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Session extraordinaire de 2001-2002 - 3ème jour de séance, 4ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 9 JUILLET 2002

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

Sommaire

AMNISTIE (suite) 2

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 2

ARTICLE PREMIER 7

ART. 2 7

ART. 3 8

ART. 5 10

ARTICLE 8 11

ART. 9 11

ARTICLE 10 12

ARTICLE 11 12

ARTICLE 12 13

APRÈS L'ARTICLE 12 13

ART. 13 14

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 10 JUILLET 2002 15

La séance est ouverte à vingt et une heures.

AMNISTIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant amnistie.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Victorin Lurel - C'est la huitième loi d'amnistie dite « présidentielle » qu'examine l'Assemblée nationale depuis 1959. Au début de chaque mandat présidentiel, il est demandé à la représentation nationale d'adopter ce que Rabelais appelait les « sempiternelles oubliances », de couvrir du voile de l'oubli certaines infractions, « d'effacer le souvenir et l'effet des condamnations et des poursuites », selon une vieille définition empruntée à un arrêt de 1839 de la Cour de cassation.

A la différence de l'amnistie « événementielle », c'est-à-dire intervenant après des événements mémorables, souvent tragiques, qui ont divisé le corps social, l'amnistie présidentielle est votée en guise de ce que Louis Andrieux qualifiait de « joyeux avènement » et de « feu d'artifice de l'élection présidentielle ».

Ce texte est le premier de la législature. Il est donc emblématique, M. le Garde des Sceaux, de la politique que vous allez conduire, en particulier en matière pénale, au cours de ce quinquennat. Elle doit faire sens, envoyer des signaux clairs à nos compatriotes pour asseoir une parole d'autorité dans une société déboussolée, en perte de repères, et pour rendre à l'action publique, comme le préconise le Président de la République, sa force et son efficacité.

En réalité, à la lecture du projet et en dépit des efforts consentis pour mieux en borner le périmètre, pour en préciser le contenu, pour étendre le champ des exclusions, on est quelque peu déçu par un texte qui ne fait que sacrifier à un rituel post-électoral, et qui aggravera la désaffection civique dont souffre déjà notre pays.

Si nous demandons son renvoi en commission, c'est d'abord à cause de la façon cavalière et inconvenante dont il nous a été présenté. Adopté le 3 juillet en Conseil des ministres, le projet a été examiné dès le lendemain en commission des lois, où les députés de l'opposition ont découvert sa teneur.

M. Jacques Brunhes - Exact !

M. Victorin Lurel - Même quand on est doté d'une intelligence « laser », même quand on n'ignore pas l'économie générale des lois d'amnistie, on n'a pas le temps, dans de telles conditions, de se faire une religion.

Avec 23 amendements, déposés presque exclusivement par la majorité, l'affaire a été menée rondement : en moins de 45 minutes ! Disposant de tous les pouvoirs et d'une formidable rente de situation, la majorité s'est réservé le monopole de l'information et du savoir, privant la commission, et singulièrement l'opposition, de son pouvoir d'expertise et de son droit de critique. Aucun délai de décence de nous a été laissé. Pire, le projet a été examiné sous l'empire de l'urgence !

Pourtant, le texte était disponible depuis quelque temps : les départements et territoires d'outre-mer l'avaient reçu pour avis le 28 juin dernier ; les journalistes en avaient aussi eu connaissance et avaient même commencé à commenter, à ferrailler, voire à persifler...

M. Jacques Brunhes - Exact !

M. Victorin Lurel - Certains y verront un simple détail, mais à mes yeux il est symptomatique de l'estime dans laquelle on tient cette Assemblée !

A l'orée de cette législature, il faut un regard neuf pour s'étonner de ces petits riens, qui ne sont pour certains que des banalités, tant on banalise l'état d'extrême affaiblissement dans lequel certains veulent cantonner le Parlement.

Mes chers collègues, vous disposez d'une majorité écrasante et, apparemment, sûre d'elle-même ; il vous appartient de ne pas en faire une majorité dominatrice et tyrannique. Il serait sage et de bonne politique de renvoyer cette affaire en commission, dans l'intérêt même du Parlement. La démocratie y gagnerait.

Il nous faut renvoyer en commission ce texte subtil, presque ésotérique, pour mieux le décrypter et pour mettre un terme à la confusion entretenue depuis 1958 entre les pouvoirs respectifs du Parlement et du Président de la République. Aux termes de l'article 34 de la Constitution, le pouvoir d'amnistie appartient au législateur. Or le fait de coupler l'édiction des lois d'amnistie avec le début du mandat présidentiel provoque des « dégâts collatéraux » et aboutit à survaloriser la fonction présidentielle. Nous avons, hélas, pris l'habitude de voter des lois d'amnistie résultant d'une initiative du Président de la République, relayée par le Gouvernement au moyen d'un projet de loi, transformant le Parlement en supplétif, si ce n'est en chambre d'enregistrement.

Le dolorisme et le masochisme parlementaires ne s'arrêtent pas là : le législateur pousse l'inconscience jusqu'à déléguer, depuis 1966, son pouvoir d'amnistier au chef de l'Etat. Dans le cas présent, c'est l'article 9 qui autorise le Président de la République à accorder une grâce amnistiante.

Ainsi, la confusion règne sur l'identité du véritable titulaire du pouvoir d'amnistier. Dans l'esprit du grand public, c'est le chef de l'Etat ; à cet égard, l'expression « amnistie présidentielle » n'est pas anodine. Le Parlement participe donc à son propre rabaissement. Il faut mettre un terme à cette pratique, même si d'aucuns la considèrent comme une tradition républicaine.

Troisième motif de renvoi en commission : nous ne pouvons accepter une amnistie incivique, au moment où l'opinion publique et nombre d'associations se coalisent pour défendre une certaine idée de la responsabilité. Il faut être intraitable quand la vie d'autrui est en danger : il n'y a pas d'infraction mineure du code de la route ; et l'on sait bien que les automobilistes, anticipant l'amnistie, s'affranchissent des règles les plus élémentaires, avec pour conséquence l'augmentation du nombre de morts et de blessés.

La punition assumée et exécutée est une pédagogie. Comment peut-on transiger sur cela ? On nous dit que le périmètre de l'amnistie a été réduit, mais cela ne suffit pas : il faut totalement exclure les délits et contraventions au code de la route, à la seule exception éventuelle des dépassements de quelques minutes du temps horodaté sur une place de stationnement payant.

La commission n'a pas pu vraiment débattre sur ces sujets.

M. René Dosière - C'est le moins qu'on puisse dire !

M. Victorin Lurel - Pourtant, un vrai débat aurait certainement pu faire évoluer les positions et nous faire abandonner cette culture de la permissivité et du laxisme.

M. Gaëtan Gorce - Très bien !

M. Victorin Lurel - Pour garder à la loi sa capacité de dissuasion, il faut faire le deuil de cette curieuse exception française qu'est l'effacement des fautes pénales.

Ce projet n'est pas congruent à l'état des mentalités, il ne correspond pas à l'attente de l'opinion ; et j'ai été sidéré d'entendre certains de mes collègues déclarer en commission qu'ils étaient en désaccord profond avec ce texte mais qu'ils le voteraient par discipline de groupe.

M. René Dosière - Hélas !

M. Victorin Lurel - Quand il est porté atteinte aux valeurs sociales fondamentales, on ne saurait adopter une telle posture dans le seul but de plaire et de complaire au chef de l'Etat.

M. René Dosière - Ils ont signé l'engagement du tout voter !

M. Victorin Lurel - Je vous exhorte, Mesdames et Messieurs de la majorité, à vous libérer de vos chaînes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). J'ai été attentif aux propos de notre collègue Bernard Accoyer, qui reconnaît que cette loi d'amnistie présidentielle devrait être la dernière ; le rapporteur Michel Hunault et d'autres ont formulé des observations analogues.

Alors, rêvons un peu : et si cette prétendue tradition républicaine était blackboulée ici et maintenant, par le retrait de ce projet ? A tout le moins, il faut remettre l'ouvrage sur le métier et s'interroger sur la pertinence de l'amnistie présidentielle aujourd'hui.

Jadis, instrument de réitération du pacte républicain, l'amnistie permettait d'apaiser les passions, de travailler à la réconciliation nationale. Aujourd'hui, l'amnistie post-électorale, qui se fonde sur une fausse tradition républicaine que le Conseil constitutionnel a pourfendue en 1988 à la suite de recours que vous aviez vous-mêmes introduits, produit des effets pervers : elle affaiblit la loi, débilite l'autorité et décourage le citoyen. « Qui pardonne aisément invite à l'offense », écrivait Corneille.

Disons-le sans méchanceté, mais fermement : comment oublier si vite le discours martial de l'« impunité zéro » et la mission de rétablissement de l'autorité de l'Etat, que le Président de la République a assignée au Gouvernement et au Parlement ? Comment laisser penser que certaines règles peuvent être bafouées, au motif que nouveau quinquennat vaudrait pardon, sans dévaloriser toute parole d'autorité ?

Nous organisons nous-mêmes la démoralisation publique. L'autorité de la loi dépend de son application ; l'amnistie automatique la détruit. Le cardinal de Richelieu nous avertissait en son temps : « Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c'est autoriser la chose qu'on veut défendre ».

Enfin, le droit de l'amnistie évolue. La jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat ont mis en évidence une contradiction entre l'amnistie et la séparation des pouvoirs. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 8 juillet 1989, n'a pas nié l'entorse faite à cette séparation, mais l'a justifiée par l'article 34 de la Constitution ; il s'est donc refusé à hiérarchiser les normes constitutionnelles, alors qu'à mes yeux le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs devrait primer sur l'article 34. La pratique de l'amnistie sort affaiblie de cette contradiction ; il eût été sage d'expertiser les risques juridiques pour l'avenir. La même faiblesse apparaît dans les rapports entre le législateur et le Président de la République lorsque celui-ci reçoit délégation de celui-là pour prendre des décrets de grâce amnistiante. La matière aurait mérité un examen approfondi de la part de notre commission.

Même fragilité encore dans la tentative de conciliation entre amnistie et état de droit, car le caractère systématique de l'amnistie permet aux citoyens de commettre en toute impunité des actes répréhensibles. Il eût été souhaitable que, portant atteinte à l'autorité de la chose jugée, les mesures d'amnistie fassent l'objet d'un contrôle approfondi.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a fixé des principes qui s'imposent au législateur : la rupture de l'égalité entre les citoyens ne peut être justifiée que par une différence de situation ou un objectif d'intérêt général lié au bon fonctionnement du service public.

La loi d'amnistie doit donc distinguer les différentes catégories d'infractions selon des critères objectifs. Or, la prime à l'incivilité accordée par exemple aux citoyens qui ne paient pas leurs contraventions de stationnement, ne me paraît pas en être un ! Quant à la distinction entre stationnement dangereux et non dangereux, gênant et non gênant, elle est extrêmement floue, et impossible à opérer dans la pratique. L'automobiliste qui stationne de façon abusive sur une place payante en amène inévitablement d'autres à occuper des emplacements interdits, et celui qui empiète sur un trottoir étroit oblige les piétons à marcher sur la chaussée, au risque d'être victime d'accidents. Le comportement de l'automobiliste forme un tout : on ne peut à la fois exiger de lui qu'il respecte scrupuleusement le code de la route et accepter qu'il puisse se garer de façon anarchique. Même considéré comme non dangereux, le stationnement interdit perturbe gravement la vie urbaine : il gêne les piétons, mais aussi les cyclistes, les patineurs, les usagers des bus, les taxis, les personnes handicapées, les livreurs, les ambulanciers, les pompiers...

Puisqu'aucun critère objectif de différenciation ne peut être avancé, trouverez-vous un « objectif d'intérêt général lié au bon fonctionnement du service public » pour justifier une telle rupture d'égalité des citoyens devant la loi ? Bon courage, Messieurs ! Consultez les élus locaux, dont je suis ! Outre que votre texte les prive de recettes substantielles, il complique leur tâche alors même qu'ils s'attachent à partager la voirie publique entre tous ses usagers et à fixer au mieux le prix du stationnement. Votre texte entretient, qui plus est, le mythe de l'automobiliste brimé par des règlements mal conçus et des taxations injustifiées. Après avoir dénoncé la montée de l'incivisme et affiché la volonté de restaurer l'autorité de l'Etat, ce gouvernement propose une amnistie qu'aucune considération d'intérêt général ne justifie et qui, au contraire, démobilisera instituteurs, policiers, gendarmes, magistrats auxquels on demande plus de sévérité. Légitimer les élus qui acceptent de « faire sauter les PV », décourager les citoyens qui respectent la loi et supportent les nuisances imposées par ceux qui ne la respectent pas, voilà qui ne peut que laisser les écoliers perplexes devant l'instruction civique qui leur est dispensée.

Ce texte, qui rompt l'égalité des citoyens devant la loi, est aussi contraire à l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mais je ne développerai pas ce point davantage, d'autres l'ayant fait avant moi.

Je terminerai, last but not least, par l'article 22 du projet. Je ne porterai certes pas dans cet hémicycle les querelles locales, qui ont donné lieu à de si âpres débats en Guadeloupe, concernant les services publics routiers de voyageurs. Depuis quinze ans, les professionnels refusent obstinément toute modernisation ou rénovation. Vingt fois sur le métier nous avons remis l'ouvrage, et c'est l'honneur du gouvernement précédent que d'avoir cherché à maintenir à tout prix le dialogue. Hélas, ce travail a été saboté par la droite départementale, en particulier par le parti Objectif Guadeloupe, ce que je déplore profondément. Alors que l'Etat avait initialement organisé le secteur et délégué l'exploitation des lignes à 450 transporteurs selon le régime de la concession dite à risques et périls, se sont peu à peu instaurées des cessions de gré à gré, si bien que ces transporteurs se sont cru pleinement propriétaires de ces lignes de service public. Il est vrai qu'on leur a donné des gages en ce sens, qu'on leur a assuré que le secteur serait cogéré par le biais d'une association « loi de 1901 », et que la loi anti-corruption ne s'appliquerait pas en Guadeloupe. Ce n'est là rien de moins que créer des enclaves de corruption sur le territoire de la République ! Ce n'est pas acceptable.

Après quatre années de travail intensif, le Gouvernement précédent avait préparé une ordonnance créant une agence de transports et prorogeant de quatre ans l'exploitation des lignes. Ce n'est pas de notre fait si le Gouvernement actuel a donné des instructions au préfet de Guadeloupe pour ne pas installer le conseil d'administration de l'agence. S'il y a un vide juridique depuis le 12 dernier, la faute en incombe au ministère de l'outre-mer ! Il aurait été facile de donner vigueur à l'ordonnance, puisqu'un projet de loi de ratification a été déposé au Sénat - mais malheureusement, il ne contient pas cette ordonnance-là...

Si l'article 22 n'est pas formellement un cavalier législatif, il relève d'un procédé pour le moins cavalier (Sourires) puisqu'il a été ajouté subrepticement à un texte avec lequel il n'a rien à voir. Cette méthode s'apparente - pardonnez-moi l'outrance - à une infamie, quand on sait quels efforts ont été déployés pour parvenir à un compromis raisonnable sur le terrain.

J'attends de cette majorité qu'elle ose dire que la loi Sapin ne s'applique pas en Martinique, Guadeloupe et Guyane, et que des entorses seront faites pendant quatre ans aux principes fondamentaux du droit français ! J'attends qu'elle donne ces gages au syndicat central des transporteurs routiers de Guadeloupe en particulier ! L'outre-mer fait partie de la République : les lois anti-corruption doivent s'y appliquer comme partout ailleurs avec la plus grande rigueur.

Pour toutes ces raisons, je vous demande de voter le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe C. et R. et sur les bancs des non inscrits).

M. Jean-Antoine Leonetti - Je vous sais gré, cher collègue, d'avoir développé vos arguments avec une certaine modération. Mais force m'est de constater que les trois motions de procédure défendues depuis le début de l'examen de ce texte, toutes trois déposées par M. Ayrault et les membres du groupe socialiste, s'excluent mutuellement. On ne peut à la fois prétendre qu'un texte est inconstitutionnel, qu'il n'y a pas lieu d'en débattre et demander son renvoi en commission !

Pour le reste, l'importance de notre majorité, avez-vous dit, nous imposerait d'être vigilants. Il est vrai que les fortes majorités sont parfois...

M. Jacques Brunhes - ...Fragiles !

M. Jean-Antoine Leonetti - Fragiles, en effet, et tentées d'être hégémoniques : vous avez quelque souvenir en la matière. Mais les propositions du candidat Chirac rejoignant celles du candidat Jospin en matière d'amnistie, nous pensions que la gauche voterait unanimement avec nous cette loi !

L'amnistie, qui est tout à fait constitutionnelle, fait partie de la tradition républicaine. Elle est incivique, avez-vous dit. Je ne le crois pas : elle ne fait qu'effacer certaines infractions et certains délits.

M. René Dosière - C'est une prime à l'incivilité.

M. Jean-Antoine Leonetti - Qu'un tiers des peines d'emprisonnement prononcées ne soient pas exécutées, que dans certains départements 60 % des contraventions ne soient pas recouvrées, voilà la prime à l'incivilité que vous avez tolérée pendant cinq ans ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Mieux vaut une amnistie réfléchie, limitée, librement consentie par la représentation nationale, qu'une amnistie de fait, octroyée au petit bonheur la chance.

Vous avez aussi évoqué la liberté, cher collègue. Rassurez-vous : nous la respecterons mieux à l'UMP que vous lorsque vous avez fait voter la loi sur la chasse ou la loi sur le PACS contre l'avis de beaucoup d'entre vous (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.).

Enfin, l'amnistie serait anachronique dans la période de paix civique actuelle, avez-vous dit. J'en serais assez d'accord, encore qu'il faille se souvenir qu'un parti extrémiste s'est retrouvé au second tour de la présidentielle, que l'opinion en a été profondément choquée et que les taux records d'abstention aux dernières élections nous font obligation de réconcilier nos concitoyens avec la représentation nationale. Aussi n'est-il pas déplacé que nous tenions nos engagements et que nous votions, comme toute première loi, ce que nous avions promis, à savoir une loi d'amnistie restrictive et équilibrée.

Je sais bien que les repentis sont toujours les plus fervents mais ne soyez pas à ce point intransigeants ! Ce qui importe aujourd'hui, c'est de trouver un équilibre satisfaisant, même si nous pensons, nous espérons comme vous, que c'est sans doute la dernière fois qu'est votée une telle loi d'amnistie.

Pour toutes ces raisons, je vous demande de refuser le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jacques Brunhes - Je ne suis pas sûr d'avoir été bien compris. Mon groupe est favorable à l'amnistie des condamnations liées aux conflits sociaux. Ce texte ne prévoyant rien de tel, nous ne le voterons pas, mais nous n'avons pas pris part au vote sur les deux premières motions de procédure. Nous voterons, en revanche, cette motion de renvoi en commission.

Comme je l'ai indiqué dans un rappel au Règlement au début de cette discussion, ce texte est examiné dans une précipitation qui abaisse encore le rôle du Parlement. Comme nous souhaitons tous le relever, je ne doute pas que mes collègues voteront le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe C. et R. et du groupe socialiste).

M. Gaëtan Gorce - Le groupe socialiste votera la motion de renvoi en commission. On ne peut admettre que la législature commence par une loi qui effacerait toutes les autres (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

J'appelle nos collègues de la nouvelle majorité à refuser que leur premier acte de législateur consiste à affaiblir le Parlement.

On ne peut faire campagne sur l'impunité zéro et effacer d'un trait de plume toute une série d'infractions.

J'invite nos collègues à voter cette motion, c'est-à-dire à préférer à la culture « godillot » le sursaut républicain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.)

M. Jean-Christophe Lagarde - Par définition, quand commence une législature, les parlementaires n'ont pas autant de temps qu'à l'ordinaire pour examiner les textes. Mais vos explications, comme le dépôt d'un certain nombre d'amendements, montrent que l'Assemblée est éclairée et qu'elle peut délibérer valablement. Le groupe UDF ne voit donc aucune raison de voter cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

ARTICLE PREMIER

Mme Martine Billard - En 1995, on nous expliquait que le Parlement examinait la dernière loi d'amnistie.

Un député UMP - Vous n'étiez pas là !

Mme Martine Billard - Mais je sais lire... De nombreux orateurs, en commission et en séance publique, nous assurent de nouveau que cette loi-ci sera la dernière du genre, et la seule raison qu'ils avancent pour la justifier est qu'elle fait suite à un engagement du Président de la République. Mais ce dernier, en 1995, avait promis de réduire la fracture sociale, et je n'ai pas souvenir qu'il ait tenu parole ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) De même, il s'était aussi engagé à faire pour la France ce qu'il avait fait pour Paris. La dissolution de 1997 ne le lui a pas permis...

Mon amendement 75 vise donc à renoncer à l'amnistie.

M. Michel Hunault, rapporteur de la commission des lois - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission.

Je suis personnellement défavorable à son adoption, l'article 34 de la Constitution faisant figurer explicitement l'amnistie parmi les compétences du législateur.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Avis défavorable.

L'amendement 75, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Jean-Christophe Lagarde - Mon amendement 24 vise à exclure du champ de l'amnistie les contraventions de police et de grande voirie, qui ont leur utilité.

On nous dit que l'amnistie se limitera aux stationnements interdits non dangereux. Mais on ne peut garantir que stationner sur un trottoir n'est pas dangereux, car cela oblige les piétons à marcher sur la chaussée.

Nous avons vu, en outre, dans nos communes, que la perspective de l'amnistie incite les automobilistes à relâcher leur comportement.

Voter mon amendement serait leur adresser un signal de fermeté sans pour autant leur infliger une sanction trop grave. Il s'agit enfin, dans certains cas, d'empêcher que l'on fasse traîner la procédure en escomptant l'amnistie, comportement dont certains se sont fait une spécialité.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, qui viderait la loi d'amnistie de sa substance.

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable. Proposer de supprimer le premier alinéa de l'article 2 en passant sous silence les exceptions prévues à l'article 13 me paraît fallacieux. Je m'évertue à le dire depuis le début : des exceptions sont prévues pour les infractions présentant un caractère dangereux. Aller au-delà serait vider le projet de son contenu.

M. René Dosière - M. Lagarde, qui est maire, connaît bien ces problèmes, et confirme ce que je disais tout à l'heure sur les anticipations néfastes auxquelles donne lieu l'amnistie. Je ne peux donc que soutenir son amendement de bon sens, car il y a trop de comportements inciviques.

L'amendement 24, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde - Les amendements 66, 67 et 65 de Mme Idrac sont de repli, et visent à restreindre la portée de l'amnistie. Ainsi, l'amendement 66 prévoit d'en plafonner l'effet à trois contraventions, d'un montant cumulé de 150 euros maximum.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. C'est impossible à mettre en _uvre, sauf en mobilisant des milliers de fonctionnaires...

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable.

L'amendement 66, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 67 et 65.

M. Jean-Christophe Lagarde - Mon amendement 25 vise à exclure du champ de l'amnistie toutes les peines de prison, y compris inférieures à trois mois. Un millier de détenus sont concernés. Je ne vois pas en quoi l'élection d'un nouveau Président de la République justifierait qu'on relâche des délinquants dont les juges ont estimé qu'ils devaient être mis hors circuit.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Les peines visées sont notamment celles encourues pour délits de presse.

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable. Il s'agit en effet des condamnations pour diffamation ou injure, qu'il est traditionnel d'amnistier.

L'amendement 25, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. André Chassaigne - L'amendement 77 consiste à introduire les mots « exploitants agricoles » dans le premier alinéa de l'article 3, au même titre que les salariés, les agents de l'Etat ou les membres des professions libérales.

Au cours de ces dernières années, le monde agricole a été frappé par une crise profonde, conséquence de la mise en _uvre de la PAC et de sa logique productiviste. Cette crise, amplifiée par les ravages de la mondialisation, s'est révélée broyeuse de paysans et destructrice de l'environnement, jetant la suspicion jusque dans nos assiettes. Il s'en est suivi des revendications paysannes, des contestations syndicales de l'ordre établi, une fois épuisés les recours aux institutions françaises et européennes. Certaines infractions, commises dans ce cadre, ont entraîné des poursuites et des condamnations à de lourdes peines de prison ferme, et même à l'« embastillage » de leaders syndicaux (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Cette situation est ressentie comme une atteinte à la liberté d'expression (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), comme la manifestation d'une justice plus prompte à sanctionner les acteurs sociaux que les responsables de faillites frauduleuses et de détournement de biens publics.

Ces condamnations doivent rentrer dans le champ de l'amnistie afin que les tensions s'apaisent, et que les activités syndicales des agriculteurs soient reconnues sans discrimination, au même titre que celles des salariés, des agents de l'Etat et des professions libérales.

Mme Martine Billard - L'amendement 45 est semblable. J'ai été surprise, à la lecture de l'article 3, de constater qu'il comportait un alinéa relatif aux conflits du travail et un autre relatif aux conflits de caractère industriel, agricole, rural, artisanal ou commercial.

Il est injustifié d'établir des différences entre les travailleurs. Je suis donc favorable à la réintégration des exploitants agricoles dans le premier alinéa, qui parle, soit dit en passant, de délits commis « à l'occasion » de conflits, quand le troisième évoque les délits commis « en relation » avec eux, ce qui ne peut qu'entraîner des différences d'interprétation, préjudiciables à une bonne application de la loi.

M. le Rapporteur - Ces deux amendements n'ont pas été examinés par la commission, mais M. Chassaigne a déjà satisfaction, et son amendement est inutile : l'amnistie des délits commis par des exploitants agricoles est prévue au troisième alinéa de l'article 3.

M. le Garde des Sceaux - Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. Nous avons placé dans le premier alinéa les conflits portant sur les relations du travail à l'intérieur de l'entreprise, et dans le troisième les conflits à caractère professionnel, qui ne se déroulent pas forcément à l'intérieur d'une entreprise. La profession agricole est bel et bien couverte par le projet, et que cela soit au premier ou au troisième alinéa ne change strictement rien.

M. André Chassaigne - Pourquoi ne précise-t-on les différentes catégories que dans le premier cas, et pourquoi n'y inclut-on pas les exploitants agricoles ? Vous avez raison en ce qui concerne le troisième alinéa, mais on pourra jouer sur les mots, notamment dans le cas des conflits liés davantage à la contestation de mondialisation qu'à des actions spécifiquement revendicatives.

M. le Garde des Sceaux - Dans le premier alinéa, il s'agit de délits commis à l'occasion de conflits du travail, d'activités syndicales ou revendicatives de salariés - qui peuvent d'ailleurs appartenir au secteur agricole - et, dans le troisième alinéa, de délits en relation avec des conflits à caractère industriel, agricole, rural, artisanal ou commercial. Cette formulation couvre l'ensemble des actions menées, quelles que soient leurs motivations.

L'amendement 77, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 45, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Brunhes - L'amendement 78 tend à inclure dans le champ de l'amnistie les actions engagées pour défendre les personnes expulsées de leur logement. Le droit au logement est un droit fondamental, et poursuivre en justice des citoyens ou des élus qui ont affiché leur solidarité avec les victimes de pratiques inhumaines est inique.

Nous avions déjà déposé cet amendement il y a sept ans. Le Garde des Sceaux de l'époque nous avait répondu en annonçant une grande politique du logement social, que vous n'avez pas conduite (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Vous aviez la majorité pour la faire, et si vous l'avez dissoute, ce n'est pas de notre fait !

M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, j'y suis défavorable, car il sort du champ traditionnel de l'amnistie, et sa rédaction est trop générale. Je précise néanmoins que l'amnistie au quantum permet de régler certaines situations difficiles.

M. le Garde des Sceaux - Je regrette que M. Gayssot ne soit pas là pour vous répondre... (Sourires) Je regrette également que la commission n'ait pas pu examiner l'amendement, et m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 78, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 3, mis aux voix, est adopté.

L'article 4, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. Christian Vanneste - L'amendement 72 tend à supprimer cet article. La loi d'amnistie n'est pas une grande tradition républicaine : c'est une petite « respiration » sociale, bien utile d'ailleurs. Je voterai donc l'ensemble voulu par le Président de la République, mais je me demande comment la population le perçoit.

Durkheim distinguait entre les faits qui blessent la conscience collective et ceux qui ne l'atteignent pas. La population a compris qu'il s'agissait d'amnistier les seconds, en aucun cas les premiers, et c'est pourquoi je propose de supprimer cet article.

Il n'est pas admissible que l'agresseur d'une personne âgée puisse bénéficier de l'amnistie, quand celui d'un mineur en est exclu. On ne peut non plus accepter que soient amnistiés des récidivistes, au seul motif qu'ils ont laissé passer du temps entre leurs agressions successives...

La seule justification de l'article 5, me semble-t-il, est de tirer les conclusions de la situation matérielle de la justice, qui souffre d'une criante insuffisance de moyens, ainsi que l'a rappelé notre collègue Leonetti. Selon un article de L'Expansion, sur 100 agressions, 4 seulement sont sanctionnées et il ressort d'un document de l'Union syndicale des magistrats que 12 % seulement des plaintes sont suivies de poursuites, et qu'à peine 31 % des agresseurs identifiés sont punis.

Quant aux sursis avec mise à l'épreuve, ils ne font l'objet d'un contrôle effectif que dans un cas sur quatre, faute de moyens.

Cet article 5 dresse le constat d'une carence, dont les responsables siègent sur les bancs de gauche ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.)

Pendant toute la journée, vous avez essayé de faire diversion soit en présentant le stationnement interdit comme le nec plus ultra de la délinquance, soit en évoquant l'abus de biens sociaux, qui ne figure pas dans le champ de l'amnistie !

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux - Je suis défavorable. Adopter votre amendement, c'est fermer le dossier d'amnistie, vider le texte de toute signification. Je souhaite que la majorité de cette Assemblée le repousse.

M. Jean-Christophe Lagarde - Le groupe UDF votera cet amendement, et je remercie M. Vanneste, élu d'un département difficile, de l'avoir présenté. Nous n'avons pas été élus pour libérer en plein été des gens dont la société pourrait fort bien se passer quelques mois encore.

M. Gaëtan Gorce - Il est déplacé de nous proposer l'amnistie d'infractions stigmatisées par ailleurs comme inacceptables : la diffamation, l'injure, et maintenant l'agression. L'amendement de notre collègue est donc de bon sens. J'ajoute qu'il y a une sorte d'ironie à débattre de cet article 5 en présence du secrétaire d'Etat chargé des constructions de prisons... (Sourires)

L'amendement 72, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde - L'amendement 26 est défendu.

L'amendement 26, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde - L'amendement 27 est défendu.

L'amendement 27, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 1 exclut de l'amnistie les délits punis, à titre de peine principale, de la confiscation d'une arme, en cohérence avec l'article 13 qui en écarte les infractions à la réglementation sur les armes.

L'amendement 1, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté, de même que les articles 6 et 7.

ARTICLE 8

M. Jérôme Bignon - Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a souhaité que les victimes soient davantage prises en considération. L'amendement 57 leur offre donc la possibilité d'être entendues dans les contentieux relatifs à l'applicabilité de la loi d'amnistie.

M. le Rapporteur - L'intention est louable. La commission a cependant repoussé cet amendement, qui alourdit la procédure. En outre, il n'est pas toujours aisé d'identifier les victimes. Enfin, l'article 18 rappelle que « l'amnistie ne préjudicie pas aux droits des tiers ».

M. le Garde des Sceaux - Même avis.

L'amendement 57, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 8, mis aux voix, est adopté.

ART. 9

M. Bernard Roman - Je souhaite voir clarifier une situation évoquée par deux dépêches de l'AFP qui viennent de paraître.

L'article 9 définit les catégories de citoyens qui peuvent, à raison de leurs qualités, demander une amnistie par décret du Président de la République. Contrairement à la grâce, cette amnistie individuelle efface la condamnation, et il revient au législateur d'en définir le champ d'application. La procédure n'est certes pas nouvelle, mais il serait extrêmement fâcheux que la définition proposée recouvre à notre insu des procédures visant des personnes précises.

Or, votre texte innove par rapport à 1995, en étendant le bénéfice de l'amnistie par mesure individuelle aux personnes « qui se sont distinguées de manière exceptionnelle dans le domaine sportif », et les deux dépêches auxquelles je me réfère évoquent justement le nom d'un proche du Président de la République, défendu par le conseiller juridique de ce dernier, Maître Szpiner (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) et mis en examen pour complicité et recel de banqueroute par détournement d'actif - un délit qui, jusqu'au dépôt ce matin d'un amendement par le groupe socialiste, n'était pas exclu de l'amnistie.

M. Jacques Brunhes - Qui est ce sportif ?

M. Bernard Roman - Il s'agit de M. David Douillet. Il ne serait pas convenable que le cadre de l'amnistie soit spécialement aménagé en sa faveur, et cela mérite donc un démenti formel de la part du Gouvernement, sauf à traiter par le mépris la représentation nationale. Si aucune clarification n'est apportée, que le président de la commissions de lois ou le rapporteur prenne au moins l'initiative de supprimer l'extension du texte aux sportifs de haut niveau, afin de ne pas ouvrir la voie à des dérives indignes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe C. et R. et sur les bancs des non-inscrits).

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Une fois de plus, le groupe socialiste invente des choses qui n'existent pas. Depuis la Libération, chaque loi d'amnistie comporte une mesure de « grâce amnistiante » qui a pour effet de dépasser le quantum fixé par la loi sans remettre en cause les exclusions qu'elle prévoit. Vous avez eu le front de citer le nom d'une personne privée, qui a été, de plus, candidat contre l'un des vôtres aux élections législatives ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Cette personne a-t-elle été distinguée, selon la définition même de l'article, dans le domaine « humanitaire, culturel ou sportif » ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Roman - Il ne s'agit pas de l'avocat, mais de son client !

M. Jacques Brunhes - Ne faites pas semblant de ne pas comprendre !

M. le Président de la commission - Les lois d'amnistie ont toujours prévu ce droit de grâce, qui n'efface pas le délit : la trace de celui-ci reste dans le dossier de la personne concernée. Monsieur Brunhes, vous ne mettez sûrement pas en cause le droit de grâce du Président de la République ?

M. Jacques Brunhes - Ne croyez pas que je vais répondre à vos provocations !

M. le Président de la commission - Il y a une incohérence : vous ne mettez pas en cause, lorsqu'il s'agit d'un de vos collègues, le droit de grâce du Président de la République, mais vous le faites au moment de l'amnistie !

Vous voyez sans doute à qui je fais allusion... (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Garde des Sceaux - Il y a bien lieu de faire figurer dans ce projet cette disposition traditionnelle. Pour le reste, je rappelle que nous sommes à l'Assemblée nationale, et non au café du commerce... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. René Dosière - Ni le Président de la commission ni le Garde des Sceaux n'ont apporté de réponse satisfaisante.

Notre ancien collègue Pierre Mazeaud jugeait anormal qu'un tel article figurât dans la loi d'amnistie. En effet, on dessaisit ainsi le Parlement de sa capacité à voter l'amnistie pour la transférer au Président de la République, abaissant de la sorte encore le Parlement.

Par ailleurs, à la différence de la simple grâce présidentielle, la grâce amnistiante entraîne l'effacement de la condamnation, combinant les avantages de la grâce et de l'amnistie.

Enfin, alors que vous affirmez sans cesse que ce texte est plus restrictif que les précédents, ici vous nous proposez de l'élargir ! Il est donc légitime que nous vous demandions pourquoi et même pour qui... Et la réponse du ministre n'est pas acceptable, car la représentation nationale doit être informée des motifs de cette disposition.

M. le Rapporteur - L'amendement 2 est de précision.

L'amendement 2, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 3 est de coordination avec le nouveau code pénal.

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Il est peu probable que les 32 combattants de la guerre 14-18 encore en vie aient besoin de se voir appliquer l'amnistie pour cause individuelle. C'est pourquoi les amendements 73 et 4 visent à supprimer cette disposition.

M. le Garde des Sceaux - Dans les faits, la commission a sans doute raison, mais, même si le risque est faible, on pourrait y voir un symbole malvenu. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 73, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 4.

L'article 9, modifié, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 10

M. Jean-Christophe Lagarde - L'amendement 28 vise à supprimer cet article, qui aboutit à vider les dossiers des fonctionnaires territoriaux fautifs avant même qu'ils soient soumis à des commissions paritaires déjà fort indulgentes. Pourquoi se priver ainsi de la possibilité de sanctionner ceux qui le méritent ?

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La commission n'a pas souhaité revenir sur l'amnistie des sanctions disciplinaires à l'encontre des agents publics, qui existe depuis le début du XXe siècle.

L'amendement 28, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 10, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 11

M. Jean-Christophe Lagarde - Mon amendement 29 a le même objet que le précédent.

L'amendement 29, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Notre amendement 79 vise à améliorer la protection des représentants du personnel, qui sont des salariés particulièrement exposés.

L'amendement 79, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde - Mon amendement 30, de repli, vise à ce que l'amnistie des fautes professionnelles n'entraîne pas la disparition du contenu du dossier, ce qui permettrait au moins de prévenir la récidive.

L'amendement 30, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 11, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 12

M. Jean-Christophe Lagarde - L'amendement 31 est défendu.

L'amendement 31, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jérôme Bignon - L'amendement 58, que la commission a adopté, vise à faire valoir le droit des victimes.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. le Garde des Sceaux - Je partage le souci de M. Bignon, mais je ne suis pas sûr que cela apporte beaucoup aux droits des victimes. Sagesse.

L'amendement 58, mis aux voix, est adopté.

L'article 12, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 12

M. Jacques Brunhes - Notre amendement 80 vise à assortir l'amnistie des sanctions à l'encontre des représentants du personnel victimes de la répression patronale, d'une obligation de réintégration. C'est ainsi seulement que l'on rendra effective la protection particulière qui s'attache à ces élus.

Dans l'amendement 81, nous nous rapprochons de la décision prise en 1988 par le Conseil constitutionnel, en précisant que le salarié qui demande sa réintégration ne doit pas avoir été licencié pour faute lourde.

M. le Rapporteur - A titre personnel, je suis défavorable à ces deux amendements qui n'ont pas été examinés par la commission, à la fois parce qu'ils entraîneraient une rupture d'égalité entre salariés (Exclamations sur les bancs du groupe C. et R.) et parce qu'ils constitueraient une intervention dans les rapports privés.

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable, car l'amnistie consiste à effacer une faute, non à redonner des droits. Il n'y a pas lieu de faire une exception à cette règle.

M. Daniel Paul - Est-ce que c'est la même chose pour les patrons ?

M. Jacques Brunhes - En 1988, Monsieur le Garde des Sceaux, le Conseil constitutionnel a jugé constitutionnelle la demande de réintégration. Si le délégué du personnel reste à la rue, cela lui fait une belle jambe d'avoir été amnistié !

M. le Garde des Sceaux - Je n'ai jamais parlé d'inconstitutionnalité ; mais je répète que les lois d'amnistie ne comportent pas habituellement ce genre de dispositions, auxquelles le Gouvernement est défavorable.

M. André Chassaigne - C'est la voix du MEDEF !

Les amendements 80 et 81, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

ART. 13

M. Jacques Floch - Nos amendements 53, 52, 51 et 54 sont des amendements de précision et de précaution, qui visent à exclure explicitement certains délits financiers. Je remercie la commission des lois de les avoir acceptés quasi-unanimement, afin que chacun puisse garder la tête haute.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté les amendements 53 et 54 et accepté les amendements 52 et 51. Je vous ai dit ce matin que les délits d'abus de biens sociaux en relation avec le financement direct ou indirect des campagnes électorales ou des partis politiques sont déjà exclus de l'amnistie par le 4° de l'article 3 ; vous avez souhaité qu'on le précise à nouveau : j'en suis d'accord, et la commission a accepté à l'unanimité votre amendement 51. Mais je vous demande d'arrêter de jeter le trouble sur les véritables intentions qui président à ce projet de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Garde des Sceaux - L'amendement 53 est totalement superfétatoire, j'y suis donc défavorable. Je suis favorable, en revanche à l'amendement 52 et je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée sur l'amendement 51.

Je suis défavorable, enfin, à l'amendement 54, qui concerne un sujet très différent.

M. Jacques Floch - Je donnerai acte à la majorité qu'elle a accepté nos amendements 52 et 51 ; j'espère qu'elle voudra bien aussi voter nos amendements 53 et 54, qui précisent utilement le texte.

M. le Garde des Sceaux - Dès le début de l'article 13, il est précisé que les infractions exclues peuvent avoir été commises par des personnes physiques ou des personnes morales. Il est inutile de le répéter.

M. Jean-Antoine Leonetti - M. Floch tente de faire de la récupération. Le texte excluait déjà clairement les abus de biens sociaux, mais il est en train de faire croire et inscrire au procès-verbal que c'est son amendement qui les exclut et que nous ne faisons que le suivre ! Il doit donc être bien clair que, pour l'UMP, ces amendements sont superfétatoires, même si nous acceptons de les voter - avec une certaine condescendance (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

L'amendement 53, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 52 et 51, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'amendement 54, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Conformément à l'ordre du jour établi ce matin en Conférence des présidents, nous disposerons de trois heures demain après-midi pour achever la discussion de ce projet, ce qui me paraît suffisant. Je vais donc lever la séance.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu demain, mercredi 10 juillet, à 16 heures 30.

La séance est levée à 23 heures.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 10 JUILLET 2002

A SEIZE HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant amnistie (n° 19).

M. Michel HUNAULT, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Rapport n°23)

Eventuellement, A VINGT-ET-UNE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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