COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 46

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 7 mai 2003
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen de la proposition de loi de M. Augustin Bonrepaux en faveur de l'égalité des chances des territoires et de la revitalisation de l'économie rurale (n° 787)

 

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur

2

   
   

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Augustin Bonrepaux, la proposition de loi de M. Augustin Bonrepaux (n° 787) en faveur de l'égalité des chances des territoires et la revitalisation de l'économie rurale.

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur, a indiqué que le dispositif figurant dans la proposition de loi faisait l'objet d'un large consensus entre les élus du monde rural et a rappelé que M. Christian Ménard avait déposé au mois de février une proposition de loi de même nature, visant à créer des zones franches rurales. Il a observé que les mesures proposées avaient déjà été défendues lors de l'examen du projet de loi relatif à l'initiative économique. Il a également souligné que le Gouvernement avait été interrogé par les députés sur la date de création des zones franches rurales, l'institution d'un tel dispositif permettant de conforter les initiatives prises sur le terrain par de nombreuses communes rurales.

Il a donc considéré que le contenu de la proposition de loi n'était pas nouveau mais permettrait aux zones rurales de surmonter les difficultés considérables auxquelles elles sont confrontées. Il a estimé que la décision gouvernementale récente de reconduire les 44 zones franches urbaines (ZFU) existantes et d'en créer 41 nouvelles pourrait conduire à des déséquilibres territoriaux si des mesures équivalentes n'étaient pas adoptées pour les espaces ruraux. Il a remarqué que ces derniers étaient souvent touchés par les mêmes problèmes de suppressions d'emplois que les espaces urbains, mais se caractérisaient en outre par une population plus limitée et des difficultés particulières. Il a ainsi considéré qu'une commune de 600 habitants pouvait difficilement faire face à la fermeture d'un site de production entraînant la suppression de 200 emplois sur son territoire. Il a en outre rappelé que les zones rurales étaient touchées par de nombreuses restructurations de services publics, concernant notamment la Banque de France, la Poste ou France-Télécom, qui s'ajoutent aux conséquences négatives de la crise agricole persistante.

Il a souligné l'aggravation récente de cette situation, notant que la réduction des moyens engagés dans le cadre des contrats de plan Etat-régions allait réduire la desserte des zones rurales par les services publics mais aussi diminuer l'importance des contrats de travaux que les collectivités territoriales passent avec les entreprises locales. Il a ajouté que les moyens nécessaires au financement des contrats de pays prévus par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire n'étaient plus disponibles, du fait du gel récent de nombreux crédits normalement attribués au titre du Fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire (FNADT). Il a regretté la réduction cette année des crédits du Fonds national pour le développement des adductions d'eau (FNDAE), pouvant atteindre 60 % dans un département tel que l'Ariège, les 9 millions d'euros de travaux ainsi rendus impossibles diminuant d'autant les commandes des entreprises locales. De même, il a déploré la réduction des crédits habituellement accordés pour la politique du logement, emportant des conséquences similaires.

Il a donc estimé que, dans un contexte de restrictions budgétaires, l'inaction conduirait à une aggravation de la situation en milieu rural. Il a considéré que la proposition de loi s'inscrivait dans une démarche constructive et visait à valoriser l'ensemble des ressources à la disposition des communes rurales pour y maintenir la population, le patrimoine naturel et forestier ou la pureté de l'air des zones rurales constituant par exemple un atout pour y stimuler le tourisme vert.

Il a mis en garde contre un risque d'aggravation de la fracture existant entre territoires urbains et ruraux du fait du seul développement des zones franches urbaines, utilisées désormais pour limiter l'impact des plans sociaux, et qui tendent à capter l'ensemble des créations d'emplois dans les départements essentiellement ruraux, tels que l'Ariège qui ne compte qu'une centaine de créations d'emplois par an, au détriment des communes rurales avoisinantes.

Il a indiqué que la proposition de loi visait, en conséquence, à remédier, au profit du monde rural, à l'absence de compensation territoriale de la relance des zones franches urbaines. Il a noté que les périmètres d'aménagement rural incitatif (PARI), dont la création était proposée, ne permettraient certes pas de résoudre toutes les difficultés des espaces ruraux, mais constituaient un pari pour développer leurs atouts et rejoignaient largement les zones franches rurales dont la proposition de loi de M. Christian Ménard imaginait la création. Il a ajouté qu'un décret serait nécessaire pour préciser le zonage et les critères de ces PARI, qui devraient être ciblés sur les territoires rencontrant les difficultés économiques et démographiques les plus importantes, le nombre de cantons particulièrement défavorisés ayant été évalué à 500 en 1995.

Puis, il a indiqué que la proposition de loi poursuivait plusieurs objectifs : elle vise en premier lieu à assurer la survie des entreprises existantes par des allègements de charges, afin de limiter la destructuration économique frappant actuellement les campagnes. Il a rappelé que la disparition d'une entreprise contribuait en effet à déstabiliser les commerces et à remettre en cause les services publics, et noté qu'il était beaucoup plus difficile d'obtenir la réouverture d'une école ou d'un collège après une période de fermeture que d'éviter cette dernière.

Il a indiqué que la proposition de loi avait également pour objectif de stimuler l'initiative économique dans les territoires ruraux grâce à de multiples exonérations d'impôts et de cotisations patronales. Il a ensuite ajouté qu'elle devait encourager le développement du télétravail, ce dernier supposant naturellement un équipement technologique adéquat des zones rurales. Il a estimé à cet égard que les communes et départements ruraux devraient pouvoir participer à l'amélioration de la desserte en téléphonie mobile et Internet à haut débit, sans pour autant en assumer seuls la charge financière, un tel transfert de charge allant à l'encontre des principes fondamentaux de l'aménagement du territoire.

Il a précisé que la proposition de loi visait aussi, par des allègements de charges, à encourager les entreprises favorisant l'emploi dans les zones rurales en difficulté. Enfin, il a souligné l'importance de la coopération intercommunale pour le développement de l'économie rurale et a estimé que cela justifiait des aides accrues pour les groupements intercommunaux dans les zones rurales défavorisées.Il a ainsi rappelé que la proposition de loi prévoyait une augmentation de 20 % de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation de développement rural des groupements de communes accueillant un PARI, ainsi qu'un allongement de la compensation des pertes de taxe professionnelle.

Il a ensuite considéré que ces mesures étaient financièrement compatibles avec les difficultés budgétaires du Gouvernement, leur coût étant quasiment nul dans l'immédiat et les pertes de recettes devant être compensées par la création de nouvelles entreprises et activités, induisant un élargissement de bases d'imposition. Il a rappelé que l'objectif de la proposition de loi était de rétablir l'égalité des moyens engagés en faveur des zones urbaines sensibles et des zones rurales défavorisées. Notant que le coût annuel moyen des zones urbaines sensibles s'était élevé à environ 430 millions d'euros entre les années 1997 et 2001, il a jugé qu'il serait équitable d'accorder 400 à 500 millions d'euros pour les 400 à 500 PARI qui pourraient être créés. Il a relevé que cet effort était faible au regard des chances et des espérances que cette mobilisation rendrait aux zones rurales.

Enfin, il a rappelé l'urgence de ces mesures et l'absence de perspectives offertes actuellement aux acteurs économiques des espaces ruraux. Il a donc souhaité que la représentation nationale puisse se rassembler sur cette analyse et adopter, dès à présent et dans un cadre consensuel, cette proposition de loi, ou toute autre proposition similaire.

Après avoir remercié le rapporteur pour les qualités pédagogiques de son exposé, le président Patrick Ollier a tenu à rappeler qu'il s'était personnellement investi dans la politique de développement du monde rural, notamment lors de la création des zones de revitalisation rurale (ZRR) et des territoires ruraux en développement prioritaire (TRDP) en 1994 et 1995. Il a par ailleurs estimé que la politique d'aménagement du territoire menée par le précédent Gouvernement était à l'origine des problèmes actuels des zones rurales.

S'exprimant au nom du groupe UMP, M. Frédéric Soulier a remarqué que cette proposition de loi contribuait à alimenter le débat engagé depuis plusieurs mois sur l'avenir des territoires ruraux.

Il s'est opposé à l'analyse selon laquelle la création de zones franches urbaines irait à l'encontre d'une volonté de développement équilibré de tous les territoires. Il a estimé que les problèmes des territoires ruraux étaient certes spécifiques, mais qu'il semblait hasardeux de vouloir y apporter une réponse politique au détriment des zones urbaines.

En outre, il s'est dit préoccupé par le fait que le rapporteur entende favoriser la ruralité sans se référer explicitement au monde agricole et aux agriculteurs qui assurent pourtant 23 % de la production agricole européenne.

Il a observé que si la proposition de loi avait pour objectif un développement équilibré du territoire, il aurait été opportun d'inscrire cet objectif dans une perspective européenne, désormais nécessaire à la création d'une dynamique rurale.

Il a souligné les très nombreuses références à la notion de télétravail dans le texte de la proposition, et s'est demandé si cette dernière ne visait pas davantage à favoriser un nouveau mode de gestion de l'emploi qu'à développer le monde rural.

Il a estimé que les dispositions proposées appelaient plusieurs réserves, au premier rang desquelles le fait que la création d'avantages fiscaux associés à un nouveau zonage ne peut que contribuer à accroître la complexité de l'environnement fiscal des entreprises. Il a ajouté que la mise en œuvre du Périmètre d'aménagement rural incitatif (PARI) semblait en outre délicate puisqu'elle impliquerait une actualisation régulière de données économiques et sociales et d'un indice synthétique.

Par ailleurs, il a jugé que l'extension des mesures d'exonération fiscale des zones franches urbaines (ZFU) aux zones rurales était une solution hâtive, dans la mesure où le périmètre des ZFU avait été établi avant tout sur des critères sociaux tels que la densité de la population ou le taux d'échec scolaire. Il a observé que cette solution contrevenait aussi aux dispositions issues de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, aux termes desquelles les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités locales doivent représenter pour chaque catégorie de collectivité une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources.

Il a en outre remarqué que plusieurs mesures fiscales existantes rendaient inutiles les réductions d'impôt prévues par la présente proposition de loi. Il a ajouté que l'abattement de 50 % de la valeur locative des nouveaux équipements utilisés pour le développement du travail à distance dans un PARI réduirait les ressources des collectivités locales concernées. Enfin, il a souligné qu'il convenait de vérifier que les mesures proposées étaient compatibles avec les dispositions communautaires applicables en matière d'aides d'État.

Il s'est par ailleurs interrogé sur l'utilité du nouveau périmètre défini par la proposition de loi, soulignant qu'il se juxtaposait aux zones de revitalisation rurale (ZRR) et aux territoires ruraux de développement prioritaire (TRDP) existants. Il a rappelé que le Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire (CIADT) du 13 décembre 2002 avait décidé d'engager une réforme des zonages économiques ruraux afin d'améliorer leur efficacité et a estimé nécessaire d'évaluer les dispositifs existants avant d'en créer de nouveaux. Il a donc jugé prématurées les dispositions prévues par la proposition de loi, les travaux relatifs à la décentralisation étant encore inachevés.

Il a par ailleurs observé que les modalités de financement des mesures d'accompagnement fiscal des acteurs locaux n'étaient pas exposées dans le texte de la proposition de loi. Il a souligné que, par opposition, le projet de loi sur les affaires rurales préparé par M. Hervé Gaymard avait pour ambition de répondre aux préoccupations concrètes du monde rural, l'accès des services au public, la préservation du patrimoine, la levée des obstacles économiques propres à l'espace rural, ou encore l'encouragement à la pluriactivité et à la diversification économique des territoires.

Il a jugé que ces ambitions répondaient au projet établi par le Président de la République le 13 avril 2002, qui vise à promouvoir une agriculture écologiquement responsable et économiquement forte, à favoriser l'accueil des familles et la présence des services publics, à encourager le développement économique des territoires ruraux, et enfin à respecter les particularités et les modes de vie du monde rural.

Pour ces différentes raisons, M. Frédéric Soulier a donc suggéré, au nom du groupe UMP, de ne pas adopter cette proposition de loi.

M. François Brottes, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a tout d'abord estimé que la question de l'avenir du milieu rural méritait mieux que la lecture d'une note technocratique rédigée par un collaborateur de groupe. Reconnaissant que la précédente majorité n'avait sous doute pas traité ce problème de manière irréprochable, il a jugé désormais urgent de se rassembler en faveur du milieu rural, lourdement pénalisé par le ralentissement de la croissance, et d'agir notamment en faveur des zones de montagne frappées par la fermeture de nombreuses entreprises telles que Péchiney dans les Pyrénées ou Atofina en Savoie, tandis que certains se bornent à théoriser. Tout en admettant l'importance des activités agricoles, il a estimé que le milieu rural ne devait pas être réduit à l'agriculture, les agriculteurs ayant eux-aussi besoin de certains services et les autres emplois devant également être reconnus.

Il a par ailleurs regretté que la situation des zones rurales soit aggravée par la création de zones franches en milieu urbain, celles-ci créant un « appel d'air » tendant à accroître les phénomènes de délocalisation au détriment du milieu rural. Il s'est également étonné des propos de M. Frédéric Soulier justifiant la différence entre le traitement réservé au milieu rural et celui appliqué en milieu urbain par la différence de situation entre ces deux types d'espaces, et a estimé qu'il s'agissait d'un choix politique devant être assumé à l'avenir.

Puis, après avoir fait observer qu'une proposition de loi n'avait pas vocation à être aussi complète qu'un projet de loi qui peut comprendre près de 100 articles, M. François Brottes a estimé que le texte proposé par M. Augustin Bonrepaux était vertueux, puisqu'il évitait de gaspiller les deniers publics, déterminait par des critères stricts les zones nécessitant un soutien particulier et encourageait le maintien et le développement d'activités dans ces zones. Il a souhaité qu'en conséquence, les commissaires évitent de traiter avec mépris de tels sujets et parviennent plutôt à un accord. Il s'est en outre étonné que M. Frédéric Soulier n'ait pas cité, dans son intervention, la proposition de loi de son collègue M. Christian Ménard, celle-ci montrant qu'un débat avait également lieu au sein du groupe UMP quant à l'avenir du milieu rural.

Regrettant que des pans entiers d'activités économiques disparaissent aujourd'hui dans les zones rurales, il a enfin exprimé le souhait qu'un rendez-vous soit clairement pris par les commissaires pour étudier les questions traitées par la proposition de loi de M. Augustin Bonrepaux, dans le cadre de l'examen du futur projet de loi sur les affaires rurales, celui-ci ne pouvant, à ses yeux, faire l'économie de mesures en faveur du maintien de l'emploi industriel en milieu rural.

Puis, M. André Chassaigne, s'exprimant au nom du groupe Député-e-s Communistes et Républicains, a salué le choix de l'intitulé de la proposition de loi présentée par M. Augustin Bonrepaux, jugeant que le monde rural connaissait aujourd'hui des problèmes réels. Il a en outre estimé que l'ensemble des parlementaires reconnaissait que la distinction opérée entre agglomérations dites « à problèmes » et espaces ruraux désireux de vivre mais n'en ayant pas les moyens constituait une erreur monumentale.

Il a par ailleurs déploré les distorsions créées entre les zones urbaines sensibles, d'une part, et, d'autre part, des zones rurales confrontées à des difficultés pourtant similaires, par exemple concernant l'égalité des chances en matière d'enseignement, ce dernier point faisant l'objet d'une analyse consensuelle de la part des sociologues.

Soulignant que la proposition de loi de M. Augustin Bonrepaux constituait une tentative de réponse intelligemment argumentée, il a fait part du soutien de son groupe à cette initiative, dont il a noté que si elle était un élément utile pour l'examen à venir du projet de loi relatif aux affaires rurales elle constituait un premier pas qu'il fallait franchir sans attendre.

Reconnaissant que les réponses apportées par cette proposition de loi n'étaient que partielles, le recours à des exonérations fiscales n'étant pas une « panacée », il a souhaité que des mesures complémentaires telles que des bonifications d'intérêts au profit des entreprises rurales, une révision de l'assiette de la taxe foncière et des crédits visant à encourager l'investissement soient adoptées. Il a également plaidé en faveur d'une discrimination positive visant à encourager l'emploi en milieu rural.

Il a enfin souligné que certaines propositions, telles que le développement du télétravail, ne seraient qu'une vue de l'esprit en l'absence d'initiatives concrètes pour mettre un terme à la fracture numérique. Sur ce point, il a regretté que les conclusions du Comité interministériel à l'aménagement et au développement du territoire (CIADT) du 9 juillet 2001 n'aient toujours pas été suivies d'effets.

M. Jean-Marc Lefranc a indiqué partager la philosophie générale exprimée par M. Augustin Bonrepaux mais a vivement regretté la critique de la politique gouvernementale relative aux zones franches urbaines figurant dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi, critique qu'il a jugé partisane et non conforme à la vérité.

Il a ensuite rappelé que les zones rurales n'avaient pas profité de la croissance économique dont avait bénéficié le précédent gouvernement.

Il a souligné la nécessité d'un traitement d'ensemble des problèmes, prévu dans le cadre du futur projet loi relatif aux affaires rurales préparé par M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, tenant notamment compte de la diversité des zones rurales.

Puis, M. Jean-Marc Lefranc a estimé que le nouveau zonage proposé par la proposition de loi, le périmètre d'aménagement rural incitatif (PARI), manquait d'intérêt et s'ajouterait aux zones de revitalisation rurales (ZRR) et aux territoires ruraux de développement prioritaires (TRDP), dispositifs qu'il a estimé préférable de remettre à plat.

Il a jugé que mises à part les dispositions relatives au télétravail, la proposition de loi n'était guère innovante et reprenait largement les mécanismes crées par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et par la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville.

En conséquence, il a invité M. Augustin Bonrepeaux à participer au travail parlementaire sur le futur projet loi relatif aux affaires rurales en soulignant que le développement des zones rurales devait être un objectif commun dépassant les clivages partisans.

M. Yves Coussain a, en préambule, rappelé que l'ensemble des commissaires, quelque soit leur groupe politique, étaient convaincus de la nécessité d'assurer l'égalité des chances entre les territoires, de revitaliser l'économie des zones rurales et de mener une politique ambitieuse d'aménagement du territoire mettant en place des mécanismes de « discrimination positive ».

Il a également souligné qu'une telle politique avait été mise en œuvre par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire dont le Président Patrick Ollier avait été le rapporteur pour l'Assemblée nationale et qui avait institué des exonérations fiscales et sociales. Il a ensuite estimé que les dispositifs crées par cette loi n'avaient pas donné les résultats qui en étaient attendus, probablement faute d'une vitalité économique suffisante des zones rurales et en raison de l'insuffisante lisibilité de ces mesures ces dernières années, M. Yves Coussain jugeant qu'elles avaient été occultées de 1997 à 2002, notamment parce que le gouvernement de l'époque n'avait pas jugé opportun, en 1999, de proroger les exonérations de l'impôt sur les sociétés prévues par la loi du 4 février 1995 précitée.

Il a souligné le contraste frappant existant entre la proposition de loi de M. Augustin Bonrepeaux et la politique suivie en matière d'aménagement du territoire par le gouvernement qu'il avait soutenu. Rappelant qu'un projet de loi relatif aux affaires rurales comprenant des dispositions en faveur de l'égalité des chances entre les territoires serait prochainement examiné, il a donc estimé qu'il n'y avait pas lieu de discuter la proposition de loi de M. Augustin Bonrepaux.

Après avoir remercié M. Frédéric Soulier pour la qualité de son intervention, M. Jacques Le Guen a jugé que l'ensemble des commissaires, par delà les clivages partisans, étaient conscients des difficultés du monde rural. Il a ensuite regretté que M. François Brottes ait évoqué l'approche théorique de la majorité, alors que celle-ci a adopté une attitude pragmatique et efficace, rompant avec la pratique du précédent Gouvernement qui avait multiplié les annonces non suivies d'effet, notamment à l'occasion des Comités interministériels pour l'aménagement et le développement du territoire (CIADT). Il a, en outre, dénoncé la légèreté du propos de M. Augustin Bonrepeaux selon lequel les mesures ne coûteraient rien, alors qu'il était évident qu'il faudrait bien un jour les financer.

En conclusion, M. Jacques Le Guen a jugé préférable de traiter globalement des questions de développement rural. Il a donc souhaité que tous les députés s'efforcent de contribuer au travail sur le futur projet de loi relatif aux affaires rurales.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont a jugé que le bilan de quarante années de politique d'aménagement du territoire mettait en évidence un échec collectif qu'il convenait de reconnaître et qui démontrait l'urgence d'une « discrimination positive » en faveur des zones rurales fragiles.

Estimant que tous les commissaires pourraient partager les mêmes analyses sur cette question, elle a regretté que les élus de la majorité abordent le dossier de façon polémique et caricaturale.

Elle a ensuite jugé que si le monde agricole était évidemment une composante essentielle de la ruralité, ce serait néanmoins la condamner à très brève échéance que de la réduire aux problématiques agricoles. Elle a donc estimé que l'un des grands mérites de la proposition de loi de M. Augustin Bonrepeaux était justement d'ouvrir le débat et de promouvoir le développement d'autres activités.

Puis, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont s'est déclaré très vivement surprise d'entendre qualifier de prématurée la proposition de loi de M. Augustin Bonrepeaux et a jugé que le combat du développement rural risquait de cesser faute de combattants si l'on attendait davantage.

En conclusion, elle a appelé les députés de la majorité à débattre de cette proposition de loi et à ne pas la rejeter pour des raisons strictement politiciennes.

M. Gabriel Biancheri a estimé que la proposition de loi, bien que peu originale sur bien des points, comportait aussi des approches novatrices méritant examen. Il a néanmoins regretté que le dispositif fasse l'impasse sur le droit existant, concernant tant les aides structurelles de la Communauté européenne, assises sur des critères objectifs, que les mécanismes de solidarité possibles au sein des départements, dont la Drôme a fourni un exemple intéressant, ou encore les systèmes de péréquation en faveur des communes les plus pauvres. Il a conclu en jugeant l'initiative de M. Augustin Bonrepaux prématurée compte tenu de l'examen imminent du projet de loi sur le développement rural, qu'il a plutôt appelé à enrichir.

M. Daniel Boisserie s'est déclaré surpris de ce que la proposition pût susciter la polémique, personne ne pouvant contester les difficultés du monde rural, et s'opposer en conscience à des mesures de solidarité en sa faveur. Il a rappelé que ces mesures visaient en outre des zones bien ciblées, sur la base de trois critères précis, la densité de population, le taux de suppression d'emplois, le produit intérieur brut (PIB) par habitant, auxquels il aurait personnellement ajouté celui du potentiel fiscal par habitant, qui lui semblait particulièrement adapté en l'occurrence.

Le président Patrick Ollier a remercié l'ensemble des intervenants pour leur contribution à un débat qu'il a jugé de grande qualité. Il a constaté que les avis exprimés se regroupaient autour de deux thèses antagonistes, mais qu'un accord général se dégageait en faveur de l'ambition commune d'apporter un soutien aux zones rurales, l'égalité des chances nécessitant parfois des traitements inégalitaires. Il a approuvé les dispositions visant à promouvoir le développement des zones de montagne, mais a estimé que la recherche d'une solution nécessitait aujourd'hui la prise en compte combinée des difficultés des zones rurales et urbaines. Il a en effet souligné que l'explosion des banlieues d'un côté, la désertification des campagnes de l'autre constituaient les deux faces d'une même médaille et témoignaient d'une fracture territoriale.

Rappelant que M. Augustin Bonrepaux s'était déclaré prêt à se rallier à toute initiative allant dans le même sens que sa proposition de loi, il l'a invité à participer au travail ministériel en cours sur le projet de loi relatif aux affaires rurales devant être présenté prochainement en Conseil des ministres, et discuté au Parlement à l'automne. Il a observé que la mise au point en un an de ce projet de loi satisfaisait tout à fait à l'impératif d'urgence souligné, à juste titre, par M. Augustin Bonrepaux. Il a signalé que, parallèlement, le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine élaborait un projet de loi visant à traiter équitablement les zones urbaines en difficulté.

Il a ajouté qu'il se sentait concerné au premier chef par cette idée d'une aide à l'aménagement du territoire par la franchise fiscale, puisqu'il avait été rapporteur de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, laquelle avait institué les premières mesures allant dans ce sens, mais aussi rapporteur de la loi n° 96-1143 du 26 décembre 1996 relative à la zone franche de Corse qui avait servi de modèle pour l'instauration des zones franches urbaines. Il a par ailleurs regretté que tous les efforts faits par la majorité de l'époque en faveur de l'aménagement du territoire aient été désorganisés en 1999 par Mme Dominique Voynet, la reconstitution d'une politique cohérente dans ce domaine prenant un certain temps. S'agissant du faible impact des zones de revitalisation rurale, il a jugé qu'il appelait en premier lieu un diagnostic, qu'il avait demandé, et qui avait été confié à une mission d'inspection conjointe de la DATAR et de l'IGF. Il a estimé, qu'en tout état de cause, ce dispositif nécessitait, après dix années de fonctionnement, des améliorations et ajustements, mais qu'en aucun cas il ne fallait lui superposer un nouveau zonage comme le PARI suggéré par M. Augustin Bonrepaux, l'empilement des dispositifs allant totalement à l'encontre des objectifs de simplification administrative. Il a insisté en outre sur le caractère incontournable d'une négociation avec la Commission européenne pour la mise en place de toute mesure d'aide fiscale.

Il a ensuite constaté l'insuffisance de chiffrage de l'impact financier de la proposition de loi, la référence approximative à des données vieilles de plusieurs années ne pouvant en tenir lieu. Il a par ailleurs considéré que la simple transposition des dispositions prises en faveur des zones urbaines, qu'il s'agisse de l'impôt sur les bénéfices (article 44 octies du code général des impôts), de la taxe foncière (article 1383 B), ou de la taxe professionnelle (1466 A), faisait fi des spécificités et de la grande diversité du monde rural, en termes de densité démographique et d'éloignement des centres urbains par exemple.

En conclusion, il a regretté les imperfections de la proposition de loi qui préfère la superposition à la simplification, la simple transposition à l'adaptation et surtout la précipitation à l'élaboration méthodique. Il a jugé que cette précipitation étant d'autant plus inopportune qu'un projet de loi était en préparation et a estimé que cela militait en faveur du non examen des articles.

En réponse aux divers intervenants, M. Augustin Bonrepaux, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- le monde rural ne peut être réduit au seul monde agricole ; il est également composé de petites et moyennes entreprises, d'industries et d'artisans dont il faut se préoccuper ;

- les mesures pouvant être inscrites dans le cadre d'une proposition de loi sont nécessairement réduites à des mesures fiscales, toute proposition de dépense étant en effet irrecevable au regard de l'article 40 de la Constitution. Pour autant, le rapport fera état de telles propositions ;

- certes, les mesures proposées doivent être complétées, mais le rapporteur prend note des commentaires émis par les membres de la majorité, qui lui permettront d'enrichir sa réflexion et de faire part de nouvelles propositions, notamment dans le cadre de l'examen du texte en séance publique ;

- les mesures proposées ne sont pas coûteuses, comparées aux efforts consentis en faveur des territoires urbains. Faire état d'un coût trop élevé constitue donc un mauvais argument si l'on souhaite réellement instaurer une véritable égalité des chances entre les territoires. En outre, le rapporteur, lors du débat en séance publique, demandera que soit également consentie une égalité des moyens dévolus d'une part à l'espace urbain et d'autre part au milieu rural. On doit par ailleurs noter que le mécanisme des zones franches urbaines ayant été agréé par la Commission européenne, rien ne semble s'opposer à ce que soit également agréé un dispositif de zones franches rurales ;

- il paraît difficile, pour certains départements particulièrement démunis, de mener une politique en faveur de la ruralité. C'est notamment le cas des départements touchés par des fermetures d'entreprises, qui voient ainsi leurs ressources émanant du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle sensiblement amoindries. Cette situation pourrait d'ailleurs s'aggraver, lorsque le département, lors de la nouvelle étape de la décentralisation, aura à prendre en charge de nouvelles dépenses. Il n'est donc pas opportun de trop solliciter cet échelon territorial ;

- il est effectivement nécessaire de revoir les zonages existants. S'agissant des zones de revitalisation rurale, la diminution de taxe professionnelle pour les artisans et la défiscalisation pour les résidences de tourisme, très efficace, doivent être poursuivies au moins jusqu'en 2006 ;

- le futur projet de loi sur les affaires rurales s'apparente désormais à « l'Arlésienne ». Voilà maintenant près d'un an qu'il est évoqué, initialement prévu pour les printemps 2003, puis l'été et enfin l'automne. On peut regretter que la question du milieu rural soit traitée aussi tardivement, de nombreuses entreprises risquant de disparaître d'ici l'examen de ce texte. En tout état de cause, le groupe socialiste fera part de ses propositions, qui ne sont pas coûteuses et visent à instaurer une égalité de traitement et des moyens des territoires. Une proposition est aujourd'hui émise ; reste à savoir ce que sera la position de la majorité parlementaire pour faire face à l'urgence de la situation du monde rural.

Le président Patrick Ollier, rappelant que M. Augustin Bonrepaux avait toujours fait preuve d'une « foi ardente » en faveur des zones rurales et de montagne, a regretté que ce dernier n'ait pas réussi à convaincre le précédent Gouvernement de traiter la question de la ruralité et s'est étonné que le rapporteur se « réfugie » derrière la majorité actuelle pour promouvoir ses propositions. Il a par ailleurs souligné que le projet de loi relatif aux affaires rurales serait déposé auprès du Parlement au cours de l'été et serait discuté en automne, de nombreux parlementaires ayant d'ores et déjà des réunions de travail hebdomadaires avec le ministre chargé de l'agriculture pour préparer ce texte.

La Commission a alors décidé de ne pas procéder à l'examen des articles et en conséquence de ne pas formuler de conclusions.

--____--


© Assemblée nationale