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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 53ème jour de séance, 136ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 5 FÉVRIER 2003

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

INITIATIVE ÉCONOMIQUE (suite) 2

ARTICLE PREMIER 2

APRÈS L'ARTICLE PREMIER 3

ART. 2 4

APRÈS L'ART. 2 7

ART. 4 7

ART. 5 9

APRÈS L'ART. 5 9

ART. 6 10

APRÈS L'ART. 6 12

ART. 7 22

APRÈS L'ART. 7 25

ORDRE DU JOUR DU JEUDI 6 FÉVRIER 26

La séance est ouverte à vingt et une heures.

INITIATIVE ÉCONOMIQUE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour l'initiative économique.

M. le Président - J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

ARTICLE PREMIER

M. Gérard Bapt - L'article premier ouvre la possibilité de créer une SARL avec un capital qu'on choisit librement et qui doit être au minimum d'un euro. Cette création d'entreprise beaucoup plus aisée a permis un effet d'affichage - que vous avez quelque peu modulé depuis lors, car il relevait peut-être d'une bonne intention, mais comportait aussi un leurre. L'exposé des motifs du projet souligne d'ailleurs que l'insuffisance des fonds propres est un des problèmes essentiels de nos PME. Comment peut-on dès lors appeler à créer une entreprise sans fonds propres ?

Cela dit, les créateurs d'entreprises se heurtent à des problèmes de financement qui sont loin de se réduire à celui du capital de départ, notamment lorsqu'il s'agit - et vous savez que j'y suis attaché - de création d'entreprise par des personnes en difficulté, des demandeurs d'emploi, parfois même des allocataires sociaux. C'est souvent une lourde charge pour eux que les petites sommes qu'il faut fournir au-delà du capital de départ. Je pense par exemple aux 150 € que coûte la publication dans un journal d'annonces légales ; ou encore aux 150 ou 200 € que coûtera l'enregistrement chez le notaire pour assurer, comme vous allez nous le proposer, l'insaisissabilité de l'habitation. Par ailleurs certains centres de formalités des chambres de commerce demandent une rémunération pour aider au montage du dossier ; et quand des organismes de suivi et de conseil à la création d'entreprise sont intervenus, on demande au créateur une sorte de droit d'entrée pour la constitution de la liasse. D'une façon générale, donc, notre souci dans ce débat sera de donner le plus possible de facilités au départ, notamment en aides publiques, à ceux qui, en créant une entreprise, créent leur emploi, et éventuellement d'autres par la suite.

M. Eric Besson - M. Bapt a bien exprimé notre préoccupation. Le groupe socialiste ne votera pas contre cet article, mais il s'abstiendra, car nous éprouvons des réserves et des inquiétudes. Tout d'abord, il ne concerne pas, par définition, l'entreprise individuelle, qui est la grande oubliée de ce texte. Mais ce qui nous inquiète le plus, c'est cette sorte de slogan : l'entreprise pour un euro et en une heure... Le Gouvernement est d'ailleurs un peu revenu sur ce slogan, avec raison, car il est dangereux, et peut créer une illusion de facilité. Il est vrai, comme vous l'écrivez, que l'apport initial n'est pas une protection absolue ; mais on ne peut rayer le problème d'un trait de plume, alors que la question fondamentale, qui n'est pas traitée dans ce projet, est celle de l'accès aux financements. On ne résout en rien cette question en laissant l'apport initial à la libre appréciation des créateurs. Vous devriez peut être vous pencher sur le prêt à la création et à la reprise d'entreprise. Vous avez reconnu hier que ces dispositifs, bien que créés par l'ancienne majorité, étaient de qualité, mais qu'il fallait les améliorer. Eh bien ! faites-le : nous en avons besoin, et nous aimerions vous entendre à ce sujet. Quel diagnostic faites-vous sur le PCE ? Pourquoi, selon vous, demeure-t-il des blocages, alors que les créateurs d'entreprise sont satisfaits ? Nous aimerions avoir vos réponses sur l'ensemble des questions de financement.

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation - Je souligne l'importance de cet article qui concerne les sociétés et particulièrement les SARL. Le nombre des SARL créées est en hausse : 111 000 en 2002 contre 100 000 en 1997. Et les sociétés représentaient en 2002 41 % des créations contre 37 % en 1997. Il est donc très important de simplifier les modalités de création des SARL. Il est dommage que le gouvernement précédent ait été si timide dans la simplification, alors qu'elle existe dans la plupart des pays comparables au nôtre, où l'on peut créer une société avec un capital qu'on détermine librement. M. Strauss-Kahn avait timidement ouvert la voie en permettant une libération sur plusieurs années du capital social. Mais cela ne permettait qu'une progression sur trente ou quarante ans... Le présent texte apporte, lui, de vraies réformes, marquées par l'audace et la nouveauté, après cinq ans d'attentisme et d'excessive prudence (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Catherine Vautrin, rapporteure de la commission spéciale pour les articles non fiscaux - L'amendement 61 de la commission supprime les dispositions qui encadrent actuellement la réduction du capital : cela nous paraît dans la logique de l'article, qui laisse les associés fixer librement le capital social. Nos amendements 62 et 261 sont de coordination - le premier étend l'article aux coopératives en SARL.

M. le Secrétaire d'Etat - La nouvelle rédaction que propose l'amendement 61 a l'avantage de confirmer la libre fixation du capital social de la SARL : le maintien d'une obligation de fixité du capital et de retour à un montant prédéterminé n'a plus de portée dès lors qu'il n'y a plus de plancher. Cet amendement paraît donc judicieux.

On ne peut de même que souscrire à l'amendement 62 ; il n'y a plus de raison de fixer un minimum légal pour les coopératives en SARL, alors qu'il n'y en a plus pour les autres SARL. Avis favorable également sur l'amendement 261.

Les amendements 61 et 62, successivement mis aux voix, sont adoptés, de même que l'amendement 261.

L'article premier ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission spéciale pour les articles fiscaux- L'amendement 274 de la commission a pour objet d'exonérer de droit fixe et de droit de timbre les apports en capital de sociétés dont le capital est inférieur à 7 500 €. Je précise qu'un apport fait à partir du seuil de 6 500 € et qui irait au-delà de 7 500 € est également exonéré. Par contre, les droits proportionnels n'entrent pas dans le champ de la mesure, car nous risquerions des effets de contournement.

M. le Secrétaire d'Etat - L'exonération des droits fixes se justifie par la nécessité de mobiliser toutes les disponibilités d'un entrepreneur lorsqu'il lance son projet. Ce n'est pas toujours le cas en présence d'une augmentation de capital : une société assez prospère pour croître devrait pouvoir s'acquitter d'impôts d'ailleurs modestes. Je reconnais cependant que votre proposition présente un intérêt pour les PME et je m'en remettrai donc à la sagesse de l'Assemblée. Bien entendu, si l'amendement était adopté, je lèverais le gage.

M. Charles de Courson - Le groupe UDF avait déposé un amendement similaire, estimant qu'il ne devait rien coûter de porter le capital de 1 000 €, par exemple, aux 7 500 € qui étaient auparavant le minimum. La proposition du rapporteur nous semble donc sage et nous nous y rallions.

L'amendement 274 rectifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Eric Besson - Vous dites vouloir simplifier, Monsieur le secrétaire d'Etat, et voici que vous créez là un nouveau document, au statut juridique d'ailleurs bien incertain : le récépissé de création d'entreprise, qui sera délivré notamment par les chambres de commerce. La vraie audace, pour reprendre vos termes, n'aurait-elle pas consisté à agir en sorte que le Kbis soit délivré immédiatement, et non en 24 heures, quitte à réformer les pratiques de l'administration ? Actuellement, plus de 25 % des dossiers de création d'entreprise sont rejetés, le plus souvent parce que certaines pièces manquent mais aussi, parfois, pour des raisons d'incapacité juridique. Certaines banques refusent donc de débloquer les fonds en l'absence d'un extrait Kbis assorti d'un numéro INSEE. Cela ne va-t-il pas enlever beaucoup de force au nouveau récépissé ?

Pensez-vous vraiment que ce document servira à quelque chose ? Exigerez-vous des banques qu'elles l'acceptent et qu'elles débloquent les fonds sans tarder ? En l'état, elles ne semblent guère disposées à jouer le jeu !

M. Gérard Bapt - Ces questions sont tout à fait pertinentes mais j'en ajouterai deux autres. Tout d'abord, la prime ACRE n'est accordée que lorsque la demande est présentée dans les règles avant immatriculation de l'entreprise : la délivrance du récépissé va-t-elle réduire le délai de constitution des dossiers ? Les centres de formalités ne simplifient guère la tâche des créateurs d'entreprise actuellement.

D'autre part, il peut arriver qu'un candidat à la création interrompe ses démarches, le projet étant insuffisamment mûr. L'obtention du récépissé lui permettra-t-elle de reprendre éventuellement ces démarches où il les avait laissées, sans que cela allonge la durée de cotisation ?

Mme Chantal Brunel - L'amendement 64 ayant un champ plus large, je retire l'amendement 233.

L'amendement 233 est retiré.

Mme la Rapporteure - Aux termes de l'amendement 64, le récépissé de création d'entreprise - RCE - pourra être délivré, non seulement par le greffier, mais aussi, et de préférence, par l'organisme qui aura été le premier destinataire du dossier complet - le CFE dans la plupart des cas. Ce centre joue un rôle de conseil et son intervention permettra de gagner du temps.

M. le Secrétaire d'Etat - La mesure semble logique : les centres de formalités ont été créés pour conseiller les créateurs et immatriculer les entreprises nouvelles. Le RCE doit, lui, permettre d'accélérer les formalités de création pour nous mettre à égalité avec les pays les plus diligents sur ce point. Les organismes publics et parapublics pourront ainsi commencer plus vite les formalités essentielles et substantielles, sans que cela ait d'effet pour les personnes privées. Mais, même lorsque le dossier est complet, des problèmes importants peuvent encore se poser : si l'activité envisagée est illicite, il n'y aura jamais d'immatriculation. Il pourrait donc être dangereux, pour le déclarant comme pour les tiers, d'autoriser l'entreprise à commencer son activité sous couvert de ce document. Dès lors, il est logique que ce soit le service qui immatricule qui délivre le récépissé - en l'occurrence la chambre des métiers ou le greffier du tribunal de commerce. Je ne puis par conséquent que demander le retrait de l'amendement.

M. Eric Besson - Le secrétaire d'Etat a-t-il entendu nos questions ? Elles étaient claires et portaient sur la nature et sur l'utilité du récépissé, ainsi que sur la réaction des banques. Pouvons-nous espérer une réponse ?

M. le Secrétaire d'Etat - Je vous ai répondu et, je pense, de manière intelligible, pour peu qu'on fasse un petit effort de compréhension. J'ai dit que le RCE porterait effet pour les organismes publics, mais non pour les personnes privées.

M. Eric Besson - Autrement dit, il ne servira à rien !

M. le Secrétaire d'Etat - Faites donc l'effort de comprendre ! Je le répète, ma réponse me paraît intelligible pour tous.

Dans certains cas, le Kbis n'est délivré qu'un mois après les premières formalités. Ecarter notre solution sans en proposer d'autre serait trop facile ! Celle que nous avançons permettrait de maintenir le Kbis tout en donnant au créateur la possibilité de s'acquitter d'un certain nombre de formalités actuellement suspendues à la délivrance du Kbis. Autrement dit, nous adaptons les formalités au temps de la création, au lieu d'imposer au créateur le temps, toujours plus long, de l'administration.

Mme la Rapporteure - La rédaction actuelle de l'article 2 n'élimine pas totalement le risque juridique auquel vous avez fait allusion, Monsieur le secrétaire d'Etat : le greffier ne se livrerait en effet qu'à un premier contrôle, sommaire, du dossier avant de délivrer le récépissé, ce qui ne garantit pas l'immatriculation. D'autre part, le RCE ne fera que faciliter de premières démarches auprès des organismes publics ou parapublics. En autorisant les CFE à délivrer le récépissé, on donnera à celui-ci toute sa valeur. La commission maintient donc son amendement.

M. Eric Besson - Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais que vous adoptiez un autre ton à notre égard... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - La précédente séance s'est déroulée dans le meilleur climat. Celle-ci a commencé de même. Ne pourrait-il continuer d'en être ainsi ?

M. Eric Besson - Selon le secrétaire d'Etat, sa réponse serait intelligible pour tous, sauf pour nous ! Mais nos questions sont celles que posent les créateurs d'entreprise et ceux qui les assistent, ainsi que l'association française des banques. Ces dernières annoncent même clairement qu'elles ne prêteront pas.

Lors de son audition, le directeur général de l'APCE nous a déclaré que nous étions « les meilleurs au monde » pour ce qui est des formalités et, par exemple, les seuls à même de transmettre un document à onze administrations. Dès lors, n'est-il pas licite de s'interroger sur l'utilité du nouveau document proposé ?

M. Gérard Bapt - Un mot encore !

M. le Président - Je souhaite que, désormais, on s'en tienne à entendre, sur chaque amendement, un orateur pour et un orateur contre.

M. Michel Vergnier - Rappel au Règlement. Il est inadmissible que notre collègue Eric Besson, parce qu'il a demandé au ministre une réponse précise, s'entende répondre que tout le monde a compris sauf lui. Le débat ne peut s'engager sur ce ton. Le groupe socialiste demande une suspension de séance d'un quart d'heure pour que l'on puisse repartir sur de meilleures bases.

M. le Président - La suspension est de droit, mais elle sera limitée à deux minutes.

La séance, suspendue à 21 heures 30, est reprise à 21 heures 35.

M. Michel Vergnier - Même si nous ne partageons pas vos opinions, nous souhaitons participer au débat de manière constructive. Nous préférons donc entendre le ministre nous dire qu'il n'est pas d'accord avec nous plutôt que constater qu'il refuse de nous écouter et de nous répondre.

M. le Président - La sérénité étant revenue et l'amendement 64 étant maintenu, je le mets aux voix.

L'amendement 64, mis aux voix, est adopté.

Mme Chantal Brunel - L'amendement 232 est défendu.

Mme la Rapporteure - Défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Egalement.

M. Gérard Bapt - A partir de quelle date les charges sociales et fiscales seront-elles dues ? Celle de la délivrance du RCE ou celle de l'obtention du Kbis ? Et qu'en sera-t-il pour l'ACRE ? Autant de questions qui ont une incidence juridique et qui appellent du ministre des réponses précises.

M. le Secrétaire d'Etat - Il convient de distinguer RCE et Kbis d'une part, activité d'autre part, car c'est l'activité qui induit les cotisations sociales. L'innovation introduite par le RCE, c'est qu'aussitôt le dossier rempli, le créateur d'entreprise pourra commencer à engager les formalités qui, à ce jour, sont subordonnées à l'obtention du Kbis. Il gagnera ainsi un mois environ. Mais le RCE n'aura pas d'incidence sur la délivrance de l'ACRE - dont je considère toutefois qu'elle devrait être octroyée ou refusée dans des délais plus courts que ceux constatés aujourd'hui.

L'amendement 232, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Christ - L'amendement 4 remplace « des » par « de » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 4, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A l'unanimité (Sourires).

M. Jean-Louis Christ - L'amendement 5 tend à insérer une référence au registre des entreprises spécifiques à l'Alsace et à la Moselle.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable car l'amendement est satisfait par l'article 19, paragraphe 4, de la loi de 1996.

M. le Secrétaire d'Etat - Sagesse.

L'amendement 5 est retiré.

M. Alain Suguenot - Contrairement à ce qui a été dit, le RCE est indispensable à tout agriculteur qui démarre son activité. Il faut donc étendre ce dispositif aux exploitants agricoles, dans l'hypothèse où le registre de l'agriculture prévu à l'article L. 311-2 du code rural serait créé. C'est l'objet de l'amendement 139.

M. François Sauvadet - L'amendement 157 a le même objet. Les exploitants agricoles ont besoin de simplifications administratives, comme les autres entrepreneurs, et je ne doute pas que M. Vergnier, fin connaisseur de la chose agricole, nous suivra sur ce point.

Mme la Rapporteure - L'amendement 275 satisfait les préoccupations exprimées, et sa rédaction a l'avantage de le rendre applicable quel que soit le sort futur du registre de l'agriculture, annoncé mais jamais créé. Il me paraît donc préférable.

M. le Secrétaire d'Etat - En l'absence de registre de l'agriculture, l'extension du RCE aux agriculteurs ne s'impose pas, puisqu'aucune preuve d'immatriculation ne peut être exigée des nouveaux exploitants. On peut toutefois imaginer que le registre de l'agriculture existera un jour. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée, de préférence à propos de l'amendement 275, dont la rédaction ménage l'avenir.

M. Charles de Courson - Le registre de l'agriculture n'a pas été créé et ne le sera pas, pour la raison que j'avais dite lorsque la précédente majorité l'avait imaginé : ce sont les fichiers de la MSA qui en tiennent lieu. Pourquoi imposer des frais supplémentaires aux chambres de l'agriculture, qui n'ont déjà pas les moyens d'accomplir leurs missions ! Je pense donc que l'amendement de la commission est préférable.

M. Xavier de Roux - Les deux premiers amendements font en effet référence à quelque chose qui n'existe pas. Il faut se rallier à l'amendement de la commission.

M. François Sauvadet - Compte tenu des éclaircissements du ministre et du souci de simplification qui l'anime, je retire l'amendement 157.

M. Alain Suguenot - Je retire également l'amendement 139, qui prenait en compte toutefois l'absence de registre de l'agriculture.

L'amendement 275, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 2

M. Jean-Michel Fourgous - L'amendement 200 propose que la radiation de l'inscription du nantissement d'un fonds de commerce puisse s'effectuer par acte sous seing privé. La procédure actuelle est lourde et coûteuse. Bien souvent, la mainlevée n'est pas demandée, ce qui a des conséquences dramatiques pour les petites entreprises. Par ailleurs, cette mesure établirait un parallélisme avec la procédure d'inscription.

Mme la Rapporteure - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, je considère qu'il s'agit d'une simplification bienvenue.

M. le Secrétaire d'Etat - Le principe du parallélisme des formes rend légitime d'autoriser la radiation, comme l'inscription, par un acte qui pourra être authentique ou sous seing privé. Toutefois, pour éviter une antidate, il faut prévoir l'enregistrement de l'acte sous seing privé. Je propose donc d'ajouter les mots « dûment enregistré ».

Plusieurs députés UMP - Très bien !

M. Jean-Michel Fourgous - Cette précision est tout à fait conforme à ce que nous souhaitions, et je rectifie l'amendement dans ce sens.

M. Jean-Pierre Soisson - Mais un acte sous seing privé dûment enregistré, cela ne veut plus rien dire ! Autant ne pas voter l'amendement.

M. Xavier de Roux - Je ne comprends pas la réaction de M. Soisson. Faire donner une date certaine par l'administration fiscale est une pratique très courante, et il serait gênant que la date de la radiation de l'inscription du nantissement donne lieu à contestation !

L'amendement 200 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 240 tend à étendre le dispositif de domiciliation appliqué aux inscrits au registre du commerce et des sociétés aux personnes immatriculées au répertoire des métiers. L'amendement 71 de la commission, après l'article 4, a exactement le même objet, mais il introduit une différence de rédaction entre les commerçants et les artisans. Le Gouvernement préfère donc l'amendement 240.

Mme la Rapporteure - La commission avait repoussé cet amendement, mais cette explication montre que le désaccord reposait sur la forme. Avis favorable.

M. Charles de Courson - M. le ministre peut-il nous donner des précisions sur les exploitations agricoles ?

M. le Secrétaire d'Etat - Elles ne me paraissent pas concernées par cet amendement.

M. Charles de Courson - De grands débats ont eu lieu sur la distinction, lorsqu'on parle de « ferme », entre l'exploitation et l'habitation. Les deux sont de plus en plus souvent différentes. Mais si vous ne pouvez me donner de réponse maintenant, on y reviendra plus tard !

M. le Secrétaire d'Etat - Cette question sera évoquée dans le projet de loi rural qui sera présenté par Hervé Gaymard. Je suis sûr que vous n'oublierez pas d'y revenir.

L'amendement 240, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 65 apporte une précision.

M. le Secrétaire d'Etat - Plus que cela. Le local d'exercice de l'activité d'un entrepreneur individuel peut n'être qu'un atelier ou un simple hangar, qui ne comprend pas de bureau et où ne vient aucun client. Il paraît donc souhaitable de conserver la possibilité de déclarer l'adresse privée de l'entrepreneur comme adresse de l'entreprise, possibilité que l'amendement supprime.

Mme la Rapporteure - Je retire l'amendement 65. L'amendement 66, lui, est bien un amendement de précision.

L'amendement 66, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - La commission a adopté l'amendement 67 sur proposition de M. de Courson.

M. Charles de Courson - L'article L. 123-11 comprend les termes « nonobstant toute disposition légale ou stipulation contraire ». La rédaction de l'article 4 est très légèrement différente. L'amendement 67 propose donc de retenir des rédactions identiques.

M. le Secrétaire d'Etat - Je voudrais, à cette occasion, vous donner quelques précisions.

La loi fixe actuellement à deux ans la durée pendant laquelle l'entreprise individuelle peut être localisée dans le local d'habitation de l'entrepreneur, même si le règlement de copropriété s'y oppose. Cette durée est trop courte. La rédaction proposée par le Gouvernement prévoit que l'entreprise peut être domiciliée au lieu d'habitation de l'entrepreneur sans limite de temps lorsqu'il n'existe aucune disposition légale ou contractuelle contraire. Si l'entreprise n'a pas d'établissement fixe, c'est à dire de local de travail où peuvent se nouer des relations avec les clients, la domiciliation peut s'effectuer au local d'habitation sans considération de clause contraire. C'est le cas, par exemple, d'un simple atelier d'artisan, ou d'une profession intellectuelle. Enfin, l'entrepreneur peut exercer son activité dans le local d'habitation en l'absence de clause contraire.

Etendre la possibilité de domiciliation sans limite de temps, même en présence de clauses contraires et même si l'entrepreneur dispose d'un local, semble excessif. Je demande donc le retrait de l'amendement 67.

Mme la Rapporteure - Effectivement, il serait excessif de permettre à quelqu'un d'exercer une activité alors que le règlement de copropriété l'interdit. Je me rallie donc à l'avis du Gouvernement.

M. Charles de Courson - Pour le Gouvernement, les règlements de copropriété font-ils partie des stipulations contractuelles ?

M. le Secrétaire d'Etat - Oui, c'en est même l'essentiel.

M. Charles de Courson - Dans ce cas, je comprends mal l'argument du Gouvernement, alors que nous proposons une simple réécriture pour éviter des interprétations différentes en fonction de l'article 123-10 ou de l'article 123-11.

M. le Secrétaire d'Etat - En fait, l'amendement ouvre un champ d'application plus vaste que le texte, notamment pour les professionnels qui disposent d'un établissement fixe où ils reçoivent des clients. Nous préférons conserver certaines limites.

M. Charles de Courson - Sans être vraiment convaincu, je veux bien, avec l'approbation de la rapporteure, retirer l'amendement.

L'amendement 67 est retiré.

Mme la Rapporteure - Les amendements 68 et 69 harmonisent les dispositions de même nature relatives aux personnes physiques et aux personnes morales.

M. le Secrétaire d'Etat - Ils sont justifiés.

Les amendements 68 et 69, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Rapporteure - L'amendement 70 est de précision.

M. le Secrétaire d'Etat - Il est en effet judicieux de préciser qu'il s'agit de syndicats de copropriété.

L'amendement 70, mis aux voix, est adopté.

Mme Chantal Brunel - L'amendement 273 est défendu. Il est prudent de préciser que les dérogations prévues ne peuvent aller à l'encontre de réglementations professionnelles.

Mme la Rapporteure - La commission ne l'a pas examiné. Il paraît inutile de prendre une telle disposition concernant des professions qui ne sont pas touchées par l'article 4.

M. Xavier de Roux - Parfaitement.

M. le Secrétaire d'Etat - J'y suis défavorable pour la même raison.

Mme Chantal Brunel - Je retire l'amendement.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

Mme la Rapporteure - Cet article précise que les représentants légaux des personnes morales bénéficient d'une dérogation pour l'utilisation de l'habitation de leur représentant légal dans certaines zones, sans pourtant les aligner sur les personnes physiques, puisque la dérogation ne s'applique qu'aux sociétés nouvellement créées et pour une durée de cinq ans. L'amendement 72 applique la dérogation de la même manière aux personnes physiques et aux sociétés, tant que la condition d'une activité très légère, c'est-à-dire sans personnel, ni réception de clientèle ou de marchandise, est respectée.

M. le Secrétaire d'Etat - Favorable. Le Gouvernement tient en effet à ce que les sociétés et les entrepreneurs individuels soient traités de façon équilibrée.

L'amendement 72, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 5

M. Charles de Courson - Dans une proposition de loi sur la création d'entreprise, le sénateur Raffarin avait avancé l'idée du patrimoine d'affectation pour mettre fin à l'unicité du patrimoine individuel et professionnel. Cela avait fait hurler la Chancellerie. On objectait aussi que si l'habitation n'était plus offerte en garantie, les banques ne prêteraient plus au nouvel entrepreneur. Il s'agirait là, il est vrai, d'une révolution, et le groupe UDF ne se fait pas trop d'illusion en la proposant. Mais il aimerait cependant entendre le ministre expliquer pourquoi le Gouvernement n'a pas repris l'excellente idée du Premier ministre (Rires).

Mme la Rapporteure - La commission a rejeté un amendement très proche de celui-là, car si l'idée est séduisante, sa mise en _uvre est difficile. D'autres amendements confortent la protection du patrimoine individuel. Défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Les sénateurs ont estimé qu'une telle proposition ne se conformait pas à nos normes juridiques. Mais le projet introduit déjà une vraie révolution, qui est la protection de la résidence principale, élément essentiel du patrimoine dans la plupart des cas. Certes, cette protection peut rendre plus difficile l'obtention de financements. C'est pourquoi nous laissons l'entrepreneur la choisir ou privilégier le crédit.

M. Xavier de Roux - L'idée est peut-être séduisante, mais il ne faut toucher au code civil qu'avec la plus grande prudence. On ne saurait mettre fin à l'universalité du patrimoine qu'avec des précautions que l'amendement n'offre pas. Soyons plus pragmatiques et restons-en à la protection de la résidence principale, qui est l'essentiel.

M. François Sauvadet - Nous avons bien conscience des difficultés pratiques, mais il s'agissait d'indiquer la voie à suivre.

Mettre à l'abri le domicile de l'entrepreneur a beau être une avancée considérable, elle ne règle pas le problème de l'accès des très petites entreprises au crédit. Au contraire, car le prêt sera d'autant plus difficile à obtenir. Je vous sais attentif à cette question et nous ferons encore d'autres propositions. Pour l'instant, nous retirons notre amendement.

M. Eric Besson - Moins que les déclarations d'intention, ce sont les conséquences sur le terrain qui nous intéressent. Personne ne se plaindra de l'insaisissabilité de la résidence principale de l'entrepreneur - cette mesure pourrait d'ailleurs être étendue aux personnes très endettées. Mais quelle sera la réaction des banques ? Soit elles demanderont d'autres garanties, soit des taux plus élevés. La fédération bancaire française a d'ailleurs jugé l'article 6 contre-productif, car il risque de décourager les prêts aux créateurs d'entreprises.

M. François Sauvadet - Les banquiers peuvent-ils dire autre chose ?

M. Daniel Paul - C'est vrai, il faut protéger les biens personnels de l'entrepreneur. Mais que dire des salariés qui, à la suite de dysfonctionnements, voire de négligences de la part du chef d'entreprise, resteront sans salaire et perdant, eux, leur logement ? Pour reprendre l'expression d'une de nos collègues en commission, des « margoulins » pourraient ainsi être protégés alors que d'autres restent sur la paille.

M. Xavier de Roux - Nous avions à choisir entre la protection du patrimoine de l'entrepreneur et l'intérêt des créanciers-salariés, trésor public, sécurité sociale, ou banque. Aussi, avons-nous décidé de permettre à l'entrepreneur de sauvegarder l'un de ses biens en le déclarant. Il appartiendra ensuite au créancier de déterminer le gage de l'entrepreneur.

M. Charles de Courson - Prenons garde que l'article 6 ne se retourne contre la création d'entreprise !

L'amendement 225 est retiré.

ART. 6

Mme Marylise Lebranchu - Nous ne pourrons faire l'économie d'un débat sur la question du patrimoine affecté, tant les enjeux sont graves.

« Protéger la maison » fut l'une des première phrases que je prononçais sur la création d'entreprise. Ce sont aujourd'hui plus d'un million d'entreprises qui se trouvent confrontées à cette épée de Damoclès.

Malheureusement, et MM. Besson et de Courson l'ont dit, il reste le problème de l'attitude des banques face à la création ou à l'extension d'une entreprise - et cela nous avait conduit à instituer le prêt à la création d'entreprise à la suite du rapport Besson.

Le projet Patriat disposait qu'en cas de liquidation judiciaire, le juge pourrait laisser à l'entrepreneur un « reste à vivre » sur le produit de la liquidation des actifs. Aussi me suis-je permis, la discussion générale ayant été close cette nuit, de profiter de l'amendement de M. Morel-A-L'Huissier après l'article 6, pour ajouter deux dispositions en ce sens. C'est un pis-aller, j'en suis consciente, mais il est nécessaire.

Si les entreprises avaient toutes adopté le statut de société, nous n'en serions pas là. Mais ce n'est pas le cas et il faut bien en prendre acte.

Mme Chantal Brunel - Ne pourrait-on autoriser les petits chefs d'entreprise à cotiser, dans certaines limites, aux ASSEDIC, ce qui leur assurerait une rémunération en cas de liquidation judiciaire ou de dépôt de bilan ?

M. le Secrétaire d'Etat - Cet article nous conduit à élargir le débat et à nous intéresser au statut de l'entrepreneur, en société ou individuel.

Le Gouvernement n'en restera pas là. Si d'autres ne sont intervenus qu'en fin de législature, nous agissons sans tarder pour améliorer ensuite ce qui devra l'être. Nous présenterons d'ailleurs dès la fin de l'année un projet plus large qui intégrera l'accès aux marchés publics, l'apprentissage, le statut de l'entrepreneur, sa retraite, l'assurance chômage. Si « protéger la maison », ce furent les premières paroles de Mme Lebranchu, pour le Gouvernement, ce sont les premiers actes ! Un communiqué de l'assemblée permanente des chambres des métiers a souligné que cette modification profonde du statut de l'entrepreneur en nom propre, qui permet à l'artisan de préserver ses biens personnels, est un point fondamental. Cette nouveauté, qui ne figurait pas dans le projet Patriat, apportera une sécurité beaucoup plus grande à l'artisan qui souhaite rester un entrepreneur individuel. Si l'on veut que le choix entre les deux statuts puisse être équitable, il faut des équivalents.

Aller plus loin, Monsieur de Courson, n'est pas évident aujourd'hui. En outre, le texte retenu a le mérite de la simplicité : les formalités sont simples, l'identification du bien protégé l'est aussi. En cas de difficultés économiques, l'entrepreneur saura que sa famille est à l'abri.

Mme la Rapporteure - L'amendement 73 est de précision.

L'amendement 73, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Louis Christ - L'amendement 7 rectifié prend en compte une spécificité du droit local d'Alsace-Moselle, où le livre foncier remplace la conservation des hypothèques.

Mme la Rapporteure - Avis favorable : l'amendement 325 de la commission est identique.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement respecte les spécificités de l'Alsace-Moselle, terre souvent exemplaire dans le soutien aux très petites entreprises. Favorable.

Les amendements 7 rectifié et 325, mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Rapporteure - L'amendement 75, adopté par la commission à l'initiative de Mme Grosskost et de M. Christ, concerne la même spécificité.

L'amendement 75, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L'établissement de l'acte notarié qui permet de protéger le domicile ne doit pas entraîner un coût dissuasif ; il ne faudrait pas que les émoluments demandés soient proportionnels à la valeur du bien. L'amendement 76 de la commission tend à l'éviter.

M. le Secrétaire d'Etat - Favorable. Je peux déjà vous indiquer que ce coût devrait avoisiner les 100 €, ce qui reste modeste.

L'amendement 76, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Louis Christ - En commission, Mme la rapporteure nous a précisé que le texte protégeait bien les époux et les héritiers ; je retire donc l'amendement 6.

L'amendement 6 est retiré.

M. Charles de Courson - Nous avons tous reçu dans nos permanences des épouses souvent, des époux parfois, de créateurs d'entreprises. S'étant mariés jeunes, ils ont choisi le régime de la communauté : le jour du dépôt de bilan, tout le monde est entraîné dans la perte des biens. Pire, 80 % des dépôts de bilan entraînent des divorces... Souvent, celui des deux conjoints qui n'a pas créé l'entreprise est frappé d'une saisie sur son salaire pour payer les dettes de l'entreprise. Or, aujourd'hui, en droit français, on peut créer une entreprise sans l'accord de son conjoint. Cette situation ne nous a pas paru normale : quand on est marié sous le régime de la communauté, il faut que le conjoint soit d'accord. Nous étions tous de cet avis en commission, et la seule différence entre notre amendement 158 et le 77 est que le second va plus loin, élargissant la mesure non seulement à la communauté légale mais à la communauté universelle. On peut adopter l'un ou l'autre, l'essentiel est de protéger le conjoint du créateur d'entreprise.

Mme la Rapporteure - En effet, les deux amendements sont proches. Le 158 n'a pas été présenté à la commission, qui a adopté le 77.

M. le Secrétaire d'Etat - L'un et l'autre soumettent l'immatriculation de l'entrepreneur au registre du commerce ou au répertoire des métiers au consentement de son conjoint, ou, à défaut, exigent un changement de régime matrimonial. Ce système est trop rigide, et contraire à la liberté d'entreprendre comme à celle du choix du régime matrimonial. C'est pourquoi, le Gouvernement propose de modifier l'amendement 77 par le sous-amendement 244, qui a pour objet d'assurer l'information du conjoint d'un entrepreneur individuel sur les conséquences de l'activité professionnelle sur les biens communs du couple. Cette information permettra aux époux de réfléchir ensemble au choix d'un régime matrimonial adapté.

M. Charles de Courson - J'observe que ce sous-amendement, comme l'amendement 77, vise les deux formes de communauté, légale et conventionnelle. Par ailleurs, le Gouvernement ne nous dit pas comment l'entrepreneur justifiera que son conjoint a été informé. Se contentera-t-on de sa déclaration orale ? Il me semble qu'il faudrait une preuve écrite et je souhaite que le Gouvernement précise ce point.

M. le Secrétaire d'Etat - Quel que soit mon respect pour la culture orale, dans le cas présent un acte écrit, sous forme de lettre, voire de lettre authentifiée, pourrait permettre d'attester cette information.

M. Charles de Courson - J'en prends acte, et je retire l'amendement 158.

Mme la Rapporteure - La commission est favorable au sous-amendement du Gouvernement.

L'amendement 158 est retiré.

Le sous-amendement 244, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 77 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

L'article 6 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 6

Mme la Rapporteure - Je laisse à M. Fourgous le soin de présenter l'amendement 78, adopté par la commission à son initiative.

M. Jean-Michel Fourgous - La prévention des risques des entreprises est un enjeu essentiel. Il faut anticiper les difficultés d'une entreprise et leurs causes, afin de pouvoir les corriger. Les groupements de prévention agréés, institués par la loi de 1984, ont pour mission d'aider les entrepreneurs à mieux analyser les risques qu'ils encourent, mais ne peuvent y adhérer jusqu'ici que les entreprises sous statut sociétal. Par l'amendement 134, nous proposons d'étendre le champ d'action de ces groupements à la collecte de données économiques et de permettre aux entreprises individuelles d'y adhérer.

Mme la Rapporteure - Avis favorable, en raison notamment du dernier point.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable également, mais sous réserve que soit adopté le sous-amendement 245 qui vise à préciser quelles sont les personnes concernées mais, en revanche, à ne pas définir trop précisément la mission des groupements, pour éviter de la limiter à l'excès.

Le sous-amendement 245, accepté par la commission et mis aux voix, est adopté.

L'amendement 78 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

Mme Marylise Lebranchu - Comme je l'ai expliqué, l'amendement 332 vise à accorder aux débiteurs personnes physiques un « reste à vivre », laissé à l'appréciation du juge commissaire dans la limite d'un plafond fixé par décret. Ce filet de sécurité résulterait d'un ajout aux articles 622-9 et 621-83 du code du commerce.

M. le Rapporteur - La proposition, que la commission spéciale n'a pu examiner, apparaît intéressante mais j'émettrai comme tout à l'heure un avis défavorable, le secrétaire d'Etat ayant annoncé une réflexion plus générale. L'insaisissabilité de la résidence principale constitue déjà un progrès mais la garantie n'est pas suffisante et nous devons donc explorer d'autres voies, comme celle de l'assurance chômage qu'a suggérée Mme Brunel, si nous voulons que nos compatriotes courent le risque de la création d'entreprise. On sait en effet quels désastres un échec entraîne pour l'entrepreneur et sa famille, et cette considération est bien souvent dissuasive.

M. le Secrétaire d'Etat - L'idée est généreuse mais la réflexion que nous allons mener cette année même sur le statut de l'entrepreneur permettra de protéger celui-ci à l'égal des autres travailleurs. Nous élargirons même le champ à la prévention du surendettement, sur la base des propositions remises par la Commission nationale du crédit et en liaison avec la Chancellerie et le ministère de la ville. Des améliorations notables devraient pouvoir être avancées d'ici quelques semaines.

M. Charles de Courson - Le problème est encore plus compliqué qu'on ne l'imagine ! L'article 6 protégeant la résidence principale, le propriétaire d'un superbe château qui, après une faillite carabinée,...

M. Daniel Paul - Un margoulin !

M. Charles de Courson - ...qui, après une faillite carabinée, laisserait 25 millions de dettes et ruinerait ses fournisseurs, disposerait encore de cette demeure. Mme Lebranchu ne considère que le cas de ceux à qui il ne reste plus rien, mais il faut aussi penser aux autres et nous avons tous à l'esprit l'histoire d'un homme dont la résidence vaut cent millions... Ne pourrait-on prévoir un plafond, de 160 000 € par exemple ? Sans cela, l'article 6 risque fort d'être détourné (M. Daniel Paul approuve).

Mme Marylise Lebranchu - Je suis pour une bonne part de votre avis et je suis convaincue qu'il faut ce plafond, car il serait injuste de laisser aux intéressés un patrimoine considérable qu'ils pourraient réaliser par la suite. C'est pourquoi j'ai prévu qu'un décret y pourvoira. D'ailleurs, il y a deux ou trois ans, lorsque nous avons discuté du sujet, cette question avait déjà été agitée par les organisations d'entrepreneurs.

Le décret, à mon sens, devrait permettre de prendre en compte les personnes, confrontées à un règlement judiciaire ou à une liquidation, qui ne seront pas concernées par l'article 6. Le juge saura apprécier leur situation et accorder les subsides nécessaires, c'est-à-dire tout simplement les moyens de survivre, dans des conditions qui interdiront tout abus puisqu'il y aura ce plafond. Mais admettons que l'amendement ne soit pas accepté : j'espère que l'idée continuera de cheminer et même, comme le secrétaire d'Etat semble y songer, que la procédure de prévention du surendettement sera ouverte aux personnes en fin d'activité.

M. Jean-Jacques Descamps - Nous tombons une fois de plus dans le défaut bien français qui consiste à ne se préoccuper, pour légiférer, que des « margoulins » et des personnes en situation d'échec. On en arrive ainsi à monter des usines à gaz où nul ne se retrouve. Si l'on institue un plafond comme le suggère M. de Courson, cela reviendra à obliger l'entrepreneur à vendre parce que ce sera la meilleure façon d'évaluer son bien et de vérifier s'il est au-dessus ou en dessous du plafond ! Eventuellement, on lui rendra 95 % du produit pour acheter une autre maison... Ce système est fou !

L'acte d'entreprendre est inséparable de la prise de risques et notre propos est précisément de favoriser celle-ci. Si l'on cherche à éliminer tout risque, on n'encouragera pas l'initiative économique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Charles de Courson - Notre argent à tous étant en cause, je compte évoquer en commission des finances le cas de Bernard Tapie, mis en liquidation judiciaire en 1992 et qui, depuis ce temps, continue d'occuper un hôtel particulier de 100 millions de F, rue des Saints-Pères. Si l'article 6 avait existé en 1992, lui qui est un malin n'aurait pas manqué d'invoquer ces dispositions et l'on n'aurait même pas pu tenter de l'expulser de cet hôtel, comme on le fait depuis dix ans, d'ailleurs en vain ! Il faut donc un plafond, Monsieur Descamps. Notre propos est en effet de ne protéger que les petits entrepreneurs qui, après un dépôt de bilan, se retrouvent à la rue, ayant perdu une maison de 300 000 à 500 000 F. Quant à celui qui vit dans un hôtel particulier ou un château de dix millions, une vente s'impose, sur laquelle on lui laissera un million - car il faut penser aussi à tous les fournisseurs ruinés par les dépôts de bilan de leurs débiteurs. Nous devons maintenir un équilibre.

M. le Président - Je rappelle qu'il n'est pas de tradition d'invoquer ici la situation personnelle d'anciens collègues ou d'anciens membre du Gouvernement.

M. Charles de Courson - C'est de l'argent des Français qu'il s'agit !

M. Daniel Paul - Je l'ai dit, je ne voterai pas ce projet. J'appelle cependant votre attention sur le fait que votre idée initiale, sur laquelle nous sommes d'accord, était de simplifier la création d'entreprise. Mais à quoi assistons-nous ? A un empilement de mesures ! Et, une fois n'est pas coutume, je partage le sentiment de notre collègue de Courson : ajouter à la réforme de l'ISF des exonérations fiscales puis permettre aux entrepreneurs de mettre à l'abri certains biens importants, voilà qui commence à faire beaucoup. Etant donné le nombre de ménages en très grande difficulté que compte la France, la sagesse commanderait d'arrêter là.

M. le Président - Je vois que M. Vergnier, qui arrive (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), souhaite prendre à son tour la parole, alors que sept orateurs se sont déjà exprimés sur cet amendement, dont Mme Lebranchu longuement, avec mon accord.

M. Michel Vergnier - J'étais là, Monsieur le Président ! Mais je vous demande une suspension de séance afin de nous permettre d'élaborer une proposition permettant de concilier les divers points de vue qui se sont exprimés.

La séance, suspendue à 23 heures 5, est reprise à 23 heures 10.

M. le Président - Chacun s'est exprimé largement, et c'est par méprise que j'avais cru M. Vergnier absent.

M. Eric Besson - Il n'a pas quitté son siège. C'est scandaleux.

M. le Président - Vous, on ne vous a guère vu qu'au début de la séance.

M. Eric Besson - Qu'est-ce que ça veut dire ? Etre président ne donne pas tous les droits ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Accoyer - Quel manque de respect pour la présidence !

M. Eric Besson - Présider n'exclut pas de rester courtois !

M. le Président - Je viens de dire que j'avais commis une méprise. J'invite maintenant l'Assemblée à se prononcer sur l'amendement 332, après que j'aurai donné la parole à M. Paul. Ensuite, le débat se poursuivra et nous garderons tous notre courtoisie habituelle.

M. Daniel Paul - Chacun est d'accord pour protéger le patrimoine des entrepreneurs en difficulté, mais notre collègue de Courson a souligné qu'il convenait de prévoir des limites à cette protection. Je présente donc un sous-amendement à l'article 6 visant à protéger la résidence de l'entrepreneur sous réserve d'un plafond de 150 000 € indexé sur le coût de la construction.

A titre personnel, j'aurai plutôt été favorable à ce qu'un logement HLM lui soit accordé, mais cela ne serait pas possible, puisque vous avez décidé qu'il n'y aurait pas de logements sociaux dans toutes les communes... (Sourires)

M. le Président - Monsieur Paul, vous proposez un sous-amendement alors que l'article 6 est déjà voté. Considérant que la discussion a duré vingt minutes et que tous les groupes se sont exprimés, je ne la rouvre pas.

M. le Secrétaire d'Etat - Nous pouvons voir ici les causes de l'immobilisme français. Deux écoles s'opposent toujours à toute tentative de réforme : celle des effets d'aubaine et celle des effets pervers. Depuis que je suis en fonction, je les entends s'exprimer sans cesse.

Nos entrepreneurs individuels, ils sont un million, ne sont pas tous des délinquants ! Dans leur quasi-totalité ils sont parfaitement honnêtes, et il faut les protéger en cas de défaillance économique. La caricature des plombiers-châtelains ne me paraît pas acceptable. Et encore moins proposer de les loger en HLM !

Notre texte fait preuve d'un bon sens qui a été reconnu par les artisans. Je vais réfléchir, Monsieur de Courson, aux effets pervers qu'il pourrait engendrer, mais n'en existe-t-il pas quelle que soit la solution ? Il ne faut pas se montrer frileux à la moindre tentative de changement. Nous vous présentons un texte d'audace, qui fait confiance aux entrepreneurs, et, au moment où la suspicion est jetée sur eux de toutes parts, il me paraît important de leur réaffirmer cette confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 332, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - La loi du 13 juillet 1967 prévoit que lorsqu'une liquidation de biens est clôturée pour insuffisance d'actifs, chaque créancier recouvre l'exercice individuel de son action contre le débiteur. Celui-ci, souvent artisan ou commerçant, dont tous les biens ont été liquidés par le syndic, doit rembourser jusqu'à la fin de sa vie.

La loi du 25 janvier 1985 est beaucoup plus favorable au débiteur, mais elle ne s'applique pas aux procédures de liquidation de biens ouvertes avant le 1er janvier 1986. Mon amendement 262 propose de mettre fin à cette inégalité de traitement, qui affecte un faible nombre de personnes, généralement âgées.

Mme la Rapporteure - La commission n'a pas examiné cet amendement, et je souhaite entendre l'avis du ministre.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement partage la préoccupation de M. Morel-A-L'Huissier et le félicite de vouloir mettre un terme à cette inégalité, qui affecte des personnes âgées et modestes. Mais cette mesure relève de la procédure de redressement et de liquidation judiciaires, que le Gouvernement va prochainement réformer. Elle n'est pas à sa place dans le présent texte. Je demande donc le retrait de cet amendement.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Soit.

Mme la Rapporteure - L'amendement 79 tend à renforcer la protection des personnes qui se portent caution. Il améliore leur information et élargit les compétences des commissions de surendettement.

L'amendement 79, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Charles de Courson - L'amendement 160 ne sera pas une surprise : voilà dix ans maintenant que je le présente régulièrement...

On ne peut pas améliorer continûment le régime fiscal des sociétés, en baissant le taux de l'impôt sur les sociétés de 50 % à 33 %, sans améliorer la situation de l'entrepreneur individuel. Celui-ci est assujetti à l'impôt sur le revenu. Comment expliquer qu'il s'acquitte de 49 % d'impôt, alors que sous forme sociétaire il ne paierait que 15 % sur les 250 000 premiers francs ?

Les bons esprits du ministère des finances objectent qu'il n'a qu'à se constituer en société. Reste que certains d'entre eux ne le font pas, parce que cela a un coût ou tout simplement parce que cela ne convient pas à leur situation. Il faut rapprocher leur régime d'imposition de celui des entrepreneurs sous forme sociétaire.

La solution que je propose est simple. Dans une activité, sur un bénéfice de 100, on retire environ 60 à 70 pour vivre et on laisse 20 à 30 à l'entreprise. Je propose de payer 15 % à l'entrée, et de ne payer l'impôt sur le revenu que lorsque l'argent ressort. La seule alternative possible serait de permettre à l'entrepreneur individuel d'être assujetti à l'impôt sur les sociétés.

M. le Rapporteur - La commission ne s'est pas prononcée sur cet amendement, mais, comme l'a dit M. de Courson, la question n'est pas nouvelle. Il s'agit des activités individuelles agricoles, qui bénéficient déjà de la déduction pour investissement. M. de Courson propose d'ajouter à cette déduction une réserve d'autofinancement : si les fonds bloqués au titre de la déduction n'étaient pas utilisés, ils pourraient basculer dans cette réserve. Mais les entrepreneurs individuels disposent déjà de deux mécanismes qui leur permettent de réserver pendant plusieurs années des sommes pour des investissements ou des équipements liés aux aléas. Il n'est pas nécessaire de compléter le dispositif.

M. le Secrétaire d'Etat - Monsieur de Courson, votre amendement montre bien votre souci des agriculteurs. Votre objectif est partagé par le Gouvernement, mais ce dispositif, qui concerne la fiscalité agricole, a sa place dans le projet de loi sur les affaires rurales qui vous sera présenté dans les prochains mois.

Le Gouvernement s'est engagé à examiner avec les organisations professionnelles agricoles et les assureurs la question du cumul de la déduction pour investissement et de la déduction pour aléa. La solution sera élaborée à l'occasion de la discussion du projet de loi rural, et je vous demande de ne pas anticiper.

M. Charles de Courson - Je retire cet amendement, mais je précise qu'il ne vise pas que les agriculteurs. Tous les entrepreneurs individuels sont concernés. Nous reprendrons le débat lors de la loi de finances.

Notre amendement 162, lui, tend à supprimer une mesure anti-mariage. Le conjoint collaborateur ne peut en effet déduire son salaire que dans une très faible limite - 1 500 F par mois ! - si l'entreprise individuelle n'adhère pas à un centre de gestion agréé. Le but de cette disposition était d'encourager les gens mariés à adhérer à un centre. Mais elle peut aussi les pousser à divorcer, puisque le salaire du concubin, lui, est déductible !

M. le Rapporteur - La commission a examiné plusieurs amendements de cet ordre et les a rejetés. Il n'est en effet nul besoin de divorcer pour pouvoir déclarer le salaire dans son intégralité : le régime de la séparation de biens le permet !

Les professions individuelles peuvent être assujetties à la taxation des bénéfices industriels et commerciaux, non commerciaux ou agricoles. Par parallélisme avec les salariés, on veut les inciter à adhérer à des centres de gestion agréés.

Dès lors que l'entrepreneur adhère à un centre de gestion agréé, la rémunération du conjoint est déductible avec un plafond de 36 fois le SMIC mensuel, ce qui est confortable. Nous avons intérêt à maintenir cette incitation à adhérer aux centres (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). De toute façon le système actuel permet de rémunérer de façon raisonnable le conjoint. Avec ce qui est proposé, on pourrait craindre qu'il ne lui soit versé une rémunération considérable asséchant le bénéfice de l'entreprise pour échapper aux cotisations sociales assises sur ce bénéfice.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement souhaite le retrait de l'amendement pour les mêmes raisons.

M. Charles de Courson - Je persiste et signe, les arguments de M. Carrez ne sont pas adéquats. Il met en avant l'incitation à adhérer aux centres de gestion. Cela n'a rien à voir avec le fait de défavoriser les couples qui sont sous le régime de la communauté et n'adhèrent pas à ces centres. Par ailleurs, dans l'hypothèse où le salaire du conjoint serait très confortable, il serait soumis à de lourdes charges sociales et à l'impôt sur le revenu. Je retire l'amendement, mais je regrette qu'on prenne les conjoints en otages pour faire adhérer aux centres de gestion.

Mme Chantal Brunel - Adhérer à ces centres ne présente que des avantages. Le vrai problème est de savoir pourquoi certains ne le veulent pas.

M. Charles de Courson - Pour mettre à égalité l'entrepreneur individuel et la société, il faut soit instaurer la réserve sociale d'autofinancement, soit lui permettre de choisir d'être imposé à l'IS, solution que propose l'amendement 161. Mais étant donné le conservatisme de l'administration, les idées innovantes ont peu de chance de passer. On nous dira encore qu'on va étudier l'idée et on l'enterrera.

M. Jean-Michel Fourgous - Mon amendement 204 a le même objet. L'équité serait de permettre à l'entrepreneur d'opter pour l'IS à 33,3 % alors que le taux de l'IR peut atteindre 49 %. Une recommandation de l'Union européenne va dans ce sens.

M. le Rapporteur - Rejet. Il ne s'agit pas d'innovation, mais d'optimisation fiscale. On ne peut pas laisser un entrepreneur individuel choisir l'IS une année parce qu'il trouve son taux d'imposition marginale à l'IR trop élevé, puis changer de nouveau l'année suivante, au gré de son intérêt. L'IS concerne les sociétés, l'entrepreneur individuel est imposé sur le revenu.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement partage cet avis. L'équité fiscale interdit de donner aux entrepreneurs le choix de leur mode d'imposition. L'intérêt de l'IS est d'ailleurs assez limité, car la plupart des entrepreneurs individuels ont un taux marginal d'IR inférieur à 33 %. D'autre part on a étendu le régime de la micro-entreprise, et grâce à ce projet, il est facile aux entrepreneurs individuels de se mettre en société s'ils veulent bénéficier de l'IS. Je demande le retrait de ces amendements.

M. Jean-Jacques Descamps - Je rejoins le ministre et le rapporteur. La vraie réforme, ce serait de réduire le nombre de tranches de l'IR et de le rendre moins confiscatoire pour ceux qui réussissent (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP ; murmures sur les bancs du groupe socialiste).

M. Xavier de Roux - Je ne comprends pas le rapporteur. Je ne vois vraiment rien de choquant à laisser l'entrepreneur choisir l'imposition qui lui est la plus favorable, dans la mesure où il présente ses comptes comme il se doit. Je soutiens ces amendements.

M. Charles de Courson - M. Carrez est choqué à l'idée qu'un entrepreneur individuel puisse choisir l'IS, mais semble oublier que certaines entreprises peuvent choisir l'IR. Je n'accepte pas cette différence de traitement. Elle reflète la volonté de faire passer toutes les entreprises à la forme sociétale, ce qui est une erreur. II faut leur laisser le choix. Bien sûr, baisser le taux marginal de l'IR à 33,5 % serait la meilleure solution. Mais ce n'est pas demain la veille. Je retire l'amendement, mais vraiment, je voudrais qu'on sorte des sentiers battus pour régler des problèmes de fond.

M. Jean-Michel Fourgous - De plus, les taux de l'IS sont instables, l'entrepreneur se trouve dans une insécurité fiscale. Qu'on le laisse choisir. Après tout, il paye les retraites, les écoles, les députés, il faut tout faire pour lui. Aidons-le, aimons-le. Je respecte aussi le Gouvernement bien sûr, mais le monde de l'entreprise attend un geste symbolique. Soyons modernes ; je maintiens l'amendement 204.

M. le Président de la commission - Dans ce cas, je maintiens l'avis défavorable de la commission.

M. Jean-Michel Fourgous - Bon. Par respect pour la majorité UMP, qui a ses contraintes, et du fait de l'effort que vous avez consenti avec ce texte, Monsieur le ministre, je retire mon amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Je suis sensible à vos préoccupations, mais ce texte n'est pas un texte fiscal (« Ah ? » sur les bancs du groupe socialiste) et concerne uniquement la création, le développement et la transmission d'entreprise. Votre débat trouverait meilleure place dans le cadre de l'examen de la loi de finances.

Les amendements 161 et 204 sont retirés.

M. Nicolas Forissier - En l'absence de M. Auclair, je vais soutenir ses amendements 129 et 130. Le premier vise à faire bénéficier les commerçants, qui exercent une activité d'approvisionnement ou d'achat, des mêmes avantages que les coopératives, à savoir une exonération de l'impôt sur les sociétés et une franchise de taxe professionnelle de 50 %.

M. François Sauvadet et M. Charles de Courson - Cela n'a pas de sens !

M. Nicolas Forissier - Le second, amendement de repli, supprime les exonérations fiscales dont bénéficient les coopératives agricoles et les groupements de producteurs.

Mme la Rapporteure - Ces amendements, que la commission n'a pas examinés, me paraissent hors sujet.

M. le Secrétaire d'Etat - J'en suggère le retrait.

M. Jean-Pierre Soisson - Cessons d'aborder des problèmes qui, pour être essentiels, n'ont pas de rapport avec le texte. Ecoutez le vieux sage que je suis et tenons-nous en au texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Nicolas Forissier - Je pense que M. Auclair aurait lui-même accepté de retirer ses amendements 129, 130 et aussi 131.

M. le Président de la commission - M. Auclair pose un vrai problème, mais celui-ci devrait trouver sa solution dans le projet de loi préparé par M. Hervé Gaymard.

M. Xavier de Roux - Toucher au statut des coopératives au coin d'un texte, à la va-vite, ce ne serait pas sérieux !

Les amendements 129, 130 et 131 sont retirés.

Mme la Rapporteure - L'amendement 276 a pour objet la simplification pour les entreprises, notamment les plus petites, des déclarations et du paiement des cotisations et contributions sociales dues au titre des salariés qu'elles emploient. A cet effet, il est créé au sein des organismes de recouvrement un guichet unique chargé de la gestion du chèque-emploi entreprise, héritier du chèque-emploi service, et dont le bénéfice est étendu, par l'amendement 81 rectifié, aux entreprises qui emploient des salariés en CDD moins de cent jours sur l'année ou moins de trois salariés en CDI.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est favorable à toute mesure susceptible de simplifier les formalités des entreprises, aussi un projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre des ordonnances en matière de simplification administrative sera-t-il déposé en avril.

Cependant, recourir à un amendement sur un sujet aussi important présente l'inconvénient d'empêcher toute consultation préalable des partenaires sociaux, aussi le Gouvernement vous demande-t-il de le retirer.

M. Daniel Paul - Je vous ai déjà fait part, lors de la discussion générale, hier, de la colère des salariés de l'URSSAF mis devant le fait accompli, alors qu'ils avaient eux-mêmes travaillé à la simplification. Le développement de plates-formes multimédias, la multiplication des points de contact personnalisé, la mensualisation des travailleurs indépendants, l'augmentation des plages d'ouverture au public sont autant d'effort accomplis par les réseaux de recouvrement. Vous feignez de les ignorer, aussi nous opposerons-nous à votre amendement.

M. Eric Besson - Monsieur le ministre, pourquoi vouloir procéder aux simplifications administratives par voie d'ordonnance ? Votre majorité n'est-elle pas assez forte ? D'autant que ces simplifications ne sont jamais mineures et ont souvent des conséquences importantes.

M. Jean-Pierre Soisson - Toute simplification administrative ne peut se faire que par voie d'ordonnance (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Monsieur le ministre, ne nous privons pas de cet amendement qui nous permettra de prendre quelque avance et de montrer le sens de la marche (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Xavier de Roux - Il est temps de prendre ces mesures d'ordre purement administratif. Il faut instituer le chef de file. Comment peut-on détourner le débat sur d'éventuelles suppressions d'emploi au sein des caisses de recouvrement ? Pourquoi pas 500 caisses ? La question, c'est de simplifier la vie des entreprises. Je rejoins M. Soisson.

M. François Sauvadet - Je me demande si notre collègue Daniel Paul a idée du quotidien d'une petite entreprise familiale, enchevêtrée dans des calculs d'une complexité inouïe, avec sur la tête une épée de Damoclès juridique.

Vous nous avez invités à l'audace, Monsieur le ministre. A l'UDF, nous sommes une force de proposition. Sur cette loi d'audace, nous vous suivons. Et nous émettrons un vote utile, pour rendre la vie du petit entrepreneur plus facile, et qu'il puisse se consacrer à l'essentiel : son activité. Le groupe UDF votera le guichet unique.

Mme la Rapporteure - Vous nous avez incités à simplifier, Monsieur le ministre. Le guichet unique est un acte fort de simplification. Les parlementaires veulent exprimer ainsi leur volonté dans ce domaine, par un acte fondateur. Il y a certes des concertations à mener, comme l'ont dit certains collègues : mettons à profit pour cela le temps de la discussion au Sénat. Je maintiens donc l'amendement, et je demande à mes collègues de suivre l'avis de la commission.

Par ailleurs, je demande une rectification pour corriger une erreur matérielle. Au premier alinéa du II de l'article L. 133-5, après « sont habilités à organiser », il faut rétablir les mots « un service d'aide aux entreprises ».

Mme Chantal Brunel - Les parlementaires UMP voteront les mesures proposées par Mme la rapporteure.

M. le Secrétaire d'Etat - Je veux tout d'abord répondre à M. Besson, qui a soulevé la question de principe du recours aux ordonnances pour la simplification. On a vu s'accroître ces dernières années la masse de papier et de réglementation qui pèse sur les entreprises (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et qui constitue, en sus des charges sociales et fiscales, une charge administrative qui pèse le plus lourdement sur les entreprises les plus petites. C'est pourquoi le Premier ministre, dès son discours de politique générale du 3 juillet, a annoncé que le Gouvernement s'attellerait à une action de simplification de la vie des entreprises, parce que cette action contribuera à l'efficacité de notre économie, mais aussi parce que c'est une mesure de justice envers les plus petites entreprises. Une procédure a été choisie, qui permettra d'aller vite, et de traiter un très grand nombre de sujets dont l'importance politique n'est pas telle qu'elle justifie de longs débats parlementaires. La voie des ordonnances est la plus rapide. L'intention du Gouvernement n'est pas d'ôter à la représentation nationale son droit de débattre sur les questions essentielles ! Mais des concertations ont eu lieu ; encore il y a quelques jours, les experts-comptables ont proposé de nombreuses simplifications. Ce sont des mesures de détail, souvent très techniques, et cela justifie le recours aux ordonnances. Nous nous attaquerons d'ailleurs, non aux seules difficultés des agents économiques, mais aux autres problèmes que nos concitoyens rencontrent avec l'administration, et la loi d'habilitation qui sera déposée au Parlement en tiendra compte. Je veux rassurer M. Besson : nous voulons simplement aller vite, parce que la tâche est urgente.

Pour revenir à l'amendement, le Gouvernement a une méthode. Dans cette méthode, il y a un temps pour la concertation avec tous les partenaires. Je réitère donc la demande de retrait de l'amendement.

Mme la Rapporteure - Il est maintenu.

L'amendement 276 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - J'ai déjà évoqué le chèque emploi entreprise, qui fait l'objet de l'amendement 81 rectifié. Cet outil pourra avoir un impact important sur l'emploi.

M. François Sauvadet - L'amendement 159 de M. Préel a le même objet. Je le retire au profit de celui de la commission.

M. le Secrétaire d'Etat - Pour les mêmes raisons que précédemment, je souhaite le retrait de cet amendement.

Mme la Rapporteure - Il est maintenu.

Mme Chantal Brunel - Le groupe UMP votera cet amendement auquel il est extrêmement favorable.

M. François Sauvadet - Le groupe UDF votera avec volonté cette mesure de simplification.

L'amendement 81 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Vergnier - Notre amendement 289 - que je défends avec beaucoup de conviction, mais beaucoup de crainte - a pour objet d'étendre aux salariés licenciés pour motif économique, la même protection relative à la résidence principale que nous assurons aux chefs d'entreprise. Il faut ouvrir une réflexion sur leur protection, car ils sont aussi des agents économiques importants.

Mme la Rapporteure - La commission ne l'a pas examiné. J'observe qu'en cas de défaillance de l'entreprise, l'entrepreneur individuel perd non seulement sa source de revenu, comme le salarié licencié, mais en outre, met en péril son patrimoine privé, ce qui n'est pas nécessairement le cas du salarié. Il semble donc difficile d'accepter cet amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Cet amendement manifeste une confusion entre des situations différentes. Il s'agit dans le présent texte de renforcer le statut de l'entrepreneur individuel, non de traiter des dettes personnelles des uns ou des autres, salariés ou entrepreneurs. Je souhaite donc le retrait.

M. Eric Besson - J'ai du mal, Monsieur le ministre, à comprendre votre argument. Une entreprise, c'est un chef d'entreprise et des salariés, c'est le capital et le travail. Nous l'avons dit, nous sommes tout à fait d'accord pour protéger en cas de faillite le chef d'entreprise et sa famille. Mais nous parlons ici de licenciements pour motif économique, liés par conséquent à la défaillance de l'entreprise. Les conséquences personnelles sont à peu près les mêmes, et le salarié licencié peut lui aussi connaître des situations dramatiques. Pourquoi ce que vous autorisez à l'entrepreneur - et nous en sommes d'accord - le refusez-vous au salarié licencié pour motif économique ? Je ne comprends pas cette différence de traitement.

M. le Secrétaire d'Etat - Il faut éviter de se méprendre sur le champ de ce texte. Nous sommes sensibles à ce que vous dites, et nous savons combien les salariés frappés par un licenciement économique peuvent connaître des situations difficiles. Nous sommes en train de travailler sur une plus grande sécurisation des salariés face à ces chocs économiques. Mais le présent texte a un objet, et il est cohérent de la part de l'Assemblée de s'y tenir. C'est pour cette raison, de forme je l'admets, que je souhaite le retrait de l'amendement.

M. Michel Vergnier - Nous maintenons l'amendement.

L'amendement 289, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Chantal Brunel - L'amendement 132 étant identique au 201, ce que dira M. Fourgous de celui-ci vaudra pour celui-là.

M. Jean-Michel Fourgous - L'amendement 201, auquel on a bien voulu en commission reconnaître des vertus d'humanisme, d'intelligence et d'équité, tend à instituer un revenu insaisissable qui ne devrait pas, dans notre esprit, être inférieur au RMI. Il s'agit donc à nouveau du « reste à vivre » demandé par Mme Lebranchu. Les créateurs d'entreprise doivent bénéficier de la même protection que les salariés et l'amendement, tout en favorisant l'esprit d'entreprise, contribuerait donc à réduire le fossé entre catégories socioprofessionnelles. N'oublions pas que les entrepreneurs courent tous les risques et que parfois le sentiment de la déchéance les pousse au suicide.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Le compte bancaire d'un entrepreneur individuel ne retrace pas directement son revenu disponible, qui n'est identifiable qu'au terme du cycle comptable annuel. Entre-temps, ces disponibilités sont mobilisées pour les besoins de l'entreprise, ce qui implique des mouvements continus, en débit comme en crédit. Vouloir les figer en les rendant insaisissables dans la proportion de 35 % reviendra à entraver l'activité de l'entreprise.

Pour un travailleur indépendant, le revenu disponible peut être connu, au mieux, à l'échéance de la période de référence comptable et la banque n'a aucun moyen n'apprécier une position nette. En fixant un solde arbitraire de 35 %, on introduit un élément de rigidité dans la vie de l'entreprise et on peut même aller jusqu'à précipiter une cessation de paiement. Je souhaite donc le retrait de ces amendements.

M. Jean-Michel Fourgous - L'essentiel est que cette question soit reposée lors de l'examen de textes à venir. Nous ne pouvons plus, nous qui sommes de l'état-major, laisser ces soldats de la guerre économique succomber, il nous faut réagir ! Merci d'y penser, Monsieur le secrétaire d'Etat.

Les amendements 132 et 201 sont retirés.

M. le Président de la commission - Pour gagner du temps, l'amendement 82 reprend les termes d'une proposition de loi signée par 160 députés UMP, auxquels se sont ensuite associés les députés UDF. Nous y demandons au Gouvernement de déposer chaque année un projet de loi de simplification administrative. Nous savons qu'il s'apprête à déposer un projet de loi d'habilitation afin de procéder à ces simplifications par ordonnance, mais on ne peut gouverner toujours par ordonnance et cet amendement permettrait de poursuivre le travail, en coopération avec le Parlement. Nous faisons la loi, mais il faut aussi savoir la défaire parfois, pour lutter contre l'empilement de textes bureaucratiques. Depuis l'excellent rapport de M. Sauvadet, rien n'a changé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Secrétaire d'Etat - Nous partageons ce souci de simplifier la vie des entreprises et il est de fait que nous ne devons pas mesurer nos efforts en ce domaine, mais l'amendement pose un problème de constitutionnalité. En effet, le Conseil constitutionnel, notamment dans sa décision du 22 janvier 1990, a considéré qu'une telle injonction au gouvernement n'avait aucune base juridique, pas même dans l'article 4 de la Constitution, et qu'il était contraire au principe de séparation des pouvoirs.

M. le Président de la commission - J'admets l'argument mais, sans qu'il soit besoin d'injonction, ne pourriez-vous vous engager à répondre au v_u de 160 députés et à donner chaque année, en collaboration avec le Parlement, des marques tangibles de votre volonté de simplification ? Le gouvernement ne pourrait-il faire droit à une demande de longue date de cette majorité ?

M. le Secrétaire d'Etat - Cette demande est parfaitement fondée et le Gouvernement souhaite que nous puissions chaque année accomplir ce travail de simplification, dès lors qu'il contribue à libérer les énergies, selon l'expression du Premier ministre. Plusieurs dispositions de la dernière loi de finances allaient d'ailleurs dans ce sens et nous continuerons, en liaison avec vous, Monsieur Novelli, et avec l'ensemble de la majorité.

M. Jean-Jacques Descamps - J'ai cosigné la proposition de loi mais je ne puis, moi aussi, que me rendre à l'argument d'inconstitutionnalité. En tout état de cause, ce qui importe, c'est moins le dépôt régulier de projets que le contenu de ceux-ci et je me satisferais volontiers d'une déclaration du Gouvernement annonçant une action effective tout au long de cette législature.

M. le Président de la commission - Je ne maintiendrai pas l'amendement, bien sûr, mais je souhaite moi aussi que, chaque année au cours des cinq ans à venir, nous soient proposées de ces simplifications dont nous avons depuis longtemps besoin et auxquelles la majorité tient beaucoup.

L'amendement 82 est retiré.

ART. 7

M. Alain Suguenot - Nous approuvons l'objectif visé dans cet article mais même le débat en commission spéciale n'a pu lever certaines ambiguïtés. Ainsi l'obligation de loyauté n'offre pas les mêmes garanties qu'une clause d'exclusivité ni, a fortiori, qu'une clause de secret comme il en existe dans certaines entreprises. Par l'amendement 165, nous souhaitons donc autoriser une clause d'exclusivité, dans des cas dûment motivés, pour éviter une concurrence déloyale.

Mme la Rapporteure - Après de longs débats, la commission a repoussé cet amendement. Souhaitant que leurs salariés consacrent à leur activité professionnelle la totalité de leur force de travail et désireux de se prémunir contre des risques d'infidélité ou de concurrence, certains employeurs assortissent le contrat de travail d'une clause d'exclusivité. Il ne s'agit toutefois là que d'une dérogation au principe fondamental de la liberté du travail et, en l'absence d'une telle clause, le salarié est libre de créer son entreprise en dehors de ses heures de travail. Pour autant, peut-il le faire au détriment de son employeur ? Evidemment non et il est important de distinguer clause d'exclusivité et clause de non-concurrence, trop souvent confondues. Or, elles ne portent pas sur la même période, et elles sont distinctes dans leurs effets. Non seulement l'article ne modifie en rien la clause de non-concurrence, mais la commission a adopté un amendement qui tend à soumettre solennellement les salariés créateurs d'entreprise à cette obligation de loyauté.

M. le Secrétaire d'Etat - Je le rappelle, le texte vise à inciter à la création d'entreprise en facilitant la transition entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur. La crainte d'abus ou d'effets pervers qui s'est exprimée ne doit pas faire perdre de vue l'intérêt de la mesure proposée, qui respecte à la lettre le principe de la non-concurrence mais qu'élargit la notion d'exclusivité. Je serais d'autant plus favorable au retrait de l'amendement que l'amendement de votre commission répond aux préoccupations exprimées.

M. Michel Vergnier - Je pense également que l'amendement doit être retiré.

Mme Chantal Brunel - Je suis personnellement favorable à l'amendement car je considère que l'incitation à la création d'entreprise ne peut avoir pour corollaire la mort des entreprises existantes. En bref, un salarié ne doit pas pouvoir créer une entreprise au détriment de son ancien employeur.

M. Alain Suguenot - Nous ne confondons nullement exclusivité et non-concurrence. Ce que nous voulons, c'est que dans des cas précis et dûment motivés, la clause d'exclusivité demeure. Tel que l'article est rédigé, il ne sera pas possible, par exemple, de sanctionner l'utilisation à des fins personnelles, par un salarié créateur d'entreprise, des fichiers de la société qui l'emploie. Pourtant, c'est bien d'un détournement de patrimoine et de savoir-faire qu'il s'agit. Je maintiens l'amendement.

Mme la Rapporteure - Outre les objections de fond déjà exprimées, j'ajoute que la commission a également rejeté l'amendement parce qu'il ne dit rien des conditions de réponse et qu'il n'ouvre pas de droit de recours au salarié.

L'amendement 165, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Sauvadet - L'amendement 163 tend à concilier les intérêts de l'employeur et ceux du salariés qui souhaite créer une entreprise, pour éviter tout conflit ultérieur.

Mme la Rapporteure - La commission a rejeté l'amendement mais, parce qu'elle partage le souci d'équilibre qu'il manifeste, elle présentera l'amendement 84 qui a le même objectif auquel je vous propose de vous rallier.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable.

M. François Sauvadet - Je retire l'amendement au bénéfice de celui de la commission.

Mme Chantal Brunel - L'amendement 22 rectifié tend à interdire toute concurrence déloyale de la part du salarié qui a créé son entreprise envers son ancien employeur. Prenons l'exemple d'un sérigraphiste : il n'est pas question de lui interdire la sérigraphie, mais d'empêcher qu'il n'exerce ses talents au bénéfice de l'entreprise qui l'employait jusqu'à ce qu'il crée la sienne, et ce pendant deux ans. Cette mesure est indispensable, car les entreprises de service sont fragiles, et l'essentiel de leur chiffre d'affaires provient bien souvent de trois ou quatre clients seulement, si bien que la perte d'un de ces gros clients peut avoir pour effet le dépôt de bilan. Voilà pourquoi j'attache une importance particulière à cet amendement.

Mme la Rapporteure - La commission, bien qu'elle souhaite, comme vous, la pérennisation des entreprises existantes, a rejeté l'amendement à la fois parce qu'il a paru difficile de cerner le champ des entreprises concernées - ainsi, les professions libérales sont-elles visées ? - et parce que la notion de travail « indirect » lui a semblé par trop floue. Mais l'amendement 83 de la commission, qui concilie la nécessaire protection de l'entreprise existante et l'intérêt des salariés, devrait vous satisfaire.

M. le Secrétaire d'Etat - Je suis très sensible au souci exprimé par Mme Brunel de ne pas voir les entreprises existantes exposées à la concurrence déloyale de leurs anciens salariés. Toutefois, l'amendement de la commission, qui rappelle l'obligation de loyauté, devrait répondre au souci de Mme Brunel.

Mme Chantal Brunel - Je dois souligner que cet amendement a été rectifié. La nouvelle rédaction ne laisse planer aucun doute quant aux professions libérales : ni un médecin, ni un boulanger, ni un maçon ne peuvent être concernés. Il ne s'agit que des entreprises qui vendent à d'autres entreprises : la liste de celles-ci est parfaitement connue et officielle, et il suffit de l'insérer dans les clauses.

L'amendement de la commission ne peut faire de mal, mais en cas de contestation, on sait que la procédure devant les tribunaux prendra deux ans. Bien plus qu'il n'en faut pour que l'entreprise disparaisse ! Au début d'un contrat, tout va bien, mais quand les choses dégénèrent, il vaut mieux avoir des papiers.

Mme la Rapporteure - Mais l'insertion de la liste des entreprises concernées n'évitera pas une procédure !

M. Jean-Jacques Descamps - Mme Brunel a parfaitement raison. Un salarié peut très rapidement se mettre à travailler chez les clients de son entreprise. Cet amendement n'est pas incompatible avec celui de la commission, mais, seul, ce dernier est trop vague.

Mme la Rapporteure - Le texte dont nous débattons met en exergue la liberté d'entreprendre. La protection des entreprises existantes est une préoccupation, mais nous souhaitons surtout aider des entreprises à s'installer.

M. François Brottes - Il ne faut pas oublier que la loyauté à un prix ! Certains salariés de grand talent amènent des clients à leur entreprise, qui refuse en contrepartie de les payer à leur juste prix. S'ils créent leur propre entreprise et emmènent avec eux les clients qui ne veulent pas les quitter, on ne peut pas leur en vouloir ! Ces situations sont certes troublantes, mais dans les deux sens.

M. Nicolas Forissier - Lorsqu'un commercial ou un technicien amène des clients à son entreprise, il est généralement récompensé par un commissionnement.

Si, pour créer une entreprise, on en tue une autre, il me semble qu'on aura fait chou blanc ! La mesure proposée par Mme Brunel est raisonnable et pragmatique. Elle est inspirée par l'expérience.

Mme Marylise Lebranchu - Je comprends son objectif, mais, le plus souvent, les prédateurs des clients ne sont pas les salariés de l'entreprise, mais d'autres entreprises. Par ailleurs, votre amendement risque de poser un problème juridique beaucoup plus vaste. Vous ne pouvez pas empêcher une entreprise de s'adresser à une autre, sauf à changer toute la législation sur les refus de vente. Vous ouvrez là une porte, dans le domaine de la liberté d'acheter et de vendre, qui donne sur l'inconnu.

M. Dominique Tian - Qui connaît les entreprises sait à quels extrêmes la concurrence peut se porter. La protection du salarié qui veut créer son entreprise est ici telle que certaines entreprises vont être amenées à effectuer des man_uvres déloyales pour en profiter. L'amendement de Mme Brunel permettrait de rééquilibrer la situation.

M. le Secrétaire d'Etat - Les difficultés que vous évoquez existent déjà. Rien dans le présent texte ne les augmente. Introduire, au moment où nous ouvrons de nouvelles libertés pour la création d'entreprise, une nouvelle interdiction serait un paradoxe. Les libertés, ce n'est jamais bon pour les autres ! Mais, si nous voulons favoriser la création d'entreprise, il ne faut pas commencer par examiner le problème sous l'angle de la suspicion.

Le droit de la concurrence déloyale existe déjà. De ce point de vue, votre amendement est superflu. Le problème qu'il faudrait résoudre, c'est que les contentieux durent longtemps. Mais à cela, votre amendement ne change rien !

Loin de moi le désir d'exposer les entreprises à une concurrence déloyale, mais cet amendement n'a pas sa place dans ce texte. En revanche, nous pouvons poursuivre une réflexion très pointue sur les risques que vous évoquez.

Mme Chantal Brunel - Contrairement à ce que vous avez dit, votre texte comprend une mesure nouvelle d'importance : l'obligation pour les entreprises de plus de 200 salariés de permettre à leurs salariés de créer leur propre entreprise. Mais c'est l'employeur qui paye le salarié, qui l'aide et qui prend les risques !

Je pense que le Sénat reprendra cet amendement. Il est très souhaitable de favoriser la création d'entreprise, mais pas au détriment de celles qui existent déjà ! Or un petit entrepreneur aura moins de charges que l'entreprise de 200 salariés, et il vendra ses produits moins cher.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement 22 rectifié, mis aux voix par assis et debout, n'est pas adopté.

La séance, suspendue le jeudi 6 février à 1 heure, est reprise à 1 heure 10.

Mme la Rapporteure - L'amendement 83 de la commission étend l'impossibilité de faire valoir la clause d'exclusivité pendant la prolongation d'un congé pour création d'entreprise.

L'amendement 83, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 84 de la commission réaffirme l'obligation de loyauté du salarié envers son employeur.

L'amendement 84, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Chantal Brunel - Mon amendement 109 et l'amendement 206 identique de M. Fourgous prévoient que la validité des clauses de non-concurrence stipulées antérieurement à la promulgation de la présente loi n'est pas affectée par le défaut de prévision d'une contrepartie financière au profit du salarié. Depuis trois décisions du 10 juillet 2002, la jurisprudence de la Cour de cassation avait changé à ce sujet.

Mme la Rapporteure - Il est vrai que ce revirement obligeait à renégocier 90 % des clauses de non-concurrence. Mais l'adoption de l'amendement remettrait en cause une décision de justice. Aussi la commission l'a-t-elle repoussé.

M. le Secrétaire d'Etat - Les clauses de non-concurrence doivent comporter cinq conditions, dont une condition financière. Légiférer sur cette dernière seulement rendrait peu lisible la définition globale de ces clauses. D'autre part, elles relèvent du contrat de travail et n'ont jamais fait l'objet de dispositions législatives. L'amendement créerait une catégorie de salariés bénéficiant de clauses de non-concurrence différentes et une discrimination entre les contentieux jugés en fonction de cette jurisprudence et les suivants. J'en demande donc le retrait.

M. Jean-Michel Fourgous - Cette décision de la Cour de cassation a été une véritable incitation à la concurrence. Ne rien faire, c'est maintenir une incertitude pour les entreprises. C'est pour y mettre fin que j'ai proposé cet amendement.

Mme Chantal Brunel - Je retire mon amendement, puisque celui de M. Fourgous est identique.

M. Jean-Michel Fourgous - Je retire le mien. Mais je souhaite que le ministre s'engage à résoudre au plus vite ce vrai problème. Il touche même les entreprises qui fonctionnent bien.

L'article 7 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 7

M. Michel Vergnier - Par l'amendement 290, nous proposons d'inscrire dans la loi les principes de non-atteinte à la liberté du travail du salarié et de protection des intérêts légitimes de l'entreprise que doivent respecter toute clause de non-concurrence introduite dans un contrat de travail.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. La jurisprudence a déjà défini les cinq conditions de validité de la clause de non-concurrence, et il est proposé de ne légiférer que sur l'une d'elles. Par ailleurs, l'existence et le contenu de ces clauses relève du contrat de travail.

L'amendement 290, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Michel Fourgous - Les amendements 155 et 211 rectifié étendent aux départements d'Alsace-Moselle, où le travail est toujours interdit les dimanches et jours fériés, les dispositions de l'article L. 221-5-1 du code du travail, afin de donner aux entreprises d'Alsace-Moselle la même souplesse qu'aux autres entreprises françaises.

Mme la Rapporteure - Je suis, à tire personnel, défavorable à cet amendement qui n'a pas été examiné en commission.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable, la question du repos dominical relevant d'un autre cadre.

M. Jean-Louis Christ - Il s'agit là d'une spécificité culturelle qui participe à la qualité de vie de mon département, où les entreprises s'établissent en connaissance de cause.

M. Jean-Michel Fourgous - Au vu du témoignage de M. Christ, je retire les amendements sur ce sujet.

Les amendements 155 et 211 rectifié sont retirés, de même que les 156 et 210 rectifié.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce matin, jeudi 6 février, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 20.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 6 FÉVRIER 2003

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat (n° 472), portant réforme des règles budgétaires et comptables applicables aux départements.

M. Alain GEST, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Rapport n° 573).

2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 507 rectifié) pour l'initiative économique.

Mme Catherine VAUTRIN et M. Gilles CARREZ, rapporteurs au nom de la commission spéciale. (Rapport n° 572, tomes I à III)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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