COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 35

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 14 décembre 2004
(Séance de 16 h 15)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen du projet de loi relatif à l'ouverture du capital de DCN et à la création par celle-ci de filiales (n° 1977).

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- Information relative à la Commission

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jérôme Chartier, le projet de loi relatif à l'ouverture du capital de DCN et à la création par celle-ci de filiales (n° 1977).

Le Président Pierre Méhaignerie a remercié le Rapporteur pour le travail accompli compte tenu de la brièveté exceptionnelle des délais d'examen de ce projet. Le renvoi du texte à la commission des Finances s'impose car il a pour objet exclusif l'ouverture du capital de DCN. Cette réforme devait initialement intervenir dans le cadre de la loi de finances rectificative, mais le Conseil d'État a estimé, à juste titre, que cela constituait un cavalier budgétaire. C'est ce processus qui explique des délais particulièrement brefs, puisque le projet a été renvoyé à la commission des Finances mercredi dernier, et qu'il sera discuté en séance publique jeudi prochain.

M. Jérôme Chartier, Rapporteur, a rappelé que DCN employait 12.375 équivalents temps plein, au 1er novembre 2004, que le chiffre d'affaires du groupe était d'environ 1,9 milliard d'euros en 2003 et que ses principales implantations territoriales se situaient à Toulon, Cherbourg, Brest et Lorient. Le présent projet de loi propose l'ouverture du capital de DCN, ce qui n'est pas une privatisation. Il vise seulement à donner des outils pour des partenariats.

Le marché mondial de la construction navale militaire constitue aujourd'hui un enjeu majeur. Si les entreprises américaines sont peu nombreuses et puissantes, les acteurs européens sont, eux, atomisés. DCN a pu conduire des initiatives communes avec les Italiens ou les Espagnols, mais seulement dans le cadre de groupements d'intérêt économique, seule option que lui permet son statut actuel. Aujourd'hui, il lui est nécessaire de pouvoir mener à bien des joint ventures. À cette fin, le projet de loi propose de permettre à DCN de nouer des liens capitalistiques à la fois « par le haut » et « par le bas ». Elle pourra ainsi ouvrir son capital à des partenaires privés, éventuellement européens. Elle pourra également créer des filiales communes avec des partenaires privés, en procédant notamment à des apports partiels d'actifs. Les garanties proposées quant au contrôle par DCN sur ses filiales, par le projet de loi, vont au-delà du droit commun institué par la loi du 6 août 1986. DCN pourra, par exemple, envisager une joint venture dans le cadre de l'appel d'offres pour le second porte-avions.

Il faut donner un signe fort à nos partenaires pour leur montrer la volonté de la France. Au salon Euronaval, la ministre de la Défense a souligné la nécessité de la consolidation de l'industrie navale. Un certain nombre de rapprochements sont envisagés, même s'il est encore trop tôt pour en connaître les contours précis. La proximité de DCN avec le groupe Thalès en fait son partenaire privilégié. Pour autant, le projet de loi permet également à DCN de nouer des alliances avec d'autres partenaires, éventuellement européens, dans la construction navale militaire.

Ce texte constitue une « boîte à outils » permettant de structurer l'industrie de défense navale.

M. Augustin Bonrepaux a souligné que la loi de finances rectificative a vu l'adoption par amendement de dispositifs soi-disant techniques avec des arguments souvent faux. Ainsi, s'agissant du transfert du permis de chasse, le Gouvernement a indiqué que les fédérations avaient donné leur accord, alors que certaines fédérations consultées ont fait savoir que tel n'était pas le cas. La suppression du fonds national du développement des adductions d'eau présentée comme une simple réforme technique signifie en réalité la suppression de la péréquation, principe pourtant inscrit dans la Constitution. Ces réformes sont faites dans la précipitation, sans que les informations indispensables soient transmises au Parlement.

Tel est aussi le cas de l'évolution du statut de DCN présenté en toute fin d'année, transmis il y a quelques jours à la commission des Finances et qui sera débattu en séance publique dès jeudi. Cela constitue un véritable passage en force qui montre la volonté de la Ministre de la Défense de se débarrasser de ce problème et de faire oublier l'inertie trop longtemps manifestée sur le sujet. Outre le mépris total du Parlement, ce projet de loi montre le peu d'égard du Gouvernement envers les organisations représentatives des personnels. Lors d'une rencontre avec le cabinet de la Ministre, elles ont en effet été informées que le texte serait probablement reporté à l'année prochaine. Quelques jours après, sans concertation, le texte est pourtant déposé à l'Assemblée. Il s'agit d'une basse manœuvre. Par ailleurs, ce texte constitue une boîte à outils qui n'indique rien sur l'avenir de DCN. Ce texte est présenté dans l'urgence alors que les partenaires allemands veulent prendre tout le temps nécessaire pour négocier. L'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 qui a modifié le statut de DCN pose deux obligations : la première est la conclusion d'un contrat pluriannuel entre l'État et l'entreprise prévoyant les obligations et les engagements réciproques de chacun, la deuxième est la transmission annuelle à la commission des Finances d'un rapport sur les perspectives d'activité de l'entreprise. Aucune de ces obligations n'a été remplie. La représentation nationale et les salariés ne connaissent ni la situation actuelle de l'entreprise, ni l'évolution de celle-ci dans le cadre de cette « boîte à outils », ni les engagements de l'Etat. Aucune discussion n'a été engagée au plus haut niveau avec l'Allemagne sur l'avenir et la répartition de la charge de travail. Le groupe socialiste ne peut donc qu'être opposé à un tel projet.

M. Jean-Claude Sandrier a précisé qu'il avait l'intention de déposer un amendement de suppression de l'article unique, compte tenu du manque d'information sur l'évolution de DCN. L'exposé des motifs indique qu'il est impératif d'ouvrir le capital de DCN. Or, le même argument était avancé en 2001 pour changer son statut. Pourquoi cette réforme n'a-t-elle pas suffi ? Le seul argument avancé est qu'il faut répondre aux exigences de nos partenaires. Mais jusqu'à quel point doit-on se soumettre à des partenaires dont l'identité n'est même pas connue ? Le but de ce projet de loi n'est-il pas finalement de privatiser ce secteur, dans la seule volonté d'assurer une rentrée financière immédiate ?

En réponse aux différents intervenants, M. Jérôme Chartier, Rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- le contrat d'entreprise, classé « Confidentiel-Défense », a été communiqué à la commission des Finances. Il court jusqu'en 2008. Le ministère s'est engagé à transmettre à la commission des Finances, avant la fin de l'année, le rapport sur l'activité de l'entreprise. Le rapport a été remis l'an dernier, même s'il est vrai qu'il y a une défaillance cette année. Cependant, le document essentiel est le contrat d'entreprise et les informations qu'il contient sont très complètes ;

- le changement de statut de DCN était nécessaire en 2001. Il était impossible de conclure des alliances sans un statut de société anonyme, qui a permis de constituer des groupements d'intérêt économique. Il ne s'agissait donc pas de joint ventures, mais de chantiers assumés en commun, chacun des partenaires prenant sa part. Aujourd'hui, il faut permettre à DCN de nouer des liens capitalistiques, comme le font les entreprises américaines, notamment en Espagne. Il faut donc permettre non seulement la conclusion de partenariats mais aussi la création de joint ventures pour dynamiser ces partenariats. La possibilité offerte à DCN d'effectuer un apport partiel d'actifs à une filiale est strictement encadrée puisque l'accord du ministre de la Défense et du ministre de l'Économie est nécessaire ;

- le statut actuel de DCN l'empêche aujourd'hui de procéder à un apport d'actifs à sa filiale Armaris, qu'il détient à parité avec Thalès. L'ouverture du capital devrait permettre de constituer un « Armaris décuplé » au niveau européen. S'agissant du deuxième porte-avions, une joint venture pourrait être constituée avec Thalès, afin de mener ce projet à terme. Avec le statut actuel, il a été possible de trouver un modus vivendi sur le marché français, notamment avec Thalès, mais cela est plus difficile au niveau européen. Ainsi, le groupement d'intérêt économique ATR a-t-il abouti à la production de deux types d'avions, mais ce statut n'était pas adapté et a nui à ce projet industriel ;

- la référence à EADS, à propos du projet de loi concernant DCN, n'est pas pertinente, car cette entreprise n'agit pas dans le domaine civil mais reste cantonnée dans le marché naval militaire. Il ne s'agit pas non plus d'une situation comparable à GIAT Industries, car les garanties apportées au personnel sont très différentes. Ce projet de loi ne constitue qu'une boîte à outils, l'évolution de DCN demeure ouverte. C'est pourquoi un amendement demandant au Gouvernement un rapport annuel remis au Parlement sur l'évolution de DCN sera proposé.

Certes, les délais d'examen du texte sont particulièrement brefs, mais ils correspondent à la volonté de garder la maîtrise d'un secteur clé. On assiste à la structuration d'un marché naval européen où la France a un rôle central à jouer. L'objectif de ce texte est de donner rapidement des signaux forts pour que la France continue à jouer ce rôle majeur. Ce projet de loi devrait permettre l'amorce de discussions entre DCN et Thalès et la nécessaire évolution de DCN dans le cadre européen.

Article unique (Art. 78 de la loi de finances rectificative n° 2001-1276 du 28 décembre 2001) : Ouverture du capital de DCN et création, par celle-ci, de filiales

La Commission a examiné un amendement de suppression présenté par M. Augustin Bonrepaux, qui a indiqué que l'information du Parlement sur les partenariats que DCN est appelée à nouer à l'avenir n'est pas suffisante, ainsi que le Rapporteur l'a souligné lui-même. On ne sait pas où on va. Cette information doit être délivrée avant que le projet de loi ne soit soumis à l'adoption. M. Jean-Claude Sandrier a déclaré qu'il était en total accord avec cet amendement.

M. Jérôme Chartier, Rapporteur, a indiqué qu'à défaut du présent texte, l'examen par le Parlement de chaque projet de création de filiale envisagée par DCN serait une procédure répétitive et peu utile.

La Commission a alors rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite adopté deux amendements rédactionnels présentés par le Rapporteur.

La Commission a, enfin, adopté un amendement du Rapporteur prévoyant la remise, par le Gouvernement, d'un rapport annuel au Parlement sur la mise en œuvre de l'ouverture du capital de DCN et la création par celle-ci de filiales, son auteur ayant rappelé le caractère fondamental d'une telle information.

La Commission a alors adopté le projet de loi ainsi modifié.

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Information relative à la Commission

La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a nommé M. Jérôme Chartier, rapporteur du projet de loi relatif à l'ouverture du capital de DCN et à la création par celle-ci de filiales (n° 1977).

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