COMMISSION DES FINANCES,
DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN
COMPTE RENDU N° 40
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mardi 13 décembre 2005
(Séance de 16 heures 15)
Présidence de M. Michel Bouvard, Vice-Président
SOMMAIRE
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- Examen du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux offres publiques d'acquisition (n° 2612) (M. Hervé Novelli, Rapporteur) |
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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Hervé Novelli, Rapporteur, le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux offres publiques d'acquisition (n° 2612).
M. Hervé Novelli, Rapporteur, a souligné que le Gouvernement proposait de transposer cette directive, très technique, dans un délai très rapide après son adoption. Le dépôt du présent projet de loi a été enregistré le 22 septembre 2005 à la présidence du Sénat et la navette doit permettre, très vraisemblablement, de respecter la date limite de transposition fixée au 20 mai 2006.
Les délais de transposition des directives européennes en droit français demeurent trop longs. Cependant, la France réduit son retard en matière de transposition significativement depuis deux ans. Elle reste tout de même 18ème sur les 25 États membres pour les retards de transposition.
Le processus d'élaboration de la directive a été particulièrement long puisque l'initiative d'une directive portant sur un cadre harmonisé des OPA remonte à juin 1985. La directive a finalement été adoptée le 21 avril 2004, dans le cadre du Plan d'action pour les services financiers.
Après l'article premier de la directive, qui fixe son champ d'application, l'article 2 définit plusieurs termes, tels que ceux d' « offre publique d'acquisition », de « société visée » ou de « personnes agissant de concert ». L'article 4 de la directive définit l'autorité de contrôle compétente, le droit applicable et les obligations de coopération entre autorités potentiellement concernées.
Dans le but de protéger les actionnaires minoritaires, l'article 5 de la directive prévoit une offre publique obligatoire sur la totalité des titres en cas de dépassement d'un seuil de contrôle à l'issue d'une offre publique réussie. Ce même article définit le « prix équitable » pour ces titres. L'article 6 de la directive prévoit que le document public d'offre est transmis par les organes d'administration ou de direction de la société visée et de l'offrant aux représentants de leur personnel ou, s'ils n'existent pas, au personnel lui-même.
L'article 9 prévoit que, pendant la période d'offre, l'organe d'administration ou de direction de la société cible doit obtenir l'autorisation préalable de l'assemblée générale avant d'entreprendre toute action susceptible de faire échouer l'offre, à l'exception de la recherche d'autres offres. Il s'agit là d'un élément majeur de la directive. Son article 11 pose le principe de l'inopposabilité ou de la suspension des effets des restrictions statutaires et contractuelles au transfert de titres et à l'exercice des droits de vote, pendant la période d'acceptation de l'offre et jusqu'à son achèvement. L'article 12 est relatif aux « arrangements facultatifs ». Il prévoit une double option permettant d'appliquer ou non les dispositions des articles 9 et 11. Ces deux options sont assorties d'une exception de réciprocité afin d'établir l'égalité des « conditions de jeu » entre l'initiateur et la société visée. L'article 15 prévoit un mécanisme de retrait des titres, suite à une offre publique. L'article 16 est relatif au rachat obligatoire dans le même cas.
L'essentiel des principes généraux relatifs aux OPA existe d'ores et déjà en France. En effet, notre pays s'est doté d'un dispositif juridique complet, depuis l'adoption de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, qui a été régulièrement modifiée par la suite. Tel n'est pas le cas dans l'ensemble des pays de l'Union européenne. La directive vise donc à harmoniser le droit européen en la matière. Elle prévoit ainsi que les États membres veillent à ce que tous les détenteurs de titres d'une société visée par une OPA et qui appartiennent à la même catégorie doivent bénéficier d'un traitement équivalent. Elle prévoit que si une personne acquiert le contrôle d'une société, les autres détenteurs de titres doivent être protégés.
La directive constitue un texte équilibré. Elle propose d'améliorer la protection des actionnaires minoritaires, la transparence autour des offres publiques et l'équilibre entre les actionnaires et les instances dirigeantes des sociétés.
Par ailleurs, la directive est un outil pragmatique. En effet, l'harmonisation totale des droits nationaux en matière d'OPA étant apparue irréalisable, elle propose que certaines de ses dispositions puissent faire l'objet d'une mise en œuvre « à la carte ».
Compte tenu de l'importance du droit en vigueur en matière d'offre publique, la France est peu concernée par les dispositions obligatoires de la directive, qu'elle applique déjà largement. Cependant, des aménagements sont tout de même rendus nécessaires.
Tout d'abord, le projet de loi concerne l'adaptation du champ de compétence et des pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Il s'agit de prendre en compte les cas où plusieurs marchés réglementés de l'Union européenne sont concernés par une offre publique (article 1er). Ensuite, il propose de définir le prix équitable en cas d'offre obligatoire, d'autoriser l'AMF à fixer les cas de dérogations à l'obligation de déposer un projet d'offre publique, et d'élargir son champ de compétence en matière de contrôle des entreprises relatif au dépôt des offres (article 2). Il modifie l'action de concert, notamment en créant une notion de « concert négatif » (article 4). Il aménage le régime du retrait obligatoire consécutif à une offre réussie. Il s'agit d'une simplification notable pour les initiateurs, qui n'auront plus au préalable à déposer une offre publique de retrait. Le seuil de retrait obligatoire étant maintenu à 95 %, la situation des petits actionnaires est donc assurée (article 5). La transparence sur des informations pouvant avoir une influence sur le déroulement d'une offre est améliorée par leur publication dans le rapport de gestion annuel (article 6). Il prévoit l'information des membres du personnel de l'entreprise visée par l'offre publique ainsi que ceux de l'entreprise à l'origine de l'offre sur le contenu de cette dernière. Par ailleurs, il propose d'étendre cette obligation aux sociétés qui ne sont pas dotées d'un comité d'entreprise, notamment les holdings (article 7).
Compte tenu des divergences de positions entre les États membres, le texte final de la directive ne réalise qu'une harmonisation partielle. Il leur permet d'appliquer de manière optionnelle trois de ses dispositions :
- l'article 9, qui définit des normes européennes de gouvernance d'entreprise en période d'offre publique. Il prévoit qu'en période d'offre, toute mesure de défense de la société cible doit être approuvée par l'assemblée générale des actionnaires ;
- l'article 11, qui prévoit que les dispositions qui limitent le transfert des actions ou l'exercice des droits de vote de la société visée par l'offre sont suspendues en période d'offre ;
- et l'article 12, qui instaure une clause de réciprocité visant à permettre à une entreprise de suspendre l'application des articles 9 et 11 lorsqu'elle est la cible d'une entité qui ne les applique pas.
Après l'adoption de la directive, un groupe de travail sur sa transposition, présidé par M. Jean-François Lepetit, ancien président du Conseil des marchés financiers, a été créé par le ministre de l'Économie. Il a rendu son rapport le 27 juin 2005. Cette méthode permet d'éclairer utilement le Parlement sur les options de transposition.
S'agissant de l'article 9 de la directive, qui définit un régime européen de gouvernance d'entreprise en période d'offre publique, le groupe de travail constate que le droit français produit aujourd'hui des effets très proches de ce standard tandis que son adoption conforterait l'image d'ouverture de la France auprès des investisseurs étrangers. Le groupe de travail estimait donc qu'il est dans l'intérêt de la France d'adopter le régime européen et recommandait la transposition de l'article 9. Il formulait cependant une réserve : il convient de respecter une stricte égalité des « conditions de jeu » entre pays.
Le groupe de travail a recommandé de ne pas transposer l'article 11 de la directive. Il a jugé que la suspension des effets de certains contrats en période d'offre - prévue par l'article 11 - apparaît disproportionnée au regard de l'objectif de promouvoir des structures de capital ouvertes. En particulier, il estime que la transposition de l'article 11 constituerait, en réalité, une entrave importante à la liberté contractuelle et pourrait priver investisseurs et entrepreneurs de solutions de financement et de contrôle flexibles.
Le projet de loi a fait le choix de rendre obligatoire l'application de l'article 9 de la directive. Ce principe devrait être repris par six pays de l'« ancienne » Union européenne à 15. Ce renforcement du rôle de l'assemblée générale doit être articulé avec les outils nécessaires pour affronter la compétition internationale. Pour cela, le projet de loi a fait le choix d'offrir aux entreprises la possibilité de mettre en œuvre la clause de réciprocité pour l'article 9 de la directive. Cela signifie qu'une société française qui fait l'objet d'une offre initiée par une société étrangère n'appliquant pas l'article 9 ou des mesures équivalentes, pourra suspendre l'application de cet article.
Le projet de loi, comme la quasi-totalité des pays de l'Union européenne - seules la Grèce et la Lituanie devraient être concernées -, a choisi de ne pas rendre obligatoire l'application de l'article 11 de la directive. Cet article, qui conduit à suspendre des contrats de droit privé en période d'offre, paraît en effet trop rigide. Il pourrait risquer de priver les acteurs de solutions contractuelles.
Le projet de loi est cependant l'occasion d'inscrire au niveau législatif deux mesures comprises dans le champ de l'article 11 de la directive, déjà connues en droit français. Il s'agit de la suspension des clauses statutaires qui, en période d'offre publique, limiteraient les transferts d'actions et de la suspension des clauses qui, à l'issue d'une offre réussie, limiteraient l'exercice des droits de vote.
Le présent projet de loi doit conduire à renforcer la vigueur de notre économie, en améliorant le régime des offres publiques d'acquisition. Pour autant, il propose également des mesures de protection de nos entreprises, non pas dans une logique frileuse, mais simplement pour assurer l'égalité des « conditions de jeu », pour reprendre l'expression du rapport du groupe de travail présidé par M. Jean-François Lepetit. Ce texte renforce également l'équilibre dans les relations entre l'assemblée générale des actionnaires et les instances dirigeantes de l'entreprise.
La Commission a ensuite examiné les articles du projet de loi.
Article premier (article L. 433-1 du code monétaire et financier) : Champ de compétence de l'Autorité des marchés financiers
La Commission a tout d'abord adopté neuf amendements rédactionnels présentés par le Rapporteur.
La Commission a ensuite examiné un amendement du même auteur portant sur une disposition introduite lors de l'examen du texte au Sénat, en réponse aux mouvements observés sur le cours de l'action Danone à la suite de rumeurs sur une éventuelle OPA. Cette disposition propose, comme cela existe dans d'autres pays, d'obliger un éventuel initiateur à déclarer ses intentions, lorsqu'il y a des motifs raisonnables de penser qu'il prépare une offre publique, en particulier lorsqu'un titre fait l'objet d'un mouvement significatif. Son auteur a indiqué que l'amendement propose que les « motifs raisonnables » et le caractère « significatif » d'un mouvement soient définis par le règlement général de l'autorité des marchés financiers (AMF). En effet, ces notions sont trop vagues.
M. Philippe Auberger a proposé un sous-amendement supprimant le mot « raisonnables », estimant qu'il est superflu. Le règlement général de l'AMF doit préciser les motifs en cause et définir la notion de mouvements significatifs.
Le Rapporteur ayant accepté ce sous-amendement, la Commission a adopté cet amendement ainsi modifié. La Commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel, puis l'article premier, ainsi modifié.
Article 2 (Art. L. 433-3 et L. 433-4 du code monétaire et financier) : Pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers
La Commission a adopté un amendement du Rapporteur précisant que le prix équitable doit être au moins équivalent au prix le plus élevé payé par l'auteur de l'offre. Il s'agit de rétablir le texte initial du Gouvernement, le Sénat ayant supprimé les mots « au moins ». En effet, il faut laisser aux actionnaires minoritaires la possibilité d'obtenir le prix le plus attractif possible.
Après avoir adopté un amendement rédactionnel du Rapporteur, la Commission a adopté un amendement du même auteur portant sur la définition du « prix équitable », dans le cas où la valeur du marché n'est pas représentative de la valeur de la société. Son auteur a indiqué que dans cette situation, le prix peut être modifié, à la hausse ou à la baisse. Le projet de loi précise que l'AMF « peut demander » cette modification. L'amendement propose que l'AMF puisse également « autoriser » cette modification, lorsqu'elle lui est demandée.
La Commission a ensuite adopté deux amendements rédactionnels du Rapporteur, puis un amendement du même auteur visant à uniformiser la rédaction d'un dispositif issu de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie. L'amendement vise à préciser que le projet d'offre doit porter non seulement sur la société mère, mais aussi sur l'ensemble du capital de la société que celle-ci contrôle ou sur celui d'une société qui constitue un actif essentiel de la société mère.
La Commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 3 (Art. L. 621-8 du code monétaire et financier) : Conséquences de la modification du champ de compétence de l'Autorité des marchés financiers
La Commission a adopté cet article sans modification.
Article 4 (Art. L. 233-10 du code de commerce) : Définition de la notion d'action de concert en cas d'offre publique d'acquisition
La Commission a adopté un amendement de clarification du Rapporteur, puis cet article ainsi modifié.
Article 5 (Art. L. 433-4 du code monétaire et financier) : Modalités du régime de retrait obligatoire
La Commission a adopté un amendement du Rapporteur prévoyant que l'indemnisation consignée des actionnaires non identifiés ne peut être réalisée qu'en espèces.
La Commission a ensuite adopté l'article 5 ainsi modifié.
Article 6 (Art. L. 225-100-3 [nouveau] du code de commerce) : Publications des informations susceptibles d'avoir une influence sur le déroulement de l'offre
La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du Rapporteur puis l'article 6 ainsi modifié.
Article 7 (Art. L. 432-1 du code du travail) : Information du personnel
La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du Rapporteur, puis l'article 7 ainsi modifié.
Articles additionnels après l'article 7
La Commission a adopté deux amendements du Rapporteur portant articles additionnels de coordination avec l'adoption de l'article 7.
Article 8 (Art. L. 439-2 du code du travail) : Mise en conformité des dispositions relatives au comité de groupe
La Commission a adopté cet article, sans modification.
Article 9 (Section 5 [nouvelle] du chapitre III du titre III du livre II du code de commerce) : Insertion d'une nouvelle section dans le code de commerce
La Commission a adopté un amendement rédactionnel du Rapporteur puis cet article ainsi modifié.
Article 10 (Art. L. 233-32 [nouveau] du code de commerce) : Approbation préalable ou confirmation des mesures de défense par l'assemblée générale en période d'offre publique d'acquisition
La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du Rapporteur, puis l'article 10 ainsi modifié.
Article 11 (Art. L. 233-33 [nouveau] du code de commerce) : Clause de réciprocité
La Commission a examiné un amendement du Rapporteur visant à rétablir le texte initial pour le premier alinéa de l'article L. 233-33 du code de commerce. La situation visée par cet amendement est celle où une entreprise française fait l'objet de plusieurs OPA dont une, au moins, émane d'une société qui n'applique pas les mesures prévues par l'article 9 de la directive, relatives au recours à l'assemblée générale pour autoriser les dirigeants à mettre en œuvre des mesures défensives.
Deux solutions peuvent être envisagées : soit l'on considère que l'entreprise française doit s'aligner sur le plus vertueux des offrants, et on l'oblige à appliquer les dispositions de l'article 9, la clause de réciprocité ne joue donc pas, soit l'on considère que l'entreprise française doit s'aligner sur le moins vertueux des offrants en lui permettant de ne pas appliquer les dispositions de l'article 9 ; la clause de réciprocité joue alors. Chacune de ces deux solutions présente des inconvénients :
- si l'on fait jouer la clause de réciprocité, l'entreprise visée dans un premier temps par des offrants appliquant tous l'article 9 aura intérêt à ce qu'un nouvel offrant ne l'appliquant pas se déclare. En effet, elle pourra alors ne pas appliquer l'article 9, y compris face à des entités qui, elles, l'appliquent. Il en résulterait une inégalité dans les « conditions de jeu ». Cette solution consiste, en outre, à faire primer le vice sur la vertu.
- si l'on ne fait pas jouer la clause de réciprocité, l'entreprise visée par des offrants appliquant tous l'article 9 pourra faire l'objet d'une nouvelle offre d'une entité ne l'appliquant pas. En effet, ce dernier offrant saura que la société française ne pourra pas se dispenser d'appliquer l'article 9 ; mais cet offrant pourra, lui, ne pas l'appliquer, jouant à ce que la théorie économique appelle le « passager clandestin ».
Les deux solutions présentent donc toutes deux des inconvénients. Le gouvernement, dans le projet de loi initial, prévoyait qu'en la circonstance, la clause de réciprocité ne pouvait pas jouer. C'est la voix de la sagesse : elle évite que les entreprises cibles n'envisagent des stratagèmes pour éviter d'appliquer l'article 9. C'est aussi le choix de la vertu. À l'inverse, le Sénat propose que dès que l'un des offrants n'applique pas l'article 9, l'entreprise visée n'aura pas à l'appliquer, y compris vis-à-vis des offrants « vertueux ». Cette solution ne peut qu'inciter la cible à souhaiter qu'un offrant « non vertueux » surgisse, ce qui n'est pas très sain. Surtout, elle revient à s'aligner sur celui qui n'applique pas les dispositions dont l'introduction dans notre droit est aujourd'hui proposée.
M. Philippe Auberger s'est déclaré d'accord avec le Rapporteur, estimant que pour la bonne réputation de la place financière de Paris, les entreprises doivent réunir leurs assemblées générales, y compris lorsqu'il s'agit de trouver un « chevalier blanc » pour contrer une offre hostile. Il faut privilégier la transparence.
La Commission a adopté cet amendement, ainsi qu'un amendement rédactionnel du même auteur.
La Commission a examiné un amendement n° 1 de la Commission des lois saisie pour avis, tendant à ce que l'appréciation de la réciprocité - soumise à l'AMF en cas de contestation - prenne en compte non seulement les statuts des entreprises initiatrices, mais aussi les règles législatives, réglementaires ou conventionnelles qui sont applicables à chacune d'entre elles en termes de contrôle du capital.
Le Rapporteur s'est déclaré défavorable à l'adoption de cet amendement, qui a, selon lui, une portée déraisonnable. Il revient en effet à exiger de l'AMF qu'elle analyse tous les systèmes juridiques du monde.
M. Philippe Auberger s'est également déclaré défavorable à cet amendement, qui tend à retenir une interprétation trop large de la règle de réciprocité. Cette règle a en effet vocation à s'appliquer seulement entre les États européens.
Le Rapporteur a précisé qu'elle peut s'appliquer également pour protéger des entreprises contre des entreprises de pays tiers à l'Union européenne qui n'appliqueraient pas des mesures équivalentes.
M. Philippe Auberger a estimé que, dans cette hypothèse, elle devrait faire l'objet d'un accord avec ces États.
La Commission a rejeté cet amendement.
Après avoir adopté un amendement rédactionnel présenté par le Rapporteur, la Commission a adopté un autre amendement de celui-ci, visant à préciser que le moment à partir duquel est calculé le délai de dix-huit mois est bien celui du dépôt de l'offre.
La Commission a ensuite examiné un amendement n° 2 de la Commission des lois, tendant à permettre, dans le cas d'une invocation légitime de la clause de réciprocité par une entreprise qui serait visée par une offre publique, de demander, à l'avance, à l'assemblée générale d'autoriser la délégation, au profit du conseil d'administration ou du directoire des pouvoirs nécessaires à la réalisation d'une augmentation de capital réservée pendant la période d'offre, c'est-à-dire en particulier la désignation précise du ou des bénéficiaires de cette opération.
Constatant que cet amendement revient, en fait, à donner aux dirigeants un document « en blanc » sur lequel ils pourraient inscrire le nom du « chevalier blanc » de leur choix, le Rapporteur s'est déclaré défavorable à son adoption, dans la mesure où il instaurerait une entorse majeure à l'équilibre entre l'assemblée générale des actionnaires et les dirigeants, équilibre qui sous-tend pourtant la directive et le projet de loi.
M. Philippe Auberger s'est également déclaré défavorable à l'adoption de cet amendement, qui vide de son intérêt la directive, alors même que l'article 11 du projet de loi propose déjà un dispositif assez souple.
La Commission a en conséquence rejeté cet amendement et adopté l'article 11 ainsi modifié.
Article 12 (Art. L. 233-34 [nouveau] du code de commerce) : Inopposabilité obligatoire des restrictions statutaires au transfert de titres
La Commission a adopté cet article sans modification.
Article 13 (Art. L. 233-35 [nouveau] du code de commerce) : Inopposabilité facultative des restrictions contractuelles au transfert de titres
La Commission a adopté cet article sans modification.
Article 14 (Art. L. 233-36 [nouveau] du code de commerce) : Suspension facultative des restrictions contractuelles à l'exercice des droits de vote
La Commission a adopté cet article sans modification.
Article 15 (Art. L. 233-37 [nouveau] du code de commerce) : Suspension facultative des restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote
La Commission a adopté cet article sans modification.
Article 16 (Art. L. 225-125 du code de commerce) : Suspension obligatoire des restrictions statutaires en cas de réussite de l'offre, lors de la première assemblée générale suivante
La Commission a examiné un amendement du Rapporteur visant à préciser que les restrictions statutaires, en cas de réussite de l'offre, sont suspendues si l'offrant vient à détenir deux tiers du capital ou des droits de vote.
M. Philippe Auberger a proposé, au contraire, que ce seuil soit fixé par l'AMF, dans une fourchette comprise entre 50,01 % et deux tiers du capital ou des droits de vote. Il est souhaitable que la loi ne détermine pas précisément ce seuil. En outre, retenir un seuil de deux tiers pour constater la réussite d'une OPA n'est pas une règle favorable aux petits actionnaires. Il a rappelé à cet égard les difficultés provoquées par l'OPA lancée par la Société générale sur la BNP. C'est finalement le comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement qui avait dû apprécier la réussite de l'OPA.
M. Charles de Courson a demandé s'il était possible de prévoir, dans les statuts des sociétés, une règle fixant à plus de deux tiers du capital la possibilité de modifier les statuts. Est-ce le cas notamment dans le cadre de pactes d'actionnaires ? Peut-on fixer dans les statuts une clause plus exigeante conduisant à bloquer l'assemblée générale ?
Le Rapporteur a estimé que les articles 16 et 17 ne pouvaient prévoir la même fourchette, puisque le premier pose une obligation, tandis que le second ouvre une faculté. Il faut donc articuler ces deux dispositifs.
M. Philippe Auberger a estimé que les deux taux doivent être les mêmes. La règle retenue en la matière sera en tout état de cause importante, dans la mesure où elle déterminera les conditions d'exercice du pouvoir dans les sociétés anonymes.
Le Rapporteur a rappelé qu'il propose de fixer ce seuil à deux tiers dans l'article 16 et de laisser de la souplesse à l'article 17.
M. Charles de Courson s'est déclaré favorable à la proposition formulée par M. Philippe Auberger, quitte à préciser que la règle retenue est applicable en fonction des dispositions statutaires.
Le Rapporteur, qui s'est déclaré ouvert à la proposition de M. Philippe Auberger, a proposé à la Commission d'adopter son amendement, en renvoyant ce débat à l'examen en séance publique. Il a rectifié son amendement pour préciser que l'offrant devait détenir « au moins » deux tiers du capital.
La Commission a alors adopté cet amendement. En conséquence, elle a rejeté l'amendement n° 3 de la commission des Lois, qui prévoit une fourchette de taux incompatible avec l'amendement précédemment adopté.
Article 17 (Art. L. 233-38 [nouveau] du code de commerce) : Suspension facultative des restrictions statutaires et conventionnelles en cas de réussite de l'offre, lors de la première assemblée générale suivante
La Commission a adopté un amendement rédactionnel, ainsi qu'un amendement n° 4 de la Commission des lois précisant que la suspension facultative des restrictions statutaires n'est possible que jusqu'au niveau de détention du capital à partir duquel elle devient obligatoire. La suspension facultative devrait donc n'être possible que pour un seuil exprimé en proportion du capital, strictement inférieur à celui au-delà duquel elle est obligatoire.
La Commission a adopté l'article 17, ainsi modifié.
Article 18 (Art. L. 233-39 [nouveau] du code de commerce) : Suspension facultative des droits extraordinaires concernant les dirigeants sociaux en cas de réussite de l'offre, lors de la première assemblée générale suivante
Après avoir adopté un amendement rédactionnel, la Commission a adopté l'article 18 ainsi modifié.
Article 19 (Art. L. 233-40 [nouveau] du code de commerce) : Publicité par l'AMF des cas de suspension volontaire et instauration d'une clause de réciprocité sur l'application des articles L. 223-35 à L. 233-39 du code de commerce
La Commission a examiné un amendement du Rapporteur visant à supprimer le dernier alinéa de cet article, qui comporte un dispositif - adopté par le Sénat contre l'avis du Gouvernement - tendant à appliquer la clause de réciprocité aux cas où un ou plusieurs initiateurs de l'offre visent des sociétés qui ont volontairement décidé d'inclure dans leurs statuts l'inopposabilité ou la suspension de restrictions facultatives au transfert de titres, à l'exercice du droit de vote, ou des droits extraordinaires de nomination ou de révocation de certains actionnaires.
Le Rapporteur a précisé que ce dispositif ne couvre pas les dispositions obligatoires, insérées par les articles 12 et 16. Il laisse planer une incertitude : la directive permet-elle une réciprocité « à la carte » des dispositions de son article 11 ? Il est donc plus sage d'en revenir à la rédaction initiale.
M. Philippe Auberger a également jugé plus raisonnable de supprimer cet alinéa.
La Commission a adopté cet amendement et l'article 19 ainsi modifié.
Article 20 (Art. L. 225-129-3 du code de commerce et L. 433-2 du code monétaire et financier) : Mesures de coordination
La Commission a adopté cet article sans modification.
Article 21 : Entrée en vigueur de la loi et dispositions transitoires
La Commission a examiné un amendement de suppression du Rapporteur, afin de permettre une application immédiate de la loi. Il faut en effet que les assemblées générales qui se tiendront après la promulgation de la loi puissent adopter les résolutions l'appliquant, avant le 20 mai 2006, date d'entrée en vigueur de la directive. En outre, le Sénat a introduit des articles additionnels pour lesquels rien ne justifie une entrée en vigueur retardée au 20 mai 2006.
M. Philippe Auberger a rappelé la nécessité, pour l'application de la règle de réciprocité, que le pays de la société « attaquante » ait ratifié la directive.
La Commission a adopté cet amendement et ainsi supprimé l'article 21.
Chapitre avant l'article 22 :
La Commission a adopté un amendement tendant à insérer un chapitre IV intitulé « Dispositions diverses ».
Article 22 [nouveau] (art. L. 235-2-1 du code de commerce) : Possibilité de ne pas prononcer la nullité d'une décision prise par une assemblée générale recourant au vote par télécommunications
La Commission a examiné un amendement n° 5 de la Commission des lois, tendant à généraliser le dispositif proposé par l'article 22, en substituant une annulation facultative - sanction plus adaptable par le juge saisi à chaque cas d'espèce - à la nullité impérative prévue actuellement par l'article L. 235- 2- 1 du code de commerce, en ce qui concerne l'ensemble des délibérations prises par les assemblées d'actionnaires en violation des dispositions régissant les droits de vote qui sont attachés aux actions, et non pas pour les seuls litiges portant sur le vote électronique.
La Commission a adopté cet amendement et l'article 22 ainsi modifié.
Article 23 [nouveau] (Art. 2 et 4 de la loi n° 98-261 du 6 avril 1998 portant réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière) : Adaptation de la loi portant réforme de la réglementation comptable
La Commission a adopté cet article sans modification.
Article 24 [nouveau] (Ordonnance n° 2005-648 du 6 juin 2005 relative à la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs) : Ratification de l'ordonnance du 6 juin 2005 relative à la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs
La Commission a adopté un amendement de rédaction globale de cet article.
L'article 24 a donc été ainsi rédigé.
Article 25 [nouveau] (Ordonnance n° 2005-429 du 6 mai 2005 modifiant le code monétaire et financier) : Ratification de l'ordonnance n° 2005-429 du 6 mai 2005 modifiant le code monétaire et financier (partie législative)
La Commission a adopté sept amendements rédactionnels et l'article 25, ainsi modifié.
Article 26 (nouveau) (Art. 3 de l'ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000 relative à la partie législative du code monétaire et financier) : Modifications de références à des dispositions abrogées
La Commission a adopté cet article sans modification.
Elle a ensuite adopté le projet de loi, ainsi modifié.
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Informations relatives à la Commission
La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a nommé :
- MM. Pierre Méhaignerie, Gilles Carrez, Hervé Mariton, Michel Bouvard, Hervé Novelli, Augustin Bonrepaux et Didier Migaud, comme candidats titulaires ;
- MM. Marc Laffineur, Philippe Auberger, Marc Le Fur, Jacques Pélissard, Charles de Courson, et Jean-Louis Dumont, comme candidats suppléants,
pour siéger à une éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2005 (n° 2700).
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