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Assemblée nationale
COMPTE
RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL
Session ordinaire de 2002-2003 - 4ème jour de séance, 9ème séance 2ème SÉANCE DU MARDI 8 OCTOBRE 2002 PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ Sommaire SOUHAITS DE BIENVENUE QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2 EXPLOSION SUR UN PÉTROLIER FRANÇAIS 2 INONDATIONS DU MOIS DE SEPTEMBRE 2 EMPLOIS-JEUNES 3 AIDE À LA CRÉATION D'ENTREPRISE 4 LOI SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAIN 5 RESPONSABILITÉ MÉDICALE 6 JUSTICE DES MINEURS 6 PRIME A L'HERBE 7 IMMIGRATION 8 ASSURANCE-MALADIE 8 ÉLARGISSEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE 9 ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE 10 DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT La séance est ouverte à quinze heures. SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE M. le Président - Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par M. le Président de l'Assemblée nationale de la République Centrafricaine, M. Konamabaye (Mmes et MM. les députés ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent). L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. EXPLOSION SUR UN PÉTROLIER FRANÇAIS M. Pierre Albertini - Monsieur le ministre des affaires étrangères, une explosion s'est produite sur un pétrolier battant pavillon français au large du Yémen. Accident ou attentat ? Vous avez déclaré qu'aucune possibilité ne peut être exclue jusqu'à présent ; vous avez d'ailleurs envoyé des experts sur place. J'invite tout un chacun à la plus grande prudence quant à l'interprétation des faits. Au-delà de notre sympathie et de notre solidarité à l'égard de l'équipage, des questions se posent : quels sont les risques de pollution ? Que la thèse de l'attentat soit ou non confirmée, des menaces pèsent-elles sur les intérêts français à l'étranger ? Lesquelles ? Comment analysez-vous la situation, Monsieur le ministre, dans cette région sensible du monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP) M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - En l'état actuel de nos informations, nous ne devons exclure aucune hypothèse. Il convient d'attendre les résultats de l'enquête en cours. Les autorités françaises ont pris contact avec les responsables yéménites. Le Président de la République a téléphoné à son homologue, M. Ali Salé ; notre ambassadeur a contacté le ministre de l'intérieur, le ministre des transports et le ministre des affaires étrangères yéménites. Nous avons envoyé à Mokala un agent consulaire pour assister nos compatriotes en difficulté. Nous avons décidé d'envoyer sur place une mission d'expertise du ministère des transports ainsi que des représentants du bureau enquête accidents. Ils doivent arriver aujourd'hui même, accompagnés d'un expert de la pollution maritime. Compte tenu des tensions internationales, nous serons d'une vigilance particulière. Depuis plusieurs mois, bien avant l'attentat de Karachi, notre réseau diplomatique et consulaire _uvre dans ce sens. Nous sommes conscients de nos responsabilités ; les consignes du Premier ministre ont été particulièrement précises. Nous avons fait en sorte que les plans de sécurité, dans nos ambassades, répondent à toute éventualité. Nous attachons une attention spécifique aux biens de nos ressortissants, en liaison avec nos chefs de poste et l'ensemble des ministères concernés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). INONDATIONS DU MOIS DE SEPTEMBRE M. François Liberti - Au nom du groupe communiste et républicain, je tiens à témoigner de notre émotion et de notre indignation face à l'agression dont Bertrand Delanoë a été victime, mais aussi face à la violence raciste qui a coûté la vie à un jeune homme de dix-sept ans. Ces faits, extrêmement graves, nécessitent une prise de conscience des raisons qui engendrent pareilles dérives (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Monsieur le ministre de l'intérieur, après l'émotion et la solidarité suscitées par les inondations des 8, 9 et 10 septembre 2002, la gestion humaine de l'après-crise est presque inexistante sur le terrain. La délégation des parlementaires communistes et républicains conduite par Alain Bocquet, Nicole Borvo et Sylviane Ainardi a rencontré, ce vendredi 4 octobre, des sinistrés, des acteurs de la solidarité, des responsables syndicaux et des élus. Le risque est grand, pour ceux qui ont tout perdu - surtout les plus modestes - de devenir les oubliés de la catastrophe. Les moyens financiers sont insuffisants ; les besoins nécessitent beaucoup plus qu'un simple redéploiement des crédits des différentes collectivités ; les possibilités de mobiliser les fonds européens doivent être immédiatement exploitées ; les aides doivent aller aux victimes. Nous attendons de l'Etat des décisions fortes pour contraindre les banques à abandonner les créances de ceux qui ont tout perdu, et exiger des assurances l'ouverture d'un fonds spécial afin de couvrir la totalité des dégâts. Il est urgent de redéployer les moyens humains dans chaque quartier, pour répondre au cas par cas à toutes les questions posées par les sinistrés. La constitution d'une commission d'enquête parlementaire serait de nature à préparer une loi de programmation relative à la prévention des inondations. Quelles décisions comptez-vous prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Naturellement, nous nous associons tous à l'émotion qui a suivi l'agression inadmissible et intolérable de Bertrand Delanoë. Le Président de la République, le Premier ministre, les élus de la nation transmettent au maire de Paris leurs v_ux de prompts rétablissements (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et du groupe socialiste). Le Premier ministre a dit, devant l'abominable crime raciste de la banlieue de Dunkerque, ce qu'il convenait de penser de cet acte : il fait injure à la République française. Le racisme est un cancer qui doit être extirpé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Ce matin encore, le Premier ministre présidait un conseil interministériel sur les inondations des 8, 9 et 10 septembre. Il a accepté d'accorder 90 % de subvention aux collectivités locales pour reconstruire les réseaux de voirie, les routes et les équipements ; il a décidé que le FCTVA - cela n'avait jamais été fait - serait remboursé l'année des travaux et non deux ans après comme c'est la règle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Il n'y aura aucun laissé-pour-compte. Le ministre de l'agriculture a décidé que le taux de calamités naturelles serait augmenté de 15 % pour tout le monde. Une filière « cousue main » sera mise en place pour les arboriculteurs et les viticulteurs. Le ministre du logement et de l'équipement, pour sa part, a pris, en accord avec le ministre des finances, des mesures pour que des exonérations fiscales soient accordées : il serait inadmissible que des personnes paient des impôts quand elles ne peuvent habiter leur logement. Les secours d'urgence sont toujours activés, avec le guichet unique. Le Premier ministre retournera dans le Gard avant la fin du mois de novembre pour présider lui-même la commission interministérielle. Nous verrons ainsi comment les décisions du Gouvernement sont appliquées. Nous nous sommes servis d'un contre-exemple : celui de la gestion des malheureux sinistrés de la Somme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Mme Martine David - Le groupe socialiste transmet à Bertrand Delanoë toute son amitié et ses v_ux de prompt rétablissement ; il condamne vivement le crime raciste de Grande Synthe (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Monsieur le ministre des affaires sociales, 373 000 jeunes sont entrés sur le marché du travail au cours des cinq dernières années grâce au dispositif emploi-jeune institué par le gouvernement de Lionel Jospin. 150 000 d'entre eux l'ont quitté avec confiance pour réussir leur insertion professionnelle. Le précédent gouvernement avait inscrit plus de trois milliards d'euros dans le projet de budget 2002 pour poursuivre cette politique volontariste de l'emploi. Au cours des derniers mois, vous avez éludé nos questions sur l'avenir du dispositif. Allez-vous enfin dire clairement à ces jeunes que leur avenir n'entre pas dans les priorités du Gouvernement ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Allez-vous dire à l'opinion publique quelle sera la baisse des crédits pour les emplois-jeunes ? Allez-vous dire aux associations et aux collectivités locales que les emplois-jeunes vont très vite disparaître ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - La semaine dernière, j'ai eu l'occasion de répondre à cette question (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), mais j'éclairerai l'opposition chaque fois qu'elle le souhaitera. La création d'emplois dans le secteur marchand est la priorité de la politique de l'emploi du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). C'est pourquoi nous avons décidé de mettre en place le contrat sans charges pour les jeunes - il s'adressera à plus de 250 000 d'entre eux. C'est pourquoi nous avons décidé de desserrer les contraintes qui pèsent sur les entreprises et sur la croissance (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) ; c'est pourquoi nous avons décidé de soutenir la consommation (Mêmes mouvements). M. Arnaud Montebourg - Nous voulons des réponses ! M. le Ministre des affaires sociales - Quant aux emplois-jeunes, nous avons indiqué que nous ne les continuerions pas au-delà des contrats déjà signés (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) parce que cette politique ne rend pas service aux jeunes et contribue à mettre en place une sorte de fonction publique territoriale dégradée (Mêmes mouvements). Nous proposerons bientôt au Parlement un dispositif pour aider les jeunes qui ont des projets, en particulier au service des associations à caractère social et du secteur humanitaire. Ce contrat s'appellera « contrat d'insertion dans la vie sociale » et permettra de satisfaire la demande du secteur social tout en responsabilisant et en aidant les jeunes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). AIDE À LA CRÉATION D'ENTREPRISE M. Serge Poignant - C'est en effet dans les entreprises que les conditions d'un développement pérenne de l'emploi sont les meilleures (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), en particulier dans les PME, l'artisanat et le commerce. Or ces petites entreprises si nécessaires au développement économique et à la vitalité des territoires ne se renouvellent pas suffisamment. Alors que jusqu'à la fin des années 1980, près de 200 000 entreprises étaient créées chaque année, leur nombre est tombé à 170 000 depuis deux ans. La France crée moins d'entreprises que la plupart de ses partenaires européens, ce qui pénalise l'emploi. Le Premier ministre a opportunément dévoilé hier à Lyon un plan d'aide à la création d'entreprise, dont le Gouvernement fait sa priorité. Quelles sont donc les principales mesures contenues dans le projet que le Gouvernement entend nous présenter rapidement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation - Le Président de la République a fixé un objectif (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) : créer un million d'entreprises en cinq ans. Le Gouvernement s'y emploie. Il entend, comme l'a dit hier à Lyon le Premier ministre, muscler les entreprises en leur apportant les capitaux propres dont elles ont besoin. Telle sera la vocation des fonds d'investissement de proximité créés à l'initiative des collectivités territoriales. Durant la première année d'activité, le créateur d'entreprise n'aura ni charges sociales à payer ni tracas à endurer. Il n'est en effet pas normal que la première lettre que l'on reçoit quand on crée une entreprises soit un appel à cotisations avant même d'avoir encaissé le premier euro de chiffre d'affaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Le Gouvernement entend aussi faciliter la reprise et la transmission des quelque 500 000 entreprises dont le dirigeant va partir en retraite dans les prochaines années. Un projet vous sera présenté au tout début de 2003. Avec tous les professionnels, nous apporterons ainsi à tous nos concitoyens la croissance et l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). LOI SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAIN M. Patrick Ollier - La loi SRU, due à M. Gayssot, texte politique donné en gage à un groupe de la majorité plurielle de l'époque (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), crée des difficultés énormes dans toutes nos communes. Il impose des contraintes insupportables, empêchant les maires et les citoyens de conduire le développement urbain de leurs communes (Mêmes mouvements). Ainsi l'élaboration des plans locaux d'urbanisme, longue et complexe, bloque l'application des plans d'occupation des sols. Comble ! La loi SRU a supprimé la mise en _uvre des coefficients d'occupation des sols ; il s'ensuit un risque de développement anarchique de l'habitat contre la volonté des conseils municipaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) La loi SRU impose une distance de 15 km par rapport à la ville-centre pour autoriser la construction dans les petites communes tant qu'elles n'ont pas fait voter les schémas de cohérence territoriale. Là aussi le risque d'opposer le monde rural au monde urbain est grand. Enfin les modalités de financement de la voirie et des réseaux sont juridiquement incertaines (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). La loi SRU porte atteinte à la liberté des communes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Les terrains d'aujourd'hui sont les logements de demain (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Comment comptez-vous remédier à l'incohérence de ce texte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - La situation est encore plus difficile que vous ne le dites, d'autant que la superposition des lois Voynet, Chevènement et SRU est paralysante pour les élus locaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP). Avec MM. Sarkozy, Devedjian et Delevoye, nous travaillons à une simplification. Trois dispositions de la loi SRU bloquent l'offre de terrains. D'abord la règle des 15 km ; nous allons la débloquer pour que des terrains qui n'étaient plus constructibles le redeviennent (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP). En milieu rural, les maires n'osent plus accorder de permis de construire de crainte d'avoir à financer les réseaux et la voirie. Nous allons mettre clairement ce coût à la charge du propriétaire (Mêmes mouvements). Enfin la période transitoire entre les POS et les PLU sera prolongée ; en attendant, nous autoriserons une révision exceptionnelle des POS pour favoriser la constructibilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP). Les mesures proposées par le Gouvernement permettront de développer l'offre de logements, en faisant confiance aux élus locaux (Mêmes mouvements). M. Bernard Perrut - Des médecins libéraux et des établissements de soins risquent de cesser leur activité parce que certains assureurs ont annoncé la résiliation de leurs contrats de responsabilité civile. Or, sans protection juridique, médecins et chirurgiens seront conduits de ne plus réaliser les actes les plus délicats, qui peuvent engager leur responsabilité. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades risque de se retourner contre les patients si des dispositions ne sont pas rapidement prises. Nous avions soulevé ce danger au cours de la discussion du projet. Quelles mesures comptez-vous prendre pour établir le bon fonctionnement du marché de l'assurance de responsabilité civile médicale et pour préserver l'activité de nos établissements de soins ? Je connais votre détermination. Rassurez-nous, et rassurez les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Le Gouvernement n'a qu'un seul objectif : préserver l'intérêt des patients. Pour cela, les médecins et les établissements de santé doivent être assurés, et donc avoir des assureurs. Plusieurs députés UMP - Assurément ! M. le Ministre de la santé - Or le secteur de la responsabilité civile médicale est rendu fragile par l'évolution jurisprudentielle qui conduit à l'augmentation des plaintes et des condamnations, et à une multiplication par 240 en huit ans du montant des indemnités. S'y ajoutent l'incertitude de la durée couverte par le contrat et la notion de responsabilité sans faute. Face à tout cela, les assureurs s'en vont, à commencer par les grands assureurs étrangers. Aussi le Gouvernement essaie-t-il de rétablir le marché de l'assurance, en concertation avec tous les partenaires, en particulier les associations de malades. Nous sommes sur le point d'aboutir en préservant le principe d'obligation d'assurance, et celui de la notion de responsabilité sans faute pour les maladie nosocomiales, dont le risque sériel de 10 000 par an dépasse la capacité des assureurs. Aussi sommes-nous en train de définir une durée de garantie sans solution de continuité, et de préciser les responsabilités des assureurs et de l'Etat, notamment au travers de l'ONIAM. Dans tous les cas, l'Etat fera ce qu'il doit (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Jean-Marie Le Guen - Monsieur le Garde des Sceaux, cet été, dans la précipitation et sans aucune concertation (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), vous avez fait adopter des dispositions répressives porteuses de graves dérives au détriment des libertés (Mêmes mouvements). Ainsi celle qui permet de suspendre le versement des allocations familiales aux parents de mineurs délinquants, et qui a été critiquée comme inefficace et injuste par les professionnels de la justice des mineurs comme par les organisations familiales. Ainsi la création d'un délit d'outrage à enseignant, refusée par les intéressés et les parents au point que le ministre de l'éducation nationale lui-même a dû déclarer que la mesure était seulement symbolique (Mêmes mouvements). Ainsi, enfin, la mesure permettant de systématiser le recours aux témoignages anonymes, dénoncée par tous les juristes libéraux comme une atteinte au principe de responsabilité des citoyens (Mêmes mouvements). Ces dispositions et les justifications qu'on leur a données désignent comme cibles les jeunes et, plus particulièrement, parmi eux, les plus défavorisés et les moins bien intégrés. Or, dans le même temps, avec un cynisme incroyable, outre des milliers de postes de surveillants, vous supprimez les emplois-jeunes, au risque de déstabiliser les associations de médiation et de prévention. Ne croyez-vous pas nécessaire de rééquilibrer votre politique, en faveur de la prévention, pour éviter fractures et tensions sociales ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Je vous remercie d'avoir rappelé quelques-unes des mesures votées par cette majorité, en réponse à un des scandales majeurs de notre société : l'absence de liberté à laquelle l'insécurité réduit trop souvent les plus faibles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Pour préparer le texte du 9 septembre, j'ai reçu personnellement 60 délégations d'organisations diverses et mes collaborateurs en ont rencontré autant. Certes, nous n'avons pas donné satisfaction à toutes, mais la concertation n'implique pas forcément l'accord : après avoir écouté, il faut décider, dans l'intérêt général ! (Mêmes mouvements) La politique du Gouvernement est d'assurer l'équilibre entre prévention et sanction, car, sans cette dernière, il ne saurait y avoir d'éducation. Ainsi, au cours des cinq prochaines années, nous allons accroître de 20 % le nombre des éducateurs de mon ministère et, comme je l'ai annoncé hier à Créteil, celui des juges pour enfants sera augmenté dans la même proportion rien qu'au cours de 2003 ! Nous nous donnons de la sorte les moyens d'appliquer les dispositions votées et de donner corps à la justice des mineurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Mme Henriette Martinez - Monsieur le ministre de l'agriculture, la prime à l'herbe bénéficie depuis maintenant dix ans aux zones de montagne. Elle y est, de fait, indispensable à l'entretien des espaces pastoraux et au maintien des exploitations traditionnelles. Cependant, la Commission semble en remettre l'existence en cause, à la grande inquiétude des éleveurs. Nous savons l'intérêt que vous portez aux zones de montagne et les efforts que vous déployez pour réduire leur handicap : pouvez-vous nous rassurer et nous préciser sous quelle forme cette prime sera maintenue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - Une de mes priorités est bien de favoriser Les petites et moyennes exploitations... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) M. Arnaud Montebourg - Et les CTE ? M. le Ministre de l'agriculture - Or, la prime à l'herbe risquait en effet de disparaître à la fin de cette année : à mon arrivée au ministère, en mai, je n'ai trouvé trace d'aucuns préparatifs visant à la maintenir. Mais, dans le budget pour 2003, outre les efforts qui seront consentis pour l'installation des jeunes et pour les retraites complémentaires, nous avons décidé d'accroître de 70 % les crédits destinés à cette prime herbagère agro-environnementale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). D'autre part, l'augmentation de l'indemnité compensatoire de handicap naturel, qui n'était pas non plus financée par le précédent gouvernement, le sera, grâce au collectif de juillet, et le bénéfice de cette indemnité sera étendu aux arboriculteurs des zones de haute montagne et de montagne sèche. Avec l'augmentation de la prime spéciale « bovin mâle », dont l'acompte passera de 60 à 80 %, tout cela fera une politique active en faveur de la montagne et des zones défavorisés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Christian Philip - Avant d'interroger M. le ministre de l'intérieur, je voudrais revenir brièvement sur une actualité douloureuse - attentat contre le maire de Paris, crime raciste, mort d'une jeune fille brûlée vive...- pour rendre hommage aux forces de police, qui ont su arrêter rapidement les auteurs de ces actes inqualifiables (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Monsieur le ministre, ma question porte sur les sans-papiers. D'une gestion irresponsable vous avez hérité une situation difficile. On a laissé trop longtemps de trop nombreuses personnes sans réponse, pour ne pas dire non ou pour ne pas assumer la responsabilité de régularisations. Vous avez fait un premier pas en annonçant la réforme des procédures d'asile, mais quels moyens entendez-vous dégager pour renforcer le contrôle de l'immigration illégale à nos frontières ? Ne faudrait-il pas établir une procédure à l'échelle européenne ? Enfin, quel délai donnez-vous aux préfets pour traiter au cas par cas les dossiers des sans-papiers ? Ce sera en tout cas à l'honneur de ce gouvernement de donner à ceux-ci la réponse qu'on leur a refusée tout au long de ces dernières années ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Ce sujet est incontestablement l'un des plus difficiles que notre société ait à affronter. Les uns comme les autres, nous avons eu grand tort de ne pas poser clairement, sans hypocrisie ni outrances, la question de la politique de l'immigration à mener au cours des vingt ans à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Pour notre part, nous refuserons la première outrance qui consisterait à opérer une régularisation globale : de telles mesures n'ont jamais rien résolu ; elles entretiennent même un climat d'exaspération qui nourrit la xénophobie (Mêmes mouvements). En plein accord avec le Premier ministre, nous avons donc annoncé que nous procéderions au cas par cas. En effet, les hommes et femmes placés dans cette situation dramatique ne peuvent être traités comme des ballots de marchandises. Et ceux qui se trouvent dans des situations impossibles - je pense en particulier aux « ni expulsables ni régularisables » - recevront des papiers, de sorte qu'ils puissent s'intégrer, comme c'est notre intérêt. Pour l'avenir, nous y pourvoirons d'abord grâce à la réforme du droit d'asile. Rien que dans le département du Val-de-Marne, on dénombre 500 demandes en provenance de Roumains ; or la Roumanie est un pays démocratique et il y a donc détournement manifeste des procédures. Une procédure simplifiée permettra d'y faire face. La France doit accueillir la détresse du monde, mais non les faux demandeurs d'asile ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Il faut ensuite une politique d'immigration européenne, afin de garantir les frontières extérieures de l'Union - ce qui passe aussi, sans doute, à terme, par la constitution d'une police européenne. Nous devons enfin lutter contre les filières et assurer l'exécution des décisions de reconduite prises par les tribunaux (Mêmes mouvements). Quand cela sera fait, il n'y aura plus en France que deux catégories d'étrangers : ceux qui ont vocation à s'intégrer et à qui nous devons reconnaître la plénitude de leurs droits, et les autres, qui seront reconduits chez eux mais bénéficieront là d'une grande politique du développement et de la coopération (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Jean-Paul Bacquet - Les dépenses d'assurance-maladie s'envolent à nouveau, dépassant, et de loin, les prévisions budgétaires. Nul ne peut s'en réjouir, d'autant que nous portons tous une part de responsabilité dans cette évolution (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Trois solutions seulement sont possibles dans le système actuel : la première serait d'accroître les recettes, c'est-à-dire les contributions de chacun, ce qui est à l'évidence inacceptable ; la deuxième consisterait à maîtriser les dépenses de manière comptable et coercitive : l'opinion s'y refuse, de peur d'une médecine à deux vitesses, et cela signerait la mort des professions libérales. Ces deux solutions ont d'ailleurs déjà été étudiées et ont fait la preuve de leur inefficacité. La troisième réside dans une maîtrise médicalisée des dépenses... Tels sont les termes dans lesquels vous posiez vous-même la question, Monsieur le Ministre de la santé, le 1er juillet 1998, en vous adressant à la ministre de l'emploi et de la solidarité ! Au moment où vous annoncez des « déremboursements » de médicaments et de prestations et où vous laissez entrevoir, en matière d'honoraires, la création d'« espaces de liberté », pouvez-vous encore parler comme en 1998 et garantir que vous n'augmenterez pas les contributions, ne réduirez pas les prestations et vous opposerez à toute forme de médecine à deux vitesses ? D'autre part, êtes-vous toujours disposer à établir un système concurrentiel de gestion, pour l'assurance-maladie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Vous parlez d'un sujet que vous connaissez bien, puisque vous êtes médecin généraliste. Et vous pouvez être fier d'exercer ce beau métier. Pour ma part, je n'ai rien à enlever de ce que je disais en 1998. Ce gouvernement refuse l'étatisation comme la privatisation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) : notre système de santé, qui nous fait honneur dans la mesure où il repose sur une socialisation des dépenses, doit être accompagné dans sa mutation, exigée par l'évolution de notre société. Les partenaires sociaux auront à cet égard un rôle déterminant à jouer. Vous avez raison, les tentatives que nous avons faites les uns et les autres pour maîtriser l'offre et la demande se sont soldées par des échecs. Je ferai donc le pari du dialogue, de la confiance retrouvée et de la responsabilité partagée. Dans cette affaire, l'Etat, les organismes gestionnaires et les professionnels prendront leurs responsabilités mais les patients devront, quant à eux, comprendre que c'est leur système de santé qui est en jeu (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). ÉLARGISSEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE M. Christian Kert - Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, la Commission européenne rendra demain un rapport qui préfigurera le visage de la Communauté dans les prochaines années. Elle désignera en effet les dix pays appelés à entrer dans l'Union dès 2004. Mais ces Etats ne partent pas du même point et leur situation est disparate. Quels critères appliquera-t-on pour les choisir ? Comment les aider à se préparer ? Enfin, que fera la France demain pour ceux qui ne seront pas retenus ? - je pense en particulier à la Roumanie, pays si proche de la France à tant d'égards (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes - La France soutiendra sans réserve l'adhésion de ces dix pays. Son gouvernement participe très activement aux programmes de préadhésion, et deux nouveaux programmes sont en cours, notamment pour aider la Pologne à surmonter ses difficultés, liées à la restructuration de son appareil administratif et à la sécurité alimentaire. Restent les trois pays qui ne vont pas nous rejoindre immédiatement, dont la Turquie. Elle a accompli de remarquables progrès au regard des critères politiques de Copenhague. Il faut saluer l'adoption récente d'une loi d'harmonisation européenne qui consacre les libertés publiques en abolissant la peine de mort. Il faut l'encourager et notablement renforcer l'aide à apporter à Ankara en 2004. Pour ce qui est de la Bulgarie et de la Roumanie, des efforts restent à faire. La France est encore très présente et soutiendra la proposition de se fixer comme objectif leur adhésion en 2007 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Pour conclure, la question de l'élargissement est le grand rendez-vous européen de ce début de siècle, et la France, comme pays fondateur, répond et répondra toujours présente (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE M. Denis Jacquat - L'allocation personnalisée d'autonomie est entrée en vigueur le 1er janvier dernier, succédant à la prestation spécifique dépendance instaurée par la loi du 24 janvier 1997, dont elle reprend les grandes lignes. C'était une réforme nécessaire, mais précaire, car son financement était sous-estimé. Ainsi, face à l'afflux imprévu de demandes, un certain nombre de départements sont contraints d'augmenter fortement leur fiscalité. En outre, le financement de l'Etat est insuffisant. Vous avez indiqué, Monsieur le ministre, qu'il manquait un milliard d'euros pour financer l'APA en 2003. Pouvez-vous nous confirmer ces chiffres et nous indiquer quelles mesures sont prévues ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - L'APA est une bonne mesure (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) mais elle a été instituée avec beaucoup de légèreté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste). Alors qu'on prévoyait 8 000 dossiers pour 2004, nous en sommes aujourd'hui à 800 000. Quant au financement, quatre milliards d'euros seront nécessaires au lieu des 2,5 prévus. Nous souhaitons conserver cette mesure, et son caractère universel,... Plusieurs députés socialistes - Tout de même ! M. le Secrétaire d'Etat aux personnes âgées - ...nous souhaitons travailler en partenariat avec les départements qui financent cette mesure aux deux tiers, le restant étant à la charge de l'Etat par l'intermédiaire du fonds FAPA. Mme Martine David - C'est la solidarité nationale ! M. le Secrétaire d'Etat aux personnes âgées - Nous avons réussi à trouver, durant l'été, les 36 millions d'euros que vous n'aviez pas prévus (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Nous souhaitons, au-delà des effets d'annonce, agir dans la concertation (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement. La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 15. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur la question de l'Irak et le débat sur cette déclaration. M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - J'ai souhaité, comme vous et en accord avec le Président de la République, qu'un débat ait lieu sur la situation en Irak et sur la politique menée par la France pour répondre à la gravité des tensions internationales. Vos interrogations sont partagées par tous nos compatriotes, quelle que soit leur sensibilité, et je veux affirmer ici que la France a une vision claire des enjeux et des responsabilités. Elle se veut une force de proposition et d'initiative, fidèle ainsi à son histoire, auprès notamment de nos partenaires européens et aussi au c_ur du Conseil de sécurité. Elle agit avec le seul souci du respect des règles qui fondent la communauté internationale, règles d'équité, de prévoyance et de fermeté. Le Président de la République, dans ses multiples contacts avec les dirigeants du monde entier, a rappelé avec force la nécessité de respecter ces règles, et il a placé notre pays au c_ur de l'action diplomatique. Je voudrais rappeler quelques éléments essentiels à la bonne compréhension de la situation. Tout d'abord, l'Irak représente incontestablement une menace pour la sécurité de la région. Ce n'est certes pas le seul pays où se pose la question de la prolifération des armes de destruction massive, nucléaires, chimiques ou biologiques, mais c'est celui auquel la communauté internationale a imposé, en raison de son comportement passé, notamment depuis la guerre du Golfe, les obligations les plus contraignantes. Nous ne pouvons oublier que l'Irak n'a pas hésité à employer l'arme chimique contre sa propre population et aussi contre l'Iran, alors que l'emploi de ces armes est prohibé par les conventions internationales. Les investigations menées par les Nations unies, après la libération du Koweït, ont révélé des programmes alors insoupçonnés en matière nucléaire et biologique. Elles ont mis en évidence des actions de dissimulation flagrantes. L'absence, pendant près de quatre ans, des inspecteurs des Nations unies, a multiplié les incertitudes sur les programmes d'armes de destruction de masse en Irak. Notre préoccupation est donc légitime. L'Irak, par ses atermoiements et ses dérobades, a trop longtemps défié la volonté du Conseil de sécurité. A côté des dangers de la prolifération d'armes de destruction massive, c'est l'autorité du Conseil de sécurité, clef de voûte du système de sécurité internationale, qui est en cause. Cette situation ne peut pas durer. M. Pierre Lellouche - Très bien ! M. le Premier ministre - Ensuite, l'Irak, par son histoire, sa position géographique et ses ressources, est un pays-clé dans la zone fragile du Moyen-Orient. Source de la civilisation, depuis Sumer, depuis Babylone, il possède une histoire complexe, source des tensions contemporaines. Bagdad a été le centre d'un empire puissant, l'empire abbasside, entre les huitième et treizième siècles. Il se veut aujourd'hui le phare du nationalisme arabe. Saladin, né comme Saddam Hussein à Tikrit et qui a su défaire en Galilée les Croisés et libérer Jérusalem est également une référence pour l'Irak. Cet héritage, cette ambition, l'ont mené à des aventures inconsidérées, dont il paie le prix aujourd'hui. Sa position stratégique, en contact avec l'Iran, le Proche-Orient, le Golfe persique, le place au confluent de toutes les crises. La fin de l'empire ottoman et le rassemblement de trois anciennes provinces ottomanes, dont le mandat était confié au Royaume-Uni, sont à l'origine de l'Irak moderne avec la diversité de ses populations et de ses attaches religieuses. Cette complexité est à la source de notre inquiétude. Au plan économique, l'Irak dispose d'atouts incontestables. Baigné par le Tigre et l'Euphrate, qui encadrent le « croissant fertile », il a des ressources agricoles rares pour la région et mérite bien son nom de « pays de l'eau ». Il est riche d'une population instruite mais rendue fragile par les guerres et l'embargo, et qui connaît aujourd'hui le désespoir. Et je ne reviendrai pas sur ses ressources en hydrocarbures, qui représentent 10 % des réserves mondiales, les secondes au monde, et qui ne sont pas sans importance dans ce dossier. Cette position centrale, le caractère composite du pays, ses ressources peuvent alimenter des forces centrifuges, des appétits et des ambitions dont personne ne peut être sûr de maîtriser les conséquences, notamment sur l'intégrité territoriale du pays et la stabilité de la région. C'est un constat : les pays jeunes ont tendance à mésestimer l'histoire des vieux pays. Les hypothèses, en cas de changement de régime, restent marquées par l'incertitude et la France n'est pas seule à nourrir les plus grandes interrogations à ce sujet. Les débats aux Nations unies ont montré que nos préoccupations sont très largement partagées, et notamment par nos partenaires européens. Face à de tels enjeux la politique de la France repose sur deux axes clairs : l'unité de la communauté internationale comme garantie de légitimité et d'efficacité et la détermination par le Conseil de sécurité des mesures à prendre en cas de manquement irakien, sans exclure aucune option. Il faut réduire la menace que représente l'Irak en faisant jouer la cohésion de la communauté internationale, qui est un gage d'efficacité. Les résolutions du Conseil de sécurité, adoptées après la guerre du Golfe, notamment la résolution 687, fixent des obligations très claires à l'Irak : renonciation aux armes de destruction de masse, destruction de celles qu'il possède. C'est l'objectif qu'a fixé à notre action le Président de la République, et c'est sur cet objectif, et lui seul, que peut se faire l'unité de la communauté internationale. L'efficacité de la pression qu'elle exerce est directement liée à la constance de sa cohésion. Après la crise de 1999, la résolution 1284 du Conseil de sécurité a fixé des dispositions complémentaires sur la conduite des inspections et sur la séquence devant mener à l'allégement des sanctions contre l'Irak. C'est sur cette base que la France procède actuellement à des consultations avec ses partenaires du Conseil de sécurité. Cette résolution nous paraît suffisante, mais nous sommes prêts à ce qu'une nouvelle résolution soit adoptée si cela semble nécessaire pour assurer l'efficacité des inspections, voire pour fixer des échéances. L'essentiel est que le message soit d'une extrême clarté : le Conseil de sécurité est uni et déterminé pour obtenir le retour très rapide des inspecteurs et l'élimination des armes de destruction massive (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). En toute hypothèse, la France tiendra le plus grand compte des recommandations du président de la commission de contrôle de l'ONU et du directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique, qui sont les mieux à même de porter une appréciation. La logique de la pression a montré son efficacité et la France entend bien la pousser à son terme. Cela permet, comme l'a dit récemment M. Giscard d'Estaing, de définir une voie alternative, de prévenir la guerre et non de fournir un habillage à la guerre. Les débats à l'assemblée générale des Nations unies en septembre ont montré à l'Irak l'impasse dans laquelle mènerait toute obstination. Ils ont aussi fait apparaître la volonté générale, partagée, selon le discours du 12 septembre du Président Bush, par le Etats-Unis, de recourir au Conseil de sécurité pour décider des mesures à prendre. Cela a amené l'Irak à accepter le 16 septembre, dans une lettre du ministère des affaires étrangères au secrétaire général des Nations unies, le retour inconditionnel des inspecteurs de l'ONU. Il fallait tirer parti de ce mouvement et, comme l'a dit Dominique de Villepin, prendre l'Irak au mot. C'est ce qui a été fait. Les entretiens de la semaine dernière, à Vienne, entre les autorités irakiennes, le président de la commission de contrôle des Nations unies et le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique ont permis de préciser les modalités de la reprise des inspections et de définir les ajustements nécessaires du système en vigueur sur la base de la résolution 1284 du Conseil de sécurité. Mais c'est sur le terrain que l'on pourra apprécier la réalité des intentions de l'Irak, sur la foi des rapports des inspecteurs. M. Jacques Myard - Très bien ! M. le Premier ministre - Si la commission de contrôle de l'ONU constatait des manquements, des violations sérieuses, elles devraient être rapportées au Conseil de sécurité, à qui il appartiendrait d'en tirer les conséquences et de prendre les décisions appropriées. Tel est le sens de la démarche en deux temps définie par le Président de la République, et qui est largement partagée au sein de la communauté internationale. Elle unit la détermination à faire prévaloir l'autorité du Conseil de sécurité face à l'Irak, et l'exigence de conserver la maîtrise de nos choix. Il ne faut considérer le recours à la force que comme un dernier recours lorsque tout a été tenté pour résoudre la situation par la voie diplomatique (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Il n'existe pas de guerre propre ni de guerre facile. La guerre n'est pas une étape mais une épreuve. Pensons aux civils, pensons aux conséquences humanitaires pour les 24 millions d'Irakiens déjà soumis à des souffrances qui heurtent les consciences. La guerre ne doit jamais être une opportunité, un choix de circonstance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), mais une extrémité qui ne doit être envisagée qu'avec la plus grande gravité. Le seul rappel de l'histoire de l'Europe devrait suffire à convaincre de cette vérité. A ceux qui développent la vision simpliste de la guerre du bien contre le mal, je rappellerai cette pensée de René Char : « Le mal vient toujours de plus loin qu'on ne croit et ne meurt pas forcément sur la barricade qu'on lui a choisi ». La tension ne s'arrête pas au seul cas de l'Irak qu'on ne peut dissocier de la situation au Proche-Orient et de l'équilibre du système international dans son ensemble. Aucune crise ne peut être considérée de façon isolée. Au Moyen-Orient, nous le savons bien, les peuples, les opinions, font se rejoindre la question de la paix entre Israël et les Palestiniens et celle de l'Irak. Une action militaire contre l'Irak perçue comme illégitime, car ne reposant pas sur l'assentiment de la communauté internationale et ne faisant pas progresser la paix Proche-Orient, renforcerait ce sentiment d'injustice qui prévaut aujourd'hui dans le monde arabe. Elle porterait en germe le danger d'un éloignement entre le monde arabe et musulman, et l'Occident. A plusieurs reprises, le Président Chirac a alerté les dirigeants des pays développés sur les risques de leur isolement international. Sur cette question aussi, notre diplomatie est mobilisée, avec ses partenaires européens, avec la Russie, avec la Chine, avec l'Amérique, pour sortir de l'impasse. Le message adressé par le Conseil de sécurité, lorsqu'il a adopté le mois dernier la résolution 1435 prescrivant la levée du siège de l'Autorité palestinienne, est pour nous important. Il montre que la communauté internationale a compris la nécessité de mettre un terme à un cycle infernal, qui laisse l'initiative au terrorisme, à ceux qui ne veulent pas de la paix. Celle-ci ne peut se concevoir que dans le respect égal du droit d'Israël à exister dans des frontières sûres et reconnues, ainsi que du droit des Palestiniens à un Etat viable et sûr, leur permettant de réaliser leurs aspirations nationales (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs des députés communistes et républicains). Là aussi, les résolutions du Conseil de sécurité doivent être respectées. M. Jean-Claude Lefort - Quand ? M. le Premier ministre - La primauté du droit international, l'idée selon laquelle l'emploi de la force doit rester le dernier recours, sont des principes fondateurs de l'ordre que nous avons cherché à construire après la Seconde Guerre mondiale. La réalité internationale nous montre que l'application de ces principes reste imparfaite, mais ils constituent une contrainte que les Etats doivent prendre en considération. Le droit n'exclut pas le recours à la force, mais la règle internationale exclut la force unilatérale telle qu'elle a été codifiée à San Francisco, il y a bientôt soixante ans, dans la Charte des Nations unies. C'est le message que la France entend porter dans notre monde troublé et déséquilibré. Ce message dépasse nos clivages politiques et je me souviens des propos de l'un de mes prédécesseurs, à la veille de la guerre du Golfe : « La France assume le rang, le rôle et les devoirs qui sont les siens et se déclare solidaire du camp du droit contre la politique de l'agression et du fait accompli ». Cette volonté de respecter et en même temps de bâtir des règles internationales doit s'exprimer au Conseil de sécurité, mais aussi au sein de l'Union européenne, l'horizon de notre première solidarité. Je souhaite qu'à l'occasion de la crise irakienne, l'Union conforte une vision commune, fondée sur des principes universels. La France est déterminée à assumer toutes ses responsabilités. Elle a décidé de se doter des moyens nécessaires pour sa diplomatie comme pour sa défense. La représentation nationale sera, je n'en doute point, attentive à s'assurer de sa pleine information et à jouer son rôle. Mon gouvernement s'emploiera, évidemment, à satisfaire cette attente. Je terminerai sur une conviction : l'engrenage de la violence n'est pas une fatalité, il existe toujours une alternative. C'est la force du Droit, qui est notre conviction et notre espoir. J'ai confiance dans notre diplomatie, sous l'impulsion du Président de la République et sous la conduite du ministre des affaires étrangères, elle met toute son intelligence au service de la stratégie qu'au nom du Gouvernement que je viens de vous présenter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Jean-Marc Ayrault - Monsieur le Premier ministre, dès le 16 septembre, le groupe socialiste avait demandé l'organisation d'un débat sur la menace de guerre en Irak. Je me félicite qu'il ait lieu aujourd'hui : il est normal en effet que le Parlement puisse débattre d'une question aussi importante pour la sécurité du monde, comme l'ont fait d'ailleurs les parlements des autres démocraties. Il y a un an presque jour pour jour, le gouvernement de Lionel Jospin avait organisé un débat analogue pour débattre de la riposte au sanglant défi qu'ont été les attentats du 11 septembre. Nous avons alors fait preuve d'une solidarité sans faille avec le peuple américain dans sa lutte contre le terrorisme. Cette cause demeure juste. L'intervention en Afghanistan a détruit le sanctuaire d'Al-Qaïda et a renversé le régime théocratique des Talibans. Mais Ben Laden a réussi à passer à travers les mailles du filet et l'organisation d'Al-Qaïda n'est pas détruite. Elle possède des moyens financiers que la lutte contre les paradis fiscaux, insuffisante, n'a pas permis d'assécher. Avant de parler de Saddam Hussein, gardons à l'esprit cette vérité que le terrorisme est bien l'ennemi public numéro un. Notre objectif doit rester de démanteler toutes les organisations qui ont recours à la terreur de masse. L'administration américaine s'efforce de faire le lien entre la lutte contre le terrorisme et une intervention en Irak. On parle de contacts, de déplacements de Ben Laden à Bagdad, mais aucune preuve n'a pu être apportée. Plus sérieuses sont les accusations selon lesquelles l'Irak disposerait de stocks d'armes de destruction massive. Depuis quatre ans, l'attitude de Saddam Hussein laisse penser que son pays a poursuivi son programme d'armement bactériologique et atomique. Mais le rapport présenté par Tony Blair devant la Chambre des Communes ne contient aucune preuve déterminante. Rappeler cela, ce n'est pas faire preuve de complaisance envers Saddam Hussein et son régime : il s'agit d'un dictateur malfaisant et retors, qui opprime son peuple, qui persécute ses minorités et qui menace l'équilibre de la région. L'empêcher de s'équiper d'armes de destruction massive est une nécessité. A cet égard, le retour des inspecteurs de l'ONU est un premier succès. Les accords de Vienne doivent être appliqués sans subterfuges, les inspecteurs doivent contrôler tous les sites, sans entraves. Personne, si ce n'est quelques voyageurs imprudents, ne sera assez naïf pour croire Saddam Hussein sur parole. Dès lors, il n'y aura aucune raison de laisser l'Amérique dicter la guerre. Or tous les discours de George Bush tendent à la préparer, à commencer par l'ultimatum inacceptable qu'il a adressé le 13 septembre à l'assemblée générale de l'ONU, et sans oublier sa comparaison insultante de l'ONU avec la SDN. Pourquoi cette intimidation de la communauté internationale ? Que le ministre des affaires étrangères approuve un tel discours était troublant. La position, heureusement, a été corrigée depuis. Un pas de plus a été franchi dans l'escalade avec l'avant-projet de résolution présenté par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne au Conseil de sécurité. Ce texte est la mise à feu d'une intervention : « Tout manquement de l'Irak, à n'importe quel moment, représentera une nouvelle violation flagrante des obligations de l'Irak. Elle autorisera les Etats membres du Conseil de sécurité à employer tous les moyens nécessaires pour rétablir la paix internationale et la sécurité dans le monde ». Ainsi, l'Amérique se réserve le droit de lancer ses troupes en Irak sous n'importe quel prétexte, à n'importe quel moment. L'ONU ne serait plus alors qu'une chambre d'enregistrement et une couverture légale. Laisser commettre un tel coup de force juridique et diplomatique serait contredire tous les principes de légalité et de justice internationales que nous défendons depuis cinquante ans. Ce serait ruiner la prédominance et la crédibilité de l'ONU dans le règlement des conflits. Ne nous y trompons pas. La doctrine de « la guerre préventive » n'est rien d'autre qu'un hyperdroit d'ingérence pour une hyperpuissance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Bush a écrit... M. Jean-Claude Lefort - Il écrit ? M. Jean-Marc Ayrault - ...dans un article du 13 septembre, précurseur du livre blanc sur la nouvelle stratégie américaine : « Parce que c'est une question de bon sens et d'autodéfense, l'Amérique interviendra avant même que la menace ne se concrétise. Nous ne pouvons pas, pour défendre l'Amérique et ses amis, nous contenter de v_ux pieux. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour apporter l'espoir de la démocratie, du développement, du marché libre et du libre-échange, aux quatre coins du monde ». On peut s'étonner que le marché et le libre-échange soient érigés en valeurs universelles, mais l'essentiel est ailleurs. De l'autodéfense légitime contre le terrorisme, l'administration américaine est en train de dériver vers une croisade aux accents télévangélistes contre ce qu'elle appelle « l'axe du mal » (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Elle s'arroge le droit exorbitant de faire la police contre les Etats dits « voyous » (Murmures sur les bancs du groupe UMP). De cette manière, M. Bush efface cinquante ans de construction d'une sécurité collective pour renouer avec une conception impériale de l'ordre international (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains). Cette thérapie de choc peut séduire ceux qui voient planer, dans chaque conflit, le « syndrome munichois », comme il en existe sur les bancs de votre majorité, Monsieur le Premier ministre. Mais elle risque d'être pire que le mal. Pour l'Irak, d'abord. L'administration américaine brouille ses buts de guerre : du désarmement de l'Irak au renversement de Saddam Hussein, du renversement de Saddam Hussein au contrôle des puits de pétrole, du contrôle des puits de pétrole à la pacification de la région. Avec quels hommes ? Mystère. Certains membres de l'entourage de George Bush sont allés jusqu'à prédire une occupation américaine de près de cinquante ans ! Cette politique fait bon marché de la fierté nationale du peuple irakien soumis depuis onze ans aux privations de l'embargo et aux bombardements ; c'est faire fi de la mosaïque complexe des minorités qui composent l'Asie Mineure ; jouer au puzzle dans une région si compliquée, comme disait le général de Gaulle, c'est jouer avec des allumettes dans un baril de poudre. Une telle politique ne peut conduire qu'à l'éclatement de l'indispensable coalition contre le terrorisme. Nous en voyons de multiples prémisses : la plupart des pays voisins de l'Irak refusent de s'associer à une seconde guerre du Golfe ; la Turquie elle-même, membre de l'OTAN, vient d'avertir du danger de déstabilisation que provoquerait l'entreprise américaine. La conséquence la plus grave sera d'approfondir le schisme avec des opinions arabes de plus en plus convaincues que l'ordre occidental est aussi dur à leur endroit qu'il est complaisant avec ses alliés. On somme l'Irak de respecter les dispositions de l'ONU, mais on ferme les yeux sur leur violation systématique au Proche-Orient (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) ; on montre du doigt l'absence de démocratie dans les Etats arabo-musulmans, mais on oublie que l'Occident les a souvent installés, soutenus et équipés ; on condamne la répression des minorités religieuses ; on détourne les yeux des Tchétchènes ; on vante les bienfaits du libre-échange ; on reste sourd aux demandes du tiers-monde à l'OMC. Toutes ces injustices nourrissent autant l'intégrisme que les milliers de prêches des mollahs. Défions-nous du messianisme. On part semer la civilisation et les lumières ; on finit en récoltant l'obscurantisme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Comment passer sous silence le risque d'une crise économique mondiale, alors que la récession frappe à nos portes ? Nos économies - et celles des pays les plus pauvres ne résisteront pas à un nouveau choc pétrolier. La guerre préventive impose le droit de la force plutôt que la force du droit. Après Bagdad, Téhéran, Ryad ? Que fera-t-on quand les Chinois agiront pareillement à Taiwan ? Les Russes en Géorgie ? Il est encore temps d'arrêter l'entreprise de M. Bush en refusant de lui prêter la main directement ou par passivité. La mise en garde du Président de la République et du Chancelier Schröder est salutaire... M. Pierre Lellouche - Ne confondez pas. M. Jean-Marc Ayrault - ...Elle exprime la voix de la raison et celle d'une écrasante majorité de pays en Europe (Murmures sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), en Asie, en Afrique. Vous-même, Monsieur le Premier ministre, avez dit tout tenté avant qu'il n'y ait conflit. Fort bien. Mais il faut maintenant aller plus loin. Que la France dise clairement « non » à cette guerre qui porte en germe « le choc des civilisations » ; qu'elle explique sans détour son refus de prêter un concours politique et militaire à l'intervention anglo-américaine. Je redoute qu'une trop grande prudence de votre part ne finisse dans un assentiment passif puis dans une participation active. C'est pourquoi, au nom de tous les socialistes, je demande que la France oppose son veto à l'actuel projet de résolution américain devant le Conseil de sécurité de l'ONU (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Le droit international ne peut couvrir cette iniquité guerrière du manteau de la légalité. Cette position doit être l'expression de la nation tout entière ; que le chef de l'Etat et notre diplomatie sortent de leur tour d'ivoire (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) ; qu'ils construisent cette entente nationale comme François Mitterrand l'a fait pendant la guerre du Golfe en informant (Mêmes mouvements) toutes les forces parlementaires. M. Pierre Lellouche - Avec M. Chevènement ? M. Jean-Marc Ayrault - N'en doutez pas, ce veto est attendu en France et partout dans le monde. Même à Londres et Washington, nombreux sont ceux qui refusent les excès de leur Gouvernement. Si vous engagez la France militairement alors, le Parlement devra se prononcer par un vote comme il y a douze ans lors de la guerre du Golfe. Il serait indigne que la nation, par le truchement de ses représentants, soit exclue d'une décision aussi grave. Le veto ou le vote ! M. Arnaud Montebourg - Le veto ! M. Jean-Marc Ayrault - Alors s'exprimera une voix claire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Cette exigence de clarté n'est nullement motivée par un pacifisme aveugle ou par un anti-américanisme simpliste. Au Koweït, au Kosovo, en Afghanistan, nous avons approuvé et soutenu l'utilisation de la force parce qu'elle était l'arme du droit. Si la guerre est parfois l'ultime sécurité, elle n'en est jamais le commencement. Les Américains sont nos alliés, nos amis ; nous sommes unis par les valeurs et par l'Histoire. Je récuse le dénigrement systématique de ce qu'ils sont, de ce qu'ils font, simplement parce qu'ils sont la première puissance du monde. Mais une communauté de destin n'implique pas un alignement en tout et partout ; elle n'interdit pas la critique légitime - non d'un pays, mais d'une politique. Les Américains eux-mêmes débattent avec vigueur des vues stratégiques de M. Bush. Il est temps de sortir du complexe de l'hyperpuissance qui nous fait osciller entre admiration et rejet, entre suivisme et cocardisme. L'Amérique a ses intérêts. L'Europe et la France ont les leurs. Ils convergent souvent. Ils divergent parfois. Mais comme le souligne Thierry de Montbrial, « ceux qui mettent en garde contre les risques d'une intervention politiquement mal préparée en Irak, ne sont pas anti-américains, pas plus qu'ils ne sont munichois ». Le 11 septembre 2001, le terrorisme a ébranlé le monde mais il ne l'a pas fait changer. Vouloir redéfinir, sous l'empire de la crainte, les principes qui fondent notre sécurité collective, serait une grave erreur. Le premier d'entre eux : la prédominance des Nations unies dans le règlement de crises. C'est à l'ONU de dire le droit. C'est au Conseil de sécurité d'analyser les situations et d'évaluer les risques ; c'est à lui seul de décider un éventuel recours à la force si la nécessité en était démontrée. Le deuxième principe : faire respecter partout le droit de la même manière. Avant de s'en prendre à l'Irak, que M. Bush sorte de sa torpeur au Proche-Orient où chacun sait qu'il n'y a pas de solution militaire. Qu'attendons-nous - France, Etats-Unis, Europe, Russie - pour imposer à MM. Sharon et Arafat une grande conférence de paix sous l'égide des Nations unies ? L'accord de Taba, le plan Mitchell, le plan saoudien ont ouvert la voie à des solutions politiques. Pourquoi votre gouvernement et le Président de la République n'ont-ils pris aucune initiative depuis des mois ? (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Le troisième principe : refus de tous les messianismes. La démocratie a beaucoup plus progressé ces quinze dernières années grâce à l'aide économique et politique - non par des frappes plus ou moins chirurgicales. Si l'on veut que le monde arabe et musulman se détourne de l'intégrisme et de la théocratie, il faut lui proposer un pacte de même nature que le plan Marshall ou, à un autre niveau, celui que la France et l'Afrique ont conclu il y a dix ans, à La Baule, sous l'égide de François Mitterrand - coopération économique contre démocratie. Cette approche est certainement moins spectaculaire qu'un raid sur Bagdad. Mais elle offre de bien meilleures garanties pour ancrer une sécurité durable (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Montaigne l'a dit avant nous : « L'une des plus grandes sagesses en l'art militaire, c'est de ne pas pousser son ennemi au désespoir ». C'est à méditer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains). M. Pierre Lellouche - Pauvre Jaurès ! Pauvre Jaurès ! M. François Bayrou - Pour beaucoup de Français, l'Irak est loin. Pourtant, dans cet hémicycle, l'Irak doit être l'objet de tout notre souci. Sont en effet présents dans le conflit irakien tous les éléments de ce que sera ou ne sera pas le XXIe siècle. Il ne s'agit pas seulement de la paix et de la guerre, à un moment et en un lieu donné de la planète ; il s'agit de l'équilibre futur du monde dans lequel allons vivre. L'Irak pose un premier problème : celui des didactures armées. Saddam Hussein est un tyran. Il est à la tête de l'un des plus fermés et de l'un des plus cruels totalitarismes de la planète. Au service de la seule ivresse de sa puissance, Saddam Hussein avait bâti la deuxième armée de cette région. Il a montré, en envahissant le Koweït, la réalité de ses intentions. Cette armée a payé lourdement la note, et plus lourdement encore le peuple irakien, les enfants irakiens, aujourd'hui encore frappés d'une mortalité de plus de 10 % - 108 pour mille -, victimes sans défense du chef qui les accable et du conflit qu'il a déclenché. Depuis dix ans, Saddam Hussein a-t-il reconstitué un potentiel militaire dangereux ? Assurément, en partie. Nous avons lu avec soin la documentation publiée par le gouvernement britannique. Elle comporte peu de preuves certaines, mais un faisceau de présomptions sur lequel à peu près tout le monde s'accorde : Saddam Hussein possède à nouveau des armes chimiques, biologiques et une certaine compétence en matière nucléaire. Peut-on se désintéresser de cet arsenal ? Non. Les démocraties devraient être à jamais vaccinées contre le virus de l'indifférence négligente (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP). Si dans les années 30 elles étaient intervenues contre Hitler, elles auraient évité à l'humanité une guerre mondiale, des millions de morts, la Shoah et la page la plus effroyable de son histoire. Nous n'aurons plus jamais droit à l'indifférence, le droit d'ingérence découle des leçons de l'Histoire (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP). Mais il y a un paradoxe que nul ne peut ignorer. Ceux qui mettent en accusation l'arsenal menaçant que Saddam Hussein est supposé détenir possèdent des capacités de destruction mille fois, dix mille fois supérieures. Et combien de régimes autoritaires, plus exactement de dictatures, ont accumulé des arsenaux sans commune mesure avec celui de l'Irak ? L'Iran, la Chine qui opprime le Tibet, le Pakistan toujours au bord de la guerre avec l'Inde, la Syrie, bien d'autres, font peser de lourdes menaces sur leurs peuples et sur la paix du monde. Quel est donc le critère qui permettrait de déclencher le feu contre l'Irak et de s'en abstenir dans tous les autres cas ? C'est le sentiment que l'armement et l'instabilité des dirigeants atteignent un seuil de dangerosité qui oblige à l'action. C'est l'appréciation de ce seuil qui commande la décision, et celle-ci doit se prendre avec, présentes à l'esprit, toutes ses conséquences : l'intensité des combats, le sort de Saddam Hussein, celui du peuple irakien, les éventuelles réactions en chaîne au Moyen-Orient, les répercussions sur l'économie internationale et éventuellement sur le terrorisme mondial. On mesure là à quel point le terrain est explosif. A qui doit appartenir la décision ? Selon la réponse, le visage du monde ne sera plus jamais le même. Ou bien c'est l'arbitraire souverain d'un gendarme autoproclamé du monde, considérant que « la raison du plus fort est toujours la meilleure », ou bien ce sont les Nations unies, et avec elles une idée du droit et de loi commune à laquelle acceptent de se soumettre les forts aussi bien que les faibles. La force ou le droit. Si c'est le premier cas, alors le XXIe siècle commencera sous le signe de l'Empire américain. Il consacrera dans la guerre ce que nous voyons monter, impuissants, depuis des années, le monde dominé par une seule puissance militaire, diplomatique, économique, culturelle, sans commune mesure avec le reste du monde, une puissance désormais décidée à exercer directement sa force. Dans l'autre cas sera maintenu le pacte conclu après la guerre mondiale qui place sur un statut d'égale dignité dans la communauté des nations le plus puissant et le plus faible. Ceux qui ont signé ce pacte n'ignoraient rien de la réalité, mais ils plaçaient, au-dessus des nations, comme un bouclier du droit, pour protéger les faibles des forts et les forts d'eux-mêmes. Voilà ce qui se joue. Et qui croirait que cet événement ne serait qu'un épisode se tromperait lourdement. Ses conséquences s'étendront loin dans l'avenir. Rien ne restera en dehors de ce choix : ni l'économie, ni le savoir ni nos cultures et nos langues, ni le visage du tiers-monde, ni les politiques d'environnement. C'est le nouvel ordre du monde dont va décider le trimestre où nous entrons. Aussi faut-il approuver la position exprimée par le Président de la République. Cette position est lucide sur la menace et juste dans l'exigence que doit exprimer la France du recours nécessaire aux Nations unies et du refus que se développe, où que ce soit et avec notre tacite assentiment, une guerre de première intention. Il est légitime de fixer comme but des Nations unies le retour des inspecteurs, sans retard et sans aucune condition. Il est juste de considérer que l'activité de la diplomatie française a reçu de l'écho, et qu'elle semble ces jours-ci être soutenue par des membres du Conseil de sécurité, en particulier par les Russes. On peut même trouver dans le dernier discours du Président des Etats-Unis des éléments encourageants. Pourtant, trop souvent ces derniers mois, les choses se sont passées comme si les discussions au sein du Conseil de sécurité appartenaient à l'ancien ordre du monde. Trop souvent on a eu l'impression que les Etats-Unis conduisaient leurs propres délibérations et bientôt leur propre action sans considérer les Nations unies autrement que comme un agaçant et verbeux aréopage. Quel virus a affecté les relations internationales ? C'est qu'il n'y a plus aucun équilibre des puissances. Aussi l'un des deux scénarios possibles, et le plus probable, est-il celui d'un monde dominé par l'Empire américain. L'hyperpuissance d'un pays qui décide de lui-même et par lui-même et impose par sa propre force ce que devra être l'ordre du monde, aucune nation digne de ce nom et aucun citoyen, notamment français et européen, ne devrait en accepter la perspective. Exprimer ce refus, ce n'est pas de l'anti-américanisme. Je l'exprime au nom des Français qui se sont fait un honneur, au travers du temps, d'être les amis des Etats-Unis. Nous reconnaissons dans les Etats-Unis un pays de liberté, de démocratie, d'entreprise, un pays doué d'un magnifique ressort - on l'a vu après le 11 septembre - et un pays ami de la France. Aucun d'entre nous n'oublie ou ne devrait oublier ce que les Etats-Unis ont fait pour nous deux fois dans ce siècle. Nous leur devons la liberté de l'Europe et l'éradication du nazisme et du fascisme (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP). Et très souvent, dans les décennies passées, ils ont porté, souvent seuls, une grande part de l'effort commun. C'était vrai du temps de la guerre froide et lorsque, tout récemment, nous avons été incapables, nous Européens, d'imposer le retour de l'ordre en Bosnie. Le capital d'amitié et de gratitude qui nous lie aux Etats-Unis nous impose donc de parler comme des amis à des amis, de manière respectueuse et franche. Quand nous refusons l'Empire américain, ce n'est pas l'Amérique que nous refusons, c'est l'Empire. La domination, quelle qu'elle soit, est malsaine. Et la domination ne se divise pas. Elle compromet l'avenir de tout le monde. Elle menace la liberté et l'avenir de ceux qui acceptent d'être dominés. C'est le cas depuis que le monde est monde, nous le savons puisque nous sommes les descendants directs de l'Empire romain. C'est le cas pour chacun d'entre nous, et à plus forte raison pour le tiers-monde, pour les pauvres de la planète. Mais leur domination menace aussi les dominants. Si l'on reconnaît au fort le droit d'imposer sa force, on justifie pour le faible la faculté de se défendre par tous les moyens. Si l'on accepte ce que la diplomatie appelle « stratégies asymétriques », chacun décidant de son côté au mieux de ses intérêts, alors on est au maximum du risque, et le feu des uns appelle les coups des autres, et le terrorisme apparaît. Quel sera l'ordre du monde au XXIe siècle ? La domination, avec son cortège de dangers, ou l'équilibre des puissances ? J'emploie à dessein l'expression « équilibre des puissances ». Le langage diplomatique oppose le « multilatéralisme » à l'« unilatéralisme ». Mais sans équilibre des puissances, le multilatéralisme n'est qu'une façade. Or, ce qu'il y a de formidable et sans doute d'exaspérant dans la situation actuelle, c'est que la question d'équilibre des puissances ne dépend pas des Américains, ni de leur bienveillance, elle ne dépend que de nous. Des puissances vont émerger durant ce siècle, parmi lesquelles la Chine et l'Inde. Mais, la seule puissance du présent, celle qui pourrait exister à l'horizon de quelques années et imposer l'équilibre, c'est l'Europe. La population européenne est d'un tiers plus nombreuse que la population américaine. Sa richesse est d'un tiers plus grande. Notre niveau de vie, de formation, de savoir, se compare avantageusement au potentiel américain. Il ne manque qu'une chose à l'Europe, c'est la volonté d'exister. Or, le temps presse. Si l'on compare la capacité et la concentration des volontés et des moyens à l'_uvre aux Etats-Unis avec l'éparpillement européen, on mesure avec tristesse que le fossé se creuse tous les jours. C'est notamment le cas en matière de défense, avec pour exemple le choix de beaucoup de nos partenaires de choisir l'avion de combat JSF américain au lieu de concevoir un avion de combat européen. Bientôt il ne sera plus possible de combler le fossé. La combinaison des moyens financiers de notre puissant allié avec la maîtrise des technologies et avec un effort de recherche sans précédent risque de nous conduire à un aimable effacement. Nous possédons les moyens mais, incapables de nous mettre d'accord, nous assistons impuissants à l'établissement d'un déséquilibre qui, à court terme, arrange beaucoup de gens. Il est en effet plus facile et rentable d'être un sous-traitant de puissants donneurs d'ordres, mais à l'horizon de vingt ou trente ans, si nous n'entrons pas dans une politique déterminée et unitaire, nous serons marginalisés. Il ne manque plus seulement à l'Europe la volonté d'exister ; désormais, il lui manque aussi le temps. Car l'élargissement est désormais à l'horizon de quelques mois. L'élargissement, nous l'avons voulu comme la réunification de la famille européenne, comme le partage d'un projet, d'une volonté, mais s'il intervient avant que la volonté ne soit forgée, alors il risque de constituer, au-dessus du projet européen, une fatale épée de Damoclès. Au Parlement européen, nous avons enregistré les votes enthousiastes des plus euroseptiques pour que l'élargissement soit le plus rapide, c'est-à-dire le moins maîtrisé. Conjuguons nos efforts pour leur donner tort. La dernière chance du projet européen réside dans la convention présidée par Valéry Giscard d'Estaing : espérons que les institutions proposées seront aptes à faire naître une volonté politique unitaire de l'Europe. C'est pourquoi les regards se tournent aujourd'hui vers le gouvernement français. On dit que nombre de nos partenaires sont récalcitrants, mais étaient-ils nombreux, il y a cinquante ans, à vouloir la construction européenne ? Pour avancer, il faut des propositions fortes. Devant la menace qui pèse sur le monde, la France a pris une position juste. Evitons que l'ordre du monde ne se construise autour de la décision solitaire du plus puissant Etat de la planète. Mais si nous voulons conjurer ce risque pour l'avenir, il faut que la construction européenne se fasse, et pas seulement par les mots. Et cela doit commencer par la défense. Défense, Diplomatie, Démocratie, ce sont les trois D qui commandent l'avenir de l'Europe. L'Europe du XXIe siècle ne peut être l'_uvre que de ceux qui ont inventé l'Europe du XXe siècle. Et si l'_uvre reste en plan, nous pourrons continuer à déplorer les conséquences du déséquilibre du monde. Bossuet a dit : « Le ciel se rit des prières qu'on lui fait pour détourner de soi les maux dont on persiste à vouloir les causes » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Mme Marie-George Buffet - La guerre frappe à nos portes depuis longtemps déjà. Le Président des Etats-Unis prépare l'opinion publique à un nouveau conflit, tandis que le dictateur Saddam Hussein multiplie les provocations. La France doit s'opposer fermement à cette marche forcée vers la guerre. Les enjeux sont humains, politiques, institutionnels, économiques, éthiques. Nous sommes aujourd'hui confrontés à une crise mondiale majeure, qui ne concerne pas seulement l'Irak et le Moyen-Orient. Pour cette raison, nous avons souhaité que le Parlement puisse débattre de la question irakienne, et il serait souhaitable qu'il reste saisi, en permanence, de cette question. La guerre n'est pas la solution. Faire la guerre, c'est imposer la loi du plus fort. Au lendemain du dramatique 11 septembre, la lutte contre le terrorisme a pris une nouvelle dimension. Indispensable cette lutte ne doit cependant pas conduire à une croisade du bien contre le mal, à un choc de civilisations entre l'Orient et l'Occident. L'engrenage de la guerre autour de l'Irak en porte pourtant les traces. Quant à la soudaine lubie américaine, elle s'explique par l'attrait du pétrole, la soif de dominer une région, la préparation des prochaines élections. C'est pourquoi les arguments invoqués font figures de prétextes et ne rencontrent pas l'effet escompté. « La guerre devient plus difficile, parce qu'avec les gouvernements libres des démocraties modernes, elle devient à la fois le péril de tous par le service universel, le crime de tous par le suffrage universel », affirmait Jean Jaurès, exprimant une vision du monde qui a du mal à prendre corps, mais il ne tient qu'à nous qu'elle y parvienne. Alors qu'en croyant servir la démocratie, on ne ferait que favoriser un nouvel impérialisme, et des intérêts capitalistes. Le Moyen-Orient ne sera pas stabilisé par la force. Depuis la guerre du Golfe, peu a été fait pour normaliser les rapports entre l'Irak et le monde. L'embargo économique conforte Saddam Hussein à son poste en attisant les ranc_urs. Si l'on y ajoute la tragédie des Palestiniens, comment s'étonner de la montée de l'intégrisme ? Il convient de s'attaquer à la racine du mal, et cela ne passe pas par des bombardements. Et enfin, le droit doit s'appliquer de la même manière pour tous ! Il y a quelques jours, les autorités irakiennes ont accepté le retour des contrôleurs de l'ONU : il faut apprécier ce geste à sa juste valeur. La dimension des risques n'échappe à personne ; même aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, beaucoup estiment que le recours à la guerre n'est pas une solution. Ce sont d'abord des risques humains terribles. C'est aussi celui d'une déstabilisation régionale. Dans un tel climat de tension, tout est possible... jusqu'à l'éclatement de l'Etat irakien. Enfin, cette guerre porterait un coup décisif au droit international, à l'esprit fondateur des Nations unies. Cette crise met en question le monde que nous voulons construire et les responsabilités que la France et l'Europe pourraient y prendre. Les partisans de la guerre affirment vouloir renverser le régime irakien. Mais pour quelle perspective politique ? Comment réintégrer un Irak démocratique et stable dans la communauté internationale ? Cela nécessite un effort politique et diplomatique constant. Il faut rendre l'espoir au peuple irakien. Pourquoi ne pas organiser une conférence régionale sous l'égide des Nations unies, avec, notamment, la participation de toutes les forces de cette opposition ? Cette crise n'exige pas de la France et de l'Europe une surenchère à l'armement, mais un investissement économique et politique pour le développement, pour l'aide publique et l'annulation de la dette, pour la résolution négociée des conflits. Aujourd'hui, l'Europe semble absente de ce débat ; que la France n'agit-elle pour que l'Europe enfin se saisisse du problème ! La guerre en Irak n'est pas une fatalité. La convergence de trois membres permanents du Conseil de sécurité, dont la France, pour exiger le respect des règles des Nations unies, apparaît comme un facteur décisif. Jusqu'ici, la France a adopté une attitude de saine réserve vis-à-vis des projets américains. Elle doit confirmer cette position en recourant à toutes les possibilités de dialogue, pour convaincre, et en agissant courageusement au sein des instances internationales - y compris en utilisant son droit de veto. On ne peut accepter un nouveau conflit mondial au nom de l'« unité du Conseil ». Notre pays doit contribuer à la recherche d'alternatives à la guerre fondées sur les résolutions du Conseil de sécurité et à la levée de l'embargo ; il doit refuser la surenchère américaine et cet ultimatum qui serait déjà un pas décisif vers l'intervention militaire. Le Président de la République et le Gouvernement nous semblent aller en ce sens lorsqu'ils refusent que la première résolution soumise au Conseil comporte une telle menace, mais les mots ne suffiront pas. La France ne doit pas céder. Parce que c'est encore possible, tout doit être fait pour empêcher la guerre. Une diplomatie fondée sur une volonté unilatérale et sur le rapport de forces ne peut conduire qu'à des tensions dangereuses. Il nous faut désormais repenser le monde et les relations internationales dans un esprit de fraternité, de codéveloppement, de coopération. Cela passe par une entreprise de désarmement concerté, une intervention plus grande de la communauté internationale dans la gestion des conflits, par une démocratisation des institutions internationales et par la rupture avec un capitalisme prédateur. La façon dont sera gérée la crise irakienne peut permettre d'explorer ces pistes nouvelles. De même le développement de mouvements populaires - et les députés communistes et républicains participeront avec espoir à la grande manifestation prévue en France pour le 12 octobre. Cette volonté de dire non à la guerre ne doit pas fléchir et nous attendons du Gouvernement une position claire. Le courage doit nous conduire à refuser le « crime de tous » et le « péril de tous », quels que soient les pressions et les intérêts en jeu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et plusieurs bancs du groupe socialiste) M. Alain Juppé - Je veux d'emblée, au nom de l'UMP, rendre hommage à la clairvoyance et au savoir-faire de notre diplomatie. Dans cette affaire de l'Irak, la position de la France est à la fois attendue et entendue. Attendue, elle l'est aux Nations unies - principalement au sein du Conseil de sécurité -, mais aussi dans toutes les chancelleries. Entendue : nous nous en sommes aperçus hier soir quand le Président Bush a affirmé qu'une intervention militaire n'était ni imminente ni inévitable. Cette position, claire et forte, reposent sur deux convictions : il existe bel et bien une menace irakienne contre la paix dans la région et donc dans le monde ; il est par conséquent légitime que la communauté internationale recherche le désarmement de ce pays. Pour se convaincre de la réalité de la menace, il suffit de lire les rapports des inspecteurs des Nations unies, établis à la fin de 1998 : l'UNSCOM, y est-il dit, a découvert des programmes importants d'armes prohibées et non déclarées, notamment d'un programme d'armement biologique offensif, ainsi que la présence d'agents chimiques neurologiques et la production locale de missiles prohibés. Depuis le départ de ces inspecteurs, c'est l'incertitude. Le régime irakien a-t-il reconstitué ses capacités militaires de destruction massive ? Certains prétendent en détenir la preuve mais, quoi qu'il en soit, il y a doute et ce doute justifie pleinement le retour des inspecteurs de la commission de contrôle des Nations unies. L'Irak en a finalement adopté le principe, des discussions se sont engagées. Quant aux exigences des Nations unies, elles sont également sans ambiguïté : la communauté internationale demande à l'Irak de détruire toutes les armes prohibées qu'il détiendrait, de mettre fin à toute forme de soutien au terrorisme international, de cesser les persécutions contre la population civile, de répondre aux questions sur les prisonniers de guerre et sur les disparus, de restituer les biens saisis durant l'occupation du Koweït et de renoncer à contourner l'embargo, ainsi qu'à détourner les biens importés dans le cadre du programme « pétrole contre nourriture ». Toutes ces demandes figurent dans les résolutions du Conseil de sécurité. Mais aucune de celles-ci ne prescrit le renversement du régime irakien - même si ce renversement est de nature à réjouir tous les démocrates. Claire sur les objectifs, notre position l'est aussi sur les moyens et la méthode. A nos yeux, l'unilatéralisme - entendons l'intervention d'un seul, proprio motu, sans mandat international - n'est pas acceptable. D'abord pour des raisons de morale internationale : nous devons au XXe siècle l'émergence d'un droit international de la guerre et de la paix, droit qui fait que seule l'Organisation des Nations unies est fondée à décider en cette matière et, partant, à faire usage de la force militaire pour rétablir ou garantir la paix. S'affranchir de cette règle fondamentale serait une terrible régression et un redoutable précédent. C'est pourquoi la France a raison de se battre pour obtenir que toute intervention militaire se fasse sur la base d'une résolution du Conseil de sécurité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Et je me réjouis que, dans son discours devant l'assemblée générale des Nations unies, le Président Bush ait resitué son action dans ce cadre. L'unilatéralisme est également condamnable pour des raison d'efficacité politique. Face au désordre du monde, la cohésion de la communauté internationale est plus que jamais nécessaire. Aucune puissance au monde n'a d'ailleurs jamais pu régler seule et par la force les conflits, il n'y a de victorieuses que les coalitions de démocraties fortes de leur bon droit. C'est dans cet esprit que la France a eu raison de proposer une démarche en deux temps : l'Irak, d'abord, doit être fermement rappelé à ses obligations, à commencer par l'acceptation sans conditions du retour des inspecteurs sur son territoire, et sur la base des analyses et propositions de M. Blix, une nouvelle résolution est envisageable à court terme ; mais cette première résolution ne saurait comporter une clause d'automaticité autorisant telle ou telle puissance à utiliser la force dès lors qu'elle estimerait que la mission des inspecteurs ne lui donne pas satisfaction. Dans l'hypothèse où la commission de contrôle constaterait qu'elle ne peut assumer correctement sa tâche et sur la base du rapport qu'elle en ferait au Conseil, il faudrait adopter une nouvelle résolution - la France étant prête dans ce cas à examiner toutes les options, sans en exclure aucune. Nous devons tenir bon sur cette ligne, sans brandir dès aujourd'hui la menace d'un veto qui nous priverait de toute capacité d'influence à l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). On peut d'ailleurs penser sans faire preuve d'un triomphalisme prématuré que, pour l'instant, c'est cette démarche qui prévaut à New York, si l'on en juge par les propos tenus hier par le Président Bush. La diplomatie française marque donc des points (Mêmes mouvements) : ses initiatives sont suivies avec attention par tous ceux qui, y compris aux Etats-Unis, pensent que la guerre doit rester l'ultima ratio. Les enjeux de cette crise sont immenses. Il y va en particulier de la qualité de la relation entre la France et les Etats-Unis, de l'avenir de la PESC et de l'équilibre entre nations riches et pauvres. Entre la France et les Etats-Unis, comme l'a excellemment dit François Bayrou, l'amitié n'est pas en cause et je ferai volontiers miens les propos tenus par le Président Chirac à New York, le 9 septembre dernier : « Je suis personnellement très attaché aux Etats-Unis ; c'est un pays que j'aime, que j'admire et que je respecte. Dans tous les moments difficiles, dans tous les grands moments, Français et Américains ont toujours été ensemble ; ils n'ont jamais manqué les uns aux autres : c'est vrai depuis Yorktown et ce l'est encore aujourd'hui » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Mais l'amitié, que la France n'a jamais confondue avec la courtisanerie, autorise la franchise et, loin du protectorat évoqué par certain, nous désirons un partenariat fondé sur le respect mutuel : osons donc dire certaines vérités à nos amis américains. D'abord, contre le terrorisme international, les Etats-Unis ne gagneront pas seuls ! La France a démontré depuis le 11 septembre qu'elle était totalement solidaire de la lutte sans merci qui a été engagée contre le terrorisme, non seulement par principe mais aussi parce qu'elle est directement concernée. Prenons garde à ne pas briser la coalition qui s'est formée dans ce domaine. Ensuite, nous n'avons pas envie de partir en croisade contre l'axe du mal ni de nous engager dans ce que certains milieux américains appellent le processus de destruction créatrice au Proche et au Moyen-Orient. Le monde est compliqué. La ligne de partage entre le bien et le mal fluctue parfois au gré des intérêts nationaux, notamment pétroliers. Les critiques que j'ai portées contre l'Irak restent sans ambiguïté, mais gardons-nous d'un messianisme de la bonne conscience qui voudrait imposer la démocratie par la guerre dans une région où les changements, qui sont nécessaires, ne viendront que d'un travail de fond. Attention à l'enlisement et aux réactions en chaîne dans un Orient compliqué. M. Jacques Myard - Parfait ! M. Alain Juppé - J'en viens à l'Europe, et je crains, Monsieur Myard, que vous soyez moins enthousiaste (Sourires). Faut-il encore une fois parler de fiasco européen ? Après les Balkans, l'Irak... l'Europe serait-elle congénitalement condamnée à la paralysie dans les grandes crises internationales ? Il est dur pour moi, qui suis très attaché à la construction européenne, de reconnaître que la question se pose. M. Blair soutient perinde ac cadaver M. Bush et M. Schröder, en campagne électorale, joue sur le pacifisme qui prévaut en Allemagne et tombe dans un unilatéralisme inverse à celui des Américains : la non-intervention, quoi qu'il arrive. La position de la France permet de les rapprocher, et elle sied à une grande majorité de ses partenaires. L'Europe peut tirer deux leçons de ces événements. La première est que le chemin qui conduit à une véritable politique extérieure et de sécurité commune est encore long. La seconde que si la France ne montre pas le chemin, l'Europe risque de se fourvoyer. Nous devrons en tenir compte dans les propositions que nous devons faire pour doter la grande Europe d'une Constitution : quand il s'agit de la guerre et de la paix, seuls les gouvernements peuvent engager les peuples et créer peu à peu une conscience européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Nier cette réalité serait s'exposer à de graves déboires et renoncer à la transformer nous condamnerait à l'impuissance (Mêmes mouvements). Un mot sur les enjeux de la crise irakienne : le lendemain des attentats du 11 septembre, des experts apparus subitement sur toutes les ondes ont clamé que le monde ne serait plus jamais comme avant. Il m'arrive de me demander ce qui a réellement changé. La psychologie des démocraties occidentales à coup sûr, ainsi que notre détermination à combattre le terrorisme, la situation à Kaboul et le renversement des Talibans. Mais tout reste à faire pour démanteler les réseaux terroristes ! La résolution des conflits régionaux, qui forment le terreau des extrémismes, n'a guère progressé, pas plus que la compréhension mutuelle entre nos Etats de droit et le monde arabo-musulman, travaillé par ses frustrations, ses complexes, ses déséquilibres et sa résistance à adopter le modèle universel que nous lui proposons et que certains veulent lui imposer. Rien n'a changé dans les relations entre pays riches et pays pauvres. Or comment extirper le terrorisme du monde tant que les écarts de développement resteront tels qu'ils sont ? Vaste programme, et c'est celui que le Président de la République défend sans relâche. Il faut mettre en place une véritable gouvernance mondiale, humaine, qui fasse progresser l'équité et permette ainsi, par exemple, de mieux maîtriser les mouvements de population. Il faut bâtir un monde multipolaire dans lequel l'Europe joue son rôle. Rien de cela n'est utopique. De timides projets s'esquissent, tels que la mise en place d'une juridiction pénale internationale. Le XXIe siècle pourrait bien prendre alors un nouveau cap. Une telle ambition devrait mobiliser autant d'énergies que la préparation de la guerre contre un Etat réputé voyou (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF). A toutes ces questions, la diplomatie française commence à apporter de bonnes réponses. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP apporte son soutien au Gouvernement avec enthousiasme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Philippe de Villiers - Cela a déjà été dit à maintes reprises : les Etats-Unis sont nos amis, et nous devons à cette grande puissance la franchise que commande l'amitié. Il y a quelques mois, nous avons tous exprimé aux Etats-Unis notre solidarité dans le combat contre le terrorisme islamique. Mais aujourd'hui nous constatons, au fil des discours de M. Bush, que les Etats-Unis ont ceci de particulier que la défense de leurs intérêts nationaux est inspirée à l'intérieur par la géopolitique et maquillée à l'extérieur par des considérations morales. Ce que les Etats-Unis cherchent à imposer au monde aujourd'hui est une guerre préventive. Mais cette guerre est-elle bien dans l'intérêt de la paix, et dans l'intérêt de la France ? La paix, MM. Bayrou et Juppé l'ont pertinemment rappelé, c'est le droit. Le droit international, ou droit des gens, est un ensemble de règles contraignantes. Il connaît des évolutions, mais n'a jamais cautionné la guerre préventive ; il n'accepte la guerre que comme légitime défense. Or, le droit international régit les relations entre de plus en plus de nations souveraines. Par une telle intervention les Etats-Unis entendent poursuivre leurs ambitions. Mais l'Amérique, c'est l'Amérique, l'Europe c'est l'Europe et la France est encore autre chose ! L'Irak est le maillon stratégique, pour les Etats-Unis, d'un calcul plus vaste. Il n'est pas légitime, quoi qu'on puisse penser par ailleurs du dictateur irakien, qu'un gouvernement cherche à mettre fin à un autre gouvernement parce qu'il est un obstacle à ses ambitions géopolitiques (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). La France possède une grande façade méditerranéenne et s'ouvre sur le monde arabe. Son intérêt n'est pas le même que celui des Etats-Unis et sa vocation a toujours été d'améliorer l'équilibre du monde. La France anticipe bien ce que sera, en cas d'intervention en Irak, le choc en retour de l'islamisme. Si elle veut éviter un conflit de civilisations, elle doit faire entendre sa voix singulière dans le monde. La guerre en Afghanistan était justifiée par la lutte contre le terrorisme islamique. Celle que veulent les Etats-Unis risque d'attiser les foyers d'extrémisme dans le monde. Ainsi que viennent de le montrer les élections au Maroc, l'islamisme se nourrit de la frustration du monde arabe, et la France doit le faire comprendre au reste du monde - et c'est d'ailleurs ce qu'il attend d'elle. J'appelle donc le Premier ministre et le Président de la République à opposer leur veto de principe à une intervention contre un pays souverain tant qu'il n'aura pas commis d'agression contre un autre Etat souverain afin d'éviter ce qui serait un formidable catalyseur de l'islamisme. Ce veto devra être pris en concertation avec nos partenaires, et peut-être partagé par la Russie et la Chine. Ainsi la France, et c'est son honneur et son originalité dans l'histoire, fera entendre la voix de la raison, la voix de l'équilibre, la voix de la France ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP) M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères - Que nous sommes loin des illusions de 1989, quand l'éclatement de l'Union soviétique et l'effondrement des régimes autoritaires en Europe permettaient d'espérer un monde plus apaisé et plus uni, un nouvel ordre mondial. L'Europe s'unifie et s'élargit, l'Alliance atlantique change de signification, il n'y a plus qu'une puissance capable d'agir partout, mais nous ne sommes pas en paix. Pour nous limiter aux conflits dans lesquels notre pays a été directement impliqué, rappelons la guerre du Golfe en 1991, les multiples crises des Balkans, la lutte contre le terrorisme international et les Talibans depuis 2001, notre participation aux combats en Afghanistan aux côtés des Etats-Unis. Aujourd'hui, une nouvelle fois, l'Irak revient au premier plan de nos inquiétudes. Depuis qu'il a envahi le Koweït en août 1990, il n'a cessé de se mettre en marge de la légalité internationale. Après la guerre du Golfe, une série de résolutions du Conseil de sécurité lui ont imposé des obligations, et des inspections mandatées par l'ONU ont permis un début de démantèlement de son potentiel militaire. En 1998, face à l'obstruction irakienne, ces inspections utiles ont cessé. Depuis quatre ans, les résolutions du Conseil de sécurité ne sont pas respectées et la communauté internationale est incapable d'évaluer exactement la reconstitution du potentiel militaire irakien de destruction massive, dont l'existence ne peut guère être contestée. Il a fallu les attentats du 11 septembre 2001 pour qu'elle s'en préoccupe à nouveau. Que l'action du gouvernement irakien constitue une menace pour la paix, qui peut le mettre en doute ? L'Irak doit donc être mis hors d'état de nuire, ce qui ne doit pas signifier que l'objectif soit de renverser son régime. Le débat au sein de la communauté internationale porte sur le rôle des Nations unies dans l'autorisation du recours à la force : ou bien considérer, comme les Américains, qu'il appartient au Conseil de sécurité des Nations unies de voter une résolution unique, permettant à la fois de reprendre, en l'étendant, la mission des inspecteurs sur le terrain, et de prévoir un recours automatique à la force en cas de non-respect par l'Irak de ses obligations ; ou bien, comme le demande la France, subordonner le recours à la force à une seconde résolution du Conseil de sécurité, constatant que la première n'a pas été respectée. Cela ne signifie pas que la France s'opposerait à ce que la première résolution mette en place un régime d'inspection plus contraignant. Il faut, plus que jamais, respecter la légalité internationale et ne rien faire qui, sous couvert de lutter contre le désordre, aboutirait à l'aggraver. C'est toute l'inspiration de la politique de notre pays : lutter contre tous les risques pour la liberté et pour la paix, certes, mais en respectant scrupuleusement la charte des Nations unies. Que les choses soient bien claires ! La France n'est pas hostile à l'Irak en tant que nation, et si elle condamne la violation par son gouvernement des résolutions du Conseil de sécurité, elle n'en rend pas responsable le peuple irakien lui-même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). La France n'est pas davantage motivée par un sentiment de défiance envers les Etats-Unis d'Amérique, qui sont ses alliés. Elle comprend leurs préoccupations mais elle leur demande de les faire valoir dans un cadre politique et juridique incontestable. La France sait qui elle est, et où elle est. Elle a critiqué, en son temps, l'action des Etats-Unis au Vietnam : qui ne se souvient du discours de Phnom Penh, et que de Gaulle avait raison ? Mais elle l'a soutenue dans la crise de Berlin, dans celle de Cuba, dans la guerre du Golfe, et aussi depuis 2001 contre le terrorisme international. Personne n'est en droit de nous donner des leçons de solidarité. La France entend prendre toute sa part d'une action favorable au respect du droit, mais dans le cadre et sous le contrôle des Nations unies. Elle n'est pas favorable à la conduit d'une guerre préventive, déclenchée contre l'Irak. Il ne s'agit pas là, comme on le prétend chez certains de nos partenaires, d'un état d'esprit « munichois » ; il ne s'agit pas de céder, mais de procéder par étapes, en respectant le droit, en veillant à ce qu'une éventuelle intervention militaire soit bien préparée, sans quoi elle risquerait d'embraser le Proche-Orient et d'être condamnée par une grande partie du monde. Je sais, Monsieur le Premier ministre, qu'on vous pose beaucoup de questions : allons-nous, associés ou non à d'autres, déposer notre propre résolution au Conseil de sécurité ? Voterons-nous contre la résolution américaine ou nous abstiendrons-nous ? Si la résolution américaine était votée, participerions-nous aux mesures de contrainte militaire qui pourraient s'en suivre ? Et si celle-ci n'était pas votée, que ferions-nous au cas où les Américains interviendraient quand même ? Enfin, si le principe d'une seconde résolution était voté, et que l'Irak ne respectât pas la première, prendrions-nous part à une intervention militaire ? A toutes ces questions, je comprends que vous ne répondiez pas aujourd'hui. M. Paul Quilès - A quoi sert le Parlement ? M. le Président de la commission des affaires étrangères - Pour agir, notre diplomatie a besoin de s'adapter aux circonstances, il ne lui convient pas de s'enfermer publiquement dans des syllogismes simplistes et des positions rigides, à l'inverse d'autres. Mais je suis certain que, le moment venu, vous tiendrez à revenir devant notre assemblée. Si nous ne recherchions pas des solutions dans le cadre de la légalité et avec l'appui de la communauté internationale, quel sens aurait notre action aux yeux du monde ? Elle serait gravement entachée du soupçon de partialité et pourrait entraîner, à l'inverse du but recherché, une nouvelle flambée terroriste remettant en cause la lutte internationale contre ce fléau. Ce combat, prioritaire depuis le 11 septembre, ne peut réussir que s'il est mené collectivement et au nom du droit. C'est la voie que, sous l'impulsion du Président de la République, le Gouvernement a choisi de suivre et je m'en félicite. Je m'en réjouis d'autant plus que, loin d'être isolée dans ses efforts, la France voit son analyse partagée par un nombre croissant de pays. Déjà, elle a contribué à éveiller la conscience internationale. Les Etats-Unis admettent que la priorité n'est pas de renverser un régime, mais de faire cesser le danger qu'il représente. Depuis hier, leur président ne considère plus la guerre comme seule solution à la crise. Notre choix n'est pas celui de la résignation. Nous souhaitons au contraire mettre en place un nouvel ordre du monde, dans lequel les plus puissants seraient, eux aussi, soumis au droit. C'est en ceci que, dans un moment aussi décisif, la position de la France est importante. Elle est importante pour le monde qui doit faire face à des tentatives de déstabilisation, qu'elles viennent de certains Etats ou d'organisations criminelles. Elle est importante pour l'ONU qui doit démontrer son efficacité et son autorité. Elle est importante pour l'Europe, qui a encore beaucoup d'efforts à accomplir pour harmoniser les positions des Etats qui la composent. En l'occurrence, comme nous sommes loin d'une politique étrangère et de sécurité commune et comme je regrette que la position médiane définie par la France n'ait pas encore recueilli l'assentiment général ! Que ce soit un motif, non de nous décourager, mais de persévérer. A-t-on assez dit qu'il fallait soumettre la mondialisation à des règles ! C'est vrai dans le domaine économique et monétaire, mais ce l'est tout autant dans le domaine politique et militaire, afin d'éviter les risques de désordre et de conflit. La France, sans être la plus puissante, peut jouer un grand rôle moral et politique au service de la légalité internationale. Elle le fait inlassablement, donnant l'exemple de la persévérance - comment ne pas évoquer le travail accompli par le ministre des affaires étrangères ? - et du souci de l'équilibre. La France a montré l'exemple, je m'en félicite, je vous en félicite. Dans son action, le Gouvernement rencontre un large accord de l'opinion publique, qui se réjouit de le voir défendre le droit, sans refuser par principe de recourir à la force si cela devenait nécessaire. Monsieur le Premier ministre, que ce débat soit pour vous un encouragement à poursuivre l'action dans la direction que vous avez définie et mise en _uvre à l'instigation du Président de la République. Elle est conforme à l'intérêt de la France, au respect de la légalité internationale, à la garantie de la paix (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Baroin remplace M. Debré au fauteuil présidentiel PRÉSIDENCE de M. François BAROIN vice-président M. Guy Teissier, président de la commission de la défense - L'organisation de ce débat est une initiative très opportune ; elle ne permet pas seulement à la représentation nationale d'être informée : elle montre que la politique du Gouvernement reçoit un très large soutien sur tous ces bancs. Sous diverses formes, de tels débats ont eu lieu chez nos voisins. Il eût été paradoxal qu'on ne fasse pas de même en France. Notre pays a sa propre politique, il ne se borne pas à suivre la ligne arrêtée par les Etats-Unis. Monsieur le Premier ministre, vous avez rappelé les principes qui, définis par le Président de la République, guident votre politique. Membre permanent du Conseil de sécurité, la France est en mesure de prendre des initiatives pour proposer des solutions alternatives au recours à la force. C'est à l'ONU seulement qu'il appartient de décider. Ce principe est maintenant admis par les Etats-Unis, et il faut s'en féliciter. En revanche, les propositions de résolution présentées par la diplomatie américaine ne sont pas satisfaisantes. Il est prématuré d'envisager l'usage de la force qui, à nos yeux, n'est pas un objectif, mais un ultime recours. La position française est judicieuse. Il faut, comme l'a dit le ministre des affaires étrangères, « prendre Saddam Hussein au mot ». L'Irak a accepté le retour des inspecteurs de l'ONU ; le Conseil de sécurité est donc placé au c_ur du processus. La France pourrait proposer que le Conseil adopte une première résolution permettant le contrôle effectif des activités irakiennes en matière d'armes de destruction massive ; en cas d'échec, une seconde résolution envisagerait le recours à la force. Deux autres membres permanents du Conseil - la Russie et la Chine - partagent cette approche. Un consensus plus large est encore possible. J'insiste également sur le versant européen du problème : membre fondateur de l'Union, la France peut entraîner ses partenaires - on l'a vu à l'occasion de la rencontre récente entre le Président de la République et le Chancelier Schröder. Le soutien de l'Allemagne montre que les points de vue, en Europe, sont moins divergents qu'on ne l'a cru ces dernières semaines. La démarche équilibrée de la France représente une position médiane sur laquelle les Européens pourraient s'accorder. L'Europe montrerait ainsi sa volonté de devenir une entité plus forte sur le plan de la politique extérieure, de sécurité et de défense. L'Europe constitue le nouvel horizon de notre défense, laquelle est au c_ur des travaux de la convention sur l'avenir de l'Union présidée par Valéry Giscard d'Estaing. Sur un dossier de cette nature, il serait très significatif que les Européens s'expriment d'une seule voix à l'ONU. Forte de sa connaissance des pays arabes et musulmans, la France a un rôle particulier à tenir ; elle peut être écoutée quand elle explique la fermeté de la communauté internationale face à l'Irak. Evitons de provoquer un sentiment d'humiliation parmi les populations de la région : nous ne sommes pas dans un choc de civilisations, encore moins au début d'une « croisade ». Le désarmement de l'Irak constitue notre seul objectif. Nous ne cherchons ni à modifier les équilibres régionaux, ni à renverser Saddam Hussein. Nous ne devons d'ailleurs pas nous interdire de qualifier son régime. Il est de bon ton, dans certains milieux, de le présenter comme un système laïque et modéré, alors qu'il s'agit d'une dictature ! (Quelques approbations sur les bancs du groupe UMP) Néanmoins, le concept de sécurité préventive mis en avant par le Président Bush suscite des interrogations. S'agit-il d'une construction théorique a posteriori ou de la naissance d'une nouvelle doctrine, qui permettrait, à l'avenir, d'autres interventions à l'égard d'Etats « voyous ». Elle nous renvoie à l'état primitif du droit international, quand les juristes distinguaient guerres justes et guerres injustes ; elle nie le difficile progrès de la communauté internationale vers un ordre fondé sur le droit. La France et l'Europe s'honorent de défendre une autre conception. Pourquoi les Etats-Unis font-ils preuve d'une attitude aussi volontariste ? Ne sous-estimons pas les considérations géo-économiques. La crise irakienne ne risque-t-elle pas de révéler une évolution fondamentale de la stratégie d'alliances des Etats-Unis - ce qui, à terme, poserait la question du devenir de l'OTAN ? L'unilatéralisme américain ne cesse de s'affirmer depuis les événements du 11 septembre. On ne doit pas le confondre avec la résurgence périodique de leurs tendances isolationnistes. Ce pays accorde moins d'intérêt désormais à la sécurité de notre continent. Le progrès de la défense européenne n'en est que plus urgent. Il appartient à la commission de la défense de réfléchir aux conditions dans lesquelles nos forces pourraient être impliquées, à l'avenir, dans des interventions collectives décidées par le Conseil de sécurité. Une intense activité diplomatique ne contredit pas une réflexion sur nos capacités militaires. Si la France entend peser sur les événements, elle doit disposer d'une force militaire qui corresponde à son action diplomatique. Notre posture exprime un nouveau mode de gouvernance, respectueuse de la primauté du droit international, consciente des réalités stratégiques et géopolitiques. Le pragmatisme caractérise un gouvernement qui place l'homme au-delà de toute autre considération. Oui, la politique définie par le Président de la République et mise en _uvre par le Gouvernement est juste, équilibrée. Elle doit être approuvée sans réserve. Je souhaite que la représentation nationale soit régulièrement informée de tout nouveau développement. Nous pouvons compter sur la disponibilité du Gouvernement ; il peut compter sur notre soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. le Président - Le débat est clos. M. Paul Quilès - Il n'a pas commencé ! M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - Je remercie l'ensemble des orateurs et rends hommage à la qualité de leurs interventions. Vous avez noté les progrès de notre diplomatie ; vous avez exprimé les convictions et les interrogations légitimes de la représentation nationale. Face au péril majeur que connaît le monde, la France sait rester unie et dépasser les clivages traditionnels. Ce fut le cas au lendemain du 11 septembre ; c'est aujourd'hui le cas face à la crise irakienne. La France a une responsabilité particulière et des devoirs vis-à-vis de la communauté internationale, des solidarités, des amitiés, un rôle éminent au Conseil de sécurité. Aujourd'hui, la menace existe en Irak - Alain Juppé l'a bien montré : on peut s'interroger sur ses degrés, non sur sa réalité. Elle est d'autant plus grande que les armes prohibées seraient à la disposition d'un dictateur - et Saddam Hussein a déjà montré de quoi il était capable. Certes, des incertitudes demeurent, et il appartient à la communauté internationale de faire en sorte que les inspections interrompues en 1998 puissent reprendre, afin que la menace soit aussi définie que possible. Selon Hans Blix, en tout cas, le président de la commission de contrôle, « s'il n'y a pas de preuves irréfutables, il y a bien une menace ». Certes, évitons l'amalgame, évitons d'assimiler la menace d'aujourd'hui au terrorisme ; certes, nous devons prendre en considération la situation de l'Irak, pays fragile dont l'unité peut être facilement menacée - au nord, avec les Kurdes, au sud, avec les chiites. Vous connaissez le contexte régional, éminemment dangereux : tensions au Proche-Orient, tensions entre l'Inde et le Pakistan. Nous devons inscrire notre action dans la durée, comme Madame Buffet l'a justement observé. Un problème humanitaire se pose avec acuité et nous ne pouvons rester indifférents à la détérioration de l'état des populations irakiennes - et c'est pourquoi nous avions soutenu la formule « pétrole contre biens de consommation ». Alors, que faire ? M. Ayrault l'a souligné, des tentations existent : considérer que la sécurité seule résoudra toutes les questions. Or tel n'est pas le cas, même si le recours à la force peut se révéler quelquefois nécessaire, comme en Afghanistan. Autre tentation, l'action unilatérale préventive. Le danger est alors grand de modifier en profondeur l'équilibre de la communauté internationale, d'y introduire une rupture. Existe aussi la tentation du changement de régime. Mais quels critères retenir ? Qui peut dire qu'un régime est satisfaisant ou non ? Le risque serait grand d'ouvrir ainsi une brèche dans l'ordre international, ce qui conduirait à bien des aventures. Face à ces tentations, il n'y a pas de fatalité. Mme Buffet l'a dit. Au contraire, s'ouvre pour chaque Etat l'exercice éminent de la responsabilité et de la volonté. Il appartient donc à notre pays de jouer tout son rôle. Dans cette entreprise difficile, il convient de partir de nos liens privilégiés avec les Etats-Unis, de ces liens d'unité évoqués par Alain Juppé et François Bayrou et qui nous ont permis de comprendre le choc ressenti par les Américains le 11 septembre. Mais ce n'est pas sous le coup de l'émotion qu'il faut décider de l'action internationale. Il nous revient maintenant de définir une ligne diplomatique propre à maintenir un ordre, en répondant à un certain nombre d'exigences, qu'ont précisées MM. Balladur et Juppé. D'abord, la détermination qui consiste à se concentrer sur un objectif simple : le retour des inspecteurs et l'élimination des armes de destruction massive. Cette détermination est au c_ur de l'action du Conseil de sécurité et des préoccupations des Nations unies, elle est contenue aussi dans le message délivré par le Président Bush à la tribune de l'assemblée générale des Nations unies. Ensuite, la justice : en nous concentrant sur l'objectif irakien, nous ne devons pas oublier les autres crises, à commencer par celle du Proche-Orient, dans laquelle nous exerçons une responsabilité particulière. Nous avons en effet joué tout notre rôle dans l'adoption de la résolution 1435, destinée à obtenir la levée du siège de la Moqataa et à rouvrir une perspective politique, sous l'impulsion du « quartet » au sein duquel l'Union européenne est particulièrement active. Dans ce sens, nous continuons à défendre le projet d'une conférence internationale, qui redonnerait espoir aux peuples de la région. Dans ces conditions, il importe de ne nous priver d'aucun de nos atouts. M. Ayrault invite à brandir notre veto, qui est effet une prérogative de chaque membre du Conseil de sécurité. Mais la France, ce faisant, se priverait de sa capacité de peser sur le jeu international, de défendre une ambition et une initiative. Evitons aujourd'hui de nous lier les mains. M. Balladur l'a rappelé, elle a besoin de s'adapter aux circonstances, pour faire prévaloir sa vision de l'ordre international. François Bayrou l'a dit, l'enjeu dépasse le cas de l'Irak. Il s'agit de l'ordre mondial, de l'unilatéralisme ou du multilatéralisme, de la force ou du droit. La France, Edouard Balladur l'a rappelé, est dans le camp du droit. Nous y agissons avec nos alliés traditionnels. l'Union européenne a aujourd'hui pour objectif commun le retour les inspecteurs et l'élimination des armes de destruction massive. Au-delà nous travaillons à garder le contact avec nos solidarités traditionnelles, le tiers-monde, les pays arables. Il est important de maintenir un trait d'union, et de ne pas céder à la tentation de couper avec ces gouvernements et avec ces peuples. C'est ce que nous faisons en permanence. Notre vision s'appuie sur la réalité d'un monde marqué par l'interdépendance. Des urgences nous pressent : l'Irak en fait partie, mais il en existe d'autres : le Proche-Orient, l'Afghanistan, l'Afrique. Il faut faire le lien entre elles. Nous avons aussi le souci de préserver l'unité de la communauté internationale et celle du Conseil de sécurité, qui garantit la légitimité de l'action. Voilà pourquoi nous soutenons une démarche en deux temps. D'abord, une résolution destinée à préciser les arrangements pratiques qui permettront le retour des inspecteurs. Cette première démarche doit recueillir le consensus du Conseil de sécurité, car c'est la seule façon d'adresser un message clair et fort à Saddam Hussein. On l'a vu, quant la communauté internationale est unie, ce message est bien reçu. Si Saddam Hussein n'obtempère pas, si l'action des inspecteurs est entravée, nous aurions alors, dans une deuxième résolution, à en tirer toutes les conclusions. Le Conseil de sécurité examinera alors toutes les options, et chaque membre prendra ses responsabilités. Dans ce processus d'une résolution à l'autre, le Gouvernement, les opinions publiques pourront prendre la mesure de la situation telle qu'elle est. Il y a là une démarche de pédagogie et de responsabilité. L'efficacité de l'action diplomatique dépend de la qualité de ce processus. Aussi convient-il que la première résolution ne contienne pas de clause de recours automatique à la force. Les inspecteurs pourront ainsi jouer tout leur rôle et nous pourrons nous appuyer sur la qualité des équipes de MM. Hans Blix et El Baradeï. Leur compétence est éprouvée. Entre 1991 et 1998, les inspecteurs des Nations unies ont permis d'éliminer un grand nombre d'armes de destruction massive, davantage que pendant la guerre du Golfe. Entre le Conseil de sécurité et les inspecteurs doivent se nouer des rapports confiants et réguliers. Le Conseil de sécurité pourra ainsi prendre ses responsabilités en connaissance de cause. Il importe grandement à la diplomatie française de conserver sa capacité de décision à chaque étape. Evitons de brandir un veto quand nous pouvons contribuer à définir une position commune vis-à-vis de l'Irak. La France se réjouit des progrès réalisés ces dernières semaines, grâce aux conversations au sein du Conseil de sécurité. Nous voulons croire que la détermination de la communauté internationale, que la conviction partagée par l'ensemble des membres du Conseil de sécurité, nous permettront de trouver dans les prochains jours les voies et moyens d'un message fort adressé à Saddam Hussein (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. le Président - La déclaration du Gouvernement sur la question de l'Irak est terminée. Prochaine séance ce soir, à 21 heures 30. La séance est levée à 18 heures 40. Le Directeur du service Le Compte rendu analytique Préalablement,
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