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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 83ème jour de séance, 201ème séance

SÉANCE DU MERCREDI 7 MAI 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

RELATIONS FRANCO-
POLONAISES 2

INFLUENCE FRANÇAISE
DANS LE CONFLIT IRAKIEN 2

BAISSE DE LA TVA DANS
LA RESTAURATION 3

POLITIQUE INTERNATIONALE 4

COMMISSION DES DROITS
DE L'HOMME DE L'ONU 5

TEKNIVAL 5

RÉFORME DES RETRAITES 6

RÉUNION DE BRUXELLES
SUR LA DÉFENSE 7

REVENU MINIMUM 8

POLITIQUE DU
GOUVERNEMENT 8

DÉPISTAGE DU CANCER
DU SEIN 9

LUTTE CONTRE LA
DÉLINQUANCE 10

REPRÉSENTATION
DES PERSONNELS MIS
A LA DISPOSITION DE L'ENTREPRISE DCN 10

APRÈS L'ARTICLE UNIQUE 18

TITRE 20

DÉVOLUTION DU
NOM DE FAMILLE 21

AVANT L'ART. PREMIER 28

ARTICLE PREMIER 28

APRÈS L'ART. PREMIER 28

ART. 2 29

ART. 3 29

ART. 4 29

ART. 5 29

ART. 6 29

APRÈS L'ART. 6 30

ART. 7 30

ART. 8 30

APRÈS L'ART. 8 30

ART. 9 30

CHÈQUE-EMPLOI ASSOCIATIF
- deuxième lecture - 31

ORDRE DU JOUR DU
MARDI 13 MAI 2003 39

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. le Président - Je vous rappelle que le premier mercredi de chaque mois, les quatre premières questions portent sur le thème européen.

RELATIONS FRANCO-POLONAISES

M. Jean Dionis du Séjour - Je voudrais vous faire part de l'inquiétude de l'UDF quant à la baisse de l'influence de la France auprès des pays de l'Est qui vont rejoindre l'Union européenne, et en particulier de la Pologne. Des divergences sont apparues au sommet de Nice sur la représentation des nouveaux adhérents, puis des tensions à Copenhague quant au budget qui leur sera consacré. Le gouvernement polonais a choisi d'équiper son armée d'avions F-16 et a soutenu, comme les autres pays de l'Est, la politique américaine en Irak. Tout récemment, les Etats-Unis ont annoncé qu'une des trois régions militaires instaurées pour la transition en Irak serait administrée par la Pologne. Ces faits sont le résultat d'une politique déterminée de la diplomatie américaine pour opposer vieille et nouvelle Europe.

La France ne peut rester les bras croisés. Ses relations avec la Pologne sont riches de plusieurs siècles : il n'est qu'à songer à Frédéric Chopin ou à Marie Curie-Sklodowska. Elle garde en mémoire le combat du peuple polonais contre le nazisme et le stalinisme. Surtout, rien ne se fera dans la nouvelle Europe sans les pays de l'Est. La France a besoin d'eux pour imposer ses vues dans les domaines agricole, militaire et diplomatique. Dans ce contexte, elle a le droit de les interpeller sur leurs choix politiques, et le Président de la République ne s'en est d'ailleurs pas privé. Mais la France a surtout le devoir de réagir diplomatiquement. Quelle sont les initiatives que vous comptez prendre, Monsieur le ministre des affaires étrangères, pour que la France, la Pologne et les autres pays de l'Est aient à nouveau la volonté d'un destin partagé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - La France n'oublie rien. Les faits sont têtus, mais la France a une vision volontaire de l'Europe : une Europe unie après les tragédies du passé, solidaire et responsable dans un monde où elle entend jouer tout son rôle. Laissons de côté les vaines querelles. L'élargissement est une chance pour l'Europe, notre diversité et nos valeurs sont une richesse.

Mais pour réussir, il faut agir ensemble. Il faut rendre l'Europe à 25 plus efficace et plus démocratique : c'est tout le sens de la Convention sur l'avenir de l'Europe présidée par M. Giscard d'Estaing. Il faut agir avec lucidité, car l'Europe est fondée sur le respect de règles. Chacun de ses membres est à égalité de droits et de devoirs. Il faut avoir le courage d'avancer, et le sommet à quatre du 29 avril sur la défense a montré que nous n'en étions pas dépourvus. Il faut enfin de l'audace et de la confiance pour réformer les institutions, comme nous avons su le faire à l'automne dernier pour les questions budgétaires.

Cette ambition n'est pas contradictoire avec une relation transatlantique équilibrée. Au contraire, elle la renforcera. Toutes les initiatives de la France, son dialogue permanent avec les pays de l'élargissement, sont fondés sur ces principes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

INFLUENCE FRANÇAISE DANS LE CONFLIT IRAKIEN

M. Jacques Desallangre - La population irakienne souffre. Elle est exposée aux risques d'une catastrophe humanitaire et d'un pouvoir théocratique. L'Europe affiche ses divisions. Les Etats-Unis proclament qu'ils décourageront tout pays industrialisé d'empiéter sur leur leadership et qu'ils concéderont peut-être à l'ONU quelques tâches accessoires...

La France va-t-elle justifier le qualificatif qu'ils lui donnent de « puissance de seconde zone » ? Certains, de plus en plus nombreux à droite, regrettent que la France soit restée elle-même et pressent le Gouvernement d'aller implorer le pardon de M. Bush. Ils veulent une France petite, soumise, humble, capitularde. Va-t-elle au contraire redire aux Etats-Unis qu'alliance n'est pas allégeance et qu'en confiant un des trois protectorats d'Irak à la Pologne, ils ont sciemment voulu contrarier la construction européenne ? La France va-t-elle lutter pour que l'Europe retrouve crédit et audience, pour que l'ONU ne soit pas déclarée inapte à dire le droit et condamnée à légitimer les interventions du seul gendarme crédible, les Etats-Unis ? Ou bien Monsieur le ministre, allez-vous écouter ceux qui vous pressent de sauver la morale des affaires en sacrifiant la morale politique ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - Depuis le début de la crise, notre position est fondée sur des principes qui font que la France est comprise et respectée. Aujourd'hui, il faut reconstruire un Irak souverain et uni, _uvrer à la stabilité de la région et réunir la communauté internationale autour des objectifs de liberté, de développement et de paix. A chaque étape, nous avons manifesté un esprit d'ouverture et d'initiative. Aujourd'hui, nous proposons, après la phase de sécurisation et d'action humanitaire, qui relève d'abord de la coalition, la suspension immédiate des sanctions, l'affectation prioritaire des recettes pétrolières aux besoins de la population et la certification du désarmement de l'Irak par les Nations unies.

Mais la question essentielle est bien celle d'une autorité irakienne légitime. La coalition met en place une solution provisoire. Il faudra rapidement passer à un processus incontestable, qui devra impliquer l'ensemble de la communauté internationale, c'est-à-dire les Nations unies.

M. Maxime Gremetz - Très bien !

M. le Ministre - Il n'y a pas la morale d'un côté et les intérêts de l'autre. La France ne barguigne pas. Elle n'avance pas un sac de cendres sur la tête (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe UMP). Elle fait clairement le choix de la responsabilité collective, conformément à ses convictions et à l'intérêt de tous dans cette région du monde. Pour être à la hauteur de ces défis, nous devons agir tous ensemble (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains, du groupe UMP et du groupe UDF).

BAISSE DE LA TVA DANS LA RESTAURATION

M. Didier Quentin - La presse a récemment évoqué un report de la baisse de la TVA sur la restauration en raison d'un coût plus élevé que prévu et de la réticence de certains de nos partenaires européens. Cela a grandement ému les professionnels, qui ont déjà subi, en 2002, une chute de la fréquentation de 10 à 12 %.

M. le Premier ministre s'est rendu à Bruxelles le 29 avril pour plaider la cause des restaurateurs. Il a déclaré que le Gouvernement travaillait toujours dans l'hypothèse d'une baisse au 1er janvier 2004. La ministre déléguée aux affaires européennes a conduit des consultations auprès de nos partenaires européens. Elle n'a pas hésité à dire que nous avions un bon dossier et que Bruxelles était sensible à nos arguments sur la création d'emplois et la formation des jeunes. Pouvez-vous nous confirmer la détermination du Gouvernement pour une mesure qui, comme celle portant sur les travaux d'entretien des immeubles, rapporterait plus qu'elle ne coûterait à l'Etat ? Comment entendez-vous convaincre tous nos partenaires, puisque l'unanimité est requise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes - Ce dossier est effectivement prioritaire et tient particulièrement à c_ur au Premier ministre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Dès le 4 juin 2002, les ministres des finances et du budget faisaient parvenir une demande officielle à la Commission. Le Premier ministre a plaidé sans relâche pour cette mesure favorable à l'emploi, comme celle relative à la réhabilitation des immeubles obtenue par le précédent gouvernement.

Les premiers résultats sont là : le président de la Commission a confirmé que celle-ci reprenait notre demande. Mais cette décision requiert l'unanimité, et si la majorité de nos partenaires y sont favorables, trois, dont l'Allemagne, demeurent réticents (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Mais notre dossier est excellent et je suis heureux de voir ici que la profession hôtelière peut compter sur les élus de la nation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La mobilisation continue. Jamais nous n'avons été aussi près du but : si huit Etats membres appliquent déjà le taux réduit de TVA sur la restauration, il faut que la France soit le neuvième. C'est la volonté du Premier ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

POLITIQUE INTERNATIONALE

Mme Elisabeth Guigou - Nous avons soutenu la position des autorités françaises sur l'Irak et refusé, ensemble, cette guerre illégitime, meurtrière et lourde de conséquences. Mais depuis la chute du dictateur irakien, on n'entend plus la France (Protestations sur les bancs du groupe UMP), on ne sait plus ce que veut le Gouvernement, on ne voit pas bien le sens du déplacement de M. Chirac à Saint-Pétersbourg, ni celui du mini-sommet à quatre sur la défense européenne.

On ne comprend pas non plus que vous vous soyez mis dans la situation de subir la tutelle de la Commission de Bruxelles sur les finances publiques (Exclamations sur divers bancs). Notre pays est en panne sur la scène européenne et internationale (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

En ne formulant aucune proposition pour sortir l'Europe de la crise ou pour réformer les Nations unies, vous faites le jeu des partisans de l'Europe minimale et de l'unilatéralisme américain.

Allez-vous enfin agir pour restaurer la crédibilité de notre pays (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), donner à l'Europe une envergure politique et assurer la suprématie de l'ONU ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Il est clair que la voix de la France continue à porter : nous croyons à nos valeurs et nous saurons les défendre, à l'ONU et ailleurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Nous ne sommes pas sous la « tutelle » de Bruxelles. Nous avons signé, il y a quelques années, un « traité de copropriété », pour reprendre les termes du Premier ministre, qui nous rend co-responsables de la gestion de la monnaie européenne et de la politique budgétaire.

La Commission adopte aujourd'hui une mesure qui appelle une réponse de notre part d'ici le 4 octobre, et nous répondrons de manière responsable. Mais la Commission ne manque pas de rappeler que si la France est aujourd'hui vulnérable, c'est parce que l'assainissement de nos finances, commencé en 1995 (Rires et protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP), s'est arrêté en 1999 (Vives interruptions sur les bancs du groupe socialiste). La Commission a clairement indiqué qu'il y a eu, pendant plusieurs années, gaspillage de la croissance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste). Cette croissance, aujourd'hui, nous fait défaut, ainsi qu'à toute l'Europe (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Avec les réformes en cours, nous prenons les mesures nécessaires pour bâtir la croissance, à court et à long terme, de notre pays, au sein d'une Europe à laquelle nous croyons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Néri - Il n'a pas répondu à la question !

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME DE L'ONU

M. Pierre Lellouche - Ma question s'adresse au ministre des affaires étrangères et je la pose aussi au nom de l'association « Reporters sans frontières », qui a célébré le 3 mai la Journée internationale de la liberté de la presse - tristement d'ailleurs, car avec 130 journalistes en prison, cette année bat tous les records.

Le droit d'informer, posé par l'article 19 de la Charte universelle des droits de l'homme, est bafoué et il est même ouvertement tourné en dérision, comme beaucoup d'autres droits, à la commission des droits de l'homme de l'ONU, pourtant chargée de les faire respecter. Cette commission est devenue ces dernières années un lieu de marchandage entre les pays les plus répressifs, plus occupés à se protéger qu'à faire respecter les droits de l'homme. La Corée du Nord a même été candidate !

Le comble de la mascarade a été atteint le 20 janvier dernier, quand la représentante de la Libye a été désignée comme présidente de la commission, alors que ce pays pratique la torture, les arrestations arbitraires, les disparitions de journalistes !

Comment s'étonner, alors, que la 59e session de la commission ait été une succession de scandales, qu'il s'agisse du sort des résolutions sur la Tchétchénie ou sur Cuba ...

M. le Président - Votre temps est écoulé. Posez votre question et faites-le en votre nom et non en celui d'une association. Vous êtes député de la nation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Lellouche - Qu'a fait la France en ce qui concerne l'élection de la Libye ? Que compte-t-elle faire à l'égard de cette commission ?

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - Vous posez la question difficile du respect des droits de l'homme dans la société internationale.

En ce qui concerne l'élection de la Libye, vous savez qu'elle a eu lieu à la demande des Etats africains et j'ai eu l'occasion d'expliquer comment la France a pris ses responsabilités.

Les droits de l'homme sont bafoués tous les jours. Vous avez cité Cuba, et il est exact que l'association que vous avez mentionnée a déploré, les dernières semaines, des arrestations et condamnations lourdes de journalistes et écrivains dans ce pays. La France a condamné cette situation et en a tiré les conséquences en réduisant les contacts bilatéraux et en suspendant les négociations européennes avec Cuba.

En ce qui concerne la commission des droits de l'homme de l'ONU, son fonctionnement n'est plus adapté et doit être revu. Nous voulons élaborer des solutions concrètes avec nos partenaires - par exemple la mise en place d'un corps d'inspecteurs internationaux.

Promouvoir partout les droits de l'homme est au c_ur de nos ambitions. Nous voulons reprendre le débat sur le système multilatéral le plus efficace, car les instruments dont dispose la communauté internationale ne répondent pas, aujourd'hui, à nos exigences. Entre le recours à la force et le constat d'impuissance, il y a place pour une démarche fondée sur la volonté et la responsabilité collectives (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

TEKNIVAL

M. Philippe Martin (Marne) - Le week-end dernier, la rave-party Teknival a rassemblé plus de 35 000 personnes à Marigny-le-Grand, dans la Marne. Cette manifestation avait été autorisée.

Naguère, la plupart des rave-parties se déroulaient clandestinement, dans des conditions de sécurité et de salubrité déplorables, tant pour les participants que pour les habitants. On a même déploré des décès de participants - j'en parle en connaissance de cause pour m'être rendu à Marigny-le-Grand il y a deux ans.

J'y étais à nouveau le week-end dernier (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et du fait que la manifestation se déroulait cette fois dans le cadre légal, la sécurité de tous et des conditions sanitaires satisfaisantes étaient assurées. Je rends hommage à l'action des forces de l'ordre et des services de secours. Néanmoins les élus et la population se posent deux questions. Les forces de sécurité ont-elles engagé des procédures contre les trafics de stupéfiants ? Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour indemniser les dégâts subis par les exploitants agricoles et les collectivités locales ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Le choix n'était pas entre une rave-party et pas de rave-party, mais d'éviter ou non un affrontement inutile entre un Etat bafoué et des jeunes criant à l'incompréhension. Le Gouvernement a fait le choix d'essayer de canaliser le rassemblement, pour éviter que l'on ne s'enferme à nouveau, de part et d'autre, dans l'incompréhension.

Je vous remercie de la façon constructive dont vous avez posé votre question, mais je veux aussi rendre hommage aux organisateurs, qui ont tenu la plupart de leurs engagements : ils n'ont publié qu'à la dernière minute l'adresse de cette manifestation - ce qui n'a pas empêché 40 000 jeunes de participer au rassemblement alors qu'on n'en attendait que 20 000 -, ils ont aidé les services de l'Etat à nettoyer le terrain et ils ont dissuadé de partir ceux qui n'étaient pas en état de le faire, grâce à quoi l'on n'a eu à déplorer aucun accident grave. Il y a eu certes des débordements, mais sans commune mesure avec ceux de 2001. Les services de police ont contrôlé un véhicule sur trois, procédé à 37 interpellations et arrestations ; dix procédures judiciaires ont été intentées contre des « dealers ».

Vendredi, je recevrai les élus, dont vous-même, et les représentants des agriculteurs. Ces derniers seront tous indemnisés, pour une grande part grâce à une collecte faite par les organisateurs.

En définitive, la seule question qui se pose aujourd'hui est celle-ci : que la majorité précédente n'a-t-elle entendu M. Lang et fait ce que nous avons réussi ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RÉFORME DES RETRAITES

M. Pascal Terrasse - Vous venez, Monsieur le Premier ministre, de présenter à grand renfort de publicité votre avant-projet de réforme des retraites, qui serait à vous entendre destiné à préserver ces dernières. En fait, prisonnier de votre idéologie libérale, vous ne préparez qu'une régression ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Personne ne conteste la nécessité d'une réforme. Les travaux du conseil d'orientation créé par le précédent gouvernement avaient permis d'apaiser les tensions nées du plan Juppé de 1995 et d'aboutir à un diagnostic largement partagé. Vous préférez le catastrophisme pour accréditer l'idée selon laquelle vos propositions seraient les seules réalistes. Aujourd'hui même, vous écrivez à tous les Français pour leur expliquer qu'ils devront travailler plus longtemps pour toucher des retraites en diminution ! Mais comment les salariés pourraient-ils admettre votre refus d'inscrire dans la loi un minimum garanti et accepter que leurs pensions soient réduites, à très court terme, de 20 à 30 % ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Vous fragilisez le contrat entre les générations, vous remettez en cause le droit à la retraite à taux plein à 60 ans, vous frayez la voie aux fonds de pension. Vos projets ne sont pas financés, et le transfert des cotisations chômage vers les retraites apparaît comme un pari bien risqué. Tout cela n'est guère sérieux, pas plus que ne l'est votre politique en matière de chômage ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Posez votre question ! Ne m'obligez pas à être brutal, comme je l'ai été, trop peut-être, avec M. Lellouche !

M. Pascal Terrasse - Cette réforme n'est qu'une réforme idéologique, une réforme de régression et d'appauvrissement. Les Français attendent mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Le problème des retraites n'est pas un problème de droite ou de gauche, mais un problème national, qui transcende les frontières entre générations - et que la plupart des autres pays européens ont réglé dans le consensus ! Il mérite que nous recherchions ensemble l'intérêt général, au lieu de nous jeter à la figure des affirmations mensongères, comme le sont celles que vous venez de produire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Elles contredisent d'ailleurs tout ce que vous avez dit pendant les cinq ans où vous avez été au pouvoir...

De Michel Rocard à Edouard Balladur, d'Alain Juppé à Lionel Jospin, tous les gouvernements se sont efforcés d'apporter leur pierre à l'édifice. Cette continuité doit maintenant se cristalliser autour de la réforme que nous proposons. Nous entendons défendre la répartition et la solidarité, et ce choix devrait nous rassembler. D'autre part, nous sommes pressés par le temps : dans quelques années, le déclin du système sera tel que baisse des pensions et privatisation deviendraient inéluctables. Enfin, notre projet est juste, équitable et équilibré (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) parce qu'il repose sur un effort partagé, tous les Français consentant à allonger la durée de leur cotisation pour maintenir les pensions au niveau actuel. C'est d'ailleurs le choix qu'ont fait tous les autres pays européens.

Contrairement à ce que vous soutenez, nous avons introduit dans la loi un minimum garanti que vous n'aviez pas institué ; nous avons pris des mesures pour arrêter la dégradation du taux de remplacement, à laquelle vous vous contentiez d'assister, impuissants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous nous mobilisons enfin pour l'emploi des plus de cinquante ans. Nous écoutons et nous dialoguons. Mais nous avançons aussi parce que c'est notre devoir, et vous vous grandiriez à examiner les choses avec plus de lucidité et de responsabilité, car un jour ou l'autre les Français jugeront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RÉUNION DE BRUXELLES SUR LA DÉFENSE

M. Antoine Carré - La crise irakienne a mis en lumière les défis que doit relever la communauté internationale : désarmement, règlement des conflits, rôle de l'ONU, équilibre dans les relations entre Etats... La France est attachée à ce que toutes ces questions reçoivent des réponses de qualité, dans la sérénité. Avec ses partenaires européens, elle s'emploie à définir l'apport de l'Union. Pour se faire entendre dans le monde, l'Europe doit en effet se doter des instruments d'une politique étrangère collective, ce qui suppose de disposer d'un outil militaire commun. Le 29 avril, le Premier ministre belge a convoqué à Bruxelles, pour un mini-sommet de la défense, les dirigeants allemand, français et luxembourgeois. Madame la ministre de la défense, pouvez-vous nous informer des conclusions de cette réunion et de l'accueil que leur ont réservé les Etats membres, actuels et futurs, de l'Union ? Déjà, hier, c'est avec satisfaction que nous avons appris que le motoriste de l'A400M serait le regroupement des constructeurs européens... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - La déclaration qui a suivi cette réunion représente en effet un apport important à la construction européenne et à l'audience internationale de l'Union. Les participants se sont d'abord accordés sur une clause générale de solidarité et de sécurité commune, annexée au traité constitutionnel. Ils se sont prononcés pour la création d'une agence européenne de développement et d'acquisition des capacités, d'un collège de sécurité et de défense pour la formation des officiers et sous-officiers. Ils ont proposé des éléments pour une mise en commun des forces et des capacités, ce qui se traduira par un développement de la future force de réaction rapide, la brigade franco-allemande recevant le renfort de Belges et de Luxembourgeois, et par la création d'un noyau de capacités collectives de planification et de conduite des opérations, en vue d'opérations que l'Union aurait à mener sans l'OTAN. A cela s'ajoutera la création d'un commandement européen de transports aériens stratégiques et d'un quartier général multinational déployable.

Les réactions, vous pouvez les juger à celles de M. Solana ! La plupart de nos partenaires ont salué cet effort de relance de la PESC. L'annonce d'hier, relative à l'A400M, ne peut que confirmer qu'il y a bien une avancée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

REVENU MINIMUM

M. François Vannson - Monsieur le ministre des affaires sociales, vous venez de présenter au conseil des ministres un projet de loi sur les revenus minimum d'insertion et d'activité. Après quinze ans de RMI et d'oubli de l'insertion, ces propositions étaient très attendues par les élus locaux, par les salariés modestes qui ne comprennent pas que certains perçoivent des allocations sans contrepartie, mais aussi des RMIstes eux-mêmes, qui aspirent à retrouver toute leur place dans la société grâce à un emploi.

M. Yves Fromion - Très bien !

M. François Vannson - Je me réjouis donc de cette annonce, d'autant qu'en 1997, j'avais moi-même déposé une proposition de loi visant à instaurer un revenu minimum d'activité - proposition que la majorité d'alors avait rejetée.

Pourriez-vous nous préciser le contenu de votre projet ? Quelles seraient les nouvelles responsabilités des collectivités territoriales ? Comment le RMA fonctionnerait-il ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Notre projet s'appuie sur une conviction : le RMI ne doit pas être un toboggan vers l'exclusion ou l'assistance durable, mais au contraire, un tremplin vers l'insertion et l'emploi. Vous aviez en effet déposé une proposition de loi très intéressante, dont nous avons repris plusieurs éléments.

Aujourd'hui, seul un allocataire du RMI sur deux bénéficie d'un contrat d'insertion, tandis que près d'un sur quatre n'a eu aucune expérience professionnelle ; près d'un sur trois reçoit le RMI depuis plus de trois ans, et près d'un sur dix depuis plus de dix ans. Une réforme est donc nécessaire.

Celle que nous proposons repose sur deux idées simples. D'abord, il faut que le revenu minimum soit géré au plus près : c'est pourquoi les départements auront désormais l'entière responsabilité de sa gestion et de son financement - son niveau et ses conditions d'obtention restant fixés au niveau national par la loi. Dans le cadre de la loi de finances pour 2004, nous prévoirons évidemment les transferts de ressources correspondants.

Ensuite, nous voulons créer un revenu minimum d'activité. Il s'agit d'inciter les allocataires à reprendre le travail. Nous autoriserons donc ceux qui sont au RMI depuis plus de deux ans à cumuler le revenu minimum et un salaire qui, sur la base d'un mi-temps, devra être au moins égal au SMIC. Le bénéficiaire et l'employeur seront tous les deux gagnants.

Quelques députés sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains - Ce n'est pas nouveau !

M. le Ministre des affaires sociales - Si, c'est tout à fait nouveau ! D'autant plus que vous aviez réservé les dispositifs d'insertion au secteur non marchand, alors que nous voulons faire participer au dispositif du RMA les secteurs marchand et non marchand, tout en garantissant aux allocataires le maintien des droits attachés au RMI, en particulier pour la couverture sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Cette réforme s'inscrit dans la stratégie de la majorité visant à revaloriser le travail, en même temps qu'elle répond à nos engagements (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

POLITIQUE DU GOUVERNEMENT

M. Gaëtan Gorce - Monsieur le Premier ministre, il y a un an, dans votre déclaration de politique générale, vous promettiez un « Etat attentif », et nous n'avons eu qu'un Gouvernement attentiste (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous promettiez une « France créative », et nous avons une économie en panne. Vous promettiez une « République en partage », et c'est l'UMP qui veut régner sans partage (Mêmes mouvements).

Le plus grave, c'est votre absence totale de perspectives. Votre politique reste minée par ses contradictions. Si gouverner c'est prévoir, si gouverner c'est choisir, alors on peut se demander si notre pays est véritablement gouverné. En un an, vous n'avez pas su expliquer comment concilier la réduction des déficits et vos promesses fiscales, comment concilier une politique de l'emploi et la baisse du budget qui lui est consacré. Saurez-vous aujourd'hui nous expliquer comment vous comptez préserver notre système de protection sociale, tout en laissant filer les déficits de la sécurité sociale, pourquoi vous avez choisi de faire de la fonction publique et du service public la cible de toutes vos attaques (Protestations sur les bancs du groupe UMP), et comment vous comptez relancer la croissance alors que vous ne prenez aucune initiative pour soutenir la consommation ?

En somme, pouvez-vous nous dire ce que vous avez répondu au Président de notre assemblée lorsqu'il s'inquiétait dernièrement du manque de lisibilité, de cohérence et de volontarisme de votre politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Il y a des moments où, comme le disait Georges Pompidou, les bornes franchissent les limites ! Je constate le mépris que vous avez pour notre travail. Oh, je ne dis pas que tout réussit, et je sais qu'il reste beaucoup de choses à faire. Je ne suis jamais dans l'autosatisfaction. Mais s'il vous plaît, respectez ce que les Français constatent : la baisse de la délinquance, le retour de l'autorité républicaine (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), notre loi de programmation militaire, notre action en faveur de la revalorisation du travail.

Mme Martine David - Et le chômage ?

M. le Premier ministre - Bien sûr, il y a des difficultés. Vous n'en êtes pas toujours responsables, mais si vous aviez fait les réformes, en particulier celle des retraites, quand la croissance était à 4 %, nous n'en serions pas là ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Nous travaillons pour la France, pour le service de tous les Français, et je ne vous laisserai pas dire que nous nous en prenons à telle ou telle catégorie ! Nous ne voulons pas opposer le secteur privé au secteur public, mais _uvrer pour la justice et l'équité, et donc mettre fin aux disparités en matière de retraites (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Les infirmières, les policiers, les enseignants, qui ont évidemment droit au respect de la nation, ne sont nullement accusés. Ce gouvernement ne dirige pas pour les uns contre les autres, mais pour la France ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN

M. Gérard Dubrac - Le Président de la République a fait de la lutte contre le cancer l'un des trois grands chantiers de son quinquennat. Chaque année, en France, près de 150 000 personnes meurent d'un cancer. Chez la femme, le cancer du sein est la principale cause de mortalité par cancer, en constante augmentation.

Lutter contre le cancer, c'est soutenir les chercheurs, développer les soins, et aussi accroître la prévention. La généralisation du dépistage du cancer du sein a été maintes fois annoncée, mais jamais mise en _uvre. Monsieur le ministre de la santé, vous avez annoncé hier le lancement d'une campagne d'information en faveur d'un dépistage organisé avant la fin de l'année ouvert à toutes les femmes et dans tous les départements. Pouvez-vous nous préciser les modalités d'organisation de cette campagne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - En juillet dernier, le Président de la République a décrété la mobilisation générale contre le cancer. En mars, le plan cancer a été annoncé ; Claudie Haigneré et moi-même en avons la charge, sous l'autorité du Premier ministre.

Le dépistage y tient une place essentielle. Sa généralisation a été souhaitée par tout le monde, mais en septembre 2002, seuls 33 départements avaient engagé cette action, et nous n'en sommes encore aujourd'hui qu'à 49. C'est très insuffisant.

Désormais, l'Etat assumera ce dépistage, en collaboration avec les départements qui ont commencé de le faire, mais directement là où rien n'a été entrepris. Notre responsabilité est en effet de garantir l'égalité entre toutes les femmes.

La campagne, qui associe la Ligue contre le cancer, la caisse d'assurance maladie et le Gouvernement, a pour premier but de faire passer l'information. En effet, dans les départements où le dépistage est pratiqué, seulement 20 à 60 % des femmes en bénéficient car trop souvent, on imagine que s'y soumettre, c'est risquer d'être atteint. Il faut au contraire convaincre les femmes que se faire dépister, c'est se donner les moyens d'une meilleure santé, et le cas échéant, de meilleures chances de guérison (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE

Mme Bérengère Poletti - Monsieur le ministre de l'intérieur, de plus en plus nombreux sont les Français qui reconnaissent votre détermination pour, dans le respect des principes fondamentaux de notre République, rétablir un climat de sécurité et faire respecter l'autorité de l'Etat. Il reste néanmoins de beaux esprits, détracteurs systématiques ou extrémistes de tous bords, pour contester les résultats de votre action. Pouvez-vous donc nous confirmer que nous ne sommes pas dans l'illusion, en indiquant à la représentation nationale quelle est la réalité des chiffres ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - En avril 2001, les députés de la majorité de M. Jospin n'interrogeaient certes pas le ministre de l'intérieur de l'époque sur les chiffres de la délinquance, car celle-ci avait augmenté de 16 %...

En avril 2002, nouvelle hausse de 8 % (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP).Vous avez raison, et vous pouvez applaudir nos policiers et nos gendarmes : en avril 2003, la délinquance a chuté de 7,25 % ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Ce qui était impossible pour vous devient possible pour nous (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et cela pour une raison simple : à effectifs constants - les nouveaux emplois ne sont pas encore à pied d'_uvre -, nos consignes sont claires ! La priorité, c'est la lutte contre la délinquance et le soutien aux victimes ! Vous étiez silencieux, nous, nous n'avons pas d'états d'âme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nous soutenons les policiers et les gendarmes qui travaillent et ont des résultats.

Et n'hésitez pas à poser de nouveau la question dans un an, car nous avons bien l'intention de continuer dans cette voie ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de M. Rudy Salles.

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

REPRÉSENTATION DES PERSONNELS MIS A LA DISPOSITION
DE L'ENTREPRISE DCN

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Pierre Giran et plusieurs de ses collègues relative à la représentation au sein du conseil d'administration et des instances représentatives des fonctionnaires, des agents sous contrat et des ouvriers de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale DCN, en application de l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001.

M. Philippe Vitel, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées - Cette proposition marque l'intérêt que porte la représentation nationale au bon déroulement de la réforme du service à compétence nationale issu de l'ancienne direction des constructions navales. Nous sommes nombreux à nous soucier du devenir d'une industrie stratégique pour notre pays. Elle emploie aujourd'hui plus de 14 000 personnes, et son chiffre d'affaires était d'environ 1,5 milliard d'euros en 2002. Elle intervient en outre dans des secteurs essentiels pour notre défense, comme la construction des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, fer de lance de la dissuasion.

La pérennité de DCN est donc un impératif absolu. Elle exige le passage d'un statut d'administration à celui de véritable société. Cette réforme a été adoptée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2001, après de nombreuses années d'inertie dangereuse pour la survie du savoir-faire de DCN. Cette étape sera enfin franchie dans quelques semaines, et nous sommes nombreux à nous en réjouir.

Il reste que la réforme se heurte à quelques difficultés de mise en _uvre qui concernent notamment la définition des droits de certaines catégories de personnels. En effet, si la loi de finances rectificative pour 2001 a prévu de concilier les acquis statutaires des fonctionnaires, des agents sous contrat et des ouvriers de l'Etat avec la liberté de s'affilier ou non à la convention collective qui s'appliquera lors de l'entrée en activité de la société, elle n'a pas résolu tous les problèmes, d'autant que les dispositions votées tenaient en un seul article. En l'état actuel du droit, fonctionnaires, agents sous contrat et ouvriers de l'Etat ne pourraient pas être représentés au conseil d'administration ou de surveillance de la société ni aux instances représentatives du personnel. En effet, la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, comme le code du travail, disposent que les représentants des personnels dans ces instances sont désignés par les salariés et ont un statut de salariés.

Cette question n'est pas anodine, au vu des compétences des instances en question dans la bonne marche des entreprises : elles portent notamment sur la prise des décisions stratégiques pour l'entreprise, et sur les conditions de travail.

Il faut pourtant que les personnels mis à la disposition de DCN par l'Etat, tout en conservant leur statut, restent pleinement associés à la vie de la future société. Les ouvriers de l'Etat, les fonctionnaires et les agents sous contrat sont au nombre d'environ 12 460 et représentent 74 % de l'effectif global : il serait pour le moins contreproductif de les marginaliser alors que la mobilisation de tous est nécessaire à la réussite de la transformation de DCN en société. Il faut donc qu'ils puissent être électeurs et éligibles dans les élections professionnelles ou d'entreprise et être désignés à toutes les fonctions qui découlent de la position d'élus.

Comme le droit du travail permet à la convention de compléter la loi, un accord d'entreprise aurait pu ouvrir cette possibilité, sous réserve de l'unanimité des organisations syndicales. Mais ce point n'ayant pu faire l'objet d'un consensus, la solution passe par des dispositions législatives dérogatoires.

La proposition de loi déposée par Jean-Pierre Giran et plusieurs de nos collègues répond au problème, en prévoyant un régime spécifique. Les ouvriers de l'Etat, mais aussi les fonctionnaires et les agents sous contrat pourront ainsi être associés comme les salariés au fonctionnement de l'entreprise.

Sur ma recommandation, la commission de la défense nationale a adopté ce texte, assortie de quelques modifications. Certaines sont d'ordre rédactionnel, mais la commission a également adopté un amendement de fond, afin de préciser la portée de la proposition sans remettre en cause son objet. Dans le texte initial, en effet, rien n'indiquait que les ouvriers de l'Etat, les fonctionnaires et les agents sous contrats bénéficieraient des mêmes droits que les salariés en matière d'accès à l'information et aux prestations.

La commission a donc inséré un paragraphe renvoyant aux textes pertinents pour garantir leurs droits, répondant ainsi à une revendication essentielle des syndicats.

Les propositions de la commission de la Défense sont équilibrées et restent toutes dans l'esprit du texte initial. Mais elle a eu à examiner, en application de l'article 88 du Règlement, un amendement du Gouvernement portant sur GIAT Industries, qui affecte la forme du texte autant qu'il en élargit la portée. On peut regretter qu'elle n'ait pu en connaître plus tôt, même si l'urgence de la situation peut expliquer le procédé. Mais sur le fond, cet amendement n'appelle pas d'objection particulière.

GIAT Industries et DCN sont deux industriels publics de l'armement, mais la comparaison s'arrête là. Leurs secteurs d'activités, leur situation financière et leurs perspectives sont très différents. La commission a pu mesurer les difficultés de GIAT Industries au travers du rapport d'information d'Yves Fromion et de Jean Diébold. Cette société est au seuil d'une restructuration de la dernière chance, dont les conséquences justifient les mesures présentées par le Gouvernement. Un plan social important s'impose. Dans les 3 750 départs ou reconversions qui sont envisagés figurent des fonctionnaires, qui pourront réintégrer le ministère de la défense, mais aussi des ouvriers sous décret. Pour garantir leur reclassement et ne pas trop affecter l'aménagement du territoire, il est nécessaire de leur permettre d'intégrer, en qualité de non-titulaire, la fonction publique. Cette mesure exceptionnelle est indispensable. Les ouvriers pourront alors conserver certains de leurs avantages actuels. Ils seront recrutés sur la base d'un contrat à durée indéterminée et continueront à bénéficier de certaines dispositions quant à leur retraite.

La commission a accepté ce dispositif, qui doit accompagner sur le plan social la restructuration de GIAT, ainsi bien sûr qu'un amendement de conséquence portant sur le titre de la proposition de loi. Au bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter la proposition de loi qui vous est soumise (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Nous abordons l'examen de cette proposition de loi un an, jour pour jour, après le terrible attentat qui a touché des agents de DCN en train de remplir leur mission au service de la France. Nous devons tous avoir une pensée pour eux et pour leurs familles, et accorder notre reconnaissance à ceux qui ont déposé ce texte, qui vise à accroître la part des hommes et des femmes qui travaillent pour DCN dans la nouvelle entreprise.

La réforme de DCN est une bonne réforme. S'appuyant sur la qualification de son personnel, elle va donner à l'entreprise une dimension européenne, les moyens de passer des alliances et de répondre aux besoins européens. J'attache une importance toute particulière à l'adhésion du personnel à cette réforme. C'est sa motivation qui en fera le succès. Or elle se heurte à quelques difficultés de mise en _uvre, tenant essentiellement à des rigidités légales. Nous tenons à ce que les différentes catégories de personnel, y compris les ouvriers mis à disposition de la nouvelle société, aient accès à toutes les informations sur la situation et les perspectives économiques de l'entreprise. C'est une condition essentielle pour développer une culture économique d'entreprise. C'est pourquoi je remercie M. Giran ainsi que la commission pour son excellent travail. Après les membres de la commission de la défense nationale, qui ont adopté cette proposition à l'unanimité, le Gouvernement lui donne un avis très favorable.

Je reviendrai sur l'amendement relatif à GIAT Industries au moment approprié. Si son contenu est quelque peu différent du texte initial, il se situe dans la même perspective : s'occuper personnellement de chacun des membres du personnel qui travaillent, dans nos entreprises, pour le service de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Giran - Le 28 décembre 2001, l'article 78 de la loi de finances rectificative modifiait fondamentalement la situation de la DCN qui, de service à compétence nationale disposant d'un statut de droit public, devenait une société anonyme de droit privé détenue à 100 % par l'Etat. Cette mutation, destinée à favoriser sa compétitivité, était une nécessité économique, mais elle créait une rupture dans une tradition à laquelle le personnel de la DCN était très attaché. Le personnel aurait d'ailleurs à l'époque souhaité que la transformation soit réglée par un projet de loi spécifique, qui en aurait examiné tous les aspects, et qu'un débat devant la représentation nationale permette de marquer plus clairement ce que la France devait à la DCN.

Quoi qu'il en soit, la DCN-SN prend aujourd'hui son envol. Mais la précipitation passée rend nécessaire de combler un vide juridique. Dans la situation actuelle en effet, les agents mis à la disposition de la DCN par l'Etat ne peuvent pas exercer leurs droits essentiels, notamment la représentation au sein des conseils d'administration ou de surveillance ou au sein des instances représentatives du personnel. Ce droit est réservé aux salariés au sens strict, c'est-à-dire qui sont liés à l'entreprise par un contrat de travail.

Un problème de même nature s'était posé lors du transfert à la société nationale GIAT du personnel des établissements industriels dépendant de l'ancien groupe. La différence essentielle était que toutes les catégories de personnel mises à la disposition de la société nationale étaient traitées de façon identique. Chacun, fonctionnaire ou ouvrier, avait dû choisir de devenir salarié ou non de la nouvelle société, mais l'ensemble des agents transférés devenaient électeurs et éligibles. Dans le cas présent, les différentes catégories de personnel n'ont pas été traitées de façon similaire.

Une première catégorie, constituée des fonctionnaires, militaires et agents sous contrat, est invitée à choisir entre le statut de salarié de droit privé de la nouvelle entreprise ou le retour dans les services du ministère de la défense. Dans le premier cas, les droits électifs des agents ne sauraient être discutés. La seconde catégorie est légèrement favorisée. Les ouvriers d'Etat sont en effet autorisés, jusqu'à leur retraite, à conserver leur statut de salarié de l'Etat et donc l'ensemble des avantages qui y sont liés. En permettant à l'ensemble du personnel de participer aux instances représentatives, la proposition de loi applique un traitement identique à des statuts légèrement différents.

On peut comprendre cette assimilation en se plaçant du point de vue de l'unité et de l'efficacité de l'entreprise et en considérant la forte proportion d'ouvriers. En revanche, on peut également prendre en compte les hésitations et parfois les frustrations des fonctionnaires et des agents sous contrat, que la direction de la DCN-SN et les syndicats ont bien comprises. Un projet d'accord a donc été conclu entre les partenaires, qui prévoit une représentation renforcée des cadres, sachant que les fonctionnaires, militaires et agents sous contrat font dans leur quasi totalité partie du personnel d'encadrement. Cette mesure pourrait compenser la relative iniquité que j'ai évoquée. Ainsi la proposition de loi est-elle doublement justifiée, puisque au-delà de son objet propre, elle constitue un préalable à la signature de cet accord collectif.

Voilà le sens de cette proposition de loi. Les employés de la DCN-SN doivent avoir les mêmes droits que ceux de n'importe quelle entreprise. D'autres, par souci de rapidité, l'avaient oublié, et je suis heureux que nous puissions réparer cette erreur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Viollet - Je limiterai mon propos au texte initial, laissant le soin à mon collègue Pierre Forgues d'intervenir sur l'amendement du Gouvernement.

Vous l'avez rappelé, Madame la ministre, il y a un an, onze salariés de DCN trouvaient la mort dans un lâche attentat à Karachi et douze autres étaient blessés, alors qu'ils effectuaient une mission d'assistance à la construction d'un sous-marin Agosta par le Pakistan.

En ce moment même, en Charente, à Ruelle-sur-Touvre, une cérémonie commémore la disparition d'un de ces salariés, Jean-Pierre Delavie, ce qui retient sur place notre collègue Jean-Claude Beauchaud. Je tenais à faire mémoire de ces hommes victimes d'un acte ignoble et auxquels le Pakistan a rendu hommage, en son ambassade à Paris, hier.

Mais au-delà et pour rester fidèles à l'engagement pris envers tous les salariés de DCN le 6 juillet 2001, nous devons créer toutes les conditions du succès de la transformation de DCN en société nationale.

Nous disions alors que la future société DCN pourrait prétendre à un avenir prometteur si, restant ancrée dans le secteur public, elle était correctement capitalisée, assurée d'un plan de charge conséquent et si la situation de tous ses personnels était garantie par un accord d'entreprise.

Mois après mois, à partir des décisions politiques du gouvernement précédent et du vôtre, ces garanties se mettent en place, dans une démarche concertée entre les syndicats représentatifs et la direction de DCN.

Toutefois une intervention législative est aujourd'hui nécessaire pour traiter de la représentation au sein du conseil d'administration et d'autres instances des fonctionnaires, agents sous contrat et ouvriers d'Etat mis à la disposition de DCN.

En effet, selon la loi de finances rectificative pour 2001, les ouvriers de l'Etat de DCN conserveront leur statut. Les autres personnels mis à la disposition de DCN devront opter, dans un délai de deux ans, entre un contrat de travail et le retour dans les services de l'Etat. Les personnels non liés à DCN par un contrat de travail ne pourraient pas, par conséquent, être assimilés à des salariés de l'entreprise et donc être représentés.

Or, selon la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, les représentants du personnel dans les conseils d'administration et de surveillance des entreprises nationales sont « élus par les salariés ».

De même, le code du travail prévoit que les représentants des personnels dans les comités d'entreprise et les comités d'hygiène et de sécurité sont, eux aussi, désignés par les salariés.

Cette question n'est pas anodine, compte tenu des compétences de toutes ces instances et du fait que l'implication de tous les personnels est l'une des clés de la réussite de la réforme en cours.

Il est donc essentiel que les personnels mis à disposition de DCN par l'Etat, tout en conservant leurs statuts, soient électeurs et éligibles dans les élections professionnelles ou d'entreprise.

Un accord d'entreprise aurait pu prévoir cette représentation, s'il y avait eu unanimité des syndicats.

Faute de ce consensus, il convient d'adopter des dispositions législatives dérogatoires.

Le travail en commission a permis de préciser ce texte, notamment à travers l'adoption d'un amendement du rapporteur renvoyant à la loi du 26 juillet 1983 sur la démocratisation du service public et aux chapitres du code du travail concernant les instances de représentation du personnel.

Les droits dont pourront se prévaloir les personnels de l'Etat mis à disposition de DCN sont ainsi clarifiés.

C'est pourquoi le groupe socialiste votera ce texte.

Il conviendra cependant de poursuivre cette clarification du volet social de la réforme.

Ainsi, Madame la ministre, nous souhaiterions que vous vous engagiez à agir pour une juste représentation des différentes catégories de personnels de l'Etat comme de la future société, au fur et à mesure de l'évolution de celle-ci et pour une bonne articulation entre les instances représentatives, maintenues, des personnels de l'Etat et le conseil d'administration, le conseil de surveillance et les instances représentatives des personnels _uvrant au sein de la future société.

Enfin, il conviendrait de préciser que les personnels d'Etat mis à disposition de DCN bénéficieront des dispositions applicables aux salariés en ce qui concerne l'exercice du droit syndical, l'intéressement, la participation, les plans d'épargne salariale, la formation, les _uvres sociales, les comités d'établissement ou le comité central d'entreprise, les dispositifs de prévoyance. Cela pose la question de la participation financière de l'employeur, et donc d'un arbitrage entre la future société et l'Etat, pour les personnels mis à disposition. Ce point devrait être tranché avant le changement de statut.

Je suis convaincu que seule l'évolution en cours permettra à DCN de briser le carcan administratif qui limitait jusque-là sa réactivité, de prendre toute sa place dans le vaste mouvement d'alliances et de regroupements engagé dans l'industrie navale militaire et d'obtenir sa juste part des grands projets d'armement européens.

Mais je suis tout aussi convaincu que la réussite de ce processus passe par la confiance qu'y placeront les personnels.

Nous resterons, Madame la ministre, attentifs à l'exécution des décisions prises, sachant que la loi de finances rectificative pour 2001 vous fait obligation de transmettre un rapport annuel aux commissions de la défense et des finances des deux assemblées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gilles Artigues - Madame la ministre, le groupe UDF souhaite s'associer à l'hommage que vous avez rendu aux Français tombés il y a un an à Karachi.

Je propose qu'on leur dédie ce texte, qui marque l'aboutissement du processus de transformation de la DCN en entreprise de droit privé à capitaux publics. Nous nous réjouissons de cette réforme, qui rendra la DCN plus performante, mais son succès dépend aussi du dialogue social, auquel nous sommes très attachés. Il faudrait qu'en France le dialogue social intervienne avant, et non après un conflit, comme en Allemagne ou en Espagne. Les personnels de DCN ont divers statuts mais sont soumis à des contraintes communes, comme la flexibilité, il est juste qu'ils aient aussi les mêmes droits.

Le texte va donc dans le bon sens, même si théoriquement les fonctionnaires ne devraient pas être directement associés à l'organisation de leur travail. Cette proposition facilitera aussi les fusions et autres évolutions.

Je suis élu du département de la Loire, particulièrement touché par les difficultés de GIAT Industries et j'interviendrai à ce sujet quand nous discuterons de votre amendement, qui va dans le bon sens, Madame la ministre.

A la DCN comme à GIAT Industries, il y a un savoir-faire à préserver, qui se manifeste dans des réalisations comme les sous-marins nucléaires ou les frégates. Le carnet de commandes est complet jusqu'en 2005, mais pour la suite il faudra élargir les débouchés, dans le cadre de l'Europe de la défense qui se construit.

L'UDF votera cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Daniel Paul - Cette proposition déroge au code du travail en permettant à de nouvelles catégories de salariés d'être électeurs et éligibles dans les instances de la société DCN.

Si le texte initial nous semblait une avancée, la présentation d'un amendement par le Gouvernement, au titre de l'article 88, modifie radicalement notre appréciation. Cet article additionnel va nécessairement interférer avec les négociations en cours entre les syndicats et la direction de GIAT Industries.

M. Yves Fromion - C'est faux.

M. Daniel Paul - Si cet amendement était maintenu, notre vote, de positif, deviendrait négatif.

Le changement de statut de la DCN a résulté de l'article 36 de la loi de finances rectificative pour 2001, adopté malgré l'opposition des députés communistes qui entendaient soutenir la lutte des salariés de l'entreprise. Nous exigions alors le maintien du service à compétence nationale ou, à tout le moins, la tenue d'un débat public sur l'avenir de notre industrie d'armement, demande qui est plus que jamais d'actualité. En effet, la transformation de la DCN en société de droit privé sera effective dès le 1er juin prochain. D'autre part, la situation de l'emploi en France est alarmante. Or, l'objectif initial du changement de statut n'était-il pas d'assurer « la pérennité de l'industrie navale de défense européenne et des emplois qui y sont attachés » ? Pourtant, le 12 mars, la direction a confirmé la suppression de plus de mille de ces emplois en trois ans, de sorte qu'en 2005, les effectifs seront ramenés à 12 300 environ et que plus de 4 000 emplois auront disparu en six ans !

Ce débat est également d'actualité parce que le coût de la privatisation se montera, pour l'Etat actionnaire et donc pour le contribuable, à 1,2 milliard d'euros - 540 millions au titre de la capitalisation et 644 pour la modernisation de l'outil industriel et pour l'apurement des dettes.

De nombreux emplois sont en jeu, à court ou moyen terme. Aussi n'apparaît-il pas que la maîtrise d'ouvrage du deuxième porte-avions échapperait à la DCN, ce qui serait sans précédent et risquerait d'aggraver ses difficultés ? Comble : la réalisation de la coque, sous un faux prétexte de capacité de bassin, se ferait en Pologne. Où va-t-on ? Comme dans le cas de GIAT Industries, un investissement à 100 % public ne servirait pas l'emploi dans notre pays ! Comme le relèvent les syndicats, la nouvelle DCN se construit sur une politique de sous-traitance à tout-va, y compris à l'étranger...

Près de mille emplois publics sont donc dès à présent en danger, la direction annonçant un plan social assorti du non-remplacement des départs dits « volontaires ». En effet, seuls les ouvriers de l'Etat ont la garantie de conserver leur statut jusqu'à leur retraite ; les 2 500 fonctionnaires pourront demander leur détachement ou leur mise en disponibilité pour signer un nouveau contrat de travail ; quant aux 800 agents contractuels mis à disposition, ils devront conclure un CDI de droit privé dans les deux ans. Ces salariés, ainsi que ceux arrivant à l'âge de la retraite, ne seront pas tous remplacés. Sur les 2 000 à 2 600 postes libérés, la DCN annonce le recrutement, sous contrat privé, de seulement 1 300 à 1 400 personnes qui seraient, elles, plus facilement « jetables ».

Pour décider si les salariés mis à disposition pourront être électeurs et éligibles dans les instances de la DCN, il importerait d'avoir la réponse à plusieurs questions : quelles garanties seront offertes aux fonctionnaires désirant réintégrer un ministère, quand le Gouvernement annonce un gel de l'emploi public ? La coexistence de différents statuts et contrats de travail au sein d'une même entreprise ne va-t-elle pas contre la nécessaire homogénéité des équipes ? Nous assistons en réalité à une véritable casse des savoir-faire et des compétences acquises et l'outil réputé dont dispose la France se trouve menacé sous prétexte de compétitivité !

A l'enjeu social s'ajoute un enjeu de société : la DCN ne fabrique pas n'importe quel type de produit. Avec la transformation d'une direction en service à compétence nationale, puis en société anonyme, l'Etat restera-t-il le seul actionnaire ? Les accords de partenariat, les créations de sociétés ou de filiales communes avec d'autres partenaires privés étrangers font craindre une privatisation partielle ou totale et l'abandon de la mission de service public. La conclusion des contrats de vente d'armes serait alors soumise à la recherche du profit maximal. Or les armes ne sont pas des marchandises comme les autres et la DCN ne doit pas devenir, par le jeu de fusions et de participations croisées, un simple marchand de canons, qui serait rapidement la proie des groupes américains.

D'autre part, dans le cadre de ce qu'on appelle le « nouveau désordre mondial » où les armées sont professionnalisées et les industries d'armement privatisées, il importe plus que jamais de préserver les conditions d'un contrôle citoyen sur la politique de défense.

Il est temps d'entendre ceux qui, par le monde, manifestent pour la paix et pour le désarmement. Les sommets du G8 sont obligés de se réunir dans des zones rouges, interdites aux citoyens. Le prochain, qui se tiendra début juin à Evian, fait déjà l'objet de mesures extraordinaires !

Etait-il nécessaire de vendre trois sous-marins Agosta 90B au Pakistan et six sous-marins de type Scorpène à l'Inde ? Est-il normal que l'Etat justifie la transformation de la DCN en société de droit privé, par ses difficultés financières et son prétendu manque de compétitivité quand la Cour des comptes a démontré en 2001 que le contrat avec le Pakistan était déficitaire dès le départ ? Aujourd'hui, l'Etat va apurer ces 304 millions de dettes. En cas de privatisation de la DCN, quels moyens aurons-nous de contrôler les marchés d'armement ?

La présente proposition ne peut être appréciée hors de ce cadre plus large, qui exige que l'avenir de la DCN soit dans le secteur public. Si vous retiriez votre amendement, Madame la ministre, nous n'aurions aucune raison de nous opposer à ce texte qui permettrait aux ouvriers d'Etat ainsi qu'aux fonctionnaires militaires et civils de participer aux instances représentatives du personnel et au conseil d'administration ou de surveillance. Nous regretterions simplement qu'elle ne concerne que de manière transitoire les 800 agents sous contrat puisque ceux-ci devront bientôt choisir entre un contrat de droit privé et une affectation dans un service de l'Etat. Mais nul doute que nous ne revenions bientôt sur ce point ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean Lemière - L'adoption de cet article unique est indispensable pour que les droits de tous les personnels soient respectés au sein de l'entreprise qui va naître le 1er juin prochain. Comme pour les autres sites de la DCN, elle marquera une date importante dans l'histoire de DCN-Cherbourg.

Songeant aux personnels qui, depuis plus d'un siècle, ont fabriqué là la flotte sous-marine française, comment ne pas évoquer le 8 mai 2002, ce jour noir ? Les victimes de l'attentat de Karachi rejoignent dans notre mémoire les centaines de travailleurs qui ont péri lors d'essais de submersibles et les militaires morts pour la défense de la nation. Demain, sur le site de Cherbourg, une plaque sera dévoilée à leur mémoire.

Pour l'avenir, désormais très proche, la participation des ouvriers de l'Etat, des fonctionnaires et des agents sous contrat au fonctionnement de la nouvelle entreprise et, en particulier, aux comités d'hygiène et de sécurité, permettra de rendre les conditions de travail encore plus sûres.

Aux termes de la loi de programmation 2003-2008, DCN-Cherbourg aura à construire deux sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération, le Vigilant et le Terrible, et à commencer la construction de deux sous-marins nucléaires d'attaque de type Barracuda, soit 2 250 000 heures de travail. En outre, elle s'est engagée dans la construction de sous-marins classiques de type Agosta et maintenant Scorpène, pour le Chili, la Malaisie et bientôt, peut-être, pour l'Inde et le Portugal. La technologie française est sans doute la meilleure au monde mais les succès remportés à l'exportation ne doivent pas conduire à sous-estimer la complexité des marchés. Son changement de statut permettra à DCN de participer aux restructurations européennes. Libérée des contraintes administratives et juridiques, notamment de celles qui sont inhérentes aux marchés publics, l'entreprise pourra renforcer sa compétitivité, sa réactivité et ses réseaux de commercialisation. Mais cette adaptation ne pouvait se faire sans se préoccuper de la situation des personnels et de leur motivation. Aussi me semble-t-il indispensable et légitime qu'ils continuent d'être pleinement associés à l'évolution de l'entreprise.

Venant après l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001, cet article unique représente un maillon essentiel pour faire de DCN une entreprise à capitaux d'Etat, efficace, dotée d'une autonomie qui lui permettra de confirmer son excellence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marguerite Lamour - Cette proposition, dont je suis d'ailleurs cosignataire, ne pouvait à l'évidence laisser indifférente la députée de Brest, port militaire et pôle important de la DCN. Cette entreprise, par la main-d'_uvre qu'elle emploie et par l'activité qu'elle génère autour d'elle, est un atout essentiel pour le développement de l'Ouest breton. Depuis plusieurs mois, elle a entrepris une mutation dont nous verrons bientôt l'épilogue : le 31 mai prochain s'opérera le basculement vers la société de droit privé.

Cette proposition de loi démontre l'attention portée par la représentation nationale aux mutations de l'entreprise et la volonté des élus d'être à l'écoute de l'ensemble des salariés, en permettant à toutes les catégories de siéger au sein du conseil d'administration et des instances représentatives du personnel. Elle répond au souhait formulé notamment par les responsables syndicaux de voir traiter les personnels dans leur globalité, quel que soit leur statut, et permettra à la mutation de la DCN de se réaliser le plus sereinement possible (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. le Président - J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission.

L'article unique, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE UNIQUE

Mme la Ministre - Devant la commission, j'avais indiqué que le Gouvernement déposerait un amendement pour régler la situation de certains personnels, et notamment permettre le reclassement dans des emplois de la fonction publique.

Le volet social du plan destiné à donner à GIAT Industries des perspectives à long terme se devait d'être exemplaire. Chaque salarié dont l'emploi sera supprimé doit avoir une chance réelle de retrouver un emploi stable. L'Etat assumera ses engagements en proposant aux ouvriers sous décret deux postes au sein des fonctions publiques, dont un au ministère de la défense. Mais il convient également de lever les blocages administratifs, statutaires ou financiers, qui limitent les reclassements dans les fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière.

L'amendement 1 rectifié du Gouvernement a donc pour but de permettre aux ouvriers sous décret de GIAT Industries d'être recrutés en qualité d'agent non titulaire, sur un contrat à durée indéterminée, et en conservant, à titre personnel, le bénéfice des prestations de leur régime de retraite. Les ouvriers concernés pourront également bénéficier d'une indemnité de départ. Le détail de ces mesures fera l'objet de négociations au sein de l'entreprise.

Cette proposition de loi nous offrait l'opportunité d'introduire ces dispositions sous la forme d'un amendement. Je rappelle à M. Paul que celui-ci a lui aussi été voté à l'unanimité par la commission... En le votant aujourd'hui, l'Assemblée montrera sa volonté de concourir au reclassement des personnels dans les meilleures conditions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur - Lors de sa réunion en application de l'article 88, la commission de la défense a en effet adopté cet amendement à l'unanimité.

Les ouvriers sous décret représentent la moitié des effectifs. Une application scrupuleuse du droit leur imposerait une mobilité à laquelle ils ne sont pas préparés. Le dispositif dérogatoire proposé par le Gouvernement permettra de diversifier les solutions qui leur seront offertes, ce dont on ne peut que se féliciter. Même si son lien avec l'objet initial de la proposition de loi est ténu, cet amendement est justifié par l'urgence.

M. Gérard Charasse - On peut comprendre l'intérêt de cet amendement, mais il ne faudrait pas qu'il apparaisse comme créant une discrimination au détriment des autres catégories de salariés, notamment les ouvriers sous convention collective - statut des 385 ouvriers de la filiale Manhurin qui se trouve dans ma circonscription et qui doit fermer ses portes dans trois ans. Je voterai cet amendement mais, Madame la ministre, quelles assurances pouvez-vous apporter aux ouvriers sous convention collective ?

M. Gilles Artigues - En tant qu'élu de la Loire et au nom de mes collègues Yves Nicolin, maire de Roanne, et François Rochebloine, député de la circonscription où se trouve le site de Saint-Chamond, je voudrais évoquer les conséquences de l'annonce de 900 suppressions d'emploi à Roanne et de près de 700 à Saint-Chamond. Certes, Madame la ministre, si des décisions courageuses avaient été prises par le gouvernement précédent, nous n'en serions pas là. Je ne puis moi aussi que me réjouir des mesures prises en faveur des ouvriers sous décret, mais que fera-t-on pour les autres ? La question est d'autant plus importante que les emplois manquent dans la région. Que fait-on pour la reconversion des sites ?

Je vous demande, Madame la ministre, d'insister auprès de la direction de l'entreprise pour que les décisions ne soient pas prises dans la précipitation car nous constatons sur le terrain une grande détresse. Le groupe UDF votera cet amendement, mais nous ne pouvons approuver votre plan social car nous craignons pour l'avenir même de GIAT Industries.

M. Pierre Forgues - J'ai déjà eu l'occasion de faire part de mon opposition au plan de destruction de GIAT que cautionne le Gouvernement. A l'instar des organisations syndicales, je vous demande donc de le retirer : pour assurer l'avenir des salariés de GIAT, Madame la ministre, mieux vaudrait une loi de sauvegarde de l'entreprise que cet amendement. Est-il sérieux et responsable d'aborder la question essentielle du reclassement des travailleurs au détour d'un cavalier législatif ? Est-il constructif de forcer la main de la représentation nationale en déposant un amendement inattendu le jour même de la discussion d'une proposition de loi sur DCN ? Quelle désinvolture, à l'égard des parlementaires comme des salariés ! A vrai dire, cette improvisation semble traduire une gêne !

Votre situation est évidemment difficile : vous refusez de discuter du plan, qui n'a toujours pas été présenté aux syndicats, et vous sortez subrepticement du chapeau un amendement qui l'entérine de fait ! Mais le procédé ne vous coûte pas plus que le transfert de charges que vous opérez vers les collectivités territoriales et les établissements hospitaliers, victimes du désengagement de l'Etat. Quel transfert de ressources pour le compenser ? Je suis bien obligé de vous le demander : le c_ur du dispositif proposé est renvoyé à un décret dont nous ne connaissons pas le premier mot. C'est donc un chèque en blanc que vous nous demandez. Or, nous n'avons aucune raison de faire confiance au Gouvernement ! Tout cela n'est ni fait ni à faire. Un malheureux cavalier législatif ne saurait suffire à financer le plan social de GIAT, évalué à au moins un milliard d'euros. Au demeurant, vous savez bien qu'on ne peut pas reclasser les salariés de GIAT dans la fonction publique. Eux-mêmes ne seront pas dupes ! J'ai connu beaucoup de ministres de la défense et de PDG de GIAT : ils me promettaient toujours que leur plan était le dernier. Celui d'aujourd'hui est le plus important jamais envisagé - suppression de 4 000 des 6 000 emplois existants - mais il ne garantit pas pour autant la pérennité de l'entreprise, bien au contraire.

Combien de reclassements dans les hôpitaux et les collectivités locales ? Il faut être réaliste : proposer à l'ouvrier de GIAT-Tarbes qui a fait construire sa maison et dont l'épouse travaille sur place un emploi à la préfecture de Charleville-Mézières, par exemple, c'est de la poudre aux yeux ! On ne reclassera guère que quelques dizaines de salariés ! Si vous voulez que les collectivités locales embauchent, il faut leur en donner les moyens ! Les socialistes ne voteront pas cet amendement.

M. Daniel Paul - J'avais décidé de voter votre texte, qui est consensuel. Mais profiter d'un texte consensuel pour faire passer une disposition qui ne l'est pas, ce n'est pas acceptable. Je viens de passer quelques coups de téléphone : j'ai appris que des discussions sont en cours pour tenter de sauver le maximum de ce qui peut l'être sans diviser les salariés de GIAT. Votre amendement est inconnu des syndicats. Nous sommes donc face à une tentative de déstabilisation qui vise à peser sur les discussions, dévoilant ainsi vos intentions à l'égard de GIAT. Je voterai contre l'amendement.

M. Yves Fromion - La conférence de méthode qui se déroule en ce moment au GIAT ne vise qu'à définir le processus à engager. Vous intentez un faux procès au ministre.

Mme la Ministre - Rectifions donc les erreurs, pour ne pas dire les mensonges, de MM. Paul et Forgues : je veux croire à leur bonne foi.

Un amendement inconnu des syndicats ? Ce sont eux qui me l'ont demandé afin de donner des garanties sur leur reclassement aux ouvriers sous décret. Peut-être faudrait-il revoir vos circuits d'information, Monsieur Paul !

Démanteler GIAT ? Au contraire ! Les plans précédents relevaient de la démagogie. Le dernier a délibérément ignoré que les commandes de chars Leclerc - 75 % de l'activité de GIAT - allaient cesser après 2004. Tout le monde connaissait la réalité de la situation. Si on a trompé les ouvriers, c'est à ce moment-là ! Cette fois-ci, j'ai demandé à la direction de l'entreprise de préparer un plan viable, à partir de ce à quoi l'Etat client peut s'engager grâce à la loi de programmation militaire que la majorité a votée. Un projet de contrat d'entreprise précisera les montants en cause. Vous avez les chiffres : c'est vous qui les avez votés ! Les salariés qui resteront se voient ainsi garantir le minimum d'activité qui sauvegardera les savoir-faire de l'entreprise. Une fois sa situation financière assainie, GIAT pourra contractualiser avec d'autres entreprises au niveau européen et se développer sur des bases saines. Au lieu de rêver comme les plans antérieurs à d'hypothétiques contrats, nous partons de la réalité, en espérant bien sûr que de nouvelles opportunités s'offriront par la suite.

M. Yves Fromion - Très bien !

Mme la Ministre - Si nous nous préoccupons du devenir à long terme de GIAT, nous n'oublions ni les salariés qui ne seront pas repris, ni les collectivités territoriales. Notre but n'est donc pas de tenter je ne sais quelle man_uvre, mais de tenir l'engagement pris envers les syndicats et la direction pour faciliter la vie des salariés sous décret. L'Etat actionnaire tient ses engagements : les fonctionnaires seront repris au ministère de la défense, les ouvriers sous décret se verront proposer des reclassements dans les fonctions publiques. Je vous demande simplement, avec cet amendement, de lever les obstacles administratifs à ces reclassements. Si vous ne voulez pas le faire, assumez-le devant les salariés sous décret ! En cherchant à les aider, nous n'entendons nullement les opposer aux salariés sous convention collective, pour lesquels sont prévues des aides à la recherche d'un nouvel emploi. Nous avons choisi les meilleures méthodes et veillerons à assurer un traitement individualisé des dossiers.

Les solutions passent aussi par l'aménagement du territoire. Certains établissements seront effectivement fermés et nous recherchons activement des solutions pour aider leurs salariés. Le ministère de la défense procédera donc à des transferts ou réimplantations, en particulier à Roanne et à Tulle. Il est vrai que nous travaillons actuellement, avec les organismes en charge de la reconversion et de l'aménagement du territoire, auprès d'entreprises privées - dont certaines ont des contrats avec le ministère de la défense ou l'Etat - pour développer des activités nouvelles. Je ne peux vous dire aujourd'hui ce qu'il en sera, les discussions n'étant pas achevées ; mais certaines le seront prochainement, et toutes le seront avant la fin des trois ans pendant lesquels va se développer le plan.

Une dernière question a été posée sur le calendrier. Il ne m'appartient pas de le fixer : il sera défini dans la nouvelle réunion entre la direction et les syndicats, qui a lieu aujourd'hui même.

Encore une fois, les deux textes sont différents, mais ils ont le même objet - le statut des ouvriers sous décret - et le même but : offrir à ces hommes et à ces femmes des facilités et une vraie reconnaissance de ce que nous leur devons.

L'amendement 1 rectifié, mis aux voix, est adopté.

TITRE

M. le Président - Je vous rappelle que, conformément aux conclusions de la commission, ce titre est ainsi rédigé : « Proposition de loi relative à la représentation des fonctionnaires, des agents sous contrat et des ouvriers de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale DCN au sein de son conseil d'administration ou de surveillance et de ses instances représentatives du personnel ». Sur ce titre, je suis saisi d'un amendement de M. Vitel.

M. le Rapporteur - La commission croit en effet nécessaire de tirer les conséquences du vote de l'amendement du Gouvernement, en rédigeant le titre comme suit : « Proposition de loi portant diverses dispositions relatives à certains personnels de DCN et GIAT Industries ». C'est l'objet de l'amendement 2.

L'amendement 2, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Le titre de la proposition de loi est ainsi rédigé.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

DÉVOLUTION DU NOM DE FAMILLE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la dévolution du nom de famille.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - La proposition de loi du sénateur Henri de Richemont, adoptée par la Haute Assemblée le 10 avril dernier, en première lecture, a pour objet de remédier aux graves imperfections techniques de la loi du 4 mars 2002 relative à la dévolution du nom de famille.

Il ne s'agit pas de rouvrir un débat de fond sur ce sujet délicat. Les discussions parlementaires de l'an passé, même si elles ont pâti d'une fin de législature trop chargée, ont abouti pour l'essentiel à des solutions équilibrées. Et le vote intervenu a permis de rendre nos règles en matière de dévolution du nom compatibles avec le principe d'égalité des sexes posé par la Convention européenne des droits de l'homme. A la prééminence paternelle et à l'attribution systématique du nom du mari, la loi du 4 mars 2002 a en effet substitué le libre choix par les parents du nom des enfants à leur naissance. Les parents pourront opter entre le nom du père, celui de la mère ou leurs deux noms accolés. En appliquant ce dispositif aux enfants légitimes comme aux enfants naturels, la loi a en outre harmonisé les règles de dévolution du nom, qui ne dépendront plus de la nature du lien de filiation. A titre résiduel, néanmoins, elle a maintenu la règle de dévolution du nom du père en l'absence de choix exprès des parents, intégrant aussi le poids de la tradition.

Mais ce texte, dont l'entrée en vigueur était prévue pour le 1er septembre 2003, risque de se heurter à des difficultés d'application majeures. Sa rédaction souffre en effet de malfaçons, de contradictions et de lacunes, que la présente proposition s'efforce de corriger avec pragmatisme. Tout d'abord, et c'était indispensable, elle diffère l'entrée en vigueur de la loi, elle lui apporte en outre les aménagements techniques indispensables. Prolongeant cette proposition, votre commission des lois vous propose de perfectionner encore ce dispositif, ce qui recueille ma complète adhésion.

L'entrée en vigueur de la loi est reportée au 1er janvier 2005, un peu plus d'un an après la date initialement prévue. On ne peut bouleverser un système hérité de nos traditions, sans prévoir une transition assez longue pour mettre en place les adaptations nécessaires. Le législateur de 2002 a sans doute sous-estimé la durée nécessaire. Certes, dès le vote de la loi, un groupe de travail interministériel a été mis en place pour en préparer l'entrée en vigueur. Mais il a fallu le constater : le calendrier était trop serré au regard de l'ampleur de la tâche. C'est qu'il ne s'agit pas seulement d'édicter les textes d'application qui s'imposent - décret, circulaire, mise à jour de l'instruction générale relative à l'état civil - dont l'élaboration est déjà délicate. Il faut également veiller à ce que les services d'état civil et administratifs soient suffisamment formés pour répondre aux conséquences de la réforme. Puisque le nom figurera désormais dans le corps même de l'acte, de nouveaux modèles d'actes de naissance doivent être élaborés puis enregistrés dans les logiciels de gestion de l'état civil. De même, tous les fichiers informatiques gérés par les administrations doivent être adaptés.

Le report de l'entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 2005 permettra d'appliquer le nouveau dispositif avec la sérénité et la sécurité juridique indispensables. Il ne pénalisera pas les parents. En effet, le champ d'application de la disposition transitoire reste inchangé, de sorte que les parents d'enfants âgés de moins de treize ans au 1er septembre prochain pourront toujours en bénéficier, sous réserve du consentement de l'enfant, lorsque celui-ci aura plus de treize ans à la date de la déclaration de ses parents.

J'en viens aux aménagements apportés par la proposition. Soucieux de remédier aux carences et aux ambiguïtés de la loi du 4 mars 2002, le texte comporte des dispositions essentielles, qui précisent le nouveau régime et faciliteront les démarches des parents. Il rétablit ainsi les possibilités existant actuellement pour les mères non mariées de transmettre leur nom. Le bénéfice de l'option est étendu aux parents français résidant à l'étranger, ainsi qu'à ceux qui acquièrent la nationalité française, alors qu'en l'état ils en sont exclus.

L'exercice de l'option est encadré, par l'instauration d'un principe d'unicité du choix, ouvert aux seuls parents et toujours effectué devant l'officier de l'état civil. Ce choix ne pourra plus être remis en cause, ce qui garantit la stabilité de l'état de l'enfant et l'immutabilité du nom. Corollaire de ce nouveau principe, le Sénat a supprimé avec raison la faculté qui aurait permis aux majeurs, à compter de 2021, d'ajouter, sans avoir à justifier d'un intérêt particulier, le nom du parent qui n'a pas été transmis. Enfin, le nombre de noms conférés à l'adopté, en cas d'adoption simple, est limité à deux, pour éviter l'apparition de noms à quatre vocables intégralement transmissibles.

Votre commission des lois vous propose d'améliorer encore la lisibilité et la cohérence de ce dispositif. Tout d'abord, la référence aux dispositions de la loi du 4 mars 2002, plutôt qu'aux articles du code civil concernés, me semble tout à fait judicieuse ; elle lève toute ambiguïté sur la date d'application des dispositions de la loi.

D'autre part, votre commission apporte des clarifications utiles sur cinq points. En premier lieu, elle vous propose de respecter l'ordre naturel de l'état civil d'une personne en faisant figurer, dans l'acte de naissance, le prénom avant le nom de famille. Les nouveaux modèles d'actes ont déjà intégré cette heureuse modification. Ensuite, elle clarifie les conditions d'exercice de l'option en cas de légitimation de l'enfant. Les parents n'en bénéficieront que si elle ne leur avait pas été ouverte avant le mariage, afin que soit respecté le principe de l'unicité du choix. En outre, la déclaration ne sera prise en compte que si les parents la produisent lors du mariage, ou la font constater par le juge en cas de légitimation post nuptias.

D'autre part, pour ne pas créer de rupture d'égalité entre les familles légitimes et naturelles tout en respectant la spécificité de la filiation hors mariage, votre commission vous propose de limiter la possibilité de changement de nom devant le juge aux affaires familiales au seul cas où les parents naturels n'auront pu faire de déclaration conjointe lors de l'établissement successif des filiations.

Par ailleurs votre commission prévoit d'harmoniser les nouvelles règles de dévolution du nom en matière d'adoption simple, sans distinguer selon que l'adoptant est une personne seule ou un couple marié. Dans les deux cas, l'adoptant pourra choisir le nom de l'adopté qui sera conservé, lorsque celui-ci porte un double nom. A défaut de choix, le premier nom sera gardé.

Enfin, votre commission vous suggère de supprimer la dation de nom, mécanisme qui permet de donner à l'enfant le nom de l'époux de sa mère, ou éventuellement de son père, même sans lien de filiation. Ce mécanisme est quasiment tombé en désuétude, puisqu'on ne compte qu'une quarantaine de cas par an.

Chacun mesure l'importance d'avoir un cadre juridique sûr, clair et intelligible dans un domaine aussi sensible. Votre commission, son rapporteur Sébastien Huyghe contribuent, par la qualité de leurs travaux, à garantir la bonne application de cette réforme. Je les en remercie vivement et je ne doute pas que votre assemblée les suivra (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Sébastien Huyghe, rapporteur de la commission des lois - La loi du 4 mars 2002, qui a voulu remédier à l'inégalité des sexes dans la transmission du nom de famille, a été adoptée in extremis par notre assemblée lors de la dernière séance de la précédente législature, au terme d'une navette parlementaire qu'on a pu qualifier avec humour de TGV, le Sénat ayant examiné le texte en première lecture le 20 février 2002, et l'Assemblée nationale le lendemain en seconde lecture. Cette précipitation nous conduit aujourd'hui à réexaminer ce texte à l'initiative du sénateur de Richemont, qui en avait été le rapporteur au Sénat. S'abstenant sagement de rouvrir un débat sur le fond, il nous propose donc surtout des aménagements techniques pour rendre la loi applicable.

Il s'agit avant tout de reporter son application au 1er janvier 2005 afin de permettre non seulement l'élaboration et la publication des décrets d'application, mais également la refonte de l'instruction générale de l'état civil, qui comporte plus de 700 rubriques, ainsi que des modèles d'actes. Il faut également adapter les logiciels et former les officiers d'état civil.

Toutefois, les dispositions transitoires, qui permettent d'adjoindre au nom des enfants de moins de treize ans celui qui ne leur avait pas été transmis, sont aménagées afin que le report ne déçoive pas les attentes des familles.

Par ailleurs, cette proposition de loi permet de corriger un certain nombre d'incohérences ou d'oublis. Le texte de 2002 ouvre une triple option : nom de la mère, nom du père ou les deux noms accolés, dans l'ordre souhaité par les parents. Il prévoit l'attribution du nom du père en l'absence de déclaration conjointe. La proposition de loi rétablit le principe selon lequel l'enfant portera le nom du parent qui l'aura reconnu en premier lieu. L'enfant naturel pourra ainsi porter le nom de sa mère, alors que la loi du 4 mars 2002 lui conférait systématiquement, en l'absence de déclaration conjointe, le nom de son père. Elle permet également aux parents d'un enfant naturel de choisir son nom dans le cas où l'enfant aurait été reconnu par un des parents avant sa naissance et par l'autre après. La loi du 4 mars avait en effet oublié cette hypothèse.

La proposition permet enfin d'unifier les procédures. Les parents de l'enfant naturel qui l'ont successivement reconnu pourront conjointement choisir son nom devant l'officier d'état civil et non devant le greffier en chef du tribunal de grande instance, qui a déjà fort à faire. Notre pays a le plus grand besoin de ce genre de simplifications. Le texte pose également le principe de l'irrévocabilité du nom de famille en précisant que le choix ouvert par la loi du 4 mars ne pouvait être exercé qu'une fois. Ce principe était en effet remis en cause presque par inadvertance, la loi ouvrant par exemple le choix à nouveau à l'occasion de la légitimation de l'enfant.

C'est au nom de ce principe d'immutabilité du nom, mais également en vertu de celui de l'indisponibilité du nom de famille que la proposition sénatoriale abroge la faculté pour une personne majeure d'adjoindre à son nom celui qui ne lui avait pas été transmis. Je peux comprendre que d'aucuns souhaitent remettre en cause ces principes, même s'ils font partie de notre tradition, mais cette disposition semblait difficilement applicable, voire contestable. Elle était en effet ouverte aux majeurs avant la naissance de leur premier enfant, par une déclaration effectuée auprès de l'état civil de leur lieu de naissance. Mais les services n'ont aucun moyen de vérifier que le déclarant n'a pas encore eu d'enfants ! Ensuite, l'article 311-22 du code civil ne permet l'adjonction d'un second nom qu'aux personnes nées après l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002. Aucun de nous donc, si nous n'avions pas d'enfant, ne pourrait procéder à une telle adjonction, alors même que nos parents n'ont pas pu choisir notre nom de famille, mais les enfants nés après l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars le pourraient, bien que leurs parents aient eu la faculté de choisir ! Les premières adjonctions pourraient avoir lieu à leur majorité, dans 18 ou 19 ans...

La proposition de loi précise par ailleurs les conditions de dévolution du nom de famille de l'adopté simple. Il ne pourra pas porter plus de deux noms, alors qu'il pouvait être affublé de quatre noms en l'état actuel de la loi. Elle précise les modalités de dévolution du nom de famille de l'enfant légitimé, que la légitimation ait eu lieu par le mariage subséquent des parents, post nuptias ou par autorité de justice. Elle prévoit enfin la faculté de choix du nom pour les Français nés à l'étranger, notamment au moment de la transcription consulaire de l'acte de naissance, et règle le cas des enfants dont les parents acquièrent la nationalité française.

Malgré ce texte, la complexité de la loi du 4 mars 2002 ne manquera pas de faire surgir des difficultés d'application. Comment ainsi être sûr que tous les enfants d'une fratrie porteront le même nom, considérant que le livret de famille n'est pas obligatoire pour une filiation naturelle ? Comment assurer l'unité de nom des fratries en cas de modification du nom si certains enfants ont moins de treize ans - leur accord n'est alors pas requis - et si les autres, plus âgés, refusent de donner leur consentement au changement de nom ?

Par ailleurs certaines questions devront être étudiées avec attention. Ainsi, l'égalité entre familles naturelles et légitimes n'est-elle pas rompue si les premières ont la possibilité, par le biais de l'article 334-3 du code civil, de revenir sur le choix initial et pas les secondes ?

De même, il faudra réfléchir à la mise en place d'un registre central des reconnaissances prénatales qui devra être consulté pour chaque déclaration de naissance d'un enfant naturel, afin de ne pas ignorer une reconnaissance, laquelle peut être faite librement dans chacune des 36 000 communes de notre pays. Face à l'éclatement et à la dispersion des familles, il faut également trouver le moyen d'améliorer la lisibilité des registres d'état civil, notamment en indiquant les noms des deux parents sur les tables annuelles et décennales.

Enfin, les parents étrangers devront-ils déclarer leur enfant sous le nom que la législation française leur permet de choisir ou sous celui que peut leur imposer leur législation nationale ?

Il aurait sans doute été plus logique de réformer la filiation, le mariage et le divorce avant le nom de famille, puisque la dévolution du nom est étroitement liée à ces matières. Aussi serons-nous vraisemblablement amenés à modifier à nouveau la loi du 4 mars 2002 à l'occasion des différentes réformes du droit de la famille. Ce n'est qu'à l'issue de cette réflexion que la question de la dévolution du nom de famille pourra être réglée de façon satisfaisante, ainsi que nos concitoyens sont en droit de l'attendre pour un sujet aussi emblématique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy - L'UMP tient à manifester son intérêt pour ce texte et sa satisfaction que la réforme de la transmission du nom de famille puisse être mise en _uvre de façon satisfaisante. La proposition de loi précédente, qui fut la dernière étudiée, et dans quelles conditions ! sous la précédente législature, aurait en effet conduit à une véritable révolution, dans des conditions difficiles.

Le texte que nous examinons est essentiellement technique, mais il fait apparaître toute l'importance qu'il y a à prendre ces questions très au sérieux et qu'il y aurait eu à se donner le temps d'un réflexion globale. Nous sommes en effet face à une question particulièrement délicate. Certes, notre législation doit être mise en conformité avec les obligations européennes, mais la réforme ne doit pas aboutir à des difficultés juridiques et à une complexification du droit.

En ce qui concerne la date d'entrée en vigueur de la réforme, d'aucuns ont soutenu en commission la nécessité de maintenir celle du 1er septembre 2003. Mais soyons sérieux ! Si nous ne reportons pas l'application de la loi du 4 mars 2002 au 1er janvier 2005, ce sont des conséquences gravissimes qui seraient emportées, tant pour les parents que pour les services d'état civil des 36 000 communes de France. La liste des procédures à mettre en _uvre et des principes à respecter est trop importante pour vouloir aller plus vite. M de Richemont a d'ailleurs reconnu qu'il y avait eu précipitation lors de l'examen de la proposition de loi de Gérard Gouzes. Il faut avoir le temps de former le personnel municipal.

Sur le fond maintenant, il s'agit de passer d'une transmission coutumière, non inscrite dans la loi, celle du nom du père, à un libre choix éminemment souhaitable, dans la limite où tous les enfants d'une fratrie portent le même nom. Cette proposition revient sur la possibilité laissée au jeune adulte de modifier son nom, disposition que Gérard Gouzes lui-même n'avait pas voulu retenir.

M. Philippe Vuilque - Contraint et forcé !

M. Guy Geoffroy - Cette disposition remet en cause le principe d'immutabilité du nom de famille.

Il s'agit de suivre l'évolution sociale, mais sans insulter notre histoire, ni des traditions ancrées depuis des générations.

Le groupe UMP adhère donc à la proposition de loi ainsi qu'aux amendements adoptés par la commission.

M. Christian Jacob a rappelé, dans son intervention au Sénat, qu'il prépare avec le Garde des Sceaux une réforme du droit de la famille, visant notamment à mettre en cohérence les mesures disparates adoptées ces dernières années. C'est la meilleure conclusion à notre débat : une réforme permettra en effet une certaine évolution, tout en garantissant l'indispensable sécurité juridique.

M. Philippe Vuilque - Cette proposition de loi n'est qu'une version rectifiée de la loi du 4 mars 2002, qui avait pour but de moderniser le mode de dévolution du nom de famille. Je rends hommage à Gérard Gouzes, initiateur et rapporteur de ce texte, qui répondait à plusieurs objectifs : mettre un terme à la contradiction entre notre droit positif et les normes constitutionnelles et internationales, instaurer une vraie parité entre hommes et femmes dans ce domaine, offrir aux parents la liberté du choix du nom de famille, permettre aux majeurs qui le souhaitent d'adjoindre le nom de leur second parent à leur nom de famille.

C'est avec réticence que la majorité sénatoriale avait accepté cette réforme. Elle a, en contrepartie, imposé qu'en cas de désaccord entre les époux, il faille revenir à « la loi du mari », alors que l'Assemblée entendait prévoir, dans cette hypothèse, la transmission des deux noms, dans l'ordre alphabétique. Pourquoi revenir sur cette disposition ? Si l'ordre alphabétique ne semblait pas une solution satisfaisante, on aurait pu concevoir que le nom de la mère soit accolé à celui du père.

Les sénateurs ont également limité aux enfants de moins de 13 ans la faculté d'adjoindre au nom transmis le nom du second parent et subordonné cette adjonction à l'accord des deux parents, ce qui empêchera les enfants de divorcés qui le souhaitent de reprendre le nom maternel.

L'attitude du Sénat avait été, à l'époque, dénoncée par Mme Zimmermann, membre de notre majorité et actuelle présidente de la délégation aux droits des femmes. Elle avait exprimé le souhait que ces dispositions sexistes soient supprimées lors de la prochaine législature - nous y sommes ! Je m'étonne d'ailleurs de l'absence de Mme Zimmermann aujourd'hui...

Si l'Assemblée a voté conforme le texte modifié par le Sénat, c'était uniquement pour permettre son adoption définitive avant la fin de la législature. M. Gérard Gouzes a accepté ces modifications contraint et forcé !

Vous nous présentez aujourd'hui une nouvelle proposition, votée par le Sénat le 11 avril dernier. Si elle ne remet pas en cause le principe de la réforme et lui apporte même quelques améliorations techniques, elle en amoindrit considérablement la portée sur trois points.

D'abord, elle supprime la possibilité offerte à toute personne âgée de plus de 13 ans d'accoler à son nom de famille le nom du second parent. Pourquoi refuser cette faculté, qui correspond au v_u d'enfants majeurs de retrouver leurs racines maternelles ? En outre, cette disposition est discriminatoire, ce qui n'a d'ailleurs pas échappé au président de la commission des lois. Je présenterai un amendement à ce sujet.

Ensuite, cette proposition rétablit la distinction entre enfant naturel et enfant légitime en ce qui concerne la dévolution du nom de famille. L'enfant né hors mariage portera le nom du parent qui l'aura reconnu en premier. C'est contraire à toute l'évolution récente de notre droit et à l'esprit même de la réforme. Je m'étonne, au reste, que la délégation aux droits des femmes, qui avait été associée à l'élaboration de la loi de 2002, n'ait pas été consultée cette fois.

Enfin, la proposition repousse la date d'entrée en vigueur de la loi, initialement fixée au 1er septembre 2003. Je rappelle que c'est le Sénat qui avait souhaité cette date, alors que le Garde des Sceaux de l'époque proposait celle du 4 mars 2004. Il est étonnant que la même majorité sénatoriale veuille aujourd'hui reporter l'entrée en vigueur de la loi à 2005.

On nous dit que les décrets d'application ne sont pas prêts. A force d'attendre, évidemment, on se trouve contraint de reporter ! On aurait voulu enterrer le dispositif qu'on ne s'y prendrait pas autrement... Le Gouvernement ne semble pas vraiment décidé à assumer la réforme : M. Christian Jacob n'a-t-il pas déclaré récemment que le nom de famille était un héritage et non un choix ? M. Bernard Roman a rappelé, en commission, que l'administration ne s'était guère précipitée pour prendre les dispositions pratiques nécessaires.

Si nos amendements ne sont pas adoptés, nous aurons une réforme tronquée, qui donnera aux pères un véritable droit de veto. Nous ne pourrions cautionner une telle remise en cause (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre-Christophe Baguet - La dévolution du nom de famille revêt un caractère juridique, mais aussi culturel et psychologique. Sa réforme illustre bien l'ampleur de l'évolution de nos sociétés occidentales. La famille traditionnelle n'est plus le modèle dominant, ce qu'à titre personnel je regrette. La famille se décline maintenant au pluriel, et nous devons prendre en compte les autres types de familles qui se sont développés.

Pour autant, une certaine stabilité est nécessaire dans ce domaine, qui ne doit pas être soumis à des chamboulements permanents.

De ce point de vue, le texte respecte un juste équilibre. Comme l'a noté Mme Létard au Sénat, le nom consacre l'identité familiale, sert de lien entre les générations, symbolise l'histoire de la famille et son attachement à un territoire. J'ajoute qu'il est, d'une génération aux suivantes, le vecteur de certaines valeurs. Pour beaucoup, sa transmission importe, comme l'illustrent les réactions, parfois, à l'absence de descendance mâle. L'engouement pour les recherches généalogiques montre, d'autre part, l'attachement de nos compatriotes à leurs racines, cependant que des recherches étymologiques peuvent nous renseigner sur l'histoire et la géographie familiales.

La transmission et la pérennité du nom de famille conservent donc une importance essentielle. L'usage veut que ce soit le nom du père qui soit choisi, et la Révolution a confirmé cette tradition en posant le principe de l'immutabilité du nom, interdisant ainsi de prendre un autre nom que celui qui figure sur l'acte de naissance. Si la loi apporte désormais davantage de liberté, en particulier aux femmes, ne peut-on craindre que cela n'aboutisse parfois à instaurer des rapports de force sur une question qui ne suscitait pas jusqu'ici d'affrontements, la rigidité de la réglementation préservant les familles de tels débats ? N'oublions pas que l'enfant a besoin de stabilité et que ce besoin doit primer sur le désir, parfois ponctuel, des parents.

Malgré cet écueil, le nouveau principe me paraît s'imposer : il ne peut y avoir de vraie liberté sans responsabilité. L'UDF a choisi la confiance.

Cependant, il ne s'agit pas aujourd'hui de rouvrir le débat, mais simplement de corriger certains points de la loi dont l'application pouvait poser problème. Nous sommes favorables à ces aménagements et, en particulier, à la suppression de la possibilité, donnée aux personnes majeures nées avant l'entrée en vigueur de ce texte, d'ajouter à leur nom, avant la naissance de leur premier enfant, celui du parent qui ne leur avait pas transmis le sien. Cette disposition était irréaliste, les services de l'état civil ne pouvant évaluer le nombre des demandes potentielles. Ces modifications pouvaient en outre enlever de la sécurité à l'état des personnes et l'enfant devenu adulte être tenté de remettre en cause cette adjonction.

De même, nous approuvons qu'on offre aux parents le choix de donner à leur enfant soit le nom du père, soit celui de la mère, soit les deux dans la limite d'un par parent. En cas de défaut de déclaration conjointe, c'est le nom du père qui sera transmis et, en cas de déclarations successives, l'enfant prendra le nom du parent à l'égard duquel sa filiation aura été établie en premier lieu - par exemple une mère célibataire.

Le rapporteur a par ailleurs proposé deux amendements de bon sens. Le premier vise à supprimer l'article aux termes duquel, en l'absence de filiation maternelle ou paternelle, la femme du père ou le mari de la mère pourrait conférer son propre nom à l'enfant. Cette pratique serait en effet susceptible d'avoir des effets pervers en cas de divorce : l'enfant se retrouverait avec un nom qui ne serait ni celui de son père ou de sa mère, ni celui de la personne qui l'élève, et pourrait en être fragilisé psychologiquement, voire exposé à une crise d'identité. L'adoption simple serait préférable dans de tels cas.

Le deuxième amendement oblige à mentionner en premier, sur l'acte de naissance, le prénom, plutôt que le nom : voilà qui va apporter un peu de convivialité dans notre état civil ! Puisse cette initiative contribuer à modifier nos comportements et, en particulier, celui de l'administration !

Tout en appelant de ses v_ux un grand débat sur le droit de la famille, le groupe UDF votera donc cette proposition équilibrée, respectueuse de chacun et qui clarifie notablement l'état des personnes (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Mme Muguette Jacquaint - Conformément à la tradition patriarcale et jusqu'à ce qu'entre en vigueur la loi du 4 mars 2002, l'enfant légitime porte le nom du père, l'enfant naturel pouvant seul porter le nom de sa mère, à condition qu'elle l'ait reconnu en premier. Ce simple usage porte la marque d'une conception qui ne correspond plus à la réalité sociale. De plus en plus, l'autorité parentale est exercée conjointement par les deux parents, et la règle actuelle de transmission du nom apparaît désormais comme une discrimination à caractère sexiste.

Sur ce point, la France était très en retard sur les autres pays d'Europe et notre collègue Gouzes a donc déposé une proposition de loi tendant à offrir enfin aux parents le choix du nom qu'ils allaient transmettre à leurs enfants. Nous y étions d'autant plus favorables que nous avions nous-mêmes déposé, en 1997, une proposition similaire et qui prenait en compte l'exercice conjoint de l'autorité parentale. M. Gouzes prévoyait qu'en cas de désaccord entre les parents sur le choix du nom, les deux noms seraient accolés dans l'ordre alphabétique, dans la limite d'un seul nom pour chacun, mais, sur ce point, le Gouvernement de l'époque a cédé, hélas, face aux réticences de certains sénateurs.

Désormais, aux termes de la loi du 4 mars 2002, en l'absence d'accord, l'on reviendra à la primauté masculine et l'on attribuera à l'enfant le nom du père ! La tradition patriarcale l'emporte donc à nouveau !

L'attribution des deux noms accolés dans l'ordre alphabétique eût été plus conforme à l'esprit d'égalité de la loi. Le double nom permet en effet de maintenir la filiation entre un père et son enfant, dont certains craignent qu'elle ne s'affaiblisse, mais il établit en outre une filiation complète, celle-ci étant toujours double.

Certains ont cru que le fait de ne plus transmettre systématiquement le nom du père reviendrait à affaiblir encore son rôle éducatif, mais le père a bien d'autres moyens de tenir celui-ci, surtout depuis qu'a été institué le congé de paternité. La « co-parentalité » doit s'exercer dès les premiers mois de l'enfant, qui a droit à être élevé, à égalité, par ses mère et père.

Par cette affirmation de la co-parentalité, la loi du 4 mars 2002 représente un pas en avant vers une société d'égalité entre les femmes et les hommes. C'est pourquoi nous regrettons, Monsieur le Garde des Sceaux, que vous soyez si réticent à faire appliquer cette mesure symbolique.

La présente proposition, principalement technique, vise au mieux, à corriger certaines imperfections de la loi, mais malheureusement elle en limite aussi certaines dispositions. Ainsi, en son article 2, elle revient sur la possibilité offerte à une personne à qui le nom d'un de ses parents a été transmis en application de l'article 311-21 du code civil, d'y adjoindre en seconde position le nom de son autre parent, dans la limite d'un seul nom de famille. Ce refus du double nom déroge au principe d'égalité, puisque des enfants nés après l'entrée en vigueur de la loi pourraient ne pas avoir le droit de porter le nom de leurs deux parents.

D'autre part, la loi du 4 mars 2002 n'est pas attentatoire au principe de l'immutabilité du nom, puisqu'elle prévoit seulement la possibilité d'ajouter un matronyme ou un patronyme à son nom, ce avant la naissance de son premier enfant et non d'éliminer un nom.

Par ailleurs, aux termes de l'article 23 de cette même loi, les parents pouvaient, dans les 18 mois suivant son entrée en vigueur, demander pour leurs enfants mineurs de moins de 13 ans, nés avant l'entrée en vigueur de la loi, l'adjonction en deuxième position - et non la substitution - du nom du parent qui ne lui a pas transmis le sien. Or vous supprimez cette possibilité, en limitant l'application de la disposition aux enfants nés après l'entrée en vigueur de la loi.

Enfin, vous justifiez le report de l'entrée en vigueur des nouvelles règles de dévolution du nom de famille par les conséquences qu'elle aurait sur les services de l'état-civil. Mais quels moyens le Gouvernement entend-il débloquer pour les réorganiser et pour informer nos concitoyens de leurs nouveaux droits ?

La proposition de loi du sénateur de Richemont vient certes préciser quelques points obscurs de la loi du 4 mars 2002 mais ses principales dispositions la contredisent, alors qu'elle constituait une avancée majeure pour la famille et pour l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est pourquoi le groupe communiste et républicain s'y opposera.

M. Philippe Vuilque - Très bien !

La discussion générale est close.

M. le Président - J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

AVANT L'ART. PREMIER

M. le Rapporteur - L'amendement 1 de la commission vise à modifier l'article premier de la loi du 4 mars 2002 afin que, dans l'acte de naissance, la mention des prénoms précède celle du nom de famille.

L'amendement 1, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER

M. le Rapporteur - Afin d'éviter toute ambiguïté quant à la date d'application des dispositions, l'amendement 2 fait porter les modifications introduites par le présente proposition de loi sur la loi du 4 mars 2002 plutôt que sur les articles du code civil qu'elle crée ou modifie.

L'amendement 2, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Vuilque - Notre amendement 17 tend à revenir sur les dispositions votées en 2002 sous la contrainte du Sénat, aboutissant à donner au père un droit de veto sur le port par l'enfant du nom de sa mère. Nous proposons, comme nous l'avions fait en première lecture de la loi de 2002, qu'en cas de désaccord entre les parents, l'enfant prenne les noms accolés des deux, le nom du père venant en premier. Il faut en effet mettre fin à une discrimination entre les enfants dont les parents s'entendent et les autres.

Mme Muguette Jacquaint - Notre amendement 14 a également pour but de revenir au texte que l'Assemblée avait adopté en première lecture de la loi de mars 2002, afin de respecter tant l'égalité entre les hommes et les femmes que l'égalité entre les enfants. Nous proposons qu'en cas de désaccord entre les parents, l'enfant prenne les deux noms accolés, dans l'ordre alphabétique et dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces deux amendements car cette proposition de loi n'a pas pour but de rouvrir le débat sur le fond, la loi du 4 mars 2002 ayant été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale après les modifications introduites par le Sénat. Au demeurant, il ne faut pas confondre égalité et égalitarisme.

M. le Garde des Sceaux - Défavorable. Mme Jacquaint et M. Vuilque critiquent en fait le texte qu'ils ont bel et bien voté, au moins en seconde lecture. Ils ne doivent pas laisser croire que nous reviendrions sur ses dispositions. Pour notre part, nous ne voulons pas rouvrir le débat, mais améliorer le texte pour le rendre applicable.

Mme Muguette Jacquaint - Certes nous avions adopté le texte de mars 2002, mais en regrettant que le Sénat ait modifié certaines des dispositions proposées par l'Assemblée.

M. Philippe Vuilque - La majorité est bien en train de revenir sur des dispositions qu'elle avait votées, puisque la loi de mars 2002, avait été adoptée à l'unanimité !

Les amendements 17 et 14, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. PREMIER

M. Philippe Vuilque - Notre amendement 18 tend à réintroduire la possibilité, pour toute personne à qui le nom d'un seul de ses deux parents a été transmis, d'y adjoindre en seconde position le nom de son autre parent, cela par déclaration à compter de sa majorité et avant la reconnaissance de son premier enfant.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le choix appartient aux parents, non à l'enfant.

M. Philippe Vuilque - A l'article 8, on prévoit bien de lui demander son avis !

M. le Rapporteur - Deuxième argument : l'officier d'état civil qui recevra la déclaration n'aura aucun moyen de vérifier que l'intéressé n'a pas encore eu d'enfant.

L'amendement 18, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - Notre amendement 15 a pour but d'informer les mères par le biais du carnet de maternité sur les facultés ouvertes par la loi du 4 mars 2002 quant au choix d'un nom de famille.

M. le Rapporteur - C'est une disposition à caractère réglementaire. Avis défavorable.

L'amendement 15, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 2

M. le Rapporteur - Comme précédemment, l'amendement 3 a pour but de modifier la loi du 4 mars 2002 plutôt que les articles du code civil directement.

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 2 ainsi modifié.

ART. 3

M. le Rapporteur - L'amendement 4 a le même objet que le précédent.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 5 vise à supprimer la référence à la dation du nom, que nous vous proposerons tout à l'heure d'abroger.

La dation du nom consiste pour un mari à donner son nom à l'enfant de son épouse n'ayant aucun lien de famille avec lui. Peu utilisée - moins de quarante cas par an -, cette procédure est source de difficultés en cas de divorce ou si la mère n'a pas reconnu son enfant alors que le père, lui, l'a fait - avec le risque de légitimer les mères porteuses.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 3, ainsi modifié.

ART. 4

M. le Rapporteur - L'amendement 6 propose qu'en cas de légitimation, le choix du nom de famille intervienne au moment de la célébration du mariage ou de la constatation par le juge de la légitimation.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 4, ainsi modifié.

ART. 5

M. le Rapporteur - L'amendement 7 tend, comme tout à l'heure, à placer les modifications apportées par le texte dans la loi de 2002 et non directement dans le code civil.

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 5, ainsi modifié.

ART. 6

M. le Rapporteur - L'amendement 8 a le même objet que le précédent.

L'amendement 8, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Vuilque - L'amendement 19 vise à rétablir les dispositions de la loi de 2002 : en cas de désaccord entre les parents, l'enfant naturel dont la filiation est établie successivement à l'égard de ses deux parents prend, par substitution, leurs noms accolés. Le nom du père est automatiquement en première position. En revanche, si les deux parents en sont d'accord, ils peuvent, par déclaration conjointe auprès de l'officier d'état civil, opter pour une substitution de nom de famille ou transmettre leurs deux noms accolés dans l'ordre qu'ils souhaitent.

Je voudrais avoir l'avis du Garde des Sceaux sur la discrimination, que j'ai évoquée, entre les enfants d'un couple qui pourront porter le nom de leurs deux parents et les enfants d'un couple divorcé, qui n'auront pas cette possibilité. Comment justifiez-vous cette différence de traitement ?

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, pour des raisons que j'ai déjà exposées.

M. le Garde des Sceaux - Défavorable. Monsieur Vuilque, la filiation est divisible dans le cas de la filiation naturelle, pas dans celui de la filiation légitime. Il n'y a donc pas de discrimination à mes yeux.

M. Philippe Vuilque - Vous n'avez pas répondu à ma question !

L'amendement 19, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 6 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 6

M. le Rapporteur - L'amendement 9 est de coordination.

L'amendement 9, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 10 vise à abroger la procédure de dation du nom.

L'amendement 10, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

M. le Rapporteur - L'amendement 11 modifie la rédaction de l'article 363 du code civil, s'agissant du nom de la personne qui fait l'objet d'une adoption simple. Il en améliore la lisibilité, et harmonise les règles de détermination du nom selon que l'adoptant est une personne seule ou un couple marié : adopté et adoptant peuvent choisir dans les deux cas, s'ils ont un double nom, les noms conservés. En cas de désaccord ou à défaut de choix, c'est le premier nom de l'adoptant qui s'ajoute à celui de l'adopté, et non l'inverse.

L'amendement 11, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 7 ainsi rédigé.

ART. 8

M. Philippe Vuilque - Par cohérence avec ce que j'ai dit tout à l'heure sur le report de la date d'entrée en vigueur, l'amendement 21 vise à supprimer cet article.

Vous n'avez pas répondu, Monsieur le ministre, à la question que je vous ai posée concernant l'enfant naturel.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. J'ai déjà expliqué que des éléments techniques empêchent d'appliquer la loi au 1er septembre 2003 et que son entrée en vigueur doit par conséquent être reportée au 1er janvier 2005.

L'amendement 21, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 12 est rédactionnel.

L'amendement 12, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 8 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 8

M. le Rapporteur - L'amendement 13 est de coordination.

L'amendement 13, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

ART. 9

M. Philippe Vuilque - L'amendement 22 est défendu.

L'amendement 22, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 16 vise à revenir à la date d'application prévue par la précédente loi. Un délai de 18 mois est suffisant.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Le groupe de travail interministériel mis en place par la Chancellerie a en effet estimé que l'application de la loi du 4 mars 2002 exigeait du temps pour former les officiers de l'état civil, installer les logiciels...

L'amendement 16, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 9, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Vuilque - Je n'ai toujours pas eu de réponse à ma question !

M. le Garde des Sceaux - Ma réponse ne vous convient peut-être pas, mais je vous l'ai donnée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

CHÈQUE-EMPLOI ASSOCIATIF - deuxième lecture -

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la création d'un chèque-emploi associatif.

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle - Je vous prie d'excuser M. Fillon, qui poursuit en ce moment même la concertation sur la réforme des retraites et m'a chargée de le représenter.

Ce texte, dont l'initiative revient à M. Jean-Pierre Decool, est le premier à avoir été inscrit à l'ordre du jour de la « fenêtre parlementaire ». Je salue le travail accompli par les députés, les sénateurs et notamment le rapporteur du Sénat, Mme Desmarescaux.

Le Gouvernement entend, vous le savez, encourager la démocratie locale, la démocratie sociale et une société participative fondée sur l'action collective, le dialogue, la responsabilité et la fraternité - bref : une société citoyenne.

Le Gouvernement se félicite de la vitalité du monde associatif, auquel il rend aujourd'hui un hommage tout particulier. Il entend stimuler cette vitalité, dont notre pays a besoin pour cimenter le pacte social et républicain.

700 000 des 900 000 associations en activité en France n'emploient aucun salarié et misent donc exclusivement sur le dévouement de bénévoles, au nombre de plusieurs millions. Beaucoup d'associations, cependant, doivent s'attacher le concours de salariés quelques heures par semaine ou par mois, mais sont découragées par les formalités administratives : établissement d'un contrat de travail et de fiches de paie, correspondance avec les organismes sociaux.

L'institution d'un chèque-emploi associatif vise à résoudre cette difficulté, en permettant aux associations de bénéficier de concours occasionnels. Pour préserver les droits des salariés et assurer une mise en _uvre rapide du nouveau dispositif, et pour éviter qu'il soit détourné de son objet, les modalités d'utilisation du chèque-emploi associatif ont été très utilement précisées lors de la première lecture dans les deux assemblées. Son usage doit être limité aux petites associations à but non lucratif, et rester facultatif pour le salarié. La question du recouvrement des cotisations devrait être résolue. Il fallait un guichet unique : ce sera l'URSSAF, et cela me paraît justifié.

L'institution du chèque-emploi associatif apportera un « plus » à des centaines de milliers de petites associations. Elle s'inscrit dans l'effort global du Gouvernement pour simplifier les rapports entre les citoyens et les administrations au sens large, c'est-à-dire, incluant les organismes de sécurité sociale. C'est pourquoi le Gouvernement est favorable à l'adoption de ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Decool, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - C'est en août 2002 que j'avais déposé une proposition de loi visant à la création d'un chèque-emploi associatif, que le groupe UMP a choisie pour l'une de ses premières « niches » parlementaires. Notre assemblée l'a votée le 10 octobre 2002. Le 13 mars dernier, nos collègues sénateurs l'ont adoptée avec quelques modifications.

Quel est l'esprit de ce texte ? On connaît la vitalité du monde associatif en France. Il existe environ 900 000 associations, et il s'en crée chaque année près de 70 000. Vingt millions d'adhérents et onze millions de bénévoles participent à la vie du secteur associatif. Celui-ci joue un rôle social majeur, mais aussi un rôle économique puissant : c'est l'un des premiers employeurs de France, et son activité représente près de 50 milliards d'euros, soit 3,5 à 4 % du PIB. Il faut donc encourager l'embauche dans le milieu associatif, et c'est l'objet de cette proposition qui tend à simplifier, pour les petites et moyennes associations, les formalités d'embauche, de paiement, ainsi que de déclarations et de calcul des cotisations sociales.

La proposition s'inspire directement du chèque-emploi service, dont le succès atteste l'efficacité. Par sa simplicité d'utilisation, il a susciter l'afflux d'environ 200 000 nouveaux employeurs, soit la création d'environ 20 000 équivalents temps plein. Ce dispositif méritait d'être élargi aux associations ; on peut prévoit la création de dizaines de milliers d'emplois. Le chèque vaut à la fois contrat de travail, bulletin de paie et moyen de paiement. L'association souhaitant l'utiliser, renverra le volet social aux organismes de recouvrement.

La simplification est une attente forte des Français. Le Gouvernement a été habilité à prendre, par ordonnance, diverses mesures destinées à simplifier leur vie. On pourrait objecter que nous créons un dispositif de plus, ce qui est un alourdissement... Mais en réalité, les associations ont besoin de lisibilité. Ce dispositif leur est spécialement destiné, comme le titre emploi entreprise le sera aux petites et moyennes entreprises.

Les sénateurs ont enrichi le texte en vue d'en assurer une application effective et rapide. Je remercie pour son excellent travail Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur du texte au Sénat. Elle a introduit des modifications techniques judicieuses afin d'éviter que se crée, pour les salariés des petites associations, un « statut au rabais ».

Sans dénaturer son esprit, le Sénat a modifié la proposition sur quatre points.

En premier lieu, les associations, employeurs de droit commun, sont soumises à un ensemble de formalités sociales dont le particulier employeur est exempté. Il convenait donc d'inclure ces formalités que sont la déclaration unique d'embauche et l'inscription au registre unique du personnel dans celles que regroupe le volet social.

Ensuite, les URSSAF ont été désignées comme interlocuteur direct et unique des associations utilisant le chèque-emploi associatif. Il existe certes un dispositif de simplification appelé « impact emploi association » qui permet aux associations de choisir un « tiers de confiance » afin d'accomplir leurs formalités sociales d'employeur. Mais ce système est coûteux, et s'adresse donc aux associations qui emploient plusieurs équivalents « temps plein ». Il ne doit pas être mis en concurrence avec le chèque-emploi associatif. Les associations qui souhaitent utiliser ce dernier bénéficieront gratuitement des URSSAF comme tiers de confiance. Je souligne que cette désignation ne dépossède pas les différents organismes sociaux : les URSSAF transmettront les données à chaque organisme compétent.

Les sénateurs ont notamment pris en compte la situation des salariés des associations affiliés au régime de protection sociale des professions agricoles. Les organismes de recouvrement de ce régime transmettront directement aux caisses de mutualité sociale agricole les données permettant à ces dernières d'assurer la couverture sociale des salariés agricoles.

Le Sénat a supprimé d'autre part le principe d'un allégement de charges. Les associations bénéficient en effet des mêmes allégements que les autres employeurs. Ainsi, à compter du 1er juillet 2003, elles bénéficieront de l'allégement Fillon, applicable aux salaires inférieurs à 1,7 fois le SMIC : il représentera, au 1er juillet 2005, au niveau du SMIC, environ 85 % des charges patronales. Et les associations peuvent le cumuler avec d'autres, propres aux contrats emploi-jeunes en entreprise, aux contrats emploi solidarité et aux contrats emplois consolidés.

Le Sénat a par ailleurs fixé au 1er janvier 2004 la date d'entrée en vigueur de ce dispositif. Cela permettra aux autorités administratives de définir ses conditions d'application et de lui assurer toute la publicité nécessaire. Enfin, en séance publique, un article 3 a été ajouté afin de créer un « chèque emploi jeune été » pour faciliter les emplois saisonniers des étudiants. Il revient au Gouvernement d'en fixer par décret les conditions de mise en _uvre.

C'est le texte ainsi modifié que je vous soumets. Il représente un grand pas en faveur de la vie associative française (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Christophe Masse - Si ce texte a un mérite, c'est bien de porter un regard pratique sur un secteur qui joue un rôle central dans la vie de la cité. Je me réjouis de m'exprimer ici dans l'intérêt de tous ceux qui _uvrent dans ce secteur. Faut-il rappeler la densité du tissu associatif, avec 900 000 associations, la diversité de ses activités, et le développement exponentiel que lui donnent ses 70 000 créations annuelles ? On ne peut que se féliciter du chemin parcouru depuis la loi de 1901 !

Le secteur associatif joue un rôle économique majeur. C'est l'un des premiers employeurs de France. Il contribue à l'emploi des femmes et représente un atout majeur dans la politique paritaire. Un Français sur quatre lui donne de son temps, et parfois de son argent. Car chacun est conscient de la viabilité bien précaire de nombreuses associations, en particulier les plus petites. L'altruisme de leurs protagonistes ne suffit pas toujours à en assurer la survie...

La proposition vise à simplifier l'embauche par les associations et les formalités qui lui sont liées. Il faut remercier le rapporteur, ainsi que le président de la commission, pour avoir inscrit à notre ordre du jour l'examen de ce dispositif.

Si cette mesure tente de répondre aux attentes légitimes des associations, elle soulève toutefois des interrogations, notamment sur l'encadrement juridique du dispositif. Et elle est loin de combler le déficit de personnels et de crédits que le Gouvernement continue de creuser.

Nous avons aussi le devoir de souligner le caractère incomplet de cette proposition vis-à-vis de la convention collective de référence, et compte tenu de la diversité des activités et des emplois visés. M. Fillon avait évoqué une sorte de « convention à la carte » mais c'est s'engager dans une complexité démesurée, contraire à l'objectif de simplification du texte. Et cela suscite bien des inquiétudes quant aux droits sociaux des salariés, si l'on considère la disparité de leurs profils et leur difficulté à faire valoir leurs droits.

Les auteurs de la proposition ont également évoqué la possibilité de favoriser l'octroi d'aides du FNDS et du FONJEP aux associations qui feront usage du chèque-emploi associatif. Mais le FNDS a pour vocation essentielle de subventionner les collectivités, clubs et associations sportives les plus dépourvus ; et ses ressources, n'étant pas extensibles, ne sauraient s'étendre à tous les secteurs associatifs - d'autant que le Gouvernement envisage de réduire le plan sport-emploi et les crédits de Profession Sport.

Le texte initial proposait à juste titre un abattement de charges sociales pour les associations utilisatrices du nouveau dispositif. Il est regrettable qu'il n'ait pas été retenu par le Sénat, conformément au souhait de M. Fillon, au motif que les associations bénéficient déjà de certains abattements. Mais ces derniers ne concernent que les bas salaires, notamment les CES et CEC. Or, certaines associations doivent faire appel à des professionnels qualifiés, par exemple des entraîneurs sportifs diplômés : elles ne bénéficieront d'aucun abattement sur leurs salaires. C'est pourquoi nous vous demandons à nouveau de rétablir cet abattement.

Il est également regrettable que le Gouvernement ne poursuive pas l'engagement, pris par son prédécesseur, de doubler le Fonds national de développement de la vie associative. Celui-ci finançait la formation des bénévoles. Ses subventions ont été réduites de 4,5 millions d'euros, sans réelle réflexion de fond sur le statut du travailleur bénévole. Le chèque-emploi associatif ne sert-il pas finalement de cache-misère, comme dans l'éducation nationale les assistants d'éducation de M. Ferry servent de rustines pour colmater le démantèlement des emplois d'aides éducateurs ? (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Enfin, je dois évoquer la réduction drastique et irresponsable des emplois créés sous la précédente législature dans le secteur associatif : emplois-jeunes, CES et autres contrats aidés. Ces emplois apparaissaient de plus en plus indispensables à la collectivité, et répondaient à des besoins sociaux. Les emplois-jeunes assuraient à beaucoup de jeunes une première expérience professionnelle ; CES et CEC permettaient une vraie réinsertion professionnelle, sinon sociale. Ces emplois contribuaient largement à l'insertion des jeunes ; leur pérennité était certes à étudier, mais c'est un non-sens que de les supprimer.

La présente proposition de loi étend, à l'initiative du Sénat, le dispositif aux emplois saisonniers d'été pour les jeunes, dans des conditions définies par décret. Nous sommes nombreux à attendre des précisions sur les critères de choix des bénéficiaires et sur la nature des décrets. En outre, les jeunes travaillent également pendant les autres saisons. Ne pourrait-on instaurer plutôt des « chèques emploi jeune vacances scolaires »? En fait, sous couvert de simplification, n'est-on pas en train de cultiver les petits emplois précaires, au détriment des emplois à moyen et long terme ? Que proposez-vous pour canaliser cette dérive inévitable ?

Ce dispositif est certes louable en ce qui concerne la simplification administrative, mais il demeure ponctuel et homéopathique. Il n'a d'autre ambition que de faire oublier la suppression des emplois jeunes, véritables poumons du monde associatif, la compression des subventions, notamment dans le domaine du sport, et de donner l'illusion que vous agissez alors que vous faites tout pour raréfier l'oxygène des associations. Il intervient dans le cadre d'une régression de la politique de l'emploi, dans un contexte défavorable au monde associatif et, plus généralement, à l'emploi. Il aurait été préférable qu'il vienne renforcer le dispositif d'aide à l'emploi associatif du gouvernement Jospin, plutôt que de s'y substituer. En outre, il ne répondra en rien aux difficultés financières que connaissent 85 % des associations. Le groupe socialiste, qui reste toujours attentif aux attentes du monde associatif, ne peut souscrire à de telles orientations, et adoptera donc une position d'abstention (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Raoult remplace M. Salles au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

M. Gilles Artigues - Comme le rapporteur, je sens sur mes épaules le poids des 900 000 associations de notre pays et de leur million de salariés, et je sais combien la mesure que nous allons voter est importante pour elles. Je pense aux bénévoles qui se dévouent sans compter, que ce soit dans le secteur sanitaire et social, le plus important, dans le sport ou dans la culture. Je pense à tous ces jeunes qui viennent voir les élus avec un projet en mains, et à qui nous conseillons de créer une association, car c'est une bonne école de citoyenneté et de démocratie. Mais les bénévoles, aussi pleins de bonne volonté soient-ils, n'ont pas toutes les compétences requises. C'est pourquoi ils doivent recourir à des salariés.

Le chèque-emploi associatif reprend le dispositif du chèque emploi service, qui a fait ses preuves. Il correspond aux attentes des petites et moyennes associations : régler des vacations de manière souple et simplifiée. Il va dans le sens de ce pour quoi le Gouvernement a été habilité, voici peu, à prendre des ordonnances, et permet de lutter contre le travail au noir. Le Sénat a adopté des mesures importantes pour qu'il entre en vigueur au 1er janvier 2004 et que l'URSSAF devienne l'interlocuteur unique des associations.

Cela dit, sans doute le dispositif concernant les emplois estivaux d'étudiants devrait-il être étendu aux autres vacances. Par ailleurs, il conviendrait peut-être de revoir la limite d'un emploi équivalent temps plein ; le sujet mérite en tout cas discussion.

L'UDF se fait l'écho des inquiétudes des associations quant à leur financement. La politique de la ville va en effet être réorientée de façon à favoriser l'investissement ; les dépenses de fonctionnement seront donc davantage à la charge des collectivités locales, lesquelles connaissent déjà des difficultés. Nous voudrions également être rassurés quant aux gels de crédits annoncés pour le FASILD.

Les nouveaux contrats, qui remplacent les emplois jeunes, ont connu un bonne publicité pour le volet « entreprise ». Il serait nécessaire d'en parler davantage pour ce qui concerne les associations. Nous attendons également beaucoup du contrat d'initiative à la vie sociale, qui a été promis lors de la campagne présidentielle.

L'UDF votera cette proposition de loi sans rien y changer, car il faut qu'elle entre rapidement en application. Elle demande cependant un débat plus large sur la modification de la loi de 1901 et propose également de réactiver les assises de la vie associative. Elle compte prendre toute sa part dans ce débat car les associations sont vitales pour la cohésion sociale dans nos quartiers (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Muguette Jacquaint - Le texte qui nous revient du Sénat a été fort peu modifié, ses vertus comme ses manques demeurent donc. Le chèque-emploi associatif ne vous rendra pas quittes pour autant de la reconnaissance que les associations attendent et méritent. Ce n'est pas de déclarations d'amour qu'elles ont besoin, mais de preuves d'amour ! Or les récentes décisions budgétaires ne sont pas pour les rassurer. Les gels et les annulations de crédits touchent en particulier les budgets de la jeunesse, de l'éducation et de la recherche. Les associations d'éducation populaire risquent de devoir revoir l'ensemble de leurs projets à la baisse. Les crédits d'intervention du FASILD et ceux de la politique de la ville diminuent également, alors que les associations qui en bénéficient sont indispensables au développement du lien social.

Le chèque emploi associatif répond à une forte demande des associations. Toutefois, le volet des droits sociaux est indigent, alors que, même à temps très partiel, le salarié devrait bénéficier d'une protection maximale. Il faudra rester vigilants quant à la pratique et quant aux bénéficiaires des chèques. Nous souhaitons donc que le Gouvernement s'engage à donner à la représentation nationale, après une ou deux années, des éléments d'évaluation.

L'absence de convention collective de référence fragilise le salarié face à son employeur. La convention de rattachement de l'association employeuse ne pourrait-elle lui être applicable ? Cela pourrait être également le cas de la caisse de retraite de rattachement. Le flou maintenu dans le texte répond à votre volonté d'exonérer les employeurs du maximum de charges. C'est louable si l'on prend en considération la situation actuelle des associations, mais, à terme, nombre d'entre elles voudraient employer des salariés normalement rémunérés, avec des conventions collectives de rattachement.

Pour cela, il faudrait que l'Etat et les collectivités locales abandonnent la logique de l'aide au projet, qui prévaut trop systématiquement sur l'aide au fonctionnement. Les associations ont bien autre chose à faire que de courir après les subventions. Elles devraient bénéficier de financements pluriannuels et d'une aide au fonctionnement, voire d'une baisse de la TVA sur l'investissement. Hélas, ce n'est pas dans les intentions du Gouvernement et de sa majorité, qui croient, malgré le contexte actuel et le chômage galopant, que le marché peut tout réguler.

Les activités associatives ne relèvent pas toutes du secteur concurrentiel ! Elles ont des projets et des méthodes différents. Pourtant, certaines collectivités n'hésitent pas à les mettre en concurrence avec le secteur marchand, au détriment de la qualité du service, notamment dans le domaine des loisirs des jeunes...

Les associations ne sont pas des pis-aller, auxquels recourir quand le service public est absent et que le secteur marchand n'est pas intéressé. Elles naissent d'un projet collectif. Il faut respecter leur indépendance, et leur inventivité, et les aider. Cette proposition ne correspond qu'à une partie de leurs besoins, tandis que dans le même temps, vous supprimez des CES ou des CEC et que les emplois jeunes vont devenir le plus grand plan de licenciement de l'histoire récente !

Nous nous abstiendrons donc, d'autant que le texte est entaché du vice originel de n'avoir donné lieu à aucune concertation avec le Conseil national de la vie associative, ni avec la conférence permanente des coordinations associatives, ni avec les grandes coordinations associatives.

Mme Muriel Marland-Militello - Votre texte a suscité beaucoup d'enthousiasme et quelques réserves.

C'est un signe fort de reconnaissance pour des milliers de petites associations de proximité, qui n'ont pas la possibilité de venir nous voir à Paris.

Madame Jacquaint, notre groupe d'études sur la vie associative a rencontré les représentants des grandes associations et, contrairement à ce que vous semblez penser, elles se félicitent de ce texte. Mais elles n'ont pas, il est vrai, les mêmes difficultés que les petites associations.

Pour celles-ci, qui sont menacées dans leur survie même, ce texte est aussi un cri d'alarme. La plupart ont des problèmes d'argent et de personnel, elles ont du mal à respecter des règles qu'elles comprennent mal. On s'engage dans une association parce qu'on a un idéal, une volonté de partage et on passe les trois quarts de son temps à effectuer des démarches administratives, à essayer de comprendre le droit du travail, à trouver de l'argent... Alors l'engagement faiblit, les bénévoles se démotivent, les actions se réduisent et les chances de subvention aussi.

Vous avez voulu, chers collègues, briser ce cercle vicieux et je vous en remercie. Le chèque-emploi associatif est exactement adapté à la situation spécifique des petites associations, et il est important de le réserver à celles qui n'emploient pas plus d'un équivalent temps plein. Ce sont elles, en effet, qui ont le plus besoin d'être soutenues par la solidarité nationale.

L'efficacité du dispositif dépendra de sa simplicité d'utilisation. Le fait de désigner l'URSSAF comme interlocuteur direct et unique est un grand bond en avant.

Les associations attendent cette mesure avec impatience, car elle leur permettra non seulement de recruter des salariés, mais aussi de défrayer leurs bénévoles.

Le dispositif permettra aussi une meilleure connaissance quantitative et qualitative du secteur associatif. Tous les chiffres dont nous disposons sont en effet très approximatifs, car si les associations doivent déclarer leur création, elles ne sont pas obligées de signaler leur disparition... J'ai eu connaissance de cas où des subventions ont été attribuées à des associations qui étaient en sommeil ou même n'existaient plus. Le chèque-emploi associatif facilitera l'évaluation du nombre et de l'activité réelle des associations, et donc la juste attribution des subventions.

Les modifications apportées par le Sénat me semblent très opportunes. Seule réserve de détail : il conviendrait d'étendre le dispositif pour les étudiants à toutes les périodes de vacances.

Mais l'important, c'est que ce texte entre en application dès le 1er janvier 2004. Il est grand temps de reconnaître et soutenir le sens du partage et l'amour des autres qui sont à la base de l'engagement associatif.

A nous, maintenant, de demander aux collectivités locales de nous suivre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Liebgott - Ce texte répond à des intentions nobles, auxquelles nous pourrions souscrire, sous réserve de quelques modifications.

Nous souhaiterions que le chèque-emploi associatif ne soit qu'une étape : il incite en effet à créer des emplois de courte durée et à temps partiel, porteurs d'une certaine précarité. Il faudrait donc le compléter par des dispositifs plus solides. Il serait notamment primordial de généraliser le système du groupement d'employeurs. On peut s'interroger également sur l'extension du dispositif à d'autres employeurs que les associations.

L'idée d'un statut du volontariat dans les associations, en particulier dans les centres de loisirs, est-elle abandonnée ou reste-t-elle à l'étude ?

Mais notre préoccupation principale, c'est que ce texte est en réalité l'arbre qui cache la forêt. Dans les associations, en particulier dans les plus grandes, l'angoisse et la consternation dominent aujourd'hui, du fait de la suppression des emplois aidés. Le retour à l'inactivité, même indemnisée, des titulaires de ces postes, aura des conséquences catastrophiques, car le CES était jusqu'ici le premier débouché des RMistes. Et on n'a pas encore vu le pire, car les principaux départs auront lieu en 2004 et 2005 !

Pour ne citer qu'un exemple, dans ma commune, déjà durement touchée par la fermeture d'une unité du groupe Daewoo, la disparition des CES, des CEC et des emplois-jeunes frappera 170 personnes, soit autant que le nombre de postes supprimés par la multinationale coréenne !

Le travail de ces personnes était-il si inutile ? Ce n'est pas mon sentiment, ni celui d'autres élus qui ont utilisé ces contrats aidés. On nous répond que le tir a été rectifié, que 100 000 CES supplémentaires sont prévus : mais si les critères d'embauche ne sont pas assouplis, la grande majorité des bénéficiaires actuels sortiront du dispositif. Au-delà des drames humains, ces suppressions vont entraîner un transfert de responsabilités vers les collectivités locales, qui seront obligées de créer de nouveaux postes de fonctionnaires ou d'augmenter les crédits des CCAS.

Simplifier les recrutements pour quelques heures de travail par semaine est une bonne chose. Mais ce texte sur lequel le groupe socialiste s'abstiendra, n'est qu'une goutte d'eau par rapport aux attentes du monde associatif, qui souhaite avant tout le maintien des dispositifs antérieurs : ils ont fait leurs preuves dans cette République de proximité, dont le Gouvernement ne parle tant que pour mieux l'étouffer.

M. Gérard Charasse - J'ai déjà dit mon adhésion à ce texte et je m'étendrai surtout sur les modifications apportées par le Sénat.

Les radicaux de gauche ont voté cette proposition en première lecture pour au moins deux raisons. D'abord, c'est un texte d'initiative parlementaire : nous voilà donc dans notre rôle, et c'est rafraîchissant au moment où le Gouvernement explique publiquement et par le menu les lois qu'il fera voter, alors que nous n'en sommes pas encore saisis...

En second lieu, ce texte a le mérite de s'adresser à nos 900 000 associations, dont le budget cumulé représente 4 % du PIB et qui emploient 1,2 million de salariés, et particulièrement aux plus petites d'entre elles, dont les subventions ne se chiffrent qu'en dizaines d'euros.

Les modifications effectuées par le Sénat sont au nombre de sept. En ce qui concerne l'obligation de rédiger un contrat de travail, je suis réservé sur sa suppression : nous ne sommes pas ici dans le cadre des chèques emploi-service et il peut se poser des problèmes de responsabilité qui relèvent du contrat et qui, en l'absence de celui-ci, seront tranchés par les tribunaux.

En revanche, je n'ai pas d'objection majeure à la dispense des formalités d'embauche : la mesure est conforme à l'esprit du dispositif.

Il en est de même du guichet unique pour les déclarations, ainsi que pour le calcul et le versement des cotisations et contributions sociales. Le rôle des URSSAF étant explicitement précisé, la loi gagne en clarté.

En première lecture, nous nous étions interrogés sur la date d'application. Un texte d'origine parlementaire doit ne laisser aucun doute sur la réalité de cette application, mais il convient aussi de laisser aux organismes le temps de s'organiser. La date du 1er janvier 2004, prévue à l'article 2, me semble un bon compromis.

A l'article 3, l'extension du dispositif mis au point par les sénateurs de Raincourt et Carle au chèque emploi jeune été vise à faciliter l'emploi saisonnier des étudiants. J'y souscris, à ceci près que le terme « été » manque de précision juridique et que les étudiants peuvent souhaiter travailler à d'autres périodes de l'année. La loi doit être bien rédigée, pour ne pas laisser aux juridictions le soin de faire l'exégèse de nos travaux.

Enfin, il ne me semble pas raisonnable de supprimer aux associations utilisatrices le bénéfice de l'allégement spécifique de cotisations sociales patronales, au motif que la loi du 17 janvier dernier a refondu les allégements de cotisations. Nous ne sommes pas dans le même cas : les associations ne se comportent pas du tout comme les ménages et les plus petites surtout ont besoin d'un avantage financier. Je souhaiterais donc que cette exonération soit rétablie, quitte à la moduler pour la rendre compatible avec la loi du 17 janvier.

Du sort qui sera réservé à ces observations dépendra bien évidemment notre vote.

La discussion générale est close.

M. le Président - J'appelle, dans le texte du Sénat, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique.

Les articles premier à 3, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Mme Muguette Jacquaint - Sur l'ensemble du texte, nous nous abstiendrons.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je suis heureux et fier de ce vote par lequel la représentation nationale apporte une juste reconnaissance à près d'un million d'associations et dix millions de bénévoles. Je remercie M. Decool pour l'énergie qu'il a déployée en faveur de ce beau texte, si simple : la commission a été très heureuse de l'accueillir temporairement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous aurons donc une loi Decool !

Prochaine séance mardi 13 mai, à 9 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 5.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MARDI 13 MAI 2003

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Débat sur l'assurance maladie et la politique de santé.

2. Fixation de l'ordre du jour.

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Discussion du projet de loi (n° 758) relatif à la chasse.

    M. Jean-Claude LEMOINE, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

(Rapport n° 821)

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

    www.assemblee-nationale.fr


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