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COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES, de la LÉGISLATION et de l’ADMINISTRATION GÉNÉRALE

Mercredi 8 novembre 2006

Séance de 16h15

Compte rendu n° 7

Présidence de M. Philippe Houillon, président

 

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– Audition de MM. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de l’aménagement du territoire, Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la Justice, Xavier Bertrand, ministre de la Santé et des solidarités, Brice Hortefeux, ministre délégué aux Collectivités territoriales et Philippe Bas, ministre délégué à la Sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance (n° 3338) (M. Philippe Houillon, rapporteur)






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– Informations relatives à la Commission

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La Commission a procédé à l’audition de MM. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la justice, Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales et Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance (n° 3338) (M. Philippe Houillon, rapporteur).

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, a souligné que la présence de cinq ministres venus présenter aux deux commissions le projet de loi sur la prévention de la délinquance montrait tout à la fois la mobilisation du Gouvernement sur ce sujet et la complexité des questions traitées.

Depuis 2002, des résultats spectaculaires ont été obtenus en matière de lutte contre la délinquance. Depuis lors, le nombre de victimes épargnées s’élève à 1 million. Mais la lutte contre la délinquance doit prendre une nouvelle dimension, le pays étant confronté à une violence gratuite, inouïe. Davantage de fermeté est nécessaire, car si l’on excuse la violence, il ne faudra pas s’étonner de découvrir la barbarie. Davantage de justice est également nécessaire, pour que chacun comprenne que l’État est autant décidé à tendre la main à celui qui veut s’en sortir qu’à sanctionner celui qui veut empoisonner la vie des autres.

La sanction est indispensable, comme l’a encore démontré tout récemment le paroxysme qu’a représenté l’incendie du bus de Marseille. Il est évident que pour arrêter de tels actes criminels, qu’ils soient commis par des majeurs ou des mineurs, il faut marquer un vrai coup d’arrêt, en interpellant et en punissant. De ce point de vue, il importe de saluer le remarquable travail accompli par la police judiciaire, qui a permis l’interpellation de tous les présumés auteurs de l’incendie de Marseille, dont cinq sont en prison. C’est la meilleure réponse de la société à cet acte de barbarie qui a consisté à transformer une jeune femme en torche humaine. Il faut d’ailleurs constater, pour s’en féliciter, qu’à ce stade de sauvagerie, aucune voix ne s’est élevée pour demander de la clémence. On ne peut pas parler de prévention face à des individus qui choisissent, en toute connaissance de cause, de brûler vifs les passagers d’un bus. Il est essentiel d’arrêter la contagion de cette violence : la preuve en est que l’on a arrêté à Lille, dès le lendemain de l’agression de Marseille, des jeunes qui voulaient brûler un bus. Dans quel but ? Pour faire « comme à Marseille », comme ceux qui ont brûlé un bus à Marseille l’ont fait pour faire « comme à Paris ». Aujourd’hui, il se sait que ceux qui mettent le feu à un bus prennent le risque d’être arrêtés et condamnés.

L’événement de Marseille, hélas, n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel bleu. Brûler une jeune fille par pure vengeance personnelle, séquestrer un jeune homme pour de l’argent et le torturer, battre à mort un père de famille sous prétexte qu’il prend des photos dans un quartier, tuer un retraité parce qu’il a croisé le regard de son assassin sans échanger une parole : tous ces événements, tous récents, tous sans lien entre eux, tous ont été des pas franchis dans la sauvagerie.

Face à une telle situation, la réponse qui s’impose est simple : il faut adapter la sanction à la gravité de l’acte. Ne pas le faire – et force est de reconnaître que cela n’est pas fait depuis des années – c’est exposer la société à des actes gravissimes. Et ce n’est en rien rendre service à ceux qui seraient tentés de commettre ces actes. Prendre prétexte du fait qu’ils sont mineurs pour se refuser à les sanctionner, et attendre benoîtement leur majorité pour réagir, c’est les laisser dériver sans espoir de retour dans une vie déstructurée, c’est se rendre coupable d’une complicité à des individus en danger. Il importe de marquer une rupture avec cette fausse compréhension qui conduit à laisser un Youssouf Fofana, à l’âge de 24 ans, prendre la tête du « gang des barbares » et se conduire effectivement comme un barbare. Il convient d’observer, et ce n’est pas un détail, que tous les auteurs présumés de l’agression de Marseille sont tous connus des services de police, et pas pour des faits mineurs. Le refus de condamner un mineur au motif qu’il est mineur, c’est le condamner à devenir un majeur irrécupérable.

Au demeurant, les proches d’une personne victime d’un acte de barbarie ne seront pas moins bouleversés si son bourreau est âgé de 17 ans plutôt que de 18 ans et un jour. Le raisonnement qui conduit à exonérer le mineur auteur d’un acte d’une sanction adaptée à sa gravité est tout simplement stupide. La société française doit désormais considérer la situation des mineurs telle qu’elle est et non pas telle que l’on voudrait qu’elle soit.

Si, depuis que les agresseurs de Lille et de Marseille ont été arrêtés, les agressions ont cessé, c’est bien parce qu’un certain nombre d’individus, qui ne sont nullement des fous, savent parfaitement interpréter les messages de la société, que ceux-ci aillent dans le sens de la démission ou de la punition. C’est aux parlementaires qu’il appartient de dire si, oui ou non, la société entend donner un coup d’arrêt à ces violences.

Une sanction ferme est nécessaire pour punir les auteurs de ces actes indignes. La sanction est donc le premier outil de prévention. Cette considération est incontournable. Elle n’est ni de gauche ni de droite, mais relève du bon sens. La première façon de prévenir les crimes est de laisser à penser à ceux qui seraient tentés d’en commettre qu’ils risquent d’être interpellés et punis.

Lors des débats sur ce texte au Sénat, la gauche n’a cessé d’objecter qu’il fallait laisser sa chance au mineur, qui n’est pas un adulte. Mais lui laisser sa chance, cela ne consiste pas à fermer les yeux et le laisser dériver. Or depuis dix ans, la délinquance des mineurs a augmenté de 80 %. La vie de ces mineurs est gâchée comme est gâchée celle de leurs victimes.

Mama Galledou n’avait rien demandé à personne. Ses parents, vivant à Dakar, ont sacrifié une grande part de leurs maigres moyens pour lui payer des études, qu’elle a conduites jusqu’à l’obtention de son diplôme. Elle monte dans un bus, ce qui n’est pas en soi prendre un risque, et voit sa vie brisée par une agression aveugle. Cela n’est pas humainement acceptable, quel que soit le profil de l’agresseur.

Le premier apport de ce projet de loi est donc qu’il constitue une réforme ambitieuse de l’ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs. Qui pourrait prétendre qu’un adolescent d’aujourd’hui doit être traité comme un adolescent d’après-guerre ? Ni l’éducation, ni les repères sociaux ne sont les mêmes. Les parents peuvent être aujourd’hui totalement dépassés par leurs enfants de quinze ans, adultes physiquement et en manque total de repères. On voit des actes de plus en plus graves commis par des mineurs, lesquels, dans certains quartiers, sont maintenant instrumentalisés par des majeurs qui se servent de leur impunité pénale comme d’un bouclier. L’ordonnance de 1945, même si elle a été retouchée à plusieurs reprises, n’intègre pas cette réalité.

Le résultat est que, faute de réponse appropriée, les pouvoirs publics ont recours à la répétition de mesures qui sont parfaitement calibrées pour ce que l’on appelle les incivilités, comme l’admonestation ou la remise à parents. Ces fausses réponses sont sans mesure avec les faits commis. Il faut avoir vu, dans la salle d’attente d’un tribunal pour enfants, des mineurs coutumiers d’actes de délinquance attendre leur dix-huitième admonestation par un juge dont ils se moquent ! S’agissant de la remise à parents, il faut souligner que les auteurs présumés de l’incendie du bus à Marseille avaient mis en avant de faux alibis dont certains ont été construits avec l’accord des familles.

Ces réponses, qui sont particulièrement peu adaptées lorsqu’il s’agit d’agressions à main armée ou de viols, contribuent à la perte de respect devant l’autorité, et encouragent le sentiment d’impunité.

La question qui se pose à tous les parlementaires comme au Gouvernement est de savoir si le sentiment d’impunité est réel ou non, et si oui, s’il constitue ou non un problème.

Pour en finir, il faut agir dans trois directions.

En premier lieu, la diversification des réponses à la délinquance des mineurs est nécessaire, qui peut aller de l’obligation de devoirs scolaires pour un enfant de onze ans, jusqu’à l’éloignement du mineur de son milieu pendant un temps limité, pour un jeune soumis au caïdat dans son quartier.

La deuxième est qu’une réponse plus ferme doit pouvoir être appliquée.

Enfin, la délinquance des mineurs doit recevoir une réponse rapide. Car la rapidité importe tout autant que le contenu de la réponse. Pour des comportements particulièrement graves et reconnus comme tels par la loi pénale, dont les auteurs sont des mineurs de plus de 16 ans, réitérants ou récidivistes, la procédure de jugement immédiat ou quasi-immédiat doit pouvoir être décidée, avec l’accord du mineur lui-même ou de ses représentants légaux. Le garde des Sceaux reviendra sur cette réforme majeure, que les ministres de l’intérieur et de la justice ont préparée ensemble.

La deuxième innovation majeure du texte est la définition d’une nouvelle méthode de travail sur le terrain, autour d’un acteur essentiel, le maire.

Jusqu’à présent, les politiques menées par tous les gouvernements se sont adressées à des quartiers ou des catégories en difficulté, dans leur globalité. C’est la logique du zonage. Elle a ses avantages, mais ce n’est pas l’objectif poursuivi à travers ce texte. Il ne s’agit pas de s’adresser à des zones géographiques, ou à des immeubles, mais à des hommes, des femmes, dont les situations sont par nature diverses. La rénovation d’un immeuble ne contribue à la prévention de la délinquance que si ceux qui y vivent reçoivent une formation ou un travail.

La lutte contre l’absentéisme scolaire, par exemple, est aujourd’hui un échec. Un enfant qui ne va pas à l’école n’a pas d’avenir, même s’il ne deviendra pas nécessairement un délinquant. Une note récente de l’éducation nationale révèle que, dans 10 % des établissements, entre 10 et 16 % des élèves sont absents une semaine par mois. Ainsi, dans un département comme la Seine-Saint-Denis, ce sont 28 000 élèves qui manquent régulièrement à l’appel.

Aujourd’hui, on demande au maire, qui est responsable du recensement des enfants en âge d’être scolarisés, de remplir une mission qu’il ne peut pas assurer. Il faut lui donner la possibilité de centraliser toutes les informations disponibles concernant l’obligation scolaire des enfants de la commune, en provenance de la CAF ou de l’éducation nationale.

L’objectif est simple : il s’agit de mobiliser tous les acteurs de terrain autour du maire, qui sera le pivot de la politique de prévention, pour partager l’information, et pour agir de manière concertée.

Cette démarche est nouvelle dans le droit français. Elle nécessite deux changements majeurs. Elle implique, d’abord, de s’adapter aux réalités du terrain : c’est le contraire d’une logique de guichet. Elle conduit, ensuite, à travailler en équipe : c’est le contraire d’une logique de corps.

Au cœur du nouveau dispositif, il faut une autorité qui puisse faire deux choses irremplaçables : être un interlocuteur pour tous les publics en difficulté ; et être aussi un interlocuteur pour tous les acteurs de la prévention. Seul le maire peut jouer ce rôle central. Il ne s’agit pas de demander au maire plus que ce qu’il peut et ce qu’il doit donner. Le maire ne sera ni un procureur ni un shérif. Aucun pouvoir de coercition ne lui est confié.

En revanche, le maire qui est sollicité par tout le monde, qui est présent sur le terrain en cas de problème, ne peut pas rester un simple spectateur. Il faut qu’il ait les moyens juridiques d’agir. Il ne s’agit pas de faire en sorte qu’il puisse se substituer à la police ou à la justice, mais de veiller à ce qu’il dispose des informations qu’il n’a pas. Il est souvent moins bien informé que le correspondant du journal local.

L’article 1er du projet de loi précise donc que le maire « anime et coordonne » la politique de prévention de la délinquance, dans le respect des compétences du préfet et de l’autorité judiciaire. Comment le maire exercera-t-il ces responsabilités ? Il ne sera pas seul.

Les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, présidés par les maires depuis juillet 2002, seront obligatoires dans toutes les villes de plus de 10 000 habitants.

De même, le maire sera le président du conseil des droits et devoirs des familles. La création de ce conseil est inspirée par l’expérience. En milieu rural, convoquer des parents, cela paraît naturel. En ville ce n’est pas le cas, et encore moins dans les grandes villes. Ce sont précisément de nombreux maires de communes urbaines qui ont exprimé le souhait d’avoir un cadre formel pour rappeler aux parents leurs devoirs en tant qu’éducateurs de leurs enfants et proposer des mesures d’accompagnement.

Cette tâche est délicate. La composition du conseil et ses modalités de fonctionnement seront définies par le maire, en concertation avec ses partenaires. Chaque conseil définira également son mode d’intervention auprès des familles, dans le respect de la libre administration des collectivités locales.

Ainsi, le conseil sera le cadre d’une compétence nouvelle pour le maire, graduée – il convient d’insister sur ce mot – en fonction de la gravité des faits et du profil des familles. L’objectif est d’aider, et pas seulement de punir. Toute la gamme des interventions est donc prévue, sachant que jamais le maire n’aura à se substituer à la police ou à la justice.

Le maire pourra ainsi procéder à un « rappel à l’ordre », sans se substituer au procureur de la République ; il pourra proposer aux parents un accompagnement parental ; il pourra, ensuite, saisir le président du conseil général en vue d’établir un contrat de responsabilité parentale ; il pourra demander au directeur de la CAF de mettre en place un dispositif d’accompagnement assurant une utilisation des prestations familiales conforme à l’intérêt de l’enfant. Il pourra saisir, conjointement avec le directeur de la CAF, le juge des enfants en vue de la mise en œuvre de mesures de tutelle aux prestations familiales, en cas de difficultés graves et persistantes dans la gestion des prestations familiales. Enfin, il pourra toujours saisir le procureur de la République en cas de mise en danger de la santé, de la sécurité, de la moralité ou de l’éducation des enfants mineurs.

Les compétences des départements ne seront pas diminuées. Le Sénat en a débattu avec une particulière attention. Le président du conseil général reste chef de file en matière d’aide sociale. Le maire peut exercer son action en matière d’aide sociale facultative mais le département reste responsable de la protection de l’enfance. Il continuera d’exercer pleinement cette responsabilité. Mais si certaines communes le souhaitent, elles pourront demander à exercer ces compétences par convention avec le département. Cette pratique existe déjà dans certains départements, mais repose sur des bases juridiques fragiles. Certaines communes, si elles sont équipées pour le faire, notamment avec les CCAS, ou si elles estiment qu’elles sont les mieux placées pour intervenir, pourront demander à exercer ces compétences, en accord avec le département.

La nouvelle méthode d’action qui doit être encouragée sur le terrain passe aussi par une meilleure coordination du travail social, et donc un partage du secret professionnel.

S’agissant de cette difficile question, le Gouvernement a tenu à ce qu’il puisse être instauré un partage des informations détenues sur le cas d’une personne ou d’une famille, par les travailleurs sociaux. En effet, faute de communication, la coordination du travail social ne peut pas se faire. Il arrive même parfois que des enfants en meurent. C’est ainsi que le petit Nicolas, 9 ans, est mort dans le quartier Hautepierre, à l’ouest de Strasbourg, victime des coups et des privations qui lui étaient infligées par ses parents, sa grand-mère et son oncle, et ce alors que neuf travailleurs sociaux étaient intervenus sur son cas. Ce qui manque, ce n’est pas un nombre suffisant de travailleurs sociaux, mais une bonne coordination des intervenants. Le partage de l’information a pour objet la coordination, et donc l’efficacité du travail social.

Ce dispositif a fait l’objet d’une concertation approfondie avec les professionnels du travail social. Lorsqu’une personne ou une famille fait l’objet de plusieurs interventions, le maire désigne parmi les intervenants un coordonnateur du travail social, en concertation bien sûr avec le président du conseil général. Ce coordonnateur sera son interlocuteur. Il assurera l’efficacité et la continuité de l’action des travailleurs sociaux et organisera la circulation de l’information entre eux. Il rendra compte au maire de ce que celui-ci doit connaître pour l’exercice de ses compétences. Dans tous les cas, le respect du secret professionnel est garanti. Ce système est certes un peu complexe, mais la matière l’est.

Enfin, ce dispositif de secret partagé, que le ministre de l’intérieur et le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ont élaboré ensemble, est complémentaire de celui prévu par le projet de loi relatif à la protection de l’enfance. C’est d’ailleurs dans ce texte que se trouve une autre mesure importante, complémentaire des dispositifs de prévention de la délinquance : le dépistage précoce des troubles du comportement chez l’enfant.

Le troisième apport du projet de loi est le souci, pragmatique, d’apporter des corrections à des textes anciens, qui ne répondent plus du tout aux réalités d’aujourd’hui. Trois exemples l’illustrent : la lutte contre la toxicomanie, la question des maladies psychiatriques, la délinquance sur Internet.

Il s’agit d’adapter le droit existant, sans se laisser impressionner par les conservatismes, et dans le seul but d’enrayer la violence. Il est insupportable de se retrancher derrière des textes anciens pour constater que des accidents mortels sont causés par l’usage de la drogue, que des crimes sont commis par des malades psychiatriques trop tôt sortis de l’hôpital, ou que des enfants sont attirés dans des pièges tendus sur Internet par des pédophiles qui n’ont pas été arrêtés à temps. Il n’y a pas lieu de tolérer que la vie des familles concernées soit brisée parce que des lois inadaptées n’ont pas suffisamment protégé leurs enfants.

La loi de 1970 sur la toxicomanie est devenue inapplicable. Il y a en France 3,5 millions de consommateurs de cannabis. Et aussi que cette consommation va en s’aggravant. Depuis le début des années 90, le « niveau d’expérimentation » des jeunes adultes a doublé. La France est la championne d’Europe de la consommation des drogues dites « douces ». Les conséquences peuvent être graves, qu’il s’agisse de l’échec scolaire, de l’augmentation du risque d’accident à deux-roues ou en voiture, ou pire encore, du passage à l’acte agressif déclenché par une euphorie artificielle. Aujourd’hui, la sanction est théoriquement très dure : l’usage simple de stupéfiants est un délit puni d’un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende. Le résultat est qu’en pratique, cette mesure n’est jamais appliquée. L’interdit social, qui est nécessaire, a disparu.

Il convient d’être moins sévère en théorie pour être plus efficace en pratique, en ouvrant la possibilité de traiter l’infraction d’usage de drogue par la composition pénale pour les mineurs, ou la procédure de l’ordonnance pénale pour les majeurs. Cette réforme est incontournable.

En deuxième lieu, il ne faut pas craindre d’aborder la question des maladies psychiatriques, lorsqu’elles ont des conséquences sur la vie des autres ou sur l’ordre public.

Il ne s’agit évidemment pas ici de réformer la médecine psychiatrique, ni l’ensemble des procédures d’hospitalisation sous contrainte. Il s’agit d’éviter les drames liés aux maladies mentales, autant qu’il est possible. Une hospitalisation d’office, c’est grave. Mais une sortie à l’essai, c’est sérieux.

Pour ce qui est des hospitalisations d’office, le projet de loi rend plus claire la répartition des responsabilités : le maire intervient pour prendre la première décision d’hospitalisation, parce qu’il est le plus proche – il le fait déjà dans 60 % des cas –, mais il agit sur des justifications médicales précises, sous le contrôle du préfet, lequel doit confirmer la décision au cours d’un "sas d’observation" de 72 heures qui permettra un examen approfondi par les psychiatres. D’autre part, il est souhaitable que soit institué un fichier national des données administratives, afin de vérifier, par exemple, que l’on ne délivrera pas une autorisation de port d’arme à quelqu’un qui a fait l’objet d’une hospitalisation d’office, ce qui est aujourd’hui possible, comme l’a malheureusement montré le drame de Nanterre.

S’agissant des sorties à l’essai, il est indispensable qu’à tout le moins le maire de la ville de résidence de l’intéressé soit informé. Aujourd’hui la majorité des hospitalisations d’office est prononcée par le maire : il est normal qu’il soit informé des suites. Là encore, il ne s’agit pas d’inquisition, mais de la protection minimale qui est due à tous les citoyens.

S’agissant de la lutte contre la délinquance sur Internet, force est de constater que l’évolution des nouvelles technologies est plus rapide que celle du droit. C’est pourquoi le projet de loi prévoit des mesures permettant de protéger les mineurs contre les méfaits du démarchage sexuel sur Internet par des adultes.

De nombreux autres exemples pourraient être développés, comme le traitement concret des troubles de voisinage : il est proposé de faire des troubles de voisinage un motif de résiliation du bail locatif, à l’initiative des voisins, cette précision étant capitale. L’instauration d’un service volontaire citoyen de la police nationale vise à créer une passerelle entre les fonctionnaires de la police nationale et la population.

Dans les semaines à venir, il sera important que trois autres sujets fassent l’objet d’une réflexion approfondie.

En premier lieu, il importe de mieux répondre aux violences dont sont victimes les forces de l’ordre. Depuis le début de l’année, ce sont près de 3 000 policiers qui ont été agressés dans l’exercice de leurs fonctions. Dans le même temps, les pompiers doivent maintenant intervenir sous la protection des forces de l’ordre dans certains quartiers. Les agents des transports publics sont eux aussi menacés.

Mettre un terme à cette spirale de violences suppose de les réprimer plus sévèrement. Il faut cesser de considérer l’agression contre les forces de l’ordre comme une simple « circonstance aggravante » parmi d’autres. Une nouvelle échelle des peines est nécessaire, pour traduire devant la cour d’assises les auteurs des agressions les plus graves. Si on ne le fait pas, on n’arrivera pas à endiguer la surenchère des violences contre la police et contre les pompiers, notamment.

En deuxième lieu, il importe d’ouvrir un débat sur la question des peines minimales pour les délinquants récidivistes coupables d’atteintes aux personnes. Même si elle ne doit pas nécessairement trouver une réponse à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, cette question doit être posée, d’autant plus que le Président de la commission des Lois a souhaité qu’elle soit abordée au cours de cette audition. Car le Parlement est le lieu naturel du débat. À l’occasion du drame de Marseille, les médias ont indiqué que les mineurs auteurs présumés des faits risquaient jusqu’à trente années de prison. Ils n’ont pas indiqué qu’il n’y avait aucune chance qu’ils soient condamnés à cette peine, ni que celle-ci soit exécutée. Personne n’a jamais soutenu que l’existence de peines plafonds conduise à remettre en cause le principe de l’individualisation des peines. De même, il ne viendrait à personne d’interdire au législateur – dont il est permis de rappeler que c’est lui qui fait la loi, et non le juge ou le ministre – de prévoir un quantum de peine. Rien ne s’oppose donc à ce que l’instauration d’une peine plancher soit envisagée, puisqu’on imagine mal une maison qui n’ait à la fois un plancher et un plafond. Le débat doit avoir lieu, et la solution envisagée peut fort bien être différente de celle proposée par le ministre d’État, l’essentiel étant que la discussion intègre le souci de l’effectivité de la peine. Quelle que soit la solution finalement retenue, il est important que la société soit assurée que celui qui comparaît pour la vingt-deuxième fois devant un tribunal ne pourra échapper à une punition dissuasive. L’instauration d’une peine plancher est une réponse envisageable. D’autres le sont également, dès lors qu’elles garantissent que le délinquant multirécidiviste ne sera pas traité comme un délinquant ordinaire. Au-delà de la nécessaire liberté des magistrats, l’automaticité de la sanction peut légitimement être considérée comme étant elle aussi nécessaire pour prévenir la récidive. Ce qui importe, c’est le résultat, plus que les modalités. Le Gouvernement est prêt à examiner avec intérêt d’éventuels amendements, dans la mesure où ceux-ci pourraient faire l’objet d’un consensus.

En troisième lieu, il convient de réfléchir à la meilleure manière de concilier le principe d’atténuation de la responsabilité des mineurs avec l’exigence de répression des actes les plus graves. Aujourd’hui, l’excuse de minorité consiste à diviser le montant des peines encourues par deux. Certes, en droit, les magistrats ont la faculté, à titre exceptionnel, de ne pas retenir l’excuse pour les mineurs âgés de plus de 16 ans. Mais dans les faits, ils ne font presque jamais jouer cette possibilité et retiennent l’excuse de minorité dans l’immense majorité des cas. Comment s’étonner, dès lors, que des mineurs de 16 ou 17 ans puissent commettre des actes de barbarie en ayant un sentiment de parfaite impunité ?

Les Français ne le supportent plus et ils ont raison. Le ministre de l’intérieur se trouve être également le président d’une grande formation politique, ce qui implique qu’il soit à l’écoute de ses concitoyens. Lorsqu’un mineur de 16 ou 17 ans porte atteinte à l’intégrité d’une personne et qu’il récidive, il doit être puni comme s’il était majeur.

De manière générale, il ne faut pas craindre de heurter certains conservatismes, ni certains corporatismes ou certaines habitudes. Un véritable choix de société se présente. La question est de savoir si l’on est résolu ou non à engager une lutte efficace contre la délinquance.

M. Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la justice, a souligné que beaucoup avait été fait, depuis 2002, pour améliorer le fonctionnement de la chaîne pénale. L’insécurité a ainsi pu être réduite dans des proportions non négligeables. S’agissant des mineurs, le taux de réponse pénale se situe à hauteur de 87 %, ce qui prouve les grands progrès qui ont été accomplis.

Les différentes lois d’orientation et de programmation (LOPSI et LOPJ), les lois relatives à la récidive ou à la lutte contre le terrorisme ont fourni tant aux magistrats qu’aux policiers les moyens matériels et juridiques nécessaires pour lutter contre les formes de délinquances les plus graves.

Mais il faut reconnaître que tout n’est pas réglé et que les violences contre les personnes, l’usage de drogue ou la délinquance des mineurs restent à des niveaux préoccupants.

Il est donc nécessaire de moderniser les textes et les procédures afin de réduire ces formes de délinquances particulièrement insupportables pour les Français.

Le projet de loi sur la prévention de la délinquance a trois objectifs prioritaires : la lutte contre la délinquance des mineurs ; la lutte contre la banalisation de la consommation des drogues et contre les trafics ; la diversification de la réponse pénale grâce à la création de nouvelles infractions et l’aggravation de certaines sanctions.

Face au sentiment d’impunité qui se développe chez certains mineurs, des procédures judiciaires plus rapides sont nécessaires. C’est pourquoi, un dispositif de présentation immédiate des mineurs de 16 à 18 ans, encadré par des conditions précises, en particulier l’accord du mineur et de son avocat, sera mis en place. Actuellement, un mineur dispose d’un délai de 10 jours à un mois avant sa comparution devant le tribunal pour enfants dans le cadre de la procédure de jugement à délai rapproché. Le projet de loi prévoit la possibilité d’y renoncer, permettant ainsi de le juger à la première audience utile. Ainsi un mineur interpellé le matin pourra comparaître dans l’après-midi, si le tribunal pour enfants est en mesure de se réunir.

Afin de faciliter le recours à cette procédure, le quantum des peines sera abaissé : de trois à un an en cas de récidive et de cinq à trois ans dans les autres cas.

Mettre fin au sentiment d’impunité, c’est aussi permettre au parquet de développer encore davantage les alternatives aux poursuites, qui évitent les classements « secs ». La composition pénale, applicable jusqu’à présent aux seuls majeurs, le sera désormais aux mineurs de 13 à 18 ans. Lorsque les faits seront reconnus et que le consentement du mineur et de ses représentants légaux sera recueilli, le procureur de la République proposera aux mineurs une mesure qui devra être validée par le juge des enfants.

Mettre fin au sentiment d’impunité, c’est, comme le prévoit le projet de loi, limiter le nombre d’admonestations et de remises à parents. C’est aussi pouvoir, dès l’âge de 10 ans, éloigner durant un mois un mineur d’un milieu délinquant.

La réinsertion des jeunes passe aussi par l’insertion professionnelle. C’est en donnant aux jeunes le goût du travail et de l’effort, seul gage de réinsertion, que la délinquance pourra être stoppée. L’obligation de suivre une mesure d’activité de jour, telle qu’elle est créée par le projet de loi, prend en compte cet impératif.

Agir contre la délinquance des mineurs, c’est aussi agir contre la banalisation de la consommation de stupéfiants et contre leur commerce, activité qui concerne aussi bien les mineurs que les majeurs.

Pour tout consommateur de drogues, il est souhaitable de renforcer le dispositif des injonctions thérapeutiques, car celui qui est confronté à la drogue a besoin d’un suivi médical. L’injonction thérapeutique pourra être prononcée comme modalité d’exécution d’une peine. Elle prendra la forme d’une mesure de soins ou de surveillance médicale.

Le champ de l’injonction thérapeutique sera étendu aux personnes ayant commis une infraction dont les circonstances révèlent une addiction aux boissons alcooliques. L’injonction pourra, dans ce cas-là, permettre de traiter la cause de cette délinquance afin d’éviter son renouvellement.

Mais il faut aller plus loin que la mesure de soin. L’usage de stupéfiants ou l’abus d’alcool ne doit plus jamais constituer une excuse lorsqu’il aboutit à la commission d’une infraction. Trop souvent, l’état second d’une personne, dû à la consommation de drogues, lorsqu’elle commet une infraction, suscite la compassion. Cette période de tolérance est révolue. Commettre une infraction sous l’emprise d’un produit stupéfiant ou en état d’ivresse manifeste constituera désormais une circonstance aggravante. Il en sera de même pour le délit de provocation à l’usage ou au trafic de stupéfiants lorsqu’il est commis envers un mineur ou dans un établissement scolaire, ou bien encore dans les locaux de l’administration.

Il importe également de rendre la réponse pénale plus diversifiée et plus systématique en matière de consommation de drogues. C’est pourquoi il est proposé que la procédure d’ordonnance pénale soit étendue au délit d’usage de stupéfiants, afin de pouvoir traiter rapidement ce contentieux de masse. Ainsi, dans tous les cas où des soins n’apparaîtront pas nécessaires, les magistrats du parquet pourront proposer à un juge de prononcer une sanction à l’égard d’un usager, sans qu’il soit besoin de tenir une audience. Les classements sans suites diminueront d’autant.

Le ministère public pourra également recourir, à l’encontre de l’auteur mineur de l’infraction, à une mesure de composition pénale. Ce dernier aura l’obligation de verser une amende ou de réaliser un travail non rémunéré, d’exécuter à ses frais d’un stage de sensibilisation sur les dangers de la drogue ou une injonction thérapeutique. L’exécution des obligations mettra fin aux poursuites pénales.

Il est nécessaire de diversifier encore la réponse pénale par la création de nouvelles infractions et le renforcement de certaines sanctions, notamment en matière de violences urbaines.

Il convient de créer une infraction spécifique en cas de violences volontaires graves sur agent de la force publique commise avec arme en bande organisée ou avec guet-apens, qui sera punie de 15 ans de réclusion criminelle, au lieu de dix ans actuellement. Il faut que les voyous qui s’attaquent aux forces de l’ordre, aux pompiers, aux agents de transports publics sachent que lorsqu’ils tendent un guet-apens ou s’organisent pour exercer des violences, ils risquent de se retrouver devant une cour d’assises.

Les embuscades doivent pouvoir être punies alors même qu’elles n’ont pas atteint leur cible et il convient d’étendre la répression à tous ceux qui les organisent. Cette infraction permettra de sanctionner tous ceux qui se trouvent sur le lieu de l’embuscade, s’il est démontré qu’ils ont participé à sa préparation. Il sera difficile à un individu de faire croire qu’il se trouvait par hasard avec des pierres sur un toit avec d’autres jeunes, alors même qu’un appel aura fait venir la police ou les pompiers en bas de l’immeuble.

Il importe également d’aggraver les sanctions en matière de rébellion, en faisant passer le quantum de peine applicable de 6 mois à 1 an d’emprisonnement : cette aggravation des peines permettra notamment d’appliquer aux mineurs ayant commis des faits de rébellion la nouvelle procédure de présentation immédiate.

Enfin il faut que ceux qui appellent à l’émeute et qui incitent les habitants d’un quartier à s’opposer à l’action de la police puissent être sanctionnés d’une peine d’emprisonnement de deux mois, et non pas d’une simple peine d’amende, ce qui permettra notamment de les placer en garde à vue.

La détermination du Gouvernement à faire appliquer la loi et à protéger ceux qui la servent est totale. Mais cette politique dynamique ne peut prospérer que si l’on cherche à rendre les sanctions plus éducatives.

C’est pourquoi, il est nécessaire de donner un nouvel élan à la peine de travail d’intérêt général. Cette peine ne peut actuellement être exécutée que dans des administrations publiques ou dans des associations habilitées. Le projet de loi prévoit la possibilité d’accomplir des TIG au sein de structures gérées par des personnes morales de droit privé exerçant des missions de service public, comme les bailleurs sociaux – les HLM – ou les entreprises de transports en commun.

Par ailleurs, le projet de loi crée une peine de sanction-réparation, qui obligera le condamné à indemniser sa victime sous le contrôle du procureur de la République ou de son représentant. Son non-respect sera sanctionné par une peine d’emprisonnement dont la durée aura été préalablement fixée par la juridiction de jugement.

Enfin, ce projet de loi institue une peine de stage de responsabilité parentale, qui permettra d’aider les parents de délinquants éprouvant des difficultés dans l’éducation de leurs enfants.

Sans remettre en cause les principes fondateurs de la justice des mineurs ou de la procédure pénale, ce projet de loi permettra d’améliorer significativement le dispositif de lutte contre la délinquance. Il complétera utilement les textes adoptés ces dernières années dans le domaine de la justice et de la sécurité. Résultat d’un travail interministériel, il a été nourri de la concertation établie avec tous les partenaires impliqués dans les politiques de prévention de la délinquance et des multiples expérimentations mises en œuvre dans les quartiers les plus difficiles. Il permettra de répondre aux aspirations des Français à la tranquillité et à la sécurité.

Le Président Philippe Houillon, rapporteur, a tout d’abord interrogé les ministres sur l’articulation entre les conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance et les conseils locaux, c’est-à-dire communaux, sachant que seul le maire dispose de pouvoirs de police.

Il a ensuite souligné qu’un point essentiel du projet de loi est de permettre la transmission d’un certain nombre d’informations personnelles au maire sur des personnes ou des familles en difficulté, par l’intermédiaire d’un coordonnateur. Or, certaines craintes subsistent quant à l’articulation de ce dispositif avec celui prévu par le projet de loi réformant la protection de l’enfance.

Le projet de loi adopté par le Sénat prévoit la mise en place d’un fonds pour la prévention de la délinquance. La question se pose de savoir comment il sera financé et quels seront, le cas échéant, les critères d’attribution des crédits par l’autorité préfectorale.

En tant que pivot de la politique de prévention de la délinquance, le maire pourra légitimement recevoir davantage d’informations de la part des parquets sur les suites judiciaires des infractions commises sur le territoire de la commune. Comment améliorer la coopération entre maires et procureurs, dont on sait qu’elle fonctionne actuellement de manière très inégale sur le territoire national ?

Le projet de loi crée un conseil pour les droits et devoirs des familles, qui sera obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants. Est-il envisageable que ce conseil ne soit que facultatif, comme le souhaite l’Association des maires de France ?

Sur un plan général, il sera peut-être nécessaire, à terme, d’envisager une refonte d’ensemble de l’ordonnance de 1945, qui a subi plus de cinquante modifications et n’est plus forcément très adaptée aux caractéristiques actuelles de la délinquance des mineurs.

L’article 41 du projet crée une nouvelle hypothèse de placement en centres éducatifs fermés. C’est l’occasion de dresser un premier bilan d’application des CEF, en particulier en précisant la part des mineurs placés en CEF selon les différents fondements juridiques, ainsi que les chiffres de récidive à la sortie des CEF.

Les modifications apportées par le projet de loi induisent des modifications assez lourdes dans la gestion des fiches de condamnation du casier judiciaire national. De ce fait, il n’est pas sûr que le délai de six mois pour la mise en application de certains articles pourra être respecté. Ce délai est-il raisonnable, ou doit-il au contraire être allongé pour tenir compte des tâches à accomplir afin de rendre l’outil opérationnel, et donc applicable ?

M. Jean-Michel Dubernard, Président de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, rapporteur pour avis, a appelé de ses vœux une clarification de la consécration législative du secret professionnel partagé. En effet, l’article 5 du projet de loi prévoit que les travailleurs sociaux pourront échanger des informations confidentielles sur certaines familles en difficulté pour améliorer l’efficacité de leur prise en charge. Or, ce dispositif diffère de celui adopté dans le cadre du projet de loi sur la protection de l’enfance. Les travailleurs sociaux qui devront appliquer ces deux dispositifs pour les mêmes familles risquent d’être gênés par l’existence de deux procédures différentes.

Sachant qu’il existe une relation entre état éthylique et actes criminels – 69 % des homicides et un inceste sur deux sont commis en état d’ébriété –, peut-être serait-il opportun d’étendre le dispositif relatif à l’injonction thérapeutique aux cas d’alcoolémie excessive.

Le rapporteur pour avis a également souhaité interroger les ministres au sujet des hospitalisations psychiatriques sous contrainte. La révision de la loi du 27 juin 1990 est attendue par l’ensemble du milieu psychiatrique depuis 1997. Il a rappelé l’opposition unanime des professionnels de santé, des associations de patients et de familles, de la Fédération hospitalière de France, à l’introduction de dispositions relatives à la maladie mentale dans le cadre d’une loi traitant de prévention de la délinquance. Tous considèrent qu’elle serait susceptible d’aboutir à un amalgame entre troubles psychiatriques et délinquance. Justifiées ou non, ces prises de positions conduisent à s’interroger sur la manière de trouver une solution à ce problème. Plusieurs choix sont possibles.

Le premier est de maintenir les articles 18 à 24 tels qu’ils ont été votés par le Sénat, en y apportant quelques ajustements minimes. Dans cette hypothèse, la loi du 27 juin 1990 ne serait pas révisée.

Le deuxième consiste à maintenir les seuls articles directement liés à prévention de la délinquance, c’est-à-dire l’article 18 renforçant les contrôles sur les sorties d’essai et l’article 19 créant un fichier national des hospitalisations d’office et permettant aux préfectures de vérifier les antécédents psychiatriques des personnes demandant une autorisation de détention d’armes, ce qui aurait évité le drame de Nanterre. Cette solution renverrait à une loi de santé publique le traitement des autres aspects des soins sous contrainte en psychiatrie, et ne constituerait pas, elle non plus, une révision de la loi de 1990.

La troisième solution serait de retirer les articles 18 à 24 du projet de loi et de présenter un amendement habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur les hospitalisations sans consentement, donc à réviser la loi du 27 juin 1990. Un calendrier très strict prévoirait que le projet de loi de ratification de l’ordonnance soit déposé devant le Parlement très rapidement, afin de pouvoir être adopté avant la fin de la législature. Cette solution, si elle était applicable, permettrait d’aboutir à un texte global sur les soins sans consentement dans un délai raisonnable, tout en répondant aux interrogations des milieux concernés par cette réforme. En outre, elle ne dénaturerait pas l’esprit du projet de loi, car elle apporterait une vraie réponse en matière de prévention de la délinquance.

En réponse au Président Philippe Houillon, le ministre d’État a souligné que, même s’il préférerait que la création des conseils pour les droits et devoirs des familles soit obligatoire, si une majorité se dégageait en faveur de son caractère facultatif, il ne s’y opposerait pas, et ce d’autant moins que l’implication des maires est nécessaire pour que ces conseils puissent valablement fonctionner.

Il a considéré que la nécessité d’une réforme globale de l’ordonnance de 1945 ne pouvait être contestée. Cependant, il est difficilement envisageable que puisse être menée à bien une réforme forte et cohérente à moins de six mois d’une élection présidentielle.

En réponse au Président Jean-Michel Dubernard, le ministre d’État a souligné que la question des hospitalisations psychiatriques avait fait l’objet de longues discussions avec le ministre de la santé et des solidarités. Il s’est étonné que ceux-là mêmes qui réclament depuis dix ans une révision de la loi du 27 juin 1990 s’y opposent à présent au motif qu’elle s’inscrit dans un projet de loi qui n’est pas le bon. C’est pourtant le contenu des dispositions législatives qui importe, et non leur place dans telle loi plutôt que dans telle autre. Proposer que le Parlement habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance en imposant la condition d’un calendrier rapide est un hommage aux propositions du Gouvernement. Mais cette solution n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement est ouvert à toutes les propositions. Si le seul problème posé par les dispositions qu’il propose est qu’elles s’inscrivent dans un projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, et que cela peut heurter un milieu qui n’est pas spontanément porté à la punition, cela montre que ces dispositions sont consensuelles.

En réponse au Président Philippe Houillon, M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, a souligné l’importance d’une bonne articulation entre les conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance et les conseils locaux. Les pouvoirs de police du maire l’appellent naturellement à jouer un rôle dans la prévention de la délinquance. La création des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance se justifie par le fait que cette prévention figure parmi les compétences obligatoires des communautés urbaines et des communautés d’agglomération. Il existe d’ailleurs déjà 311 conseils intercommunaux et 556 conseils communaux. La question d’une modification de la répartition des compétences entre le maire et le président de l’EPCI pouvait se poser. Le Gouvernement a préféré ne pas ouvrir la « boîte de Pandore ». Le rôle des structures intercommunales dans la prévention de la délinquance pourra en particulier s’illustrer dans le domaine des transports, par exemple en ayant recours à la vidéosurveillance.

S’agissant du conseil pour les droits et devoirs des familles, une longue concertation a été engagée avec l’Association des maires de France. Celle-ci considère que la création d’un tel conseil devrait plutôt relever d’une délibération du conseil municipal. Si un parlementaire souhaite défendre un amendement en ce sens, le Gouvernement y sera favorable.

En ce qui concerne le fonds pour la prévention de la délinquance, celui-ci a tout d’abord pour effet de « sanctuariser » les crédits déjà consacrés à la prévention de la délinquance, qui proviennent essentiellement du programme « Équité sociale et territoriale et soutien » de la mission « Ville et logement ». Il faut cependant aller plus loin, en complétant ces crédits par des ressources nouvelles, tirées du produit des amendes. D’une part, le produit des amendes de police et de circulation est passé de 330 millions d’euros en 2002 à 620 millions d’euros en 2006. D’autre part, le produit des amendes collectées grâce aux radars automatiques devrait représenter environ 60 millions d’euros supplémentaires.

En réponse à au Président Philippe Houillon, le garde des Sceaux a indiqué que le projet de loi proposait huit modifications de l’ordonnance du 2 février 1945. Il propose ainsi des contrôles judiciaires diversifiés, la composition pénale, l’organisation de l’audiencement partagée entre le siège et le parquet, la présentation immédiate à la première audience utile, la possibilité de prononcer des sanctions éducatives pour les mineurs entre 10 et 18 ans, l’avertissement solennel, la limitation des admonestations et des remises à parents, la création de la mesure d’activité de jour. En ce qui concerne la phase post-sentencielle, le placement en CEF en tant que modalité d’exécution de la peine sera possible dans le cadre d’un placement à l’extérieur. Actuellement, le placement en CEF est possible dans trois cas : le contrôle judiciaire, le sursis avec mise à l’épreuve et la libération conditionnelle.

Le bilan des CEF est un succès. Actuellement, 19 CEF prennent en charge 150 mineurs environ. Ils ont accueilli 731 mineurs depuis leur création. Au début de l’année 2008, 45 CEF seront en service. Les deux tiers des mineurs placés en CEF sont sous contrôle judiciaire, tandis qu’un tiers font l’objet d’un sursis avec mise à l’épreuve ou sont en libération conditionnelle. Certains bruits ont couru au sujet des évasions. La vérité est que 4 % des mineurs accueillis commettent des fugues, lesquelles sont le plus souvent inférieures à 24 heures. Quant à la récidive, plus de la moitié des jeunes accueillis en CEF ne revoient pas le juge des enfants. Les CEF sont donc un succès sans précédent, compte tenu du type de jeunes qui y sont accueillis. Ils constituent la meilleure alternative à la prison.

S’agissant de celle-ci, il importe de préciser que les mineurs qui sont détenus le sont dans des quartiers pour mineurs au sein des centres de détention. À partir de 2007, sept établissements pour mineurs seront inaugurés, qui peuvent être considérés comme des « salles de classe entourées de murs ». Comme pour les CEF, interviendront dans ces établissements des éducateurs, des enseignants, des travailleurs sociaux en grand nombre, le but étant de donner des repères à des jeunes qui n’en ont jamais reçu. En outre, il s’agit de définir pour eux un projet professionnel à la sortie. Aucune sortie « sèche » ne sera pensable dans ces structures.

La clé de la lutte contre la délinquance des mineurs n’est pas tant plus de sévérité que plus de variété dans les réponses. D’ores et déjà, les peines sont lourdes. D’une manière générale, la durée des peines de prison augmente en France. Cela ne résout pas tout. Il importe que la réponse pénale corresponde à la situation du mineur concerné. Depuis quatre ans, la diversité des réponses pénales s’est considérablement accrue et s’accroît encore : placement à l’extérieur, CEF, établissements pour mineurs, stages d’insertion professionnelle, stages de civisme, injonctions de soins...

S’agissant des soins, il convient de noter que 40 % des personnes détenues relèvent d’une prise en charge psychiatrique. Des unités hospitalières sécurisées interrégionales, les UHSI, ont été créées au sein des CHU. Ce dispositif sera complété par les unités hospitalières spécialement aménagées, les UHSA, qui seront, au sein des hôpitaux, des unités dédiées à la prise en charge des personnes détenues présentant des pathologies psychiatriques, avec l’objectif de créer 700 places d’ici à 2010. C’est la première fois que la France répond en termes de santé à un problème qui n’avait jusqu’ici été abordé qu’à travers sa dimension pénale.

En réponse au Président Jean-Michel Dubernard, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a souligné que les articles 18 à 24 du projet de loi, portant sur l’hospitalisation psychiatrique, n’étaient pas remis en cause sur le fond par les acteurs du milieu psychiatrique. Ils apportent des garanties supplémentaires par rapport à la situation actuelle. Le fait que le maire doive référer, dans les 24 heures, de la mesure d’hospitalisation d’office au représentant de l’État dans le département constitue une avancée. L’exigence d’un certificat médical transmis par le directeur de l’établissement d’accueil dans les 72 heures suivant la décision d’hospitalisation du maire répond à la même logique, de même que la possibilité pour le représentant de l’État de recourir à une expertise médicale effectuée par un psychiatre n’appartenant pas à l’établissement d’accueil.

La question qui a été soulevée par le monde psychiatrique est celle du véhicule législatif. Le Gouvernement ne s’est pas seulement appuyé sur les conclusions du rapport conjoint de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale des services judiciaires sur la loi de 1990. Il a engagé un travail de concertation. Réviser la loi de 1990 à travers un autre support juridique est possible, mais en définitive, c’est le résultat qui compte. La question est de savoir si les dispositions figurant actuellement dans le projet de loi, couplées avec celles portant sur les trois autres sujets de la loi de 1990, peuvent être applicables avant la fin de la législature. Certaines questions restent en suspens, notamment les contraintes imposées par le calendrier du Sénat. Les acteurs concernés devraient également accepter d’accélérer la concertation, qu’il s’agisse de l’obligation de soins ambulatoires, de la réforme de la notion de « tiers », ou encore de la réforme des commissions départementales de l’hospitalisation psychiatrique.

En réponse au Président Philippe Houillon et au Président Jean-Michel Dubernard, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a rappelé que le ministre d’État et lui-même avaient mené, avant même les arbitrages gouvernementaux, un travail commun extrêmement fécond visant à assurer la bonne articulation entre le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance et celui relatif à la protection de l’enfance. Le Sénat a permis d’affiner encore la rédaction des articles, et le Gouvernement est évidemment ouvert à d’ultimes ajustements que l’Assemblée nationale jugerait nécessaires.

Trois points sont apparus essentiels pour la bonne articulation des deux textes.

Le premier était celui du secret professionnel. Trop de secret empêcherait de réunir toutes les informations nécessaires pour sauver un enfant en difficulté ou, à tout le moins, intervenir de manière suffisamment précoce pour redresser une situation compromise. À l’inverse, l’absence de secret aboutirait – et ce problème est également posé s’agissant du secret médical et du secret de l’instruction – à ce que des informations partielles soient jetées sur la place publique, mettant en cause des personnes, et ruinant ainsi toute relation de confiance avec le médecin, le juge, ou le travailleur social. Il a fallu donc trouver le moyen terme entre ces deux excès. Le Gouvernement a choisi de poser les mêmes règles en matière de protection de l’enfance qu’en matière de prévention de la délinquance.

Le secret professionnel est donc maintenu, mais il doit être partagé, dans l’intérêt même des personnes auprès desquelles le travail social s’accomplit. Ce secret professionnel est si bien garanti qu’il est également opposable au président du conseil général en ce qui concerne la protection, et au maire, s’agissant de l’aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d’une personne ou d’une famille. La seule exception vise les cas où le président du conseil général doit prendre une décision en saisissant la justice, et où le maire, en application du code général des collectivités territoriales, doit prendre une décision d’ordre sanitaire ou social. Les dispositions nouvelles concernant la transmission d’informations au maire sont celles-là même qui s’appliquent depuis de nombreuses années s’agissant de la transmission d’informations au président du conseil général.

Le deuxième point concernait la coordination des travailleurs sociaux. S’agissant de la protection de l’enfance, il est essentiel que l’on ne laisse pas des enfants souffrir en secret et en silence pendant des années sans que personne n’intervienne. Il est également essentiel que la personne qui s’interroge sur l’éventualité d’une maltraitance ne soit pas laissée seule avec sa conscience. C’est pourquoi le projet de loi relatif à la protection de l’enfance a prévu la création de cellules départementales de signalement. Cette personne pourra s’adresser à des spécialistes qui lui poseront les bonnes questions et déclencheront une intervention s’ils ont le sentiment d’un danger grave et imminent. Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance met en place un dispositif analogue. Si plusieurs travailleurs sociaux interviennent auprès d’une famille en difficulté, l’un deux sera désigné comme coordinateur par le maire, en accord avec le président du conseil général. Dans les deux cas, ce sont les mêmes règles fondamentales qui s’appliqueront.

Le troisième lieu d’articulation entre les deux textes était la relation entre, d’une part, le contrat de responsabilité parentale, et, d’autre part, le conseil pour les droits et devoirs des familles. Le maire ne se voit confier aucun pouvoir de coercition nouveau. S’il souhaite que soit proposé un contrat de responsabilité parentale, il en fait la demande au président du conseil général. C’est seulement dans ce cadre qu’une éventuelle mesure de suspension temporaire des allocations familiales pourrait être décidée. La création d’un conseil pour les droits et devoirs des familles ne concerne que les communes de plus de 10 000 habitants, ainsi que celles qui, parmi les autres, s’engageraient volontairement dans cette démarche, ce qui suppose qu’elles en aient les moyens. Car seuls 4 % des travailleurs sociaux travaillent dans des communes. Seules celles qui ont des moyens d’action sociale importants peuvent être réellement mobilisées.

M. Jaques-Alain Bénisti a souhaité insister sur la satisfaction des membres de la commission prévention du groupe d’étude parlementaire sur la sécurité intérieure (GESI). En effet, 14 des 24 propositions qu’ils avaient formulées ont été reprises dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, tandis que 4 autres figurent dans celui relatif à la protection de l’enfance.

La protection de l’enfance et la prévention de la délinquance sont tout à la fois très différentes et intimement liées. C’est pourquoi l’articulation entre les deux textes était primordiale.

Les dispositions relatives au dépistage des troubles comportementaux, intégrées dans le projet de loi relatif à la protection de l’enfance, sont importantes.

Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance permettra de remédier au manque de coordination entre les différents acteurs. C’est là un point essentiel. Les membres de la commission prévention du groupe d’étude parlementaire sur la sécurité intérieure auraient préféré que le coordonnateur ne fasse pas lui-même partie de l’ensemble des travailleurs sociaux amenés à intervenir auprès d’une personne ou d’une famille. Le projet de loi a fait le choix inverse, qui semble correspondre à la position exprimée par les représentants syndicaux des travailleurs sociaux. Il n’est pas certain, cependant, que l’un des acteurs des différentes institutions concernées puisse partager le secret professionnel avec le maire.

L’une des propositions de la commission prévention du GESI qui n’a pas été reprise par le projet de loi est la création d’espaces socioculturels et d’aides à l’emploi (ESCALE), regroupant en une structure unique toutes les actions de prévention au cœur de l’insertion ou de la réinsertion, l’emploi et la formation, en plus de la remise à niveau scolaire, de l’alphabétisation et des activités socioculturelles spécifiques. Ces ESCALE seraient particulièrement utiles quand on sait que 98 % des délinquants n’ont pas de travail.

La question des peines minimales doit être posée. Si elles étaient acceptées par le Conseil constitutionnel, elles constitueraient une solution de nature à éviter la récidive.

Enfin, la commission prévention du GESI avait proposé de généraliser les groupes locaux de traitement de la délinquance, les GLTD, composés du procureur de la République, du préfet et du maire, du commissaire de police, des travailleurs sociaux de la circonscription, afin de mieux cibler et de mieux surveiller les délinquants récidivistes. Lorsque ces derniers passent en jugement, le magistrat pourrait ainsi connaître l’étendue réelle des délits commis au cours des trois années.

M. Jean-Pierre Blazy a rappelé que le ministre d’État était venu, au mois de mai 2006, présenter aux membres de la commission des Lois et de la commission des Affaires sociales le plan national de prévention de la délinquance, et qu’il avait alors indiqué que ce plan intégrerait un projet de loi. Celui-ci a été présenté au Parlement, mais le plan en lui-même ne l’est toujours pas. Le projet de loi ne saurait résumer à lui seul une action globale de prévention de la délinquance. La question se pose de savoir si le plan existe et s’il sera présenté au Parlement.

En outre, il est fort improbable que les nombreux décrets d’application qu’appellera ce texte soient publiés avant la fin de la législature, et cela d’autant plus que certains décrets d’application des cinq lois relatives à la sécurité déjà adoptées au cours de cette législature ne l’ont toujours pas été, pas plus que les textes en question n’ont fait l’objet d’une évaluation.

Il est douteux que le seul produit des amendes collectées grâce aux radars automatiques donnera aux maires les moyens d’exercer effectivement, sur le terrain, les pouvoirs nouveaux qui leur sont confiés, et à travers lesquels l’État tend d’ailleurs à se défausser de ses responsabilités propres. Les maires n’ont pas vocation à exercer des responsabilités qui appartiennent au commissaire de police ou au procureur de la République.

Le projet de loi relatif à la protection de l’enfance aurait dû être examiné par l’Assemblée nationale avant celui relatif à la prévention de la délinquance, dont il semble être le parent pauvre. Au demeurant, l’articulation entre ces deux textes est loin d’être évidente et des confusions sont à craindre entre les rôles respectifs du maire et du président du conseil général.

Les questions posées par le président Jean-Michel Dubernard au sujet de l’hospitalisation d’office méritent d’être considérées avec attention. Les professionnels et les associations d’usagers ont eu raison de s’interroger sur l’opportunité de faire figurer dans un texte relatif à la prévention de la délinquance les dispositions réformant – comme cela est nécessaire – l’hospitalisation d’office. Il serait bon également que le ministre de la santé et des solidarités explique aux membres des deux commissions pourquoi cette réforme, qui aurait eu sa place dans un projet de loi relatif à la santé publique, a été si longtemps différée.

En fin de compte, le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance apparaît comme un texte d’affichage, déposé en fin de législature et à la veille des élections nationales. Quoi qu’il en soit, il serait souhaitable que les députés puissent en discuter en séance publique, à partir du 21 novembre, avec le ministre d’État lui-même.

M. Jean-Christophe Lagarde a jugé que la question de savoir quel véhicule législatif est le mieux adapté pour accueillir les dispositions relatives à l’hospitalisation d’office était absurde et illustrait la même idéologie que celle qui aboutit à ce qu’un très faible nombre de travailleurs sociaux travaillent au sein des commissariats, ce qui oblige les policiers à remplir des tâches relevant du travail social.

Il a déploré que, lorsqu’une personne hospitalisée d’office quitte l’établissement qui l’a accueillie, les maires n’en soient pas avertis dans des délais raisonnables. Un délai de trois mois est tout à fait anormal. Ainsi, à Drancy, il est arrivé qu’une femme atteinte de graves troubles psychologiques rejoigne son logement HLM, ce qui constituait un danger pour l’ensemble de l’immeuble. Le maire aurait pu faire couper le gaz dans cet immeuble s’il en avait été informé.

Il serait souhaitable qu’un maire, sans envisager une hospitalisation d’office et sans interpellation, puisse obliger une personne à consulter un médecin psychiatre.

La diversité des réponses pénales est une bonne chose, mais se heurte trop souvent à des obstacles pratiques. C’est ainsi que depuis 2001, la municipalité de Drancy n’a mis en œuvre que deux stages de réparation pénale et aucun TIG. Peut-être serait-il possible d’envisager qu’un « stage d’intérêt public » puisse être décidé d’un commun accord entre le procureur de la République, le maire et le jeune délinquant concerné.

Le garde des Sceaux a observé que cette proposition correspondait à une disposition figurant dans le projet de loi : l’extension de la composition pénale aux mineurs.

M. Jean-Christophe Lagarde a ensuite interrogé le ministre d’État sur la possibilité que la loi permette la confiscation définitive de véhicules à moteur tels que les motos ou les quads lorsqu’ils sont l’objet d’un délit.

La législation actuelle réprime l’entrave apportée de manière délibérée à l’accès et à la libre circulation des personnes dans les entrées, cages d’escalier ou autres parties communes d’immeubles collectifs d’habitation. Il serait opportun de la modifier afin de transformer en contravention, permettant ainsi au tribunal de police de rendre effective cette interdiction, ce qui est aujourd’hui un délit très rarement réprimé.

Certains lieux publics ouverts font l’objet de véritables appropriations. Lorsque, durant une nuit entière, trente ou quarante personnes organisent un barbecue sur le site d’un office HLM, il est impossible à la police d’intervenir si elle n’est pas saisie d’une plainte. Ce problème appelle une solution.

La désignation d’un coordonnateur parmi les travailleurs sociaux et les modalités de partage du secret professionnel prévues par le projet de loi risquent d’aboutir, au total, à un dispositif d’une redoutable complexité. Le partage du secret professionnel devrait être possible selon des modalités plus simples, dans un souci d’efficacité. Il n’est pas normal que le maire ne puisse pas exiger des informations relatives à la situation sociale dramatique dans laquelle peut se trouver une famille et qui peut mettre en danger un enfant.

En réponse à M. Jacques-Alain Bénisti, le ministre d’État a souligné que le Gouvernement s’était largement inspiré de son excellent rapport au nom de la commission prévention du groupe d’étude parlementaire sur la sécurité intérieure, dont il a retenu la plupart des propositions.

En réponse à M. Jean-Pierre Blazy, le ministre d’État s’est étonné qu’un projet de loi ayant précisément pour objet la prévention de la délinquance puisse être aussi mal accueilli par ceux-là mêmes qui, depuis le début de la législature, ont régulièrement reproché au Gouvernement de ne pas intégrer la dimension préventive dans sa politique de lutte contre la délinquance. Il a ajouté que si les solutions en la matière étaient simples, il était loisible à ceux qui critiquent aujourd’hui ce projet de loi de les mettre en œuvre sous la précédente législature. Il a souligné que de tous les textes qu’il a eu l’occasion de soumettre au Parlement, celui-ci a été le plus difficile à rédiger. La raison en est que la prévention est extrêmement difficile à conceptualiser et à coordonner. C’est d’ailleurs pourquoi on n’a cessé de confondre ce qui relève de l’assistance sociale et ce qui relève de la prévention de la délinquance, ce qui relève de l’intervention médicale et ce qui relève de troubles du comportement.

À travers le projet de loi, le Gouvernement est parvenu à un équilibre, en allant aussi loin qu’il le pouvait dans le cadre des pesanteurs administratives qui s’imposent à la société française. Il était difficile d’aller plus loin sans prendre le risque de ne pas parvenir à un consensus, ce qui aurait finalement condamné les pouvoirs publics à l’inaction.

Il n’y a pas de différence entre le plan national de prévention de la délinquance et le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Le projet de loi est la traduction législative et opérationnelle du plan.

En réponse à M. Jean-Christophe Lagarde, le ministre d’État a d’abord tenu à saluer sa connaissance du terrain, qui n’est pas sans rappeler celle qui s’est également manifestée dans les propos de M. Jacques-Alain Bénisti.

S’agissant de la confiscation des véhicules à moteur tels que les motos ou les quads lorsqu’ils sont l’objet d’un délit, il s’est dit ouvert aux amendements qui pourraient être proposés.

La loi du 18 mars 2003 avait créé un délit d’entrave à la circulation des personnes dans les halls d’immeuble parce que c’était la seule façon d’autoriser la mise en garde à vue. L’inconvénient de transformer ce délit en une contravention, passible d’une peine d’amende, tient au fait que leurs auteurs sont souvent insolvables. Cela étant, il n’y a pas de raison d’être fermé aux propositions des parlementaires sur ce sujet. De manière plus générale, tous les amendements susceptibles d’enrichir le projet de loi seront les bienvenus.

M. Georges Fenech s’est félicité des avancées considérables que comporte le projet de loi, deuxième pilier de la politique pénale du Gouvernement.

Il s’est réjoui de la criminalisation des actes de violence commis à l’encontre des forces de police et des pompiers, tout en insistant sur la nécessité que cette disposition s’étende aux violences commises contre les personnels de l’administration pénitentiaire.

S’agissant des peines planchers, auxquelles il a dit ne pas être hostile, il a rappelé qu’il existait, avant l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal en 1994, des minimums de peine qui ont été supprimés parce que l’invocation de circonstances atténuantes permettait aux juridictions de prononcer des peines inférieures.

La question de fond n’est pas tant celle des peines planchers que celle de l’automaticité des peines. Or, le Conseil constitutionnel a invalidé à quatre reprises des dispositions prévoyant des peines automatiques. C’est ainsi qu’il a, en 1993, invalidé une disposition législative prévoyant la perte automatique du droit à l’acquisition de la nationalité française résultant d’un arrêté d’assignation à résidence. De même, toujours en 1993, il a invalidé une disposition assortissant automatiquement tout arrêté de reconduite à la frontière d’une sanction d’interdiction du territoire pour une durée d’un an. Deux autres de ses décisions sont allées dans le même sens.

Les admonestations successives qui restent sans effet, les avertissements sans frais qui succèdent à de nombreux autres avertissements sans frais, posent en réalité le problème de la nature de la peine. La limitation du nombre d’admonestations que prévoit le projet de loi, et qu’a soulignée le garde des Sceaux, y répond en grande partie.

Qui plus est, en 2004, la loi a rendu impossible un sursis avec mise à l’épreuve lorsqu’un premier sursis avec mise à l’épreuve a déjà été prononcé.

Il ne convient donc pas d’introduire dans la loi une disposition qui risquerait d’être jugée inconstitutionnelle et qui, en outre, constituerait une dénaturation de la fonction de juger, laquelle ne saurait consister en une distribution automatique de sanctions et est indissociable de l’appréciation in concreto des faits.

En réponse à M. Georges Fenech, le ministre d’État a rappelé que les parlementaires avaient par le passé adopté une disposition prévoyant d’assortir automatiquement de l’inéligibilité les condamnations prononcées pour certaines infractions. Cette disposition n’a pas été jugée inconstitutionnelle. Et il serait en revanche inconstitutionnel de prévoir qu’un délinquant multirécidiviste comparaissant pour la cinquantième fois devant un tribunal correctionnel doive être frappé d’une peine minimale ? Il y a là quelque chose de proprement incompréhensible. Il n’y a pas de raison que ce qui est accepté pour les élus soit considéré comme inacceptable pour des délinquants et des criminels de haute volée. Si l’opposition aux peines planchers peut parfaitement se concevoir, elle ne saurait donc être défendue au moyen d’un tel argument.

Le garde des Sceaux a rappelé que la disposition de la loi du 19 janvier 1995 frappant d’inéligibilité les personnes condamnées pour certaines infractions avait été adoptée à l’unanimité, et qu’aucun moyen d’inconstitutionnalité n’avait été soulevé à son encontre.

M. Claude Goasguen a estimé que le projet de loi était un bon texte, et s’est réjoui que le Gouvernement soit ouvert aux suggestions des parlementaires.

Il a considéré que la question des peines minimales devait être appréhendée sous l’angle de sa signification politique. Le vrai problème tient au sentiment de l’opinion publique que l’effectivité de la peine n’est pas suffisante en ce qui concerne la délinquance des mineurs, en particulier quand ceux-ci sont récidivistes. Les statistiques démontreront sans doute que les magistrats ont fait leur métier. Personne ne peut leur reprocher d’exercer leur fonction et d’appliquer les textes existants. Il n’en reste pas moins qu’il est de la responsabilité du législateur d’exprimer la volonté générale. De ce point de vue, l’automaticité des peines ne pose pas problème. Il suffit d’en revenir au système antérieur à 1994, qui n’était pas inconstitutionnel et qui prévoyait des peines minimales. Le fait que la reconnaissance de circonstances atténuantes puisse aboutir au prononcé de peines inférieures à ces peines minimales n’est nullement gênant, dès lors que le juge prend la responsabilité publique de reconnaître des circonstances atténuantes à un multirécidiviste. En outre, les magistrats eux-mêmes demandent que la législation soit éclaircie.

Il importe de rompre avec un schéma datant de 1945, selon lequel l’incarcération d’un mineur aurait pour effet de le pervertir. Le fait de le laisser en liberté dans une cité peuplée de délinquants eux aussi en liberté risque de le pervertir bien davantage encore.

M. Michel Vaxès a souhaité que soit précisée la notion même de prévention, en estimant que le ministre d’État éprouvait quelque difficulté à définir ce concept, qu’il confond visiblement avec celui de dissuasion et de répression. La prévention ne peut consister à sanctionner plus lourdement les actes de délinquance puisqu’elle vise précisément à éviter qu’ils soient commis.

Rappelant qu’il était élu de terrain depuis plus de 35 ans dans une commune dont le revenu moyen par habitant est le plus faible du département des Bouches-du-Rhône, où les logements locatifs représentent 50 % du parc immobilier, où le taux de chômage est très élevé, il a souligné que l’action conduite depuis 15 ans par la municipalité avait conduit à une chute de la délinquance jusqu’en 2003. Or, la tendance est en train de s’inverser. Considérer que les dispositions du projet de loi contribuent à la prévention de la délinquance, c’est s’exposer à des problèmes douloureux. On doit d’ailleurs remarquer que le Sénat, après avoir adopté ce texte, promeut à nouveau la police de proximité au travers du rapport que vient de déposer sa mission commune d’information sur les banlieues et les propos du Premier ministre sur une « police de tranquillité publique », expression qui est proche de la police de proximité, méritent également de retenir l’attention.

M. Bernard Derosier a regretté que le projet de loi relatif à la protection de l’enfance n’ait pu être examiné par l’Assemblée nationale avant celui relatif à la prévention de la délinquance. Il est en effet de nature à faire naître un certain consensus, et est de nature à répondre au souci, qui est partagé, d’adapter l’ordonnance de 1945 au monde d’aujourd’hui.

S’agissant du partage du secret professionnel, il a souligné que les travailleurs sociaux exercent leurs missions en fonction d’une éthique qui est la leur, et savent créer le climat de confiance nécessaire avec les familles en difficulté qu’ils suivent. Il est souhaitable que le Gouvernement réponde aux inquiétudes qui se font jour quant au risque de perte de confiance que pourrait entraîner le partage d’informations dans les relations entre les familles et les travailleurs sociaux.

Il a ensuite souhaité que le garde des Sceaux ou le ministre délégué aux collectivités territoriales apporte des précisions sur les pouvoirs accrus du maire. Celui-ci pourra procéder à des rappels à l’ordre, qui pourront être suivis d’une sanction financière, celle consistant à geler les allocations familiales. Il importe de savoir si des recours seront possibles pour les personnes visées par cette décision de gel qui, tout en étant de caractère judiciaire, découlerait des pouvoirs de police du maire. Il y a là un mélange des genres regrettable entre l’exécutif et le judiciaire.

M. Maurice Giro a félicité les ministres pour ce projet de loi qui apporte des solutions aux maires, en complétant les politiques de prévention dans le domaine de la délinquance des mineurs. Le conseil des droits et des devoirs des familles est le socle qui leur manquait.

Les dispositions du texte relatives aux troubles de voisinage, face auxquels les maires sont souvent démunis, vont également dans le bon sens.

Les cyclomoteurs à deux roues dont la cylindrée n’excède pas 50 cm3 et dont la première mise en circulation est postérieure au 1er juillet 2004 doivent être immatriculés. Ceux dont la première mise en circulation est antérieure à cette date ne sont pas soumis à cette obligation, ce qui constitue un sérieux problème s’agissant de véhicules qui sont la source de nombreuses nuisances. Il n’est pas rare, notamment, qu’ils provoquent des accidents dont sont victimes les personnes âgées.

Il est normal que le maire ait accès à certains secrets professionnels, ce qui lui permettra de mener une politique beaucoup plus efficace.

Les outrages dont sont victimes les agents de police municipale donnent lieu à des amendes qui, dans le cas où les auteurs sont insolvables, seront payées par la commune. C’est un problème qui appelle une solution.

M. Jean-Marie Le Guen a souhaité revenir sur l’argumentation du ministre d’État relative à l’automaticité des peines. L’article 28 du projet de loi prévoit une aggravation de la peine encourue pour certaines infractions dans le cas où leurs auteurs exercent certaines responsabilités professionnelles, en particulier lorsqu’ils sont dépositaires de l’autorité publique, et ce au motif qu’une obligation d’exemplarité pèse sur ces catégories de personnes. Or, le ministre d’État conteste l’inéligibilité automatique qu’entraînent les condamnations prononcées à l’encontre des élus pour certaines infractions. Il conteste donc le principe selon lequel l’obligation d’exemplarité justifierait une aggravation des peines, ce qui devrait logiquement le conduire à renoncer à l’aggravation des peines prévues par l’article 28.

En réponse à MM. Georges Fenech, Claude Goasguen et Michel Vaxès, le garde des Sceaux a estimé que la position du Conseil constitutionnel est d’une grande clarté : une peine doit pouvoir être personnalisée. Tout système prévoyant une automaticité des peines serait très probablement jugé inconstitutionnel. Reste le cas des peines minima, comme le faisait le code pénal avant la réforme entrée en vigueur en 1994. Si les peines minima incluant la possibilité de reconnaître des circonstances atténuantes ont été abandonnées, c’est d’abord parce que les magistrats jugeaient ce mécanisme compliqué. À l’heure actuelle, aucun magistrat ne demande d’ailleurs le retour au système précédent. Il convient en outre de noter que ce système relève plus d’une inspiration anglo-saxonne que latine. Ce système n’est appliqué ni en Espagne ni en Italie, ni même en Allemagne, où prévaut un droit romano-germanique.

Il a estimé que la vraie question était de savoir si les peines minima changeraient quelque chose. Or, elles ne changeraient rien, sauf peut-être sur le plan symbolique. Encore faut-il préciser que le symbole serait perçu de manière assez négative par les praticiens du droit.

Il a rappelé qu’en 2004, les travaux de la mission d’information sur le traitement de la récidive des infractions pénales, dont le regretté Gérard Léonard était le rapporteur, ont débouché sur une proposition de loi qui a été adoptée dès son arrivée à la Chancellerie. Cette loi prévoit, d’une certaine manière, un plancher : pas plus de deux condamnations assorties du sursis avec mise à l’épreuve pour des délits identiques ou assimilés ; pas plus d’une condamnation assortie du sursis avec mise à l’épreuve en cas de violences sur personne ; un mandat de dépôt immédiat en cas de peine supérieure à six mois si des violences ont été commises ; détention obligatoire et un an de prison en cas de violences sur personne. À l’époque, l’automaticité des peines avait fait l’objet d’une réflexion très approfondie, avant d’être définitivement écartée, à la quasi-unanimité de la commission des Lois, un seul de ses membres, aujourd’hui ministre, ayant adopté une position contraire.

Avant d’aller plus loin, le mieux est d’attendre de pouvoir juger de l’application par les juridictions de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales. Car l’accumulation des textes pénaux exaspère, non seulement les praticiens, mais aussi tous ceux qui savent de quoi il retourne.

S’agissant des mineurs, il est après tout concevable que l’on puisse, ici ou là, commenter des décisions prises par les tribunaux pour enfants. Mais il importe de rappeler que le taux de réponse pénale est de 87 %. D’énormes progrès ont été accomplis.

Quant au cas des multirécidivistes, les parquets ont reçu pour instruction de faire appel s’ils jugent que les jugements rendus sont « laxistes ».

Entre les deux excès que constituent le « tout carcéral », d’une part, et les admonestations à répétition, d’autre part, il est important, et c’est là l’essentiel, d’accroître la diversité des réponses pénales, ce qui est le principal apport du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Quand un adolescent se drogue, il ne s’agit pas de le mettre en prison mais de le soigner. C’est ce que ce texte propose. Quiconque l’a vraiment lu ne saurait lui reprocher d’être répressif. Il convient de distinguer entre le discours politique qui est tenu autour du projet de loi et son contenu réel, lequel devrait faire l’unanimité.

En réponse à M. Bernard Derosier, le garde des Sceaux a précisé que s’il appartient au maire de demander le gel des allocations familiales, il appartient au juge des enfants de prendre la décision, et à la famille concernée de faire appel si elle le souhaite.

En réponse à M. Jean-Marie Le Guen, le garde des Sceaux a estimé qu’il était évidemment normal qu’un juge soit plus sévère pour un enseignant, un pasteur, un rabbin, un député ou un maire, qui ont une responsabilité plus lourde que d’autres justiciables du fait qu’ils ont un devoir d’exemplarité. Pour un mineur, l’excuse de minorité existe toujours.

Par contre, le fait d’avoir commis un délit ou un crime sous l’emprise de l’alcool ou de produits stupéfiants doit cesser d’être invoqué comme une circonstance atténuante. Il s’agit bien là d’une circonstance aggravante.

En réponse à M. Bernard Derosier, le ministre délégué aux collectivités territoriales a souligné qu’aucune disposition du texte ne permet d’affirmer qu’une « sanction financière » pourrait être décidée par le maire à la suite d’un rappel à l’ordre.

En réponse à M. Maurice Giro, le ministre délégué aux collectivités territoriales a confirmé que l’obligation d’immatriculation concerne, depuis le 1er juillet 2004, tous les cyclomoteurs à deux roues, y compris ceux dont la cylindrée n’excède pas 50 cm3. Pour des raisons techniques, et sauf immatriculation volontaire, cette mesure ne sera pleinement effective qu’en 2009.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné M. Philippe Houillon, rapporteur sur le projet de loi organique relatif à la formation et à la responsabilité des magistrats (n° 3391).

La Commission a désigné M. Xavier de Roux, rapporteur sur le projet de loi modifiant la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur (n° 3392).

La Commission a désigné M. Guy Geoffroy, rapporteur sur le projet de loi tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale (n° 3393).

La Commission a désigné M. Didier Quentin, rapporteur sur le projet de loi organique, adopté par le Sénat, portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer (n° 3404).

La Commission a désigné M. Didier Quentin, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat, portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer (n° 3405).