Session ordinaire de 2002-2003 - 30ème jour de séance, 80ème séance 3ème SÉANCE DU MARDI 26 NOVEMBRE 2002 PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER vice-présidente Sommaire La séance est ouverte à vingt et une heures. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE (suite)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle adopté par le Sénat relatif à l'organisation décentralisée de la République.
ART. 6 (suite) Mme la Présidente - Je rappelle qu'à la demande du groupe socialiste, les votes sur l'amendement 197 rectifié, sur les amendements 198, 199, les sous-amendements 242, 243, et sur l'article 6, donneront lieu à des scrutins publics. Ces scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée. M. Augustin Bonrepaux - La question essentielle que pose l'article 6 est de savoir comment se feront les transferts de compétences et de quelles ressources ils seront accompagnés. La rédaction de l'article - « Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. » -, même amendée par la commission des lois, est en retrait par rapport à ce que nous connaissons actuellement. En effet, comme le rappelle le rapport de la commission des finances, les règles applicables en la matière sont fixées par le code général des collectivités locales : « Tout accroissement net de charges résultant d'un transfert de compétences effectué entre l'Etat et les collectivités locales est accompagné du transfert concomitant par l'Etat aux communes, aux départements, aux régions, des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences. » Notre amendement 197 rectifié substitue aux mots « qui étaient consacrées » les mots « nécessaires à leur exercice et indexées sur celles ». Il y a évidemment une grosse différence entre les ressources « qui étaient consacrées » et celles qui sont « nécessaires ». Je prendrai comme premier exemple de transfert celui des personnels de l'éducation nationale. Car jusqu'à présent, on transférait surtout des investissements, qui peuvent être étalés dans le temps, et maintenant, on propose de transférer des dépenses de fonctionnement - qui devront être absorbées l'année même du transfert. Ces personnels sont-ils en nombre suffisant ? Non. Le seront-ils en 2003 ? Non, car dans le budget des crédits disparaissent. Les départements ou les régions qui prendront en charge ce transfert devront donc augmenter les impôts locaux. Moyennant quoi le Gouvernement pourra tenir les promesses du candidat Chirac d'alléger l'impôt sur le revenu. Deuxième exemple, les transferts liés aux routes nationales. Je suis élu d'un département de montagne où la seule route nationale est fermée de 21 heures à 6 heures pendant l'hiver, car l'Etat ne dispose pas des moyens nécessaires pour assurer le déneigement - et en outre, 700 postes d'agents seront supprimés en 2003. Quels seront donc les moyens transférés ? Comment et par qui seront-ils appréciés ? Comment seront-ils indexés si les charges augmentent, ce qui est à craindre ? Nous nous trouvons devant un risque certain d'augmentation de la fiscalité locale. M. Pascal Clément, président et rapporteur de la commission des lois - Avis défavorable. M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. On ne peut donner aux collectivités territoriales un « droit de tirage » sur le budget de l'Etat. Le transfert des compétences impliquant un transfert de responsabilités, c'est à la collectivité d'assumer ses choix de dépenses et de prélèvements de recettes. C'est tout le sens de la décentralisation. M. René Dosière - La commission a été fort elliptique. Lorsque nous étions au pouvoir, nous avons, nous dit-on, transféré des charges aux collectivités sans leur transférer les ressources équivalentes. C'est vrai, en partie. Mais vous institutionnalisez ce type de transfert - alors que nous avions procédé par une loi ordinaire. Une fois que les dispositions seront inscrites dans la Constitution, on ne pourra plus y revenir. Vous prétendez notamment que le gouvernement Jospin a transféré les charges concernant l'APA. C'est faux ! Cette compétence relevait déjà des collectivités locales, avec l'allocation compensatrice et la PSD. Et même si le transfert dont vous parlez avait vraiment eu lieu, puisque vous ne cessez de répéter que cela coûte cher aux collectivités, nous vous proposons une indexation à même de résoudre de telles difficultés. Autre exemple, une fois que les ATOSS ou les médecins scolaires auront été transférés et seront devenus des fonctionnaires territoriaux, c'est l'Etat qui décidera des augmentations de leurs traitements. MM. Dominique Dord et Guy Geoffroy - C'est déjà le cas ! M. René Dosière - Certes, le Président de cette assemblée considère que cette révision constitutionnelle n'est pas nécessaire, mais puisque vous la faites, allez jusqu'au bout, assumez vos responsabilités au lieu de pérenniser les erreurs que vous dénonciez hier ! Sur ce point important, je souhaite que le président de la commission des lois nous réponde même si, en matière de finances locales, cette commission a abandonné toutes ses prérogatives à la commission des finances. M. Didier Migaud - Je ne suis satisfait ni de la réponse du ministre ni de l'absence de réponse du président de la commission. En fait, on voit bien avec cet alinéa que le but poursuivi ici est d'offrir une respiration à l'Etat et non de transférer des compétences aux collectivités locales. Et, pas plus que M. Dosière, je ne comprends, Monsieur le président de la commission des lois, que vous acceptiez que l'on inscrive dans la Constitution un dispositif que vous n'avez eu de cesse de combattre. Nous savons tous pertinemment que si l'Etat n'y consacre pas les moyens nécessaires, le transfert des compétences ne sera qu'un marché de dupes. Mme Comparini, présidente du conseil régional de Rhône-Alpes sait bien que les régions consacrent aujourd'hui à la construction de lycées trois fois plus d'argent que l'Etat ne le faisait avant le transfert (Mme Anne-Marie Comparini acquiesce). M. Dominique Dord - L'Etat ne paie pas, mais vous ne voulez rien changer... M. Didier Migaud - Après avoir abandonné ses prérogatives au Sénat, l'Assemblée s'apprête avec cette disposition à empêcher les collectivités d'exercer pleinement leurs compétences et à les contraindre à augmenter les impôts locaux. Etes-vous prêts à l'assumer sur le terrain ? Je vous le demande donc avec insistance, pourquoi avez-vous changé d'avis, Monsieur le président de la commission des lois ? Comment pouvez-vous, Monsieur le président de la commission des finances, vous qui avez dénoncé le danger de telles mesures sous la précédente législature, accepter qu'elles soient désormais inscrites dans notre Constitution ? M. le Rapporteur - Votre amendement repose sur l'idée que seules des dotations financeraient les compétences nouvelles et quand on voit comment vous procédiez, on comprend que vous souhaitiez l'indexation de ces dotations... Pour notre part, nous considérons que deux impôts nationaux à haut rendement doivent financer ces compétences. M. René Dosière - Lesquels ? M. le Rapporteur - Je ne le sais pas encore. M. Alain Néri - Vous voulez nous faire acheter un âne dans un sac ! (Sourires) M. le Rapporteur - Deux impôts comme la TIPP permettraient de résoudre toutes les difficultés. Mais la méthode que vous proposez, je ne puis y être favorable, d'autant que l'on sort d'en prendre... A la majorité de 48 voix contre 20, sur 68 votants et 68 suffrages exprimés, l'amendement 197 rectifié n'est pas adopté. M. le Rapporteur - Pour ne pas m'attirer les sarcasmes, je rappelle que j'ai indiqué en commission que je déposais l'amendement 16 afin de le retirer en séance. M. Alain Néri - Qu'est-ce que c'est que ce charabia ? M. le Rapporteur - Ce « charabia », comme vous le dites aimablement, signifie qu'il y a dans nos débats une partie longue, fastidieuse et sans intérêt, à l'origine de laquelle vous êtes, et une partie extrêmement utile, qui constitue les travaux préparatoires et qui peut éclairer le Gouvernement et le juge constitutionnel, s'il était saisi. En fait, je souhaite que le Gouvernement prenne l'engagement que chaque délégation d'une nouvelle compétence s'accompagnera d'une délégation de recettes. Comme je l'ai indiqué, je retire l'amendement. M. Augustin Bonrepaux - Je le reprends ! M. le Garde des Sceaux - Je réponds à M. Clément, afin que cela figure au compte rendu et fasse ainsi partie du corpus constitutionnel. S'agissant de la part déterminante des ressources propres, le Gouvernement non seulement souhaite inscrire un principe dans la Constitution, mais il propose une méthode pour y parvenir. La loi organique, à laquelle renvoie l'alinéa précédent, fixera, selon un échéancier précis, les conditions dans lesquelles le principe de la part déterminante sera progressivement appliqué. La loi organique intégrera les compétences nouvellement transférées et les ressources correspondantes, de manière à ce que l'équilibre global des finances locales soit le plus rapidement possible restauré en faveur de leurs ressources propres, en particulier fiscales. En revanche, imposer que pour chaque nouvelle compétence la part des ressources propres soit déterminante serait une contrainte superflue. C'est pourquoi je me félicite que le rapporteur ait retiré cet amendement. M. Augustin Bonrepaux - L'attitude du rapporteur prouve que notre motion de renvoi en commission était justifiée... Il mange son chapeau sur cet amendement, que nous aurions voté puisqu'il précise que tout transfert de compétences doit se faire dans des conditions garantissant l'autonomie financière des collectivités. Voulez-vous vraiment garantir cette autonomie, ou seulement donner l'illusion que vous tenez vos promesses ? Les textes examinés en première lecture par le Sénat ne sont pas forcément bons... Cet amendement apportait une amélioration : le président de la commission des lois pourrait-il nous expliquer un peu mieux pourquoi il le retire ? Le président de la commission des finances a déjà dû s'incliner à deux reprises. Peut-être y aura-t-il une troisième fois avant que le coq chante ! M. René Dosière - Je voudrais poser deux questions. Monsieur le ministre, vous venez de nous dire, me semble-t-il, que la loi organique fixerait les règles concernant la « part déterminante ». Alors pourquoi avez-vous tout-à-l'heure insisté auprès de votre majorité pour repousser l'amendement de M. Méhaignerie, abandonné mais repris par M. de Courson, qui justement le précisait ? Monsieur le rapporteur, vous nous avez indiqué que, lorsqu'il y aura transfert de compétences, il y aura transfert de fiscalité, et pas seulement de dotations. Mais alors pourquoi vous êtes-vous opposé tout à l'heure à l'amendement de M. Balligand ? M. le Rapporteur - Je n'ai pas dit cela. Mme. la Présidente - Je mets aux voix l'amendement 16 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) L'amendement 16, mis aux voix, n'est pas adopté. M. André Chassaigne - L'adoption de notre amendement 109 corrigé serait un moyen pour la majorité de démontrer sa volonté que les transferts de compétences s'accompagnent de transferts de ressources. En effet nous proposons que le Gouvernement dépose chaque année sur le bureau des deux assemblées un rapport retraçant le coût des compétences transférées et l'évolution des ressources attribuées pour leur exercice. Refuser cela serait une preuve de mauvaise foi. M. le Rapporteur - Une telle disposition, même si elle était fondée - et à mon avis, elle ne l'est pas - ne peut en aucun cas figurer dans la Constitution. M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable pour le même motif. Insérer cela dans la Constitution ferait rire les constitutionnalistes du monde entier ! M. Augustin Bonrepaux - Ils ont déjà des raisons de rire ! L'amendement 109 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Pierre Méhaignerie, président et rapporteur pour avis de la commission des finances - Le traumatisme de l'APA est dans toutes nos têtes. Il y a quelques mois, j'avais interpellé Mme Guigou en lui disant qu'il était évidemment très agréable de faire des lois lorsqu'on envoyait la facture à d'autres... Notre collègue Jean-Yves Chamard s'est posé la question de savoir si le passage de la PSD à l'APA correspondait à une création ou à une extension de compétences ; la commission des finances a conclu que ce pouvait être considéré comme une extension - donc comme une dépense non compensée, atteignant 2,5 milliards d'euros. C'est pourquoi nous proposons de rédiger après le début de la dernière phrase de l'avant-dernier alinéa : « Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée... ». En effet cette réforme ne réussira pas si nos compatriotes ont le sentiment qu'elle entraîne une nouvelle progression de la dépense locale. Nous proposerons d'autres verrous dans la loi organique. Ce que n'a pas fait le gouvernement d'hier, le gouvernement de demain devra le faire. Il faut se protéger des ministres dépensiers : les contribuables n'acceptent plus une opération comme l'APA, qui met en cause la crédibilité de l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je souhaite donc que le Gouvernement soutienne cet amendement. M. Augustin Bonrepaux - L'amendement 24 n'a qu'une faible portée. Peut-être le président de la commission des finances veut-il se donner bonne conscience, après avoir dû retirer deux amendements particulièrement importants ? Nous voulons toutefois tenter d'améliorer le texte par le sous-amendement 242. Les groupements de collectivités sont singulièrement absents de cette loi constitutionnelle. Certaines mesures remettent même en cause la coopération intercommunale ; ainsi le blocage du critère d'intégration fiscale adopté en commission des finances. Mais ces collectivités existent pour certaines depuis trente ans, et elles ont des compétences de plus en plus étendues, notamment dans les domaines sociaux, éducatif et économique. Comment expliquer qu'elles soient absentes de lois sur la décentralisation ? A moins qu'on ne veuille revenir sur l'intercommunalité... Il est vrai que vous étiez opposés aux lois de 1992 et de 1997 et que votre esprit ne vous pousse pas à la modernité (Rires sur les bancs du groupe bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Vous parlez beaucoup aujourd'hui de l'APA, mais qui a voté contre à l'époque, qui a dit que c'était une mauvaise loi ? Je n'ai entendu que le contraire ! Je vous rappelle que l'APA est financée pour une part par les économies réalisées sur la prestation sociale dépendance - les sommes consacrées par les départements à l'aide sociale ayant baissé du fait de la PSD, il était normal que les départements fassent un effort supplémentaire - (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) et que le reste devait être pris en charge à parité par l'Etat et les départements. L'APA est une allocation de service, qui se traduit par des créations d'emplois, lesquelles engendrent des ressources pour l'Etat, par le biais de la fiscalité, et pour la sécurité sociale. M. Dominique Dord - Parlons-en ! M. Augustin Bonrepaux - Il ne faut pas laisser aux seuls départements le rôle de redresser la sécurité sociale ! J'ajoute que les départements contribuent avec l'APA à lutter contre le chômage. M. Jacques Le Guen - A quel prix ! M. Augustin Bonrepaux - Il me semble normal que l'Etat continue à participer, comme il l'a fait sous le gouvernement précédent. Ou alors, dites-nous en face que vous voulez réduire sa participation et augmenter celle des personnes âgées ! M. Jacques Le Guen - On ne peut pas faire autrement ! C'est une honte ! M. Augustin Bonrepaux - D'un côté on baisse l'impôt sur le revenu pour les plus riches... (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) ... et de l'autre on fait participer les plus défavorisés ! Assumez-en la responsabilité. Nous avons le sentiment d'avoir pris une bonne mesure, qui est appréciée. Mais pour qu'une réforme réussisse, il faut y mettre les moyens ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Vous préférez réduire les recettes de l'Etat en baissant l'impôt sur le revenu, mais en promettant que les services publics vont mieux fonctionner. La seule solution pour cela, c'est de les transférer vers les départements ! M. Guy Geoffroy - Ça, vous savez faire ! M. Augustin Bonrepaux - Votre politique fiscale tue les services publics, et les manifestations d'aujourd'hui le montrent bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Mme la Présidente - Votre comportement va finir par me faire regretter d'avoir accepté de présider ce soir ! M. le Rapporteur - Au risque de faire souffrir notre présidente, je dois répondre à chacun. La proposition de M. Bonrepaux peut être exécutée d'un mot rapide, car il est entendu qu'il ne s'agit absolument pas de déléguer des nouvelles compétences à des groupements, mais à des collectivités locales. En ce qui concerne l'amendement de la commission des finances, je rends les armes... M. Augustin Bonrepaux - Pour la portée qu'il a ! M. le Rapporteur - ... et m'incline devant le président de la commission. J'ai affirmé que la réforme que nous menons nous permettrait de faire déclarer l'APA anticonstitutionnelle si nous saisissions le Conseil constitutionnel. C'était une erreur. Cela aurait été le cas pour une compétence nouvelle, mais non pour une extension : les départements sont en effet déjà en charge des personnes âgées. C'est donc très volontiers que je me range à l'avis de la commission des finances. Dans ma région, en Rhône Alpes, tous les départements sauf le mien ont connu une augmentation à deux chiffres de la fiscalité en deux ans. Sur l'ensemble des départements français, je ne crois pas qu'il y en ait beaucoup qui restent en dessous des deux chiffres. M. Alain Gest - Nous sommes au moins deux ! M. le Rapporteur - Quand on a vécu un transfert pareil, on peut s'insurger contre le discours politiquement correct selon lequel cette loi ne peut être que bonne ! Comment quelqu'un dont la retraite atteint 20 000 F par mois peut-il bénéficier de la solidarité nationale ? Je critique cela, et publiquement ! Une de mes voisines, dans le village dont j'étais maire jusqu'à l'an dernier, m'a dit qu'elle bénéficiait jusqu'à présent de quatre heures de ménage. On l'oblige dorénavant à en avoir douze - c'est douze ou rien ! - et « elle en a marre, pour la citer, d'avoir un bourdon dans sa cuisine » ! Je critique cela, publiquement. Votre loi est coûteuse, mal adaptée, excessive et injuste, je n'ai pas honte de vous le dire. Elle est faussement généreuse et systématique, comme le sont souvent vos textes. Je souhaite donc que l'Assemblée vote l'amendement de la commission des finances, parce que votre texte nuit à la crédibilité de l'ensemble des élus locaux. Il est facile de dire que ce n'est pas vous qui augmentez les impôts locaux, mais que vous y êtes obligés par les mesures du Gouvernement : le contribuable, lui, pense « tous les mêmes » ! Et vous avez le culot de présenter amendement sur amendement pour défendre les ressources des collectivités locales ? Vous avez toute honte bue ! Il faut verrouiller la Constitution pour qu'aucun gouvernement ne puisse refaire une chose pareille (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. le Garde des Sceaux - Je partage l'indignation du président de la commission des lois. Si aujourd'hui les débats sur la décentralisation sont devenus difficiles, c'est parce qu'un gouvernement, celui de M. Jospin, s'est très mal conduit à l'égard des collectivités locales. Ce précédent reste dans toutes les mémoires (Applaudissements sur les bancs du groupe bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Un député UMP - C'est vrai ! M. Didier Migaud - C'est un mensonge ! M. le Garde des Sceaux - La rédaction initiale prévoyait que toute création de nouvelle compétence s'accompagnait de ressources déterminées par la loi. Dans l'esprit du Gouvernement, toute extension de compétence devait entraîner, dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, une augmentation des recettes. L'amendement de la commission des finances va donc dans notre sens. Je relève cependant qu'il présente un risque, si minime soit-il : c'est qu'une loi soit déclarée anticonstitutionnelle parce qu'elle entraînerait incidemment une très légère extension de compétence au profit d'une collectivité locale sans prévoir le transfert de ressources correspondant. Elle serait donc censurée pour une raison mineure. Cela aurait pour conséquence de restreindre le pouvoir législatif du Parlement et de rigidifier son exercice. M. Jacques Le Guen - Un mot pour soutenir l'amendement de la commission des finances. Dans mon département nous gérions 4 000 dossiers PSD : au 1er septembre nous en étions à 18 000 dossiers APA... Le coût supplémentaire est de 300 millions de francs, soit 32 points de fiscalité ! Comment veut-on que nous puissions assimiler cela ? Tel que je vous connais, Monsieur Bonrepaux, vous prétendrez que c'est la décentralisation qui est responsable de l'alourdissement de la fiscalité, alors que c'est la loi sur l'APA. Il y a là de votre part une véritable malhonnêteté intellectuelle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Alain Néri - Depuis le début de cette discussion j'avais cru comprendre que chacun cherchait la vérité, non sa vérité. Monsieur le président de la commission des lois, il faut être conséquent. Si vous pensez vraiment que le texte sur l'APA est une mauvaise loi, et que vous avez fait une erreur, comme à votre habitude (Protestations sur les bancs du groupe UMP), puisque vous l'avez votée, soyez logique et ayez le courage de la supprimer ! Si c'est une mauvaise réforme, mal vécue dans les départements, expliquez-moi pourquoi certains élus de la majorité ont fait une campagne, avec des affiches de quatre mètres sur trois, où l'APA devenait APDA : allocation personnalisée « départementale » d'autonomie ! Alors, soyez raisonnable ! Je veux rappeler aux collègues qui n'étaient pas là à l'époque pourquoi nous avons accepté qu'il n'y ait pas de condition de ressources très précises. C'est pour une raison essentielle : pour nous, comme pour certains de vos amis, l'APA était la dernière étape avant le cinquième risque. Quand celui-ci existera, il n'y aura pas plus de conditions de ressources que de recours sur succession. Alors, ne nous reprochez pas d'être un peu en avance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Mme Ségolène Royal - Comme Mme la Présidente ne peut pas s'exprimer sur ce grand chantier qu'elle a ouvert, je veux dire que nous sommes choqués par ce que nous dit M. Clément. Je ne sais pas s'il a mis de grandes affiches dans son département... M. le Rapporteur - Non, c'est vous, c'est l'Etat. Moi, je n'ai rien fait. Mme Ségolène Royal - Mais il est clair que l'APA rencontre un formidable succès auprès des personnes âgées. Ce débat montre bien l'absurdité de la méthode choisie par le Gouvernement pour décentraliser. Il aurait fallu commencer par évaluer les difficultés que rencontrent les collectivités locales dans l'exercice de leurs compétences actuelles, et, ensuite seulement, faire des lois simples de transferts de compétences, tout en confiant la solution de certains problèmes à la solidarité nationale. Sur l'APA un débat a eu lieu. Nous nous sommes demandé s'il fallait conserver une prestation départementale, ou créer un cinquième risque dans le cadre de la sécurité sociale. Ouvrons donc ce débat ! Mais si l'on commence par réformer la Constitution, tout en nous refusant les implications financières de ce que nous votons, on touche à l'absurde. Il fallait commencer par évaluer, voir ce qui marche et ce qui ne marche pas, ce qu'il faut rapprocher du terrain et ce qu'il faut au contraire faire remonter au nom d'exigences de solidarité nationale. C'est tout cela que nous reclamons depuis le début de ce débat. Enfin je ne crois pas que l'amendement 24 permettra, comme le soutient M. Clément, la sanction par le Conseil constitutionnel d'une création ou d'une extension de compétences. En effet il laisse intacte la phrase précédente avec son verbe à l'imparfait : les ressources qui « étaient consacrées »... Ainsi, chaque fois qu'un droit social nouveau sera ouvert, l'évaluation des dépenses ne correspondra pas à cette création, et le Conseil ne pourra pas davantage dans le futur sanctionner un non-transfert de ressources. Notre amendement, au contraire, permettait une évaluation au moment du transfert, en référence à l'exercice effectif des droits et prestations nouveaux. M. Jacques Bobe - Je suis scandalisé par les propos de Mme Royal sur l'évaluation, car vous n'en avez fait aucune avant la mise en place de l'APA. M. René Dosière - C'est faux. M. Jacques Bobe - Nous ne sommes pas contre les finalités de l'APA, mais contre les modalités de sa mise en _uvre. Il est anormal qu'il n'y ait pas plus de lien entre le niveau des ressources et celui de l'allocation ; qu'il y ait eu une si mauvaise prévision relativement aux différents GIR ; sans parler d'autres aspects, comme l'inadaptation de certaines aides aux situations de dépendance. C'est une loi faite à la hâte, pour des raisons électoralistes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste). Mme Hélène Mignon - Attribuer la création de l'APA à un souci électoraliste, c'est faire l'impasse sur tout le travail qui a précédé l'examen de cette loi. Cette loi que je suis fière d'avoir votée répondait à un besoin, et c'est bien pourquoi il y a tant de demandes. Comme élue de base, j'ai organisé des réunions dans ma circonscription dès le début de la discussion du texte à l'Assemblée. Je peux vous dire combien les personnes âgées et leurs familles étaient contentes de savoir qu'en cas de besoin, elles pourraient se faire aider pour rester chez elles. Et quand j'évoquais le risque d'une hausse des impôts locaux, elles en acceptaient la perspective, du moment qu'elles savaient où irait l'argent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Et je ne dis rien des emplois créés. Mme la Présidente - La parole est à M. Migaud M. Dominique Dord - J'ai demandé la parole avant ! Il faut regarder par ici, Madame la Présidente ! Mme la Présidente - Il y a deux amendements, et j'ai donné la parole à six orateurs, trois sur chacun : le Règlement est respecté. Je sais comment je dois présider. M. Didier Migaud - Cette mise en cause de la présidence est désagréable et injustifiée (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Mais je reviens à l'amendement de M. Méhaignerie. C'est un amendement de bonne conscience... M. Dominique Dord - Pas du tout ! Un amendement à deux chiffres sur la fiscalité des départements ! M. Didier Migaud - Je remercie M. le ministre pour sa franchise, car il nous a dit en somme que cet amendement était pratiquement sans portée. Il a même jugé que sa rédaction pouvait être dangereuse, du fait qu'elle introduisait un élément d'incertitude qui pourrait créer des difficultés jurisprudentielles pour le Conseil constitutionnel. Vous avez été moins prudent à l'article 3, Monsieur le ministre, quand vous avez introduit l'idée d'un projet de loi ayant pour objet « principal » les collectivités territoriales - alors que tous les juristes estiment qu'on va ainsi à l'aventure, en donnant au Conseil toute latitude pour interpréter cette rédaction... Votre amendement, Monsieur Méhaignerie, a peu de portée, car l'essentiel, c'est la phrase précédente, que vous n'avez pas voulu changer. J'en veux pour preuve les travaux de l'AMF, et il est étonnant de voir combien certains tiennent des discours différents ici et là. Nous avons vu beaucoup d'élus de la majorité approuver ce que propose l'AMF, c'est-à-dire que pour tout transfert de compétences il y ait un transfert concomitant de ressources correspondant aux besoins à satisfaire, régulièrement réévaluées pour tenir compte de leur évolution. Voilà qui montre bien que tous les élus locaux sont inquiets devant cet article. Il est paradoxal que ceux qui, sortis de l'hémicycle, tiennent un discours tout différent, approuvent ici sans réfléchir les propositions du Gouvernement. Je n'ai jamais vu cela depuis que je suis député : plus godillots que vous, on meurt ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; vives protestations sur les bancs du groupe UMP) La vérité est cruelle ; elle vous fait réagir. Et pourtant, ce que vous dites dans les couloirs, c'est que ce texte est une erreur ; le Président Debré lui-même l'a dit ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Je voudrais connaître le point de vue de M. Méhaignerie sur l'amendement de M. Bonrepaux (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Mme la Présidente - Monsieur Migaud, veuillez conclure. M. Didier Migaud - Je ne comprends pas pourquoi M. Clément... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. Dominique Dord - Mais vous ne comprenez rien ! M. Didier Migaud - ...exprime un avis favorable sur l'amendement de M. Méhaignerie et défavorable sur le sous-amendement de M. Bonrepaux... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. Dominique Dord - Il a déjà répondu, il fallait l'écouter ! Mme la Présidente - Monsieur Dord ! M. Dominique Dord - Il parle depuis douze minutes ! M. Jean Ueberschlag - Madame la Présidente, présidez ! M. Didier Migaud - ...alors que l'amendement de M. Bonrepaux enrichit celui de M. Méhaignerie. M. Dominique Dord - C'est scandaleux de s'amuser ainsi d'une loi constitutionnelle ! M. le Rapporteur pour avis - Si le Gouvernement avait émis un avis défavorable à l'amendement et que je l'eusse retiré, il eût été immédiatement repris par l'opposition, qui mesure la discipline que cette rédaction impose au Gouvernement, afin de ne plus revoir des transferts de fiscalité comme ceux que nous avons connus avec l'APA. Quant au sous-amendement, l'article 6 concerne uniquement les ressources des collectivités territoriales ; les groupements n'appartiennent pas à cette catégorie, ce sous-amendement est hors sujet. M. Dominique Dord - Cela a déjà été dit ! M. Augustin Bonrepaux - Rappel au Règlement ! La position du président de la commission des finances n'est pas très équilibrée... M. Jérôme Bignon - Quel article ? M. Dominique Dord - Détournement de procédure ! M. Augustin Bonrepaux - Articles 58 et 98, sur le droit d'amender et de sous-amender ! Une explication claire du président de la commission des lois et du Gouvernement est nécessaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. Guy Geoffroy - Elle a été donnée ! M. Jérôme Bignon - Détournement de procédure ! M. Augustin Bonrepaux - Il faut tout de même que l'on nous réponde pour que nous puissions voter ! Or, on ne nous a pas précisé si les collectivités territoriales et les groupements étaient exclus ou non de la décentralisation, alors que c'est une question fondamentale ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; « Scandaleux ! » et claquements de pupitres sur les mêmes bancs) Mme la Présidente - Le Gouvernement et la commission ont donné leur avis ! M. Augustin Bonrepaux - J'attends la réponse du Gouvernement ! À la majorité de 80 voix contre 30 sur 110 votants et 110 suffrages exprimés, le sous-amendement 242, n'est pas adopté. L'amendement 24 mis aux voix, est adopté. M. Dominique Dord - Vous aviez dit que vous voteriez pour et vous votez contre ! C'est incroyable ! M. Jacques Barrot - Rappel au Règlement. Sans donner de leçon, je voudrais faire un appel à l'attachement que nous portons tous à cette institution qu'est l'Assemblée nationale. MM. Didier Migaud et Augustin Bonrepaux - Avec l'article 3 ! M. Jacques Barrot - Ce serait tout de même un comble que je ne puisse pas faire un rappel au Règlement sur un ton calme et serein ! Nous ne pouvons pas donner à notre pays l'image d'une démocratie responsable et adulte où chacun dépasse allègrement son temps de parole sans laisser répondre des collègues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Certes, Madame la Présidente, vous disposez d'une marge d'appréciation et le refus par certains de respecter notre règlement vous rend la tâche encore plus difficile. Aussi ne manquerai-je pas de demander au Président Debré, lors de la prochaine Conférence des présidents, de rappeler à l'ensemble de nos collègues ces règles élémentaires. Pour avoir été le benjamin de cette assemblée, je peux vous affirmer qu'à une certaine époque, les débats se déroulaient dans une atmosphère de respect et d'entente mutuelle. J'aimerais voir revenir ce temps ; sinon, nous risquons fort d'être sanctionnés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. René Dosière - En vertu de l'article 58 alinéa 1 du règlement, je voudrais rappeler que le Président de l'Assemblée nationale a estimé normale la longueur du débat actuel qui, « en raison de son importance, doit permettre de recueillir les avis des uns et des autres, car l'on ne peut réformer la Constitution à la sauvette ». Mme Ségolène Royal - Tout en partageant l'opinion de M. Barrot, nous accomplissons notre travail de parlementaire. Depuis le début, nul amendement, ni de la majorité, ni de l'opposition, n'est retenu. M. Hervé Mariton - On vient d'en voter un ! Mme Ségolène Royal - Le Président de l'Assemblée a laissé autant de temps aux orateurs que vous, Madame la Présidente. Ne pouvant tolérer cette mise en cause de la présidence, nous demandons une suspension de séance (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). La séance, suspendue à 22 heures 25, est reprise à 22 heures 35. Mme la Présidente - J'insiste pour que les orateurs respectent leurs cinq minutes et pour que les interruptions soient évitées. M. Augustin Bonrepaux - Permettez-moi toutefois de rappeler la déclaration de M. le Président de l'Assemblée nationale, qui a souhaité que ce débat se déroule dans des conditions normales. M. Jean-Luc Warsmann - Et dans le respect du Règlement ! M. Augustin Bonrepaux - Avons-nous encore le droit de parler ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Nous sommes en train de voter une modification constitutionnelle sans connaître le contenu des lois organiques - sans savoir comment seront déterminés l'autonomie des collectivités locales et le transfert. Voilà pourquoi, par l'amendement 198, nous proposons que la loi organique détermine les conditions dans lesquelles des représentants du Parlement et des collectivités territoriales sont associés à l'évaluation des charges nouvelles pour les collectivités territoriales et des ressources qui seront nécessaires à leur exercice. Allez-vous profiter de l'augmentation des impôts locaux pour baisser l'impôt sur le revenu ? Les transferts et les créations de compétences doivent se faire dans la transparence. Nous proposons qu'une commission soit créée pour apprécier le coût des dépenses transférées, de manière à éclairer le Parlement. Il convient également d'évaluer les dépenses après le transfert et de savoir si l'évaluation des compensations suivra l'évolution des charges. J'ai cité tout à l'heure la loi de 1982 à propos des transferts relatifs aux transports scolaires - ils se sont accrus dans les départements ruraux en particulier, et la compensation n'a pas suivi. Il ne faut pas comparer cela avec l'APA. Vous avez dit que vous étiez passé de 4 000 à 18 000 bénéficiaires de la PSD avec une nécessaire augmentation des impôts de 39 % : comment faites-vous ? Nous, nous sommes passés de 400 bénéficiaires de la PSD à 4 000 et les impôts ont augmenté de 3,5 %. Nous faisons mieux ! Mme la Présidente - Dans ce débat, le temps de parole est de cinq minutes. Je préviendrai les orateurs une minute avant, et je leur retirerai la parole dès les cinq minutes écoulées. M. le Rapporteur - M. Bonrepaux ayant parlé huit minutes, je me contenterai de quinze secondes. La proposition n'a rien à faire dans une loi constitutionnelle - peut-être dans une loi organique. Avis défavorable. Mme la Présidente - M. Bonrepaux a parlé cinq minutes. M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable. A la majorité de 83 voix contre 16 sur 99 votants et 99 suffrages exprimés, l'amendement 198 n'est pas adopté. M. Emile Blessig - Les conditions du transfert des ressources lié aux nouvelles compétences sont difficiles à établir. Il me semble nécessaire de sortir d'un contexte passionné. Je rappelle qu'en dernière analyse, les transferts de compétences seront prononcés par le Parlement dans le cadre d'une loi. Le débat portera donc entre les propositions du Gouvernement et les évaluations des collectivités locales bénéficiaires des transferts. Je propose, par l'amendement 157, que le Parlement prenne position sur la base d'un rapport établi par la Cour des comptes. On peut penser que la Cour des comptes veillera au bon usage des ressources publiques et que son avis éclairera le débat, le Parlement pouvant ensuite se prononcer sur les conditions matérielles de ces transferts. Nous disposons déjà des outils adaptés et efficaces, pourquoi inventer de nouvelles procédures ? M. le Rapporteur - Avis défavorable. M. le Garde des Sceaux - Je comprends votre souci de disposer d'une analyse objective mais le dispositif que vous proposez alourdirait considérablement le processus législatif. Il me paraît en outre difficile que le législateur délègue de la sorte une part importante de ses pouvoirs à la Cour des comptes, qu'il lui est déjà possible de consulter à loisir, ou à tel ministre. Je souhaite donc le retrait. M. Emile Blessig - J'avais souhaité soulever ce problème à l'occasion de ce débat car il faudra bien prévoir une évaluation objective, il en va de la crédibilité des transferts de compétences. Cela dit, nous y reviendrons lors de l'examen de la loi organique et je retire l'amendement 157. M. Didier Migaud - Je le reprends ! En effet, il exprime bien l'inquiétude des élus et des parlementaires et il ne fait que traduire une idée exprimée par Jean-Pierre Raffarin, quand il était dans l'opposition ; il avait quitté la commission Mauroy au motif que des garanties suffisantes n'étaient pas apportées aux collectivités sur ces transferts. Retrouvons donc l'esprit Raffarin ! (Rires et applaudissements ironiques sur plusieurs bancs du groupe UMP) Cela dit, si le ministre me dit que de telles garanties seront apportées dans la loi organique, je suis prêt à retirer à mon tour l'amendement. Mme la Présidente - Sur le vote de l'amendement 157, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). A la majorité de 85 voix contre 24, sur 114 votants et 109 suffrages exprimés, l'amendement 157 n'est pas adopté. M. Alain Néri - J'aurais aimé pouvoir faire mon rappel au Règlement avant que l'on procède à ce scrutin qui, pas plus que les précédents, n'a été annoncé dans le palais comme le prévoit notre Règlement. Dans ces conditions vous comprendrez, Madame la Présidente, que nous ne puissions en admettre le résultat. Mme la Présidente - J'ai annoncé en début de séance que les votes de tous les amendements à l'article 6 feraient l'objet de scrutins publics. M. Alain Néri - Faute d'en être informés à chaque fois, nos collègues ne peuvent rejoindre l'hémicycle... M. Augustin Bonrepaux - Mieux vaut être ailleurs qu'à l'Assemblée (Protestations sur les bancs du groupe UMP) si l'on veut être informé des intentions du Gouvernement. Ainsi, c'est aux treizièmes rencontres financières des décideurs locaux que le ministre des libertés locales a indiqué, au mépris des règles européennes, que la TIPP lui paraissait pouvoir être régionalisée. On y a appris également que les départements seraient demandeurs des routes - je ne le pense pas - et qu'ils voudraient s'occuper du RMI. J'en viens à l'amendement 199, qui a trait à la péréquation. C'est toujours sous la gauche que cette dernière a enregistré des progrès : en 1985, avec la DGS ; en 1991 avec les correctifs pour les départements et la DSU ; en 1992, avec la DSR, la DDR et l'intercommunalité ; en 1997, avec la loi sur les agglomérations. De 1996 à 2001, la péréquation en DGF a progressé de 8,69 % à 14,23 %. Qu'allez-vous faire de mieux ? Vous voulez inscrire la péréquation dans la Constitution, mais il faut donner l'exemple ! De ce point de vue, les propos du ministre des libertés locales sont inquiétants quand il explique qu'on ne peut faire supporter aux collectivités aisées le poids de la compensation de la péréquation de taxe professionnelle et qu'il valait donc mieux la réduire pour tout le monde... Je souhaite donc savoir, Monsieur le Garde des Sceaux, quelle est votre conception de la péréquation, sachant que, pour le président de la commission des finances, elle doit se faire à enveloppe constante. M. le Rapporteur - Défavorable. M. le Garde des Sceaux - Défavorable. M. Jacques Le Guen - On croit rêver : M. Bonrepaux nous donne des leçons de morale alors que pendant cinq ans, ses amis ont pillé les communes et empêché qu'elles développent leur propre fiscalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Jean-Luc Warsmann - Je voudrais simplement souligner que l'instauration du principe de péréquation dans la Constitution est un très grand progrès. M. Dominique Dord - Nos collègues socialistes nous rebattent les oreilles de la nécessité de contrôler les conséquences financières de la décentralisation, mais ils n'ont même pas voté l'excellent amendement du président de la commission des finances ajoutant le mot « extension », qui représente une économie à deux chiffres dans la fiscalité des départements ! M. Augustin Bonrepaux - Je demande la parole ! Mme la Présidente - Non, je l'ai donnée aux trois premiers orateurs qui l'ont demandée. Je respecte le Règlement. A la majorité de 98 voix contre 28 sur 126 votants et 126 suffrages exprimés, l'amendement 199 n'est pas adopté. M. Augustin Bonrepaux - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58. Je proteste contre les conditions dans lesquelles se déroule ce débat depuis l'intervention du président du groupe UMP. La présidence semble être à ses ordres ! La péréquation est un sujet suffisamment important pour que, Madame la Présidente, vous me laissiez demander des explications au Gouvernement et à la commission, qui sont restés muets. Mme la Présidente - Je continuerai à faire respecter le Règlement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. René Dosière - Je me vois dans l'obligation de défendre l'amendement 166 de M. Cochet, Mme Billard et M. Mamère, qui tend à préserver les finances des collectivités locales. J'en profite, puisqu'on nous dit que les collectivités locales auraient été maltraitées pendant cinq ans, pour citer M. Laffineur, rapporteur spécial de la commission des finances pour les collectivités locales : il écrit dans son introduction que les crédits de l'Etat pour les collectivités locales vont augmenter de 3,3 % en 2003 et que cette évolution résulte pour l'essentiel du contrat de croissance et de solidarité ; celui-ci, ajoute-t-il, prend en compte la croissance du PIB, ce qui aura permis aux collectivités locales de bénéficier de 1999 à 2002 de 960 millions d'euros supplémentaires, par comparaison avec les dotations qu'elles auraient perçues en application du pacte de stabilité - institué par M. Juppé et remplacé par le contrat de croissance et de solidarité par M. Jospin. M. le Rapporteur - Défavorable. M. le Garde des Sceaux - Défavorable. M. Didier Migaud - Qu'est-ce qu'apporte l'introduction dans la Constitution de la notion de péréquation ? N'est-ce pas un simple affichage ? Les dispositifs de péréquation existent déjà dans notre législation : nous avons institué le contrat de croissance et de solidarité, mais aussi la dotation de solidarité rurale et la dotation de solidarité urbaine. Puisque le président de la commission des lois nous a avoué qu'il se trompait souvent lorsqu'il s'agissait de fiscalité locale, je lui en donne acte, j'interroge le président de la commission des finances : en quoi cette inscription modifie-t-elle la situation actuelle ? M. Guy Geoffroy - Moi qui suis un néophyte, je suis étonné qu'aucun des trois signataires de l'amendement ne soit en séance pour le défendre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nos collègues socialistes excellent ce soir dans l'art de reprendre les amendements, mais ils ont quelque difficulté à les défendre... (Mêmes mouvements) M. le Rapporteur pour avis - Il est important pour l'avenir d'inscrire dans la Constitution le principe de péréquation. La dernière étude du Commissariat général au plan montre que les politiques de péréquation financière réduisent de 30 % les inégalités de potentiel fiscal. Cependant elle n'intègre pas les dégrèvements, qui n'ont pas d'effet redistributif. M. Charles de Courson - Qui ont même un effet inverse ! M. le Rapporteur pour avis - En effet, car le dégrèvement par habitant est de l'ordre de 450 F dans les Alpes-Maritimes, et de 110 F en Lozère... Il y a donc des marges de péréquation, comme le président Fourcade l'a lui-même indiqué au Sénat. Il en va de même pour la DGF. Ces remarques avaient pour objet d'améliorer et d'accélérer le débat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. René Dosière - Le président de la commission des finances a raison sur un certain nombre de points, notamment en ce qui concerne le rôle antiredistributif des dégrèvements. Mais en quoi cet amendement va-t-il modifier les choses ? Plusieurs questions demeurent. D'abord, le Gouvernement considère-t-il que les dégrèvements font partie des ressources fiscales des collectivités locales ? Je suis de cet avis, mais sur le plan comptable, ils sont répertoriés comme des dotations. Ensuite, le Gouvernement a-t-il l'intention de réduire les dégrèvements ? N'oublions pas que c'est nous qui avons réclamé des dégrèvements, c'est-à-dire des exonérations d'impôts pour les contribuables locaux : c'est l'Etat qui paye à leur place. A l'époque, nous étions tous d'accord ! M. Charles de Courson - Non ! M. René Dosière - Pas M. de Courson, c'est vrai, et moi non plus. Mais il était tellement facile de faire payer l'Etat ! Et si l'on veut aujourd'hui résoudre cette question, cela ne sera pas sans une réforme de la fiscalité locale, que cette Assemblée a toujours refusée. Je vous rappelle qu'à l'époque, Monsieur le président de la commission des finances, vous étiez contre le remplacement de la taxe d'habitation départementale par une taxe départementale sur le revenu. M. le Rapporteur pour avis - Et je le suis toujours ! M. René Dosière - C'était pourtant une véritable réforme de la fiscalité locale, que l'Assemblée a refusée. Le groupe socialiste a sa part de responsabilité dans cette affaire, mais vous ne l'avez pas aidé. Plusieurs députés UMP - Heureusement ! M. René Dosière - Mais sans réforme, les gouvernements sont obligés d'avoir recours à des bricolages. Mme la Présidente - Il vous reste une minute, Monsieur Dosière. M. René Dosière - Enfin, Monsieur le président, comme vous ne parvenez pas à résoudre le cumul des mandats dans cette assemblée et que les responsables d'exécutifs locaux sont en même temps des parlementaires, comment allez-vous pouvoir réformer la fiscalité locale ? Plusieurs députés UMP - Jaloux ! L'amendement 166, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Alain Néri - Je voudrais faire un rappel au Règlement fondé sur l'article 58, premier alinéa. Je n'avais jamais vu auparavant des représentants du Gouvernement monter au perchoir, Madame la Présidente. Cela doit-il être considéré comme naturel, et peut-on savoir ce qu'ils vous ont demandé ? La représentation nationale peut-elle savoir comment le débat va se poursuivre ? Mme la Présidente - Je n'exerce pas les fonctions de vice-présidente depuis longtemps, mais j'ai déjà vu à plusieurs reprises le Gouvernement venir demander les intentions de la présidence pour la soirée. Je m'étonne qu'un parlementaire d'expérience comme vous trouve cela exceptionnel. Nous lèverons la séance à une heure. M. le Rapporteur pour avis - Le principe de la péréquation est important, et la commission des finances lui a consacré de longs débats. Elle a notamment adopté l'amendement 25, qui remplace « compenser les inégalités » par « favoriser l'égalité ». Le terme d'inégalités paraît en effet peu opportun dans la Constitution. M. Guy Geoffroy - Très bien ! M. le Rapporteur pour avis - En revanche, le mot égalité y figure déjà, et il a fait l'objet d'une jurisprudence abondante. Il a pour autre avantage d'être positif, contrairement à inégalités. Enfin, c'est la mot qui a été retenu par le 85e congrès de l'association des maires de France qui a eu lieu la semaine dernière. Cet amendement n'est pas d'une importance démesurée, mais il nous semble intéressant (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). M. le Garde des Sceaux - Il y a une manière positive et une négative d'envisager les mêmes choses. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée. M. Augustin Bonrepaux - Cet amendement a le mérite de donner raison au président de l'Assemblée nationale. Nous allons écrire dans la Constitution qu'il faut favoriser l'égalité. Je pensais qu'elle s'y attachait déjà ! M. Jean-Luc Warsmann - Nous vous avons dit que nous reprenions le terme ! M. Augustin Bonrepaux - Ce qui m'inquiète, c'est cette phrase de l'exposé des motifs : « il est clair que l'égalité des collectivités territoriales ne peut être un objectif raisonnable ». Je veux bien que l'on tienne compte des charges, que l'on ne veuille pas aligner les moyens des communautés de communes sur les communautés urbaines et que les compensations soient accordées en fonction des moyens, mais comment dire à la fois qu'on recherche l'égalité et que ce n'est pas un objectif raisonnable ? Les premiers transferts datent du gouvernement Juppé, avec l'allègement de 16 % des bases de la taxe professionnelle. Mais chez vous, la péréquation n'est qu'un mot. Le ministre des libertés locales nous a expliqué qu'il ne pouvait pas faire de modulation des compensations, et l'amendement de la commission des finances veut justement moduler les dégrèvements ! Que la majorité se mette d'accord ! En attendant, cet amendement diminue la portée de la Constitution, qui posait l'égalité comme une règle. M. Dominique Dord - Je voudrais saluer les efforts du président de la commission des finances pour préciser le texte. Grâce à lui, nous avons le sentiment de faire vraiment notre travail de législateur. En l'occurrence, il s'agit de donner au concept un sens positif, et c'est à la hauteur de ce qui nous est demandé sur un texte constitutionnel. L'amendement 25, mis aux voix, est adopté. M. André Chassaigne - L'amendement 111 rectifié montre notre volonté d'effectuer un véritable travail de législateur. De très nombreux amendements ont été présentés par la gauche, et quelques uns par la majorité, pour améliorer le texte. Il y a quelques instants, notre PDR, président directeur rapporteur de la commission des lois, parlait de verrouiller la Constitution. Il s'agissait vraisemblablement de garantir que les collectivités locales ne paieraient pas la note de la décentralisation. Mais c'est plutôt le contraire qu'on constate : tout est fait pour éviter de donner des garanties ! Vous laissez toutes les serrures ouvertes, c'est plus facile pour aller mettre le doigt ensuite dans le pot de confiture ! Notre amendement précise que les moyens doivent être suffisants pour que chaque collectivité puisse exercer pleinement ses compétences, compte tenu notamment des besoins de sa population. Il vous permettra de prouver votre intention de ne pas en rester aux effets de manche. Le commissariat général au Plan constate un rapport de 1 à 12 000 entre la commune la plus pauvre de France et la plus riche. C'est un record en Europe. Une péréquation financière a donc été mise en place depuis une trentaine d'années, qui a permis de réduire les inégalités de près de 30 %. En adoptant cet amendement, la correction des inégalités territoriales ne resterait pas à l'état de déclaration d'intention. Quoi de plus naturel que de garantir aux collectivités locales de bénéficier de ressources suffisantes, nouvelles et pérennes ? On peut en effet s'inquiéter en voyant que les EPCI sont exclues du texte, notamment en matière de garantie de ressources. Dans les petites communes rurales - je suis maire d'un village de cinq cents habitants - chacun sait que c'est grâce aux EPCI qu'on répondra aux besoins de la population. Il est très grave qu'ils soient exclus du texte et de toute possibilité de péréquation. En acceptant cet amendement, le Gouvernement pourrait s'engager enfin à prévoir des dispositifs de péréquation suffisants pour que chaque collectivité puisse exercer pleinement ses futures compétences. M. le Rapporteur - Défavorable. M. le Garde des Sceaux - Défavorable. M. Alain Néri - L'amendement de M. Brard, très intelligemment défendu par M. Chassaigne (Murmures sur les bancs du groupe UMP), met le doigt sur un problème important : on ne peut parler de décentralisation si on ne donne pas à chacun les moyens de l'appliquer. Mais ce qui nous inquiète est aussi le risque d'une hausse de la fiscalité locale. Or elle se produira fatalement si les transferts de ressources n'accompagnent pas les transferts de compétences. Et l'Etat pourra proclamer qu'il réduit ses impôts, pendant que les collectivités seront contraintes d'augmenter les leurs... Je suis conseiller général d'un département qui ne dispose que de 1 % de la richesse nationale. Quand on sait que quatre régions en détiennent plus de 50 %, et la seule Ile-de-France 30 %, on voit qu'il y a un effort à faire pour se rapprocher de l'égalité dont parlait M. Méhaignerie. Si l'on avait fait plus attention en 1996, quand l'Assemblée a voté, un peu légèrement, la départementalisation des services d'incendie et de secours, les départements ne seraient pas confrontés aujourd'hui à une hausse insupportable de leur fiscalité. Or vous ne pouvez pas contester à chacun, où qu'il vive, le droit à la sécurité. Il faut donc donner des moyens aux SDIS. L'amendement de M. Brard est opportun, et nous le voterons. M. Dominique Dord - Le groupe UMP comprend la générosité de la position du groupe communiste. Mais si l'on votait son amendement, il serait bien difficile d'apprécier la couverture des « besoins de la population ». L'exemple des services d'incendie le montre bien. Comment apprécier cela ? Et qui le ferait ? D'autre part ce serait faire injure à nos collègues d'accepter leur amendement. Il suggère en effet, après quinze ans de socialisme, que l'Etat pourrait ne pas avoir pleinement couvert les besoins de la population... M. Augustin Bonrepaux - Si nous défendons autant d'amendements destinés à préciser le texte, c'est pour éviter que les transferts de compétences se traduisent par des transferts de charges, entraînant une hausse de la fiscalité locale. Or cela se produira, j'en tiens le pari, parce que ce que vous introduisez dans la Constitution est trop imprécis pour l'éviter. Par cette réforme, que le Président de l'Assemblée juge inutile, vous vous donnez bonne conscience, et vous donnez l'impression de vouloir faire une décentralisation : elle servira en fait à un transfert de charges et de fiscalité sur les collectivités, pour pouvoir tenir la promesse du candidat Chirac de réduire l'impôt sur le revenu... Le grand absent de ce projet, c'est l'intercommunalité. Cela ne vous surprend-il pas, Monsieur Méhaignerie, d'avoir été le seul à évoquer l'écart entre les communautés de communes et les communautés urbaines ? Le Gouvernement n'en dit rien ; et si sur vos bancs quelques députés courageux déposent des amendements, ils sont ensuite obligés, comme vous-même, de les retirer... L'intercommunalité ne figure pas dans la Constitution, alors qu'elle va recouvrir toute la France. Un amendement a été refusé, qui tendait à garantir aux EPCI que les transferts de ressources accompagneraient les transferts de charges. Nous ne savons même pas si les intercommunalités ont le droit de bénéficier de compétences nouvelles ; M. Clément a dit qu'elles n'étaient pas concernées par la décentralisation... Pour ces raisons, je propose, par le sous-amendement 243, d'introduire dans l'amendement de M. Brard, après les mots « à chaque collectivité », les mots « ou groupement de collectivités ». Notre collègue soutient qu'on ne peut pas apprécier les besoins de la population. Comment appréciera-t-on alors la part « déterminante » des ressources ? Qui en jugera ? On peut très bien constituer une commission pour apprécier la couverture des besoins de la population. M. le Rapporteur - Défavorable. M. le Garde des Sceaux - Défavorable. M. Jacques Le Guen - Je rappelle que le territoire national n'est pas encore couvert par le EPCI, ce qui est une raison suffisante pour ne pas les inscrire dans la Constitution. En outre il y a des fiscalités différentes, des territoires à fiscalité additionnelle et d'autres à taxe professionnelle unique. Comment fixer dès maintenant une réalité qui pourra évoluer ? Par ailleurs certains élus ont été incités à choisir la taxe professionnelle unique non par une vraie volonté communautaire, mais par la promesse d'une DGF bonifiée. Et aujourd'hui on voit cette DGF se réduire, ce qui prépare pour demain des situations difficiles. On s'apercevra alors que ce que la gauche a mis en place n'était pas une vraie intercommunalité, mais un simple moyen de financer des collectivités ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) M. René Dosière - Il importe de prendre en compte l'intercommunalité dans ce texte. D'ailleurs je souhaite à son sujet rectifier une erreur : elle y figure déjà. L'article 4 a prévu qu'un groupement de collectivités pouvait être chef de file pour un projet. Notre collègue a raison de rappeler que toutes les communes ne sont pas encore concernées. Toutefois le ministre délégué aux libertés locales a rappelé aujourd'hui même que 28 000 communes l'étaient déjà, et estimé qu'à ce rythme la France serait entièrement couverte d'ici trois ou quatre ans. Il a ajouté qu'il souhaitait laisser se poursuivre ce développement. Sur ces bancs, du moins aujourd'hui, il y a bien peu de députés hostiles à l'intercommunalité ; il y a un peu plus de sénateurs - on connaît le conservatisme du Sénat... (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Il est donc légitime que l'intercommunalité bénéficie de certains moyens. Tout à l'heure, Monsieur le président de la commission des finances, vous avez évoqué les communautés urbaines, qui reçoivent une DGF considérable. Mais vous savez bien pourquoi il en est ainsi - ce qui a d'ailleurs des conséquences négatives sur la DGF bonifiée des autres communes. Quand M. Mauroy, président de la communauté urbaine de Lille,... M. Guy Geoffroy - Et sénateur ! M. René Dosière - ...demande certains avantages, et qu'il est appuyé par M. Juppé, président de la communauté urbaine de Bordeaux, l'un et l'autre étant en même temps législateurs, croyez-vous possible de réformer les dotations aux communautés urbaines ? Tous leurs exécutifs sont présents au Sénat ou à l'Assemblée. La vraie raison du blocage, c'est ce cumul des mandats, que vous refusez de combattre. On l'a vu quand le Gouvernement a déposé au Sénat un texte à ce sujet, qui s'y est enlisé. Il s'agissait hier d'un texte relatif à l'organisation des collectivités locales : vous voyez ce qui menace les textes de ce type, après ce que vous avez voté à l'article 3... A l'Assemblée il existe aussi des résistances, mais le Gouvernement y a une majorité, et donc les moyens de faire avancer ses projets. Il faut aller plus loin et s'attaquer au cumul des mandats. Plusieurs députés UMP - Ce n'est pas l'amendement ! M. Guy Geoffroy - Cet amendement a pour seul mérite d'être cohérent avec la propension de nos collègues socialistes à faire figurer l'inter-communalité partout où ils le peuvent. On l'a suffisamment répété, cette question n'est pas assez mûre pour figurer en tant que telle dans notre Constitution. En un seul endroit de notre projet figure, comme vous l'avez relevé, la notion de chef de file, en cohérence avec l'ensemble du texte. On ne peut que souligner l'intérêt d'un développement - maîtrisé - de l'intercommunalité. Cependant, sans avoir à être reporté sine die, il n'est pas à l'ordre du jour. A la majorité de 86 voix contre 28, sur 114 votants et 114 suffrages exprimés, le sous-amendement 243 n'est pas adopté. L'amendement 111 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté. M. André Chassaigne - Quel dommage ! M. Augustin Bonrepaux - Et l'amendement 158 ? Mme la Présidente - Il a été retiré avant la séance (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). M. Augustin Bonrepaux - Ce n'est pas normal ! Mme Ségolène Royal - Nous arrivons au terme de la discussion d'un article essentiel quant à la décentralisation. Pour reprendre les termes de M. Raffarin, l'absence de règles claires, notamment sur les transferts financiers, aura rendu le débat virtuel. Nombre de députés, toutes tendances confondues et les participants des différentes assises, se sont inquiétés des transferts d'impôts, de l'aggravation des inégalités entre les territoires, du désordre dans les transferts liés à des expérimentations à la carte. Le groupe socialiste n'aura eu de cesse de le répéter : l'article ne garantit pas le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales. L'avis rendu par le Conseil d'Etat en témoigne, puisqu'il a disjoint un certain nombre de principes de cet article, en enjoignant le Gouvernement de réformer au préalable la fiscalité locale. Nous avons proposé des amendements pour améliorer cet texte, notamment pour que tout transfert de compétence s'accompagne d'un transfert fiscal. Pour donner à la République tout son sens, la loi doit fixer des règles de redistribution des ressources entre les territoires, assurer l'égalité de tous devant l'imposition, et l'égalité des conditions de développement de l'ensemble du territoire, sinon le service public en sortira affaibli, et les inégalités s'aggraveront. Il est dommage qu'il faille participer à un colloque de DEXIA au Crédit local à Paris pour avoir les conclusions de M. Devedjian, dont j'ai ici le résumé : il a notamment annoncé que la TIPP pourrait être régionalisée car elle est facilement prélevée à la sortie des raffineries. M. Bernard Accoyer - Une partie seulement, ce n'est pas pareil ! Mme Ségolène Royal - L'Assemblée aurait alors pu débattre des lois de transfert des ressources nationales... M. Bernard Accoyer - Pas à ce stade ! Elle n'a pas tout compris. Décidément les années passent, mais elle ne progresse pas beaucoup. Mme Ségolène Royal - M. Devedjian a également annoncé que les départements auraient la charge du RMI et des routes nationales. M. Alain Néri - Mais on n'a rien demandé ! Mme Ségolène Royal - N'est-ce pas quelque peu désinvolte ? Ses déclarations, notamment sur la TIPP, ont de quoi inquiéter et il devra s'en expliquer car le rapport sur les finances locales rendu en mars 2002 au Gouvernement précise que l'application de taux différenciés de TIPP par région est contraire à la législation communautaire. Et cette mesure créerait d'importantes distorsions puisque, par exemple, le produit recouvré de la TIPP encaissé dans le Bas-Rhin est trois cents fois supérieur à celui encaissé dans les quatre départements de la Franche-Comté. La seule manière de répondre à cette difficulté serait de percevoir la TIPP au lieu de consommation - la pompe -, ce qui serait contraire au droit communautaire qui fixe le fait générateur de la TIPP à la sortie des raffineries. Par ailleurs, ce rapport précise que la création d'une taxe additionnelle à la TIPP avec des taux spécifiques, serait contraire aux normes européennes et aggraverait les inégalités entre les territoires. M. Dominique Dord - Votre temps de parole est écoulé. Mme Ségolène Royal - Compte tenu de l'absence d'explication du Gouvernement, et du rejet de de tous les amendements, le groupe socialiste votera contre cet article. Cependant, nous souhaitons vivement des éclaircissements sur la réforme de la fiscalité locale et les transferts de ressources (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Charles de Courson - Le groupe UDF votera l'article 6 qui érige en principe constitutionnel l'autonomie financière des collectivités territoriales, le transfert équilibré entre les charges et les recettes... M. Alain Néri - Sans aucune garantie ! M. Charles de Courson - ...et le principe de péréquation. Cependant, le groupe UDF regrette deux choses. M. Alain Néri - Tout de même. M. Charles de Courson - Tout d'abord, la définition du principe d'autonomie financière est insuffisante. Espérons que la loi organique y remédiera. Nous regrettons que l'amendement de M. Méhaignerie n'ait pas été adopté. Ensuite, il ne sera pas possible de poursuivre cette réforme constitutionnelle si l'on ne s'attaque pas au financement des collectivités territoriales. Les régions et les départements doivent disposer d'un impôt moderne, sur la base d'un revenu qui serait l'assiette CSG, payée par 90 % des Français et dont le taux est proportionnel. C'est ainsi que l'on pourra réussir la décentralisation. M. André Chassaigne - Qui paiera l'ardoise de la décentralisation ? Les collectivités territoriales ! Et sans aucune garantie ! M. Dominique Dord - La Constitution n'en est pas une ? M. André Chassaigne - On confond autonomie fiscale et autonomie financière. En matière d'autonomie financière, nulle garantie n'est accordée. Tous les amendements en ce sens ont été refusés ! Le verrouillage s'est fait uniquement dans cette direction là. En définitive, le Gouvernement veut garder les mains libres pour pouvoir, demain, organiser l'autonomie financière comme il l'entend (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). J'ai le sentiment que certains, ce soir, ne sont ici que pour aboyer (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Les collectivités territoriales les plus fragiles, demain, ne pourront réunir les ressources suffisantes. La disparité sera de plus en plus grande entre les régions, entre les départements et entre les communes ; une forme de dumping fiscal fera que certaines communes seront attrayantes, d'autres non. Vous dites être attachés à la décentralisation et vous ne vous en donnez pas les moyens - d'où la mobilisation des communautés de communes. Chaque fois que l'on affirme que la réponse, en terme de besoins, peut venir des EPCI, il y a blocage. A la majorité de 89 voix contre 30 sur 119 votants et 119 suffrages exprimés, l'article 6, modifié, est adopté.
APRÈS L'ART. 6 Mme la Présidente - Je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 133. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Mme Ségolène Royal - Par l'amendement 133, nous proposons d'écrire que l'entrée en vigueur de la présente loi est subordonnée à l'adoption des lois de transfert de ressources. Proclamer la décentralisation sans en donner les règles financières, c'est réduire la réforme de la Constitution à un slogan commercial. Je prends l'exemple de l'éducation nationale. Le ministère annonce la suppression de 20 000 emplois d'aides-éducateurs à la rentrée 2003 et de 5 600 postes de surveillants. Je cite une note envoyée aux recteurs et aux chefs d'établissements : « C'est en vertu des nouvelles lois de décentralisation que l'on saura comment le service public de l'éducation sera financé. Les réflexions internes à l'éducation nationale sur la sortie du dispositif emplois-jeunes ne pourront pas être déconnectées des discussions qui vont s'ouvrir sur l'extension du champ de la décentralisation ». Le ministère annonce que des moyens sont mis en place pour recruter du personnel, mais il s'agit de 11 000 assistants d'éducation quand il y a 26 000 suppressions d'emplois. L'intervention de l'Etat diminue, avant même que les lois de décentralisation ne soient votées. La situation est choquante. On apprend de plus que les étudiants ne seront plus seuls recrutés comme surveillants mais que de jeunes retraités ou des mères de famille seront sollicitées. M. Jean-Luc Warsmann - C'est de la polémique ! C'est faux ! Mme Ségolène Royal - Seront-ils rémunérés ? Qu'ils ne le soient pas expliquerait peut-être l'écart entre les moyens supprimés et les moyens réaffectés. Enfin, cette note précise que dans le cadre des travaux sur la décentralisation, une réflexion sur le principe de subsidiarité entre l'Etat et les collectivités locales permettra de substituer les financements des collectivités locales à ceux de l'Etat. Les familles constatent la disparition des emplois-jeunes, du soutien scolaire, des auxiliaires d'intégration pour les enfants handicapés. M. Jean-Luc Warsmann - C'est faux ! Ce sont des mensonges ! Mme Ségolène Royal - 2 000 enfants n'ont pas été acceptés ! Votre démarche est dangereuse. La décentralisation est faite pour augmenter les services rendus, non pour les diminuer, et pour brader le service public de l'éducation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). M. le Rapporteur pour avis - J'ai tellement entendu Mme Royal que je voudrais lui dire ceci : l'exigence de vérité et l'esprit de responsabilité devraient la conduire à s'interroger sur les moyens d'améliorer les performances de l'Etat et la qualité des services publics plutôt que de toujours demander plus aux contribuables (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. le Rapporteur - Mme Royal profite de la tribune pour parler de sujets forts éloignés de la réforme constitutionnelle (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je m'étonne que le groupe socialiste se trompe de débat et fasse comme si nous examinions la loi organique ou la loi d'application de la loi organique. Que vous restera-t-il à dire, alors ? Je donne un avis extrêmement défavorable à ce type d'amendement. M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable. Nous sommes en train de travailler sur la Constitution et vous souhaitez que la réforme constitutionnelle n'intervienne qu'après d'autres textes. Non ! Ce n'est pas cohérent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. Guy Geoffroy - Je tiens à dénoncer les erreurs de Mme Royal. Le Gouvernement sortant et son Premier ministre n'ont, à aucun moment, prévu une suite au dispositif des emplois-jeunes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Augustin Bonrepaux - C'est faux ! M. Guy Geoffroy - Quand vous prétendez que le Gouvernement actuel supprime les emplois-jeunes, ce n'est pas une erreur, c'est un mensonge ! M. Didier Migaud - Vous êtes un menteur ! M. Guy Geoffroy - Vous n'avez pas le droit de dire que les moyens mis à disposition de nos enfants en difficulté ou handicapés diminuent. Au contraire, ils augmentent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste). Heureusement qu'il y aura une très large majorité pour s'opposer à cet amendement... M. Augustin Bonrepaux - Combien d'emplois supprimez-vous ? M. Guy Geoffroy - ... qui est une véritable monstruosité institutionnelle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Jean-Jack Queyranne - Monsieur Geoffroy, on ne peut proférer pareilles affirmations. Le précédent gouvernement avait proposé un plan de pérennisation des emplois-jeunes ; c'est votre Gouvernement qui a mis un terme à cette politique (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). L'amendement 133 est fort pertinent. Au cours de ce débat sur l'article 6, nous avons souligné et certains d'entre vous aussi, les incertitudes qui planent sur les transferts de compétences et les compensations financières. Nous devons avoir des explications ; l'entrée de la révision constitutionnelle doit être subordonnée à l'adoption des lois relatives à ces transferts. Il ne faut pas, en effet, donner un chèque en blanc constitutionnel au Gouvernement. Mon inquiétude est d'autant plus vive que le Premier ministre s'est adressé aux préfets de région dans une lettre du 15 novembre 2002 par laquelle il leur demande de lui faire connaître leurs réflexions sur les missions et l'organisation des services déconcentrés de l'Etat : « Le mouvement de décentralisation vient d'entrer dans une nouvelle phase avec l'engagement de la révision constitutionnelle et les débats régionaux. Il convient que l'organisation territoriale des services de l'Etat tienne compte des transferts de compétences qui interviendront dans les prochains mois, et que l'Etat dispose de structures déconcentrées adaptées à ses missions. » Suit une liste de compétences qui correspondent à la définition d'un Etat minimal. M. Dominique Dord - Qu'est-ce qu'un état minimal ? M. Jean-Jack Queyranne - Un Etat qui abandonne un certain nombre de ses missions comme de garantir l'égalité entre les territoires et entre les citoyens. Pour notre part, nous trouvons normal que la Constitution indique que la réforme n'entrera pas en application avant que soient précisées les conditions d'un tel bouleversement des compétences. M. Alain Néri - Rappel au Règlement. Les propos de M. Geoffroy ont sans doute dépassé sa pensée lorsqu'il a parlé de « mensonge ». M. Dominique Dord - C'est lui qui a été traité de menteur par M. Migaud... Plusieurs députés UMP - Sur quel article se fonde ce rappel au Règlement ? M. Alain Néri - Sur celui qui interdit l'insulte dans cette enceinte (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP). Soit Mme Royal a vraiment menti, soit M. Geoffroy n'est pas au fait de la situation. Je demande donc l'arbitrage des ministres ici présents, voire du Premier ministre en personne. M. Jean-Luc Warsmann - Ce n'est pas un rappel au Règlement. M. Alain Néri - J'ai ici une note du directeur de cabinet du ministre de l'Education nationale... (Nouvelles protestations véhémentes sur les bancs du groupe UMP) M. Georges Colombier - Voyou ! M. Dominique Dord - C'est un détournement de procédure ! Mme la Présidente - Monsieur Néri, venez-en à votre rappel au Règlement ou je vous retire la parole. M. Alain Néri - Cette note indique clairement que 5 600 suppressions de postes de surveillants sont prévues (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP ; claquements de pupitres). M. Georges Colombier - Voyou ! M. Jean-Luc Warsmann - Coupez-lui le micro, Madame la Présidente. M. Alain Néri - Messieurs les ministres, est-ce vrai ou faux ? (M. Georges Colombier crie plusieurs fois « Voyou » en désignant la présidence. Bruit continu sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Marie Morisset - Elu des Deux-Sèvres comme Mme Royal, je veux, sans parler de mensonges, relever quelques contradictions dans ses propos. Je lui rappelle tout d'abord qu'elle a été la première à dire que la rentrée s'était bien déroulée dans sa circonscription. Je lui rappelle ensuite qu'alors que le budget départemental était auparavant préparé à hauteur de 22 % par l'Etat, celui que nous avons commencé à examiner la semaine dernière l'était à hauteur de 47 %. Je lui rappelle aussi que s'il convient d'évaluer l'APA, comme elle l'a dit, c'est ce que j'ai fait en organisant récemment une réunion de terrain avec tous les directeurs de maisons de retraite et les présidents d'associations du département. Je lui rappelle enfin qu'elle feint de découvrir que la TIPP pouvait être régionalisée et que le RMI et les routes pourraient devenir des compétences départementales alors qu'elle était avec moi aux assises des libertés locales quand le Premier ministre nous l'a annoncé... (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Mme Ségolène Royal - Rappel au Règlement (Protestations sur les bancs du groupe UMP). J'ai été interpellée (Mêmes mouvements) par M. Morisset que je suis heureuse de voir nous rejoindre en fin de débat... (Mêmes mouvements) M. Bernard Accoyer - Ce n'est pas un rappel au Règlement mais un fait personnel ! Mme Ségolène Royal - Ce débat a donc pris un tour départemental (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP). Oui, la rentrée 2002 s'est bien passée, parce qu'elle avait été préparée par le gouvernement précédent. Mme la Présidente - Ce n'est pas un rappel au Règlement ! Mme Ségolène Royal - M. Morisset s'est adressé à moi ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; bruit, claquements de pupitres) Mme la Présidente - Sur quel article se fonde votre rappel ? Mme Ségolène Royal - Article 58, alinéa 1, qui interdit à un parlementaire de s'adresser directement à un autre (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Puisque l'on veut m'empêcher de parler, je vais être contrainte de demander une suspension de séance... Je me réjouis que M. Morisset reconnaisse qu'il est nécessaire d'évaluer l'APA. En ce qui concerne les routes, si le département des Deux-Sèvres s'en voit confier la compétence, je souhaite que des travaux soient engagés en priorité sur la départementale 948 (Très vives protestations sur les bancs du groupe UMP). M. Augustin Bonrepaux - Rappel au Règlement,... M. Jean-Luc Warsmann - C'est le troisième du groupe socialiste, vous pouvez le refuser, Mme la Présidente ! M. Augustin Bonrepaux - ...sur la base de l'article 73, alinéa 3, qui prévoit la censure avec l'exclusion temporaire contre tout député qui s'est rendu coupable d'outrages envers l'Assemblée ou envers son Président. Or nous avons entendu distinctement un de nos collègues dire plusieurs fois « voyou » en désignant la Présidente (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Je souhaite vraiment que la majorité fasse preuve d'un peu plus de respect ! (Mêmes mouvements) Mme la Présidente - J'espère que ces mots n'ont pas été prononcés. À la majorité de 83 voix contre 28 sur 111 votants et 111 suffrages exprimés, l'amendement 133 mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Ségolène Royal - Je demande une suspension de séance pour permettre à mon groupe d'examiner les conditions dans lesquelles doit se poursuivre un débat au cours duquel aucun de nos amendements n'est accepté et où la majorité se montre agressive. La séance, suspendue le mercredi 27 novembre à 0 heure 25, est reprise à 0 heure 35
ARTICLE 7 Mme la Présidente - Nous en venons aux inscrits sur l'article 7. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour. M. Christian Paul - La majorité est absente ! M. Louis-Joseph Manscour - Je suis un nouveau député, mais j'ai une expérience d'élu longue de vingt-cinq ans. Je suis scandalisé par ce débat. Jeune, à 8 000 kilomètres de la France métropolitaine, dans ma campagne, je regardais les députés débattre sous les lambris dorés de la République, et je souhaitais être parmi eux. Je suis fortement déçu. La réforme constitutionnelle devait être pour nous, élus d'outre-mer, un temps fort de la vie parlementaire. Elle devait nous ouvrir une page nouvelle où la polémique, le sectarisme et la méfiance céderaient la place au dialogue, au travail et au débat démocratique. Il n'en est rien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). J'ai bien conscience que la réforme du statut ne réglera pas tous les problèmes que nous rencontrons. Elle doit s'articuler autour des maîtres-mots que sont l'identité, le développement, l'égalité, la responsabilité, la dignité. À cet article 7, il est prévu de consulter les populations non pas sur un projet global, comme c'était le cas dans la loi d'orientation, mais sur l'opportunité d'instituer une assemblée unique, de créer une collectivité unique ou de transformer un département d'outre-mer en collectivité régie par l'article 74. Les citoyens sont ainsi dépossédés de la possibilité de s'exprimer sur l'essentiel, à savoir la définition des pouvoirs et des compétences des assemblées locales. Quant aux élus, à qui on réserve la possibilité de réclamer des compétences nouvelles, on semble ne plus leur reconnaître le pouvoir d'initiative qui leur a été attribué par la loi. On ne sait pas sur quelle base le Gouvernement et le Président de la République prennent la décision de lancer une consultation de la population. À partir d'une négociation avec des forces politiques ? On devine les risques que cela pourrait comporter. La réticence qu'on perçoit à l'égard des congrès tient au fait que la conception de cette réforme constitutionnelle s'accorde mal avec le choix fait très majoritairement par les élus des trois DFA de réclamer la création de collectivités à statut particulier. Madame la ministre, vous nous annoncez des lois organiques pensées par des cabinets ministériels. Que fait-on des travaux des congrès réunis plusieurs jours à la Martinique, en Guadeloupe et en Guyane ? Quelle que soit, chers collègues, votre volonté de nous aider à faire évoluer nos départements d'outre-mer, nous savons que nous devons d'abord compter sur nous-mêmes. Ce n'est pas à une heure du matin comme cela se produit régulièrement qu'on doit parler de l'outre-mer. Je ressens profondément comme du mépris le fait que tout ce qui touche à l'outre-mer soit débattu au milieu de la nuit ! M. le Rapporteur - C'est bien la faute de votre groupe ! M. Louis-Joseph Manscour - Monsieur le rapporteur, vous devez comprendre combien cela est important ! S'il est nécessaire qu'il y ait une majorité, elle doit respecter les minorités, qui participent aussi à l'_uvre démocratique. Le Sénat a eu deux semaines pour débattre de ce texte et nous une seule ! Cela fait 22 jours que je suis ici et j'ai dû reporter mon retour outre-mer pour pouvoir participer à ce débat. J'ai le droit de vous le faire remarquer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). M. Christian Paul - Je voudrais faire un rappel au Règlement : le groupe socialiste proteste solennellement contre les conditions indéfendables dans lesquelles nous entamons ce débat. Alors qu'avec l'article 7, c'est la place de l'outre-mer dans notre Constitution que nous abordons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Plusieurs députés UMP - C'est votre faute ! M. Christian Paul - M. Manscour, député de la Martinique, vous a fait connaître son indignation. L'article 7 ne s'attache pas simplement à organiser la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités locales ! M. Jean-Luc Warsmann - Ce n'est pas un rappel au Règlement ! M. Christian Paul - Il fixe pour l'avenir la place de l'outre-mer dans notre République (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Jacques Le Guen - Ce n'est pas un rappel au Règlement ! M. Christian Paul - Il est donc particulièrement préoccupant pour notre Assemblée d'aborder le débat à cette heure et de cette manière. Que la majorité n'ait pas été là pour entendre M. Manscour est révélateur. M. Jean-Luc Warsmann - C'est faux ! M. Christian Paul - Je souhaite, Madame la présidente, que vous nous donniez acte de ces conditions inadmissibles. Pour l'honneur de cette Assemblée et pour celui de l'outre-mer, il serait bon de repousser le débat à demain matin. Mme la Présidente - Le Règlement prévoit que nous allions jusqu'à une heure, mais je vais consulter la présidence et le Gouvernement pour voir ce que nous allons faire. M. Jean-Luc Warsmann - Je déplore que de telles remarques aient été formulées. Si nous en sommes là aujourd'hui, c'est bien parce que l'opposition a usé de man_uvres dilatoires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Plusieurs députés socialistes - Ce n'est pas vrai ! M. Jean-Luc Warsmann - Elle a multiplié les rappels au Règlement et les suspensions de séances injustifiées, et maintenant elle vient nous reprocher d'entamer le débat trop tard ! Alfred Almont, député de la Martinique, a été présent toute la semaine dernière. Il a dû repartir ; le retard pris dans la discussion l'a empêché de s'exprimer. En son nom, je voudrais souligner l'intérêt qu'il y aurait à préciser la procédure de consultation des populations des collectivités d'outre-mer. M. Almont souhaite voir adopter un amendement qui garantisse que ces consultations pourront porter sur l'ensemble des éléments constitutifs de l'organisation d'une collectivité territoriale. Cela est nécessaire pour que, dans le cadre de la prochaine évolution institutionnelle des départements français d'Amérique, les électeurs puissent être consultés sur un schéma institutionnel global. Mme la Présidente - Monsieur Lurel, je vous propose de commencer l'audition des orateurs inscrits sur l'article et de nous arrêter à M. Dosière (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Demain, nous finirons d'écouter les orateurs inscrits et vous pourrez ainsi entendre les réponses du Gouvernement. M. Victorin Lurel - Mais nous n'avons même pas les amendements ! Il serait préférable de reporter le débat, pour que la discussion puisse être calme et sérieuse. Il est une heure moins dix ! M. Didier Migaud - C'est scandaleux ! Mme la Présidente - C'est, je crois, une solution de sagesse que je vous propose. M. Victorin Lurel - Le Sénat a eu deux semaines pour discuter de ce texte ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Mme la Présidente - Commençons d'entendre les orateurs inscrits d'autant que les amendements sont à votre disposition. M. Victorin Lurel - M. Warsmann a évoqué un amendement dont je n'ai pas le texte ! Mme la Présidente - Ils sont disponibles. Mme Ségolène Royal - Je voudrais faire un rappel au Règlement. Le Sénat a disposé de deux semaines pour débattre de ce texte constitutionnel (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Le Gouvernement avait prévu trois jours pour l'Assemblée nationale. Je sais que le Sénat est actuellement l'objet de toutes les faveurs, mais les conditions dans lesquelles nous devons travailler ne sont pas dignes du législateur constitutionnel. Je comprends que les parlementaires des départements et territoires d'outre-mer se sentent humiliés par le fait de commencer un débat à une heure moins cinq. Je sollicite le report de la discussion à demain ou, au moins, une suspension de séance pour que nous puissions prendre connaissance des amendements. Plusieurs députés UMP - Ce n'est pas sérieux ! Quel manque de respect ! La séance, suspendue à minuit 55, est reprise à 1 heure 10. M. Victorin Lurel - Il est une heure dix, et à mes yeux il n'est pas question d'expédier le débat sur l'outre-mer à pareille heure. Il n'est pas question non plus de passer en force. Je suis ici depuis plus de dix jours. Je suis venu pour la révision de la Constitution de la République. Je n'admets pas qu'on puisse considérer qu'on vient ici à la sauvette, et qu'on doit reprendre l'avion. L'outre-mer occupe quelques articles. Je ne comprends pas qu'on fasse une apparition, qu'on passe à la télévision et qu'on s'en aille (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). J'ai assisté à tout le débat d'aujourd'hui sans intervenir : je préparais mon intervention. Mais je ne veux pas intervenir dans ces conditions, inacceptables pour engager le débat sur l'outre-mer. Je demande son renvoi à demain. M. René-Paul Victoria - Rappel au règlement fondé sur l'article 58 aliéna 1. J'appelle l'attention de la présidence sur la place dans cet hémicycle de l'outre-mer et de ses élus. Je comprends ce qu'a dit M. Lurel, mais je ne l'approuve pas. Nous aussi, élus de la majorité, nous sommes ici depuis quinze jours, et avec autant de foi, de force, de conviction (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) nous préparons le débat sur l'outre-mer dans le cadre de la révision constitutionnelle. Et ce soir, avec confiance, et avec le soutien de tous les collègues qui sont là, nous sommes prêts à aller jusqu'à trois, quatre, cinq heures du matin s'il le faut (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Mme Christiane Taubira - Notre position ne résulte pas d'un caprice. Nous avons dû nous battre pendant des années pour que la discussion du budget de l'outre-mer cesse d'être programmée le 2 novembre. Nous avons obtenu des dates correctes, même si ce sont généralement des jeudis ou des vendredis. M. Guy Geoffroy - Nous sommes mardi. Mme Christiane Taubira - Nous sommes mardi à une heure du matin. Pouvons-nous consentir à ce que le débat sur l'outre-mer se tienne à pareille heure, qu'il soit haché, que Mme la ministre nous réponde de façon éclatée ? Les populations de l'outre-mer méritent plus de respect. Nous aussi, nous avons des avions à prendre, que nous différons. Nous aussi, nous serions mieux au chaud, au bord de la mer... Mais la place de l'outre-mer dans la Constitution est un enjeu considérable. En vertu de l'article 58 alinéa 1, il est souhaitable que ce débat puisse se tenir dans de meilleures conditions de continuité et de sérénité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Joël Beaugendre - J'aurais bien accepté ces propos si le Règlement avait été respecté quant à l'ordre de parole. Je n'ai pas vu M. Manscour, qui a fait un discours, inscrit parmi les intervenants sur l'article. Et je vois qu'on décide d'arrêter juste avant moi, alors qu'il resterait deux intervenants, qui ne nous auraient pas emmenés au-delà d'une heure raisonnable... J'étais présent tous les soirs, et M. Paul, absent toute la semaine dernière, n'est pas en mesure de me faire la morale. J'attendais ce soir pour que nous confrontions nos arguments sur l'outre-mer. C'est à ce débat-là que je dois assister ce soir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. René Dosière - Lors de la séance du vendredi 22 novembre, M. Victorin Lurel, ayant exprimé sa crainte de voir les articles sur l'outre-mer expédiés à la hussarde, Jean-Louis Debré qui présidait lui a répondu : « Vous me connaissez mal » ; et il a levé la séance à 1 heure du matin. A notre collègue qui se dit prêt à discuter jusqu'à 3 heures, 4 heures ou 5 heures du matin, je réponds que c'est contraire aux volontés du Président de l'Assemblée nationale. M. Hervé Mariton - Qu'il vienne nous le dire ! M. René Dosière - Il a d'ailleurs déclaré, sur France Info, que la longueur des débats était normale compte tenu de l'importance du sujet et de la nécessité d'entendre tous les orateurs, car, a-t-il dit, on ne réforme pas la Constitution à la sauvette. M. Jean-Luc Warsmann - Il n'en est pas question ! M. René Dosière - Si le Gouvernement, responsable de l'ordre du jour, avait prévu deux semaines de discussion au lieu de trois jours... M. Jean-Jack Queyranne - Comme au Sénat ! M. René Dosière - ...nous n'en serions pas là ! Certes les députés d'outre-mer n'habitent pas à côté, mais nous non plus n'avions pas prévu d'être là aujourd'hui et avons dû prendre nos dispositions (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Résultat : le manque d'organisation du Gouvernement, dont nous ne saurions être responsables, dérange tout le monde. M. Bernard Accoyer - Je ferai un rappel au règlement sur la base de l'article 53 alinéa 3. Le Gouvernement a laissé le débat se tenir dans des conditions comparables à celles qui ont prévalu au Sénat, mais il aurait pu se dérouler plus vite. Nombre d'interventions, certes intéressantes, ont été redondantes, si ce n'est quelque peu éloignées du sujet. Et des man_uvres dilatoires empêcheraient maintenant nos collègues d'outre-mer - qui, eux, viennent de loin - de s'exprimer, après avoir si longtemps attendu ! Saluons d'ailleurs l'assiduité avec laquelle ils ont participé à nos travaux et la pertinence de leurs interventions, si sages comparées aux nombreux dérapages qui ont eu lieu sur tous les bancs de cette assemblée. M. André Chassaigne - Intervention de haut niveau ! M. Bernard Accoyer - Comment prétendre que le débat ne durerait que quelques minutes sous prétexte que nous serions à une heure avancée de la nuit ! Il nous est déjà arrivé de siéger, lors de la dernière législature, jusqu'à sept heures du matin ! C'est autrement moins fatiguant que les décalages horaires ! La santé de nos collègues d'outre-mer est en jeu. De surcroît, vous pouvez leur faire confiance pour ne pas s'éloigner du sujet. Laissez-leur un temps raisonnable et vous verrez que nos égarements ne seront plus qu'un mauvais souvenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Debré remplace Mme Guinchard-Kunstler au fauteuil présidentiel. PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ M. Alain Néri - Rappel au règlement. Je viens d'écouter avec attention le long plaidoyer de M. Accoyer : il est vrai qu'il s'agissait de sa première intervention de la soirée. Mon rappel au Règlement est fondé sur l'article 50 alinéa 3, qui dispose que l'Assemblée se réunit l'après-midi de 15 heures à 19 heures 30, la soirée de 21 heures à 1 heure le lendemain, et le matin, quand elle siège, de 9 heures à 13 heures. Il est une heure trente, et il n'apparaît pas raisonnable d'entamer à cette heure avancée une question aussi importante que la réforme de la Constitution pour ce qui concerne l'outre-mer. Je vous remercie de votre présence, Monsieur le Président, et vous demande de réunir la Conférence des Présidents, en vertu de l'article 52 alinéa 1, pour décider de reprendre la séance ce matin à neuf heures trente. M. le Président - C'est moi qui conduis les débats. Mme Christiane Taubira - Rappel au Règlement sur la base de l'article 58 alinéa 1 qui est relatif au déroulement de la séance. M. le Président - Cela ne m'a pas échappé. Mme Christiane Taubira - Je pensais être courtoise, et je vous remercie à mon tour de votre présence, à laquelle nous sommes sensibles. M. le Président - Je vous remercie. Mme Christiane Taubira - Monsieur Accoyer, nous n'avons pas attendu ! Nous avons participé au débat et à l'exercice de la souveraineté nationale, au même titre que chaque député, et nous avons d'ailleurs déposé des amendements qui n'avaient pas directement trait à l'outre-mer. Il ne s'agit pas de faire preuve de complaisance à notre égard en nous permettant avec condescendance de liquider nos interventions et de rentrer dormir ; ce que nous voulons, c'est que toutes les conditions de leur débat continu et serein soient réunies. Puisqu'il nous avait été dit que la séance serait levée à une heure, nous souhaitons que ce débat soit interrompu maintenant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. le Rapporteur - Je m'appuie sur l'article 50-4 du Règlement : « L'Assemblée peut toutefois décider de prolonger ses séances soit sur proposition de la Conférence des présidents sur un ordre du jour déterminé, soit sur proposition de la commission saisie au fond ». C'est le cas. Je vous propose, Monsieur le Président, de poursuivre nos débats. M. le Président - Je consulte l'Assemblée. L'Assemblée, consultée, décide de poursuivre le débat. M. Christian Paul - Ce rappel au Règlement s'appuie sur l'article 58-1. Solennellement, je vous fais part de l'émotion du groupe socialiste devant les conditions dans lesquelles nous entamons, à une heure et demi du matin, un débat qui porte sur la place de l'outre-mer dans la Constitution et donc, dans la République. Il ne s'agit pas seulement de faire évoluer les compétences des collectivités locales ; c'est la place de l'outre-mer dans la Constitution qui, avec les articles 7 et 8, sera débattue. Nous assistons à la mutation institutionnelle la plus importante depuis 1946. Il n'est pas digne d'amorcer ainsi ce débat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). M. le Président - L'Assemblée, conformément à l'article 50-4 a décidé de poursuivre le débat. En outre, s'il s'était déroulé dans des conditions normales, nous aurions sans doute avancé un peu plus. M. Didier Migaud - Qu'est-ce que cela veut dire, des conditions normales ? M. Victorin Lurel - Je vous rappelle la promesse que vous m'aviez faite, Monsieur le Président, le vendredi 22 novembre en séance de nuit. Je vous avais dit : « N'expédiez pas à la sauvette le volet concernant l'outre-mer » ; vous m'aviez répondu : « Vous me connaissez mal ». Et moi : « J'ai appris à vous apprécier ». Je me demande comment nous pouvons entamer la discussion d'un volet aussi important à une heure et demie du matin. Nous avions demandé, et obtenu, que cette séance soit levée à une heure. Nous allons avoir un débat saucissonné, ce qui nuira à sa clarté. Nous ne faisons pas d'obstruction. Nous voulons un débat de qualité pour aboutir à un texte de qualité. Nous l'avons dit et répété : avec cette révision constitutionnelle, vous faites preuve de complaisance. Vous donnez des gages au Sénat, comme si vous vouliez verrouiller les institutions de la République. En cas d'alternance, la majorité qui arrivera sera obligée de s'adresser à une chambre qui ne partagera pas ses points de vue. Et maintenant je découvre de nouveaux amendements. Après avoir gratifié vos amis du Sénat de quelques avantages, réserveriez-vous la part du lion à certaines collectivités de l'outre-mer ? Pourtant, la Constitution ne devrait-elle pas transcender les clivages partisans ? Le Gouvernement a souhaité inscrire dans le texte de la Constitution, nominativement, les départements d'outre-mer. Faut-il rassurer l'outre-mer ? De quoi a-t-on peur ? Et convient-il de légiférer par peur ? Douterait-on de l'affection de l'outre-mer pour la République et la patrie française ? Pourquoi, dans ces conditions, ne pas inscrire aussi la Corse, la Bretagne, le pays basque ? L'ambiance d'une collectivité - en l'occurrence, celle de la Réunion - va-t-elle se révéler contagieuse ? Pour ce qui est des Caraïbes, on peut également se réjouir de la fusion de deux anciennes collectivités - la région et le département. Je voudrais vous interroger sur la Nouvelle-Calédonie : l'expérimentation lui sera-t-elle appliquée ? La question vaut également pour Saint-Pierre-et-Miquelon. J'avais l'impression que Saint-Pierre-et-Miquelon relevait à la fois de l'article 73 et de l'article 74 de la Constitution. « Pas de changement sans le consentement des populations ». C'est parfait. Nous évoquions un « statut différencié » ; vous parlez de « statut à la carte » : cela nous convient parfaitement. Je me réjouis de voir que le Sénat a bien voulu introduire une disposition relative à Saint-Martin et Saint-Barthélémy. La Guadeloupe est un archipel. Saint-Martin et Saint-Barthélémy ont une histoire différente. Je ne rappellerai pas les diverses conventions internationales - le Concordat de 1848 divisait l'île entre les Pays-Bas et la France ; Saint-Barthélémy a conclu un traité avec la Suède, en 1877... Les élus de Saint Barthélemy souhaitaient relever de l'article 74 ; ils pourront le faire. « Le Président de la République pourra consulter les populations » : là, j'ai du mal. Du mal à comprendre les orientations qui « viennent d'en haut ». J'avais plutôt entendu ce Gouvernement parler de la « France d'en-bas »... M. Augustin Bonrepaux - C'est injurieux ! M. Victorin Lurel - En effet. Je veux bien qu'il y ait des habilitations, mais peut-on donner quelque maîtrise de l'initiative locale aux élus de l'outre-mer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Sur les 75 élus que nous comptons, 73 se sont prononcés en faveur d'un pouvoir d'initiative législative encadré. L'unité de la République n'est pas en en jeu pour autant ! Je prends l'exemple du transport terrestre des voyageurs. Une longue concertation avec le Gouvernement a été nécessaire, alors que nous aurions pu nous auto-saisir du problème. J'ai déposé un amendement tendant à nous permettre une initiative (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Je découvre les amendements de nos collègues de la Réunion ; je découvre que le peuple français reconnaît les populations de l'outre-mer dans un idéal de fraternité. Pourquoi ne reconnaît-on pas le peuple corse ? Les peuples breton, alsacien, languedocien ? M. René Dosière - Et les Picards ? M. Victorin Lurel - Je suis heureux pour la Réunion, mais je suis inquiet pour mon petit pays. De 1983 à 1987, nous avons connu des nuits bleues en Guadeloupe. Or, vous répondez en verrouillant le texte ; on modifiera l'alinéa 2 du Préambule de la Constitution par un amendement qui n'a pas été examiné par la commission des lois. Le président de la commission a levé la forclusion alors qu'ici même, Mme la ministre de l'outre-mer nous a opposé l'article 42-2 de la Constitution pour écarter les amendements de Didier Migaud et d'Augustin Bonrepaux ! Je le répète, il ne convient pas de légiférer sous le coup de la peur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. René-Paul Victoria - Je voudrais exprimer aux députés UMP toute ma gratitude pour la solidarité dont ils ont fait preuve ce soir vis-à-vis de l'outre-mer. Il y a deux conceptions politiques en la matière : il y a d'un côté ceux qui aiment l'outre-mer du bout des lèvres, et ceux qui l'aiment du fond du c_ur, telle que l'a définie notre Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste). La diversité de la France, célébrée avec force par le général de Gaulle, s'exprime aussi outre-mer où aucune situation n'est comparable à l'autre. La Constitution de 1946 et celle de 1958, ont assumé cette diversité tout en plaçant, dans le cadre des DOM et des TOM, des ensembles fort disparates. Depuis un demi-siècle, en effet, la législation applicable aux DOM est la même, que l'on soit dans la Caraïbe ou dans l'océan Indien. Certes, des évolutions sont apparues, en particulier ces deux dernières années, mais les entités DOM ou TOM demeurent. L'objet de ce projet est précisément, concernant l'outre-mer, de permettre l'expression de nos différences bien évidemment dans le cadre de la République. Pour la première fois, les territoires sont mentionnés dans la Constitution. C'est une marque encore plus forte de l'amour porté à nos territoires lointains, qui font partie de la République une et indivisible. Selon les engagements du Président de la République, les départements français d'outre-mer doivent pouvoir choisir le statut qui leur convient le mieux afin d'assurer leur développement économique, social et culturel. C'est ce que demandent une large partie de la population réunionnaise comme ses représentants élus. Notre choix est réaliste, car nous souhaitons sans frilosité aucune que la Réunion, comme les autres départements, bénéficie du droit à l'expérimentation. Cependant, pragmatique, nous ne voulons pas aller trop loin dans la spécialité législative. Nos amis antillais, en fonction de leur histoire et de leurs contraintes souhaitent disposer d'une certaine latitude. Je comprends et je respecte leur revendication, je demande qu'on respecte la mienne. Pour la Réunion, nous pensons que cette ouverture serait une source permanente de frustrations comme la Constitution va le permettre, les populations seront consultées de façon démocratique. La Réunion souhaite rester dans l'article 73, et non passer dans l'article 74. Notre stabilité politique et administrative nous a permis, grâce à la départementalisation d'être aujourd'hui le premier producteur européen de sucre de canne. Notre industrie du tourisme se porte plutôt bien ; nos activités de pêche industrielle prennent de l'ampleur grâce aux ressources halieutiques des Terres australes ; notre plate-forme de formations est parmi les plus performantes de la région ; nos plateaux techniques médicaux sont de premier plan. Malgré les difficultés liées à la poussée démographique, notre tissu économique crée des emplois. Ces résultats nous permettent, année par année de rattraper en partie nos retards structurels sur les régions de métropole ou d'Europe. Un instabilité institutionnelle chronique jetterait à bas cet édifice et ruinerait nos efforts au moment où la Réunion est confrontée à un triple défi d'intégration au sein de la République, de l'Union européenne, du monde india-océanique. Voilà pourquoi, je souhaite que vous puissiez tous entendre le message clair délivré depuis de nombreuses années par la population réunionnaise, et que, conformément au vote du Sénat sur l'amendement Virapoullé, nous respections le choix des Réunionnais de rester liés de manière indéfectible à la mère patrie. Pour illustrer le bien-fondé de cette affirmation et de l'amendement que je défendrai tout à l'heure, rappelons que nous fêtons cette année le bicentenaire de la naissance de Victor Hugo, dont la successeur à l'Académie française fut Leconte de Lisle. Leconte de Lisle est né à la Réunion. Il a été unanimement reconnu comme un très grand poète. C'est un exemple de ce que l'outre-mer a apporté à la République. Eh bien, je citerai en conclusion ces mots de Victor Hugo : « Mettez à fin à cette grand _uvre de l'organisation fraternelle de tous les peuples, conduits au même but, rattachés à la même idée, et vivant du même c_ur. Unissons-nous dans une pensée commune, et répétez avec moi ce cri : vive la liberté universelle ! Vive la République universelle ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Joël Beaugendre - Pour moi, il n'est que 21 heures et je m'étonne qu'un ancien ministre accoutumé au décalage pense que l'on manque de sérénité si l'on débat à cette heure... (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) Il y a un mois, le conseil général de la Guadeloupe a entendu un ancien membre éminent du cabinet de Christian Paul dire que cette réforme n'offrait pas la sécurité juridique. Il a suggéré que l'on adopte un amendement relatif à la position de la Guadeloupe dans l'article 73, alors que le Congrès demandait que les exécutifs disposent de pouvoirs législatifs. J'en viens à cet article 7, qui inscrit nominativement dans la Constitution chacune des collectivités de l'outre-mer. Ainsi, il affirme la pérennité de l'appartenance des départements et territoires d'outre-mer à la République française. Je remercie le Gouvernement d'avoir inscrit la Guadeloupe, au même titre que la Martinique, la Guyane, la Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, la Polynésie Française comme collectivité territoriale française dans la Constitution. Oui, nous faisons tous partie de l'organisation décentralisée de la France. Mme Christiane Taubira - Quelle innovation ! M. Didier Migaud - Quelle découverte ! M. Joël Beaugendre - L'article 7 met les citoyens français de l'outre-mer au c_ur des décisions locales conformément aux engagements du Président de la République. La population est désormais consultée sur tout changement de statut, je m'en félicite. Permettre aux électeurs d'une collectivité de se prononcer sur son devenir est un signe fort du Gouvernement vers l'outre-mer. C'est pour nous un acte de responsabilité qu'il faudra pleinement assumer. Les élus n'ont pas le monopole de la décision. Ils doivent agir en partenariat avec leurs concitoyens afin de faire face, dans le consensus local, aux contrainte spécifiques de nos régions. L'outre-mer, c'est la France mais avec des spécificités déjà reconnues dans la Constitution de 1958, défendues par le général de Gaulle dans le cadre du protocole de protection du marché de la banane, reprises dans la loi de décentralisation de 1982, admises par la loi Pons de 1986, au travers de la loi de défiscalisation confortée par la décision du Premier ministre de l'époque, Jacques Chirac, d'accorder le bénéfice de l'allocation familiale dès le premier enfant, consacrées, à la demande du Président de la République, dans le traité d'Amsterdam. Je comprends mal que des élus puissent s'élever contre une gestion plus territoriale et tenter de mettre en cause la diversité géographique, ethnique et culturelle qui fait la richesse de la France. Nous sommes Français, mais nous ne voulons pas une gestion qui ne tienne pas compte de l'outre-mer. La déclaration de Basse-Terre inscrit l'outre-mer dans la France et dans l'Europe, mais en reconnaissant ses particularités. Je m'inscris contre toute proposition rétrograde pour l'outre-mer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. le Rapporteur - Je tiens absolument à répondre à René-Paul Victoria, ainsi qu'à Bertho Audifax et à André Thien Ah Koon que j'ai reçus, qui ont sans doute mal compris et ressenti un certain amendement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Je vous en prie ! C'est vous qui nous obligez à débattre à une heure inconvenante pour l'outre-mer ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Moi je leur réponds par courtoisie, alors gardez vos remarques pour vous ! (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe socialiste) Taisez-vous, Monsieur Migaud ! (Mêmes mouvements) M. le Président - Monsieur Clément, c'est moi qui préside ! M. le Rapporteur - Mais je refuse de parler dans le brouhaha, alors qu'ils se taisent ou j'attendrai ! (Mêmes mouvements) Le Sénat, sur proposition de M. Virapoullé, a souhaité supprimer une partie générale à tous les DOM, qui permet par une loi d'habilitation de rendre des règles spécifiques applicables sur un nombre de territoires limité, dans des matières qui pourraient relever de la loi. Cette possibilité sera offerte à partir du vote de la loi constitutionnelle à tous les DOM, à l'exception de la Réunion. Les trois parlementaires de la Réunion ont voulu exprimer leur attachement à la France par le souhait que cette capacité d'adaptation ne s'applique pas à leur département. Pourtant, premièrement, l'inscription du nom des départements et collectivités d'outre-mer dans la Constitution offre déjà une sécurité qui n'existait pas auparavant (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Deuxièmement, des spécificités évidentes sont attachées à l'ensemble des départements et collectivités d'outre-mer, comme cela a été souligné lors du traité d'Amsterdam (Mêmes mouvements). Troisièmement, la Réunion elle-même a des spécificités propres (Mêmes mouvements). Pour cet ensemble de raisons, la commission des lois avait souhaité rétablir sa capacité - supprimée par le Sénat - de procéder à des adaptations (Mêmes mouvements). Mais dès lors que, chers collègues de la Réunion, vous en faites un problème d'attachement affectif à la France, je n'ai plus d'arguments... (Mêmes mouvements) Ma position était dictée par la prudence, mais vous prenez la responsabilité de vous priver de cette capacité. Je ne serai donc pas plus Réunionnais que les Réunionnais, et c'est bien volontiers que je retire mon amendement. La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi à 15 heures. La séance est levée à 2 heures 5.
ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 27 NOVEMBRE 2002
A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE 1. Questions au Gouvernement. 2. Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
M. Yves BUR, rapporteur. (Rapport n° 394). 3. Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. 4. Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat (n° 369), relatif à l'organisation décentralisée de la République.
M. Pascal CLÉMENT, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Rapport n° 376). M. Pierre MÉHAIGNERIE, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Avis n° 377). 5. Discussion du projet de loi (n°187) relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008.
M. Guy TEISSIER, rapporteur au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées. (Rapport n° 383).
M. Pierre LELLOUCHE, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères. (Avis n° 384).
M. François d'AUBERT, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Avis n° 385).
A VINGT ET UNE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE Suite de l'ordre du jour de la première séance. |