagements s’avèrent nécessaires. Il apparaît notamment nécessaire d’encourager une meilleure répartition géographique des projets « MDP », actuellement concentrés au Brésil, en Inde et en Chine, tandis que l’Afrique sub-saharienne est quasiment absente du dispositif. En outre, le mini-krach qu’a connu le marché européen du carbone en cours d’année a démontré la nécessité de ne pas procéder à des allocations trop généreuses de quotas aux entreprises, ce qui devrait être pris en compte dans la deuxième « génération » de plans nationaux d’affectation des quotas (PNAQ II). Un renforcement des efforts domestiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre est, par ailleurs, indispensable à l’heure où les premiers relevés d’émissions témoignent de la difficulté de certains Etats à atteindre les objectifs que leur assigne le protocole de Kyoto. Enfin, la participation du plus grand nombre d’Etats à cet effort est nécessaire, notamment, celle des Etats-Unis, premier émetteur mondial de CO2. Les initiatives prises par certains Etats, comme la Californie, ou par certaines collectivités montrent que la lutte contre le réchauffement climatique constitue une préoccupation importante pour une grande majorité de la population même si elle n’est pas, à ce jour, relayée par les autorités fédérales.
En troisième lieu, la promotion du développement durable constitue un effet de levier puissant pour la coopération internationale. A titre d’exemple, deux tiers des fonds alloués au Fonds pour l’environnement mondial (FEM) seront consacrés, au cours de la période 2006-2010, à la préservation de la biodiversité ainsi qu’à la lutte contre les dérèglements climatiques. La France contribue à l’aide multilatérale dans ces domaines tout en mettant en œuvre ses propres actions, au plan bilatéral, grâce au Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) et à l’Agence française de développement (AFD). Notre pays dispose, en effet, d’un savoir faire non seulement technique mais également industriel et institutionnel qu’il importe de valoriser. Une étude est d’ailleurs en cours dont les résultats devraient permettre de présenter une offre structurée dans ce domaine, aux pays émergents.
En quatrième lieu, la gouvernance internationale de l’environnement doit être renforcée, ce que s’attache à promouvoir le projet, soutenu activement par la France, de création d’une organisation des Nations Unies pour l’environnement (ONUE). Malgré certaines réticences, exprimées notamment par les Etats-Unis, cette initiative bénéficie du soutien de l’Union européenne.
En cinquième lieu, la promotion du développement durable constitue également une priorité au niveau européen, comme en témoigne la nouvelle stratégie européenne du développement durable (SEDD) qui a été adoptée par le Conseil européen des 15 et 16 juin 2006.
Enfin, si les efforts engagés au plan national sont importants, ils souffrent d’un défaut de coordination entre les différentes instances en charge du développement durable que sont le Ministère de l’écologie et du développement durable, le Comité interministériel pour le développement durable (CIDD), la Délégué interministériel au développement durable et le Conseil national du développement durable (CNDD). Au niveau international, la présence de la France est paradoxalement insuffisante, malgré l’instauration d’un poste d’Ambassadeur itinérant délégué à l’environnement et le rôle actif joué par la Mission interministérielle sur l’effet de serre (MIES).
Le Rapporteur a conclu que, si la France manifeste une réelle ambition en matière de promotion du développement durable, les moyens mobilisés ne sont pas toujours à la hauteur des déclarations. L’action de notre pays souffre d’une absence d’approche transversale dans ce domaine ce qui nuit à l’efficacité des efforts engagés. La perspective de la prochaine présidence française doit constituer l’occasion de remédier à ces lacunes dans les meilleurs délais afin que notre pays puisse jouer un rôle non seulement actif mais également effectif en faveur d’une meilleure prise en compte des priorités du développement durable dans la conduite des politiques publiques.
Sous réserve de ces observations, le Rapporteur a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « écologie et développement durable ».
Conformément aux conclusions du Rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du Développement durable pour 2007.
Accord avec la Norvège et le Royaume-Uni relatif à la propriété commune d’un système de sauvetage sous-marin
La Commission a examiné, sur le rapport de M. François Loncle, suppléant M. Jean-Pierre Kucheida, empêché, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement du Royaume de Norvège et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif à la propriété commune d’un système de sauvetage sous-marin (n° 3196).
M. François Loncle, Rapporteur suppléant, a tout d’abord indiqué que le présent projet de loi avait pour objet d’autoriser l’approbation d’un accord entre la France, la Norvège et le Royaume-Uni, fait à Bruxelles le 9 décembre 2003, relatif à la propriété commune d’un système de sauvetage sous-marin. Ces trois pays ont décidé de se doter d’un système commun de sauvetage des équipages de sous-marins qui permette en particulier le transfert sous pression des personnels du submersible accidenté à la surface et leur traitement médical, notamment la décompression. Ce système doit par ailleurs pouvoir être très rapidement transporté sur les lieux de l’accident, éventuellement par avion, et embarqué sur un navire porteur, civil affrété ou militaire, disponible sur zone.
Même s’il est fait référence à l’OTAN, puisque ce système est dénommé « projet en coopération NSRS » pour « NATO Submarine Rescue System », en réalité il est propre aux trois Etats Parties. Simplement, le groupe de travail initial qui a servi de cadre à la définition des besoins et à la préparation du projet NSRS était un groupe de travail OTAN et plusieurs pays membres de l’Alliance ont participé aux prémices de ce projet : les Etats-Unis, la France, l’Italie, la Norvège, le Royaume-Uni et la Turquie. In fine, ne sont restés que la France, la Norvège et le Royaume-Uni, la Turquie ayant abandonné pour des raisons économiques et les Etats-Unis et l’Italie ayant souhaité disposer de leur propre système. Par ailleurs, aucun accord n’ayant été trouvé sur un nouveau nom de baptême et la Norvège souhaitant conserver un lien avec l’OTAN, le projet a gardé l’appellation de NSRS, l’autorisation d’utiliser le label OTAN ayant été accordée sous certaines conditions.
Cette coopération tripartite concerne les phases de conception, de réalisation et de soutien en service –ce sont toutes les opérations visant à rendre et à maintenir le matériel opérationnel- du système de sauvetage sous-marin. A la demande expresse de nos partenaires, le présent accord se limite aux aspects liés expressément à la propriété commune des équipements NSRS. Les autres aspects de cette coopération tels que le financement ou les relations avec les contractants font l’objet de notes diplomatiques séparées. Ainsi, un mémorandum d’entente couvrant les phases de conception, de fabrication et de soutien en service du projet, pour une durée totale de vingt-neuf ans, a été signé par les Parties le 6 juin 2003.
Le 28 mai 2004, la maîtrise d’œuvre a été confiée à Rolls Royce pour la conception, la réalisation, la mise en œuvre et le soutien en service du NSRS sur une durée de sept ans après son admission au service actif. Ce contrat de maîtrise d’œuvre est chiffré à 47 millions de livres soit environ 70 millions d’euros. Le coût total du programme avoisine 167 millions d’euros. La mise en service opérationnel est prévue pour mi-2007. Le NSRS sera basé à Faslane au Royaume-Uni dans la base navale de Clyde où stationnent les sous-marins de la Royal Navy.
En conclusion et après avoir indiqué que les aspects techniques de ce projet faisaient l’objet d’un ample développement dans le rapport, M. François Loncle a recommandé l’adoption du présent projet de loi.
Conformément aux conclusions du Rapporteur suppléant, la Commission a adopté le projet de loi (n° 3196).
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Information relative à la Commission
Le Mardi 31 octobre 2006, M. Axel Poniatowski a été nommé rapporteur sur le projet de loi (n° 3387) autorisant la ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport.
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