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Assemblée nationale
COMPTE
RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL
Session ordinaire de 2002-2003 - 41ème jour de séance, 108ème séance 1ère SÉANCE DU MERCREDI 18 DÉCEMBRE 2002 PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ Sommaire QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2 INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE 2 RENFORCEMENT DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE 2 NOMINATION DU DIRECTEUR GÉNÉRAL CRISE DES URGENCES 4 FINANCEMENT DE L'APA 5 IRAK 5 MODES DE SCRUTIN ET DÉCOUPAGE ÉLECTORAL 6 ISLAM EN FRANCE 7 MÉCÉNAT ET FONDATIONS 8 TIPP 8 SÉCURITÉ ROUTIÈRE 9 ÉQUIPEMENT NUMÉRIQUE DU TERRITOIRE 9 PROJET DE LOI EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 12 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI RAPPELS AU RÈGLEMENT 18 PROJET DE LOI DE FINANCES ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE 34 MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE 34 ERRATUM 34 La séance est ouverte à quinze heures. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE M. Daniel Paul - Avant toute chose, je prends la parole conformément à l'article 58 de notre Règlement pour dire mon indignation devant l'organisation de nos travaux. Nous avons été informés à midi qu'un texte très important relatif aux mesures anti-licenciements allait être examiné dans la nuit de jeudi à vendredi, voire vendredi matin, alors que rien n'était prévu à ce sujet. Certes, le programme de travail de l'Assemblée pour vendredi est libellé de manière suffisamment floue pour permettre de terminer l'examen de textes sur lesquels un retard aurait été pris, mais en l'occurrence, nous protestons contre le mépris manifesté à l'égard de la représentation nationale, des syndicats, des salariés et des chômeurs (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Nous souhaitons que l'examen de ce texte soit reporté en janvier, à la reprise de nos travaux (Mêmes mouvements). J'en viens à l'indemnisation des victimes de l'amiante pour rappeler que lors du conseil d'administration du FIVA du 22 juin dernier, les associations et les organisations syndicales ont fixé les bases d'un barème d'indemnisation à la hauteur du préjudice subi et qui se rapproche de celui de la sécurité sociale. Pourtant, à ce jour, aucune victime n'a été indemnisée, et la seule ligne suivie par le Gouvernement consiste à faire traîner les choses et à s'efforcer de réduire le montant des indemnités. De plus, la décision prise par le Gouvernement de faire entrer des représentants du MEDEF et de la CGPME au conseil d'administration du fonds, alors que les enjeux sont considérables pour les entreprises, a été ressenti par les victimes et leurs familles comme une véritable provocation. L'intoxication par l'amiante est en passe de devenir la pire catastrophe sanitaire que la France ait connue. Les morts sont au nombre de 3 000 chaque année. Comment le Gouvernement compte-t-il répondre aux justes demandes d'indemnisation ? Quand débloquera-t-il ce dossier, dont le retard est une insulte aux victimes, et à leurs proches ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle - Je vous rappelle que le FIVA a été créé en 2001, par la loi de financement de la sécurité sociale, sur la base d'un texte adopté en 2000. Or, en mai 2002, rien n'était fait, et il n'y avait toujours ni barème, ni montant d'indemnisation (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP). Le Gouvernement n'a donc rien à se reprocher, bien au contraire, puisque le ministre des affaires sociales s'est attaché à favoriser la reprise du dialogue avec les associations et les syndicats. Mieux : dès le 22 juin, le conseil d'administration du FIVA définissait les premières anticipations de règlements définitifs et le dialogue s'accélérait si bien entre juillet et novembre qu'un barème médical était fixé en décembre, qui tenait compte des observations des intéressés. Ce n'est pas un barème au rabais, je tiens à le souligner : il permettra d'indemniser les victimes comme il se doit, en privilégiant les pathologies les plus graves. J'ajoute que le barème n'est qu'indicatif, et que les réparations seront individualisées. Le Gouvernement souhaite que ce barème médical soit adopté par le conseil d'administration du FIVA qui doit se réunir le 22 décembre de manière que les indemnités commencent d'être versées dès le début de l'année 2003 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). RENFORCEMENT DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE M. Richard Dell'Agnola - Après que cinq pompiers ont été tués par un chauffard à Loriol, après que trois gendarmes ont été blessés et qu'un est mort à Rennes dans les mêmes circonstances, un policier a trouvé la mort, dimanche, sur l'autoroute A86. Il a été touché par un conducteur dont le taux d'alcoolémie était de 1,62 gramme, alors qu'il portait secours aux victimes d'un conducteur qui avait fumé du cannabis. Chaque jour, en France, meurent ainsi des innocents, dont la seule faute est d'avoir croisé le chemin de chauffards assassins. Le Président de la République n'a pas eu de mots assez forts pour dénoncer ce scandale, qui fait de nos routes les plus meurtrières d'Europe. Cet après-midi se tiendra un comité interministériel consacré à la sécurité routière. Pouvez-vous, Monsieur le ministre de l'équipement, nous dire quelles seront les mesures arrêtées, et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - C'est un scandale pour une société civilisée que l'hécatombe qui se poursuit, année après année, sur les routes françaises. Aux chauffards, gendarmes, pompiers, policiers, agents de la DDE et des sociétés concessionnaires d'autoroutes paient un lourd tribut, et je tiens à leur rendre hommage. Des mesures ont déjà été adoptées par mes collègues Nicolas Sarkozy et Dominique Perben, et vous avez vous-même, Monsieur le député, présenté une proposition visant à réprimer l'usage de stupéfiant au volant qui est actuellement en discussion au Sénat. Il est bien que l'on ait compté 319 morts et 7 000 blessés en moins, en année glissante, au cours des derniers mois, mais il faut faire bien davantage. C'est pourquoi se tiendra tout à l'heure, sous l'autorité du Premier ministre, un comité interministériel consacré à la sécurité routière. Vous comprendrez aisément que je ne peux vous dévoiler les mesures qui seront prises avant que tous les arbitrages aient été faits. Je puis toutefois vous dire qu'elles seront fondées sur trois principes : le respect du code de la route - et des moyens très importants seront débloqués à cette fin, cependant que la sanction de certaines infractions sera considérablement aggravée ; la formation des conducteurs sera désormais considérée comme progressive ; enfin, associations, collectivités locales et services publics seront appelés à se mobiliser pour contribuer à améliorer la sécurité routière. Il n'est pas, en effet, de mission plus noble que d'essayer de sauver des vies et de réduire le nombre des blessés de la route (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP). NOMINATION DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS M. Laurent Fabius - Au cours des précédentes séances de questions au Gouvernement, vous avez été interrogé à diverses reprises, Monsieur le Premier ministre, sur l'éventuel remplacement du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, et vous n'avez pas souhaité répondre (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP). Ce matin, la décision est tombée, et elle pose le problème de « l'Etat-UMP » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; exclamations sur les bancs du groupe UMP). La Caisse des dépôts et consignations, parce qu'elle gère l'épargne de sept millions de Français et parce qu'elle est le premier intervenant en matière de logement social, doit être gérée avec impartialité, par une personnalité à la compétence reconnue. Or, personne n'a rien à reprocher à M. Daniel Lebègue, qui a géré la Caisse avec rigueur et lui a donné une dimension européenne. Serait-ce, alors, que vous voulez, pour des raisons idéologiques, modifier le rôle et le fonctionnement de la Caisse ? Si tel est le cas, le Parlement doit avoir à en connaître, car l'avenir des PME, des collectivités locales, des épargnants et des personnels est en jeu. Ou serait-ce - mais ce n'est pas incompatible - que vous reprochez à M. Lebègue, dont vous ne niez pas les compétences, de ne pas partager vos opinions ? (Huées sur les bancs du groupe UMP) M. le Président - Monsieur Marsaudon, restez tranquille. M. Laurent Fabius - Il existe, on le sait, deux sortes de sectarisme : celui qui avance à visage découvert, et qui est immédiatement condamnable et l'autre, aimable, ou plutôt patelin, celui qui s'exprime la main sur le c_ur, qui sort de ses gonds quand il est piqué au vif, celui qui sait citer un contre-exemple pour vingt exemples avérés de nominations partisanes (Huées sur les bancs du groupe UMP), celui qui récuse même ses alliés, celui qui veut tous les pouvoirs et tous les médias mais qui se dissimule derrière une hypocrisie qui fait la part belle à l'intolérance (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP). Auquel de ces deux sectarismes se rattache votre intolérance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; huées sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Monsieur le Premier ministre, je vous répondrai avec sincérité. M. Lebègue a été un bon directeur général de la CDC mais je considère qu'après cinq années, il n'est pas scandaleux de renouveler une équipe. A cet égard, la nomination, à ce poste, du vice-président de la Banque européenne d'investissement relève d'une rotation normale de l'exercice des responsabilités (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste). Monsieur le Premier ministre, je vous regarde en face car je connais votre sens de l'Etat : toutes les nominations auxquelles nous procédons sont marquées par l'esprit d'équilibre et le respect des compétences (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Les directeurs de cabinet de M. Richard et de M. Vaillant sont ainsi devenus préfets de région, le directeur de cabinet de M. Jospin et plusieurs de ses collaborateurs sont aujourd'hui ambassadeurs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; huées sur les bancs du groupe UMP), le délégué à la DATAR a été inspecteur général de l'éducation et un ancien député socialiste vient d'être nommé président de section au Conseil de l'Etat (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Voir du sectarisme dans ces conditions, c'est voir l'action politique par le petit bout de la lorgnette. Monsieur le Premier ministre, je suis à votre disposition pour examiner avec vous la liste de toutes les nominations : vous verrez alors, par exemple, que le directeur du Trésor, ancien collaborateur de M. Jospin, est toujours à son poste (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous faisons donc preuve d'un esprit d'ouverture et je souhaite que, sur ce plan-là comme sur d'autres, l'action de mon Gouvernement soit exemplaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste). M. Jean-Luc Préel - Les Français sont chaque année 10 % plus nombreux à se présenter aux urgences des hôpitaux car ils savent y trouver la compétence et les soins dont ils ont besoin. La régulation par le centre d'appels avec la participation des médecins de famille pour conseiller et éviter les déplacements inutiles se met en place et c'est une nécessité. Mais dès janvier prochain, la situation des urgences va devenir explosive car les mesures décidées par le gouvernement précédent vont s'y appliquer : réduction du temps de travail, repos compensateur, intégration du temps de garde dans le temps de travail : les gardes ne pourront plus être toutes assurées et les urgentistes sont très inquiets. Les responsables des hôpitaux vous posent donc la question : comment comptez-vous garantir l'accueil d'urgence à partir du 1er janvier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Vous avez raison de souligner, avec de nombreux autres députés, les difficultés des services d'urgence. La reconnaissance que nous leur portons ne suffit pas à les rassurer car plusieurs problèmes doivent être réglés simultanément : la pénurie de médecins et infirmières spécialistes de l'urgence, la réduction de 11 % du temps de travail, l'application de la directive européenne sur les temps de garde, qui se traduit elle-même par une baisse de 10 % du temps de travail : en un an, la capacité de travail dans les services d'urgence a baissé de 21 % (Huées sur les bancs du groupe UMP) et la situation a été aggravée par la longue grève des gardes des médecins libéraux. A côté des solutions à long terme, comme la création d'une spécialité d'urgentiste, nous négocions en ce moment même avec les partenaires sociaux un accord comportant l'assouplissement de la RTT et le paiement de plages additionnelles. Je pense qu'il devrait être conclu d'ici la fin de la semaine. Par ailleurs, à la mi-janvier, la mission Charles Descours va me faire des propositions. Si l'hôpital tient encore debout aujourd'hui, c'est grâce à la compétence et au dévouement de son personnel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Jacques Bobe - Ma question porte sur les difficultés de mise en _uvre de l'allocation personnalisée d'autonomie attribuée aux personnes âgées. Il n'est pas question d'en remettre en cause le principe et la finalité : mais depuis son entrée en vigueur, en janvier 2001, il est patent que ses conditions d'attribution sont inadaptées. Sans doute une expérimentation préalable aurait-elle permis d'éviter cette erreur. C'est une véritable bombe à retardement que vous a laissée le gouvernement socialiste ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Le nombre des allocataires a été très sous-évalué et tous les départements vont devoir augmenter les impôts locaux de façon excessive - 25 % en Charente ! Il est donc urgent de prendre des mesures correctives : mieux proportionner le montant de l'allocation aux revenus ; revoir la grille des niveaux de dépendance ; mieux adapter le nombre d'heures d'assistance aux besoins réels ; chercher des financements complémentaires. C'est un président de conseil général qui vous pose la question : quelles dispositions votre gouvernement compte-t-il prendre pour aider les conseils généraux à assumer la charge de l'APA sans augmenter exagérément la fiscalité ? La préparation des budgets 2003 est subordonnée à votre réponse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - Effectivement, mal évalué par le gouvernement précédent (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), le financement de l'APA n'est pas assuré en 2003. Cette situation préoccupe les départements, qui financent cette mesure aux deux tiers. Le surcoût pour 2003 est évalué à 1,2 milliard d'euros. A l'initiative du Premier ministre, une large concertation a été organisée avec le Parlement, les départements et les organisations de retraités. A l'issue de celle-ci, le Gouvernement a décidé une répartition équilibrée du surcoût. L'Etat s'engage à apporter une contribution complémentaire de même hauteur que celle des départements, soit 400 millions d'euros (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Les 400 millions restants résulteront d'ajustements de l'allocation. Ainsi le Gouvernement se donne les moyens de sauver l'APA, qui est une bonne mesure sociale (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), et d'affirmer l'exigence de solidarité nationale à l'égard de nos anciens. Si les promesses de nos prédécesseurs se transformaient en paquets, la hotte du Père Noël ne suffirait pas à les porter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) M. Didier Quentin - Demain Hans Blix, le chef de la commission d'inspection de l'ONU, s'exprimera devant le Conseil de sécurité sur les documents inventoriant les armements irakiens. Pour leur part les Etats-Unis ont déjà annoncé qu'ils rendraient leur jugement final sur ces documents à la fin de cette semaine. Par ailleurs, ils poursuivent activement leurs préparatifs en vue d'une intervention militaire et les opposants irakiens, soutenus par Washington, ont annoncé, le 17 décembre, la création d'un comité de 65 membres, prélude à un gouvernement provisoire en cas de renversement de Saddam Hussein. La France, qui a joué un rôle très actif et très positif dans cette crise, notamment en obtenant le retour des inspecteurs en Irak, se doit de garantir le respect des règles internationales avant toute action. Pouvez-vous nous confirmer la détermination du Gouvernement français à faire prévaloir les résolutions des Nations unies ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - M. Blix présentera demain au Conseil de sécurité son rapport d'évaluation sur la déclaration irakienne. C'est une étape importante, mais ce n'est qu'une étape vers le seul objectif qui vaille, le désarmement de l'Irak. La France prendra toute sa part à ce débat et renouvellera sa pleine confiance en l'action de M. Blix et de M. ElBaradei. Pour la France, le véritable test, c'est la coopération de l'Irak, sa capacité à laisser les inspecteurs travailler et à procéder à l'élimination des armes de destruction massive s'ils en trouvent. Mais si certaines insuffisances sont constatées dans la déclaration irakienne, les inspecteurs devront utiliser tous les pouvoirs dont ils disposent pour faire détruire les armes concernées. En cas de manquement grave de Bagdad à ses obligations, MM. Blix et ElBaradei devraient faire rapport au Conseil de sécurité, à qui il appartient seul d'en tirer toutes les conclusions. Entre la tentation de la passivité et celle d'un recours automatique à la force, nous avons une nouvelle fois fait le choix raisonné de la responsabilité. L'enjeu dépasse le cas de l'Irak. Nous devons, dans cette crise comme dans toutes les autres, montrer la capacité de la communauté internationale à faire face. La France poursuivra son action en faveur d'une sécurité collective qui fasse toute sa place au droit et à la morale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). MODES DE SCRUTIN ET DÉCOUPAGE ÉLECTORAL M. Bruno Le Roux - Il y a quelques semaines, Monsieur le Premier ministre, vous avez souhaité recevoir les représentants des formations politiques pour échanger sur la réforme des modes de scrutin. La semaine dernière, il ne nous semble pas que notre collègue Albertini ait obtenu une réponse claire, et nous nous interrogeons aujourd'hui sur le caractère factice de cette consultation, qui semble être un leurre ou un prétexte de petits arrangements entre amis de l'UMP (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). A la différence de ce qu'affirmait la semaine dernière votre ministre de l'intérieur, tous les partis politiques sauf un, l'UMP, sont opposés à un redécoupage sur les vingt-deux régions actuelles, qui ferait perdre tout caractère proportionnel aux élections dans la moitié de ces régions. Ce n'est pas acceptable. Mais M. Juppé exige un découpage refusé par toutes les autres forces politiques, et vous ne semblez pas capable de lui faire comprendre qu'il s'agirait là d'un coup de force au profit unique de l'Etat UMP (Interruptions sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). De même, nous savons qu'il est nécessaire de procéder régulièrement à des découpages cantonaux, pour s'adapter aux évolutions, à condition que ce soit de façon générale, en toute transparence, et en-dehors de toute pression particulière. Vous paraissez renvoyer cette réflexion après 2004. Très bien. Mais il existe un département, un seul, dans lequel vous souhaitez procéder dès maintenant à un redécoupage. Est-ce celui où les écarts démographiques sont les plus forts ? Non ! Est-ce celui où les disparités entre les cantons urbains sont les plus importantes ? Non ! Mais il s'agit du département de M. Gaudin, vice-président de l'UMP (Interruptions sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui a déposé sur votre bureau un projet en vous enjoignant de le mettre en _uvre au plus vite (Mêmes mouvements). M. le Président - Quelle est votre question ? M. Bruno Le Roux - Serez-vous ce tripatouilleur (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) qui, à la demande de ses deux marmitons en chefs Juppé et Gaudin ((Mêmes mouvements) veut remplir la corbeille de l'UMP au détriment de la transparence, de l'éthique et de la démocratie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP) M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Je laisse délibérément de côté les aspects diffamatoires de votre question, qui n'intéressent personne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Mais je viens vous chercher sur votre terrain (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Ainsi donc vous êtes un expert, et c'est pourquoi vous avez choisi l'exemple de Marseille, seule ville de France où en 1983 le maire socialiste a été élu avec moins de voix contre le candidat de droite M. Gaudin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Et c'est vous qui donnez des leçons ? Pas ça, pas vous et pas maintenant ! Puisque vous cherchez les leçons, en voici une. Je m'apprête à faire à Marseille ce qu'a fait le gouvernement Jospin à Lyon (Vives interruptions sur les bancs du groupe socialiste) : en 2000 vous avez revu entièrement la carte électorale des cantons de Lyon, et créé un nouveau canton, parce que vous avez été mis en demeure par le Conseil d'Etat de redessiner les cantons à Lyon pour corriger les inégalités démographiques (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Je ferai de même à Marseille parce que les inégalités y sont pires que ce qu'elles étaient à Lyon (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Au nom de quoi prétendre que la démocratie était à l'_uvre à Lyon en 2000, et que ce serait le tripatouillage à Marseille en 2002 ? (Mêmes mouvements) Quand on ne veut pas recevoir de leçons, mieux vaut être pudique et discret ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste) M. Christian Vanneste - Monsieur le ministre de l'intérieur (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), cinq millions de musulmans vivent en France, parmi lesquels beaucoup sont français ; l'Islam est ainsi, en nombre, la deuxième religion de France. Mais c'est aussi la plus récente et c'est pourquoi elle ne dispose pas d'instance représentative, comme en possèdent les catholiques, les protestants et les juifs. Or, une telle instance est indispensable pour que la République laïque et les cultes puissent dialoguer, pour qu'existe, comme vous l'avez dit, non pas un Islam en France, mais un Islam de France. Depuis treize ans, M. Joxe, puis M. Chevènement ont pris des initiatives. Mais comme d'habitude elles n'ont guère abouti. Et, comme d'habitude, vous démontrez que la droite peut faire avec intelligence ce que la gauche n'a pas eu le courage de faire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Ainsi, tout récemment, un accord a été passé entre les trois principales associations représentatives du culte musulman et, à votre demande, demain et après-demain se réunira la commission d'organisation du culte musulman. Quel est le contenu de cet accord, et quelles perspectives ouvre-t-il ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Pour la communauté musulmane française, la situation n'est pas bonne. La communauté nationale s'inquiète de la place de l'Islam, et ce n'est pas bien. Nos compatriotes musulmans, de leur côté, se sentent victimes d'amalgames, et pas toujours sans raison. La situation n'est donc satisfaisante pour personne. Aussi faut-il absolument parvenir à donner vie à un organisme qui représente le culte musulman. Cela n'a pas réussi jusqu'à présent parce que les trois plus grandes fédérations, qui représentent les deux tiers de la communauté musulmane, la FNMF, l'UOIF et la Mosquée de Paris, n'étaient pas d'accord. Le Gouvernement les a poussées à conclure un accord, ce qui ne signifie pas que tous les musulmans sont représentés. Mais sans cet accord préalable, nous n'avions aucune chance de réussir. Depuis, j'ai rencontré nos compatriotes musulmans d'origine africaine, et je rencontrerai ce soir ceux d'origine turque (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)... La question est suffisamment sérieuse pour que nous nous en préoccupions tous ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Il n'est pas certain que nous réussissions. Il le faudrait pourtant, pour l'intégration, et la tolérance, et pour que, chez nous, les communautés ne s'opposent pas. Tout le monde doit participer à cette démarche, pour éviter un Islam des caves et des garages qui nourrit le fondamentalisme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Les femmes doivent être représentées, et les puissances étrangères ne doivent pas s'en mêler. Voilà ce que nous allons essayer d'obtenir. Tout aura été tenté. La République et la laïcité ne signifient pas la négation des religions. Nous n'avons pas à choisir entre elles. Mais nous devons dire à tous nos compatriotes, quelle que soit leur religion, qu'ils seront traités avec l'esprit d'égalité républicain (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Michel Herbillon - La France est en retard dans le domaine du mécénat et des fondations. Les dons des particuliers et des entreprises à des _uvres d'intérêt général sont trop faibles. La procédure pour créer une fondation est trop complexe, et le nombre de fondations chez nous, est peu élevé. Il y a là un vrai handicap. La France se prive de ressources importantes qui pourraient être utilement mobilisées au service de la culture, de l'environnement, de la santé, de la recherche. Le Téléthon nous a rappelé combien l'engagement des particuliers, des associations et des entreprises peut être déterminant pour aider une grande cause nationale. Mais cet exemple demeure bien isolé. Il est temps, comme l'a souligné le Président de la République, de passer d'une culture de réticence et de soupçon à une culture de confiance et de reconnaissance. Dans le droit fil des engagements de Jacques Chirac (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) tendant à libérer les initiatives de la société civile, le Premier ministre et vous-même avez dévoilé hier un plan gouvernemental destiné à combler notre retard. Pourriez-vous apporter davantage de précisions sur cette réforme majeure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication - Le mécénat est une réalité déprimée en France. A peine 15 % de nos compatriotes donnent à des _uvres d'intérêt général. Le montant global de leurs dons s'élève à peine à un milliard. A peine 2 000 entreprises s'engagent dans le mécénat, pour un montant total d'à peine 340 millions. L'Allemagne compte plusieurs milliers de fondations, la France quelques centaines. Aux Etats-Unis, le mécénat représente 2 % du PIB, en France à peine 0,1 %. Le Premier ministre a placé au c_ur de son action l'objectif fixé par le Président de la République de libérer les initiatives. Aussi avons-nous présenté hier douze mesures destinées à vitaliser le mécénat et l'action des fondations, à favoriser la création de fondations et à améliorer leur statut fiscal. Elles ont été élaborées grâce au travail interministériel et je remercie le ministre de l'intérieur (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) ainsi que le ministre du budget avec lequel j'ai mis sur pied le dispositif fiscal. Il sera présenté au Parlement dès le début de 2003. Cette réforme est importante pour la vie culturelle. Elle ne signifie pas que l'Etat se désengage de ses missions, mais qu'il facilite toutes les initiatives (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Kléber Mesquida - Il y a deux ans, sur proposition de Didier Migaud, le précédent gouvernement a institué un dispositif de stabilisation de la TIPP pour protéger les consommateurs des hausses de prix du pétrole. Alors que le prix approche des 30 dollars le baril et qu'il flambera en cas de conflit avec l'Irak, vous avez décidé d'abroger ce dispositif pour 2003. Selon l'avis même du commissaire du Gouvernement au Conseil d'Etat le 21 novembre dernier, vous pouvez l'appliquer en toute légalité, mais vous avez refusé de le réactiver. Le Conseil d'Etat n'a pas retenu l'urgence, mais doit statuer sur le fond dans quelques semaines. Pour récupérer au moins 500 millions d'euros supplémentaires sur les consommateurs, vous avez décidé de les laisser supporter les hausses de prix du pétrole. Pourquoi avez-vous abrogé ce dispositif, pénalisant ainsi les plus modestes après avoir fait des cadeaux aux plus aisés ? Est- ce le commencement du plan de rigueur que vous ne voulez pas nommer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - La TIPP flottante a été adoptée comme dispositif temporaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et M. Pierret, ministre de l'industrie à l'époque, l'a bien indiqué lors du débat. M. Migaud a souhaité demander l'interprétation du Conseil d'Etat. Laissons celui-ci trancher. Mais vous ne pouvez donner à cette disposition temporaire une valeur constitutionnelle et empêcher le Parlement d'adopter la mesure qui lui apparaît aujourd'hui la plus appropriée. Ce dispositif, inutilisable parce que temporaire, est devenu caduc. Le Gouvernement s'est engagé à mettre en place, si le prix du pétrole flambait, un nouveau mécanisme régulateur dont la pérennité serait juridiquement garantie. Il le fera en fonction de l'évolution des prix du pétrole. Dans l'état actuel des choses, il n'y a aucune raison d'introduire un nouveau dispositif (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Jean-Jacques Gaultier - Avec chaque année 8000 morts sur les routes, dont la moitié n'ont commis aucune faute, la sécurité routière est une priorité nationale. Elle doit faire l'objet d'une approche globale et d`une politique cohérente contre le fléau qui nous impose des images de plus en plus insoutenables. On attend donc que le ministère de la justice agisse, comme le ministre des transports. Prévention, sanction des infractions et pédagogie de la sanction doivent aller de pair. Comment expliquer qu'une même infraction commise en des lieux différents soit sanctionnée différemment ? Comment concilier la prise en compte des circonstances propres à chaque individu et l'application effective de la loi pénale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Pour être dissuasif, le système de sanctions doit être lisible. Le Gouvernement envisage donc de développer des mécanismes automatiques pour les délits les plus simples. S'agissant des affaires qui sont portées devant la justice, et représentent un tiers de l'activité des tribunaux correctionnels, deux tiers des contraventions de cinquième classe traitées par les tribunaux de simple police, le juge doit tenir compte des circonstances. Pour que le système de peines soit bien clair, je compte réaliser dans les prochaines semaines avec des magistrats spécialisés un guide national qui permettra au parquet de suivre les mêmes règles dans ses réquisitions. Bien entendu, les juges conserveront toute liberté en fonction des circonstances, mais un tel dispositif devrait éviter les écarts trop importants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). ÉQUIPEMENT NUMÉRIQUE DU TERRITOIRE M. Francis Saint-Léger - Vendredi dernier, à Matignon, le premier comité interministériel d'aménagement du territoire a, sous l'impulsion du Premier ministre, défini de nouvelles politiques publiques fondées sur la proximité et la cohérence territoriale. S'agissant de l'accès au numérique sur tout le territoire, il a beaucoup été question du haut débit, parfois de manière un peu confuse, par exemple en ce qui concerne la modification d'un article du code des collectivités territoriales pour permettre à celles-ci de faire preuve de dynamisme dans ce domaine. Pouvez-vous donner des précisions à ce sujet et nous dire comment le Gouvernement entend donner à tous les concitoyens la possibilité d'accéder au haut débit, y compris dans les départements ruraux comme la Lozère ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire - L'accès au haut débit est essentiel pour l'attractivité des territoires, et la France connaît un certain retard. Lors du CIADT, nous avons supprimé certains obstacles, et avons notamment la ferme intention de modifier l'article 1511-6 du code des collectivités territoriales qui limite l'intervention de celles-ci. Nous les aiderons à être maîtres d'ouvrage des infrastructures et à contracter avec des opérateurs sur appel d'offres. Mais, dans le respect du droit communautaire, nous refusons qu'elles soient elles-mêmes opérateurs de services. Nous étudierons avec les acteurs les modalités d'une extension des possibilités de prêt de la Caisse des dépôts. Enfin, nous faciliterons les solutions alternatives comme le satellite. Je salue l'initiative de MM. Martin-Lalande et Joyandet qui ont déposé un amendement dans ce sens. En permettant aux collectivités locales de se mobiliser, nous rattraperons notre retard pour réduire la fracture numérique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement. La séance, suspendue à 16 heures est reprise à 16 heures 15 sous la présidence de M. Le Garrec. PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC vice-président M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée nationale le texte de la CMP sur les dispositions restées en discussion du projet de loi de finances pour 2003. En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP. M. Gilles Carrez, rapporteur de la CMP - A l'issue de la première lecture dans chaque assemblée, 82 articles ont été adoptés dans les mêmes termes et 64 articles restaient en discussion. La CMP a réussi à proposer un texte pour ces articles, texte que le Gouvernement nous demande d'approuver. L'Assemblée nationale et le Sénat se sont en effet accordés sur l'essentiel : une stratégie fondée sur la maîtrise de la dépense publique, le respect des priorités pour honorer les engagements politiques pris lors des dernières élections, la prudence et la rigueur dans l'évaluation des recettes de l'Etat pour ne pas céder aux facilités des budgets d'affichage. La CMP a adopté, suivant les propositions du Sénat, un ensemble de mesures pour inciter à l'épargne en actions. Elle s'est ralliée à l'approche de l'Assemblée nationale, en première lecture, concernant l'investissement dans le domaine du logement. L'adaptation du dispositif « Besson » permettant de bénéficier de l'avantage fiscal quand on loue à un descendant ou à un ascendant doit rester limitée à l'investissement locatif pour les logements neufs. La CMP a, en revanche, accepté l'assouplissement du régime dit « micro-foncier », afin de permettre aux propriétaires d'opter tous les trois ans - et non plus tous les cinq ans - pour l'application du régime réel d'imposition. Cette mesure permettra aux propriétaires de programmer des travaux importants tout en interdisant la recherche du seul intérêt fiscal. La CMP a adopté la proposition du Sénat de mettre en place un nouveau régime fiscal pour les sociétés d'investissements immobiliers cotées. Ce dispositif prévoit l'exonération de l'impôt sur les sociétés des bénéfices et des plus-values réalisées sur des immeubles acquis ou construits en vue de la location, à condition que ces bénéfices et plus-values soient distribués respectivement à hauteur de 85 % et 50 %. L'exercice de cette option est irrévocable. Il entraînera la taxation au taux de 16,5 % des plus-values latentes pour les immeubles éligibles à ce régime. Il devrait en résulter une recette nouvelle de 400 millions d'euros en 2003. La CMP a accepté la proposition du Sénat d'une réforme de la prime d'épargne des plans d'épargne-logement pour recentrer l'effort budgétaire au bénéfice des épargnants qui utilisent effectivement le prêt immobilier. Cette modification vise uniquement les nouveaux contrats. La CMP s'en est tenue à l'approche de l'Assemblée nationale en ce qui concerne l'assouplissement des règles de liaison entre les taux des impôts directs. Il faut adopter une démarche progressive qui concilie le souhait légitime des élus locaux de disposer d'une liberté de choix plus grande et la nécessité d'éviter que cette capacité de choix ne soit restreinte par des anticipations défavorables des entreprises qui les conduiraient à limiter leurs décisions d'investissement. La proposition du Sénat nous a semblé excessive qui tend à permettre une libre variation du taux de TP dans la limite de 10 % par rapport à l'année précédente en considération d'un taux global qui serait inférieur au taux global moyen national. En revanche, la CMP a accepté les deux assouplissements aux règles de liaison des taux prévues en ce qui les concerne les EPCI. Le premier assouplissement vise le cas d'un organisme intercommunal qui connaîtrait une perte de base d'une année sur l'autre ; le second celui d'une intercommunalité dont les taux des impôts ménage n'auraient pas varié l'année précédente. En ce qui concerne le prélèvement au profit du Fonds national de solidarité pour l'eau, la CMP a retenu la proposition du Sénat. Le prélèvement sur les agences de bassins sera de 81,6 millions d'euros et la part reversée au FNSE de 60 millions d'euros pour cette année. Ce montant représenterait un plafond pour les années suivantes ; la différence de 21 millions d'euros est recensée au budget général. En ce qui concerne les redevances pour le financement de l'Institut national de recherches archéologiques préventives... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Scandale ! M. le Rapporteur - ...la CMP a maintenu le principe d'un abattement sur les montants dus pour les opérations de 2003, retenant en cela l'excellente proposition de notre collègue Daniel Garrigue. Le Gouvernement propose cependant de reporter l'application de cette mesure au 1er juillet 2003. Dans un souci de conciliation, je propose à notre Assemblée de l'accepter, compte tenu de l'engagement pris par M. le ministre de la culture de faire le point sur les aspects inadaptés de la loi du 17 janvier 2001. Une réforme radicale dans ce domaine est, en effet, indispensable. En conclusion, je vous propose d'adopter le projet de loi de finances pour 2003 compte tenu du texte sur lequel la CMP est parvenue à un accord (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Mes premiers mots seront pour saluer le travail parlementaire effectué tout au long de ces trois mois. Il s'est achevé par un succès de la commission mixte paritaire, dont le Gouvernement se félicite. Le dialogue entre l'Assemblée et le Sénat aura été marqué par la même qualité que le dialogue entre le Gouvernement et l'Assemblée nationale. Le nombre d'amendements adoptés par les deux chambres du Parlement s'élève à 140, hors seconde délibération, dont 78 émanent de l'Assemblée nationale. Le Parlement a ainsi amélioré le projet initial du Gouvernement. J'observe d'ailleurs que le nombre des articles de seconde partie a plus que doublé à l'issue des débats. Le Gouvernement a tenu les engagements qu'il avait pris devant la représentation nationale : de nombreux amendements qui n'avaient pu être acceptés lors de l'examen du projet de loi de finances l'ont été à l'occasion du collectif de fin d'année. Je voudrais saluer votre commission des finances et son rapporteur général, Gilles Carrez, qui a piloté l'ensemble du processus avec un talent et un sens de l'Etat qui méritent d'être relevés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Ce projet respecte les engagements pris : engagement de redéployer les crédits au profit des priorités du Gouvernement ; engagement de libérer les énergies : nous avons abaissé les charges des entreprises, achevé la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle, poursuivi la baisse de l'impôt sur le revenu. Engagement, enfin, de transparence et de sincérité. Je rappelle que nos recettes étaient très prudemment évaluées : leur élasticité par rapport au taux de croissance prévisionnel s'établissait à 0,8. Nous avons encore accru la prudence de ces évaluations, puisque le Gouvernement a traduit les dernières informations résultant du collectif de fin d'année. Tous les postes de dépenses sources de dérapages potentiels ont été rebasés, qu'il s'agisse des dotations sociales ou des charges de la dette. L'équilibre est l'élément essentiel d'une loi de finances. Il s'établit finalement pour cette loi de finances à un niveau légèrement inférieur à 44,6 milliards d'euros. Et le Gouvernement doit s'engager devant vous à faire en sorte que cet équilibre soit respecté en exécution. La régulation a été pratiquée par tous les gouvernements, mais de manière opaque. L'exécution d'une loi de finances est en effet soumise à des aléas, tant sur les recettes que sur les dépenses, et ces aléas peuvent conduire à des annulations de crédits lorsqu'apparaissent des dépenses supplémentaires imprévues ou des pertes de recettes. Le montant des annulations hors dette a été de 3,9 milliards en 1997, 3,3 milliards en 1998, 3,9 milliards en 1999 comme en 2000, 3,3 milliards en 2001. Ces chiffres sont d'autant plus intéressants que ces années ont été marquées par une bonne conjoncture économique (Approbations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). La pratique n'est donc pas nouvelle. Ce qui est nouveau, c'est d'opérer la régulation très tôt dans l'année et d'y associer de manière systématique le Parlement, en l'informant à l'avance : la régulation de cet été a été communiquée à votre commission des finances ; celle qui interviendra courant janvier le sera également. L'alternative est simple : soit le Gouvernement laisse les aléas de la gestion dégrader le solde budgétaire voté par le Parlement ; soit il prend des mesures pour assurer le respect de ce solde, comme l'exige au demeurant la loi organique du 1er août 2001. Le Gouvernement accepte les travaux de la commission mixte paritaire. Les quelques amendements que nous examinerons tout à l'heure sont techniques ou de coordination. Respectueux de mes engagements, j'ai d'ailleurs accepté, à l'occasion du collectif de fin d'année, plusieurs dizaines d'amendements qui auront une incidence sur l'exercice 2003. Il en va de même pour certains dispositifs du projet initial, notamment la décristallisation des pensions des anciens combattants. Aussi vous proposerai-je un amendement à l'article d'équilibre constatant, en dépenses et en recettes, des évolutions à hauteur de 37 millions d'euros, montant inférieur à la somme des mesures améliorant le déficit votées par l'Assemblée et le Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances. Le déficit reste donc inférieur à celui qui figurait dans le projet initial. Les autres amendements du Gouvernement tendent à lever les gages ou à apporter des coordinations techniques - notamment le report de six mois de la date d'entrée en vigueur d'une mesure proposée par la CMP. Sous réserve de ces amendements, le Gouvernement vous demande d'adopter le texte issu des travaux de la CMP, afin de donner à notre pays le budget dont il a besoin. M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement. M. Didier Migaud - Nous l'avons dit, ce projet de budget est socialement injuste, économiquement inefficace, dangereusement virtuel, et de surcroît insincère. Si plusieurs dispositions ne sont pas conformes à la Constitution, c'est dans sa conception même que ce projet manque de sincérité, tant pour ce qui concerne les hypothèses macro-économiques que pour l'autorisation parlementaire sur le plafond des dépenses. Selon l'article 32 de la loi organique du 1er août 2001, la loi de finances doit présenter de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat, compte tenu des informations disponibles et de prévisions raisonnables. Faut-il rappeler combien cette définition était souhaitée par les membres de l'opposition de l'époque, M. Méhaignerie en tête ? M. Charles de Courson - Tout à fait. M. Didier Migaud - Or, vos prévisions s'avèrent tout à fait irréalistes, au mépris de l'article 32. Vous ne tenez absolument pas compte des données économiques disponibles. Le budget 2003 a été construit sur une hypothèse de croissance de 1,2 % en 2002 et de 2,5 % en 2003. Or, contrairement aux affirmations de M. le Premier ministre sur la faible incidence du taux de croissance sur les recettes fiscales ou les dépenses de l'Etat, ces hypothèses jouent un rôle fondamental pour l'évaluation des recettes fiscales de l'Etat. Le Gouvernement a prévu un scénario de croissance en deux temps : la croissance française connaîtrait au cours du second semestre 2002 un rythme de croissance annualisé compris entre 2 et 2,5 %, pour s'accélérer ensuite modérément et aboutir à une croissance moyenne de 2,5 % en 2003. Afin de tenir compte des dernières données disponibles, le Gouvernement aurait reporté d'une semaine la présentation en Conseil des ministres du budget 2003. Or, il a refusé de tenir compte de la note de conjoncture de l'INSEE, rendue publique le 27 septembre, et qui retenait un rythme de progression du PIB de 1,5 % au second semestre 2002. Surtout, cela pèsera sur la croissance en 2003. Compte tenu des résultats fournis par l'INSEE, l'acquis de croissance pour 2003 n'est en effet, à la fin du troisième trimestre 2002, que de 0,2 %, et il faudrait une très forte accélération de la croissance en 2003 pour atteindre le niveau retenu par le Gouvernement. Au mieux, on aboutira à une croissance moyenne de 2 %, chiffre retenu par l'ensemble des instituts de conjoncture. M. le ministre de l'économie l'a d'ailleurs admis. Dans le journal Les Échos du 6 décembre 2002, le consensus des conjoncturistes français pour 2003 s'établit à 1,8 %, soit près de 30 % en dessous de l'hypothèse du Gouvernement, et à seulement 0,8 % pour 2002 contre 1,2 % pour le Gouvernement. Lors du débat budgétaire pour 2002, l'opposition parlementaire de l'époque avait critiqué la prévision de croissance du gouvernement, mais les conjoncturistes se partageaient alors entre deux scénarios pour l'année 2002, l'un de reprise rapide, l'autre de stagnation. Le Crédit Agricole, en rappelant que « toutes les idées noires ne sont pas des bonnes idées », tablait ainsi, le 27 septembre 2001, sur une croissance de 2,4 %, tandis que Le Monde du 15 octobre 2001 annonçait que le « scénario rose avait de bonnes chances de se concrétiser ». En revanche, en refusant de tenir compte des informations disponibles, le Gouvernement actuel a présenté, à dessein, un scénario macro-économique faussé, ne permettant pas au Parlement d'exercer ses prérogatives. Ce manque de sincérité a d'ailleurs été reconnu par plusieurs membres du Gouvernement, et le Premier ministre lui-même a souligné ce que ce chiffre de 2,5 % pouvait avoir de « volontariste », reconnaissant le 10 décembre que la prévision de 2,5 %, si elle n'est « pas tout à fait un pronostic, est assurément une ambition ». Dès la présentation du budget, M. Mer a affirmé que « la réalité ne sera certainement pas de 2,5 % » et M. Lambert a annoncé d'emblée la mise en place en janvier d'une régulation budgétaire portant sur les dépenses, afin de faire face à une probable dégradation du déficit résultant d'une croissance moindre que prévue ! De même, après avoir déclaré que « les rentrées fiscales sont actuellement en ligne, même si elles sont légèrement plus faibles que ce qu'on avait prévu dans un budget réactualisé 2002 », le ministre de l'économie a finalement « corrigé » le volet « recettes » du budget devant le Sénat, un mois plus tard. Aucune donnée sur les recouvrements effectifs de l'année 2002 ne peut expliquer ce brutal changement de pied, non plus que la révision à la baisse des prévisions de recettes sur l'exercice 2002. Durant le débat budgétaire, le Gouvernement a affirmé à plusieurs reprises avoir évalué les recettes avec prudence en retenant une élasticité moyenne par rapport au PIB inférieure à l'unité. Il apparaît clairement que tel n'a pas été le cas. En effet, selon le fascicule « voies et moyens », leur progression spontanée, en 2003, s'établit à 3,7 % pour un PIB accru de 3,9 % en valeur, soit un taux d'élasticité proche de 1. Le Gouvernement a donc gonflé imprudemment les évaluations de recettes : si l'on applique aux recettes fiscales prévues pour 2002, avant même la révision à la baisse introduite au Sénat, une élasticité de 0,8 point pour une croissance de 1,8 %, l'évaluation spontanée pour 2003 serait de 311.051 millions d'euros, ce qui permet de chiffrer la surévaluation des recettes de 2003 à 3,2 milliards d'euros. C'est dire l'ampleur de l'impasse budgétaire que le Gouvernement a créée. Et que dire des dépenses ? Dès le 15 octobre 2002, vous annonciez, Monsieur le ministre, qu'« à compter de 2003, une pratique nouvelle garantira à tous les gestionnaires publics, dès le début de l'année, l'essentiel de leurs crédits ; la part mise en réserve sera d'emblée connue et ne sera pas augmentée en cours d'année ». Une telle annonce a suscité à juste titre l'étonnement du Premier président de la Cour des comptes, estimant « paradoxal de faire voter aux parlementaires un plafond de dépenses en annonçant quelques semaines plus tard qu'il n'est qu'indicatif ». On ne peut mieux dire ! De fait, la méthode revient à abaisser le plafond de dépenses voté par le Parlement. Surtout, en annonçant un tel dispositif avant même l'examen des dépenses au Parlement, ce qui est sans précédent, le Gouvernement a institué l'insincérité du volet « dépenses » de la loi de finances. Selon l'ampleur de la régulation et les budgets sur lesquels elle portera, les priorités budgétaires pourront être différentes de ce qui a été approuvé par le Parlement. C'est tellement vrai que le président de notre commission des finances a cru bon d'intervenir à la fin de l'examen de la première partie du budget pour dénoncer « l'hypocrisie » du Gouvernement ! M. Pierre Méhaignerie - Des gouvernements depuis dix ans ! M. Didier Migaud - Je cite ses propos : « Il n'est pas tenable, à l'heure où nous discutons et votons le budget, de devoir s'attendre à ce qu'un gel, voire une annulation de crédits, intervienne dans quelques semaines. Tous les gouvernements ont eu recours à cette pratique, avec plus ou moins de bonheur. Mais nous faisons tout de même preuve d'une certaine hypocrisie qui, il faut le reconnaître, réduit vraiment l'intensité et la qualité du débat budgétaire ». Après celui de M. Mer, après le vôtre, Monsieur le ministre, voilà un autre bel élan de sincérité - mais nous voudrions vous éviter des actes aussi contraires à vos propos (M. le Ministre sourit). Il est arrivé souvent, dans le passé, qu'une régulation budgétaire soit nécessaire. Mais il s'agissait de faire face à un aléa conjoncturel. Cette fois, elle intervient dès janvier, pour faire face aux conséquences de l'insincérité manifeste de l'hypothèse de croissance retenue. Cette insincérité est d'ailleurs soulignée par les déclarations des ministres dépensiers, qui sont prêts à tous les artifices de présentation pour masquer la piteuse réalité de leur budget. Ainsi, le ministre de la culture a-t-il déclaré : « De même que la hausse des crédits dans les budgets précédents n'était qu'optique, leur baisse aujourd'hui n'est qu'apparente... (Sourires) Ma demande de crédits frais tient compte des énormes réserves accumulées les années précédentes ». Au-delà du fait que la notion de « crédits frais » n'est guère reconnue par notre droit budgétaire, la déclaration du ministre signifie que les crédits de 2003 ont supporté un « abattement » au titre des reports, le ministre ayant ainsi la possibilité de financer des dépenses de 2003 avec des crédits d'années antérieures, pour le montant considérable de 205 millions. Cette manipulation donne une image faussée de l'autorisation de dépense de 2003. Il s'agit bien d'un cas avéré d'insincérité. Dans le budget de l'emploi, le ministre a confirmé que 240 000 CES seraient créés en 2003, alors que 80 000 seulement figurent au budget, précisant que « 160 000 sont d'ores et déjà financés, 80 000 par le budget 2003 et 80 000 par des reports de crédits. Il faudra donc abonder le budget au fur et à mesure que les besoins s'exprimeront, et pour cela ouvrir des crédits supplémentaires par des mesures de gestion ou dans un collectif ». Cette déclaration confirme l'insincérité de l'évaluation de la dépense au titre des CES, car le coût des 80 000 contrats supplémentaires non financés serait proche de 327 millions. La mauvaise foi est, sur ce point, patente. L'erreur sur le montant des crédits inscrits, faite en toute connaissance de cause, conduit à modifier l'équilibre général dans des proportions importantes. Enfin, lors de l'examen du budget de l'éducation nationale, nous avons constaté que le Gouvernement faisait des promesses sans les assortir d'aucune inscription de crédits. C'est le cas du financement des postes d'aides éducateurs jusqu'à présent assurés par les « emplois-jeunes » et du financement de 5 600 postes de surveillants. Dans les deux cas, les crédits inscrits en loi de finances initiale ne reflètent pas les déclarations des ministres. L'insincérité est ainsi avérée là aussi. En conclusion, il faut souligner que cette insincérité est délibérée, afin de ne pas reconnaître que le plafond des 3 % de déficit public sera franchi en 2003, et d'éviter une sanction européenne. Obligé d'afficher, coûte que coûte, le respect des promesses électorales, le Gouvernement a été obligé de retenir une hypothèse de croissance trop favorable. Il a de ce fait surévalué les recettes et inscrit plus de dépenses qu'il ne pourra en effectuer, ce qui explique la préparation d'un plan de régulation en janvier. Vous faites d'ailleurs preuve d'un humour certain, Monsieur le ministre, en parlant d'« équilibre de la loi de finances » ! On sait pourtant l'ampleur du déficit, dont vous n'êtes pas entièrement responsable mais que vous avez aggravé par les mesures contenues dans le collectif de juin. Les déclarations du Premier ministre sont d'ailleurs éclairantes. Ce déficit, déclarait-il le 28 octobre, « il faut bien que je le résorbe, et j'ai besoin d'avoir un peu de temps. Il va de soi que tout dépend de la croissance. Tout dépendra de l'hypothèse de croissance ». On ne saurait mieux dire ! Quel aveu d'insincérité ! Enfin, certaines dispositions nous paraissent inconstitutionnelles, à commencer par le relèvement du crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, dont il résulte une rupture d'égalité devant l'impôt. Je ne doute pas que le Conseil constitutionnel reprendra à ce sujet sa jurisprudence relative à la CSG. Quant à l'article 4 quater, il ne respecte pas le droit de priorité attribué par la Constitution à l'Assemblée nationale et contrevient au principe d'égalité devant l'impôt. Je tiens à dire notre colère devant deux mesures adoptées par le Sénat avec l'accord du Gouvernement, et à dire combien nous regrettons que le Sénat se prête de trop bonne grâce à de mauvais coups qui ne sont pas assumés devant l'Assemblée, pourtant élue au suffrage universel direct. Il en est ainsi de la réforme du plan d'épargne logement, qui concerne quinze millions d'épargnants. Mais sans doute est-ce la raison pour laquelle vous vous en prenez à lui. Si le dispositif visé concernait 70 000 familles ciblées, sans doute n'y auriez-vous pas touché ! En remettant en cause le dispositif actuel du PEL, vous vous en prenez à un outil de solidarité intergénérationnelle, imprudemment et sans aucune concertation avec les établissements bancaires. On comprend bien pourquoi : vous estimez l'économie à 1,5 milliard pour le budget 2007 ; chacun comprend qu'une telle réduction de dépenses vous intéresse, mais elle se fait au détriment de l'épargne populaire, et nous le regrettons. Quant à la disposition votée par le Sénat au sujet de la TIPP, elle va à l'encontre des intérêts bien compris de l'Etat : les consommateurs ne peuvent comprendre que les recettes de l'Etat augmentent quand le prix du baril de pétrole monte. La TIPP flottante était un dispositif juste, que vous aviez d'ailleurs réclamé quand vous étiez dans l'opposition. Aujourd'hui, vous le remettez en cause. Mais peut-être avez-vous des arrière-pensées. On entend dire que la TIPP pourrait être transférée aux régions dans le cadre de la décentralisation. En ce cas, l'intérêt de l'Etat est qu'elle soit la plus élevée possible avant le transfert... Mais l'opinion publique fera pression, dans les régions, pour rétablir la TIPP flottante et celles-ci risquent de faire un marché de dupes. J'espère que la CMP sur le collectif empêchera qu'il ne se réalise. En attendant, j'invite l'Assemblée à voter cette exception d'irrecevabilité car votre projet nous paraît contraire à plusieurs principes fondamentaux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - M. Migaud a fait de la sincérité budgétaire le fil directeur de son intervention. Personnellement, je n'ai pas changé de position : je pense que le Gouvernement doit chercher les moyens d'opérer la régulation budgétaire à l'intérieur du budget voté par l'Assemblée nationale et je sais que M. Lambert va poursuivre cette réflexion pour le budget 2004. Second point, la sincérité des dépenses et des recettes : là, il y a une amélioration évidente par rapport à l'an dernier. Je ne crois pas qu'en juin prochain le déficit supplémentaire sera de 15 milliards d'euros, comme en juin 2002 ! En ce qui concerne l'épargne-logement, il faut éviter toute confusion : les plans en cours continuent à bénéficier de la prime d'Etat. Quant aux nouveaux plans, conclus à partir du 12 décembre, ils pourront en bénéficier s'ils aboutissent à l'acquisition d'un logement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. le Ministre délégué - En écoutant M. Migaud, j'ai cru percevoir dans ses propos un hommage involontaire à la sincérité de ce budget (Rires sur les bancs du groupe socialiste). Plusieurs députés socialistes - Vous l'avez mal compris ! M. le Ministre délégué - Vous avez reconnu, en effet, que le Gouvernement avait révisé ses prévisions de recettes en fonction des dernières informations disponibles. Un point de croissance, vous le savez, a un impact d'environ 1,3 milliard d'euros sur la TVA. Fin 2001, vous défendiez un taux de croissance de 2,5 % pour cette année : nous allons savoir dans quelques semaines ce qu'il en aura été. Aujourd'hui nous présentons un budget adossé sur le même taux : l'exécution en 2003 sera-t-elle plus ou moins proche qu'en 2002 de la vérité ? S'agissant de la régulation, elle vise à respecter le vote du Parlement dans ce qu'il a de plus essentiel. Le Parlement vote un plafond de dépenses, et non une obligation de dépenses. La régulation est reconnue par la loi organique et le Gouvernement a indiqué très clairement qu'il y procéderait tôt dans l'année pour ne pas perturber les gestionnaires. En ce qui concerne l'épargne-logement, sur la forme, je pense que vous n'envisagez pas de priver le Parlement de son droit d'initiative. Sur le fond, le PEL a été institué comme un instrument d'épargne pour l'acquisition d'un logement : or, aujourd'hui, 10 % seulement des plans y aboutissent. Les contribuables paient donc 1,5 milliards d'euros d'impôts pour verser des primes d'épargne sans effet sur le logement : cela devrait vous inquiéter ! Nous avons garanti les droits des détenteurs actuels de PEL et pour les futurs PEL, nous avons maintenu la prime pour ceux qui financent réellement un logement. J'invite l'Assemblée à rejeter la motion d'irrecevabilité. M. Laurent Hénart - Je voudrais rappeler la position de l'UMP. M. Migaud a parlé de sincérité, mais il s'est gardé d'évoquer quelques fâcheux précédents, comme la constatation, dans le collectif 2001, d'une moins-value fiscale de 4 milliards d'euros, moins-value qui n'a pas été répercutée dans la loi de finances pour 2002, alors que nous, nous intégrons les moins-values dans le budget. Je rappelle également que le déficit constaté en juillet 2002 était de 50 % supérieur à celui prévu (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Enfin, je prendrai l'excellent exemple du ministère de la culture qui, à deux reprises, dans les lois de finances initiales pour 1993 et pour 2002, a affiché un budget supérieur à 1 % du budget général, mais l'exécution réelle n'a pas dépassé 0,8 %... On nous reproche de ne pas avoir prévu d'enveloppes budgétaires précises pour les réforme annoncées. Mais sur des sujets aussi essentiels que le CIVIS ou les emplois aidés, il est de bonne méthode de procéder d'abord à une concertation puis à un débat au Parlement ; si un ajustement des crédits est nécessaire, il pourra se faire lors du collectif, en cours d'exercice. Si aucune réduction du déficit n'est annoncée pour 2003, c'est par réalisme et souci de sincérité. Le Gouvernement s'est refusé à un affichage inutile. La volonté de soutenir la croissance interdisait cette réduction. Et puisque M. Migaud a annoncé un recours devant le Conseil constitutionnel, c'est une raison de plus pour examiner très vite ce projet, afin qu'il ait le temps de le déposer (Sourires). Le groupe UMP souhaite le rejet de cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Augustin Bonrepaux - La démonstration présentée par Didier Migaud mérite d'être éclairée par le constat que nous suggère le collectif. Ce dernier, nous avait-on dit, allait redresser les finances de notre pays... M. Georges Tron - Qui les a mises à mal ? M. Augustin Bonrepaux - ...et combler un déficit estimé par MM. Bonnet et Nasse. A la fin de l'année, il apparaît que le déficit non seulement ne s'est pas réduit, mais s'est aggravé. A qui la faute ? M. Georges Tron - A vous ! M. Augustin Bonrepaux - C'est bien vous qui avez voté ce collectif en juillet. Monsieur le ministre, vous avez du mal à faire croire que vous êtes sincère et rigoureux quand, dès votre premier collectif, vous aggravez le déficit qui pourtant était déjà surévalué. Vous vous êtes servi du collectif pour charger la barque et préfinancer des mesures figurant dans le budget 2003 (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)... M. Georges Tron - Vous, vous avez ruiné la France ! M. Augustin Bonrepaux - ...si bien que l'insincérité a déjà commencé. M. Tron n'a pas d'argument à m'opposer, c'est pourquoi il se contente de « gueuler » ! Aviez-vous besoin de supprimer tous ces crédits, puisqu'à la fin de 2002 vous n'êtes pas en mesure de payer les dépenses de 2002 ? Est-ce de la gestion rigoureuse et sincère ? Je ne le crois pas et c'est pourquoi il faut voter l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Charles de Courson - Je me félicite de l'intervention de nos collègues Migaud et Bonrepaux qui sont donc des néo-convertis à la rigueur budgétaire et à la transparence. Voilà qui nous change ! Cependant, on juge un converti à sa capacité... M. Georges Tron - A se repentir ! M. Charles de Courson - La repentance est insuffisante : Elle doit être suivie d'actes de contrition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nos collègues socialistes sont-ils d'accord avec le ministre Lambert pour rebudgétiser le FOREC en 2004 ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Si oui, vous dénoncez le fameux deal conclu entre Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn (Mêmes mouvements). Etes-vous également d'accord pour rebudgétiser la partie de la PPE relative aux personnes non imposables ? M. Didier Migaud - Ce n'est pas nous qui gouvernons ! M. Charles de Courson - M. Lambert s'est engagé à examiner cette possibilité. Sur les dépenses, citez-moi des postes budgétaires qui comporteraient des sous-évaluations ? Je pourrais en trouver vingt exemples dans le budget pour 2002. Pour les recettes, les estimations, c'est vrai, sont aussi fragiles que les hypothèses sur lesquelles elles reposent. L'impôt sur les sociétés, par exemple, si sensible à la conjoncture, peut réserver de mauvaises surprises. Mais M. Fabius à la place de M. Lambert a-t-il adopté une position prudente ? Non, il s'en est tenu aux 2,5 %, alors que nous avons fini à 1 %. Tout au long de la discussion, j'ai dit à M. Lambert que, l'hypothèse de 2,5 % étant fragile, il fallait envisager dès à présent des mesures de gel, voire d'annulation. Je ne critiquerai certainement pas le Gouvernement d'avoir annoncé des gels à hauteur de 3 à 5 milliards. M. Fabius, lui, a tenu jusqu'au bout un discours de langue de bois et, fin février, sous couvert de « gels républicains », il a bloqué plus de 20 milliards ! Le rapporteur général, Didier Migaud, n'a pas protesté alors. Je remercie le Gouvernement de décider des gels avant que nous votions la loi de finances, alors que le précédent gouvernement le faisait après (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP). L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée. DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI ET DEMANDE DE CONSTITUTION M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi pour l'initiative économique. A la demande de M. le président du groupe de l'UMP, il y a lieu de constituer, dans les conditions prévues à l'article 32 du Règlement, une commission spéciale pour l'examen de ce projet. Conformément à l'article 34, alinéa 2, du Règlement, les présidents des groupes voudront bien faire connaître, avant le vendredi 20 décembre à 17 heures, les noms des candidats qu'ils proposent. En application de l'article 4 de l'Instruction générale du Bureau, les députés n'appartenant à aucun groupe devront faire parvenir leur candidature dans ce même délai. La nomination des candidats prendra effet, en application de l'article 34, alinéa 3, du Règlement, dès la publication de leurs au Journal officiel. M. Augustin Bonrepaux - Sur la feuille jaune que nous avons reçue figurent un certain nombre d'amendements. Je demande au président Méhaignerie de réunir la commission pour que nous les examinions. M. le Président de la commission - Il s'agit uniquement d'amendements de coordination ou rédactionnels, je vous l'assure. M. le Président - Puisque nous parlons du Règlement, je rappelle aussi l'article 58-6 qui interdit toute attaque personnelle et toute interpellation de député à député. Ce point est parfois un peu trop oublié. M. Maxime Gremetz - Monsieur le président, vous nous annoncez une commission spéciale à constituer dans les deux jours. Comment travailler dans ces conditions ? Déjà nous avons appris à midi que le projet relatif aux licenciements économiques serait peut-être examiné dans la nuit de jeudi à vendredi, alors que cela n'avait pas été prévu en Conférence des présidents. Qu'est-ce que ça veut dire ? Quel mépris pour la représentation nationale, pour les salariés et les organisations syndicales ! Et voilà qu'à l'instant on nous demande de présenter des candidats à une commission sous 48 heures ! Ce n'est pas concevable ! Je veux bien débattre démocratiquement, être mis en minorité. Mais qu'au moins on respecte l'opposition ! Cette façon d'organiser le travail parlementaire n'est pas acceptable ! M. le Président - Je transmettrai vos remarques au Président de l'Assemblée. M. Didier Migaud - Mon rappel au Règlement se fonde sur son article 58-1. Je m'associe aux propos de Maxime Gremetz. Il est, je crois, sans précédent que le président de séance annonce le mercredi à 17 heures 20 qu'une commission spéciale devra être constituée avant 48 heures. Je vous demande de vérifier, Monsieur le président, si vous ne vous êtes pas trompé de date. N'auriez-vous pas dû lire « 20 janvier » ? Cela se concevrait mieux. Mais si vous confirmez qu'il s'agit bien du 20 décembre, de qui se moque-t-on ? Quel irrespect envers l'Assemblée, envers les groupes qui la composent ! La Conférence des présidents, voire le Bureau de l'Assemblée, doivent se réunir de toute urgence. Il est impossible de laisser passer sans réagir une annonce présentée sur un ton ordinaire, mais qui est de grande importance, si l'on en juge par le titre du projet, « pour l'initiative économique ». Lorsqu'on voit ce que décide le Gouvernement pour la direction de la Caisse des dépôts (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), sans même tenir compte d'observations venant de certaines personnalités de la majorité, nous avons de quoi nous inquiéter et nous nous interrogeons sur les raisons de cette précipitation. Cette façon de travailler n'est pas digne de notre assemblée et nous souhaitons que son Président se saisisse de la question. M. le Président - Je vous ai entendu, mais permettez-moi deux corrections. D'abord, le problème a été évoqué en Conférence des présidents et n'a suscité de remarque de la part d'aucun président de groupe (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). Ensuite, il s'agit de la constitution de cette commission, non du début de ses travaux. M. Didier Migaud - Mais pourquoi cette précipitation ? M. le Président - En raison des délais liés au dépôt du projet de loi pour l'initiative économique. M. le Président de la commission - Effectivement, la Conférence des présidents a abordé ce point mardi. J'ai moi-même fait cette annonce hier en commission des finances pour avoir les noms des candidats. Et il s'agit vraiment de permettre aux députés qui auront à travailler entre le 12 janvier et le 5 février de prévoir leur emploi du temps et de s'organiser. Enfin, si début janvier vous voulez changer un nom, cela ne posera aucun problème. Je ne pense pas que cette affaire mérite autant d'agitation. M. le Président - Il a bien été dit lors de la Conférence des présidents que le changement de nom était possible. Il s'agit de constituer la commission le plus rapidement possible, étant donné l'urgence du débat. M. le Président - Après ces explications, nous en venons à la discussion générale. M. Xavier Bertrand - Au terme de cette discussion budgétaire, le groupe UMP est fier de la rupture réalisée depuis juin dernier, tout en restant lucide sur les enjeux à venir. En entendant l'opposition parler de rigueur, d'insincérité, je me dis que la mémoire et la décence ne sont pas les choses les mieux partagées dans cet hémicycle (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe UMP). Pourtant, nous avions préféré mobiliser les acteurs économiques, plutôt qu'exploiter l'audit sur la gestion précédente. Aujourd'hui, la virulence de l'opposition a du mal à masquer son amertume d'avoir échoué. J'ai coutume de m'adresser à nos concitoyens plutôt qu'à mes adversaires, mais je dérogerai à cette règle car trop de contrevérités ont été énoncées. Ce budget a été élaboré dans des délais très courts, un contexte économique bien moins favorable que celui dont certains avaient bénéficié, et à partir d'un héritage dans lequel l'actif était très inférieur au passif. Nous avons en effet trouvé en juillet un déficit budgétaire supérieur de 50 % aux prévisions initiales, ce qui ne vous permet guère de donner des leçons de sincérité, et ce déficit s'explique pour les deux tiers par des hausses de dépense, ce qui relativise le rôle de la conjoncture. Pourtant, à l'époque, le rapporteur général se voulait rassurant, et parlait « d'une progression des dépenses maîtrisée ». Selon l'opposition, l'accroissement du déficit, cette année, serait dû à nos décisions de baisser les impôts. C'est faux. Contrairement au précédent, le Gouvernement actuel ne finance pas ces baisses à crédit mais par des annulations équivalentes, et contrairement à ce qu'avait fait Mme Parly en 2001, c'est la première fois qu'un collectif d'automne tire les leçon des moins-values fiscales sur les recettes du budget de l'année suivante. Nos collègues de l'opposition nous expliquent doctement qu'il s'agit d'un budget virtuel. Ils parlent en experts ! Remettons les pendules à l'heure. La régulation budgétaire par exemple, est une pratique récurrente. En 1999, on a annulé 5,2 milliards d'euros de crédits alors que la croissance était de 3,2 % ; en 2000, 3,7 milliards pour une croissance de 3,8 %, en 2001, un record a été atteint avec 6,7 milliards d'annulations, quand la croissance était à 1, 8 %. En 2002, les annulations ne portent que sur 2,6 milliards. Mais s'il y a une vraie nouveauté cette année, c'est qu'au moins, désormais le Parlement peut en discuter. Mieux vaudrait donc remercier le ministre de ce progrès dans la transparence budgétaire. Au-delà de l'héritage, l'environnement international est très instable, même si les dernières données inclinent à plus d'optimisme sur la vigueur de la reprise prochaine. Ces incertitudes, notamment sur la situation en Irak, ont pesé sur la conjoncture des derniers mois. Les chefs d'entreprise ont différé les investissements et les reconstitutions de stocks, la production industrielle a marqué le pas. Mais un taux de croissance n'est pas une abstraction statistique, c'est aussi, comme l'a rappelé le Premier ministre, le résultat d'une ambition politique. Bien sûr, les hypothèses de croissance sont toujours aléatoires. N'est-ce pas Laurent Fabius qui prévoyait une croissance de 2,5 % pour 2002, rejetant les critiques de l'opposition ? Ce rappel, un peu facile certes, devrait nous éviter les mauvais procès. En outre, le FMI prévoit désormais pour 2003 une croissance de 2,3 % , proche des 2,5 % retenus dans le PLF. Et en France la consommation résiste bien. Selon l'INSEE, elle a augmenté de 0,7 % au troisième trimestre pour une prévision de 0,5 %, il y a eu création nette de 45 000 emplois dans le secteur marchand et l'augmentation de la masse salariale s'est maintenue en rythme annuel à 3,5 % sur les deux derniers trimestres. La baisse d'impôts devrait procurer aux ménages 2,7 % de pouvoir d'achat supplémentaire au quatrième trimestre. Enfin, les dernières enquêtes d'opinion chez les industriels et les patrons de PME sont favorables, qu'il s'agisse des perspectives de production ou des investissements. Dans ces conditions, une croissance de 2,5 % est bien à notre portée en 2003. Toute l'action du Gouvernement et de la majorité consiste à tracer des perspectives claires pour donner confiance aux acteurs économiques, pour tirer le meilleur parti de la reprise et, par la baisse des charges, agir sur l'emploi. Après les mesures de l'été et de l'automne, les agents économiques ont bien perçu que cette politique va dans le bon sens. 2003 sera une période charnière, et ils ont envie d'y croire ! Ce budget répond bien aux attentes exprimées pendant la campagne électorale. Il _uvre à restaurer l'autorité de l'Etat républicain, dans la suite de ce qui a été fait dès la session extraordinaire, en consacrant à la police, la justice, la défense, des moyens budgétaires sans précédent ; ainsi qu'à libérer et réhabiliter le travail - ce qui a conduit le Premier ministre à baisser la pression fiscale et à mobiliser sa politique économique autour de l'emploi. En premier lieu, a été poursuivie la baisse des prélèvements obligatoires, avec celle de l'impôt sur le revenu, pour 500 millions, et le passage du taux marginal à moins de 50 %. La création d'une nouvelle allocation de libre choix pour simplifier la garde d'enfant au printemps 2003 relancera la politique familiale et des mesures fiscales favoriseront l'emploi à domicile ; la compensation de la baisse des charges sociales avoisinera 1,2 milliard en 2003 ; la réforme de l'assiette de la taxe professionnelle sera poursuivie, avec un coût de 1,4 milliard et l'UMP a tenu à ce qu'elle s'effectue sur deux ans et non sur trois. En second lieu, pour soutenir le pouvoir d'achat, le Premier ministre a maintenu la prime pour l'emploi et son extension aux salariés à temps partiel coûtera 280 millions supplémentaires. N'oublions pas la hausse du SMIC de 11,4 % sur trois ans, et la création de CES au rythme de 20 000 par mois. Ces mesures permettront de relancer le pouvoir d'achat de tous les ménages et d'assouplir les conditions de l'offre pour relancer durablement l'emploi. Les mesures du précédent gouvernement ont permis certes 300 000 créations d'emplois avec les 35 heures, 280 000 avec les emplois-jeunes... M. Augustin Bonrepaux - Faites-en autant ! M. Xavier Bertrand - ...sur les deux millions d'emplois créés par la croissance. Mais à quel prix ? M. Augustin Bonrepaux - Nous verrons combien coûtent les vôtres ! M. Xavier Bertrand - Ces emplois ne sont pas pérennes ; les jeunes non qualifiés manquent de perspectives ; le pouvoir d'achat stagne pour ceux qui sont passés aux 35 heures. Nous assumons le fait d'assouplir ces dispositifs. Nous agissons sur les freins structurels qui pénalisent l'efficacité économique et l'emploi. C'est le sens de la baisse des charges sociales sur les bas salaires, pour plus d'un milliard d'euros. Certains prétendent que nous menons une politique fiscale pour les plus aisés. M. Augustin Bonrepaux - C'est vrai. Nous le maintenons. M. Xavier Bertrand - Je suis élu d'une circonscription où le taux de chômage est plus élevé que la moyenne nationale. Ces propos me blessent. Avec les contrats-jeunes, nous offrons la possibilité d'un CDI en entreprise, quand les jeunes occupaient auparavant des postes de CDD, sans réel plan de formation. Nous pouvons nous féliciter de la signature de 30 000 contrats - et cette mesure n'a pas encore fait toutes ses preuves. M. Augustin Bonrepaux - Expliquez-le à ceux que vous licenciez ! M. Xavier Bertrand - L'augmentation du SMIC de 11,5 % sur trois ans constitue beaucoup plus qu'un coup de pouce. En étendant le bénéfice de la PPE à 3,2 millions de salariés à temps partiel, oui, nous prenons des mesures pour les plus défavorisés de nos concitoyens. M. Augustin Bonrepaux - Pas pour tous ! M. Xavier Bertrand - Nous assumons la rupture avec nos prédécesseurs. La meilleure politique sociale consiste à créer un environnement de confiance pour les ménages et les entreprises. Nous croyons à la méritocratie, à la valeur de l'effort et du travail. Sous l'impulsion du Président de la commission et du rapporteur général, les rapporteurs spéciaux, ont fait des propositions de simplification et d'économie autour d'une idée simple : les baisses d'impôts ne seront durables que si notre action sur les dépenses structurelles est significative. Il ne s'agit en aucun cas de démanteler l'Etat, mais de supprimer un certain nombre de structures dont le coût est constant mais dont le service rendu aux Français est discutable. Nous avons ainsi voté en première lecture, comme en CMP, une réduction des crédits de l'INRAP. Sur la méthode, il s'agissait d'une mesure d'appel avant d'entamer une réforme plus conséquente en concertation avec les acteurs concernés. En baissant de 25 % la redevance, mais en permettant un léger report de la mesure, nous avons tenu compte des inquiétudes exprimées par les acteurs économiques. La CMP s'est accordée sur le vote de l'aménagement du droit à la prime pour les titulaires d'un plan d'épargne logement à travers la mise sous condition de la prime d'Etat. Cette mesure se justifiait, mais elle appelle des mesures prochaines pour valoriser l'épargne populaire et l'accession sociale à la propriété. Au-delà des anathèmes politiciens, il convient de regarder l'essentiel : ce Gouvernement et sa majorité sont déterminés. Nous avançons dans la droite ligne des engagements pris pendant la campagne présidentielle et législative. Nos priorités sont connues des Français, ce sont les leurs, ils les ont approuvées : restaurer l'autorité de l'état républicain, libérer et réhabiliter la valeur du travail. Le groupe UMP votera avec confiance ce projet de loi de finances (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Augustin Bonrepaux - La majorité avance ? Mais où va-t-elle ? Les premiers résultats de votre collectif ne sont pas encourageants. Vous avez baissé les impôts en juillet et vous nous dites votre regret de voir baisser les recettes ! M. Gérard Bapt - Remarques justifiées ! M. Augustin Bonrepaux - Vous êtes responsables de cette diminution. Vous ne vous êtes pas rendu compte que si vous réduisiez l'impôt sur le revenu, les recettes baisseraient ! Par ailleurs, on peut douter de la sincérité de ce budget. Votre hypothèse de croissance de 2,5 % est jugée irréaliste par tous : les recettes fiscales sont surévaluées ; les dépenses inscrites dans le budget n'ont aucun lien avec les crédits qui seront affectés aux ministères. Avant même de voter le budget, nous savons qu'il ne sera pas appliqué. Nous savons qu'aujourd'hui même, vous n'êtes pas en mesure de payer les dépenses dues au titre de l'année 2002. M. Didier Migaud - C'est exact. M. Augustin Bonrepaux - On peut s'inquiéter aussi de vos choix économiques. En première lecture, nous avons dénoncé votre refus de faire du soutien au pouvoir d'achat une priorité. Vous avez refusé d'augmenter la prime pour l'emploi - avec ses dénégations embarrassées, M. le rapporteur affirme qu'elle augmente de 1,5 %. Cela représente 130 francs par an ! 5 millions de personnes sont concernées par cette aumône. Le SMIC, dit-on augmentera de 11 %. Mais pour qui ? Pas pour tout le monde ! Vous avez revu à la baisse - ou supprimé - la plupart des moyens de lutter contre le chômage ; vous diminuez le nombre des emplois-jeunes ; aucun crédit n'est prévu pour relancer les CES ; vous diminuez le nombre de surveillants dans l'éducation nationale. Vous accordez en revanche des crédits excessifs à la Défense. Mais comment allons-nous contrôler leur efficacité ? Vous financez des cadeaux fiscaux pour les ménages les plus aisés et pour certaines entreprises, au prix d'une remise en cause de dispositifs favorables au plus grand nombre. Le collectif avait engagé cette politique inégalitaire, avec les 2,55 milliards consacrés à la baisse de l'impôt sur le revenu qui ne profite qu'à la moitié des ménages. Dans le même temps, vous avez refusé d'augmenter la PPE et le SMIC. Le projet de loi de finances aggrave ces dispositions puisque la baisse de l'impôt sur le revenu se poursuit et que vous augmentez le plafond des dépenses prises en compte au titre de la déduction fiscale pour emplois à domicile. Est-ce là une mesure en faveur des familles ? Seules 70 000 d'entre elles, les plus favorisées, sont concernées. Le Sénat a amplifié ces injustices en remettant en cause l'épargne populaire du PEL - dans le même temps, des dispositions accordées aux sociétés immobilières rendent possible la non-imposition de plus-values. Le groupe socialiste ne pourra que voter contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Charles de Courson - Ce projet, bâti sur des hypothèses fragiles dues à la lourdeur de l'héritage laissé par nos prédécesseurs, et aux incertitudes liées à la conjoncture internationale et européenne, marque une étape importante. Il répond à plusieurs attentes de nos concitoyens. Ce premier exercice doit cependant être approfondi au plus vite, compte tenu de l'état de nos finances publiques. Je l'avais dit à M. Fabius l'an dernier : le projet de loi de finances pour 2002 constituait un mensonge d'Etat. Sous-estimation inconsidérée des dépenses publiques, surestimation coupable des recettes fiscales, et, au bout du compte, un déficit doublé. 1,4 % de déficit prévu par M. Fabius ; 2,8 % en exécution. La gauche ne peut prétendre que nous aurions aggravé le déficit en raison de nos mesures fiscales : l'abaissement de l'impôt sur le revenu de 5 % représente 2,5 milliards - c'est-à-dire 10 % du dépassement constaté. Vous êtes, vous, responsables des 90 % restants. Plus coupable encore : l'aveuglement de la majorité d'alors sur les prévisions de croissance. Alors que la loi de finances était bâtie sur une hypothèse de 2,5 %, nous finirons l'année à 1 %. Je sais qu'il est difficile de prévoir l'avenir. Se tromper sur une prévision n'est pas blâmable en soi, mais il est condamnable de refuser de l'admettre. Monsieur le ministre, votre souci de transparence vous a conduit, dès que vous avez eu connaissance des dernières prévisions, à faire part à la représentation nationale des mesures que vous alliez prendre pour cerner au plus près une réalité économique fluctuante. Cette information du Parlement en temps réel mérite d'être soulignée. Comment M. Fabius peut-il avoir reproché hier d'annoncer un gel de trois à cinq milliards d'euros des crédits alors qu'il aurait dû plutôt vous féliciter d'avoir l'honnêteté et le courage de faire ouvertement ce que lui-même avait fait en catimini fin février 2002 ! De surcroît, annoncer le gel avant le vote de la loi de finances est plus respectueux des droits de l'Assemblée. Rappelons du reste que si un gel n'est pas une annulation, il faudra en arriver à cette extrémité si la conjoncture économique continue à se dégrader. Assumons la réalité de la situation économique, et appliquons-nous à la rigueur budgétaire, qui est une vertu. La limitation des déficits, des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques, loin d'être une fin en soi, est au contraire le premier soutien aux plus défavorisés, et le meilleur moyen de préparer l'avenir. N'oublions pas que la situation des finances publiques est particulièrement délicate : une baisse du taux de croissance en 2003 de 2,5 % à 1,5 % aggraverait le déficit de 0,3 point, ce qui le porterait à 2,9 %, la prévision du Gouvernement s'établissant à 2,6 %. Si l'on ajoute à cela l'augmentation du déficit du régime général de la sécurité sociale, qui risque de passer de 6,3 milliards en 2002 à près de 11 milliards en 2003, nous allons dépasser le plafond des 3 %. Chers collègues socialistes, vous qui êtes pro-européens, soutenez donc le Gouvernement, d'autant que le second critère de Maastricht - 60 % de dette publique par rapport au PIB - risque de ne pas être respecté non plus, la prévision pour 2003 étant déjà de 58,4 %. Or, nous avons adopté depuis lors un amendement pour contribuer au remboursement de France Télécom à hauteur de 9 milliards d'euros, qui fera progresser la dette publique au sens de Maastricht de 0,6 %. Et que dire du dérapage du déficit cette année ! Bref, nous sommes à l'extrême limite des deux critères de Maastricht ! Une seule issue : la réforme. Cessons d'en avoir peur ! Si l'extrême droite est arrivée au second tour de l'élection présidentielle, c'est que les Français ont voulu mettre tous les élus dans le même sac de l'immobilisme. Si la gauche a perdu les élections législatives, c'est parce qu'elle n'a jamais voulu entreprendre les réformes nécessaires à la France ! N'ayons pas peur d'être audacieux, et les Français nous renouvelleront leur confiance ! M. Maxime Gremetz - Des larmes et du sang ! M. Charles de Courson - Réforme des retraites d'abord. Le Gouvernement l'a annoncée, et le groupe UDF le soutiendra dès lors qu'il s'attaquera à l'ensemble du système, régimes spéciaux compris, dès lors qu'il créera ce troisième pilier de l'épargne retraite, dès lors que les principes d'équité et de justice guideront son action. Réforme des institutions locales : le Gouvernement l'a entreprise et l'UDF soutient ce projet qu'il faut encore améliorer en accordant l'autonomie fiscale aux collectivités locales. Réforme de l'assurance-maladie : il faudra s'y atteler rapidement. L'écart abyssal entre l'ONDAM fixé par le Parlement et son exécution effective montre la difficulté de l'exercice. Si la croissance des dépenses maladie peut être considérée comme un progrès, il faut prendre garde aux dérives, d'où la nécessaire responsabilisation de tous les acteurs - professionnels et patients - ainsi que la régionalisation du système de santé. Enfin, la réforme de l'Etat reste à entreprendre dans le respect de quelques principes : intéressement des fonctionnaires, souplesse, amélioration de la productivité, redéploiement des effectifs et allégement des administrations centrales. Il convient de moderniser l'appareil administratif de l'Etat tout en sauvegardant la spécificité du service public « à la française ». Le plus grand ennemi de l'intérêt général reste le conservatisme, et la première cause des injustices sociales, l'immobilisme. Pour conclure, je tiens à saluer, au nom du groupe UDF, l'attitude du Gouvernement qui a su faire preuve d'écoute à l'égard d'un Parlement désireux de contribuer à l'amélioration du budget. Ainsi avez-vous accepté 78 amendements. Cette humilité et cette écoute augurent bien des relations qui doivent désormais s'instaurer entre le ministère de l'économie et des finances, l'Assemblée nationale et le Sénat. Ce budget de transition est seul à même de remettre la France sur les rails de la vertu et de la prudence, même s'il est encore insuffisant pour préparer sereinement l'avenir. Aussi le groupe UDF votera-t-il ce projet de loi de finances pour 2003 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Maxime Gremetz - Le vote définitif de cette loi de finances pour 2003 intervient dans un contexte économique dégradé : accroissement du chômage - 80 000 demandeurs d'emplois supplémentaires recensés entre septembre et décembre par l'ANPE - encouragement à licencier en masse par la remise en cause des dispositions de la loi de modernisation sociale - ni le MEDEF ni la majorité, ne supportaient cette loi favorable aux salariés ! Les chiffres officiels - 53 milliards d'euros de déficit à la fin du mois d'octobre - font apparaître une forte dérive des dépenses publiques alors que les recettes reculent de près de 5 % sur un an. Vous accusez le gouvernement précédent de tous les maux en occultant votre responsabilité avec le tout financier. Votre politique consiste à abaisser le coût du travail, les salaires, le pouvoir d'achat. Vous multipliez les exonérations de cotisations patronales, favorisant ainsi les profits et réduisant les ressources de notre système de protection sociale. Vous accélérez les privatisations - Air France - l'ouverture des marchés du gaz et de l'électricité. Vous encouragez la précarisation et une flexibilité généralisée du travail. Votre politique, c'est le refus de voir mise en cause la confiscation du pouvoir économique par une caste de mandataires et d'administrateurs de sociétés. C'est votre prétention à mettre en cause la loi sur le contrôle des fonds publics accordés aux entreprises adoptée sous la législature précédente à l'initiative de notre groupe - loi Hue, autre loi que le MEDEF ne peut souffrir. La baisse de 5 % des impôts des plus riches, censée relancer la consommation, a surtout gonflé les bas de laine et nourri la spéculation financière. Votre refus de donner un coup de pouce au SMIC et aux minima sociaux et, plus généralement, votre politique qui incite les chefs d'entreprise à différer les hausses de salaires, a un impact économique très négatif dans un contexte où la consommation reste le seul moteur de la croissance. Ce budget sacrifie les dépenses sociales, les dépenses de solidarité mais aussi des investissements aussi fondamentaux pour l'avenir que les dépenses de recherche et de formation. 2003 s'annonce en ce domaine comme une année préoccupante avec une progression de l'activité d'environ 1,2 %. Nous sommes bien loin de l'hypothèse de croissance retenue pour échafauder la loi de finances ! Il est donc peu surprenant que vous annonciez déjà des gels de crédits compris dans une fourchette de 3 à 5 milliards, bien au-delà, donc, des régulations antérieures, que nous avons toujours contestées. On ajoutera que ce texte est présenté dans un contexte de croissance molle et fragile, sans même parler des conséquences qu'aurait une intervention militaire en Irak - dont nous ne sommes, hélas, pas à l'abri, les déclarations américaines les plus récentes le montrent assez. En outre, le risque de déflation ou de krach obligataire est jugé plausible par la plupart des analystes. Tout au long de la discussion budgétaire, nous avons avancé des propositions visant à relancer la demande, et nous avons défendu la nécessité de conjuguer la justice sociale avec une nouvelle logique d'efficacité de la fiscalité et de la dépense publique par des amendements précis. Ainsi, nous avons proposé de conforter la progressivité de l'impôt sur le revenu en mettant l'accent sur la sous-imposition des revenus financiers ; de moderniser l'ISF en tenant compte de la manière dont se constituent les grands patrimoines industriels commerciaux et boursiers ; de réformer la fiscalité des sociétés pour inciter les entreprises, notamment les grands groupes, à privilégier l'investissement pour l'emploi sur les placements financiers. Et, afin de dégager des moyens nouveaux pour les collectivités locales, nous avons proposé d'intégrer les actifs financiers dans l'assiette de la taxe professionnelle. Nous avons aussi insisté sur la nécessité d'une autre politique monétaire et du crédit en France et en Europe, pour aider les PME à se moderniser, à créer des emplois et à améliorer la qualification de leurs salariés. Nous partageons donc l'inquiétude des salariés de la banque de France face au projet de restructuration du réseau de succursales, et nous ne pouvons approuver la réforme du plan d'épargne logement qui risque de déséquilibrer le dispositif en limitant le montant de l'épargne. C'est un nouveau pas vers la banalisation complète des établissements financiers. Pourtant, la France, avec ses partenaires européens, pourrait contribuer de manière originale à la relance de l'activité mondiale, en donnant la priorité à l'emploi et au co-développement durable. Il faut pour cela s'attaquer aux obstacles sur lesquels butent toutes les reprises depuis trois décennies : l'excès de croissance financière et l'insuffisance des dépenses pour les hommes. On le voit, il faut sortir du faux débat sur les modalités de l'aménagement, à la marge, du pacte de stabilité. Une nouvelle croissance en Europe suppose, notamment, de nouvelles missions et un contrôle politique et social de la Banque centrale européenne, indispensable à la relance du crédit favorisant les investissements créateurs d'emplois, et non la défense des places financières. Plus généralement, nous avons dit la nécessité de donner enfin la priorité au développement des populations, de leur capacité productive et de leur formation. L'enjeu, c'est la sécurité d'emploi et de formation, en France et en Europe, pour stimuler le développement économique. Au lieu de cela, vous utilisez avec démagogie l'aspiration à la sécurité des biens et des personnes pour mieux faire accepter l'insécurité sociale massive qui caractérise l'économie de marché financier. Vous entendez, sous couvert de décentralisation, réduire toujours plus le champ de l'action publique pour laisser libre cours à la régulation par le marché. Ce projet de budget en est la parfaite illustration. Nous confirmerons, en conséquence, notre vote de rejet, exprimé en première lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). M. Jean-Louis Idiart - Il est rafraîchissant d'entendre nos collègues de la majorité parler de bilan... On se souvient alors qu'à une certaine époque M. Juppé jugeait « calamiteux » le bilan de son prédécesseur, M. Sarkozy ; et l'on se rappelle que M. de Courson nous expliquait en 1993 exactement ce qu'il nous explique aujourd'hui... C'était avant que M. Juppé ne laisse à M. Jospin, en 1997, une lettre dans laquelle il lui exposait la situation économique du pays... J'observe d'autre part que, dans un système bicaméral, le fait que les deux chambres soient dominées par la même force politique permet une présentation habile des choses. Je ne m'appesantirai pas sur le fait que ce budget a été modifié à peine voté par notre Assemblée - au nom, bien sûr, de la « sincérité » -, mais je constate qu'une seconde chambre peut durcir à loisir quelques règles. Cette fois, le service rendu a consisté à modifier les règles d'intervention de l'Etat dans le dispositif du PEL. Et c'est ainsi que, petit à petit, par la modification progressive de la fiscalité et de l'épargne, nous entrons dans une phase de thatchérisme rampant, celui-là même qui faisait les délices de la droite libérale des années 1990. Et pourtant ! Le PEL est le premier accès à l'épargne pour les plus jeunes. On compte, en France, quinze millions de titulaires de ces plans, qui sont une proie aisément saisissable par un Gouvernement soucieux d'économie, certes, mais au détriment de l'épargne populaire. La collecte jusqu'à présent réalisée donnait aux banques un moyen facile de contenir les taux d'intérêts appliqués aux prêts d'accession à la propriété. La disposition voulue par le Gouvernement aura pour conséquence de réduire de 20 000, chaque année, les accessions à la propriété. Et cela, après que des cadeaux ont été faits aux contribuables les plus imposés - qui, ici, peut nier que l'effort budgétaire lié à la réduction de l'impôt sur le revenu aurait pu être mieux employé ? - aux titulaires de PEA et à ceux qui bénéficient de plus-values sur les cessions mobilières ! D'évidence, le moment était venu d'un tour de vis supplémentaire, à l'encontre des petits épargnants ! Parlons, aussi, de la méthode ! Qu'est devenue la concertation tant vantée ? Quel débat a eu lieu ? On note que, quand il s'agit de s'en prendre à l'épargne populaire, point n'est besoin de reporter la mesure pour attendre une réforme d'ensemble ! Cette manière de faire est incorrecte, et les petits épargnants en seront désorientés. Bien des questions se posent, auxquelles il vous faut répondre, Monsieur le ministre : quelle est votre politique fiscale de l'épargne ? Comment entendez-vous l'encourager ? Comment le Gouvernement compte-t-il aider les plus humbles à moderniser leur habitat ? Un tel sujet méritait mieux que le tour de passe-passe auquel vous vous êtes livré au Sénat, dans un souci d'économie qui, dans les faits, coûtera cher aux épargnants et aux accédants à la propriété. Ce Gouvernement n'est vraiment pas le Père Noël de l'épargne populaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Gérard Bapt - Mes collègues du groupe socialiste ayant excellemment dit ce qu'il convenait de dire de la loi de finances pour 2003, je traiterai des conséquences de l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, car les décisions prises par le CIADT du 13 décembre sont très décevantes. Alors que le désastre a été considérable pour les personnes et pour les biens, alors que de nombreuses entreprises sont sinistrées et, avec elles, leurs sous-traitants, le Gouvernement a annoncé la fermeture des deux tiers des capacités de la SNPE, ce qui aura pour conséquence la suppression de 5 000 emplois directs et indirects. Les entreprises subiront des pertes de recettes, et les collectivités collecteront une moindre taxe professionnelle. Dans un tel contexte, il était particulièrement important de renforcer le pôle de recherche toulousain. Or, qu'en est-il ? Au lieu de soutenir, comme il s'y était engagé, l'ouverture, à Toulouse, de l'Agence européenne pour la sécurité aérienne, le Gouvernement décide de n'appuyer que l'ouverture du bureau régional. De même, le ministre de la défense s'était engagé, avant l'explosion, à transférer à Toulouse 400 chercheurs de l'ONERA ; le CIADT se contente d'annoncer une étude de faisabilité ! Quant aux projets de diversification du pôle scientifique toulousain, le Gouvernement a annoncé une participation, mais subordonnée à celle des collectivités locales, alors qu'elles sont très éprouvées par la catastrophe. Le dernier volet du dispositif, relatif à l'aménagement du territoire, suscite des inquiétudes. Certes la création d'une zone franche urbaine dans les quartiers sinistrés est une bonne chose, mais la modification du zonage FEDER risque de se faire au détriment d'autres territoires, tout aussi fragiles : pour l'éviter il serait nécessaire d'obtenir une dérogation de la Commission européenne. Les mesures de conversion industrielle visent à créer 1 400 emplois mais elles ne concernent que la ville de Toulouse : il faudrait les étendre à tous les sites en difficulté de la région. Si on ajoute que la dépollution du site n'est pas imposée au groupe TOTAL et qu'aucune ligne n'est consacrée à l'indemnisation des sinistrés, il est clair que le compte n'y est pas. Le maire de Toulouse avait réclamé un plan Marshall pour l'agglomération : il ressort des conclusions du CIADT qu'existe, au mieux, un plan de communication Raffarin et nous vous appelons à compléter le dispositif à la hauteur des besoins (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). La discussion générale est close. M. le Ministre délégué - L'amendement 3 lève le gage sur l'article 5 bis A. M. le Rapporteur de la CMP - Avis favorable. L'amendement 3, mis aux voix, est adopté. M. le Ministre délégué - L'amendement 4 vise à exclure du dispositif adopté en CMP à l'article 14 les EPCI dont le périmètre a été modifié en 2002. L'amendement 4, accepté par la commission, est adopté. M. le Ministre délégué - Les amendements 5 et 6 sont rédactionnels. Les amendements 5 et 6, acceptés par la commission, sont adoptés. M. le Ministre délégué - L'amendement 7 opère la coordination avec le projet de loi de finances rectificative, qui majore les recettes de 33,7 millions d'euros et les dépenses de 70 millions d'euros, du fait, principalement, de trois mesures : les aides aux organismes de développement rural, la décristallisation des pensions, la prorogation des zones franches. L'amendement 7, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté. M. le Ministre délégué - Les amendements 8, 9, 10, 11 et 12 à l'article 36 visent également à assurer la coordination avec le projet de collectif adopté la semaine dernière en ce qui concerne la décristallisation des pensions, la création de l'ADAR et le fonds national de péréquation, les zones franches urbaines. Les amendements 8, 9, 10 et 11, acceptés par la commission, sont successivement adoptés. M. Henri Emmanuelli - Monsieur le président, vous ne nous avez pas laissé le temps de nous déclarer favorables à l'article 8 ! M. le Président - Je suis désolé, vous êtes d'habitude si rapide que je m'étonne de pouvoir vous surprendre (Rires). Mais votre position sera inscrite au Journal officiel ! M. le Rapporteur de la CMP - Les amendements 1 et 2 rectifié visent à réparer une erreur d'imputation commise par la CMP concernant les crédits de la culture. L'amendement 1, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. L'amendement 12, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté. L'amendement 2 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. le Ministre délégué - L'amendement 13 tire les conséquences de la suppression, à partir du 1er janvier 2003, de 9 taxes parafiscales, suppression décidée dans le collectif budgétaire. M. le Rapporteur de la CMP - Avis favorable. M. Charles de Courson - La limite du 1er janvier 2003 s'applique-t-elle au recouvrement des taxes ou aux faits générateurs de ces taxes ? M. le Ministre délégué - Les organismes compétents achèveront le recouvrement de l'année 2002. L'amendement 13, mis aux voix, est adopté. M. le Ministre délégué - L'amendement 14 permet de reporter à 2003 le versement de la recette de cession affectée au fonds de réserve des retraites. L'amendement 14, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté. M. le Ministre délégué - L'amendement 15 lève le gage de l'article 58 quaterdecies. L'amendement 15, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté. M. le Ministre délégué - L'amendement 16 est une modification pour des raisons techniques. M. le Rapporteur de la CMP - Sur cet amendement, j'émettrai, à titre personnel, un avis favorable, dans un esprit de conciliation avec le Gouvernement et aussi d'efficacité. Si nous acceptons de reporter au 1er juillet la réduction de la redevance d'archéologie, c'est parce que le ministre de la culture assure que cela lui facilitera la réforme du système. Mais nous serons extrêmement vigilants quant à la mise en place de cette réforme car le système actuel est insupportable, les maires sont unanimes à le dire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Marc Laffineur - Je ne suis guère favorable à cet amendement. Tout le monde constate une augmentation importante des coûts de construction, surtout en zone rurale. Il arrive que les frais d'archéologie soient supérieurs au coût du terrain. La mesure que nous avions votée ici, et qui réduisait la taxe de 30 % était destinée à montrer que la situation ne pouvait pas durer. Quand je vois la réforme qui se dessine, je m'inquiète : l'institut de recherche pour l'archéologie préventive fait savoir qu'il ne dispose pas d'assez d'argent, et réclame une hausse de la taxe. Le signal que nous avons envoyé en baissant la taxe de 30 %, ce qui n'est pas tragique, doit produire son effet. C'est pourquoi je suis plutôt opposé à l'amendement du Gouvernement. M. Charles de Courson - J'hésite moi aussi beaucoup. Le Gouvernement ne doit pas se borner à nous dire qu'il va réformer. Il doit s'engager à fixer un délai entre le moment où l'on découvre un vestige et la date limite au-delà de laquelle les travaux peuvent commencer. Il faut aussi cesser de faire payer le malheureux propriétaire chez qui les travaux font apparaître des vestiges archéologiques. Voici quelques cas édifiants. Les travaux sur la RN4 pour la déviation de Fère-Champenoise ont été bloqués. Avec le président du conseil général, nous avons menacé de nous coucher sur la RN4 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). M. le Président - Ne faites pas ça, cher collègue ! M. Charles de Courson - Le jour du commencement des travaux, les représentants de l'IRAP sont venus dresser procès-verbal. Le bureau du conseil général a délibéré : nous irons jusqu'au bout, en taule s'il le faut avec notre Président ! Alors, ils ont mis les pouces ! Nous avons placé des bâches sur des choses qui n'avaient aucun intérêt, et on a remblayé par-dessus pour construire la route ; une façon de laisser un peu de travail aux générations futures. Non mais ! Il faut arrêter ! Et à Vatry, savez-vous ce que nous a coûté l'archéologie préventive ? 10 millions de francs ! Pour découvrir des stocks de boîtes de Coca-Cola, datant de l'occupation américaine du site ! (Exclamations) On a découvert, heureusement à la périphérie, un village celte à peu près dépourvu de tout intérêt ; s'il s'était trouvé au milieu de la piste, on aurait perdu un an ou deux. Dans certaines carrières, le propriétaire attend depuis des années, et supplie que les travaux soient réalisés ! Enfin, à Bignicourt-sur-Saulx, une modeste famille a accepté de vendre au maire, en plein village, un petit champ pour faire un lotissement. On y a fait une découverte, et l'IRAP demande deux fois le prix du terrain. Les gens ont décidé de tout arrêter, et il n'y aura pas de lotissement. Si l'on ne mutualise pas le coût de l'archéologie préventive et si l'on ne fixe pas de délai, il est impossible de continuer comme cela. Là, j'en veux un peu à la gauche (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Elle n'a pas véritablement réformé la loi de Vichy, qui est une loi scélérate, qui bafoue tous les droits des citoyens. Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à engager le Gouvernement sur le délai, et sur la mutualisation des coûts ? M. le Président de la commission des finances - Nous sommes décidés à ce que le projet relatif à l'archéologie préventive vienne vite devant nous, tant la situation actuelle est inacceptable. Le monopole applique ses prix de façon non démocratique, et les délais sont de plus en plus longs. Le Gouvernement demande six mois de délai pour proposer une solution. Nous pouvons, je crois, le lui accorder (Protestations sur les bancs du groupe UMP). M. Xavier Bertrand - Nous voulons tous que la loi de janvier 2001 soit réformée. Le meilleur moyen pour cela est de voter l'amendement du Gouvernement. J'ai dit ce que je pensais de cette loi, et je partage l'avis de M. de Courson. Le Gouvernement a la volonté d'aboutir. Ne lui compliquons pas la tâche. L'aspect financier, dans ce dossier, n'est peut-être pas le principal. Nous demandons à être associés à l'élaboration de la réforme, afin de parvenir à un texte qui préserve notre patrimoine sans compromettre le développement économique. L'amendement 16, mis aux voix, n'est pas adopté. L'ensemble du projet, compte tenu du texte de la CMP, modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés, mis aux voix, est adopté. La séance, suspendue à 18 heures 55 est reprise à 19 heures, sous la présidence de Mme Guinchard-Kunstler. PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER vice-présidente Mme la Présidente - J'ai reçu du Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée le texte de la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet modifiant la loi du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise. En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP. M. Philippe Houillon, rapporteur de la CMP - Je me réjouis qu'enfin le processus parlementaire, sur ce sujet important, se termine, et je félicite le nouveau Gouvernement d'avoir permis qu'il sorte des méandres dans lesquels il était englué. En 1997, Mme Guigou annonce une grande réforme de la justice commerciale. En 1998, la commission d'enquête parlementaire sur les tribunaux de commerce, dirigée par MM. Colcombet et Montebourg, dépose son rapport, en même temps qu'un autre commandé par la ministre de la justice, à l'inspection des finances et à l'inspection des services judiciaires. Enfin, le 18 juillet 2000 furent déposés trois projets de loi portant respectivement sur la réforme des tribunaux de commerce, l'accès des juges consulaires aux cours d'appel et le statut des administrateurs et mandataires judiciaires. Sur ce dernier texte, le débat a eu lieu en février 2001 à l'Assemblée, puis en février 2002 au Sénat. Ainsi pendant les cinq ans de la législature précédente, on a beaucoup parlé de la justice commerciale, avec force polémique et constats outranciers, sans, sur ce sujet comme sur les autres, adopter aucune réforme responsable. Or les justiciables voulaient pouvoir compter sur une profession compétente, responsable et moderne ; les administrateurs et mandataires voulaient bénéficier d'un statut clair et rénové. Le texte issu de la CMP répond à ces attentes. Il organise la profession, souvent sur le même modèle que d'autres grandes professions, tant en ce qui concerne la formation et le recrutement que la déontologie et la discipline. S'agissant du recrutement, l'admission à un stage puis un examen professionnel valant certificat d'aptitude permettent l'inscription sur la liste. C'est donc une profession réglementée ; néanmoins, une concurrence reste possible. En effet, les tribunaux peuvent, à titre exceptionnel, confier sur décision spécialement motivée, des mandats d'administrateur ou de mandataires à des personnes physiques non inscrites sur les listes, en raison de leur qualification ou de leur expérience particulière au regard de la nature de l'affaire. Mais ces personnes ne pourront exercer ce type de missions à titre habituel pour éviter que ne se crée une profession parallèle. La CMP a également souhaité que, lorsque des personnes morales sont nommées dans le cadre d'une procédure collective, le tribunal désigne en leur sein, une personne physique chargée d'assurer la mission confiée. Sur le plan de la déontologie et de la discipline, le projet encadre strictement les fonctions d'administrateurs et mandataires judiciaires, depuis l'accès à la profession jusqu'à la cessation de fonctions. Sans revenir sur le régime des incompatibilités strictes imposées aux deux professions, la CMP a souhaité que leurs membres puissent être gérants d'une société civile immobilière dont l'unique objet serait l'acquisition de locaux à usage professionnel. Dans le même souci de réalisme la CMP a, à ma demande, supprimé l'obligation pour le mandataire d'informer la juridiction des diligences accomplies par lui au cours des cinq dernières années en tant que représentant des créanciers dans le cadre d'une procédure antérieure dans laquelle l'entreprise concernée dans l'affaire dont il a la charge était elle-même créancière. Par ailleurs, elle a précisé la nature du fonds destiné à rémunérer les mandataires intervenant dans le cadre de procédures impécunieuses et a limité aux procédures déclenchées après l'entrée en vigueur de la présente loi, le bénéfice de ce nouveau dispositif. S'agissant de la réforme du tarif pour ces professions, la CMP a suivi le Sénat qui a refusé toute modification de la loi sur les procédures collectives, sauf en matière de dossiers impécunieux. Mais l'Assemblée souhaiterait être éclairée sur ce point. Enfin, outre un certain nombre de dispositions de codification dans le code de commerce - notamment la modification de l'intitulé du présent projet -, la CMP a ratifié le code de commerce sur proposition conjointe des deux rapporteurs. Cette réforme réaliste s'inscrit dans la réflexion plus large, menée depuis plusieurs semaines notamment par la commission des lois, sur l'environnement juridique de l'entreprise. Une réflexion qui devrait se poursuivre, dès le début de l'année prochaine, avec le projet de loi sur la sécurité financière. Je vous demande d'adopter le texte de la CMP (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Le texte de la CMP rénove en profondeur le cadre d'exercice de la profession d'administrateur et mandataire judiciaire. Ces professionnels ont entrepris de la rénover depuis plusieurs années mais ne pouvaient poursuivre sans que soient levées certaines incertitudes. C'est ce que fait le texte. Il garantit la stricte neutralité d'une activité qui exige indépendance, compétence, rigueur et probité. La profession étant réglementée et strictement contrôlée, il paraissait incohérent de soumettre ses membres à la concurrence de non professionnels choisis par le juge. C'était le défaut du texte initial, aggravé par des amendements excessifs de l'Assemblée en mars 2001. Paradoxalement, il rétablissait une situation à laquelle le législateur avait dû remédier des décennies auparavant lorsque n'existaient pas de règles spécifiques. Ce texte est équilibré. Le choix de personnes hors liste sera exceptionnel. Il est en effet indispensable de mettre un terme au monopole de fait dont bénéficient certains sans avoir à prouver leur compétence. Mais un tel recours peut être utile, par exemple lorsque la procédure concerne des entreprises installées dans plusieurs pays européens et exige de faire appel à un professionnel étranger. La CMP a néanmoins limité ce recours aux personnes physiques pour éviter tout lien de subordination avec l'entreprise concernée, ce que j'approuve. Par un amendement tout aussi justifié, elle a décidé que ces personnes ne pourraient exercer ces fonctions de façon habituelle pour éviter la constitution d'une profession parallèle. Le recours à des personnes morales n'est possible que pour les sociétés civiles d'exercice libéral dont les règles garantissent l'indépendance. Le tribunal désignera en leur sein une personne physique pour les représenter. Le projet renforce la déontologie et prévoit des incompatibilités professionnelles, notamment avec des activités à caractère commercial et toute fonction de dirigeant de société. Un plus grand nombre d'autorités peuvent saisir le conseil de discipline, dont le Président du conseil national de ces professions. L'exercice de la mission incombera désormais personnellement au professionnel, pour éviter une sous-traitance abusive coûteuse pour les justiciables. Un fonds géré par la Caisse des dépôts permettra de les rémunérer quand les recettes normales n'y suffisent pas. Le texte va permettre la redéfinition du tarif des professionnels souhaitée par tous. Actuellement, il compense certaines sous-rémunérations en augmentant d'autres postes, ce qui n'est pas équitable pour les justiciables et peut orienter certaines diligences. En outre les missions confiées aux professionnels ont considérablement augmenté en vingt ans, en particulier leurs obligations sur le plan social. Le Gouvernement est donc bien décidé à réformer le tarif des mandataires. Mais on ne peut opérer une réforme d'ensemble avant que les nouvelles missions soient dévolues à chacun des acteurs par la rénovation d'ensemble du droit des procédures collectives. Dès maintenant il est néanmoins possible d'adopter des mesures tirant les conséquences de cette réforme et j'ai demandé à mes services de préparer sans délai le décret d'application. Enfin, la CMP a adopté un amendement ratifiant le code de commerce, ce qui est particulièrement opportun car ce code est en vigueur depuis le 18 septembre 2000 et a déjà subi de nombreuses modifications législatives. Au passage, les erreurs de rédaction qui y subsistaient sont corrigées. Je remercie votre commission et le rapporteur pour avoir permis que ce projet vienne à son terme dans d'aussi bonnes conditions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Pascal Clément, président de la commission des lois - La première lecture de ce texte avait eu lieu pendant la précédente législature. Nous témoignons aujourd'hui de la continuité de la République. Certains ont montré que les excès ne conduisent pas fatalement à la modification de la législation, bien au contraire. Etre excessif aboutit à bloquer la réforme ; à vouloir trop faire, on ne fait plus rien. M. Alain Vidalies - En effet ! Vous ne prenez pas de risques, vous ne faites rien ! M. le Président de la commission des lois - Le risque est pris ! Nous modifions en ce moment même le texte sur les mandataires et les liquidateurs judiciaires. Les tribunaux de commerce ont été globalisés dans l'opprobre. Or, sur 4 % des jugements qui font l'objet d'un appel, 2 % seulement sont réformés. Globaliser la critique est donc tout à fait exagéré. Le Gouvernement laisse d'ailleurs les passions retomber avant d'engager une réforme des tribunaux de commerce, qui me paraît indispensable. Des pistes ont été ouvertes concernant les mandataires et les liquidateurs judiciaires. Nous avons fait un diagnostic : l'aspect limitatif de la liste actuelle des mandataires fait que le travail accompli n'est pas aussi sérieux que l'on pourrait le souhaiter. Quelles solutions proposer ? Les tribunaux choisissent souvent les mêmes mandataires. Une certaine collusion, selon certains, n'est pas à exclure. Il faut donc ouvrir une liste pour que d'autres personnalités compétentes puissent rejoindre des mandataires en nombre trop faible. Cette ouverture se fera notamment sur la base d'un examen de capacité. Toutefois, le texte de la CMP préserve un équilibre nécessaire alors que les dispositions qui avaient été adoptées en première lecture recelaient le risque d'une professionnalisation des personnalités hors liste. Les tribunaux de commerce pourront ainsi trouver des experts capables d'exercer cette profession. Un effort est à faire concernant la déontologie. Je salue la profession, qui n'a pas attendu la loi pour entreprendre ce travail. D'autre part, les affaires impécunieuses sont souvent mal traitées car peu rémunératrices. Par décret, le Gouvernement fixera désormais une rémunération. Les expertises parallèles seront déductibles du prix que les mandataires tirent actuellement de leurs opérations de redressement judiciaire. Ce texte favorisera une meilleure reprise des entreprises car, nous le savons depuis Molière, ce n'est pas en saignant un malade qu'il guérit (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Alain Vidalies - Le rapport de la commission d'enquête parlementaire publié en juillet 1998 a mis en évidence des dysfonctionnements graves des tribunaux de commerce. Le constat établi sur les missions effectuées par les mandataires de service est accablant. Un rapport demandé à la même époque par Mme la Garde des Sceaux à l'Inspection générale des finances et à l'Inspection des services judiciaires est parvenu aux mêmes conclusions. M. Jean-Paul Charié - C'est faux ! M. Alain Vidalies - Je cite : « Les constats établis par la mission mettent en lumière l'ampleur des carences de la justice commerciale. Dépassée, son organisation ne répond plus aux exigences économiques et juridiques des entreprises. Son fonctionnement s'accommode de multiples dérives, reflet de la faiblesse des structures de tutelle et de contrôle, de sorte que le coût économique du traitement judiciaire des défaillances d'entreprises est exorbitant ». Le projet de loi relatif au statut des administrateurs et des mandataires judiciaires s'inscrivait dans les projets de réforme de la justice consulaire. Adopté par notre assemblée, il a été profondément modifié par le Sénat Mais après le rapport, pendant le débat, les affaires continuent - pensons aux soupçons qui pèsent sur le plus grand liquidateur judiciaire de la région Nord-Pas-de-Calais. M. le Rapporteur de la CMP - Nous le savons ! M. Alain Vidalies - Si une CMP est d'une incontestable utilité lorsqu'elle se donne pour objectif de rapprocher les points de vue dans le respect des prérogatives des deux Assemblées, il n'en est pas de même lorsqu'elle ne vise qu'à mettre sous contrainte une procédure législative déjà limitée par la déclaration d'urgence. En l'occurrence, le texte proposé ne fait qu'entériner l'architecture générale de la réforme élaborée par les sénateurs, sans jamais faire valoir le point de vue des députés. C'est particulièrement choquant, s'agissant d'une réforme aussi importante. Du fait de la déclaration d'urgence, notre Assemblée n'a jamais délibéré, dans sa configuration actuelle, du texte qu'on nous demande d'adopter. Le Conseil constitutionnel a pourtant souvent souligné combien les éléments qui restaient en discussion entre les deux Assemblées devaient faire l'objet d'un examen attentif. D'autre part, le présent texte comporte de graves manquements au principe de bonne administration de la justice. Le juge-commissaire est ainsi très limité s'il veut recourir à des personnes ne figurant pas sur la liste arrêtée par la Commission nationale. Les sénateurs ont conféré à cette faculté un caractère « exceptionnel ». Or il et tout à fait contraire aux buts de la réforme de faire peser une telle contrainte sur le juge-commissaire. La commission d'enquête parlementaire qui a rendu son rapport en juillet 1998 avait établi que la limitation des intervenants dans la procédure collective aux personnes inscrites sur la liste nationale créait les conditions d'un monopole risquant d'aboutir à une collusion entre juge consulaire et administrateur judiciaire. Chacun sait que ce mécanisme lie le tribunal dans ses choix et garantit au mandataire de justice une rente de situation très lucrative, qui ne peut qu'aboutir à la méconnaissance des intérêts du débiteur, des créanciers et des salariés. La réforme proposée l'année dernière visait à mettre un terme aux situations scandaleuses provoquées par le verrouillage de la profession ; tout indique que le Sénat et le Gouvernement poursuivent d'autres objectifs. Revenant sur les dispositions votées par l'Assemblée nationale, le Sénat n'a fait que maintenir des privilèges qui risquent de porter préjudice aux salariés. A quelle fin ? Préserver quelques prébendes et abolir, dans les faits, l'amélioration des conditions d'exercice de cette difficile profession voulue par la précédente majorité. Les abandons concédés par la commission mixte paritaire étaient également fondés sur un préjugé idéologique : sanctionner la prétendue hostilité de la gauche à l'égard de tout ce qui touche à la justice commerciale. On entendait les mêmes commentaires il y a près de vingt ans lors de la discussion de la réforme des procédures collectives. Ils ne font que porter atteinte aux trois principes fondamentaux reconnus par les lois de la République : indépendance, équité et impartialité. Pis : vous ne trouvez rien de mieux que supprimer l'obligation de déclaration d'intérêts introduite lors des travaux de la précédente législature. Faut-il vous rappeler que la justice a souvent mis en cause des administrateurs judiciaires ou des liquidateurs pour prise illégale d'intérêts ? Croyez-vous qu'il ne s'agisse là que d'un simple préjugé ? Et que dire de la fixation du tarif des administrateurs ! Aujourd'hui, non seulement l'administrateur n'est pas incité à sauvegarder l'activité de l'entreprise, mais il existe parfois des rentes de situation invraisemblables, auxquelles s'ajoutent éventuellement des surfacturations. La majorité précédente avait souhaité encadrer plus strictement le tarif des administrateurs et des mandataires, à la liquidation des entreprises. Vous avez supprimé ces dispositions au motif qu'elles étaient contraires à l'article 37 de la Constitution. Si le gouvernement précédent avait lui aussi usé de cet argument l'année dernière, la Garde des Sceaux, Marylise Lebranchu, s'était engagée à réformer le décret du 27 décembre 1985. Je doute que l'actuel Garde des Sceaux en ait l'intention. De toute manière, ses desseins sont clairs : ne rien changer, et enterrer une réforme de bon sens, au prétexte qu'elle méconnaîtrait la « spécificité de la justice consulaire ». En quoi l'adjonction de juges consulaires aux juges professionnels est-il méprisant ? Les conseillers prud'homaux ne sont-ils pas eux-mêmes assistés par des magistrats professionnels ? Les Français sont très attachés au bon fonctionnement de la justice. Aussi faut-il aller au-delà des efforts accomplis par le précédent gouvernement en matière d'effectifs et réformer les structures, d'autant que la dégradation de la situation économique risque d'accroître le nombre de procédures collectives. En reportant sine die la réforme des tribunaux de commerce, vous ne rendez pas service à votre pays, mais à votre clientèle. Loin de renforcer les garanties du justiciable, votre texte malmène les principes d'impartialité, d'équité et de bonne administration de la justice, aussi le groupe socialiste votera-t-il contre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Jean-Paul Charié - Permettez-moi de clarifier quatre points. Nous sommes favorables à une réforme des tribunaux de commerce, afin d'élargir leur champ de compétence et d'améliorer la formation des juges. Nous tenons à saluer le travail exemplaire des juges des tribunaux de commerce. Il y a effectivement des problèmes, et cette loi permettra de sanctionner ceux qui ne respectent pas la loi. Cessez d'exploiter certains dysfonctionnements de tribunaux de commerce pour salir l'institution tout entière ! Enfin, l'on ne pourra faire l'économie d'une réforme des procédures judiciaires collectives. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera le texte qui respecte les juges des tribunaux de commerce, et leur donne les moyens de travailler efficacement. Merci, Monsieur le ministre, d'avoir tenu compte du travail que nous avons accompli l'an dernier lorsque nous étions dans l'opposition, et de nous permettre ainsi de tenir nos promesses. L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, mis aux voix, est adopté. RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE Mme la Présidente - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il avait décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques. MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE Mme la Présidente - J'ai reçu de M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement une lettre m'informant que le Gouvernement inscrivait à l'ordre du jour du jeudi 19 décembre, le soir, après le texte de la commission mixte paritaire sur le projet relatif aux marchés énergétiques, celui de la commission mixte paritaire sur le projet portant relance de la négociation collective. L'ordre du jour prioritaire est ainsi précisé. Prochaine séance ce soir, à 21 heures 15. La séance est levée à 19 heures 40. Le Directeur du service ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- au compte rendu analytique de la 3ème séance du mardi 17 décembre. Page 11, lire : L'amendement 25, mis aux voix, n'est pas adopté. page 12, lire : L'amendement 22, mis aux voix, n'est pas adopté. |
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