COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE COMPTE RENDU N° 21 (Application de l'article 46 du Règlement) Mercredi 22 janvier 2003
(Séance de 9 heures 30) Présidence de M. Pascal Clément, président SOMMAIRE
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- Proposition de loi de MM. Jean-Pierre Abelin, Pierre Albertini et Hervé Morin tendant à la reconnaissance du vote blanc aux élections (n° 501) (M. Gérard Vignoble, rapporteur) (rapport) |
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- Proposition de résolution de MM. René André et Jacques Floch sur la création d'un procureur européen [COM (2001) 715 final / E 1912 et COM (2001) 272 final / E 1758] (n° 446) (M. Guy Geoffroy, rapporteur) (rapport). |
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- Informations relatives à la Commission |
8 | La Commission a examiné, sur le rapport de M. Gérard Vignoble, la proposition de loi de MM. Jean-Pierre Abelin, Pierre Albertini et Hervé Morin tendant à la reconnaissance du vote blanc aux élections (n° 501). M. Gérard Vignoble, rapporteur, a indiqué que la proposition de loi soumise à l'examen de la Commission tendait à assurer une reconnaissance du vote blanc tout en facilitant son exercice. Il a précisé que le texte proposait d'instaurer un décompte séparé des bulletins blancs, qui sont aujourd'hui assimilés par le code électoral aux bulletins nuls, prévoyait leur prise en compte dans les suffrages exprimés et faisait obligation au maire de placer des bulletins blancs à la disposition des électeurs. Estimant que le dispositif prévu était simple et légitime, il s'est déclaré opposé aux amendements qui pourraient le dénaturer. Il a ajouté que l'observation de la vie politique depuis vingt-cinq ans, ainsi que l'élection présidentielle de 2002, tendaient à faire ressortir une évolution des électeurs dont il convenait de mieux tenir compte en reconnaissant le vote blanc, lequel ne saurait être assimilé à un vote neutre ou nul. Il a ajouté que cette reconnaissance permettrait de rendre la démocratie française plus active. M. Bernard Roman a estimé que les conséquences graves qui résultaient, pour l'équilibre de la démocratie, de la progression de l'abstention, appelaient une série de réponses, dont la comptabilisation distincte des votes blancs faisait partie, sans pour autant constituer une solution suffisante. Ayant fait observer qu'il serait utile, pour accompagner cette réforme, de rendre obligatoire la participation des citoyens aux scrutins et d'envisager d'autres mesures excédant le cadre du texte en discussion, il a annoncé que son groupe ne s'opposerait pas à la proposition de loi. Exprimant ses réserves à l'égard de la proposition de loi, M. Gérard Léonard a souligné que le fait d'enregistrer officiellement les votes blancs ne constituerait en aucun cas une réponse suffisante au séisme qu'a représenté le vote du 21 avril 2002, ni à la progression de l'abstention. Il a estimé que cette mesure relevait de la même logique que la participation obligatoire des citoyens aux scrutins et qu'il serait cohérent d'aller jusqu'au bout de cette démarche en sanctionnant l'abstention, comme c'est le cas dans certains pays étrangers. M. Guy Geoffroy a jugé qu'une reconnaissance du vote blanc ne constituait pas une réponse au désamour exprimé par nos concitoyens à l'égard de la politique, dont les causes devaient être recherchées dans la nature et la qualité de l'offre politique. Il a relevé que l'augmentation régulière du nombre de candidats aux différents scrutins n'avait pas empêché une progression du vote blanc, ce qui constitue une preuve indubitable du malaise qui étreint le corps électoral. Il a fait observer que, dans les scrutins uninominaux à deux tours, la possibilité offerte par notre système électoral de voir se maintenir plus de deux candidats au second tour constituait, pour la légitimité des élus, un handicap, auquel seule échappait l'élection présidentielle. C'est pourquoi il s'est interrogé sur les conséquences de l'application des dispositions de la proposition de loi à cette élection. Le président Pascal Clément a rappelé que la Constitution, dans son article 7, prévoit que le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés et que l'adoption de la proposition de loi dans le texte de ses auteurs nécessiterait une révision de la Constitution. M. Xavier de Roux, rappelant que le vote blanc reflétait un désaccord du citoyen à l'égard de la personnalité ou de l'opinion des candidats en lice, a convenu qu'il pourrait être opportun de le comptabiliser de manière distincte. Il a estimé que cette mesure était sans rapport avec le vote obligatoire, qui, compte tenu de la culture politique française, serait mal perçu par nos concitoyens, attachés à la liberté de leur expression et au caractère volontaire de leur démarche électorale. M. Gilles Bourdouleix s'est déclaré hostile à cette proposition de loi, estimant que, si la comptabilisation distincte des votes blancs et nuls pouvait se justifier dans le cadre de la présentation des résultats d'un scrutin, les votes blancs ne devaient pas, pour autant, être comptés au nombre des suffrages exprimés, puisque le vote avait pour finalité l'élection d'un candidat. M. Robert Pandraud a également fait part de son opposition résolue à cette proposition de loi et de ses doutes sur la possibilité de contrer la dégradation de la participation électorale par une telle mesure, totalement inutile de surcroît dans le cas du scrutin proportionnel. Il s'est également inscrit en faux contre l'argument selon lequel la prise en compte du vote blanc permettrait de diminuer le poids électoral des partis extrémistes, ces partis disposant d'une légitimité qui leur était propre et contribuant à la réflexion, puisque les partis modérés eux-mêmes puisaient parfois dans leur corpus idéologique. Il a estimé qu'en matière électorale, la véritable réforme consisterait, d'une part, à ouvrir l'inscription sur les listes électorales toute l'année, au lieu de la limiter à trois mois, et d'autre part, à instituer une procédure plus simple et plus sûre que le vote par procuration, pour tenir compte de la mobilité accrue de la population. Il a, de même, exprimé son opposition à l'égard du vote obligatoire : assorti de sanctions faibles, il serait sans effet, celles-ci restant inappliquées ; sanctionné lourdement, il serait impopulaire. M. Christian Decocq a souligné la contradiction majeure d'une réforme qui, sans élargir réellement l'offre politique, aurait des conséquences politiques graves sur le déroulement des élections. Bien qu'élu dans une région où la reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprimé aurait été favorable à son mouvement politique à certaines périodes au vu de la configuration politique locale, il a jugé paradoxal d'accorder un tel poids politique à des personnes manifestant un désintérêt patent pour le personnel politique. S'agissant du vote obligatoire, sujet dont il a fait observé qu'il n'était lié que de manière indirecte à celui du vote blanc, il s'est dit à l'écoute et sans opposition a priori, notamment en raison de l'exemple positif qu'offrait en la matière la Belgique, toute proche du Nord, dont il est élu. Le Président Pascal Clément a fait observer que, si plusieurs propositions de loi émanant de tous les horizons politiques avaient été élaborées sur ce sujet, c'était pour faire face à la baisse régulière de la participation électorale, la reconnaissance du vote blanc comme mode d'expression démocratique étant considérée dans ces conditions comme un moyen de la favoriser. Il a d'emblée souligné les limites d'une telle analyse, puisque les élus seraient privés de ce qui constitue, dans l'esprit des électeurs, un aspect fondamental de leur légitimité, à savoir la majorité absolue des suffrages exprimés. Il a considéré, en conséquence, que, loin de favoriser la participation, une telle proposition risquait au contraire de perturber l'électorat, de fragiliser les élus et d'aggraver la désaffection populaire à l'égard du vote. Il a exprimé son scepticisme envers les analyses présentant la reconnaissance du vote blanc comme un rempart contre les votes en faveur des partis extrémistes, estimant que la part croissante qu'ils recueillent trouvait son origine dans la bipolarisation et le rapprochement des politiques suivies par les partis gouvernementaux. Le Président Pascal Clément a néanmoins jugé que cette proposition de loi pourrait, compte tenu d'un dispositif modifié, être de nature à répondre aux préoccupations de ses auteurs. C'est pourquoi il a proposé à la Commission de faire mention des votes blancs dans les résultats des élections, sans pour autant les intégrer aux suffrages exprimés, notamment pour des raisons constitutionnelles. En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes : - Le débat sur la proposition de loi a souligné la nécessité de prendre des mesures pour réactiver la démocratie, la reconnaissance du vote blanc n'étant qu'une première étape. - Le monde politique semble avoir peur de l'électeur qui, par son vote blanc, rejette tous les candidats. Il est préférable que les électeurs aient le droit de s'exprimer, le vote blanc leur permettant de participer à la vie politique. - La prise en considération du vote blanc détournerait un certain nombre d'électeurs du vote extrémiste ; le vote en faveur des partis d'extrême droite ou d'extrême gauche est, pour certains d'entre eux, davantage un exutoire à leur mécontentement qu'un véritable choix en faveur d'un programme politique. Le sondage réalisé par l'IFOP, les 9 et 10 avril 1998, sur le vote blanc confirme cette analyse, car il montre que, si le vote blanc avait été pris en compte aux élections régionales, le Front national aurait été le parti perdant le plus de suffrages exprimés : son score aurait été ramené de 15,5 % à 8 %. La Commission est passée ensuite à l'examen des articles de la proposition de loi. Avant l'article 1er : La Commission a été saisie d'un amendement de M. Bernard Roman ayant pour objet de rendre le vote obligatoire. Tout en rappelant qu'une telle obligation n'était pas étrangère à la tradition française, comme le montre l'exemple du scrutin pour l'élection des sénateurs, M. Bernard Roman a fait valoir qu'elle s'inscrivait dans une démarche globale tendant à rénover les modalités de la participation du citoyen à la vie publique. La Commission a rejeté l'amendement, ainsi qu'un amendement de conséquence du même auteur instaurant une amende en cas de non participation au vote. Article 1er (art. L. 58 du code électoral) : Mise à disposition de bulletins blancs La Commission a été saisie d'un amendement de M. Bernard Roman précisant les modalités de mise à disposition des bulletins blancs lors des opérations de vote. Le rapporteur a fait part de sa préférence pour la rédaction de la proposition de loi, qui lui paraît plus précise. Indiquant que le code électoral ne prévoyait actuellement qu'une taille minimale et maximale des bulletins, M. Guy Geoffroy s'est interrogé sur la pertinence de l'amendement, qui précise que les bulletins blancs doivent être de même format que les bulletins des candidats. M. Christian Vanneste a fait état de son hostilité à l'encontre d'une disposition qui revient à reconnaître la même valeur au vote blanc qu'au vote pour un candidat ; il a considéré que l'obligation de fournir des bulletins blancs de même format que ceux des candidats contribuerait à la dévalorisation du débat public et des hommes politiques. Il a rejeté l'idée de mettre sur le même plan l'expression d'un mécontentement, souvent conjoncturel, et le vote pour un candidat qui défend des positions. Il a rappelé que les pays les plus démocratiques connaissaient une forte abstention, sans que l'on puisse considérer, pour autant, que leurs institutions étaient en péril. M. Patrick Delnatte a observé que la mise à disposition de bulletins blancs devrait impliquer, selon une logique qu'il récuse, la modification des règles de campagne et de propagande pour donner au vote blanc la même importance que les autres votes. Le Président Pascal Clément a jugé tout à fait paradoxal de voir les électeurs encouragés par les partis politiques à ne pas voter pour les candidats qu'ils présentent. Il a ensuite déclaré partager les réserves de M. Patrick Delnatte sur les modalités concrètes de reconnaissance du vote blanc. M. Bernard Roman a insisté sur l'objet essentiel du dispositif, qui est de faire revenir les électeurs dans les bureaux de vote ; il a jugé peu convaincants les arguments de M. Patrick Delnatte, en rappelant que la prise en compte des votes blancs était pratiquée dans de nombreuses démocraties sans que des modalités particulières de propagande ne soient nécessaires. La Commission a rejeté l'amendement. Suivant l'avis de son président, elle a ensuite rejeté l'article premier. Article 2 (art. L. 65 du code électoral) : La Commission a été saisie de quatre amendements présentés par MM. Bernard Roman, Gilles Bourdouleix, Pascal Clément et Étienne Blanc ayant pour objet identique de permettre le décompte spécifique des bulletins blancs en excluant leur prise en compte pour la détermination des suffrages exprimés. M. Bernard Roman a indiqué que son amendement permettrait de tenir compte du souhait de l'électeur de ne pas choisir entre les candidats. Faisant état des difficultés que poseraient les résultats du vote blanc pour certains scrutins, M. Étienne Blanc a jugé indispensable de ne pas prendre en compte les bulletins blancs dans les suffrages exprimés. Reconnaissant que le vote blanc répondait à un besoin des électeurs d'exprimer leur refus de choisir un candidat, le Président Pascal Clément a souhaité que puissent être décomptés séparément les votes blancs sans qu'ils soient pris en compte dans les suffrages exprimés ; il a ajouté que son amendement, à la différence des autres, prévoyait qu'il serait fait mention de ces votes dans les résultats des scrutins. M. Gilles Bourdouleix s'est rallié à l'amendement du président Pascal Clément. Tout en reconnaissant que les amendements présentés amélioraient le dispositif de la proposition de loi, M. Gérard Léonard a fait part de son hostilité à l'encontre de la démarche globale consistant à reconnaître une légitimité au vote blanc. En écho aux propos de M. Étienne Blanc, M. Guy Geoffroy a ajouté que la prise en compte des votes blancs dans les suffrages exprimés soulèverait de grandes difficultés pour les scrutins majoritaires à deux tours, notamment lorsqu'il n'y a plus qu'un seul candidat au second tour et pour les référendums. M. Christian Decoq a indiqué qu'il était très attaché à la notion de suffrages exprimés et rejeté en conséquence la proposition consistant à y inclure les votes blancs ; il a estimé que l'amendement de M. Pascal Clément proposait une solution intéressante. Mme Brigitte Barèges a jugé que la question n'était pas tant de s'interroger sur la légitimité du vote blanc, mais plutôt sur les moyens de rénover la légitimité des élus ; observant que le propre des sociétés décadentes était de légiférer à tout propos, elle a plaidé pour une rénovation de l'offre politique, plus performante et plus à l'écoute des électeurs. M. Xavier de Roux a considéré que la question de la prise en compte des votes blancs dans les suffrages exprimés était définitivement écartée, puisque l'article 7 de la Constitution prévoit que le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés ; il a émis la crainte que notre pays puisse se retrouver dans le cas de la Serbie, qui, en raison de son mode de suffrage, ne parvient pas à se doter d'un Président de la République. M. Bruno Le Roux a considéré que c'était le propre des démocraties de ne pas offrir aux électeurs un choix parfait ; jugeant dès lors indispensable d'éduquer le citoyen pour l'inciter à choisir entre des candidats qui ne correspondent pas parfaitement à ses aspirations, il a estimé que l'introduction du vote blanc aurait pour effet, au contraire, d'encourager les électeurs à la facilité. La Commission a ensuite adopté l'amendement de M. Pascal Clément. Les amendements de M. Bernard Roman, M. Gilles Bourdouleix et M. Étienne Blanc, devenus sans objet, ont été retirés. Elle a ensuite adopté l'article 2 ainsi modifié. Article 3 (art. L. 66 du code électoral) : La Commission a adopté cet article sans modification. La Commission a ensuite adopté la proposition de loi ainsi modifiée. * * * La Commission a examiné, sur le rapport de M. Guy Geoffroy, la proposition de résolution de MM. René André et Jacques Floch sur la création d'un procureur européen [COM (2001) 715 final / E 1912 et COM (2001) 272 final / E 1758] (n° 446) Après avoir félicité les auteurs de la proposition de résolution pour la qualité de leur travail, M. Guy Geoffroy, rapporteur, a rappelé que la création d'un procureur européen était une idée ancienne, qui figurait dans le corpus juris sur la protection des intérêts financiers de l'Union européenne, élaboré en 1997 à la demande du Parlement européen par un groupe de juriste dirigé par Mme Mireille Delmas-Marty. Il a indiqué que, lors de la conférence intergouvernementale de Nice en septembre 2000, cette création, soutenue par la Commission européenne, avait été écartée par les chefs d'État et de gouvernement au profit d'Eurojust, qui est un organisme intergouvernemental de coopération judiciaire. Évoquant le Livre vert, il a expliqué que ce document reprenait les propositions de la Commission européenne en suggérant la création d'un procureur européen assisté de procureurs délégués, chargés d'engager et de coordonner les poursuites à l'encontre des auteurs d'atteintes aux intérêts financiers communautaires. Il a observé que la récente contribution franco-allemande dans le cadre de la Convention sur l'avenir de l'Europe tendait à la mise en place d'un parquet européen à partir de la transformation progressive d'Eurojust. Abordant la proposition de résolution de la Délégation pour l'Union européenne, le rapporteur a fait valoir que celle-ci soulignait à juste titre l'importance qui doit être accordée à la lutte contre la criminalité transnationale et reprenait, pour une large part, les suggestions de la Commission européenne, l'élargissement envisagé des compétences du procureur européen aux autres formes graves de criminalité transnationale devant être décidé à l'unanimité. Il a indiqué que l'un des objectifs de la Délégation était de permettre un contrôle effectif de l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF), dont le fonctionnement fait actuellement l'objet de nombreuses critiques. Présentant ensuite le texte qu'il soumettait à la Commission des lois, il a tenu à souligner qu'il avait le même objet que la proposition de résolution de la Délégation, à savoir la mise en place d'un parquet européen. Il a observé que les différences portaient essentiellement sur la méthode retenue, le texte qu'il propose tendant à mettre en place le parquet européen à partir d'une transformation, par étapes, d'Eurojust. Après avoir annoncé que le Gouvernement souhaitait, à travers certaines dispositions du futur projet de loi sur la criminalité organisée, assurer le bon fonctionnement de cette structure, il a indiqué qu'il proposait que le passage aux différentes étapes soit réalisé à la majorité qualifiée, afin de permettre la création effective d'un parquet européen. Il a considéré que les compétences de ce dernier devraient être élargies aux formes graves de criminalité transnationale, comme le trafic de stupéfiants ou la traite des êtres humains, rappelant que le montant des sommes en jeu dans le cadre de cette criminalité transnationale est sans commune mesure avec l'évaluation d'un milliard d'euros communément avancée pour la fraude aux intérêts financiers communautaires. Il a également fait valoir qu'un tel élargissement correspondait à l'attente des citoyens européens, plus sensibilisés à cette forme de criminalité qu'à la fraude aux intérêts communautaires. Contrairement au rapporteur, M. Jacques Floch a jugé que le texte proposé par celui-ci était nettement en retrait par rapport à la proposition de résolution adoptée par la Délégation. Après avoir rappelé qu'Eurojust rassemble aujourd'hui des procureurs nationaux qui coopèrent sur des dossiers difficiles, il a indiqué que la Délégation souhaitait ouvrir à un procureur européen la possibilité d'engager lui-même des poursuites - ce qu'Eurojust n'est pas en mesure de faire actuellement -, alors que le texte proposé par le rapporteur ne prévoit aucune disposition en ce sens. Il a estimé que la création d'un parquet européen devait également permettre de développer la coopération judiciaire et de contrôler des organismes tels qu'Europol ou l'olaf, dont l'action n'est aujourd'hui soumise à aucun contrôle judiciaire. Regrettant la « frilosité » de la position du rapporteur, il a estimé qu'elle conduirait à retarder la création d'un parquet européen et risquait d'être en décalage avec les travaux actuellement engagés par la Convention sur l'avenir de l'Europe, le rapport qui sera prochainement soumis à l'assemblée plénière de celle-ci faisant mention de la création d'un parquet européen. M. Jacques Floch a enfin estimé que la divergence des positions respectives du rapporteur de la Commission et de la Délégation faisait ressortir la nécessité d'instituer au sein des assemblées une commission des affaires européennes. Soulignant l'importance des questions évoquées et se déclarant sensible à l'impuissance exprimée par certains magistrats face à la délinquance transnationale, Mme Brigitte Barèges a souhaité savoir quelle juridiction serait saisie par le parquet européen et s'est demandé si le système ne perdrait pas en efficacité dans l'hypothèse où les juridictions nationales seraient saisies. En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes : - Dans le cadre du texte proposé, le parquet européen devra renvoyer les affaires devant les juridictions nationales des États membres. - Les divergences avec la Délégation pour l'Union européenne portent principalement sur l'évolution d'Eurojust. La première phase de cette évolution correspond à la situation actuelle, cette structure disposant de simples pouvoirs d'information et d'incitation à la coordination des enquêtes ; dans une deuxième phase, Eurojust devrait disposer d'un pouvoir d'injonction lui permettant, le cas échéant, de centraliser les enquêtes, ainsi qu'un pouvoir de substitution en cas de carence d'un État membre. - Le texte proposé ne s'oppose pas aux conclusions de la Délégation, mais tient compte des réalités du terrain, en adoptant une démarche progressive permettant à terme de mettre en place un parquet européen aux compétences élargies, le passage aux différentes étapes étant facilité par un vote à la majorité qualifiée, ce qui est un gage d'efficacité. La Commission est ensuite passée à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution. Elle a été saisie d'un amendement de rédaction globale présenté par le rapporteur et d'un amendement de M. Jean-Paul Garraud tendant à préciser les éléments constitutifs du parquet européen. Estimant nécessaire de poursuivre plus efficacement les activités criminelles portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne et rappelant que le projet de loi sur la criminalité organisée, qui sera prochainement soumis au Parlement, devrait permettre de rendre effective la participation de la France à Eurojust, M. Jean-Paul Garraud a jugé souhaitable une transformation d'Eurojust, notamment dans la perspective de l'élargissement, et rappelé que celle-ci serait effectuée à la majorité qualifiée. Il a jugé nécessaire que le parquet européen soit doté de structures efficaces, de nature à assurer une direction centralisée des recherches et des poursuites. Ayant rappelé que la proposition de la Commission européenne ne susciterait pas l'unanimité au sein du Conseil et estimé qu'une position extrême risquerait de compromettre l'objectif poursuivi, le rapporteur a considéré que cet amendement était satisfait par le texte qu'il proposait à la Commission. M. Jean-Paul Garraud a donc retiré son amendement. La Commission a ensuite adopté la proposition de résolution dans le texte proposé par le rapporteur. * * * Informations relatives à la Commission La Commission a désigné Mme Michèle Tabarot, rapporteure pour avis sur le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique (n° 528) La Commission a procédé à la désignation des candidats à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la sécurité intérieure. · Membres titulaires : MM. Pascal Clément, Christian Estrosi, Gérard Léonard, Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann, MM. Bruno Le Roux et Manuel Walls. · Membres suppléants : MM. Christian Vanneste, Guy Geoffroy, Jean-Paul Garraud, Christian Decocq, Jean-Christophe Lagarde, Jean Pierre-Blazy et Étienne Blanc. --____--
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