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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 6ème jour de séance, 14ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 14 OCTOBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

PLANS SOCIAUX ILLÉGAUX 2

RÉFORME DU DROIT DES ENTREPRISES
EN DIFFICULTÉ 2

ASSURANCE MALADIE 3

CHAÎNE D'INFORMATION INTERNATIONALE 4

RÉNOVATION DU DIALOGUE SOCIAL 4

CONVOYEURS DE FONDS 5

POLITIQUE ÉCONOMIQUE DU GOUVERNEMENT 6

AVENIR DE L'ASSURANCE MALADIE 6

VIOLENCE EN MILIEU SCOLAIRE 7

POLITIQUE DU LOGEMENT 8

MÉDIATION FAMILIALE 8

POLITIQUE DE SANTÉ EN MILIEU RURAL 9

POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE
(suite) 9

EXPLICATIONS DE VOTE 9

LOI DE FINANCES POUR 2004 13

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 26

ERRATUM 42

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

PLANS SOCIAUX ILLÉGAUX

M. Jacques Desallangre - Monsieur le ministre des affaires sociales, la cour d'appel d'Amiens vient de confirmer, après quatre ans de lutte opiniâtre des salariés, l'illégalité du plan social et de licenciement de Michelin Wolber à Soissons pour absence de cause réelle et sérieuse. Cela aurait dû conduire à la réintégration des salariés injustement jetés à la rue si Michelin ne s'était empressé de détruire l'usine. Pour contrecarrer les plans des patrons voyous, pour éviter la mise en échec du droit à réintégration des salariés, j'avais proposé, par les amendements dits « Wolber », que le juge puisse être saisi de la légalité des licenciements avant que la situation ne devienne irréversible. S'ils avaient été adoptés, les 451 salariés licenciés par Wolber auraient pu faire valoir leurs droits et retrouver leur emploi. Dans la même perspective, nous avons proposé de responsabiliser financièrement les actionnaires afin qu'en cas de licenciement abusivement qualifié d'économique, ils réparent les préjudices causés par leur faute.

Le conseil d'analyse économique vient de proposer de taxer les entreprises qui licencient en avançant un prétexte économique.

M. le Président - Pourriez-vous écouter M. Desallangre ? Un grand nombre de nos collègues me font signe qu'ils n'entendent pas...

M. Jacques Desallangre - Hélas, cette proposition exonère les entreprises de leurs responsabilités par un très banal mécanisme assurantiel. Le choix vous est donc offert : vous pouvez alléger encore les plans dits sociaux ou bien prêter attention à notre proposition : sanctionner ceux qui, sous couvert de motifs économiques, ne visent qu'à accroître les salaires des grands patrons et les dividendes des actionnaires. Si vous écartez la proposition d'inspiration libérale du Conseil d'analyse économique, si vous choisissez notre mesure de lutte contre les licenciements boursiers, vous gouvernerez pour tous les Français et non plus pour les plus favorisés (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - L'arrêt de la cour d'appel d'Amiens ouvre un droit à réintégration et à indemnité aux salariés en raison de l'insuffisance du plan social et de son motif. On ne peut que s'en réjouir pour les personnes concernées.

Sans commenter plus avant cette décision de justice, je m'interroge. Est-il raisonnable qu'un délai aussi long s'écoule entre la procédure de licenciement, la fermeture de l'usine et la décision de justice qui statue au fond ? La solution de la réintégration a-t-elle un sens à l'égard d'une entreprise qui a disparu ? Quelle place doivent occuper les négociations entre partenaires sociaux à côté des procédures juridictionnelles ?

Nous avons souhaité qu'une négociation interprofessionnelle s'engage sur ce sujet à la suite de la suppression des articles de la loi de modernisation sociale. Le Parlement devra en être saisi avant la mi-2004.

Personnellement, je pense que le droit du licenciement doit faire, comme partout en Europe, davantage de place à la négociation pour que ces moments difficiles deviennent moins conflictuels et plus respectueux des personnes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RÉFORME DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

M. Philippe Houillon - Monsieur le Garde des Sceaux, vous avez annoncé dimanche soir le lancement d'une concertation sur un projet de réforme du droit des entreprises en difficulté. Au moment où les procédures collectives semblent trouver leurs limites, votre projet tombe à point nommé.

Actuellement, le chef d'entreprise doit attendre la cessation des paiements pour bénéficier du redressement judiciaire. L'initiative du dépôt de bilan est souvent encore plus tardive. De ce fait, neuf entreprises sur dix sont liquidées. La procédure est souvent longue - quatre ans en moyenne pour une liquidation judiciaire. Sur 185 000 dossiers en cours, 4 500 datent ainsi d'avant la réforme de 1985.

L'enjeu économique et social du droit des faillites est pourtant majeur : les 59 000 dossiers ouverts chaque année concernent environ 150 000 salariés et un tiers des plans sociaux résultent d'un dépôt de bilan.

Vous proposez deux axes de réforme : l'anticipation des difficultés et un traitement plus rapide des liquidations inévitables. Pouvez-vous nous indiquer comment vous traiterez la délicate question des créances publiques ou sociales, qui pèsent lourdement sur les entreprises en difficulté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - La loi de 1984 est aujourd'hui dépassée : même modifiée, elle ne permet pas de régler les difficultés puisque neuf entreprises sur dix vont à la liquidation. On manque de capacité d'anticipation.

Le premier mot clé du projet de loi qui sera présenté au Conseil des ministres en janvier est donc : anticiper, c'est-à-dire permettre aux chefs d'entreprise de rechercher, sans attendre la cessation de paiement, un accord amiable avec les créanciers et les fournisseurs. Si cela ne suffit pas, nous envisageons un redressement judiciaire anticipé. Troisième élément de l'avant-projet de loi : la simplification des liquidations. Pour les 90 % d'entreprises liquidées qui sont des PME, la procédure ne doit plus excéder un an.

Autre volet important : les professions libérales, qui ne bénéficient pas aujourd'hui d'une procédure collective. Enfin, il est indispensable que le créancier public ait une obligation d'avertissement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ASSURANCE MALADIE

Mme Catherine Génisson - Monsieur le Premier ministre, votre ministre de la santé a eu l'honnêteté de reconnaître que le déficit de la sécurité sociale est abyssal. Cela est sans précédent. Lorsque ce même ministre a défendu le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, il a banni de son discours la nécessaire maîtrise des dépenses de santé.

Les deux tiers du déficit sont liés à votre désastreuse politique (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et un tiers au fait que vous avez laissé filer les dépenses au détriment des seuls usagers : nouveau mode de remboursement des médicaments, coût des visites à domicile, et demain, forfait hospitalier. Pourtant, vous observez aujourd'hui le plus total mutisme sur les mesures envisagées. Hier vous avez installé le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Votre discours est ambigu et inquiétant : vous évoquez « le juste équilibre entre ce qui relève de la solidarité nationale et ce qui relève de la responsabilité personnelle ». Ce Haut Conseil est-il un lieu de concertation ou une simple chambre d'enregistrement de l'ouverture de l'assurance maladie au secteur privé ? (« C'est ça ! » sur les bancs du groupe socialiste). S'il en était ainsi, c'est le pacte républicain qui serait menacé. Combien les Français devraient-ils donc payer eux-mêmes pour continuer à être soignés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Soyez rassurée, la position du Gouvernement sur l'assurance maladie est claire. Le Premier ministre l'a rappelé hier : il n'y aura ni étatisation, ni privatisation.

Il ne suffit pas plus de crier au loup pour le voir arriver que de crier à la privatisation pour qu'elle surgisse : votre crainte récurrente n'est pas fondée. Le taux de remboursement est d'ailleurs passé de 76 % en 1985 à 78 % aujourd'hui (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Au demeurant, ni les systèmes privatisés, ni les systèmes étatisés n'ont prouvé leur efficacité. Nous sommes donc profondément attachés à notre système à la française, et notre objectif est de défendre son principe fondateur : chacun contribue à proportion de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP). Notre système connaît certes des difficultés liées au vieillissement, au progrès de la médecine et à la recherche d'une meilleure qualité de vie. Aussi avons-nous installé le Haut Conseil. C'est ensemble que nous avons fondé la sécurité sociale en 1945, c'est ensemble que nous devrions participer à sa refondation. Cela nous honorerait les uns et les autres (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF).

CHAÎNE D'INFORMATION INTERNATIONALE

M. François Rochebloine - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et concerne le projet de chaîne d'information internationale. En décembre a été créée une mission d'information commune de la commission des affaires culturelles et de la commission des affaires étrangères. Le 14 mai, elle a rendu ses conclusions, approuvées à l'unanimité de ses membres. Si le groupe UDF soutient naturellement ce projet, qui contribuera au rayonnement de la France, il est perplexe sur ses modalités de réalisation. Nous posons donc trois questions. Comment le Parlement pourrait-il accepter que les décisions prises aillent à l'encontre des propositions de la mission d'information qu'il a créée spécialement à cette fin ? Comment les Français pourraient-ils accepter de financer à 100 % une chaîne dont la diffusion sera interdite en France et dont un groupe privé détiendra 50 % des parts ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste) Comment imaginer enfin que le CSA, organe compétent pour nommer les présidents des chaînes publiques et veiller au respect de leurs obligations de pluralisme, soit totalement exclu de cette opération ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication - Le travail de votre mission d'information a contribué à accélérer le passage de la réflexion à la décision. Cela fait vingt ans qu'on parle d'une chaîne d'information internationale et que des projets sont esquissés sans jamais aboutir, ensevelis sous les querelles de personnes, les polémiques institutionnelles, les difficultés de financement... Aujourd'hui ce projet va se réaliser. La création de la chaîne répond à la volonté du Président de la République et du Premier ministre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Plusieurs députés socialistes - Ce n'est pas la question !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication - Le rapport confié par le ministre des affaires étrangères à M. Baudillon, celui de votre mission d'information, sans oublier celui qu'a demandé le Premier ministre à votre collègue M. Brochand, nous donnent des éléments d'appréciation et de décision utiles et complémentaires. La conclusion à laquelle est parvenu le Gouvernement à la suite de ces travaux consiste à associer les deux principaux groupe de télévision : la télévision publique et la principale société de télévision privée. Ce partenariat offre la garantie du savoir-faire, du plus large choix possible d'images et d'une grande qualité des choix rédactionnels. Mais beaucoup reste à faire : le Premier ministre a souhaité prolonger la mission de M. Brochand, et le Parlement sera associé à la suite de la réflexion (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP ; huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

RÉNOVATION DU DIALOGUE SOCIAL

Mme Chantal Brunel - Travailler moins et gagner autant : voilà le miroir aux alouettes que le précédent gouvernement a imposé à tous, sans dialogue social et au mépris de la réalité du terrain. Le bilan financier et social est lourd (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). La compétitivité de nos entreprises s'est trouvée gravement atteinte, avec d'importantes conséquences pour l'emploi.

Aujourd'hui, nous constatons que le dialogue social peut donner des résultats exemplaires : je pense à l'accord interprofessionnel sur la formation professionnelle, fondamental pour nos salariés et notre économie. Mais nos règles de négociation collective, qui datent de plus de trente ans, ne favorisent pas la culture du compromis. Elles ne facilitent pas la prise de responsabilités par les organisations syndicales, ni ces négociations « gagnant-gagnant » entre patronat et salariés qui doivent permettre les évolutions indispensables. Nous sentons tous l'importance d'avoir des syndicats forts, représentatifs, responsables. Comment comptez-vous, Monsieur le ministre des affaires sociales, conforter cette négociation collective dont nous avons tant besoin pour favoriser le développement des accords et renforcer le rôle des partenaires sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Face à la montée des poujadismes et des extrémismes qui minent la démocratie, nous avons besoin d'élargir le champ du dialogue social, et d'avoir des partenaires sociaux plus forts, plus représentatifs, plus responsables. Dans cet esprit, le Gouvernement entend ouvrir le débat sur une réforme des règles du dialogue social. Il le fait en s'appuyant sur le texte signé en 2001 par presque toutes les organisations syndicales, à l'exception de la CGT, et resté depuis lettre morte. Dès aujourd'hui, nous allons proposer aux partenaires sociaux un compromis à partir de cette position commune, qui s'appuie sur trois axes. Tout d'abord, le Gouvernement s'engage à soumettre à la négociation collective tous les projets de décision dans le champ social. Ensuite, nous voulons aller progressivement vers l'accord majoritaire : si nous voulons donner plus de champ au dialogue social, il faut que les accords signés soient légitimes, et perçus comme tels. Enfin, nous voulons donner plus de liberté à l'entreprise pour négocier, dans le respect bien sûr de la loi et du code du travail.

Le texte que le Gouvernement met sur la table est un compromis. Il n'est pas parfait. Mais il établit un équilibre entre des positions très opposées : certains se voient protégés par le statu quo, d'autres pensent qu'on peut aller sans attendre vers l'accord majoritaire et le bouleversement des règles de représentativité, d'autres encore tiennent que tout doit être négocié dans l'entreprise... Nous avons cherché un point d'équilibre. Ce texte n'est pas « la » réforme du dialogue social : il est un point de départ, pour mettre en mouvement un domaine figé depuis trente-cinq ans. Le danger pour la démocratie sociale, ce n'est pas la réforme, c'est l'immobilisme. Et sans réforme de la démocratie sociale, il y aurait danger pour la démocratie tout court (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

CONVOYEURS DE FONDS

M. Yves Jego - Il est une profession dont l'activité est indispensable à notre économie, et qui subit depuis des années une recrudescence d'agressions violentes, souvent meurtrières : je parle des convoyeurs de fonds. Interpellé récemment dans ma circonscription par les syndicats inquiets comme par les organisations patronales, je sais, Monsieur le ministre de l'intérieur, que vous menez à ce sujet des négociations importantes. Pouvez-vous informer la représentation nationale des résultats de votre engagement personnel, et des mesures prévues ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Les convoyeurs de fonds, au nombre de 8 000, accomplissent avec courage un travail difficile. Quand ils ne peuvent plus l'exercer, c'est toute notre économie qui est paralysée. Ils méritent notre respect, notre attention et notre soutien. Quel était le problème ? C'était la crainte pour l'emploi suscitée par les nouvelles technologies. Nous avons cherché un accord : il a été signé par toutes les organisations syndicales. Il repose sur deux principes. Tout d'abord, il n'y pas de raison pour que la France ne se dote pas de ces nouvelles technologies. Ensuite, la mort ne fait pas partie des « risques du métier » ; trop de convoyeurs de fonds sont tombés dans des guet-apens ces dernières années.

L'accord consiste en trois points. Tout d'abord, les donneurs d'ordre, et notamment les banques, ne bénéficieront pas d'un délai supplémentaire pour réaliser les travaux de sécurité aux lieux de livraison des billets : il s'agit de vies humaines. Ensuite, il y aura obligation d'user de véhicules blindés pour le transport de la monnaie. Enfin, pour les véhicules banalisés, il y aura obligation d'être à deux. C'est un compromis ; apparemment il a satisfait tout le monde, de sorte qu'il n'y aura pas de conflit social avec les convoyeurs de fond (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLITIQUE ÉCONOMIQUE DU GOUVERNEMENT

M. Gérard Bapt - Vous avez reconnu, Monsieur le Premier ministre, que la France était au bord de la récession. C'est un point d'accord entre nous ! Tous les pays européens subissent un ralentissement économique, mais il est plus prononcé en France. Alors que notre pays avait tiré la croissance de la zone euro sous le gouvernement de Lionel Jospin (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), il la tire maintenant vers le bas.

Aussi le moral des Français est en berne, et aussi bien, je crois savoir, les députés de droite, car tous les indicateurs sont au rouge. Le chômage est redevenu leur première préoccupation ; la consommation s'effondre ; l'investissement des entreprises est au plus bas ; la place de la France en Europe est remise en question.

Au plan budgétaire, le déficit explose, la dette publique bat des records, les investissements civils de l'Etat s'effondrent, les transferts sur les collectivités locales se multiplient. Après dix-huit mois, votre bilan est calamiteux !

Votre budget pour 2004 va encore aggraver cette situation. Fidèle à votre idéologie libérale, il réserve aux 10 % de contribuables les plus aisés l'essentiel des baisses d'impôts sur le revenu et sur la fortune. Une mesure en trompe l'_il sur la prime pour l'emploi, - trois euros par mois en moyenne - ne saurait masquer l'augmentation des taxes, tarifs publics, cotisations et impôts locaux pesant sur le plus grand nombre, diminuant encore consommation et demande intérieure.

Votre politique économique est à contresens, votre politique budgétaire est injuste et laxiste.

Allez-vous cesser de démoraliser les Français en vous obstinant dans une politique qui a échoué ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Une description aussi excessive ne peut rendre compte de la réalité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Au cas où vous n'auriez pas eu connaissance des dernières estimations de la Banque de France, je vous informe que la croissance repart. L'INSEE avait prévu une croissance de 0,2 % du PIB au troisième trimestre et de 0,3 % au quatrième. La Banque de France, pour la première fois depuis longtemps, a revu à la hausse les prévisions de l'INSEE : elle annonce 0,3 % pour le trimestre écoulé et 0,5 % pour le trimestre en cours (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Nous sommes donc en train de reprendre le chemin d'une croissance raisonnable. Nous aurons très bientôt l'occasion d'en discuter, puisque le projet de budget va être soumis à votre sagacité.

Cette croissance est le résultat d'une politique qui sera jugée dans la durée. Nous n'avons pas l'intention de présenter un bilan chaque année : nous ferons le bilan tous les cinq ans ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Vous constaterez que la politique mise en _uvre nous aura permis de construire une croissance solide, fondée sur le travail et sur les entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

AVENIR DE L'ASSURANCE MALADIE

M. Eric Woerth - Monsieur le ministre de la santé, vous avez en charge le délicat dossier de l'assurance maladie. Le Gouvernement souhaite ouvrir aux différents régimes des perspectives de long terme. Le Président de la République a considéré que leur modernisation constituait un impératif national.

Si nous avons un bon système, celui-ci n'en est pas moins en danger tant que son financement dépendra de la conjoncture et que les dépenses continueront de croître.

Il est donc urgent de faire un diagnostic et d'examiner les adaptations qui pourraient garantir la survie de notre système.

C'est pourquoi M. le Premier ministre a installé hier le Haut Conseil sur l'avenir de l'assurance maladie, présidé par M. Bertrand Fragonard. Pouvez-vous nous indiquer la mission du Haut Conseil, la méthode que vous entendez adopter et le calendrier de la réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Nous avons un système de santé fondé sur la justice et la solidarité. Quoi qu'il en ait été dit, c'est un des meilleurs du monde. Néanmoins, il est menacé par sa situation financière, par la crise morale des professions de santé et par des mutations mal contrôlées.

S'agissant de notre patrimoine social, le moins qu'on puisse proposer est d'ouvrir le dialogue social (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Le Premier ministre a défini trois périodes. En premier lieu, un diagnostic sera établi par le Haut Conseil : il sera connu avant la fin de l'année.

Ensuite, une phase de dialogue permettra de négocier. Il faudra répondre à des questions difficiles. Quelle doit être la part de l'Etat et celle des partenaires sociaux ? Comment médecine de ville et hospitalisation doivent-elles s'articuler ? Quels sont les rôles respectifs du régime obligatoire et du régime complémentaire ?

Enfin, avant l'été, nous arriverons à l'étape de la décision politique, en vue de conforter et de moderniser notre principal acquis, la sécurité sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

VIOLENCE EN MILIEU SCOLAIRE

M. Lionnel Luca - Monsieur le ministre délégué à l'enseignement scolaire, les statistiques qui viennent d'être publiées font apparaître un recul spectaculaire de la violence scolaire : 6 000 cas de moins en un an. Ce résultat est la conséquence d'une politique volontariste qui contraste avec celle de vos prédécesseurs et qui porte ses fruits, même si le nombre des violences reste trop élevé. Il faut se soucier tout particulièrement des cas relevant de jeux absurdes qui peuvent provoquer des accidents mortels ou des handicaps irréversibles.

La violence se manifeste parfois dans le comportement, mais aussi dans certains accoutrements. Il faut réaffirmer l'exigence d'égalité.

Je souhaite connaître votre sentiment sur l'évolution de la violence à l'école et les moyens d'améliorer encore une situation qui reste préoccupante (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire - Rétablir la confiance de la nation dans son école implique de ramener la sérénité et la sécurité dans les établissements scolaires. L'année dernière, il y a eu 10 % d'incidents en moins, alors qu'un plus grand nombre d'établissements nous ont adressé des fiches de signalisation. Environ 6 200 incidents en moins, c'est bien. Nous devons ce résultat aux chefs d'établissement, qui ont travaillé avec la police et la justice. Nous le devons à la politique du Gouvernement, puisque le rétablissement de la sécurité constitue une de nos priorités.

Il reste toutefois 72 000 cas. C'est important (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste). Nous continuerons sur la même voie afin de réduire de moitié en cinq ans le nombre d'incidents. Je ne vois aucune raison d'ironiser à cet égard.

J'ai adressé le 9 octobre une circulaire aux inspecteurs d'académie et aux recteurs pour leur signaler le danger que représentent ces jeux absurdes fondés sur la strangulation. Nous ne devons pas fermer les yeux. Ces jeux peuvent provoquer des accidents mortels.

J'en viens à la question qui semble taboue de l'uniforme (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Je ne me suis pas exprimé en faveur de l'uniforme. Mais il me paraît normal qu'on débatte de cette question. Au Québec, dans un collège sur deux, les élèves porteront à la rentrée prochaine un tee-shirt de couleur. Il n'y a aucune raison de ne pas examiner cette question. Je refuse, en tout cas, qu'on caricature ce débat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLITIQUE DU LOGEMENT

Mme Annick Lepetit - Monsieur le ministre du logement, plus d'un million de Français sont à la recherche d'un logement. Un trop grand nombre de nos concitoyens sont encore logés dans des conditions indignes (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Alors que notre pays traverse une grave crise du logement, vous nous annoncez dans ce domaine un budget en forte baisse de 7 %. C'est le plus catastrophique de ces dernières années.

En outre, les mesures annoncées vont pénaliser les Français les plus modestes : diminution des aides personnelles, baisse des crédits pour la construction et la réhabilitation des HLM. Vous annoncez des mesures en faveur de l'accession à la propriété, mais les crédits du prêt à taux zéro baissent, si bien que moins de ménages pourront acquérir un logement.

Vos multiples déclarations ont fait naître un espoir, hélas il n'y aura qu'un effet d'annonce : ce que vous avez promis hier n'est pas financé aujourd'hui (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Vous nous annoncez maintenant la vente des logements sociaux. Est-ce pour compenser la baisse de votre budget ? Qu'allez-vous répondre à tous ceux qui n'ont pas de logement ou ne peuvent en acheter un ? Ils se désespèrent en voyant l'Etat les lâcher (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - Je vous remercie pour cette question. Fine observatrice de la politique du logement, vous savez que le problème ne date pas d'hier.

Vous aurez remarqué que, depuis le milieu des années 1990, le rythme de la construction s'est ralenti. Alors que, selon l'INSEE, il faudrait construire 320 000 logements pour répondre à la demande, seulement 300 000 ont été construits en 1995 et 2000. S'agissant des logements sociaux, vous en avez construit 45 000 par an entre 1997 et 2002. Dès 2003, vous pourrez le constater, nous en avons construit 56 000 (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP). En 2004, et vous vous en réjouirez avec nous, nous en construirons 80 000, parce que nous bénéficions de la baisse des taux d'intérêt. Nous encouragerons aussi l'accession à la propriété. Ainsi, les gens qui étaient condamnés par vous à rester locataires pourront devenir propriétaires. En dépensant moins l'argent du contribuable, nous construirons davantage de logements sociaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

MÉDIATION FAMILIALE

M. Jean-Marc Roubaud - Monsieur le Garde des Sceaux, la médiation familiale est un instrument de règlement des conflits familiaux qui simplifie les procédures de divorce. Elle permet de renouer le dialogue et de préserver l'équilibre des enfants.

Vous avez fait, la semaine dernière à Rennes, une déclaration importante. Quelles seront les nouveautés apportées par la réforme de la procédure de divorce ? Les associations de médiation familiale auront-elles les moyens financiers d'assurer leurs missions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - C'est vrai, la médiation familiale est un élément complémentaire indispensable dans la résolution des conflits familiaux. Un jugement de divorce qui s'enlise dans le conflit peut trouver un apaisement grâce à un travail social d'accompagnement.

Le Gouvernement, et en particulier Christian Jacob, en concertation avec les associations de médiation, a pu définir une politique globale.

Il est ainsi prévu, par le texte sur le divorce qui vous sera soumis début 2004, que la médiation familiale, sous l'autorité du juge, peut intervenir dès la phase de conciliation.

Pour ce qui est de la pratique de la médiation familiale, il était important de préserver la diversité des origines des acteurs de la médiation familiale, tout en garantissant leur qualité, ce qui a conduit M. Christian Jacob à proposer la création d'un diplôme de médiateur familial.

Quant à l'élément matériel, et je l'ai annoncé devant l'ensemble des associations à Rennes il y a quelques jours, un doublement des crédits accordés à ces associations sera proposé au titre de 2004 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLITIQUE DE SANTÉ EN MILIEU RURAL

Mme Bérengère Poletti - Monsieur le ministre de la santé, la démographie médicale pose de plus en plus de problèmes, en particulier dans le milieu rural. Aux disparités anciennes entre le Nord et le Sud s'ajoute aujourd'hui un déséquilibre qui ne cesse de s'accentuer entre les zones urbaines et les zones rurales. On constate une diminution du nombre de médecins généralistes en milieu rural. Ainsi, dans les Ardennes, certains cantons ne comptent plus qu'un seul médecin généraliste, d'autres n'en ont aucun. Les médecins de campagne sont surmenés, ne trouvent pas de remplaçants et encore moins de successeurs.

Quand on sait combien il est difficile de créer des emplois en milieu rural, d'y fixer la population, notamment des jeunes, la désertification médicale risque de briser tous les efforts accomplis pour revitaliser le milieu rural.

Pour avoir travaillé et publié sur la démographie médicale, Monsieur le ministre, vous connaissez bien cette question, et avez déjà corrigé le numerus clausus. Que proposez-vous pour remédier à l'inégale répartition des médecins ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - La démographie médicale est une préoccupation majeure de tous les acteurs de la santé. Nous avons déjà apporté des réponses globales, comme l'augmentation régulière du numerus clausus depuis plusieurs années dans toutes les professions de santé, ou la création de l'Observatoire national de la démographie des professionnels de santé pour guider les choix du Gouvernement.

Mais il faut des mesures spécifiques pour les zones les plus menacées, en particulier les zones rurales. Hervé Gaymard présentera prochainement le projet de loi sur les territoires ruraux, qui définira les modalités d'aide à l'installation et au regroupement des médecins dans ces zones sous-médicalisées.

Par ailleurs, dans le cadre du CIAT, sur la base d'un contrat pluriannuel, une exonération de la taxe professionnelle et une aide financière aideront les installations et les regroupements des professionnels de santé. Ce sera notamment le cas pour les six cantons dépourvus de médecins généralistes en Champagne-Ardenne.

Enfin, des dispositions conventionnelles viendront en complément.

Si, à l'issue d'une période d'observation, ces mesures incitatives s'avèrent insuffisantes, il faudra se résoudre à définir, avec les professionnels, de nouvelles modalités d'installations, ce que je n'espère pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 15 heures 50, est reprise à 16 heures 5 sous la présidence de M. Daubresse.

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE (suite)

EXPLICATIONS DE VOTE

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi relatif à la politique de santé publique.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Je tiens à remercier la commission des affaires sociales et plus particulièrement son rapporteur pour la qualité de leurs travaux qui ont permis d'enrichir et d'améliorer sensiblement ce projet. Je voudrais également remercier l'ensemble des intervenants qui ont contribué à la qualité du débat et fait des propositions souvent justes. La recherche de l'intérêt général l'a toujours emporté sur l'esprit partisan et sur la plupart des points abordés, des positions communes ou voisines ont pu être affirmées.

Ce texte fondateur pour la santé publique poursuit cinq objectifs : affirmer la responsabilité de l'Etat et organiser la santé publique au niveau régional ; donner à la santé publique des objectifs nationaux clairs et des moyens d'évaluation ; jeter les bases de cinq thématiques d'action prioritaires - cancer, violence, environnement, maladies rares, maladies chroniques - ; créer une Ecole de hautes études en santé publique ; adapter les modalités de l'expérimentation médicale sur la personne humaine.

Bien d'autres points ont été abordés ; ils seront précisés ou complétés lors des navettes avec le Sénat. Ce texte vient compléter notre système de santé qui était trop exclusivement centré sur les soins et insuffisamment orienté vers la prévention, l'éducation et le dépistage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Bapt - Après la grande loi de 1991 dite « loi Evin », après les plans « cancer » et « nutrition » impulsés par Bernard Kouchner, l'annonce d'une nouvelle loi de santé publique a suscité beaucoup d'espoirs. Regrettant tout d'abord qu'il s'agisse non pas d'une loi de programmation, mais seulement d'une loi d'orientation, le groupe socialiste se doit, à l'issue de cette première lecture, d'exprimer sa déception, même s'il a adopté pendant le débat une attitude constructive.

Nous prenons acte des améliorations apportées au projet, grâce notamment à l'adoption d'une vingtaine de nos amendements ; je souhaite à cet égard, au nom de mon groupe, saluer les qualités d'écoute du président et du rapporteur de la commission M. Jean-Michel Dubernard (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ainsi, des dispositions ont été adoptées pour réduire les inégalités face à la santé ; nous avons également obtenu le rétablissement de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé dans ses missions initiales, notamment celle d' « assurer le développement de l'éducation pour la santé ».

Nous prenons aussi acte, Monsieur le ministre, de votre soutien à notre proposition de créer un Comité national consultatif du cancer, chargé de formuler des propositions, ainsi qu'à l'adoption de mesures spécifiques de dépistage du cancer pour les populations les moins sensibles aux actions de prévention.

Vous avez accepté notre amendement renforçant le dispositif de constatation et de sanction des infractions à la loi de lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme ; pourtant, dans ce dernier domaine, force est de constater que votre texte s'apparente à une pétition de principe.

Votre texte initial déconstruisait la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, notamment son volet relatif à la démocratie sanitaire. Les socialistes ont travaillé au retour à l'esprit initial de la loi Kouchner, avec le concours de la commission. Ainsi, les réintégrations de la conférence nationale de santé et des conférences régionales de santé marquent une rupture avec la logique du projet gouvernemental, qui tendait à enfermer l'Etat dans une splendide solitude. L'architecture du texte s'en trouve profondément modifiée.

Notre principal sujet de désaccord concerne les mesures censées répondre à la crise sanitaire liée à la canicule de cet été. Nous ne partageons pas la volonté du Gouvernement et de sa majorité de légiférer dans l'urgence. Notre président de groupe Jean-Marc Ayrault vous avait demandé d'attendre les conclusions de la commission d'enquête ainsi que les résultats des consultations engagées. Les dispositions adoptées ne sont pas à la mesure des enjeux. L'amendement gouvernemental qui modifie les missions de l'Institut de veille sanitaire en lui donnant des responsabilités opérationnelles est particulièrement hasardeux.

Nous avons d'autres sujets d'interrogations. Quelles seront la place et la structure du futur Institut national du cancer ? Pourquoi avoir rejeté nos amendements concernant la qualité et l'exigence d'agrément pour le dépistage et la chirurgie oncologique ? Quid du financement de différentes facettes de ce projet ?

En votant contre celui-ci, nous votons contre l'ensemble de la politique du Gouvernement en matière de santé, de sécurité sociale et de recherche (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Préel - Ce projet était très attendu. Il devait témoigner de notre volonté de donner enfin toute sa place à la santé publique et de développer la prévention et l'éducation à la santé, aujourd'hui parents pauvres de notre système de soins tourné essentiellement vers le curatif.

Hélas, il nous a déçus et les débats n'ont pas permis de corriger ses défauts majeurs. L'UDF regrette de ne pas avoir été associée à sa préparation. Les députés ont été mis devant le fait accompli.

Nous avons tenté de l'améliorer en déposant 82 amendements, dont seuls 5, mineurs, ont été retenus.

Nous souhaitions en effet corriger trois orientations qui nous paraissaient autant d'erreurs graves.

Première erreur, la volonté d'étatiser la santé publique en la confiant aux préfets. Certes, la santé publique est de la responsabilité de l'Etat et c'est au niveau national qu'il convient de définir les priorités.

Mais donner au préfet de région, et donc au directeur régional de l'action sanitaire, la responsabilité de la prévention, c'est accroître la confusion.

Le DRASS présidera le groupement régional dans lequel siégera le directeur de l'ARH, nommé, lui en conseil des ministres. Curieuse situation !

L'UDF est favorable à une réelle régionalisation et à un responsable unique pour la santé, réunissant le soin ambulatoire et en établissements, la prévention et la formation.

Deuxième erreur grave, vous marginalisez les associations de terrain au profit d'un système pyramidal descendant, qui sera coûteux et inefficace.

Les politiques de prévention et d'éducation à la santé doivent s'appuyer sur les associations - observatoires régionaux de santé, comités départementaux, comités régionaux d'éducation à la santé.

Or, vous créez un Institut national qui aura des correspondants régionaux, lesquels entreront naturellement en conflit avec les bénévoles locaux.

Troisième erreur grave, la présentation de cent objectifs.

C'est un chiffre rond et donc artificiel. Et nous ne disposons pas des instruments pour mesurer l'évolution des résultats - résultats sur lesquels nous serons pourtant jugés dans cinq ans ! (Interruptions sur divers bancs)

Votre orientation est très épidémiologique, au détriment d'autres aspects importants.

Cette liste d'objectifs donne une impression de catalogue. Pourtant certains objectifs reconnus comme importants n'ont pas été retenus par vos experts.

L'UDF a demandé que soient définies quatre priorités majeures pour éviter la mortalité prématurée : il s'agit de prévenir et dépister le cancer du sein, les maladies cardio-vasculaires, l'abus d'alcool et de tabac, enfin le cancer du colon et du rectum.

Ces quatre priorités permettraient de lancer de grandes campagnes, de concentrer les moyens financiers. Vous avez choisi la dilution, nous le regrettons.

L'UDF souhaite être partenaire de la majorité et non vassale (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et exclamations sur divers bancs). Je n'exagère pas, c'est la réalité : aucun parlementaire UDF n'a été nommé au Haut Comité de la santé, alors que nous avons des propositions à faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

A notre grand regret, faute d'avoir été entendus, nous voterons contre, en espérant que les navettes parlementaires permettront de corriger les défauts majeurs de ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. le Président - J'annonce le scrutin public.

Mme Jacqueline Fraysse - Ce texte affiche l'ambition de poser les fondements d'une politique de santé publique. Sans aucun doute, la mise en _uvre d'un programme quinquennal de santé publique, sous la responsabilité de l'Etat et décliné par régions, avec des objectifs quantifiés, est une nouveauté attendue par les professionnels et que mon groupe réclame depuis longtemps.

Vous dites vouloir corriger les défauts de notre système en annonçant quelques objectifs louables.Vous créez une Ecole des hautes études de santé publique, vous améliorez la lutte contre le saturnisme et les risques d'infection par l'eau et vous rétablissez les conférences régionales de santé, initialement supprimées.

Mais cela ne peut masquer les insuffisances de ce texte, ni le contexte dans lequel il s'inscrit.

Parmi les principales lacunes, figurent les questions cruciales de la santé au travail et de la santé scolaire. Vous avez refusé tous nos amendements à ce sujet, maintenant votre conception restrictive de la prévention.

L'essentiel de votre proposition se résume à la mise en place d'un instrument régional de contrôle financier des choix de santé publique.

Or l'expérience des ARN montre que la concentration des pouvoirs dans les mains des financeurs est dangereuse pour les choix de santé. Une politique de santé devrait s'appuyer sur des choix citoyens, dont découleraient les choix budgétaires.

Enfin et surtout, ce texte s'inscrit dans une politique générale de santé et de protection sociale catastrophique. Vous tentez de donner le change en présentant à toute vitesse un texte pavé de bonnes intentions, mais pour l'application duquel il n'y a pas un euro de financement. Or la santé publique ne saurait se payer de mots.

Vous voulez lancer des plans de lutte contre les risques sanitaires, mais vous renvoyez leur financement à la loi de finances et au PLFSS 2004. Or les éléments à notre disposition confirment l'absence de budgets pour ces plans.

Pire, toutes les mesures que vous prenez en pratique restreignent l'accès aux soins pour les plus modestes. Vous augmentez le forfait hospitalier, vous déremboursez les médicaments, vous faites la chasse aux maladies de longue durée - bref, vous accentuez les inégalités devant la maladie et la mort.

Pour ces raisons de fond, le groupe communiste et républicain votera contre (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Bertho Audifax - Au terme d'un riche débat, nous allons adopter une loi qui assurera la nouvelle organisation de la santé publique en France.

Le texte du Gouvernement, fruit d'une longue concertation avec de multiples acteurs de la santé publique, a été largement amendé en commission, puis en séance publique.

Ces modifications témoignent de l'esprit d'ouverture du Gouvernement.

C'est surtout à propos de l'organisation, tant nationale que régionale, de la santé publique que les amendements votés ont su faire la part entre la démocratie participative et la capacité de décision.

Sur le plan régional, les travaux d'un organisme de réflexion et de concertation, la conférence régionale de santé publique, nourriront ceux de l'instance décisionnelle, le GIP regroupant tous les financeurs. Ainsi à la confrontation des idées et des expériences régionales seront associées la mutualisation des moyens et la responsabilité de l'Etat.

Je suis persuadé que ces instances sauront trouver un équilibre et une efficacité dignes de la politique de santé publique de notre pays.

Cette politique vise à promouvoir des comportements sains et des valeurs de vie, tout en respectant l'intérêt individuel et en évitant les ségrégations sociales.

Entre deux écueils, la volonté de tout régler dans le détail et une multiplicité d'actions de terrain peu coordonnées, le texte opte pour une souplesse propre à assurer des responsabilités aux acteurs qui le souhaitent et à rendre à l'Etat son rôle pivot.

C'est dans cet esprit que, tirant les leçons du drame de la canicule, le Gouvernement a renforcé le rôle de l'INVS, et doté chaque établissement d'un dispositif de crise.

La mise en oeuvre des plans nationaux est ambitieuse, avec au premier plan l'Institut national du cancer, mais aussi la lutte contre les conduites addictives, la protection renforcée de l'eau, la prévention du saturnisme l'apprentissage en milieu éducatif des gestes de premier secours et l'encadrement de la profession de psychothérapeute.

La création de l'Ecole des hautes études de santé publique permettra une meilleure organisation des études mais aussi une meilleure recherche dans ce domaine.

Les ajustements apportés à la recherche biomédicale garantissent le droit à la protection des personnes sans compliquer inutilement les protocoles de recherche.

Je regrette que la politique politicienne l'emporte sur le consensus qui avait présidé à nos travaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Monsieur le ministre, le groupe UMP vous remercie pour le travail accompli en commun sur ce texte fondateur. Il souhaite avec vous que la santé publique devienne une priorité pour l'Europe et sait pouvoir compter sur votre détermination.

Par le vote solennel de ce texte, notre groupe espère donner une nouvelle vision de la politique de santé publique en France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

A la majorité de 335 voix contre 181 sur 527 votants et 516 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 30, est reprise à 16 heures 35.

LOI DE FINANCES POUR 2004

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2004.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - L'année écoulée a été difficile pour notre économie. Les tensions internationales, dont les effets économiques se sont prolongés au-delà de l'intervention américaine en Irak, ont nettement freiné la croissance en Europe, où la reprise pointe tout juste son nez.

La demande intérieure s'est maintenue, grâce au soutien du pouvoir d'achat des ménages, mais la demande extérieure a pesé négativement sur la croissance, et l'investissement des entreprises a continué à reculer, dans un contexte d'attentisme généralisé, qui tend toutefois à se dissiper.

Ces difficultés reflètent pour une grande part les évolutions géopolitiques et les comportements cycliques de l'économie mondiale. Ne voir que cela serait cependant faire preuve de courte vue. Nous vivons dans un monde qui change et dans une économie globalisée, parcouru par des mouvements beaucoup plus profonds.

Nous subissons toujours les conséquences de la bulle technologique et financière de la fin des années 1990, dont nous avons hérité de lourds déséquilibres financiers. Nous sommes donc encore dans une phase de correction, après des années d'endettement massif. Les ajustements nécessaires pèseront encore quelque temps sur l'activité économique, même s'ils sont aujourd'hui bien engagés : la restauration des bilans des entreprises devrait être achevée l'année prochaine.

Mais les mutations dont nous sommes les témoins et les acteurs vont bien au-delà. L'économie mondiale est de plus en plus globalisée : c'est un fait, c'est aussi une chance, mais cela ne se passe pas sans heurts.

L'année 2003, c'est aussi Cancùn, qui fut certes un échec mais a vu la constitution de nouvelles coalitions autour des pays pauvres, des pays du Sud. Nous ne pouvons refuser de les entendre.

M. Jean-Pierre Brard - Là-dessus, vous avez raison !

M. le Ministre - L'année 2003, c'est aussi la reprise de l'économie américaine, mais une reprise sans emplois, et même une reprise qui voit l'industrie continuer à détruire des emplois. Dans un monde plus ouvert, plus concurrentiel, on s'interroge sur la capacité des entreprises industrielles à restaurer leurs marges autrement qu'en comprimant leurs coûts - notamment salariaux.

A l'heure où les importations américaines en provenance de Chine dépassent celles en provenance du Japon, la Chine est montrée du doigt aux Etats-Unis comme le responsable de ces pertes d'emplois. Des réflexes protectionnistes se font jour, et nous devons y prendre garde. Le protectionnisme n'est jamais la bonne solution. Ce développement formidable de la Chine, qui entraîne à sa suite une grande partie de l'Asie, peut même constituer, si les risques commerciaux et financiers en sont maîtrisés, un nouveau pôle de croissance et une nouvelle chance pour l'économie mondiale.

Quelles leçons tirer de cette année 2003 et des changements qui sont à l'_uvre ? Au-delà des incertitudes du court terme, il nous faut toujours regarder vers l'avenir, savoir et vouloir évoluer. Ne soyons pas frileux : pensons notre développement à l'international, regardons vers les nouveaux pôles de croissance. Orientons notre politique économique vers l'initiative, l'innovation, la recherche.

Réfléchissons à notre modèle de société, ce qui implique souvent de réformer nos systèmes sociaux pour les préserver : nous l'avons fait pour les retraites, il faut le faire aussi pour la santé.

Dans un monde marqué par la puissance américaine et par l'émergence de nouveaux acteurs - la Chine, l'Inde -, qui seront les grands de demain, nous devons penser et agir dans un cadre européen. Il nous faut pour cela améliorer le mode de fonctionnement et de décision de l'Union. C'est tout l'enjeu de la CIG.

Nous devons aussi apprendre à mieux travailler ensemble et agir en cohérence pour réformer nos économies. Avec nos amis allemands, britanniques, italiens, nous avons beaucoup progressé en ce sens cette année. Nous savons maintenant que nous partageons tous une même volonté de réforme, une même vision de ce que nous devons faire pour relancer la croissance européenne.

La dernière réunion du conseil Ecofin a été instructive à cet égard, les Français, qui sont certes en mouvement, ont pu constater que leurs voisins ont engagé ce mouvement depuis un certain temps déjà, et qu'ils sont résolus à opérer les réformes nécessaires, qu'il s'agisse de l'organisation de l'Etat, des retraites, de la santé, de la décentralisation, du contrôle des coûts de la fonction publique.

Avec nos partenaires de l'Union, nous entendons promouvoir la croissance. L'initiative européenne de croissance, lancée par la présidence italienne, a été reprise au vol par la France et l'Allemagne, puis élargie aux Anglais ; elle est maintenant en discussion au niveau de l'Union. Les travaux actuels du Conseil devraient déboucher sur un consensus opérationnel pour la relance, passant notamment par de grands travaux intellectuels et quelques grands travaux physiques.

Enfin, au sein de l'Union et particulièrement de la zone euro, nous devons approfondir la coordination de nos politiques macro-économiques. Nous partageons la même politique monétaire. C'est une chance et un progrès : il n'y a pas de tensions internes en cas de fluctuations du dollar. Mais c'est aussi une responsabilité : face à un choc commun, ralentissement de l'activité ou baisse du dollar, la Banque centrale européenne a une responsabilité à travers l'effet des taux d'intérêt sur l'économie. C'est un levier puissant, mobilisable dans un contexte non inflationniste, et qui doit être d'autant plus réactif, voire anticipateur, qu'il agit avec délai, plus lentement que les mouvements de change.

Nos politiques budgétaires restent certes souveraines, mais doivent refléter une vision commune : celle qui a inspiré le Pacte de stabilité et de croissance. La stabilité, à travers la volonté de revenir à l'équilibre des finances publiques. La croissance, car cette réduction des déficits ne saurait se faire au prix de la croissance.

Au nom de cette vision commune, nous poursuivons, en France, trois objectifs : renforcer la viabilité à terme des finances publiques, revenir aussi vite que possible sous les 3 % de déficit, sans pour autant casser la reprise. Notre politique économique et le présent projet sont la traduction de ces objectifs, dans le respect de nos priorités nationales.

Nous agissons tout d'abord pour renforcer la viabilité à long terme des finances publiques. La réforme des retraites y contribue largement : c'est une réforme sociale, qui sauve le système par répartition auquel nous sommes attachés, mais c'est aussi une réforme qui va améliorer fortement dans la durée la structure de nos finances publiques. Toutes les organisations internationales, y compris la Commission, le reconnaissent et le mettent au crédit de notre politique.

A moyen terme, à l'horizon de la législature, la programmation pluriannuelle annexée au projet de loi de finances indique le cheminement financier que nous nous fixons : au moins 0,5 point de PIB d'amélioration annuelle du déficit structurel.

A plus court terme, notre volonté est claire : revenir aussi vite que possible sous les 3 % de déficit : c'est important pour la crédibilité commune des politiques européennes. Aussi vite que possible, cela veut dire, compte tenu de la dégradation conjoncturelle du déficit cette année, un retour du déficit en dessous de 3 % du PIB en 2005. Il serait en effet mauvais, en France et en Europe, de casser la reprise économique pour précipiter la réduction des déficits. Au demeurant, ce serait inefficace en termes budgétaires. Et il ne serait pas non plus responsable de renoncer à nos priorités : nous devons continuer de renforcer l'Etat dans ses missions régaliennes : défense, justice, sécurité, recherche, tout en baissant les prélèvements, pour restituer aux Français le revenu de leur travail et promouvoir l'initiative.

Notre ambition est donc de réduire le déficit dans le respect des priorités annoncées. Nous y parviendrons par la maîtrise de la dépense : c'est la clef de voûte de notre démarche, la condition sine qua non de sa réussite, et elle va de pair avec notre démarche de réforme. Ce n'est pas là un discours nouveau : c'est le cap fixé par le Gouvernement déjà il y a un an...

M. Augustin Bonrepaux - On voit le résultat !

M. le Ministre - La nécessité de maîtriser la dépense et de réformer est aujourd'hui mieux comprise et je m'en réjouis (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Et ce cap est tenu, à travers la baisse des prélèvements au service de l'initiative et de l'emploi. C'est la baisse de l'impôt sur le revenu, l'accroissement et la réforme de la prime pour l'emploi, la forte revalorisation du SMIC, pour que le travail paie davantage ; ce sont les allégements de charges et les dispositifs ciblés sur les publics les plus vulnérables pour favoriser leur insertion dans l'emploi durable, contrats jeunes, CIE, RMA...

Ce cap est tenu aussi à travers la maîtrise de la dépense de l'Etat : nous avons résumé cette orientation par l'affichage d'une stabilisation en volume de la dépense. C'est un objectif clair et lisible. C'est surtout le reflet d'une démarche résolue de réforme et de recherche d'efficacité dans le service public.

Ce cap doit enfin être tenu en ce qui concerne les dépenses sociales. Le projet de loi de financement constitue une première étape, avant une réforme de plus grande ampleur qui doit se préparer avec soin et dans la concertation.

Ainsi, nous ferons dès 2004 un effort d'ajustement à hauteur de 0,7 point de PIB. Vous l'avez compris, nous le faisons à la fois pour restaurer nos finances, pour respecter la solidarité européenne, pour accompagner notre politique de réforme et pour accompagner la reprise.

Oui, je crois à la croissance et à la reprise. Toute notre action vise à la croissance durable. C'est une politique de l'offre, je ne le conteste pas. Mais elle n'est pas en contradiction avec une certaine politique de la demande. Ainsi, nous réduisons les impôts parce que c'est essentiel à moyen terme. Mais comme nous le faisons à un moment où la conjoncture est fragile, c'est aussi une politique de la demande.

Nous accroissons le SMIC et la prime pour l'emploi, nous baissons l'impôt sur le revenu pour revaloriser le travail et l'initiative. C'est une politique d'offre. Mais c'est aussi plus de revenu tout de suite et cela est bon pour la demande.

Dans ce contexte de soutien du revenu et de reprise internationale, quelles sont les perspectives ? Nous avons retenu deux chiffres : 1,7 % pour la croissance en 2004 ; 2,5 % pour la croissance entre 2005 et 2007. Je ne surestime pas la précision des prévisions de croissance établies à ce stade de l'année. Leur choix n'en est pas moins important pour asseoir nos prévisions de recettes et pour nous fournir une référence, si les évolutions venaient à s'en écarter.

Le chiffre de 1,7 % est identique à la moyenne des prévisions indépendantes. C'est un rythme plutôt modéré pour une phase de reprise et reflète la prudence de notre exercice budgétaire. Il correspond aussi à une volonté de réalisme, des risques baissiers demeurant à court terme sur l'économie mondiale : la baisse du dollar en est un exemple. Enfin, ce chiffre annonce une trajectoire qui devrait conduire pour la période 2005-2007 à une croissance moyenne de 2,5 %.

Le chiffre retenu atteste donc notre prudence : après plusieurs années de très faible croissance, notre capacité de rebond est sans doute supérieure. Mais les difficultés structurelles ne disparaissent pas du jour au lendemain, qu'il s'agisse de l'ajustement des bilans ou des premiers effets du vieillissement qui pèse sur la croissance de la population active. Au total, ce chiffre donne tout de même un signe de confiance : sans action résolue du Gouvernement, notre croissance potentielle s'infléchirait, justement du fait du vieillissement.

Au-delà des chiffres, le projet de budget décrit une stratégie. Stratégie politique d'abord qui passe par le développement des réformes. Et aussi stratégie budgétaire, avec les objectifs suivants. D'ici à 2005, la priorité sera de ramener le déficit en dessous de 3 %. Ensuite, nous réduirons le déficit structurel d'au moins 0,5 % par an. En cas de « bonnes surprises » conjoncturelles, nous les affecterons à la réduction du déficit. Et nous poursuivrons les baisses d'impôts, en recherchant des économies pérennes face à des pertes permanentes de recettes.

C'est ainsi que nous préparons l'avenir, par une politique économique au service d'une triple ambition. Ambition pour la croissance, l'initiative et l'emploi ; ambition de restauration de l'Etat dans ses fonctions essentielles ; ambition de réforme et de préparation de l'avenir, dans une économie mondiale où l'attentisme n'est pas une option.

Ce projet de budget est une étape dans cette politique mais une étape qui respecte la cohérence de notre démarche que le ministre du budget vous présentera de façon plus détaillée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF).

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Confronté au ralentissement économique le plus prononcé que la France ait connu en cinquante ans, après ceux de 1974 et 1993, le Gouvernement vous propose un budget offensif qui porte le message toujours entendu dans les moments difficiles : « Faire confiance aux Français et mériter leur confiance ». Faire confiance aux Français, c'est croire en leur capacité et en leur ardeur à prendre part à l'_uvre de redressement de notre pays. C'est rappeler que pour créer les richesses et les emplois qui lui sont si nécessaires, la France a besoin de l'imagination, de l'enthousiasme et de l'effort de chaque citoyen. Faire confiance aux Français, c'est reconnaître la valeur et la force de leur travail ! En proclamant la dignité souveraine du travail comme source de richesse matérielle et morale de chaque citoyen, ce budget marque notre confiance dans les Français et notre engagement à mériter leur confiance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mériter leur confiance, c'est respecter, reconnaître et récompenser leur travail. Or, ce respect et cet encouragement se traduisent dans chaque ligne du budget qui vous est soumis. Respect et encouragement envers les ménages tout d'abord, envers deux millions de salariés dont les SMIC sont relevés. Avec le relèvement de la prime pour l'emploi et la hausse du SMIC, nombre d'entre eux vont ainsi bénéficier d'un véritable treizième mois, juste reconnaissance de la valeur de leur travail.

Respect et encouragement envers huit millions de foyers dont la prime pour l'emploi sera à nouveau améliorée en 2004, grâce à un barème revalorisé pour tous les bénéficiaires. Encouragement à la reprise d'une activité, en offrant un gain supplémentaire de pouvoir d'achat, grâce à un acompte de 250 € versé au salarié dans les six mois de sa reprise d'activité.

M. Jean-Pierre Brard - Vous donnez plus aux bourgeois !

M. le Ministre délégué - Respect et encouragement encore, envers seize millions de foyers qui verront les taux de l'impôt sur leur revenu baisser de 3 %. Tous allègements confondus, la nouvelle majorité aura réduit en 2004 de plus de 10 % le poids de cet impôt.

M. Augustin Bonrepaux - Mais vous augmentez d'autres impôts !

M. le Ministre délégué - Ces baisses marquent le respect que nous portons au fruit du travail des Français ! Elles traduisent le choix résolu d'un programme fiscal offensif destiné à encourager les Français, à mériter leur confiance et à mobiliser notre potentiel de croissance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Fait remarquable, et sans doute unique : sur les vingt-trois dispositions fiscales que compte ce PLF, vingt-deux sont neutres ou favorables aux contribuables.

Ce budget adresse aussi un message de respect et d'encouragement aux entreprises. Respect et encouragement pour l'acte d'entreprendre qui, en France, reste encore trop mal considéré, malgré l'espoir qu'a fait naître le changement de gouvernement. Respect et encouragement pour tous ceux qui entreprennent dans notre monde ouvert, où la concurrence est si rude, pour nos créateurs d'emplois qui méritent notre considération et à qui nous voulons donner un environnement sûr et favorable. C'est pourquoi nous vous proposons des mesures fortes pour encourager ce beau risque d'entreprendre.

M. Jean-Pierre Brard - C'est un beau discours ! C'est une belle _uvre de fiction !

M. Jean-Pierre Balligand - C'est une prédication !

M. le Ministre délégué - Nous favorisons la création d'emplois dans le secteur marchand et non dans le secteur public (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Nous donnons un nouvel élan au crédit d'impôt recherche. Nous créons un statut spécifique de « jeune entreprise innovante ». Nous prévoyons un statut fiscal adapté pour les investisseurs qui apportent capitaux et expérience de gestion. Nous renforçons la compétitivité de nos entreprises, en améliorant leur structure de bilan grâce au report en avant des pertes, qui sera désormais illimité dans le temps.

Encourager les Français, mériter leur confiance, mobiliser notre potentiel de croissance, c'est aussi moderniser et simplifier l'impôt. Ainsi, nous réformons en profondeur, comme promis l'an passé, le régime fiscal des distributions, par un abattement de 50 % pour l'imposition des dividendes et la création d'un crédit d'impôt pour l'actionnaire, en remplacement de l'avoir fiscal. Nous supprimons le précompte qui, à l'international, pénalise nos entreprises. Moderniser et simplifier l'impôt, nous le faisons aussi en revoyant le régime de plus-values immobilières des particuliers, les règles d'imposition des exploitants agricoles et les formalités pour les successions à faible rendement.

Encourager les Français, mériter leur confiance, mobiliser notre potentiel de croissance, c'est encore prendre en compte la nouvelle donne démographique et garantir la solidarité entre les générations.

M. Jean-Pierre Brard - Vous n'êtes pas en chaire ! Vous êtes à la tribune de l'Assemblée nationale !

M. le Ministre délégué - Nous créons un régime fiscal attractif pour les cotisations versées sur le plan d'épargne retraite populaire, nous triplons le nombre des bénéficiaires de la réduction d'impôt dépendance et nous relevons le crédit d'impôt pour dépenses d'équipement de l'habitation principale au profit des personnes âgées ou handicapées.

Nous favorisons les transmissions anticipées de patrimoine en faveur des jeunes générations. Nous créons enfin un crédit d'impôt pour les entreprises qui aident leurs salariés à mieux concilier vie professionnelle et vie familiale.

La seule mesure qui fait débat est l'augmentation de la taxe sur le gazole. Le Gouvernement souhaite poursuivre, à hauteur de 2,5 centimes d'euros, la réduction de l'écart de taxation entre l'essence et le gazole engagée sous la précédente législature. La recette attendue est du même montant que notre versement à Réseau ferré de France. Les effets pour le consommateur ne doivent pas être surestimés ; les prix à la pompe resteront très inférieurs à ceux du printemps dernier. J'ajoute que l'augmentation est bien moindre que les écarts entre les stations-service de nos agglomérations.

Nous sommes très confiants sur nos chances de parvenir à un accord communautaire, avant la fin de l'année, pour pérenniser le taux réduit de TVA applicable aux travaux dans les logements (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste), comme aux services d'aide à la personne.

Quant à la TVA sur la restauration, l'engagement d'en baisser le taux est explicitement repris dans la loi de finances, afin que cette mesure puisse entrer en vigueur dès que l'Union européenne l'aura autorisée.

Le montant net des allégements fiscaux et de charges s'établit à 2,5 milliards. S'ajoute le bénéfice des lois votées ces derniers mois, soit 800 millions. Au total, ce sont donc 3,3 milliards d'allégements fiscaux et sociaux qu'il vous est proposé de rendre aux Français, hors fiscalité sur le tabac.

M. Jean-Pierre Brard - M. Messier vous a-t-il remercié ?

M. le Ministre délégué - Mériter la confiance des Français, c'est aussi maîtriser les dépenses, dont je rappelle qu'elles sont engagées au nom des Français, qu'elles sont financées par eux, et qu'elles sont prélevées sur leur pouvoir d'achat.

Oui, mériter la confiance des Français, c'est maîtriser, enfin, et sans retard, la dépense de l'Etat !

M. Hervé de Charette - Très bien !

M. le Ministre délégué - Nous la stabilisons en volume pour la deuxième année consécutive. Ce sera la première fois en vingt ans !

Nous rompons avec l'accroissement perpétuel en limitant le montant, à structure constante, à 277,9 milliards, soit une progression égale à l'inflation prévisionnelle. Grâce à d'importants efforts de redéploiement, nous réalisons 5,4 milliards d'économies.

Nous finançons l'augmentation inéluctable de 3 milliards de dépenses : la dette, les pensions, les minima sociaux et les dotations aux collectivités locales. Nous fondons nos économies sur des réformes structurelles qui permettent de ne pas remplacer près de 10 000 départs en retraite et nous réaffectons une partie des moyens en fonction des besoins. Nous diminuons au total le nombre des emplois budgétaires de 4 600, soit six fois l'effort consenti en 2003. Nous stabilisons, en euros constants, la masse salariale de l'Etat. Contraste patent avec les années 2001 et 2002, quand furent créés 23 000 emplois budgétaires ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP). Nous finançons nos priorités : la justice, la sécurité, l'équipement de la défense et l'aide au développement bénéficieront de tous les moyens prévus dans les lois de programmation. Quatre milliards supplémentaires auront été ainsi dégagés, entre 2002 et 2004, pour ces priorités.

Un Etat moderne n'est pas un Etat figé. Nous voulons doter la France d'un Etat efficace et performant, garant du bien commun. Là où manquaient des moyens, ils ont été renforcés. Mais la vérité oblige à dire que l'efficacité n'est pas liée au seul taux d'évolution des crédits et des effectifs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Sans moyens supplémentaires, la sécurité routière enregistre des succès exemplaires. L'efficacité de l'action publique n'est pas proportionnelle à l'évolution des crédits. Trop de groupes de pression entretiennent le fétichisme des pourcentages de progression.

Nous pouvons dépenser moins en abrogeant plutôt qu'en multipliant les normes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), en allégeant le poids écrasant de l'écheveau de lois et de règlements pléthoriques, en desserrant le carcan qui menace la compétitivité de la France (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Je compte sur vous, Mesdames et Messieurs les députés, pour affirmer votre volonté réformatrice avec une vigueur sans précédent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). La maîtrise de nos dépenses est la clé de la réduction du déficit ! En France, nous ne souffrons pas de l'insuffisance des impôts mais de l'excès de dépenses (Mêmes mouvements).

Le déficit budgétaire s'établit à 55,5 milliards d'euros. Il traduit une évolution divergente des dépenses, qui sont maîtrisées, et des recettes, très affaiblies par la conjoncture.

M. Augustin Bonrepaux - Et par vos décisions !

M. le Ministre délégué - A structure constante, toutefois, le solde aurait été de 54 milliards. Nous devrions donc enregistrer une amélioration de 2 milliards par rapport au déficit prévisionnel de 2003, qui devrait s'établir à environ 56 milliards.

Mériter la confiance des Français, c'est aussi améliorer la sincérité du budget. Tout d'abord, nous supprimons le FOREC, d'une trop grande opacité...

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. François Goulard - Une invention de la gauche !

M. le Ministre délégué - Les moyens consacrés à la politique de l'emploi étaient segmentés et n'apparaissaient pas clairement. Aujourd'hui, l'effort de la nation se révèle dans son ampleur : en dehors de la dette, le budget de l'emploi est le troisième de l'Etat après l'éducation nationale et la défense.

En second lieu, le financement des charges de gros entretien et de désendettement du système ferroviaire est désormais sécurisé.

Troisième réforme : les concours de l'Etat aux collectivités locales, devenus incompréhensibles, sont clarifiés. Une réforme profonde regroupe la plupart des concours au sein de la dotation globale de fonctionnement. Malgré les difficultés de la conjoncture, l'Etat préserve le contrat de croissance et de solidarité.

M. Augustin Bonrepaux - Encore une manipulation pour réduire les moyens des collectivités locales !

M. le Ministre délégué - Alors qu'il stabilise ses propres dépenses en volume, l'Etat maintient, au bénéfice des collectivités territoriales, l'indexation de ses concours sur la croissance. Le transfert du RMI est financé par un partage du produit de la TIPP, conformément à nos engagements.

Quatrième réforme, celle de la parafiscalité : engagée fin 2002, elle se poursuit et sera parachevée dans le collectif de fin d'année.

Cinquième réforme, celle du budget annexe des prestations sociales agricoles. La loi organique a créé un nouvel établissement public. Dès 2004, les ressources du BAPSA sont clarifiées : la fraction de TVA affectée est supprimée, de même que la subvention d'équilibre. L'universalité de la TVA est ainsi rétablie, au profit du budget général.

Dernière réforme, l'inscription dans le budget des 48 000 emplois contractuels de l'éducation nationale, qui sont désormais soumis à votre approbation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Ainsi, le projet de budget porte l'empreinte d'une volonté indéfectible et d'une détermination sans faille. En encourageant le travail, en favorisant l'emploi et en préparant l'avenir, il appelle chaque Français à offrir à son pays le meilleur de lui-même : audace, élan et volonté pour dessiner ensemble l'avenir de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - C'est presque du Danton !

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Avec ce deuxième budget de la législature, le Gouvernement maintient le cap de sa politique économique. Il a raison de faire ce choix.

Premier axe de son action : réduire les prélèvements obligatoires pour relancer l'initiative, renforcer la croissance, améliorer notre compétitivité.

Deuxième axe : maîtriser les dépenses publiques pour accélérer la réduction du déficit lorsque la croissance sera de retour.

Troisième axe : mener à bien les réformes de structures. Au moment où nous engageons notre marathon budgétaire, il ne faut pas oublier le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui sera discuté à son tour dans les prochains jours. Les finances sociales doivent être le deuxième pilier de la réforme. Celle des retraites a été réalisée cet été. Le processus est maintenant engagé pour l'assurance maladie. Ce budget poursuit donc des orientations claires.

Il faut, dès aujourd'hui, se donner les moyens de revenir rapidement à une croissance forte, durable, riche en emplois dans le secteur marchand. Pour cela, les engagements du Gouvernement et de sa majorité doivent être tenus.

Une politique budgétaire fondée sur la maîtrise des dépenses permet de réduire le déficit structurel et de dégager des marges pour les dépenses prioritaires - justice, défense, sécurité -, pour la diminution durable des prélèvements obligatoires et pour l'accélération du désendettement de l'Etat.

M. Augustin Bonrepaux - V_ux pieux !

M. le Rapporteur général - Elle permet d'absorber les fluctuations de la conjoncture et leur impact sur les recettes sans tomber dans les travers d'un ajustement procyclique. Mais pour être efficace, la maîtrise des dépenses doit se développer aussi en période de haute conjoncture, ce qui n'a malheureusement pas été fait par la précédente majorité. En 2002, tous les pays européens avaient réduit, voire supprimé, leur déficit, sauf le nôtre. Enfin, cette politique est beaucoup plus lisible pour les agents économiques et rend crédible la baisse des prélèvements obligatoires.

Ce projet de budget témoigne d'un effort sans précédent de maîtrise de la dépense publique. Pour 2004, il stabilise en volume les dépenses : c'est une contrainte très forte sur le fonctionnement de l'Etat, compte tenu des dépenses inéluctables, charge de la dette ou pensions, mais aussi du financement des priorités du Gouvernement et de la majorité.

A structure constante, la stabilisation en volume des crédits correspond à une augmentation en valeur de 1,5 %. La marge de crédits supplémentaires est donc de 4,1 milliards d'euros. Lors de l'audition devant la commission des finances, le Gouvernement a indiqué que cette marge serait répartie entre les priorités gouvernementales, à hauteur de 2 milliards d'euros, et les dépenses inéluctables à hauteur de 3 milliards. Il reste donc 900 millions à dégager sur les autres crédits.

En ce qui concerne le nombre des fonctionnaires, le Gouvernement avait rompu, dès l'année dernière, avec cette idée fausse selon laquelle seule l'augmentation des effectifs permettrait d'améliorer la qualité du service rendu : 1 089 emplois budgétaires ont été supprimés en 2003. Cette démarche se poursuit, en mettant à profit le mouvement naturel. Les départs en retraite vont d'ailleurs s'accélérer à partir de 2005, ce qui permettra d'organiser une décrue progressive du nombre de fonctionnaires (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le présent projet prévoit la suppression de 4 561 emplois budgétaires, soit le solde de 5 178 créations - plus de 2 000 à la justice, 1 500 à l'éducation nationale et 1 100 à l'intérieur - et de 9 700 suppressions - dont 5 000 à l'éducation nationale, 2 000 aux finances et 1 100 à l'équipement.

Malgré les difficultés de la conjoncture, le Gouvernement poursuit le financement des priorités définies au début de la législature, répondant ainsi aux aspirations des Français en matière de sécurité et de justice et garantissant le rôle international de la France dans un monde incertain.

Le budget de la défense voit se poursuivre la remise à niveau de ses crédits, dans le respect de la loi de programmation militaire 2003-2008. Les crédits d'entretien sont majorés de 11 %. Quel contraste avec la précédente législature, où une part importante de nos matériels n'étaient pas opérationnels faute d'entretien et de pièces détachées !

2004 sera la deuxième année d'application de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, qui tend à réduire les délais de traitement des affaires, à développer l'effectivité de la réponse pénale à l'évolution de la délinquance, à prévenir et mieux traiter la délinquance des mineurs, secteurs dans lesquels la précédente majorité avait échoué. La loi de programmation a fixé les moyens pour réaliser ces objectifs : le nombre d'emplois s'accroîtra cette année de 2 175, et l'équipement immobilier bénéficiera d'autorisations de programme majorées, pour que la justice soit rendue dans des lieux dignes de sa fonction et que les conditions carcérales soient améliorées.

Enfin, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure prévoit de consacrer près de 6 milliards supplémentaires, sur la période 2003-2007, au recrutement de personnels de police et de gendarmerie. Il y a donc bien un redéploiement de l'argent public en faveur des priorités de cette majorité (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

La maîtrise de la dépense est accompagnée d'un effort de transparence, indispensable pour garantir la réalité de la norme de stabilité des dépenses en volume. Le Gouvernement a décidé de supprimer le FOREC, dans lequel avaient été logées, pour ne pas dire dissimulées, la plupart des mesures de compensation des allégements de cotisations patronales et, en particulier, le coût exorbitant des 35 heures (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'année dernière, la commission des finances avait demandé que ce fonds soit rebudgétisé, et le Gouvernement s'y était engagé. L'engagement est tenu, et nous vous en remercions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Il faut aussi insister sur la réorientation de la politique de l'emploi en fonction de nos priorités. L'accès est mis sur le développement de l'emploi marchand, par opposition à l'emploi artificiel des administrations.

M. Augustin Bonrepaux - Vous n'êtes pas sérieux !

M. le Rapporteur général - Cette politique se traduit par une réallocation des moyens consacrés aux différents dispositifs de soutien à l'emploi et de contrats aidés. Le repli progressif du programme des emplois-jeunes dans les administrations en est l'illustration : un emploi-jeune coûte en moyenne 15 000 € par an, six fois plus qu'un « jeune en entreprise ». 90 000 contrats jeunes en entreprise ont été signés cette année, et on en attend 100 000 de plus pour la fin 2004.

En outre, vous entamez la réforme du financement des collectivités locales. La clarification des dotations est engagée pour chaque niveau de collectivité - régions, départements, communes, intercommunalités - en distinguant une dotation forfaitaire permettant la garantie des ressources dans le temps et une dotation de péréquation pour assurer la nécessaire solidarité.

M. Augustin Bonrepaux - Ce n'est pas sérieux !

M. le Rapporteur général - Ces dotations sont traitées en prélèvements sur recettes, ce qui protègera les collectivités locales contre d'éventuelles mesures de régulation.

Mais surtout, contrairement à la précédente majorité, nous faisons confiance aux collectivités locales (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Les dotations seront indexées, et, malgré les difficultés de la conjoncture, vous avez tenu à reconduire en 2004 le contrat de croissance et de solidarité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Enfin, dès cette année, sera engagé le transfert de compétences aux collectivités locales, avec le transfert du RMI et du RMA, dans le cadre de la loi organique sur l'autonomie financière des collectivités locales que nous examinerons prochainement.

2004 nous rapproche encore de l'entrée en vigueur de la LOLF. Dans deux ans, le budget sera organisé en missions et en programmes, avec des enveloppes de crédits fongibles associées à des objectifs bien identifiés. Résultats, performances, évaluation fonderont une nouvelle culture budgétaire que vous avez voulue, Monsieur le ministre, quand vous présidiez la commission des finances du Sénat, et que l'on devra à votre détermination, ainsi qu'à celle de mon prédécesseur Didier Migaud - qui aurait été parfait s'il avait pu éviter la dilapidation de la « cagnotte » de 1999.

M. Augustin Bonrepaux - C'est indigne ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur général - Il n'est point d'éloge flatteur sans la liberté de blâmer !

Je salue en particulier, Monsieur le ministre, le projet MODERFIE que vous conduisez à Bercy, et qui démontre votre attachement au succès de la LOLF.

Vous multipliez dès cette année les expérimentations en vue de l'échéance 2006. Ainsi, les budgets de l'agriculture, de l'écologie, de la culture et de l'éducation nationale rendent fongibles, dès 2004, des crédits de fonctionnement et d'intervention.

L'effort de transparence marque aussi l'évaluation des ressources. Le scénario macro-économique retient un taux de croissance du PIB égal à 1,7 %. Il s'agit d'une évaluation prudente. Or, en 2001, le taux de croissance prévu dans le cadre du projet de loi de finances était de 3,3 %, mais il n'a atteint que 1,8 % ; en 2002, on est passé de 2,5 % à 1,2 %. En 2003, la prévision était de 2,5 %.

M. Augustin Bonrepaux - Résultat zéro !

M. le Rapporteur général - Errare humanum est. Mais nos prévisions pour 2004 sont raisonnables, à 2 %, avec une hypothèse d'élasticité de 0,6, la plus faible jamais retenue. Le volet recettes du projet est cohérent avec notre politique acharnée de baisse des prélèvements obligatoires.

M. Jean-Pierre Brard - Cela tourne à l'obsession !

M. le Rapporteur général - La diminution de l'impôt sur le revenu, l'augmentation de la prime pour l'emploi, la revalorisation du SMIC, traduisent la volonté de mieux reconnaître le travail par rapport aux revenus tirés de l'assistance. En outre, ces mesures permettront de dégager du pouvoir d'achat supplémentaire qui se recyclera dans la consommation. Avec la revalorisation du SMIC, celle de la prime pour l'emploi et la baisse de l'impôt sur le revenu de 3 %, un salarié, seul membre de son foyer fiscal, rémunéré au SMIC à 39 heures en 2003, bénéficiera d'un gain total de près de 550 €. Pour un couple dont les deux conjoints gagnent le SMIC, le gain sera de plus de 1 000 €, soit une augmentation proche de 6 % du revenu salarial. Pas une seule fois entre 1997 et 2002 les bas salaires n'ont bénéficié d'une telle revalorisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Il fallait, cette année, poursuivre la baisse de l'impôt sur le revenu pour crédibiliser notre volonté de baisser les prélèvements obligatoires dans la durée. La capacité de consommation, d'épargne et d'investissement supplémentaire restitué aux ménages et aux entreprises atteint 3,5 milliards d'euros nets. Sur les vingt-trois mesures fiscales de ce projet, vingt-deux sont globalement favorables aux contribuables (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Cet effort global n'exclut pas qu'un impôt particulier puisse augmenter ; c'est le cas de la TIPP sur le gazole, mais les 800 millions de recettes étant affectés à RFF, il s'agit d'une décision favorable à l'investissement à long terme dans un mode de transport respectueux de l'environnement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

S'agissant des entreprises, en plus des mesures favorables déjà votées dans la loi sur l'initiative économique, ce projet permet une sensible amélioration du crédit impôt recherche.

L'incitation à la constitution d'une épargne retraite volontaire et l'adaptation de la fiscalité des revenus d'actions constituent des réformes importantes à la fois dans notre pays fiscal, et par leurs conséquences économiques, qu'il s'agisse du financement des retraites ou de celui de nos entreprises, lesquelles seront ainsi mieux protégées des prises de contrôle étranger.

En matière de TVA, le Gouvernement tient scrupuleusement ses engagements. La reconduction de l'application du taux réduit aux travaux dans le logement figure en première partie, la mesure concernant le secteur de la restauration, en seconde partie. Cette présentation résulte du processus de décision communautaire.

Le déficit budgétaire pour 2004, évalué à 55 milliards, est élevé.

M. Jean-Pierre Brard - Abyssal !

M. le Rapporteur général - Il traduit le fait que la politique budgétaire doit accélérer le retour de la croissance. Mais les recettes supplémentaires que celui-ci permettra seront affectées exclusivement à la réduction du déficit, au lieu d'être dilapidées en dépenses nouvelles comme sous la précédente majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Si l'on raisonne, comme le fait la Commission européenne, en termes de déficit structurel, qui permet d'analyser l'effort réel de maîtrise de la dépense une fois éliminés les effets de la conjoncture, on constate que celui-ci a augmenté de deux points de PIB entre 1999 et 2002 et pour moitié, entre 1999 et 2001, même si les effets d'aubaine de la conjoncture ont caché cette dégradation.

A l'inverse, notre effort de maîtrise des dépenses de l'Etat, ainsi que la réforme de l'UNEDIC permettent de progresser dans l'assainissement des finances publiques, à hauteur de 0,5 point de PIB en 2003 et de 0,8 en 2004, toujours en solde structurel. Si vous avez été si persuasifs auprès de la Commission de Bruxelles, Messieurs les ministres, c'est bien parce que vous avez affirmé votre volonté absolue de maîtriser la dépense.

M. Didier Migaud - Y a-t-il des engagements secrets pour après les élections ?

M. le Rapporteur général - La commission des finances a adopté plusieurs amendements ou articles additionnels. Je souligne dès maintenant notre souhait de voir la diminution des taux de l'impôt sur le revenu s'accompagner de la révision de certains allégements, pour des raisons de cohérence, et dans l'esprit de l'excellente réforme de l'IR engagée en 1996 et malheureusement interrompue en 1997 ; et en second lieu, notre souhait de ne reconduire l'actuelle redevance de télévision que pour 2004, le temps de mettre au point une véritable réforme de cet impôt en 2005, afin de le rendre plus juste et moins coûteux à recouvrer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Avant d'envisager de nouvelles dépenses, il faut tout faire pour réduire le déficit. L'examen des budgets de chaque ministère sera l'occasion d'insister sur la nécessaire réforme de l'Etat, la chasse aux dépenses superflues, le contrôle des guichets ouverts sans limite, la suppression d'organismes sans objet ou de procédures inutilement complexes. Comme la baisse des impôts, dont c'est la condition, il s'agit d'un travail de longue haleine, à mener avec constance et détermination.

Votre commission des finances vous propose donc d'adopter ce projet de loi de finances initiale pour 2004, modifié par les amendements qu'elle a acceptés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - La brièveté des interventions des deux ministres et du rapporteur permettra à l'opposition de s'exprimer avant le dîner. Puisse cette courtoisie être contagieuse !

Un précédent ministre de l'économie avait rappelé à cette tribune que ce qui différenciait un pays d'un autre était un demi-point de croissance en plus ou en moins. Nous devrions méditer les raisons pour lesquelles la croissance française, supérieure d'un demi-point à la moyenne des pays de l'OCDE jusqu'à 1978, lui est depuis une vingtaine d'années, inférieure d'un quart de point.

M. Didier Migaud - Ce n'est pas vrai !

M. le Président de la commission - Ce constat statistique incontestable explique notre médiocre position en Europe en termes de taux de chômage, d'évolution du pouvoir d'achat, de déficit budgétaire, de richesse régionale - deux régions françaises seulement se situent parmi les cinquante premières en Europe, sur un total de cent quatre-vingt-dix, en termes de richesse par habitant -, ou encore de chômage de longue durée, qui touche 3 % des Français en âge de travailler, soit dix fois plus qu'aux Etats-Unis.

Le retour à une croissance capable de créer des emplois suppose une amélioration de la productivité globale de l'économie, laquelle implique que l'administration ne reste pas à la traîne, protégée par son statut protecteur et l'absence de concurrence. Il ne peut y avoir deux univers économiques qui s'ignorent, l'un exposé à tous les dangers, l'autre abrité.

Ce diagnostic est largement partagé. A défaut de s'accorder sur les remèdes, n'est-il pas judicieux d'écouter nos voisins et de méditer sur ce qu'ils font pour retrouver de la croissance ?

S'agissant tout d'abord des réformes de structures, la France en a trop longtemps différé deux qui avaient été engagées presque partout en Europe - y compris dans les pays scandinaves - celles des retraites et de l'assurance maladie.

Le Gouvernement a conduit avec courage et équité la réforme nécessaire des retraites. Ceux qui s'y sont opposés proposaient comme alternatives l'accroissement de la CSG et une fiscalité alourdie sur le capital qui ne pouvaient que nuire à la croissance. Quant à la réforme de l'assurance maladie, elle doit être menée dans l'année à venir.

Concernant la gestion de l'Etat et le poids des réglementations, on dit à l'étranger que « la France est sur-administrée et sous-organisée ». La multiplicité des procédures et l'empilement des structures ont pour conséquence une faible productivité générale de l'Etat. Les efforts engagés restent limités ; à l'exception de quelques ministères, la machine à produire de la complexité continue à fonctionner. Lorsqu'on ambitionne de responsabiliser les acteurs et de s'adapter à la diversité des situations, il est surprenant d'utiliser les méthodes verticales de réforme par lois, décrets, arrêtés et règlements au milieu desquels personne ne se retrouve... (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Il faut donc alléger les procédures et simplifier les structures. Pour cela, Messieurs les ministres, vous avez besoin du Parlement. L'Etat en France est particulièrement omniprésent, si l'on considère la part des dépenses publiques dans le PIB (55 % du PIB) ou du nombre d'agents. Or laisser croire qu'un pays peut avoir un bon niveau de vie, un faible taux de chômage et un Etat providence très développé, tout en travaillant 35 heures par semaine avec deux mois de congés et la retraite après 37 années et demi de travail, c'est une supercherie.

Seul pays à s'être engagé dans cette voie, la France en paie aujourd'hui les conséquences, par des délocalisations et la perte d'attractivité de son territoire.

M. Jean-Pierre Brard - Pourtant ils viennent tous investir chez nous ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président de la commission - Il faut donc inverser la tendance et revenir à un secteur public rationalisé, au service des administrés, et non l'inverse.

En ce qui concerne le poids des réglementations excessives, je souhaite vous donner le témoignage du président d'une grande société sur le choix de ses deux derniers sites industriels en Europe : dans un article récent, il a déclaré avoir écarté l'Allemagne et la France pour leur préférer la Suisse, où les salaires sont les plus élevés au monde, mais qui offre la flexibilité nécessaire à une société moderne.

L'entreprise naît, vit, se développe, mais aussi hélas, meurt. Vouloir lui appliquer les schémas d'une administration dotée de l'immortalité, c'est aller à notre perte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

En ce qui concerne la stratégie budgétaire, réhabiliter l'impôt, comme le suggère certains, alors que le taux des prélèvements obligatoires approche les 50 %, c'est vraiment s'endormir sur nos faiblesses et menacer l'emploi et le pouvoir d'achat.

C'est pourquoi, dans ce budget, le Gouvernement a mis l'accent sur la baisse des charges sociales et de l'impôt sur le revenu.

M. Jean-Pierre Brard - Vous êtes vraiment des obsédés !

M. le Président de la commission - Pour le prochain débat d'orientation budgétaire, au printemps, la commission des finances souhaite disposer de comparaisons de fiscalité entre pays européens, qu'il s'agisse des impôts sur la consommation, sur le capital ou sur le travail. Notre objectif est de privilégier l'emploi et donc les baisses d'impôts les plus aptes à y contribuer, plutôt que d'avoir des réactions allergiques à telle ou telle réduction d'impôt (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Le choix de la croissance zéro du budget, c'est le seul moyen d'assurer à terme la maîtrise des dépenses.Vous l'avez fait. Nous vous en savons gré.

Il demeure cependant quelques interrogations. Est-il justifié d'avoir des budgets sanctuarisés ? Pour l'investissement, probablement. Mais pour le fonctionnement, non.

Les conférences de presse de certains ministres ont montré que la prise de conscience qu'un bon budget ce n'est pas un budget qui augmente mais un budget qui gère mieux l'argent public, n'est pas encore généralisée.

De même, trop peu de voix s'élèvent dans ce pays contre les rentes supplémentaires accordées à telle ou telle corporation, passée maître dans l'art d'invoquer l'intérêt général pour légitimer les siens.

M. Jean-Pierre Brard - Lesquelles ?

M. le Président de la commission - Par exemple, celles qui demandent la retraite à cinquante ans ! En revanche, le ministre du logement a su utiliser le levier de la baisse des taux pour produire plus de logements sociaux et plus d'accession à la propriété, tout en réduisant les prélèvements publics (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Le budget doit donc répondre à une double exigence d'efficacité pour la croissance et de justice. On va nous marteler que ce budget est injuste. De fait, si on se réfère au travaillisme des années 1970, ce budget n'est pas « correct ». Mais si on regarde ce que font nos voisins européens maintenant, y compris les sociaux-démocrates, on constate qu'ils jouent sur le double levier de la justice et de l'efficacité. « L'Etat providence omniprésent, a déclaré le chancelier Schröder, n'est pas viable financièrement et il est de surcroît inefficace et inhumain » ; et Tony Blair souligne que dans un pays moderne, l'Etat et les entreprises doivent coopérer.

Je relève à cet égard qu'au cours des dix-huit derniers mois, plusieurs priorités sociales ont été mises en _uvre. Les petits salaires du secteur privé ont été revalorisés de 7 à 8 %. Les petites retraites vont être relevées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). L'accession sociale à la propriété va être développée. Le nouveau prêt pour la location-accession doit financer 5 000 logements pour les ménages les plus modestes ; on pourrait passer à 10 000 car cela ne pèse pas sur les finances publiques.

Pour les banlieues, le plan Borloo représente une réelle perspective. Et je ne m'attarde pas sur les efforts en faveur de la sécurité.

Il s'agit donc d'un budget responsable qui remédie progressivement aux faiblesses du pays.

Nous l'approuvons... et nous souhaitons pour 2005 un plus grand apport du Parlement pour vous aider, Messieurs les ministres, à concrétiser nos espoirs communs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91-4, du Règlement.

M. Didier Migaud - Ce projet de budget porte bien l'empreinte du Président Jacques Chirac. Il contient des mesures abracadabrantesques, pour une croissance qui fait pschitt !

Doté d'une forte cohérence idéologique, mais d'une grande incohérence économique, il est profondément injuste et malheureusement inefficace.

L'année 2003 est remarquable, tant du point de vue économique que du point de vue budgétaire. Les économistes ont, en effet, relevé que ce sera pour la croissance « la pire année depuis cinquante ans, après 1974 et 1993 ». M. Raffarin avait dit que sa prévision de croissance signifiait les ambitions de son gouvernement et constituait un pari. Ce pari est perdu, c'est l'évidence.

M. Raffarin voulait « libérer les énergies » ; résultat, le chômage s'est sensiblement aggravé. M. Raffarin semble être aveugle aux désastres provoqués par sa politique et sourd aux inquiétudes de la France d'en bas. Il devrait tirer les conséquences de cet échec et démissionner (Protestations sur les bancs du groupe UMP), pour autant qu'il soit responsable de la politique mise en _uvre.

S'il ne le fait pas, il doit changer de politique. Ce n'est pas ce qui nous est proposé. L'accentuation du caractère injuste et inefficace de sa politique fiscale et budgétaire nous laisse craindre le pire. Le taux de chômage va atteindre 10 % et, pour la première fois depuis 1993, l'économie a détruit plus d'emplois qu'elle n'en a créés. La consommation des ménages s'est effondrée, les entreprises n'investissent plus, la production industrielle recule. Les multiples augmentations de taxes, de tarifs publics, d'impôts locaux ont amputé le pouvoir d'achat des Français et achevé de briser leur moral, déjà chancelant. La dette publique a explosé, en raison du doublement du déficit public depuis votre arrivée. La dépense publique s'est remise à augmenter, alors qu'elle avait été maîtrisée entre 1997 et 2001. Seule bonne nouvelle, mais pour une petite minorité, l'ISF a été réduit, de même que l'impôt sur le revenu.

Alain Juppé avait parlé des résultats « calamiteux » du gouvernement de M. Balladur en 1995. Quel terme utilisera le successeur de M. Raffarin ?

M. Jean-Pierre Brard - Apocalyptique !

M. Didier Migaud - Alors qu'entre 1997 et 2001, la croissance de la France tirait celle de l'Europe, elle se situe désormais sous la moyenne européenne. Au deuxième trimestre 2003, le PIB de la France a reculé de 0,3 point contre 0,1 pour l'Union européenne. Même l'Allemagne a fait mieux que nous ! La France est devenue le poids mort de l'Union européenne.

Devant une situation aussi catastrophique, que propose le Gouvernement ? De refondre le barème de l'usufruit, inchangé depuis 1901 ! Une mesure sans doute justifiée, mais est-elle à la hauteur du défi ? Une telle attitude, en période de crise, a été décrite par le sociologue Michel Dobry sous le nom d'hystérésis des habitus, autrement dit du syndrome de la Marquise « tout va très bien... », qui consiste à adopter un comportement ordinaire dans une période qui ne l'est pas. Le manque d'ambition de ce budget et son inadéquation à la réalité sont proprement stupéfiants.

Je souhaite soulever l'exception d'irrecevabilité pour trois raisons : le Gouvernement fait preuve d'insincérité et d'irresponsabilité dans la gestion des finances publiques ; il met en _uvre une politique fiscale et budgétaire injuste, qui ne respecte pas nos principes constitutionnels ; enfin, les hypothèses macro-économiques et de réduction du déficit public ne sont ni sincères ni cohérentes.

En mettant en _uvre une stratégie délibérée de dégradation des finances publiques pour mieux noircir l'héritage socialiste, le Gouvernement a adopté un attitude politicienne et peu responsable. Nous en avons parlé à l'occasion de l'examen de la loi de règlement : vous avez ignoré nos questions.

La comparaison avec la situation de 1997 est éloquente. Vous avez trouvé, comme nous en 1997, un budget initial préparé par un autre gouvernement. Vous avez, comme nous, diligenté un audit indépendant pour évaluer les écarts possibles par rapport à la loi de finances initiale, et vous avez eu ensuite la maîtrise de la situation, comme nous l'avions eue au deuxième semestre 1997.

Le parallèle s'arrête là. Je ne reviendrai pas sur l'audit de 1997. Le constat était sans appel : alors que la loi de finances initiale était censée conduire à un déficit de 3 % du PIB, permettant la qualification de la France pour l'euro, nous nous acheminions vers un déficit supérieur à 4 % du PIB. Ce constat avait d'ailleurs été établi par le Premier ministre sortant lui-même dans une lettre adressée à son successeur. L'écart était essentiellement dû à l'ampleur des dépenses annoncées et non financées et à une forte surévaluation des recettes. Le gouvernement de Lionel Jospin a pris ses responsabilités et permis de qualifier in extremis la France pour l'euro en terminant l'année avec un déficit de 3 % du PIB.

En 2002, l'audit a prévu un déficit compris entre 2,4 % et 2,6 %. Vous avez bien sûr retenu la plus pessimiste. Pourtant, l'année s'est achevée à 3,1 %, soit 0,5 point de plus.

Cette dégradation supplémentaire n'est pas le fait de la conjoncture, comme vous le prétendez. Vos propres documents, mais aussi et surtout la Cour des comptes et la Commission européenne, établissent qu'elle résulte, d'une part, de notre décision - que nous assumons - de laisser jouer les stabilisateurs automatiques, qui ont porté le déficit prévisible pour 2002 de 1,4 % à 2 % du PIB et, d'autre part, à hauteur des deux tiers, d'une volonté délibérée de dégrader les comptes publics. La Cour des comptes estime ainsi que le Gouvernement a « laissé filer » le déficit. Ceci afin de refaire vainement, comme on dit, le « coup de l'héritage ».

Le déficit supplémentaire, au-delà de 2 %, est donc imputable à vos propres décisions : baisse supplémentaire et stérile de l'impôt sur le revenu, emballement des dépenses de sécurité sociale et progression déraisonnable des dépenses militaires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Le tout représente une dégradation supérieure à un point de PIB, soit 15 milliards d'euros, dont la moitié sur le seul budget de l'Etat et la moitié due à l'emballement des dépenses de santé.

D'ailleurs, que dit le commissaire européen Pedro Solbes dans l'interview qu'il a accordée au Monde daté du 12-13 octobre ? « La France s'est mise elle-même dans cette situation ». On ne peut mieux dire !

M. Charles de Courson - A qui la faute ?

M. Didier Migaud - Les principaux chiffres de l'exécution 2002 montrent bien la dérive de nos finances publiques, qui se poursuit cette année. Selon la Cour des comptes, les dépenses de l'Etat ont progressé de 4,3 %, en 2002, contre 2,4 % en 2001 et en moyenne pour la période 1998-2002. Et vous n'avez pas répondu, Monsieur le rapporteur général, aux questions que nous avons posées lors de l'examen de la loi de règlement.

Les dépenses qui progressent le plus rapidement sont celles du titre III - moyens des services - avec une croissance de 4,7 % par rapport à 2001. Les dépenses de fonctionnement courant progressent de 6,2 %, soit deux fois plus qu'en 2000 et 2001. On notera enfin la progression déraisonnable de 5,3 % des dépenses militaires.

Vous avez de surcroît consolidé l'essentiel de ces dépenses en « base », en construisant le projet de loi de finances pour 2003 à partir des dépenses du projet de loi de finances pour 2002 majorées de celles du collectif budgétaire d'été, alors que l'orthodoxie budgétaire commandait de fixer la norme de progression de la dépense publique à partir du seul projet de loi de finances initial. Vous avez ainsi imposé aux dépenses de l'Etat une marche d'escalier qui explique en partie l'explosion de la dépense publique en 2003.

Vous avez par ailleurs accru les dépenses d'assurance maladie de plus de 1,3 milliard d'euros en faveur des médecins, en multipliant les revalorisations d'honoraires sans contrepartie, et au détriment des comptes sociaux, dont le déficit est qualifié d'abyssal par le ministre chargé pourtant de les gérer.

En pratiquant un double discours selon qu'il s'adresse à l'Union européenne ou à l'opinion publique, le Gouvernement consacre l'insincérité comme mode de gestion.

M. Jean-Pierre Brard - C'est gentiment formulé !

M. Didier Migaud - Le gouvernement de M. Raffarin, pour qui la forme semble prévaloir sur le fond, fait de la communication l'alpha et l'oméga de sa politique. Cette stratégie est désormais mise en scène - par un paroxysme, la communication se fait elle-même communicante - par un conseiller en communication qui ne fait pas mystère d'avoir pris pour modèle un ancien collègue, M. Alastair Campbell, qui s'est brûlé les ailes en Angleterre à trop manipuler médias et citoyens.

Souhaitons à ce conseiller de ne pas connaître le même sort qu'Icare, et à M. Raffarin de faire preuve d'autant de réactivité en matière économique que son conseiller en communication se targue de le faire en matière de communication.

Le premier principe de toute bonne communication est de moduler le discours selon la cible. C'est ainsi que le Gouvernement tient un discours de rigueur et s'engage à annuler des crédits devant l'Union européenne, tandis qu'il berce l'opinion publique d'illusions en lui cachant l'ampleur des sacrifices qu'il s'est engagé à lui faire supporter.

Ce double discours est apparu de façon flagrante dans les annulations de crédits inscrits de façon purement optique dans le projet de loi de finances initiale pour 2003, puisqu'ils avaient vocation dès l'origine à être annulés, comme vous avez eu, Monsieur le ministre du budget, l'honnêteté de le reconnaître.

Ainsi observe-t-on une concomitance exacte entre la parution des décrets d'annulation de crédits et le déroulement de la procédure européenne pour déficit excessif. La première vague d'annulations est intervenue à peine quinze jours avant la publication du rapport de la Commission qui a déclenché la procédure, et la dernière le jour même de la fin de l'ultimatum posé par la Commission le 3 octobre dernier. Vous avez saisi l'occasion, Monsieur le ministre du budget, d'une question de ma part sur un éventuel nouveau gel des crédits début 2004, pour annoncer le 30 septembre à la commission des finances que vous proposeriez « tout naturellement au Premier ministre des mesures en ce sens au début du prochain exercice, de manière à éviter tout dérapage ». Ceci n'est pas un hasard ! C'est la conséquence directe des engagements pris par le Gouvernement devant l'Union européenne sans même informer la représentation nationale, qui regarde passer les trains d'annulations. Ainsi allons-nous voter des crédits que vous proposerez dès le mois de janvier, Monsieur le ministre, de geler. Une fois de plus, ce budget est virtuel.

Il est très choquant que cette pratique soit reconduite. C'est la preuve même que vous ne croyez pas à vos hypothèses économiques.

Le Gouvernement se retranche derrière le fait que le plafond de dépenses voté par le Parlement ne constitue pas une injonction de dépenser. Il a raison, mais pourquoi voter un plafond si l'on sait déjà que c'est un plafond inférieur qui s'appliquera à l'exécution ? Comme l'a dit le Premier président de la Cour des comptes dans une interview accordée l'année dernière au Figaro : « Il est paradoxal de faire voter aux parlementaires un plafond de dépenses en annonçant quelques semaines plus tard qu'il n'est qu'indicatif ». Si le Gouvernement sait déjà, comme il le dit, que le plafond de dépenses qu'il fait voter n'est pas celui qu'il mettra en _uvre, alors il fait clairement preuve d'insincérité : ce sont autant d'affichages politiciens et de promesses de crédits qui délibérément ne seront pas tenues. Mais dans quelle mesure, selon quelles modalités, à quelle hauteur et au détriment de quelles actions ? C'est un secret jalousement gardé. Aucun parlementaire ne le sait, encore moins les ministres « dépensiers ». Comment peut-on défendre et voter un budget sur lequel pèsent autant d'aléas ?

La démarche du Gouvernement est donc insincère, voire hypocrite, et s'inscrit pleinement dans « l'intention délibérée de fausser les grandes lignes de l'équilibre » que le Conseil constitutionnel ne devrait pas manquer de sanctionner. Son but est évident : masquer l'ampleur des sacrifices - M. le ministre de l'économie et des finances parlait de mesures « douloureuses » - que l'on va imposer aux Français dès après les élections de juin 2004.

Cette insincérité est également démontrée par la contradiction entre les conséquences économiques des annulations et le discours que dit tenir le Gouvernement à Bruxelles : « Nous ne prendrons aucune mesure susceptible de casser la croissance, ne comptez pas sur nous pour imposer la rigueur ! ». Passons sur le fait que le Gouvernement n'a eu besoin de personne pour casser la croissance, il y arrive malheureusement tout seul ! Mais sur les 2,55 milliards d'euros d'annulations nettes, plus de la moitié concernent des dépenses d'investissement ! Ces annulations portent souvent sur des crédits inscrits aux contrats de plan Etat-région, ce qui signifie que quand le Gouvernement annule un euro, il bloque un autre euro d'investissement des collectivités locales ! Les effets récessifs de ces annulations sont donc très nets, n'en déplaise au Gouvernement. Si la rigueur a un sens, bien que MM. Chirac et Raffarin s'en défendent, c'est bien à travers ce plan de régulation budgétaire sans précédent, qui est la conséquence de la mise de nos finances publiques sous tutelle de l'Union européenne.

Je renouvelle la demande du groupe socialiste, Monsieur le président de la commission des finances, d'une mission d'information sur les conditions d'exécution des contrats de plan. Tous les jours, nous en découvrons de nouveaux exemples : l'Etat ne respecte plus sa parole ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

M. Didier Migaud - Et le rapporteur spécial pour l'aménagement du territoire a osé ce matin nous dire que les crédits de paiement pour les contrats de plan allaient augmenter en 2004 ! De quoi se moque-t-on ? Pourquoi refusez-vous cette mission d'information ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Pourquoi refusez-vous une commission d'enquête ?

Alors même que les taux d'intérêt sont au plus bas, il est paradoxal de voir l'Etat stopper ses investissements pour contraindre les collectivités locales à bloquer les leurs.

En second lieu, le Gouvernement accentue une politique fiscale et budgétaire injuste, inefficace, qui n'en respecte pas les principes constitutionnels. Le « paquet fiscal » de ce projet jouit d'une grande cohérence idéologique : il faut être riche et bien portant pour bénéficier de la bienveillance du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Le principe d'égalité devant l'impôt est bafoué par vos mesures, car les allègements ne sont pas « également répartis entre tous les citoyens en raison de leurs facultés » comme le veut l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme. Au contraire, ces mesures ciblées sur les plus hauts revenus ont, pour la plupart, un effet d'aubaine sans rapport avec le but affiché de récompenser le travail de celui qui crée de la richesse. Le salarié non imposable n'en bénéficie pas, contrairement au riche retraité qui déclare des plus-values immobilières et est imposé au titre de l'ISF. Sans même parler d'équité, pourquoi seul le travail fortement rémunéré mérite-t-il d'être récompensé ? Le travail d'un intérimaire à mi-temps vaut-il moins à vos yeux ? Le principe d'égalité devant l'impôt est clairement transgressé par ce cumul, ciblé sur moins de 100 000 foyers les plus aisés, d'allègements consentis sans considération de l'origine des revenus, et souvent réservés aux seuls contribuables soumis à l'impôt sur le revenu, alors que des non-imposables remplissent les mêmes conditions.

La mesure qui illustre le mieux l'injustice de votre politique fiscale est le relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour emploi à domicile. Sa justification est en outre fallacieuse. Le récent rapport du Conseil des impôts sur la fiscalité dérogatoire remis au Président de la République - mais l'a-t-il lu ? - démontre que cette mesure est délibérément ciblée sur les 700 000 foyers les plus imposés alors que 900 000 foyers auraient pu y prétendre. Cette ségrégation n'est justifiée par aucune autre différence que celle du revenu.

En 2001, en effet, 2,2 millions de foyers ont déclaré des dépenses liées à l'embauche d'un salarié à domicile. Mais 1,3 million de foyers seulement ont bénéficié de cette mesure, les 900 000 autres n'étant pas imposables. Le Gouvernement justifie le relèvement du montant de la réduction d'impôt à 5 000 € par son souci de « favoriser l'emploi dans le secteur des services aux personnes et de mieux prendre en compte les frais exposés par les familles ». Pourquoi, dès lors, écarter 900 000 foyers qui engagent eux aussi des dépenses à ce titre, au seul motif que leurs revenus sont insuffisants pour être soumis à l'impôt sur le revenu ? Il aurait été plus juste et plus efficace, de transformer cette réduction en un crédit d'impôt, dont chacun peut bénéficier qu'il soit ou non imposable. En agissant comme ils le font, le Gouvernement et sa majorité privent 900 000 foyers d'une incitation fiscale favorable à la création d'emplois et au blanchiment des rémunérations, mais en refusant délibérément de transformer la réduction en un crédit d'impôt, comme il ressort du récent rapport du Conseil des impôts, le Gouvernement prive aussi cette mesure de sa constitutionnalité.

Certes ce rapport du Conseil des impôts évoque une réforme à coût constant, qui oblige à diminuer l'actuel plafond. Mais d'une part, si l'on juge la mesure efficace pour l'emploi, rien n'interdit d'y consacrer un peu d'argent. D'autre part, même à coût constant, la transformation de la réduction d'impôt en crédit d'impôt n'aurait affecté que quelques foyers, les plus aisés, dont l'imposition est déjà fortement diminuée par la baisse du barème de l'impôt sur le revenu ou l'augmentation des niches fiscales - je pense à vos mesures très ciblées sur l'outre-mer, le logement ou le mécénat.

Quant à la place faite à la prime pour l'emploi, importante dans le discours, elle est congrue en réalité. Vous ne parlez plus que de cela, alors que lorsque la droite était dans l'opposition, elle avait obtenu l'annulation d'un premier dispositif par le Conseil constitutionnel. Puis elle avait dit pis que pendre de la prime pour l'emploi, la désignant même de « prime pour les élections » - terme injurieux à l'époque, mais prémonitoire de la façon dont elle-même utiliserait ce dispositif !

Le Gouvernement se gargarise d'avoir augmenté la PPE de 500 millions d'euros, et j'entends encore le Premier ministre affirmer à la télévision que l'augmentation pourrait représenter en moyenne quelque cent euros par an pour les bénéficiaires... En réalité, l'augmentation de la PPE représente, selon les chiffres du rapporteur général, un effort de 80 millions d'euros seulement, à répartir entre plus de 8 millions de bénéficiaires, soit la modeste somme de dix euros par an ! Nous sommes loin des cent euros annoncés mensongèrement par le Premier ministre. Le reste de l'effort budgétaire représente soit le coût de l'indexation du barème et des seuils sur l'inflation et le SMIC, soit le coût en trésorerie pour l'Etat de l'acompte, qui n'est qu'un à valoir à déduire de la PPE. C'est donc une malhonnêteté intellectuelle de laisser croire que la prime augmentera d'un montant équivalent à 500 millions d'euros. Jamais l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu n'est comptée en baisse d'impôt, car ce n'est qu'une mesure acquise. Du reste, sa non-indexation éventuelle est considérée par le Gouvernement comme une hausse d'impôt. L'indexation des seuils de la PPE n'est qu'une mesure acquise destinée à maintenir la cohérence et le « pouvoir d'achat » de la prime d'une année sur l'autre. C'est si vrai que l'an dernier, le Gouvernement a pris exactement la même mesure d'indexation pour un coût annoncé de 100 millions d'euros, sans jamais la présenter comme une augmentation de prime !

Son augmentation réelle ne coûte donc que 80 millions d'euros à comparer au coût de la réduction de l'impôt sur le revenu. Vous allez porter les taux de prime pour l'emploi à 4,6 % et 11,5 %. Pour mémoire, si le plan que nous avions adopté n'avait pas été interrompu, ces taux auraient été, dès 2003, de 6,6 % et de 16,5 % : nous en serons loin en 2004 ! Ces 80 millions d'euros d'augmentation réelle représentent d'ailleurs moins de 10 % de la somme qui sera ponctionnée sur les ménages par l'augmentation de 3 centimes des taxes sur le gazole.

Parmi les vingt-trois mesures fiscales de ce projet, il n'en est donc aucune, sauf une aumône au titre de la PPE, qui soit favorable à la très grande majorité des Français. A l'inverse, ceux-ci vont voir leur pouvoir d'achat amputé, non seulement par la résurgence de l'inflation, mais également par les multiples augmentations de taxes, de tarifs publics, du forfait hospitalier et des impôts locaux.

Concernant ces derniers, on ne peut que partager « l'angoisse » de notre Président Jean-Louis Debré - le mot est de lui -, devant le transfert de charges organisé par le Gouvernement sans contrepartie suffisante pour les collectivités territoriales.

M. Marc Laffineur - Vous êtes orfèvres en matière de transferts de charges.

M. Jean-Pierre Brard - Jean-Louis Debré se bonifie chaque jour ! (Sourires)

M. Didier Migaud - Cette « évolution préoccupante » - je le cite - conduira nécessairement à une augmentation des impôts locaux, qui sont pourtant parmi les plus injustes. Là encore, le principe de l'égalité devant l'impôt est malmené par la décision de réduire au profit de quelques-uns les impôts progressifs que sont l'impôt sur le revenu et l'impôt de solidarité sur la fortune, au détriment du plus grand nombre et à travers l'augmentation obligée et simultanée des impôts locaux et des impôts indirects forfaitaires.

Dans les médias, M. le ministre du budget a soutenu qu'il n'était pas correct de faire un lien entre le budget de l'Etat et la hausse de la fiscalité locale. Je veux démontrer par deux exemples que ce lien existe. En 2004, vous allez transférer le RMI aux départements. Cette dépense sera désormais assumée par les conseils généraux. L'Etat compensera, certes, mais sur la base des dépenses de 2003. Or, en 2004, vous allez durcir les conditions d'accès à l'allocation spécifique de solidarité, et de ce fait, accroître de 150 000 à 200 000 le nombre des bénéficiaires du RMI... Qui paiera, sinon les conseils généraux ?

Autre exemple : au budget des transports, vous avez supprimé la ligne destinée aux transports en commun en site propre. Le maire de Bordeaux a d'ailleurs émis une protestation : je lui suggère d'écrire au président de l'UMP... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Mais, parallèlement, vous allez autoriser les collectivités locales à augmenter le versement transport payé par les entreprises pour financer les transports en commun. Ici encore, le lien est direct entre une décision inscrite dans le budget de l'Etat et la hausse de la fiscalité locale. De cette hausse, nous avons donc raison de dire que vous êtes en grande partie responsables (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Au total, les prélèvements obligatoires vont donc augmenter, comme le montre une lecture attentive des documents du Gouvernement. Mais nous y reviendrons plus longuement lors du débat sur l'évolution des prélèvements obligatoires que nous souhaitons provoquer à l'occasion de l'examen de l'article premier de ce projet. Je déplore, au nom du groupe socialiste, que vous n'ayez pas accepté ce débat à l'occasion de la discussion budgétaire. Vous fait-il peur ?

Parmi vos mesures fiscales figure également un monument d'insincérité : la mesure relative à la TVA sur la restauration. Pourquoi figure-t-elle en deuxième partie si le Gouvernement entend l'appliquer en 2004 ? Elle doit figurer dans ce cas en première partie, son coût aggravant le déficit budgétaire. Nous l'avons proposée en commission, mais vous l'avez refusée, ce qui signe l'insincérité du Gouvernement et de sa majorité sur cette question.

L'inefficacité de vos mesures le dispute à leur injustice. Le dogme vous sert de politique économique. On ne sait si les mesures fiscales du Gouvernement sont plus injustes ou plus inefficaces. J'ai tendance à penser qu'elles sont inefficaces parce qu'injustes : c'est parce que la politique fiscale s'exerce au détriment du plus grand nombre que la consommation intérieure s'est effondrée.

M. Laffineur nous expliquait en commission que la baisse de l'impôt sur le revenu, qui absorbe d'avance presque toutes les marges de man_uvre budgétaires, était une « excellente mesure en terme de soutien à la consommation », même s'il reconnaissait que « son évaluation était rendue complexe par le tassement de la demande en raison de la conjoncture internationale ». Quant à M. Goulard, qui appartient à la même formation politique, il affirmait : « Il est indéniable que cette politique d'allégement ne s'inscrit ni pleinement ni exclusivement dans une démarche keynésienne. La baisse de l'impôt sur le revenu est avant tout une mesure d'offre ». Mes chers collègues, si vous cherchez les courants au sein de l'UMP, venez en commission des finances ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

En réalité, c'est M. Goulard qui a raison !

C'est précisément parce que cette baisse, ciblée sur 100 000 foyers aisés, n'a pas soutenu la consommation mais l'épargne - Monsieur le ministre des finances, vous l'avez honnêtement reconnu - que la demande intérieure s'est effondrée et que le taux d'épargne a atteint des sommets historiques.

Pour relancer l'activité, il aurait fallu soutenir le seul moteur encore en marche, celui de la consommation des ménages, mais le Gouvernement l'a au contraire éteint !

Cette erreur de diagnostic tient à ce qu'il n'a pour outils de décision que des dogmes et une promesse électorale.

Cette même absence de diagnostic et cette même omniprésence du dogme se retrouvent dans le discours du Gouvernement sur les 35 heures. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler vos hésitations sur le chiffrage du fameux « coût des 35 heures ». Quand même il est intéressant de s'y attarder... M. Lambert nous dit 15 milliards. M. Mer parle de 10 milliards : chaque étage de Bercy a son propre chiffrage ! Gilles Carrez a avancé le chiffre de 8 milliards avant de monter à 11.

M. le Rapporteur général - Je maintiens : 11 milliards !

M. Didier Migaud - De son côté, Patrick Devedjian, jamais en reste, a avancé le chiffre de 35 milliards ! Qui dit mieux ? Cette estimation a le mérite de la simplicité : 35 heures, 35 milliards !

Le mot de la fin revient à Nicole Fontaine, qui a eu la sagesse de refuser de donner un chiffre, tout en reconnaissant que tous ces chiffres étaient exacts ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste)

Au-delà de cette polémique, ce qui compte c'est de comprendre l'erreur fondamentale à l'origine de ces dérapages. Le Gouvernement, qui prétend revaloriser le travail, est persuadé que la réduction du temps de travail est une erreur. Il faut dire que vous avez toujours été hostiles à cette réduction, quelle que soit la durée du temps de travail ! C'est pourquoi le Gouvernement s'est empressé de relever le contingent annuel d'heures supplémentaires autorisées. Mais, selon les statistiques fournies par la Banque de France dans son rapport annuel au Président de la République, le taux d'utilisation des équipements est excessivement bas. C'était donc totalement superflu. Le problème actuel des entreprises n'est pas de produire plus, mais de vendre ! Et le problème des Français qui sont au chômage, ce n'est pas de travailler plus, mais de travailler, tout simplement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Le Gouvernement ne respecte même pas les principes qu'il a lui-même inscrits, il est vrai de façon brouillonne et maladroite, dans la Constitution. Que lit-on, à l'article 72-2, alinéa 3 ? Que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources ». Cette imprécision laisse la porte ouverte à toutes les interprétations. Elle n'a malheureusement pas été clarifiée durant le débat parlementaire. Voici ce que le ministre délégué aux libertés locales répondait aux députés socialistes : « Pour répondre à votre question, « déterminant », cela veut dire « qui donne un sens ». En l'occurrence, il s'agit d'assurer l'autonomie financière des collectivités locales. Il faut que la part des ressources propres soit d'un montant tel qu'elle détermine la liberté des collectivités ». D'un montant tel : nous voilà bien avancés !

Les professeurs François et Yves Luchaire ont tenté, non sans humour, de préciser cette notion. Ils sont parvenus à la conclusion que le terme retenu signifie que les ressources propres peuvent ne pas être les plus importantes, mais qu'elles ne doivent pas non plus être trop faibles ! Je ne suis pas sûr que nous progressions dans la compréhension.

L'imprécision du législateur fait qu'il appartiendra au Conseil constitutionnel de fixer le niveau en deçà duquel la part des ressources propres n'est plus suffisante pour respecter le principe de l'autonomie fiscale. Mais le Conseil ne donnera jamais d'indication chiffrée, tout juste se contentera-t-il d'estimer, au fur et à mesure des saisines, si le niveau d'autonomie atteint du fait des mesures qui lui sont soumises est de nature à contrevenir au principe constitutionnel. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit, avant l'entrée en vigueur de ce nouveau principe, à propos de la suppression de la vignette, impôt local, et de sa compensation par une dotation aux départements. Le Conseil constitutionnel a estimé « que les dispositions critiquées, si elles réduisent encore la part des recettes fiscales des collectivités territoriales dans l'ensemble de leurs ressources, ne le font pas au point d'entraver leur libre administration ». La même réponse fut apportée dans le cas de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation. La seule certitude qu'on peut retirer de ces deux décisions est que le niveau actuel d'autonomie, pour chaque type de collectivités locales, est conforme à la Constitution. Sinon, le Conseil n'aurait pas manqué de signaler que la révision avait pour effet de rendre inconstitutionnelle la situation actuelle, et aurait demandé au législateur de corriger sans tarder cette situation. Il ne l'a pas fait.

Peut-on réduire ce niveau ? La constitution ne permet pas de répondre à cette question. Le Conseil constitutionnel va devoir le faire, en se demandant s'il est possible de diminuer le taux d'autonomie des départements, comme le prévoit le projet de loi de finances pour 2004.

Soit le niveau d'autonomie s'apprécie par rapport à un montant en valeur absolue des ressources propres, éventuellement revalorisé chaque année, soit il s'apprécie par rapport à un montant en valeur absolue des dotations, soit enfin il s'apprécie en fonction d'un ratio de ressources propres sur les ressources totales.

Les deux premières hypothèses susciteraient des difficultés pratiques importantes. Il est donc évident que le Conseil constitutionnel apprécie le niveau d'autonomie fiscale en fonction d'un ratio.

Ce niveau est-il identique pour toutes les collectivités ? Et si oui, quel est-il ? Quels en sont les fondements juridiques ?

A priori, ce qui est constitutionnel pour un type de collectivité l'est pour un autre ! Sinon, il faudrait alors comprendre que les taux d'autonomie respectifs de chaque type de collectivité constituent autant de planchers constitutionnels. Ceci serait curieux. Comment justifier que la part déterminante soit plus ou moins forte selon les collectivités ? Si chaque collectivité avait son propre seuil, la portée du principe d'autonomie fiscale en serait considérablement atténuée. Le taux d'autonomie fiscale minimum en deçà duquel les ressources propres ne constituent plus la part « déterminante » deviendrait le taux actuel des régions, soit 37,3 %. Ce taux est très inférieur à celui des départements ou des communes, dont on pourrait donc réduire très sensiblement le niveau d'autonomie fiscale, au mépris de l'intention du législateur, mais dans le respect formel de la Constitution.

Ou bien le nouveau principe constitutionnel n'ajoute rien à celui de la libre administration et il demeure possible de diminuer encore la part relative des recettes propres des collectivités locales, ou bien le nouveau principe constitutionnel marque une évolution par rapport à la situation actuelle, comme c'est l'ambition du Gouvernement. Dans ce cas, il faut considérer que l'affirmation de ce nouveau principe revient à figer, une fois pour toutes, le niveau actuel des ressources propres et d'en faire un plancher. Toute diminution de la part relative des ressources propres serait alors inconstitutionnelle.

Or que nous propose le Gouvernement, avec le transfert aux départements de 4,9 milliards d'euros de TIPP ? Assurément pas de transférer du pouvoir fiscal, car la TIPP restera un impôt national. La répartition sera assurée par un simple arrêté ministériel, en fonction de statistiques de consommation et les départements n'auront aucune prise sur cette ressource, ni sur les taux, ni sur la base. Il ne s'agit donc en aucune manière de doter les départements d'une nouvelle ressource propre, mais d'instaurer à leur profit un nouveau prélèvement sur recettes, exactement comme la dotation globale de fonctionnement. C'est donc bien à une réduction du ratio de ressources propres sur les ressources totales que conduit ce projet.

Pour éviter de dégrader le ratio d'autonomie fiscale, il reste possible de transformer un impôt national en impôt local, à condition de respecter le degré d'autonomie actuel, qui constitue un plancher. Pour les départements, le taux d'autonomie fiscale est de 51,3 %. Ainsi, pour transférer la charge du RMI, il faudrait donc transférer sous forme de ressources propres une somme quasi équivalente à celle effectivement consacrée au RMI pour respecter le nouveau principe constitutionnel ! Si 100 € de dépenses sont couverts par 51,3 € de ressources propres, lorsque l'on rajoute 5 € de dotations, il faut mécaniquement augmenter de 5,13 milliards d'euros les ressources propres pour retrouver le ratio de 51,3 %, les ressources totales étant alors d'un montant de 110,13 € et les ressources propres de 56,5 €.

Or le Gouvernement ne respecte même pas cette logique ! Il se contente de transférer, sous la forme d'une dotation, une somme strictement équivalente à la charge dont il se désengage. Il ne peut se prévaloir par ailleurs des transferts de fiscalité qu'il envisage d'effectuer ultérieurement, dans la mesure où ces transferts ne feront que compenser un transfert de charges équivalent.

Certes, la doctrine nous rappelle que le Conseil constitutionnel pourrait émettre des réserves d'interprétation directives et imposer au Gouvernement de se mettre sans délai en conformité avec la Constitution. Dans sa décision sur la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen, le Conseil a d'ailleurs exigé du législateur qu'il procède à l'alignement de l'élection de l'assemblée de Corse sur celle des conseils régionaux en matière de parité.

Mais dans le cas qui nous occupe, cette hypothèse n'est pas sérieuse. La disposition relative au transfert du produit de la TIPP aux départements risque en effet d'entrer en vigueur le 1er janvier 2004, donc de produire tous ses effets sur les collectivités locales, tandis que la correction de l'inconstitutionnalité du dispositif interviendrait au plus tôt le 1er janvier 2005. Ainsi l'autonomie fiscale des collectivités locales sera effectivement réduite durant un exercice budgétaire, ce qui les contraindra sans doute à des augmentations d'impôts ou à des décisions irrévocables. La souplesse de notre droit constitutionnel permet certes qu'une disposition inconstitutionnelle ne soit pas annulée pourvu qu'elle ne puisse produire ses effets et que le législateur y remédie avant. Mais accepter qu'une disposition inconstitutionnelle puisse, avant même d'être corrigée par le législateur, avoir des conséquences irrémédiables ne manquerait pas d'affaiblir le contrôle de constitutionnalité.

Enfin, la logique décrite impose à un gouvernement de majorer les ressources fiscales propres des collectivités locales lorsqu'il souhaite leur attribuer une dotation supplémentaire ! Toute nouvelle politique d'aménagement du territoire passant par une dotation impliquerait la majoration des ressources fiscales propres. Comme mécanisme générateur d'augmentations d'impôts, on ne fait pas mieux ! Vous avez présenté la modification de la Constitution comme une garantie offerte aux collectivités locales, alors qu'il s'agit d'une usine à gaz qui se retournera contre vous, puisque les transferts que vous prévoyez ne garantissent pas cette autonomie fiscale.

Les hypothèses macro-économiques et de réduction du déficit public ne sont ni sincères ni cohérentes.

Je rappellerai le contenu du programme des finances publiques pour 2004-2006, élaboré par le Gouvernement il y a moins d'un an. Que nous promettait-il ? Un déficit public ramené à 1 % du PIB en 2006. Aujourd'hui, le Gouvernement tente vainement de convaincre l'Union européenne qu'il pourra, grâce à ce projet de budget, descendre sous les 3 % en 2005 !

Même s'il nous appartient de réagir aux prévisions du Gouvernement, gardons à l'esprit que toutes ces prévisions sont purement spéculatives !

Du reste, Monsieur le ministre de l'économie et des finances, vous avez eu l'honnêteté de reconnaître, en commission des finances, que vous vous étiez trompé, en 2003, et que vous trouveriez plus confortable que le projet de loi de finances ne fasse aucune référence à une hypothèse de croissance.

Il faut admettre que le Gouvernement a partiellement tenu compte de nos critiques, sur l'insincérité des prévisions de croissance et des recettes fiscales en 2003. La prévision de croissance de 1,7 % est plus raisonnable, mais encore trop optimiste puisqu'elle est fondée sur une croissance de 0,5 % en 2003. Mais elle n'est pas, comme en 2003, totalement déconnectée des prévisions des conjoncturistes de cet été. En revanche, la prévision de dépense est manifestement insincère, puisque des crédits seront annulés dès le début de l'année 2004.

Les prévisions de déficit budgétaire et public ne sont pas plus sincères, ce qui a d'ailleurs poussé la Commission européenne à exiger du Gouvernement qu'il accentue la rigueur dès la présentation du projet de loi de finances. Ce que le Gouvernement refuse de faire pour des motifs électoraux.

Comment, en effet, ramener le déficit public à 3,6 % avec une croissance de 1,7 %, en affichant de telles dépenses budgétaires et sans réelle mesure destinée à réduire le déficit de la sécurité sociale ? Pour y parvenir, il faut intégrer des « efforts » supplémentaires, donc réduire le niveau de croissance ! Le Gouvernement s'est mis, de lui-même, dans une impasse cornélienne...

Pour tenter d'en sortir, il cherche à faire diversion avec des notions peu convaincantes, comme celle de déficit « structurel ».

L'évolution du solde « structurel » des finances publiques mise en avant par le Gouvernement est peu cohérente, et contredit l'affirmation de la baisse des impôts.

Le Gouvernement se targue d'une forte amélioration du solde structurel, gage selon lui, d'une amélioration de la situation des finances publiques. A contrario, il critique une gestion qu'il qualifie de laxiste du précédent gouvernement, et qui aurait fortement dégradé le solde structurel.

Cette notion de solde structurel n'a guère de sens, sur un plan économique. On constate ainsi que la baisse des prélèvements obligatoires pèse négativement sur ce solde structurel, d'où la nécessité d'augmenter les impôts pour améliorer ce solde structurel, au risque de dégrader le solde conjoncturel ! C'est le serpent qui se mord la queue ! Le seul indicateur pertinent, est celui du solde stabilisant de la dette publique. Il faut en effet veiller à ce que le déficit public effectif soit inférieur au niveau du solde stabilisant, soit celui qui permet de ne pas augmenter le poids de la dette publique dans le PIB. Un graphique du Gouvernement illustre parfaitement mes propos à la page 74 du RESF annexé au PLF 2004. Il montre qu'à partir de 2000 et jusqu'en 2001, le déficit public effectif était inférieur au solde stabilisant. Autrement dit, le poids de la dette publique a diminué jusqu'en 2001. Depuis, il explose car le déficit public effectif est supérieur au solde stabilisant, c'est le reflet de votre mauvaise gestion libérale.

La situation de nos finances publiques est préoccupante. Le déficit public a doublé en deux ans, et la dette publique a explosé pour atteindre 61,4 % du PIB en 2003. Surtout, alors que le déficit structurel n'était que de 1,9 % en 2001, il va culminer à 2,8-2,9 % en 2003. Malgré vos discours, le solde structurel s'est bien dégradé, à hauteur d'un point de PIB, et il ne diminue pas ! C'est du reste ce qui inquiète nos partenaires et la Commission européenne, qui exige qu'en 2004 soit réalisé l'effort de réduction du déficit structurel qui - je cite Pedro Solbes -, « n'a pas été fait en 2003 ».

Le Gouvernement estime que si, entre 1997 et 2001, le déficit public a été réduit de moitié, c'est parce que les socialistes ont eu une gestion laxiste. Si, en revanche, le déficit public a doublé depuis, c'est grâce à une gestion rigoureuse ! Quel sophisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) C'est oublier par ailleurs que le solde structurel s'est amélioré de 0,6 point de PIB en 1999 grâce à la dynamique des recettes fiscales.

De surcroît, la « détérioration » du solde structurel en 2000 et 2001 est due essentiellement aux baisses d'impôts, que d'ailleurs la droite à l'époque trouvait insuffisantes ! En revanche, la dépense publique a été maîtrisée. Les dépenses publiques représentaient en effet 55 % du PIB en 1997 contre seulement 52,6 % en 2001, mais elles augmentent depuis pour atteindre 54,3 % en 2004.

Bref, nous parvenions à maîtriser la dépense publique tout en assurant les besoins collectifs, grâce à des politiques publiques dynamiques, alors que vous remettez en cause ces mêmes politiques publiques, à commencer par celle de l'emploi, sans pour autant maîtriser la dépense publique.

En 2002, la détérioration du solde structurel est due pour moitié aux baisses d'impôts - dont les deux tiers ont été décidées par le gouvernement Jospin - et pour l'autre moitié à la progression de la dépense. Celle-ci s'explique par la seule décision du gouvernement de M. Raffarin, de « laisser filer » la dépense publique en 2002, selon l'expression de la Cour des comptes.

En 2003, la très légère amélioration du solde structurel, pronostiquée par le Gouvernement, s'explique en partie par la hausse des prélèvements obligatoires. Quant à la supposée amélioration liée à « l'effet positif de l'écart de progression de la dépense publique par rapport au PIB », la révision à la baisse de la croissance donne à penser que cette contribution à l'amélioration du solde structurel sera en réalité nulle, voire négative, en raison de la forte progression des dépenses de santé et des dépenses militaires.

Pour 2004, le Gouvernement table sur une amélioration très forte du solde structurel, grâce, comme en 2003, à l'augmentation des prélèvements obligatoires, mais surtout aux gains liés à « l'effet positif de l'écart de progression de la dépense publique par rapport au PIB ». Mais rien n'est fait pour freiner l'emballement des dépenses de santé, qui ont progressé de plus de 7 % en 2003 avec une croissance zéro, et devraient encore progresser de 4 % en 2004 avec une croissance du PIB de 1,7 %.

Je vous donne rendez-vous l'an prochain pour constater que, loin de diminuer, les prélèvements obligatoires augmenteront.

Si le Gouvernement veut améliorer structurellement et durablement nos finances publiques, qu'il commence par mettre fin aux destructions d'emplois et qu'il fasse reculer le chômage.

En conclusion, je souhaite poser au Gouvernement quelques questions précises.

Un : Quels sont les engagements pris par le Gouvernement à Bruxelles pour réduire encore plus notre déficit, et qui ont amené la Commission européenne à nous accorder un délai supplémentaire ? Il serait inadmissible que nous ayons connaissance d'un pacte secret entre le Gouvernement et l'Union européenne, qui se traduirait par les mesures douloureuses que vous avez évoquées à plusieurs reprises, Monsieur le ministre, pour, comme par hasard, l'après juin 2004.

Deux : sur quels budgets - Etat ou sécurité sociale - le Gouvernement fera-t-il porter ces efforts ?

Trois : quel est le montant des crédits qui seront annulés ou gelés dès le début de l'année, et sur quels chapitres budgétaires porteront-ils ?

Quatre : la CSG augmentera-t-elle après les échéances électorales de 2004 ?

Cinq : sinon, à quelles recettes le Gouvernement fera-t-il appel ?

Six : pourquoi le Gouvernement ne tient-il pas compte de l'augmentation des impôts locaux dans ses prévisions d'évolution des prélèvements obligatoires alors pourtant qu'il les juge certaines ?

Sept : comment le Gouvernement explique-t-il que l'évolution spontanée des prélèvements obligatoires devrait conduire à une baisse de 0,4 point de ceux-ci en 2004 alors que la baisse effective ne serait, selon le Gouvernement, que de 0,2 point ? Autrement dit, pourquoi le Gouvernement contrecarre-t-il, par des augmentations de prélèvements, la baisse spontanée du taux de prélèvements obligatoires ?

Huit : serait-ce que l'effet des mesures nouvelles en 2004 sera d'augmenter le taux des prélèvements obligatoires d'au moins 0,2 point, dont 0,1 au titre de la fiscalité locale ?

Neuf : comment le Gouvernement prévoit-il de traiter, en comptabilité nationale, la part de recettes de TIPP affectée aux départements ? Elle s'apparente à un prélèvement sur recettes ; mais si, comme il le fait dans ses rapports, le Gouvernement la comptabilise comme un prélèvement obligatoire, il doit l'intégrer dans les dépenses budgétaires, au risque de faire exploser la norme de dépenses. Le fait-il ?

Dix : pourquoi le Gouvernement présente-t-il, contre toute logique et toute orthodoxie, l'indexation des seuils de la PPE comme une augmentation de celle-ci alors qu'il ne le faisait pas dans le projet de loi de finances pour 2003 ? Les propos tenus par le Premier ministre à TF1 étaient-ils mensongers ?

Onze : pourquoi avoir prétendu augmenter la PPE de 500 millions d'euros, alors qu'on ne l'augmente que de 80 millions, soit 10 € par bénéficiaire en moyenne ?

Douze : pourquoi le coût budgétaire de la PPE tel qu'indiqué dans les « voies et moyens » est-il stable, à 2,38 milliards d'euros, en contradiction avec l'effort dont se prévaut le Gouvernement ? Est-ce parce que l'augmentation du chômage en 2004 fera que plusieurs dizaines de milliers de personnes perdront, en même temps qu'un emploi, le bénéfice de cette prime ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Treize : le Gouvernement peut-il nous indiquer le nombre des bénéficiaires de la PPE en 2003 et celui attendu pour 2004 ?

Quatorze : pourquoi le Gouvernement a-t-il chiffré à seulement 800 millions le gain budgétaire net de l'augmentation des taxes sur le gazole alors qu'il s'établit à 900 millions dans les « voies et moyens » ? La différence ne peut s'expliquer par un hypothétique remboursement au secteur des transports puisqu'il ne figure pas dans ce document.

Quinze : pourquoi le Gouvernement n'inscrit-il pas la baisse de la TVA dans la restauration en première partie puisqu'il assure vouloir l'appliquer courant 2004 ? Si j'ai bien compris, Monsieur le ministre, vous le ferez quatre mois après la décision de l'Union européenne. Comme celle-ci devrait normalement être prise avant la fin de l'année, la mise en application devrait avoir lieu le 1er mai au plus tard. Est-ce à dire que vous doutez de votre capacité de conviction, Monsieur le ministre, ou que vous trompez les Français en prenant des engagements que vous savez parfaitement ne pas pouvoir tenir ?

Seize : le Gouvernement peut-il nous préciser comment il comprend le principe d'autonomie fiscale des collectivités locales, afin d'éclairer le juge constitutionnel ?

Nous attendons des réponses précises à ces questions précises. Non seulement nous vous reprochons une politique injuste, inefficace, à contre-emploi, mais nous pensons que ce projet comporte des éléments contraires aux principes de notre Constitution et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. J'invite donc l'Assemblée à voter cette exception d'irrecevabilité, ce qui vous donnerait du temps pour revoir votre copie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Ministre délégué - Une exception d'irrecevabilité vise à faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles. Or je n'ai pas entendu dans votre bouche de griefs de cet ordre.

M. Didier Migaud - Vous ne m'avez pas écouté !

M. le Ministre délégué - Je vais cependant, en raison de l'estime que je vous porte, tâcher de vous donner quelques explications, tout en considérant que votre intervention aurait mieux trouvé sa place dans la discussion générale. La discussion des articles nous permettra de répondre précisément à chacune de vos questions.

Vous assimilez mises en réserve de crédits et annulations. Pour dissiper ce malentendu, je vous pose cette question : craignez-vous que nous dépensions en 2004 moins que ce que le Parlement va autoriser ?

Hélas, comme vous le savez bien, c'est toujours l'inverse qui s'est produit. C'est la raison pour laquelle nous pratiquons la mise en réserve de crédits : elle vise tout simplement à ne pas dépenser un euro de plus que ce que vous avez autorisé. Vous devriez donc nous en remercier, puisque c'est le moyen de respecter le vote de la représentation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Vous n'aimez pas qu'on parle d'héritage, mais dois-je vous rappeler que vous nous avez transmis dans la corbeille 11 milliards de crédits autorisés, qu'il restait à financer ? Sans mise en réserve de crédits, il y aurait un dérapage de la dépense.

Je vous donne acte d'avoir évoqué avec modération la question des hypothèses de croissance. Celle que le Gouvernement a retenue est marquée par la prudence. En outre, nous calculons les recettes prévisionnelles sur la base d'un taux d'élasticité de 0,6, qui est l'un des plus faibles jamais retenus. Il s'agit donc de prévisions raisonnables.

Vous avez également mis en cause - mais là encore, il ne s'agit pas d'un problème de constitutionnalité - notre politique fiscale. Le Gouvernement, est très heureux que sa majorité lui ait permis de baisser l'impôt sur le revenu de 10 % ; 17 millions de ménages sont concernés. Parallèlement la PPE est augmentée de 500 millions en 2004, ce qui concerne plus de 8 millions de salariés modestes. En outre, le SMIC connaît une hausse historique : 11 % sur la période 2003-2005 en termes réels, 16 % si l'on ne tient pas compte de l'inflation, ce qui correspond à un treizième mois pour plus d'un million de personnes rémunérées au SMIC. Sur les trois années du gouvernement Jospin, le coup de pouce n'avait été que de 0,29 %...

Quant à la Commission européenne, elle a surtout mis en évidence les coups d'arrêt portés à l'ajustement structurel après 1999 - et que nous payons aujourd'hui par des déficits élevés maintenant que la conjoncture est moins favorable. Lionel Jospin lui-même, alors Premier ministre, avait déclaré : « Baisser l'impôt n'est pas un tabou. Mon gouvernement l'a fait, mais c'était dans un temps où, avec la croissance, les rentrées fiscales étaient fortes et les déficits en diminution ». C'est un double aveu : M. Jospin a baissé les impôts au moment où la conjoncture ne le nécessitait pas, et il l'a fait en s'appuyant sur des rentrées fiscales temporaires, ce qui a dégradé le solde structurel de nos finances publiques.

Notre démarche est totalement différente. Nous voulons baisser les prélèvements durablement, augmenter le pouvoir d'achat et nous finançons les baisses d'impôts par la maîtrise des dépenses.

Je vous propose donc de rejeter cette motion d'irrecevabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le président de la commission - M. Migaud a parlé de transferts de charges de l'Etat vers les collectivités locales. Mais nous avons étudié les raisons de la hausse de la taxe d'habitation et de la taxe foncière : elle est due pour 90 % à trois facteurs : l'APA, les 35 heures et le SDIS. Alors, que chacun prenne ses responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Pour l'avenir, l'Etat a veillé à ce que le transfert éventuel de l'ASS vers le RMI ou le RMA n'aggrave pas les charges des collectivités locales : une clause de rendez-vous est prévue, en application de la réforme constitutionnelle. Mais on ne peut pas imputer à ce gouvernement le poids des impôts locaux que nos compatriotes vont devoir subir cette année.

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.

M. Marc Laffineur - J'ai connu Didier Migaud meilleur ! Il faut dire que montrer que le budget était inconstitutionnel était un exercice difficile ! Il a même fait preuve d'une certaine mauvaise foi en comparant les budgets des années 1997-2001 à ceux d'aujourd'hui alors que la croissance n'est plus la même. Tous les pays d'Europe avaient alors supprimé leur déficit, sauf vous ! Quant au budget 2002, parlons-en ! Les recettes étaient surestimées et les dépenses sous-estimées et vous nous avez laissé, comme en 1993, un déficit énorme. Quant à la hausse des impôts locaux, elle est bien due à l'APA, aux 35 heures et aux SDIS.

Si votre exception d'irrecevabilité était votée, cela empêcherait les français de bénéficier de l'augmentation de la prime pour l'emploi, des nouvelles aides pour les handicapés et des vingt-deux mesures de baisse des prélèvements. Bien entendu, le groupe UMP ne la votera pas. Nous avons enfin un bon budget qui revalorise le travail et prépare l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - Je regrette que M. Laffineur n'ait pas rendu un hommage mérité à M. Balladur, champion du déficit en 1995 !

M. Didier Migaud a fait une démonstration brillante. Le ministre a répondu par des distinctions sémantiques entre « réserves de crédit » et « annulations ». Mais comme dirait M. Francis Mer, les prévisions sont plus faciles à juger après coup ! (Sourires sur divers bancs) Et vous avez effectivement annulé ces crédits.

En écoutant M. Lambert, j'ai pensé au grand acteur russe Stanislavski, fondateur de l'Actor's Studio, qui expliquait à ses élèves qu'il fallait se mettre dans la peau de son personnage. Je me disais que M. Lambert possédait son rôle à merveille (Interruptions sur divers bancs) disant les mots qui conviennent avec les intonations adéquates : « mériter la confiance... encourager les Français... sincérité... volonté... détermination ». Quand vous avez annoncé que vous alliez vaincre le déficit, je me suis dit : « Voilà Terminator, avec l'onctuosité du Bocage normand ! » (Rires sur divers bancs)

Le rapporteur général a également beaucoup de talent. Cependant, quand il a évoqué une croissance riche en emplois », il devait parler par antiphrase : la croissance se situe à 0,2 % et le chômage augmente ! Et quand vous annoncez la suppression de 4 561 emplois budgétaires, on voit bien qu'il s'agit d'un pur effet d'annonce idéologique. A supposer que votre objectif soit de supprimer la moitié des emplois publics, à ce rythme-là, il vous faudra 2 000 ans ! (Rires sur divers bancs) On est en pleine idéologie !

M. le président de la commission des finances prend ses références sur les bords de la Spree et de la Tamise. Mais depuis quand M. Schröder est-il de gauche ? Demandez donc au congrès des syndicats du DGB ce qu'il en pense !

Quant à la fiscalité locale, je vais prendre l'exemple de ma bonne ville de Montreuil. Nous avons augmenté de 9,5 % la taxe d'habitation (« Encore ? » sur les bancs du groupe UMP) - cela faisait sept ans qu'elle n'avait pas augmenté. Eh bien, cette augmentation est absorbée, à 94 %, par le financement des emplois-jeunes que vous avez décidé de supprimer. Quant à l'augmentation de la taxe foncière, elle est absorbée à 95 % par la suppression du fonds de solidarité Ile-de-France. Et après, vous nous dites que vous n'y êtes pour rien ! Vous vouliez que nous renvoyions ces jeunes sur le pavé ?

Mes chers collègues de droite, une question : est-ce que vous savez qui sera Premier ministre dans quinze jours ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Je vous cite M. Raffarin. Quand on lui a demandé à partir de quand un Premier ministre était usé, il a répondu qu'il y avait deux cas : quand il se sentait satisfait - reconnaissez qu'il y a un certain danger ! (Rires sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) - et quand il était rejeté par l'opinion (Mêmes mouvements).

A propos du budget, M. Raffarin s'est étonné de l'importance des crédits non consommés et cependant reconduits. La procédure budgétaire, a-t-il ajouté, est illusoire et calculer un budget sur une année n'a pas de sens - à se demander ce que nous faisons ici ! (Rires sur divers bancs) Tout cela est écrit dans ce livre.

Mais, le plus troublant, c'est d'apprendre qui prend les décisions : le Gouvernement ? Le Parlement ? Eh bien non ! C'est « la somme des lobbies qui s'organisent » après le vote de la loi. Bien entendu, nous voterons l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - M. Migaud n'a soulevé aucun argument constitutionnel sérieux, sauf celui concernant les transferts de charges vers les conseils généraux. Mais on aurait préféré que cela ne vienne pas de la bouche de quelqu'un qui a voté l'APA, les 35 heures et toutes les autres lois qui ont opéré des transferts massifs sans compensation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mais ce n'est pas parce que vous avez fauté que nous devons fauter. Il faut une clause de révision sur le RMI-RMA, ne serait-ce que pour tenir compte de l'incidence en 2004 de la réforme de l'ASS.

Et nous espérons bien que l'amendement sera voté, voire que le Gouvernement en prendra l'initiative.

Venons-en à la critique - légitime de la part de l'opposition - du projet de budget. La gauche a vraiment la mémoire courte. Vous osez parler d'insincérité ! Mais vous souvenez-vous de 2003, de 2002 ? Combien a-t-il fallu prévoir de dépenses supplémentaires en 2002 ? 11 milliards ! A combien se sont élevées les moins-values de recettes ? A 13 milliards ! Et c'est le rapporteur général de ce projet de budget (Huées sur les bancs du groupe UMP) qui ose aujourd'hui donner des leçons de morale ! (Mêmes mouvements) Non, Monsieur Migaud : pas vous, pas çà !

Vous souvenez-vous de la situation dont nous avons héritée en 1993 ? 6,3 % du PIB de déficit public ! En 1997, nous étions à 3,3 %. En 2002, la gauche nous a légué 3,1 % après avoir bénéficié pendant cinq ans d'une des plus fortes croissances des quinze dernières années.

Vous ne vous étonnerez donc pas que le groupe UDF rejette cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Jean-Marc Ayrault - J'ai trouvé l'intervention de Didier Migaud particulièrement brillante (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et surtout implacable.

Vous avez encore du travail à faire, Monsieur le ministre délégué, pour répondre à toutes ses questions. J'espère que vous le ferez avec précision. Quant à votre brève intervention, je ne l'ai pas trouvée convaincante, pour une raison évidente : vous-même n'êtes pas convaincu. M. Laffineur a bien essayé de venir à votre secours, mais c'était encore plus dramatique.

Le Gouvernement a commandé à son arrivée au pouvoir un audit qui évaluait le déficit public, en juin 2002, entre 2,4 % et 2,6 % du PIB... (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP)

Nous vous jugerons sur les actes, Monsieur de Courson : on verra bien ce que vous ferez sur l'ASS et les transferts aux collectivités locales ! Il ne suffit pas de parler, il faut aussi agir ! Fin 2002, vous étiez à 3,1 %. Et c'est bien de votre responsabilité ! Fin 2003, vous êtes à près de 4 % ! Je vous en prie, Monsieur le ministre, ne nous faites plus le coup de l'héritage ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Vous êtes là depuis dix-huit mois, et depuis dix-huit mois c'est bien votre politique qui conduit la France à l'abîme, qui augmente considérablement le déficit et la dette, et qui fait exploser le chômage ! En faisant le lit de l'insécurité sociale, votre politique décourage la consommation et l'investissement. Au lieu d'en tenir compte, ce projet de budget persiste dans l'erreur.

La situation n'est pas comique mais bien inquiétante. Elle devrait vous inciter à davantage de responsabilité. Dois-je vous rappeler, Monsieur le ministre, que le budget voté l'année dernière n'a pas réellement été appliqué ? Vous allez encore privilégier l'affichage. Nous l'avons bien vu cet après-midi sur la politique du logement : vous avez annulé près de 3 milliards de crédits ! Or ces annulations ont, tout comme les blocages et suppressions de crédits, des conséquences insidieuses sur la gestion de nos villes. Vous le savez bien, vous qui présidez une communauté urbaine : ce sera pire en 2004, et nous nous demandons tous, à droite comme à gauche, comment nous allons nous en sortir pour ne pas pénaliser à nouveau les contribuables locaux. La suppression des crédits sur les transports publics, au moment même où Mme Bachelot se répand partout sur l'effet de serre, la lutte contre la pollution, etc. serait compensée par une augmentation de la fiscalité locale ! Nous disons non à cette politique qui découragera l'emploi et l'investissement ! Non aux transferts de responsabilités que vous voulez nous imposer ! A vous le bénéfice de la baisse de l'impôt sur le revenu, à nous l'augmentation des impôts locaux. Nous ne l'acceptons pas et les Français ne l'accepteront pas non plus !

Au lieu de continuer à créer de l'insécurité sociale, vous feriez mieux de stimuler la croissance en encourageant la consommation. Vous dites que l'impôt sur le revenu concerne 17 millions de foyers fiscaux. Mais 70 % de la baisse bénéficie à 10 % des contribuables (« C'est faux » ! sur les bancs du groupe UMP) alors que la prime pour l'emploi, dont nous préconisons le doublement, concerne 8 millions de foyers à revenus très modestes. On sait bien pourtant que son impact sur la croissance serait très net.

Si vous voulez vraiment soutenir la croissance, rétablissez les crédits de l'équipement, de l'aménagement du territoire, des transports publics, du logement ! Là, vous ferez un choix d'avenir ! Vous avez semé le désarroi dans le milieu de la recherche... Votre budget est une véritable mystification (Protestations sur les bancs du groupe UMP) que nous tenons à dénoncer. Vous dites, en citant Lionel Jospin, que la baisse d'impôts n'est pas un tabou. Nous l'assumons. Mais si nous avons fait ce choix, c'était pour redonner aux Français le fruit de leurs efforts et pour consolider la croissance. Lorsque nous avons baissé la TVA sur les travaux à domicile, c'était pour lutter contre le travail au noir et créer des emplois. Et çà a marché ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Vous êtes dans une situation extrêmement préoccupante. Il ne s'agit ni de nous, ni de vous, mais de l'intérêt de la France. Le Premier ministre semble se résigner à la fatalité. Quant au Président de la République, il a pris le large pour faire oublier les promesses contradictoires qu'il avait faites pendant la campagne électorale.

Un exemple : vous aviez promis que vous alliez baisser la TVA sur la restauration. Aujourd'hui, vous ne le prévoyez même pas dans votre budget et vous refusez nos amendements !

Vous savez très bien que vous ne pouvez pas le faire et que vos promesses étaient fallacieuses ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Pire : vous ne voulez pas le faire. Car si vous pouviez le faire, la crise serait encore plus grave ! C'est pour toutes ces raisons que je vous invite à voter l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 40.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 1ère séance du mardi 14 octobre 2003.

Dans le premier paragraphe de la question posée par M. Lionnel Luca, à propos de la liaison ferroviaire Cannes-Nice, rétablir comme suit la fin de la deuxième phrase :

« ...et de mon intervention aux côtés des maires. L'Etat, la région... (le reste sans changement) ».


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