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COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

Mercredi 4 octobre 2006

Séance de 16h30

Compte rendu n° 1

Présidence de M. Guy Teissier, président
puis de M. Michel Voisin, vice-président

 

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– Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2007


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Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2007.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2007 (n° 3341).

Le président Guy Teissier a fait valoir d’en 2007, le budget de la défense, qui assure une nouvelle fois la réalisation de la loi de programmation militaire 2003-2008 (LPM), progresse de 2 points, alors que la hausse du budget de l’État est limitée à 0,8 point.

Il s’est félicité du financement conséquent des opérations extérieures (OPEX) dès la loi de finances initiale avec une inscription de 375 millions d’euros. Nos armées sont maintenant engagées de façon continue sur des théâtres extérieurs, il est normal que le Parlement soit saisi du coût de ces opérations en amont. C’est une étape importante d’un combat mené de longue date par la commission de la défense. Il a enfin souhaité que la ministre apporte des précisions sur la revalorisation des retraites des anciens combattants qui devrait prendre effet au 1er janvier 2007.

Mme Michèle Alliot-Marie a souligné que la loi de programmation militaire 2003-2008 est respectée pour la cinquième année consécutive, ce qui constitue une première depuis plus d’un quart de siècle.

Les engagements pris par le Gouvernement ont été tenus et la loi de programmation militaire votée par le Parlement a servi de référence, chaque année, pour l’établissement des budgets. Au total, comme prévu, 75 milliards d’euros de crédits d’équipement auront été ouverts, ainsi que le montre le rapport d’information au Parlement présentant l’exécution de la loi de programmation militaire de 2003 à 2006.

La loi de programmation militaire est respectée aussi parce qu’il n’est plus demandé au ministère de la défense de payer avec ses crédits de paiement des dépenses qui ne le concernent pas.

Elle est respectée, enfin, parce que les crédits sont disponibles et consommés. Les reports de crédits, qui préoccupaient nombre de députés de la commission il y a un an, devraient passer de 2 milliards d’euros à 1,2 milliard en fin d’année 2006 et seront totalement résorbés en 2007, grâce à trois mécanismes : le ministère dépensera 650 millions d’euros en plus de la loi de finances initiale et des fonds de concours ; 180 millions d’euros de reports de la précédente loi de programmation militaire (1997-2002) pourront être utilisés pour financer les OPEX ; enfin, le projet de loi de finances pour 2007 contient une disposition dérogatoire au plafonnement de principe des reports de crédits à 3 % des dotations ouvertes en loi de finances initiale.

La loi de programmation militaire 2003-2008 sera donc intégralement exécutée alors que, entre 1997 et 2002, 13 milliards d’euros avaient manqué pour l’exécution effective de la précédente loi de programmation militaire.

Les crédits sont désormais répartis entre quatre missions : « Défense », « Sécurité », « Recherche et enseignement supérieur » et « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».

Pour 2007, 48 milliards d’euros sont prévus en faveur de la défense, soit 2 % de plus qu’en 2006. Cet effort se traduit par des mesures importantes dans beaucoup de domaines.

La ministre a précisé que la provision pour les OPEX serait doublée : elle s’élèvera à 375 millions d’euros, ce qui permettra de financer environ les deux tiers des surcoûts occasionnées par les opérations extérieures. Cette ligne budgétaire prévue pour les OPEX, créée grâce notamment aux demandes de la commission de la défense, évitera aux armées la menace d’une cessation de paiements susceptible de survenir très tôt dans l’année. En 2007, la provision concernera également la gendarmerie – qui intervient de plus en plus en OPEX –, à hauteur de 15 millions d’euros. Son rôle se révèle en effet indispensable comme force dédiée aux missions intermédiaires entre les missions à haute intensité militaire et les missions de police. Les dépenses d’opérations extérieures prévues pour cette année seront compensées dans leur intégralité par un décret d’avance devant être publié vers le milieu du mois d’octobre 2006. Leur coût devrait atteindre 630 millions d’euros, dont 46 millions au titre du Liban, avec l’opération Baliste et le renforcement des moyens de la FINUL. L’abondement de la ligne budgétaire dédiée aux OPEX permet d’éviter de ponctionner les crédits d’équipement, comme cela se faisait avant 2002.

La ministre a observé que le budget d’équipement était sanctuarisé, donnant ainsi aux armées les moyens de réaliser les programmes actuels tout en préparant l’avenir. Avec 16 milliards de crédits de paiement (CP) et 15,6 milliards d’autorisations d’engagement (AE), auxquels s’ajouteront les 3,6 milliards de reports de 2006 sur 2007, les crédits d’équipement permettent de poursuivre la réalisation du modèle d’armée 2015. La loi de programmation militaire est arrivée au stade où les montants des AE et ceux des CP se croisent : en début de programmation, les autorisations d’engagement sont normalement plus élevées que les crédits de paiement ; inversement, en fin de période, l’achèvement des programmes exige davantage de CP que d’AE.

Les commandes prévues sont donc passées : le début de la réalisation du second porte-avions (PA2) ; 117 véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) ; 12 hélicoptères de transport NH 90 ; 50 missiles de croisière navals SCALP ; 5 000 systèmes de combat d’infanterie FELIN ; 78 véhicules blindés pour la gendarmerie. Par ailleurs, le contrat de commande des sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda sera signé avant la fin de l’année 2006.

S’agissant des moyens pour préparer l’avenir, la ministre a annoncé que les commandes d’études amont s’élèveraient à 700 millions d’euros en 2007. Avec les dotations consacrées au développement des programmes, le ministère de la défense dépensera ainsi 3,5 milliards pour la recherche et le développement (R&D). Le résultat d’un très haut niveau de technologie dans le domaine militaire sert également l’activité du secteur civil, car de très nombreuses études donnent lieu à des applications civiles.

Le maintien en condition opérationnelle des matériels étant une préoccupation constante et une priorité, elle a indiqué que les crédits augmenteraient de 10 % pour atteindre un total de 3,4 milliards. Cet effort financier s’accompagnera d’une modernisation des matériels, des techniques et des procédures. Des progrès sensibles ont été enregistrés pour le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels aéronautiques et le MCO des matériels navals. Un audit examine actuellement le MCO des matériels terrestres qui reste un point faible pour l’armée de terre.

La ministre a par ailleurs confirmé « le coup d’accélérateur » pour l’application de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 août 2002. Pour les dépenses d’investissement, 220 millions d’euros sont ouverts, soit 10 % de plus qu’en 2006. Au total, depuis 2003, 700 millions auront été ouverts à ce titre. En outre, 400 millions d’euros supplémentaires financeront les opérations d’infrastructure menées selon les dispositifs innovants prévus par la LOPSI. Pour accueillir les personnels recrutés dans la gendarmerie, il faut en effet construire, rénover, agrandir des locaux de travail et des logements, en partenariat avec les collectivités territoriales.

Abordant les effectifs, elle a précisé qu’ils augmenteraient dans trois secteurs. Le service de santé des armées (SSA) tout d’abord puisqu’il a des besoins importants. Il joue en effet un rôle essentiel en opérations extérieures, non seulement pour le soutien des forces armées, mais également au service des populations civiles locales. Les médecins militaires sont alors les ambassadeurs de la France.

La direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) bénéficie aussi d’emplois nouveaux pour augmenter son expertise face au risque terroriste et aux menaces de prolifération nucléaire.

La gendarmerie, enfin, avec 950 nouveaux emplois, compte 6 050 créations d’emplois au total depuis 2003. Par ailleurs, la réserve, qui revêt une grande importance dans une armée professionnelle, en apportant des renforts quantitatifs et qualitatifs, mais aussi en contribuant au maintien du lien entre l’armée et la nation, sera renforcée, avec l’ouverture de 19 millions d’euros supplémentaires. Le nombre d’engagements dans la réserve sera porté à 62 000.

Avec 66 millions d’euros, le plan d’amélioration de la condition du personnel militaire et le fonds de consolidation de la professionnalisation sont pleinement mis en œuvre. Cet effort est indispensable pour fidéliser le personnel militaire, notamment dans certaines spécialités professionnelles recherchées. Ils sont complétés par 15 millions d’euros de mesures en faveur des personnels civils. Depuis 2002, ces derniers auront obtenu annuellement, pour chaque exercice budgétaire, ce qu’ils obtenaient auparavant en cinq ans, sur l’ensemble de la programmation. Les personnels, dans leur ensemble, se sentent également davantage pris en considération, d’autant qu’ils ont également les moyens d’être mieux entraînés, avec des matériels plus modernes et plus disponibles. C’est un élément essentiel pour stimuler leur motivation.

La ministre a souhaité, en conclusion, se tourner vers l’avenir. La place de la France dans le monde est étroitement liée à la puissance de sa défense. Elle n’est écoutée et ne peut agir pour faire respecter ses principes et ses valeurs que si elle a les moyens, le cas échéant, d’intervenir par les armes. La montée des risques est une réalité : il y aura de plus en plus de crises dans un monde moins sûr qu’auparavant. Le devoir des responsables politiques est donc de veiller à la protection des citoyens, premier devoir de l’État et au rétablissement de la paix. La loi de programmation militaire 2003-2008 a contribué à redresser l’effort de défense et doit être prolongée. Il faut vingt ans pour mettre sur pied une armée forte mais on peut la faire décliner en cinq ans de manière irréversible. Il est donc indispensable, par-delà les sensibilités, que chacun ait conscience de la nécessité d’une action commune. Les Français ont d’ailleurs pris conscience de ces enjeux : 80 % d’entre eux considèrent que l’effort financier consacré à la défense est légitime et plus d’un quart d’entre eux souhaiteraient son accroissement.

La ministre s’est engagée à poursuivre l’effort accompli pendant cinq ans pour construire une défense forte et s’est félicitée que sa volonté soit partagée par les membres de la commission, compte tenu de l’enjeu de la politique de défense : la sécurité des Français et l’intérêt de la France.

Le président Guy Teissier s’est interrogé en premier lieu sur la commande d’hélicoptères de transport NH 90 réduite à 12 dans le projet de loi de finances pour 2007 au lieu des 34 appareils prévus, faisant valoir que le parc des hélicoptères Puma est à bout de souffle. N’aurait-il pas mieux valu, il y a quelques années, acheter de nouveaux appareils au lieu de compter sur une prolongation maximale de leur utilisation ?

Faisant part de l’incertitude qui pèse sur les capacités de l’armée de terre en matière d’aéromobilité au-delà de 2008, il a rapporté que M. Louis Gallois, coprésident d’EADS, auditionné récemment par la commission, avait laissé entendre qu’une commande réduite aurait des conséquences sur le prix unitaire des hélicoptères. L’armée de terre et la marine nationale ne risquent-elles pas de passer au second rang, compte tenu de la nécessité d’Eurocopter de satisfaire aussi les clients étrangers ?

Se félicitant de l’engagement du Président de la République sur la mise à niveau des pensions des anciens combattants ressortissant des anciens territoires sous souveraineté française, il a souhaité savoir comment serait financée cette « décristallisation » d’un coût de 110 millions d’euros.

Il a enfin demandé des précisions sur la politique de recherche et développement (R&D) du ministère de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie lui a apporté les réponses suivantes.

 — 27 hélicoptères NH 90, dans la version navale (NFH), ont été commandés au profit de la marine nationale. Une nouvelle commande, en version terrestre (TTH), est prévue en 2007 au profit de l’armée de terre. Elle portera sur un seul marché, avec une part ferme de 12 appareils et une option sur 22 appareils supplémentaires à affermir en 2008. 34 appareils seront commandés d’ici 2008, ce qui est parfaitement conforme à la loi de programmation militaire. Les livraisons interviendront à partir de 2011, comme prévu. Les retards que l’on rencontre dans ce programme ne sont pas du fait du gouvernement mais du fait de l’industriel lui-même, qui éprouve parfois des difficultés à satisfaire en temps utile les commandes passées par le ministère de la défense. Le découpage en une partie ferme et une partie optionnelle ne modifie nullement le délai de livraison et ne génère aucun surcoût financier. Cette distinction est uniquement motivée par le souci de gérer les autorisations d’engagement le plus finement possible.

 — La « décristallisation » des pensions d’anciens combattants des colonies a été engagée en 2003-2004. Dans un premier temps, elle a consisté à revaloriser la retraite des soldats devenus ressortissants d’États étrangers sur la base d’une parité de pouvoir d’achat. Il s’était agi de réévaluer les pensions en considération du pouvoir d’achat du pays de résidence de l’ancien combattant, et non au niveau des pensions servies aux anciens combattants français. Le Président de la République, dans son entretien avec la presse du 14 juillet 2006, a annoncé qu’un effort supplémentaire serait accompli au titre de la reconnaissance due par la France à ses anciens combattants étrangers : la parité numérique pure et simple des pensions de retraite et d’invalidité servies en France et à l’étranger. Cette mesure, évaluée pour 2007 à 110 millions d’euros, sera inscrite au budget de l’État par un amendement gouvernemental présenté lors du débat au Parlement. Afin de ne pas obérer l’équilibre général du budget, chaque ministre sera mis à contribution pour fournir des économies correspondantes réparties sur plusieurs missions ; pour le ministère de la défense, la quote-part du « gage » devrait s’élever à 11 millions d’euros.

 — Après une longue période durant laquelle les retraites militaires n’avaient pas été revalorisées, le Gouvernement a décidé d’accomplir un effort en 2006 et de le poursuivre en 2007. L’augmentation de deux points d’indice PMI de la retraite du combattant sera financée dans le cadre du programme 169, « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ». Le coût de cette majoration représente environ 40 millions d’euros, ce qui portera la dotation budgétaire pour 2007 de la retraite du combattant à un total de 755 millions d’euros.

Après avoir indiqué que le groupe socialiste souhaitait obtenir des précisions supplémentaires avant de se prononcer sur le projet de budget, M. Jean-Michel Boucheron a observé que les effectifs de la défense seraient réduits de 3 000 personnes, dont 2 000 parmi les militaires du rang. Est-ce compatible avec la satisfaction des besoins importants occasionnés par les opérations extérieures et ces prévisions sont-elles en adéquation avec le format prévu pour l’armée de terre ?

Par ailleurs, il s’est interrogé sur la part des rémunérations et charges sociales (RCS) dans le budget de fonctionnement, les parts respectives des dépenses ordinaires (titre III) et des dépenses d’équipement (titre V), et la part des crédits d’équipement, qui ont atteint un niveau d’étiage pour satisfaire les besoins de la professionnalisation, estimant qu’elle devrait être redressée.

Il a demandé quel était l’état d’avancement du Memorandum Of Understanding (MOU) lequel doit sceller, avec les Britanniques, l’entente en vue de construire le deuxième porte-avions (PA2). Le mécanisme de financement du deuxième porte-avions permettra-t-il, de façon irréversible, sa réalisation sans qu’elle puisse être remise en cause après mai 2007 ?

Il a souhaité enfin des indications sur les discussions avec les autorités russes au sujet de l’actionnariat d’EADS ? Sur quels sujets peut-on développer une coopération ? Quels sont les termes de la négociation ?

Mme Michèle Alliot-Marie a alors donné les précisions suivantes.

 — Sous le nouveau régime de la loi organique relative aux lois de finances, la comptabilisation budgétaire des effectifs a changé : il n’est plus question d’emplois budgétaires mais de plafonds d’emplois, dans le cadre desquels les gestionnaires bénéficient d’une grande liberté. En 2007, le ministère de la défense aura économisé 1 169 emplois, grâce notamment à la politique de modernisation, de mutualisation des actions et de meilleure utilisation de l’informatique. L’analyse des emplois doit se fonder sur l’approche capacitaire. Or les armées considèrent que les réductions d’emplois permises par ces réformes n’affectent nullement leur capacité opérationnelle et qu’elles tendent même, au contraire, à améliorer le service en matière de soutien. Ces économies permettent également de financer 1 012 créations d’emplois : 950 gendarmes, 47 personnels au service de santé des armées et 15 à la DGSE. En outre, certains emplois supprimés en 2006 étaient vacants depuis de nombreuses années. De ce point de vue, la LOLF est très intéressante puisqu’elle fait disparaître la notion d’effectifs budgétaires : à l’intérieur de son enveloppe de 24 milliards d’euros, le ministère peut financer 430 000 emplois tout en procédant à des promotions et à des améliorations de situations. Les tensions sur les effectifs qui peuvent apparaître à cause des OPEX sont à relativiser. Des améliorations s’imposent encore en ce qui concerne la répartition des personnels entre les forces projetables et les forces de soutien administratif, qui mobilisent encore trop de militaires.

 — Les crédits d’équipement (l’équivalent du titre V) s’élèveront en 2007 à environ 16 milliards d’euros, soit une augmentation de 1,9 % par rapport à 2006. Ils représentent un peu plus du tiers des dotations et il serait souhaitable de renforcer leur poids. Il faut aussi tenir compte de la professionnalisation et des charges de fonctionnement. C’est ainsi que l’augmentation du prix du baril de pétrole a imposé des ouvertures de crédits supplémentaires importantes et induit l’adaptation des achats aux variations des cours. Une augmentation des crédits est souhaitable tant en ce qui concerne les équipements que la R&D, alors que la France figure déjà parmi les meilleurs pays européens quant à son effort d’équipement militaire. Nombre de nos voisins consacrent 90 % de leur budget de défense au fonctionnement, ce qui les prive de toute capacité d’équipement et pose en outre des problèmes d’interopérabilité entre alliés.

 — Une revue de conception a constaté la bonne marche des travaux préparatoires à la définition du second porte-avions : 80 % des 90 % de points de convergence recherchés sont atteints. Une proposition technique et commerciale comportant un engagement des industriels est attendue pour la fin de 2006. Mais certains d’entre eux donnent l’impression de vouloir ralentir le processus en espérant de meilleures conditions commerciales… Or il faut profiter de la conjoncture et de la volonté politique convergente de la France et du Royaume-Uni pour faire avancer ce projet et le rendre irréversible. La notification du contrat de réalisation doit intervenir en 2007, et le plus tôt sera le mieux. C’est pourquoi il sera proposé au Parlement d’inscrire 700 millions d’euros d’autorisations d’engagement au titre du projet dans le projet de loi de finances pour 2007. Ce deuxième porte-avions est indispensable pour garantir la permanence à la mer, nécessité du monde actuel, compte tenu de la localisation des risques : les avions français pourront décoller de cette plate-forme pour se déployer partout, quel que soit l’environnement politique des pays environnant le théâtre d’opérations. Un seul porte-avions ne sert à rien sans permanence à la mer. Certains imaginent à tort que les crédits économisés par un éventuel abandon du projet pourraient être redéployés. En fait, si le PA2 ne voit pas le jour, il risque d’y avoir une diminution de moyens sur l’ensemble du budget de la défense.

 — S’agissant d’EADS, il convient de distinguer la coopération politique et la répartition de l’actionnariat. Les Russes possèdent une vraie expertise en matière aéronautique et une meilleure coopération pourrait être intéressante pour le développement de certains projets. En revanche, il n’est pas question de modifier le pacte d’actionnaires d’EADS, qui est clair et stable.

M. Yves Fromion s’est félicité que la majorité, avec le concours actif du Président de la République et de la ministre de la défense, ait tenu ses engagements pendant cinq ans.

Le Gouvernement annonce 3,5 milliards d’euros de crédits de R&D, somme tout à fait convenable. Or, en crédits de paiement, pour le « maintien des capacités technologiques et industrielles », c’est un montant de 966 millions qui apparaît dans le budget. Avant la loi organique relative aux lois de finances, les crédits de recherche et technologie (R&T), hors nucléaire et budget civil de recherche et développement (BCRD), étaient clairement identifiés. Est-il possible de savoir comment ont évolué, à périmètre constant, les crédits de R&T, depuis plusieurs années ?

D’aucuns craignent qu’une menace pèse sur l’institution des Invalides, qui ne conserverait que son activité de maison de retraite. Ces rumeurs sont-elles fondées?

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que les 3,5 milliards d’euros de crédits de R&D se décomposaient en : 700 millions pour les études amont ; 700 millions pour les autres crédits de recherche, parmi lesquels le BCRD, dont la dotation est désormais affectée sur des recherches duales et 2,1 milliards pour le développement des programmes. La progression régulière de ces crédits permet de satisfaire les objectifs de la loi de programmation militaire.

Elle a ensuite affirmé qu’il était hors de question de toucher à l’institution des Invalides, lieu d’accueil et de recherche indispensable.

M. Jean Lemière a rappelé que la signature du contrat de commande des SNA Barracuda engagerait la France jusqu’en 2026. Comment faire en sorte que cette démarche à long terme soit menée à bonne fin ?

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu qu’il n’existait pas de moyens juridiques de garantir la bonne fin du contrat Barracuda, mais seulement des moyens politiques. Les lois de programmation militaire, établies pour cinq ans, traduisent une volonté politique, qui s’appuie sur l’opinion publique et doit par conséquent être transparente, afin que les Français se l’approprient. Une fois qu’une action est lancée, il est beaucoup plus facile de continuer que de s’arrêter. L’enjeu, pour le Barracuda, est de ne pas répéter l’expérience du Rafale : le premier a volé en 1985 et il aura fallu attendre près de vingt ans pour que les armées commencent à en être dotées.

M. Gilbert Le Bris s’est interrogé sur la réalité des efforts accomplis par le Gouvernement en matière d’espace. La loi de programmation militaire n’avait sans doute pas intégré l’intérêt que prendrait la politique spatiale dans les années suivant son élaboration. Par ailleurs, des structures dédiées à ce domaine ont disparu, en particulier le bureau espace auprès de la délégation générale pour l’armement (DGA) et l’emploi de l’officier général chargé de l’espace a été supprimé.

Il a ensuite exprimé la crainte que la réalisation de l’avion de transport futur (ATF) A400M soit obérée par les turbulences traversées par EADS avec Airbus.

Il a enfin demandé des précisions sur les déclarations récentes de M. Jean-Marie Poimbœuf, président de DCN, s’agissant de la capacité de DCN à satisfaire la demande concernant le second porte-avions.

Mme Michèle Alliot-Marie a sur ce dernier point réitéré ses propos sur la nécessité pour les industriels de chercher davantage à coopérer avec les gouvernements.

Elle a ensuite fait valoir que les crédits consacrés à l’espace pour 2007 atteindraient 521 millions en autorisations d’engagement (AE) et 469 millions en crédits de paiement (CP) : dans ce domaine, les AE restent donc encore plus importantes que les CP. Ces crédits permettront de continuer la réalisation des programmes Syracuse 3 et Hélios 2 : pour Syracuse 3, le déploiement des stations sol se poursuivra ; il est prévu de lancer Hélios 2B en 2009. Ils permettront également de réaliser les études nécessaires au lancement de programmes futurs de télécommunication et d’observation : fin 2006 ou début 2007, la DGA devrait notifier une étude d’architecture du système post-Hélios. La prochaine loi de programmation militaire devra prendre totalement en compte cette nécessité de maîtrise de l’espace, l’un des critères de puissance d’une nation ou d’un groupe de nations comme l’Europe.

D’après l’audit réalisé sur l’ATF A400M, l’avance qui existait sur ce programme a disparu mais sa réalisation demeure inscrite dans les délais prévus. La situation est tout à fait différente de celle de l’A380, qui se heurte à des problèmes de réalisation industrielle ; ce qui n’est pas le cas pour l’ATF A400M.

M. René Galy-Dejean a abondé dans le sens des déclarations de la ministre sur la nécessité de préserver le rang de la France dans le monde.

La Grande-Bretagne, pays qu’il est intéressant de comparer au nôtre en matière de défense, semble privilégier l’équipement des forces sur les effectifs. Si la contrainte financière contraignait à stopper la progression du budget de la défense, quel serait le choix stratégique : donner la priorité à l’équipement des forces ou au maintien du format ?

M. Jérôme Rivière a souligné que la gestion des autorisations d’engagement était fondamentalement différente de celle des autorisations de programme dans la mesure où les AP en réserve, avant la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, auraient permis de passer toutes les commandes de NH 90 en une seule tranche. Ces changements sont-ils pris totalement en compte dans la passation de contrats globaux ? Il faut bien constater que les commandes d’armement imposent des « bosses » d’AE pour lesquelles l’inscription de crédits donne lieu à négociation avec le ministère du budget.

Par ailleurs, il semble ne pas exister d’instance d’arbitrage entre les programmes ; le conseil des systèmes de forces n’apparaît pas le lieu où s’effectue l’arbitrage entre acquisition et possession. Sur ces deux aspects, la LOLF peut-elle être améliorée ?

La France cherche à imposer un standard européen de drones et le système intérimaire de drones MALE (SIDM) entre dans la phase opérationnelle. Mais la nouvelle formule d’EuroMALE ne fait plus appel au transfert de technologie à partir d’Israël. Quelles sont les conséquences de ce choix ?

Mme Michèle Alliot-Marie a expliqué que la part du budget militaire français consacrée aux équipements depuis cinq ans se rapprochait de celle de la Grande-Bretagne, qui tendait à diminuer. S’agissant des nouveaux porte-avions, par exemple, le gouvernement britannique a amené la Royal Navy à réduire ses prétentions.

Si une réduction des crédits de défense survenait, toutes les cotes seraient mal taillées : des hommes sans équipements ou des équipements sans hommes ne serviraient à rien. La France ne serait plus en mesure d’intervenir sur des théâtres nécessitant des équipements importants, elle perdrait son rôle sur la scène internationale, alors qu’elle dispose d’un siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU.

Les arbitrages sont le fait, pour l’essentiel, du ministre et de son cabinet. La gestion est compliquée, même maintenant que la LOLF s’applique, compte tenu des caractéristiques des programmes d’armement, qui s’étalent sur des périodes très longues et coûtent extrêmement cher, qu’il s’agisse du coût d’acquisition comme du coût de possession. Une solution consisterait à acheter les heures d’utilisation potentielle auprès de l’industriel. Placer dans un seul bloc le coût de l’acquisition et celui de la possession exigerait de relever considérablement les montants d’AE, en opposition avec la politique du ministère du budget. Cette politique est parfois à très courte vue et conduit au total à des dépenses bien plus importantes qu’elles ne devraient l’être, l’effort budgétaire ne pouvant être exercé au moment adéquat.

EADS doit veiller à ce que les Israéliens puissent soutenir le projet SIDM dans la durée. Le produit étant intéressant à l’exportation, les coopérations qui ont été établies fonctionnent dans l’intérêt des deux parties.

M. Jean-Yves Le Drian s’est enquis de l’avenir du fonds pour les restructurations de la défense (FRED) et de la possibilité d’inclure son action dans le cadre des contrats de projet.

Il s’est par ailleurs interrogé sur le déroulement du programme des frégates multi-missions (FREMM) après les difficultés manifestes rencontrées avec les Italiens et a souhaité connaître le calendrier du déroulement du projet « Convergence » de rapprochement de Thalès et DCN.

Mme Michèle Alliot-Marie lui a apporté les réponses suivantes.

 — Le FRED a été beaucoup utilisé pour accompagner la professionnalisation et les restructurations des armées : au total, sur dix ans, plus de 100 millions d’euros ont été dépensés efficacement et ont évité des drames. Avec la fin de la professionnalisation, le mouvement est pratiquement achevé et le montant du FRED est ramené à quelque 10 millions d’euros par an. Il peut faciliter de nouveaux aménagements à la marge, mais ne sera pas associé à quelque autre structure, compte tenu de ses spécificités.

 — Le programme FREMM se déroule tout à fait normalement. Au demeurant, le contrat a été passé de telle sorte que les choix de l’Italie n’aient aucune conséquence pour la France, tant en ce qui concerne le rythme de production que les effets financiers.

 — La « Convergence » entre Thalès et DCN procède d’une volonté politique forte. Pour résister à la concurrence mondiale, l’État doit aider les entreprises françaises à acquérir une taille européenne. Il faut commencer par conforter les entreprises nationales ; puis favoriser leur regroupement avec des partenaires européens. En l’occurrence, il s’agit de rassembler l’ensemble des forces françaises de l’industrie navale afin de mettre un terme à la concurrence franco-française et de consolider notre industrie. Le projet est dans sa phase finale, en dépit des discussions sur la valorisation des apports des uns et des autres – ils seront réglés par une commission dont c’est le métier d’estimer les apports avec compétence, objectivité et sérieux. Il convient d’agir le plus vite possible pour passer à la deuxième phase, préparée depuis des années : rapprocher le secteur naval de ceux des Espagnols, des Portugais et peut-être des Italiens, puis des Allemands, avec lesquels l’ensemble français sera en position de force. Les retards, imputables à la position de certains syndicats, sont regrettables. Des garanties ont pourtant été apportées aux personnels concernant les statuts et la réalisation du plan d’entreprise. Le processus doit maintenant s’accélérer ; il faut savoir saisir les opportunités au bon moment.

M. Philippe Folliot a approuvé la création de 950 emplois dans la gendarmerie, très attendus dans les brigades et autres services, ainsi que les progrès en matière de réserves et l’affectation de 15 millions d’euros pour la projection de forces de gendarmerie en OPEX. Les forces de police à statut militaire sont indispensables sur les théâtres extérieurs, comme le démontre la situation en Irak.

Selon quel échéancier les 78 véhicules de l’avant blindé de maintien de l’ordre (VABMO) seront-ils livrés ? Combien sont prévus pour 2007 ?

L’aéromobilité de la gendarmerie est cruciale, notamment en Guyane. Quel sera le rythme de livraison des hélicoptères EC 145 et combien seront disponibles en 2007 ?

La disponibilité moyenne des hélicoptères de gendarmerie nationale est de 85 % et l’objectif pour 2008 est de 75 %. Pourquoi fixer un objectif inférieur aux résultats actuels ?

Les 400 millions d’euros prévus pour des opérations d’infrastructure innovantes sont-ils compris dans l’enveloppe de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et seront-ils concentrés sur l’exercice 2007 ? La réponse est importante car l’immobilier, d’un point de vue budgétaire, est en quelque sorte le seul système d’arme de la gendarmerie.

Mme Michèle Alliot-Marie a apporté les réponses suivantes :

 — Tous les engagements de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure sont tenus. Cependant, du terrain remonte l’impression que la réalité ne correspond pas à l’effort annoncé. Il existe un décalage qui s’explique dans certains cas par la nécessité de former les nouveaux recrutés. Il est en revanche anormal que, pour certaines affectations, les états-majors ou l’administration centrale soient privilégiés par rapport aux gendarmeries de terrain. Les postes nouvellement créés doivent l’être au plus près des citoyens pour garantir leur sécurité.

 — Ce sont bien 78 véhicules blindés qui seront livrés.

L’aéromobilité continue à s’améliorer. Certains matériels peuvent également être utilisés conjointement, notamment par la gendarmerie et l’armée de terre. C’est le cas du GIGN avec l’héliport de Villacoublay.

 — L’objectif de disponibilité pour 2008 a été fixé en 2005 et a été maintenu en fonction des règles prévues par la LOLF. Le taux de disponibilité est un taux plancher. En outre, pour un hélicoptère, qui demande un entretien très régulier, un taux de disponibilité de 75 % s’analyse comme permettant une disponibilité quasi permanente.

 — Enfin, les 400 millions d’AE évoqués sont inscrits hors du périmètre de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.