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Assemblée nationale
COMPTE
RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL
Session ordinaire de 2003-2004 - 78ème jour de séance, 196ème séance 1ère SÉANCE DU MERCREDI 14 AVRIL 2004 PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ Sommaire QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2 RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 2 POLYNÉSIE FRANÇAISE 2 POLITIQUE MONÉTAIRE 3 PRATIQUE DES MARGES ARRIÈRES DANS LA GRANDE DISTRIBUTION 4 RECHERCHE 5 PRÉVENTION DES FEUX DE FORÊTS 5 EDF-GDF 6 DROIT DES SOCIÉTÉS 7 IRAK 8 SERVICES PUBLICS DE PROXIMITÉ 8 URGENCES HOSPITALIÈRES 9 AIR LIB 9 RESPONSABILITÉS LOCALES (suite) 10 EXPLICATIONS DE VOTE 10 MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR 19 DIVORCE (suite) 20 ART. 18 20 APRÈS L'ART. 18 30 ART. 19 30 ART. 20 31 ART. 21 31 ART. 22 32 APRÈS L'ARTICLE 22 35 ART. 23 37 APRÈS L'ART. 23 39 ART. 23 BIS 39 APRÈS L'ART. 23 BIS 40 AVANT L'ART. 24 40 ART. 24 41 ART. 25 41 APRÈS L'ART. 25 42 SECONDE DÉLIBÉRATION 42 EXPLICATIONS DE VOTE 43 La séance est ouverte à quinze heures. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. M. Pierre Cohen - Monsieur le ministre de l'emploi, depuis deux ans, la majorité a utilisé la valeur travail pour orchestrer une attaque en règle de toutes les avancées économiques et sociales du gouvernement Jospin. Selon vous, les chômeurs seraient les principaux responsables de leur sort, et seul le travail obligatoire de type RMA serait la réponse à l'exclusion, les 35 heures auraient détourné les Français du travail... (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP) et mis à mal notre économie. S'agissant de la réduction du temps de travail, votre gouvernement n'a eu de cesse de tenir un double langage. Tout d'abord, vous avez permis aux parlementaires les plus ultra-libéraux de votre majorité d'attaquer les 35 heures en leur confiant une mission d'information (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Parallèlement, jusqu'aux élections régionales, vous promettiez, comme d'ailleurs le Président de la République, de ne pas remettre en cause les 35 heures. Or, depuis quelques jours, nous apprenons par les médias, au mépris des us et coutumes de notre assemblée, que la RTT pourrait être largement revue. Vous devez informer les Français : avez-vous l'intention de remettre en cause la durée légale du temps de travail ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Les 35 heures étaient-elles une bonne réponse au problème du chômage dans notre pays ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste ; « Non ! » sur les bancs du groupe UMP). Ceux qui le croyaient de bonne foi ont pu mesurer les limites du système. Les Français ont-ils eu les moyens de choisir entre plus de revenus ou plus de temps ? Plus généralement, on ne peut imposer autoritairement la réduction du temps de travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Conformément aux engagements du Président de la République, nous avons assoupli les 35 heures, mis fin au système inégalitaire des SMIC multiples. Cet assouplissement passe par la négociation collective, ce qui a bien manqué au moment de son institution ! Le Gouvernement prendra connaissance des conclusions et propositions de la mission parlementaire conduite par M. Ollier et M. Novelli, conformément aux engagements du Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Jean-Christophe Lagarde - Monsieur le Premier ministre, en janvier dernier, le groupe UDF dénonçait les dérives anti-démocratiques de deux dispositions du nouveau statut de la Polynésie Française : la loi électorale et le mode de désignation du Président. La loi électorale vise en effet à placer le parti majoritaire et le parti indépendantiste seuls l'un face à l'autre, privant ainsi d'expression ceux qui refusent l'indépendance, mais voudraient changer de majorité. De surcroît, du fait du nouveau système majoritaire, avec seulement 46 % des voix, le parti de M. Gaston Flosse pourrait obtenir 80 % des sièges! C'est une man_uvre qu'avec le parti d'opposition au gouvernement Flosse nous avons dénoncé. Nous craignions que ces articles de circonstance, pour ne pas dire de connivence, qui aboutissent à un charcutage électoral, n'annoncent une dissolution pour convenance partisane. Aussi n'avons-nous pas été surpris que, dés le premier conseil des ministres du nouveau gouvernement, vous ayez décidé de dissoudre l'Assemblée de Polynésie française, élue il y a moins de trois ans. Y avait-il une telle urgence? Où est aujourd'hui le problème de gouvernance en Polynésie française? Y a-t-il eu, depuis trente ans, vacance du pouvoir ? Risque-t-on, demain, l'instabilité institutionnelle ? Non, et vous le savez bien. Cette Assemblée pouvait continuer à fonctionner correctement jusqu'à son terme. Et ce n'est pas un accroissement de ses pouvoirs qui pourrait justifier cette dissolution, puisque Mme la ministre de l'outre-mer nous a expliqué qu'il n'était pas significatif. Sans informer le Parlement, et à la veille du dépôt d'une motion de censure au Parlement de Polynésie Française, le Gouvernement a pris une grave décision. Pouvez-vous nous en donner les raisons ? 245 000 citoyens français se demandent, à 20 000 kilomètres de Paris, si, avec de telles méthodes, ils appartiennent encore à la République française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF ; « République bananière ! » sur les bancs du groupe socialiste) Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer - Permettez-moi de vous rappeler que le Président Mitterrand a procédé, dans les mêmes circonstances, à une telle dissolution à la suite du nouveau statut de 1984. Et il en a été de même à chaque fois que le statut de la Polynésie a été modifié de manière conséquente. C'est cela le respect de la démocratie, et c'est tout à l'honneur du Gouvernement de Polynésie d'avoir voulu se représenter devant les Polynésiens. S'agissant du mode de scrutin, je vous rappelle que nous avons rajouté une circonscription pour tenir compte de l'étendue du territoire polynésien, et que le mode de scrutin proportionnel permet justement la représentation des partis non majoritaires. Nous avons par ailleurs suivi l'avis du conseil d'Etat en accordant une prime d'un tiers pour des circonscriptions qui ne disposaient que de trois sièges. Quant à la motion de censure que vous avez évoquée, je n'y suis pour rien si le quorum nécessaire pour l'examiner n'a pu être réuni ! Du reste, grâce à ce nouveau statut, le parti indépendantiste pourra déposer une motion de censure malgré son faible effectif. Nous n'avons pas de leçon de démocratie à recevoir de votre part ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDF ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jacques Desallangre - Monsieur le ministre de l'économie et des finances, la facture de la gestion à courte vue de votre gouvernement vous sera bientôt présentée ! Depuis deux ans, vous avez multiplié les cadeaux inutiles aux employeurs - 18 milliards supplémentaires au budget 2004 - , vous avez baissé les impôts des plus riches, accumulé les promesses électorales non financées, par exemple auprès des buralistes ou des restaurateurs. Puis, au lendemain de votre naufrage électoral, il faut éteindre les incendies que vous avez allumés, et promettre encore aux chercheurs, aux enseignants, et surtout au Medef. Mais où trouver l'argent? La Banque centrale européenne, où siège M. Trichet, détenteur du véritable pouvoir, refuse de baisser les taux d'intérêt pour vous aider à relancer l'économie. Alors, vous vendez les bijoux de famille - EDF, SNECMA, ADP, GDF...! Pris à la gorge, vous allez puiser dans la réserve d'or de la Banque de France, et faire ce qu'aucun autre gouvernement n'avait osé ! Mais avez-vous sollicité l'autorisation de M. Trichet ? Sans aucune marge de man_uvre qui vous permettrait de rééquilibrer le taux de change avec le dollar, de tenter la moindre relance de l'économie, allez-vous continuer de camoufler votre impuissance par la pseudo-solution du bradage de nos grandes entreprises publiques et de la vente de l'or de la Banque de France, qui revient à dilapider le capital accumulé par des générations de Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Est-ce normal que les réserves d'or de la Banque de France ne produisent aucun revenu? Par ailleurs, depuis 1969, la Banque de France n'a pas vendu d'or, au contraire d'autres banques européennes. M. Trichet nous a autorisé à vendre 500 tonnes d'or en cinq ans, ce qui va libérer 200 millions de revenus ! Au vu de la situation budgétaire de la France, je préfère être du côté de celui qui aura trouvé 200 millions de revenus supplémentaires, plutôt que de celui de ceux qui ont vidé les caisses ! Merci de m'avoir donné l'occasion de préciser que ce n'est pas parce que vous n'avez pas eu la même idée que nous n'avons pas le droit, nous, de la retenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) PRATIQUE DES MARGES ARRIÈRES DANS LA GRANDE DISTRIBUTION M. Michel Raison - Monsieur le ministre d'Etat, dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a indiqué que le Gouvernement veillerait à ce que la concurrence joue à plein au profit des consommateurs, en luttant contre les marges excessives et vous avez vous-même évoqué cette question à la télévision. Depuis la loi Galland, votée en 1996 pour interdire la revente à perte, la pratique des marges arrières s'est très fortement développée et certains distributeurs, sans doute en mal de publicité démagogique, demandent aujourd'hui son abrogation. Lorsqu'on sait comment fonctionnent les cinq principales centrales d'achat, en écrasant honteusement leurs fournisseurs, leur fausse morale prêterait à sourire si le sujet n'était pas si grave ! Quelles mesures entendez-vous prendre pour préserver les intérêts des consommateurs tout en garantissant aux producteurs de matières premières et aux fournisseurs un traitement plus humain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Depuis 2000, les prix des biens de grande consommation augmentent plus vite que l'inflation. Pour malheureux qu'il soit, cet état de fait est incontournable et il s'applique en particulier aux produits alimentaires. Pire encore, le prix des produits de grande consommation augmente plus vite et plus fort en France qu'ailleurs. Naturellement, ce problème pèse sur le pouvoir d'achat de nos compatriotes et nous devons nous attacher à le résoudre. Avec Christian Jacob, nous écoutons les revendications des producteurs, lesquels se plaignent que les grandes surfaces leur achètent leurs produits de moins en moins cher, sans ignorer celles des consommateurs, lesquelles déplorent - à juste titre - que les produits leur soient vendus de plus en plus cher ! Quant aux PME, elles considèrent avec raison qu'il est de plus en plus difficile de vendre aux grandes surfaces. Nous allons donc mettre tous les intervenants autour d'une table, pas pour désigner des coupables mais pour trouver des solutions. A la différence de ce qui s'est produit dans un passé relativement récent, (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) nous ne nous contenterons pas d'organiser des colloques. Nous allons prendre des décisions, car il s'agit de rendre aux Français une part de leur pouvoir d'achat, dont nous avons besoin pour soutenir l'activité, la croissance et l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Michel Roumegoux - Monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la recherche, depuis janvier dernier, les chercheurs ont vivement exprimé leurs interrogations quant à leur avenir et à l'emploi scientifique. Le Président de la République a récemment réaffirmé sa volonté de dialogue avec la communauté scientifique, en rappelant combien la recherche fait partie de la stratégie d'excellence de la France, elle-même fondée sur l'intelligence et l'innovation. Le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin souhaite relever le défi de l'avenir et amener chacun à rompre avec la peur du lendemain, en misant sur l'effort, la confiance et la responsabilité pour gagner le pari d'une recherche ambitieuse et efficace (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Ainsi, vous avez annoncé la semaine dernière la création de plus de 1 500 postes de titulaires d'ici janvier 2005. Pouvez-vous préciser vos annonces en faveur de l'emploi scientifique et indiquer comment les chercheurs les ont accueillies ? Comment comptez-vous poursuivre le dialogue que vous venez de renouer afin de mener la grande réflexion indispensable sur l'avenir de la recherche française ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP) M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - La France a besoin d'une politique de recherche ambitieuse, laquelle se mesure à l'aune des moyens que l'Etat et que les entreprises y consacrent, mais aussi à celle de notre capacité à réformer un système qui, depuis plus de quinze ans, s'essouffle et souffre de rigidités excessives. Rigidité dans la gestion des grands organismes publics, rigidité par l'absence de liaisons suffisantes entre la recherche universitaire et l'activité des grands établissements, rigidité dans les carrières, insuffisance de la recherche privée. C'est dans ce contexte qu'est née la crise des chercheurs que vous venez d'évoquer. L'important aujourd'hui, c'est de réformer notre système et on ne pourra pas le faire contre les chercheurs, mais bien plutôt avec leur active participation (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). C'est dans cet esprit qu'avec François d'Aubert, nous avons décidé de rétablir les postes statutaires qui étaient au point de départ du conflit, de suspendre les recrutements sur les postes contractuels jusqu'à l'aboutissement d'une négociation sur l'emploi scientifique et de créer, d'ici à 2005, mille postes supplémentaires dans l'enseignement supérieur (« Qu'a fait Raffarin II ? » sur les bancs du groupe socialiste). La contrepartie d'un effort aussi exceptionnel dans un contexte budgétaire particulièrement dégradé, c'est l'engagement d'un processus de réflexion et de réforme auquel tous les acteurs ont accepté de souscrire. Nous allons donc, avec le comité « d'initiative et de proposition » pour la recherche scientifique, présidé par les professeurs Baulieu et Brezin, engager d'ici le mois de septembre une réflexion globale sur l'organisation de notre système de recherche et nous vous proposerons à la rentrée une loi d'orientation... (« C'est un leurre ! » sur les bancs du groupe socialiste)... devant répondre à des questions aussi essentielles que l'optimisation de la gestion des organismes publics, les liens entre l'université et les organismes ou le déroulement des carrières des chercheurs. Nous avons engagé un processus de réforme qui attendait depuis trop longtemps : c'est une bonne nouvelle pour la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Richard Mallié - Monsieur le ministre de l'intérieur, nous avons tous en mémoire les terribles incendies de forêts qui ont ravagé le Sud de la France l'an dernier, détruisant plus de 60 000 hectares et causant la mort de dix personnes, dont quatre sapeurs-pompiers dans l'exercice de leurs fonctions. Sans oublier le massif des Maures, dans le Var, je rappelle les 250 hectares partis en fumée dans ma circonscription le 16 juillet 2003 à Cabriès, commune que je sais vous être chère. Outre leur coût humain, ces incendies ont aussi une incidence très sensible sur l'activité économique des régions où le tourisme représente un secteur essentiel. Comment ne pas se révolter devant les paysages lunaires que font naître durablement de telles catastrophes ? Nous avons tous salué le dévouement exemplaire des équipes de sécurité civile, mobilisées sans relâche durant de longues périodes. Elles ont su faire preuve d'une maîtrise et d'une capacité de réaction qui ne méritent que des éloges. Cette année, l'état de la végétation des massifs forestiers du Sud de la France, en particulier sur le littoral méditerranéen, fait redouter une saison de feux très difficile. La semaine dernière, un important incendie dans le département du Var, à une époque de l'année relativement précoce, a déjà détruit plus de 700 hectares. Le Gouvernement a-t-il tiré toutes les leçons de la saison 2003 ? Quelles mesures entend-il prendre pour prévenir le renouvellement de ces drames ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Compte tenu de la sécheresse des sols, les risques d'incendie pour la saison 2004 sont élevés. Vous l'avez rappelé, nous avons déjà dû faire face à un premier feu important dans le Var et je sais combien vous avez été touché dans votre propre circonscription, à Cabriès et aux Pennes Mirabeau. Je puis vous assurer que nous avons tiré toutes les leçons de la saison 2003. Des colonnes de renforts préventives de sapeurs-pompiers ont été mises en place. L'obligation de débroussaillement - assortie de sanctions en cas de non-respect - a été étendue et des plans départementaux de prévention des risques - 57 dans les Alpes-Maritimes, 17 dans le Var - ont été arrêtés. Enfin, les outils nécessaires à la régulation de l'urbanisme dans les forêts ont été constitués. Nous nous attachons aussi tout particulièrement à améliorer l'équipement. Je viens de confirmer l'acquisition de deux nouveaux bombardiers d'eau de plus de dix tonnes. L'engagement pris par le Premier ministre en octobre sera donc tenu. Par ailleurs, un avion et un hélicoptère lourds bombardiers d'eau supplémentaires seront loués en vue d'être opérationnels dès cet été. Il ne saurait enfin être question de relâcher notre vigilance et nous poursuivons à ce titre notre effort de recherche et d'interpellation des incendiaires. En 2003, l'action des forces de police et de gendarmerie, sous l'autorité des parquets, a permis d'interpeller 88 personnes et de résoudre 241 départs de feux. Afin de vérifier l'état de notre dispositif, je me rendrai dès lundi prochain dans les Bouches-du-Rhône où dix pays de l'Union européenne participeront à un exercice aux côtés de nos forces de sécurité civile (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Christian Bataille - Monsieur le ministre d'Etat, le 30 juin 2001, devant le conseil national du RPR d'alors, vous avez plaidé pour que la privatisation d'EDF soit engagée sans tarder et ne se limite pas à une ouverture du capital, de sorte que les fonds engagés soient consacrés à la modernisation de l'Etat.C'est d'ailleurs dans cet esprit que le gouvernement Raffarin II avait concrétisé le projet politique de la droite en ouvrant le marché de l'électricité à la concurrence a maxima, alors qu'il n'y était pas obligé... (« C'est vous ! » sur les bancs du groupe UMP) Mais, hier, vous avez dit aux organisations syndicales qu'il n'était pas question de privatiser ! Alors, que croire ? La Commission européenne n'impose nullement un changement de statut. M. Monti l'a précisé dans un courrier très récent au secrétaire général de la FNME-CGT aux termes duquel : « la Commission européenne ne peut pas imposer un régime de propriété particulier » et telle n'a du reste pas été sa ligne de conduite pour ce qui concerne EDF. Le changement de statut constitue la voie choisie par le Gouvernement français. Ce n'est pas la Commission qui le lui a imposé. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire clairement pourquoi, malgré cette mise au point de la Commission européenne, vous persistez à vouloir modifier le statut d'EDF ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - C'est avec plaisir que je vais vous répondre. Je suis à votre disposition pour toutes explications... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Comme vous le savez, jusqu'à présent, EDF garantit les retraites de ses agents. La Commission européenne a indiqué que le statut d'établissement public de l'entreprise, qui lui donne de fait la garantie de l'Etat, crée une distorsion de concurrence et a donc demandé que ce statut soit modifié (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Si nous ne faisions rien, les retraites des électriciens et des gaziers ne seraient plus garanties (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Comme le marché de l'électricité va s'ouvrir encore davantage à la concurrence, EDF inévitablement va perdre des parts de marché en France. Il faut donc qu'elle puisse en gagner à l'étranger. Et pour cela, il nous faut faire ce que vous n'avez pas fait (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Mais, à mon tour, Monsieur Bataille, de vous poser deux questions... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Qui était Premier ministre en 2002 ? Pourquoi à Barcelone M. Jospin n'a-t-il pas refusé la directive de libéralisation ? (Mêmes mouvements) Quel est le ministre des finances qui a accepté en 1998 l'ouverture du marché du gaz à la concurrence ? N'était-ce pas Dominique Strauss-Kahn et n'avait-il pas pour secrétaire d'Etat à l'industrie Christian Pierret ? Vous n'assumez pas ces décisions qu'il faut assumer (Huées et claquements de pupitre sur les bancs du groupe socialiste). La vérité est que pour EDF, comme pour les retraites, vous avez beaucoup parlé, mais n'avez rien fait, si bien qu'il nous faut, nous, agir ! (Très vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et la plupart des bancs du groupe UDF ; huées et brouhaha persistant sur les bancs du groupe socialiste, où de nombreux députés se lèvent en signe de protestation) M. Xavier de Roux - La création d'entreprises est le moteur principal de la création d'emplois. Il existe un véritable engouement chez les jeunes pour créer leur entreprise et l'an dernier, plus de 200 000 entreprises ont été créées. Une première ordonnance a déjà facilité les créations en en allégeant les coûts et les formalités. Cependant, des régimes juridiques trop subtils ou trop complexes découragent les entrepreneurs. Monsieur le Garde des sceaux, vous qui êtes chargé de moderniser le droit des sociétés nécessaire à la vitalité de notre activité, quelles actions entendez-vous engager sans retard ? Qu'envisagez-vous notamment pour simplifier la gestion quotidienne des 900 000 SARL de notre pays et des sociétés coopératives d'artisans et de commerçants, désormais confrontées à la concurrence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; brouhaha persistant sur les bancs du groupe socialiste d'où M. Christian Bataille se lève pour se diriger en direction de M. le ministre de l'économie et des finances et lui remettre une lettre) M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Oui, la modernisation et la simplification de notre droit économique sont indispensables à la compétitivité de nos entreprises et, donc, à la défense de l'emploi. S'agissant des SARL, j'ai présenté en mars au Conseil des ministres une ordonnance qui leur simplifiera la tâche : ainsi les autorise-t-elle à compter jusqu'à cent associés contre cinquante aujourd'hui, à émettre des obligations non cotées pour accéder à de nouvelles sources de financement, à déplacer plus facilement leurs sièges sociaux et à poursuivre leur activité après le décès de l'un des associés. Cette même ordonnance a également simplifié les choses en matière de location-gérance des fonds de commerce. Celle-ci sera désormais possible sans délai alors qu'il fallait auparavant avoir été commerçant pendant au moins sept ans pour y prétendre et là aussi, l'activité pourra être poursuivie par le conjoint, en cas de décès ou de divorce. Divers régimes d'autorisation ont par ailleurs été supprimés afin de donner à ces petites entreprises davantage de liberté. Enfin, je présenterai dans quelques semaines au Conseil des ministres un texte qui modernisera le droit des entreprises en difficulté et, d'une manière générale, simplifiera encore la vie des entreprises au bénéfice de l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Daniel Fidelin - La situation en Irak ne cesse de se dégrader : le nombre des victimes des affrontements s'allonge, tant parmi les soldats de la coalition que parmi les groupes de rebelles et la population civile. Hier, le Premier ministre a recommandé à tous les Français présents en Irak de quitter le pays et à ceux qui envisageraient de s'y rendre de différer leur déplacement. Un journaliste français a disparu dimanche sur la route entre Bagdad et Kerbala, où il devait réaliser un reportage. Il serait apparemment aux mains d'un groupe de combattants sunnites. Nous partageons tous ici l'inquiétude de sa famille et de ses proches. Monsieur le ministre des affaires étrangères, quelles informations avez-vous sur cet enlèvement ? Pouvez-vous nous assurer que l'Etat est pleinement mobilisé pour obtenir la libération sans délai ni conditions de ce compatriote ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères - Alexandre Jordanov, journaliste de l'agence Capa, a en effet disparu en Irak depuis le 11 avril. Bien que jusqu'à cette heure, nous n'ayons reçu aucune revendication, tous les services sont mobilisés pour tenter de le retrouver. Nous examinons toutes les pistes une à une, j'en assure tous ses proches, tous ses confrères de l'agence Capa ainsi que l'ensemble de la communauté des journalistes. Nous avons demandé, s'il est détenu, qu'il soit libéré le plus rapidement possible et sans condition aucune. Cet enlèvement fait, hélas, suite à beaucoup d'autres ces derniers temps en Irak où s'est enclenchée une spirale de violence particulièrement inquiétante, dont sont victimes à la fois la population irakienne et la population étrangère. Face à cet engrenage, la France est plus que jamais convaincue que la seule solution en Irak est politique. Il n'est d'autre issue à cette tragédie que de permettre aux Irakiens de gouverner l'Irak, c'est-à-dire de redonner au peuple irakien sa pleine et entière souveraineté, dans un climat de confiance réciproque entre les pays membres de la coalition et le reste de la communauté internationale. Voilà le message que la France fera entendre avec force dans les jours à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. François Dosé - Monsieur le ministre de l'intérieur, les élus de France, par-delà leurs différences politiques, vous ont dit ce matin au Palais du Luxembourg leur inquiétude face à l'évolution des services publics de proximité, auxquels nos concitoyens sont très attachés. Par ce manifeste cosigné par dix associations d'élus, une nouvelle fois s'exprime l'exigence républicaine de péréquation. Qu'il s'agisse d'expérimentations ou de maintien a minima, il est inacceptable de solliciter les territoires les plus modestes ou meurtris économiquement pour financer qui une agence postale, qui une maison de santé, qui une perception ou une gendarmerie... L'Etat ne peut pas être fier de seulement autoriser les communes rurales ou les communes de banlieue à payer ces équipements, sans leur accorder aucune aide. Jamais, hélas, l'exercice quotidien de la solidarité nationale n'a été aussi mis à mal. L'égalité républicaine ne signifie certes pas la présence de services publics uniformes mais elle exige de l'Etat qu'il assure une solidarité financière élémentaire. Quelles mesures financières le Gouvernement entend-il prendre rapidement pour que puissent être maintenus des services publics de proximité de qualité sur l'ensemble du territoire ? Il me serait agréable, Monsieur le ministre, mais je ne doute pas de votre élégance, que vous ne me répondiez pas par des questions, puisqu'aux termes mêmes du Règlement de notre assemblée, je ne pourrai y répondre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - Vous m'interrogez sur notre politique d'aménagement du territoire... (« Vous n'en avez pas ! » sur les bancs du groupe socialiste) Il existe dans notre pays une fracture territoriale qui dure depuis trop longtemps : fracture entre territoires ruraux et territoires urbains, mais aussi fracture entre territoires urbains qui souffrent quand d'autres réussissent, fracture entre territoires ruraux qui se désertifient quand d'autres trouvent, notamment au travers du tourisme rural, de nouvelles possibilités de développement économique. Notre premier devoir est de réduire cette fracture. Ainsi du CIADT du 18 décembre 2003 où cinquante grands projets ont été élaborés. Ils permettront à tous les territoires d'être desservis dans des délais suffisamment courts de manière à maintenir l'égalité des chances quel que soit le lieu d'habitation. D'un point de vue fiscal, grâce aux péréquations, aux dotations globales de fonctionnement, il est possible d'élaborer une discrimination positive afin que les territoires les moins favorisés obtiennent des moyens financiers supplémentaires. Telle est la politique que j'essaierai de mettre en _uvre avec l'ensemble du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP). M. Jean-Pierre Door - Depuis des années, les urgences hospitalières sont confrontées à d'importantes difficultés, comme la canicule de l'été dernier l'a encore montré. Le Plan Urgences a été doté de 498 millions d'euros sur cinq ans : près de 10 000 soignants seront recrutés et 15 000 lits seront ouverts. Comment comptez-vous vérifier que ces fonds répondront aux besoins de chaque hôpital, comme vous vous y êtes engagé vendredi dernier lors du congrès des urgentistes réunis à Paris ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Un Français sur cinq a recours chaque année aux urgences hospitalières. Le drame de la canicule de l'été dernier a mis en évidence les insuffisances du système des urgences hospitalières publiques. Des médecins et des infirmières seront donc recrutés, mais surtout, des personnels permettant aux soignants de se concentrer sur leur tâche. En amont des urgences, nous créerons des permanenciers au Centre 15 ; en aval, des lits de suite permettront de diminuer la saturation des services. En outre, je m'engage à publier tous les six mois le nombre de postes et de lits de chaque service d'urgence pour être sûr que les moyens nécessaires sont correctement affectés. Enfin, comme nous devons parfois faire face à des crises sanitaires exceptionnelles, j'ai demandé que des simulations aient lieu dans chaque établissement afin de tester le caractère opérationnel des plans blancs. Je tiens à remercier devant la représentation nationale les personnels des urgences hospitalières qui travaillent avec dévouement, détermination et compétence (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Frédéric Soulier - Voilà huit mois que l'instruction relative aux dirigeants d'Air Lib a commencé. Le travail de la commission d'enquête, sous la direction de M. Patrick Ollier, a porté ses fruits puisque le dossier a été transmis au parquet de Paris. Toutefois, les 3 100 salariés à qui l'on a signifié leur licenciement sont les principales victimes de cette affaire. Face à ce drame humain que la majorité précédente nous a légué sans le régler (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), nous avions pris ici même l'engagement d'un traitement social exemplaire. Quels résultats le Gouvernement a-t-il obtenu dans le reclassement des ex-salariés ? M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - La cellule de reclassement des salariés d'Air Lib a été mise en place le 7 avril 2003. Un an après, 2 504 salariés sur 3 100 se sont inscrits, 5 490 entreprises ont été contactées, 4 500 offres d'emplois ont été proposées. 78 % du personnel au sol ont retrouvé un emploi, 81 % des personnels navigants commercial et 39 % des pilotes. Globalement, 74 % des salariés ont été reclassés. Je remercie à ce propos Air France, qui a assuré près d'un tiers des reclassements. Néanmoins, 653 adhérents n'ont pas encore trouvé un nouvel emploi. La cellule de reclassement conservera donc une antenne pendant au moins six mois. J'ignore quelles suites judiciaires attendent les dirigeants d'Air Lib, mais je sais que la liquidation judiciaire de la compagnie était programmée par le gouvernement Jospin après les élections (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Nous avons désamorcé cette bombe à retardement et nous avons su apporter une réponse efficace, humaine et sociale à cette crise (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP). La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 15. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux responsabilités locales. M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - L'architecture législative que nous vous proposons dans le domaine de la décentralisation se compose de cinq textes. Le premier a permis d'inscrire dans la Constitution les principes fondamentaux de la République décentralisée, en interdisant notamment de transférer à l'avenir des responsabilités sans les accompagner des financements nécessaires. Le deuxième texte concernait la participation démocratique. Il a donné la possibilité aux collectivités locales d'organiser des référendums locaux. Le troisième texte, que vous avez considérablement enrichi et sur lequel vous devez vous prononcer aujourd'hui, est consacré aux transferts de compétences. Le quatrième est la loi organique sur les financements. Il a été déposé sur le Bureau des assemblées et sera soumis à leur vote avant la deuxième lecture du texte sur les transferts de compétences. Le dernier sera un texte d'ajustement financier pour préparer les financements pour 2005. Le texte qui vous est soumis fait donc partie d'un dispositif complet. La première partie s'achève aujourd'hui avec le vote solennel. La deuxième va s'ouvrir. Elle sera faite de discussions avec l'ensemble des parlementaires et les associations, afin d'améliorer le projet. Le texte qui vous reviendra en deuxième lecture sera par ailleurs enrichi des débats sur la loi organique. Nous aurons ainsi une vision complète de la réforme. Celle-ci sera une _uvre de longue haleine. Depuis les lois Defferre, il a fallu beaucoup de temps pour rapprocher la décision des Français et pour simplifier leur vie quotidienne. Car c'est de cela qu'il s'agit, pas de diviser la République ou de faire de la nation la somme des régions ; il s'agit de construire des échelons d'efficacité au service des citoyens. Notre devise « liberté, égalité, fraternité » ne sera ainsi plus seulement inscrite aux frontons de la République, mais présente dans la vie quotidienne des Français. C'est ce à quoi nous vous invitons avec ce vote solennel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Henri Emmanuelli - Il n'y a pas si longtemps, vous étiez contre la décentralisation ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Votre assemblée va s'exprimer par un vote solennel sur la première lecture du projet de loi relatif aux responsabilités locales. Je voudrais avant tout la remercier pour la grande qualité du travail qu'elle a effectué. Qu'il me soit permis d'exprimer ma reconnaissance aux commissions, dont les amendements ont grandement amélioré ce texte : la commission des lois, son président Pascal Clément et son rapporteur Marc-Philippe Daubresse, aujourd'hui appelé à de nouvelles fonctions, pour son travail de clarification, de rationalisation et d'innovation ; la commission des finances, qui a eu à c_ur d'établir une relation de confiance entre l'Etat, les collectivités locales et les citoyens, présidée par Pierre Méhaignerie et dont le rapporteur pour avis Laurent Hénart a également été nommé au Gouvernement ; la commission des affaires culturelles et sociales, son président Jean-Michel Dubernard et son rapporteur pour avis Dominique Tian, qui ont beaucoup amélioré les mesures touchant à la vie quotidienne des Français ; enfin, la commission des affaires économiques, son président Patrick Ollier et son rapporteur pour avis Serge Poignant, qui ont scrupuleusement veillé à l'amélioration du service rendu aux usagers. La décentralisation constitue un enjeu essentiel pour remettre l'intérêt général au c_ur de nos institutions, avec un esprit de justice et d'équité, pour donner un nouveau souffle à la démocratie locale et pour que l'action puisse se concevoir au plus près du terrain dans un Etat plus moderne, plus rapide et plus efficace. Deux exigences nous animent. La première est l'égalité des citoyens, partout sur le territoire. Ainsi que l'a dit le Premier ministre, ce texte doit faire vivre les valeurs de notre République. C'est vrai pour les services de l'Etat, dont la qualité doit être la même pour tous, comme ça l'est pour les régions - c'est pour cela que nous avons inscrit le principe de péréquation dans la Constitution. La seconde est l'équilibre entre les libertés locales nouvelles et l'autorité de l'Etat, dont le rôle d'impulsion et de coordination doit être réaffirmé. La décentralisation doit donner toute son ampleur à la coopération interministérielle, en associant les acteurs concernés au niveau local. Ce texte est le fruit d'une large concertation : avec les collectivités, lors des assises des libertés locales, qui ont permis d'entendre les inquiétudes et les priorités dans chaque région ; avec le Parlement, dont les débats ont éclairé les enjeux du texte - 344 amendements ont été adoptés à l'Assemblée nationale, issus de tous les groupes ; avec enfin des milliers de fonctionnaires, qui ont montré leur volonté de participer activement à la modernisation de nos institutions. Nous entamons aujourd'hui une nouvelle étape, qui doit reposer sur un acquis législatif. Un recul ne serait pas compris. En revanche, après le vote en première lecture, nous pourrons reprendre la discussion devant les deux assemblées et définir les améliorations nécessaires. Cette étape doit se dérouler dans le même esprit de confiance et d'ouverture. Jean-François Copé et moi avons entendu les inquiétudes de chacun. Le Gouvernement s'engage en particulier à ce que la loi organique sur l'autonomie financière des collectivités locales soit votée avant la deuxième lecture du projet de loi sur les responsabilités locales (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP). Je sais également que le nouveau contexte politique rend d'autant plus nécessaires des échanges approfondis avec les associations d'élus, les groupes et les commissions. Avec tous, nous prendrons le temps du dialogue et de la concertation. Le partage des responsabilités se fera avec la même cohérence qui a guidé le transfert du réseau routier, des ports et aéroports ou des constructions scolaires. L'action doit être guidée par un impératif d'efficacité. Il faut créer des blocs de compétences homogènes. C'est une des avancées les plus importantes de ce texte, dans des domaines touchant à la vie quotidienne des Français. Enfin, le Gouvernement s'engage à transférer à l'euro près les financements que l'Etat consacrait aux compétences transférées. Toutes les garanties seront apportées. Le nouvel article 72-2 de la Constitution est un véritable verrou, une assurance qu'aucun texte de loi n'échappera à la vigilance du Conseil constitutionnel. La commission consultative d'évaluation des charges, désormais présidée par un élu, verra ses compétences élargies. Les critères des compensations financières seront les plus adaptés : les dépenses de fonctionnement seront calculés sur les trois dernières années, les dépenses d'investissement sur une moyenne de cinq ans au moins, et les effectifs de personnel évalués au 31 décembre 2004 ou 2002, selon le chiffre le plus favorable. Enfin, le mode de financement des nouvelles compétences sera garanti. Il se fera principalement par transfert de ressources fiscales dynamiques : les régions bénéficieront d'une partie de la TIPP et les départements également, en plus d'une fraction de la taxe sur les conventions d'assurance. La stabilité sera assurée par la garantie supplémentaire que vous avez introduite dans ce texte, obligeant l'Etat à maintenir le niveau de la compensation financière en cas de baisse des recettes transférées. Voici donc un texte qui doit nous permettre de rassembler nos énergies, dans l'intérêt de tous les Français. Ensemble, nous devons donner un nouvel élan au pacte républicain, au service de la cohésion nationale et de la modernisation de notre société. Ensemble, nous devons donner un nouveau visage à la décentralisation. Pour franchir cette nouvelle étape, soyez assurés que M. Copé et moi-même sommes déterminés à animer un dialogue digne de ce nom, de manière à faire de ce projet un succès partagé par tous. Nous entendons prendre en considération l'aspiration légitime à un meilleur équilibre entre autorité de l'Etat et responsabilités locales, à une plus grande harmonie entre les territoires. Ne cédons pas aux calculs ou aux arrière-pensées : avançons, travaillons dans l'intérêt général, au service de tous les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Pierre Albertini - Une réflexion sur l'organisation et sur la distribution des pouvoirs dans ce pays était à l'évidence nécessaire, et elle était souhaitée. Il s'imposait de nous adapter à un environnement en forte évolution depuis quelques dizaines d'années et, du reste, c'est bien ce qu'avait compris déjà le général de Gaulle, en 1969, lorsqu'il proposa une régionalisation des plus audacieuses pour rompre avec un système administratif largement hérité de la Révolution et du Consulat. Aussi, lorsqu'en avril 2002, le Président de la République a ouvert ce chantier de la décentralisation... M. Henri Emmanuelli - Parce que Gaston Defferre n'avait rien fait ? M. Pierre Albertini - J'y viendrai, mais le général de Gaulle était passé le premier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Donc, lorsqu'en avril 2002, le Président de la République a ouvert ce chantier, nous avons répondu favorablement à une très large majorité. Dès votre investiture, Monsieur le Premier ministre, vous en avez fait la grande affaire de la législature. Au reste, il est clair qu'un bilan critique était indispensable, vingt ans après la première étape de décentralisation, voulue par Gaston Defferre entre 1982 et 1985. La décentralisation n'est pas ennemie de l'Etat : bien au contraire, elle implique un Etat plus efficace, un Etat répondant mieux aux attentes des Français, un Etat qui se concentre sur ses missions essentielles. Elle vise en effet à introduire dans l'action publique plus d'équité et de solidarité - ce qui nous manquait, il faut l'avouer, depuis quinze ou vingt ans. Où en sommes-nous aujourd'hui de ce chantier ? Un projet de loi a été examiné par le Sénat, puis par l'Assemblée, en février et mars derniers. Ce texte comporte plusieurs points positifs, qu'il s'agisse de la formation professionnelle, de la gestion des infrastructures et des grands équipements ou du logement. Sur toutes ces questions, il nous semble cependant souhaitable que l'Etat garde la capacité d'arbitrer, d'évaluer, de corriger les erreurs : c'est pourquoi, dans le secteur du logement comme dans celui du soutien aux publics en difficulté, l'UDF a souhaité qu'il ne se dessaisisse pas de tous ses outils. La décentralisation consiste en une autre répartition des compétences, non en un désengagement systématique de l'Etat : il y va de la cohésion sociale, de l'équilibre entre les territoires et de l'égalité entre les citoyens. Mais ce projet comporte aussi deux défauts qu'il convient de corriger : il manque d'idées directrices claires et les inconnues demeurent fortes en matière financière. Ce n'est pas le texte fondateur que nous attendions, ni l'instrument de simplification que nous souhaitions. Comment le citoyen se retrouvera-t-il dans cet enchevêtrement de compétences partagées ? N'oublions pas que la loi est faite pour lui, et non pour le législateur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe socialiste) Nous souhaitons également que le texte définitif reconnaisse plus fortement le fait régional. Le projet actuel privilégie en effet plutôt le département, et laisse en retrait les communes et l'intercommunalité. Un effort s'impose donc pour définir clairement la vocation de chaque collectivité. Peut-être avons-nous d'ailleurs commis une petite erreur de perspective : nous avons commencé par définir des garanties constitutionnelles avant de définir l'architecture du texte - un peu comme vous aviez commencé par réformer le Conseil supérieur de la magistrature avant de réviser la machine judiciaire, Monsieur Emmanuelli ! Mais surtout, les élus locaux s'inquiètent des moyens financiers qui leur seront transférés. Il y a là une zone d'ombre que nous ne sommes pas parvenus à dissiper totalement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). De même, il importerait de savoir comment sera maintenue l'indispensable autonomie financière des collectivités. Certes, des garanties substantielles ont été introduites dans la Constitution, mais leur portée dépendra à la fois de lois encore à venir, dont la loi organique, et de l'interprétation qu'en donnera le Conseil constitutionnel. A cela s'ajoutent l'incompréhension, voire la suspicion - à l'égard des élus eux-mêmes - suscitées par le débat sur les transferts de personnels, de l'éducation nationale et de l'équipement. L'expérience de l'allocation personnalisée d'autonomie et de l'alourdissement de la fiscalité départementale qui en a résulté nous incite à la vigilance et à la prudence. La décentralisation ne saurait être le transfert de l'impopularité de l'impôt ! Le budget des collectivités représente plus de 50 % du budget de l'Etat - et davantage encore si l'on ajoute les 30 milliards de l'intercommunalité - et leurs investissements 71 % des investissements publics - non compris les investissements du secteur de l'économie mixte, qui porteraient la proportion à plus des trois quarts, sans doute ! L'enjeu est donc de taille, d'autant que les compétences transférées sont vouées à de fortes évolutions, soit en raison d'une insuffisante maintenance de l'Etat s'agissant des routes et des équipements, soit en raison des attentes des Français qu'il faudra bien satisfaire - je pense ici au RMI, au logement et aux questions de santé. Une amélioration du dispositif, possible, est donc souhaitable. Dans cette attente, les députés UDF s'abstiendront aujourd'hui (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), avec l'espoir de pouvoir bientôt transformer cette abstention en vote positif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) M. André Chassaigne - Ce projet, qui a été au c_ur du débat électoral, a été massivement rejeté par les Français. Citoyens et élus se sont accordés pour exiger, avant tout transfert de compétence, la garantie de contreparties financières. Depuis plusieurs mois, les actions se sont multipliées à l'initiative des personnels concernés et de leurs syndicats. Des milliers de manifestants ont marché vers l'Assemblée pour nous crier : « Ne votez pas cette loi, ne votez pas ces transferts de compétences ! » (Exclamations sur les bancs du groupe UDF) Aussi, au lendemain du 28 mars, sans doute tétanisé par le message sorti des urnes et par la révélation de ce désaveu géant, le Premier ministre a dû nous jouer un petit air de Lamartine : « O temps, suspends ton vol ! » (Exclamations et applaudissements ironiques sur divers bancs) Le temps de la concertation était enfin venu : le rouleau compresseur a été arrêté, l'insuffisance du dialogue avouée et la nécessité de la concertation enfin reconnue. Aviez-vous été inspirés par ce vers d'Aragon, dans La Rose et le Réséda : « Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat ! » ? Toujours est-il que nous pensions que, sonné, le Gouvernement était prêt à retirer ce projet qu'il nous avait contraints d'étudier en catimini, au pas de charge (Sourires), à la veille des élections. Malheureusement, cette ouverture a vite été stoppée par le sifflet du caporal, sous-chef d'une section en déroute, mais soudainement gonflé d'une hallucinante autorité régénérée : « On continue. Circulez, y a rien à voir ! ». Après avoir décidé que ce n'était pas à la rue de gouverner, vous décrétez que ce n'est pas davantage au suffrage universel ! Vous nous avez bradé ce projet, la main sur le c_ur, au nom d'une proximité perdue entre les élus et les Français ! Vos talents éphémères auraient presque fait illusion si, aujourd'hui, votre obstination à passer en force ne révélait le visage d'un imprécateur dogmatique et rigide, et d'un exécutant zélé, sourd aux cris de la rue et du suffrage universel (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Loin de parler de bon sens ou de proximité, votre texte organise le démantèlement de l'Etat, afin d'impliquer encore davantage la France dans la guerre économique et la mondialisation libérale. En effet, le mode de répartition des compétences transférées accentuera la dichotomie entre l'économique, confié aux régions, et le social, confié aux départements. En exonérant ainsi les régions de toute responsabilité sociale, vous les soumettez aux desiderata des multinationales, des chasseurs de prime et des maîtres chanteurs à l'emploi. Dans un tel cadre institutionnel, empreint de dogmes libéraux, comment concevoir un développement économique durable, équilibré, respectueux des hommes et des territoires ? Faites confiance aux élus communistes, au sein des conseils régionaux et généraux, pour faire éclater le carcan dans lequel vous voulez enfermer l'action publique ! Parmi les sentences creuses de ce gouvernement, celles sur la « libération des énergies » sont particulièrement ronflantes. Quelles énergies libérez-vous en transférant vers les collectivités territoriales 96 000 personnels TOS ? En démantelant les services de l'équipement dans les départements et en décentralisant des milliers d'agents aux missions d'Etat ? En empêchant les départements d'intervenir dans le domaine économique sans l'accord de leur tuteur régional ? En supprimant dans le secteur hospitalier toute référence aux normes nationales qu'il s'agisse de lits de médecine, de chirurgie, d'obstétrique ou d'équipements hospitaliers ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Les Français ont le droit de savoir comment vous comptez éviter l'asphyxie des départements et des régions. De quelles marges de man_uvre budgétaire et politique les régions disposeront-elles après le transfert des TOS ? De quels moyens les départements disposeront-ils pour lancer des politiques relevant de leur libre administration ? L'élasticité des budgets des collectivités locales sera encore réduite par la progression inéluctable des postes de dépense transférés. Et votre refus entêté de débattre du volet financier de la décentralisation avant ce vote ne fait que confirmer nos dires. Monsieur le Premier ministre, vous prétendiez à Rouen qu'en administrant près, on administrait mieux. En réalité, il s'agit d'inciter les collectivités, sous la contrainte budgétaire, à se désengager de l'action publique, et à conduire la politique de rigueur budgétaire que vous voulez imposer au pays. Il s'agit encore de les inciter à privatiser les services publics locaux. Les TOS de l'éducation nationale, comme les agents de l'équipement, l'ont bien compris ! Il s'agit enfin d'un renoncement à la grande ambition gaullienne d'un aménagement harmonieux du territoire français (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Au fond, vous aggravez, avec ce texte, les inégalités territoriales. Nos territoires se meurent et vous les laissez mourir, à force de dépouiller l'Etat de ses compétences et de privatiser nos services publics. La proximité que vous invoquez ressemble beaucoup à celle qui vous lie au Medef (« Ah! » sur les bancs du groupe UMP). Avec un Etat affaibli et des collectivités territoriales dépourvues de moyens financiers, vous protégez les multinationales de toute intrusion des élus du peuple dans la gestion bien gardée des entreprises. C'est là le c_ur de votre projet de décentralisation : soumettre nos institutions aux lois du marché, dans une Europe libérale en construction. Dans ce schéma, la Commission et la BCE décident, les Etats s'effacent, les régions appliquent et corrigent à la marge, les marchés spéculent et licencient. Les Michelin, LU et Metaleurop ont de beaux jours devant eux ! Par tous les moyens, nous lutterons contre cette logique et proposerons des solutions alternatives, de nouveaux modes d'intervention publique. Vous avez eu soin, avant les élections, de focaliser le débat sur les questions techniques, pour éviter tout débat de fond ! Pour toutes ces raisons, et malgré l'adoption de notre amendement qui revenait sur votre projet d'instituer des péages sur les routes, les députés communistes et républicains voteront contre. Ne comptez pas sur nous pour approuver ces transferts de compétences que vous nous imposez et qui n'ont rien à voir avec la décentralisation, laquelle donne de réels pouvoirs d'intervention aux populations (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). M. le Président - J'annonce le scrutin public dans l'enceinte de l'Assemblée. M. Pascal Clément - Monsieur le Premier ministre, la majorité est heureuse de vous avoir à ses côtés pour ce texte auquel nous croyons (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). Les critiques qu'il suscite sont à imputer à une méconnaissance du texte (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), ou à des querelles politiciennes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Permettez moi de répondre à chacune d'elles. Tout d'abord, le financement de ce projet. Nous avons examiné ce matin la loi organique sur l'autonomie financière : elle n'est pas appelée à résoudre le problème du financement. Or, tout le monde en réclame le vote avant celui de la loi de décentralisation ! J'ai une très mauvaise nouvelle : cette loi n'a pas vocation à financer la loi de décentralisation mais bien plutôt à préciser la notion de « ressources propres » fondant la part déterminante des ressources des collectivités. A l'occasion de chaque loi de finances, le Gouvernement indiquera le niveau d'autonomie financière de chaque collectivité locale et il sera constitutionnellement obligatoire de ne pas faire descendre le taux de ressources propres au-dessous de celui atteint lors du dernier transfert, opéré à l'occasion de la création de l'APA. La loi organique n'aura donc aucune incidence sur le financement de la loi de décentralisation. Alors, me direz-vous, nous allons voter à l'aveugle la loi relative aux responsabilités locales... (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) Sans doute ! Mais si nous en sommes là, c'est parce que, sur l'initiative du Président Forni, le gouvernement de Lionel Jospin a fait voter en 2001 une loi organique relative aux lois de finances aux dispositions de laquelle vous voudriez contrevenir aujourd'hui ! Ce serait extraordinaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Au reste, si vous vouliez vous affranchir de votre propre texte, vous tomberiez à n'en pas douter sous la censure du Conseil constitutionnel ! Et si l'opposition nous fait aujourd'hui le procès de voter une loi de décentralisation non financée, c'est à cause du texte qu'a fait voter M. Jospin ! Tout le reste n'est que littérature ! (Mêmes mouvements) M. Augustin Bonrepaux - Cela n'a rien à voir ! M. Pascal Clément - Autre reproche, la concertation sur ce texte aurait été insuffisante... (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste). M. Emmanuelli, qui donne de la voix, se souvient pourtant sans doute du temps des lois Defferre : ont-elles donné lieu à des assises des collectivités, telles que celles que le présent gouvernement a organisées, mobilisant plus de 50 000 personnes ? Bien sûr que non ! Avec l'humour que nous lui connaissons - et qui fait notre admiration ! -, M. Chassaigne nous accuse - mais c'est en vérité un tour de force ! - d'agir tout à la fois « en catimini » et « au grand galop ! ». Compte tenu du grand tour de France organisé par le Gouvernement, le reproche ne tient pas. Et, dès lors que l'on ne nous parle pas d'un projet fait « dans le dos des élus » ! Autre objection, cette loi n'intéresserait que les élus locaux. J'observe cependant qu'elle répond pourtant à une demande de proximité maintes fois exprimée, en ce qu'elle institue le droit de pétition, dans le droit fil du référendum d'initiative locale que nous avons créé dans un texte précédent. Certains prétendent aussi que le texte ne traite pas suffisamment de l'intercommunalité : en réalité, 26 articles sur les 126 que comprend le projet tendent précisément à rationaliser et à renforcer cet échelon indispensable que je remercie au passage la gauche d'avoir créé ! Autre critique, le texte n'irait pas assez loin en ce qu'il ne tendrait pas à supprimer un échelon de compétence... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Nos institutions sont riches de la complémentarité des différents niveaux d'administration. Vouloir simplifier à l'extrême, c'est aller contre notre histoire, et si ce texte semble touffu, c'est parce qu'il est conforme à nos traditions institutionnelles. Certains plaidaient pour la suppression du département. Mais dès qu'il s'est agi de traiter de problèmes intéressant directement la vie de nos concitoyens, qu'il s'agisse du RMA ou des routes, chacun a bien compris qu'il y avait là un niveau d'intervention pertinent. Le maillage du territoire national en départements, en complément des régions auxquelles l'Europe confère la vocation de représenter les structures de l'avenir est aujourd'hui encore indépassable. La possibilité de mobiliser des centres de décision à des niveaux de proximité différents constitue indéniablement une richesse, notamment lorsqu'il s'agit de mettre en synergie les initiatives économiques. Tous nos partenaires européens ont décentralisé. Serait-il raisonnable de ne pas bouger ? L'intérêt général nous commande d'évoluer. Je crois à une Europe des nations assise sur des régions fortes. Enfin, je m'étonne que certains nouveaux présidents de régions, sacrés par le suffrage universel, aient osé dire qu'ils n'appliqueraient pas les lois de décentralisation (« Honteux ! » sur les bancs du groupe UMP). Qu'aurait-on dit si nous avions refusé d'appliquer la loi créant l'APA, alors même que le coût de la mesure avait été scandaleusement sous-évalué et que les transferts consentis se sont révélés dérisoires au regard des besoins ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Non seulement vous vous trompez de combat, mais vous n'avez pas notre sens de la démocratie ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Soyez donc de bons républicains, vous deviendrez de bons décentralisateurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF) M. Jean-Marc Ayrault - Qu'est-ce qu'une démocratie où un gouvernement méconnaît le suffrage universel ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Qu'est-ce qu'une démocratie où la majorité parlementaire ignore la légitimité régionale ? Qu'est-ce qu'une démocratie où une loi se fait contre l'avis de tous ? Monsieur le Premier ministre, pourquoi cette obstination à nous faire voter à tout prix ce texte aujourd'hui ? Le vote que vous nous imposez est une offense faite aux Français... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Il tend en effet à instituer une décentralisation bâclée et inégalitaire. Il va contraindre les assemblées locales à des choix impossibles et provoquer une véritable fracture entre l'Etat et les pouvoirs démocratiques locaux (« Jacobin ! » sur les bancs du groupe UMP) M. Raffarin disait pourtant vouloir tirer les leçons de ses erreurs... (Rires sur les bancs du groupe socialiste) et il promettait dès le 1er avril... (Mêmes mouvements) de consulter les groupes parlementaires et les nouveaux présidents des exécutifs locaux avant l'adoption de ce texte. Sage décision en vérité, tant son projet a réussi à mécontenter les collectivités, comme les administrations, les citoyens comme les élus et jusqu'au c_ur même du groupe majoritaire, le Président Barrot qualifiant ce matin même à la radio ce texte de brouillon, cependant que le président Pascal Clément allait encore beaucoup plus loin ! Et n'est-ce pas faire preuve d'un certain sens du comique troupier que de l'avoir choisi comme orateur pour défendre le vote positif de l'UMP cet après-midi ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP) Monsieur Clément, je vous plains... (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) ...comme je plains vos collègues de l'UMP qui vont voter comme un seul homme ! Il est vrai que, dans le système Chirac, les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent ! Nous revoilà donc à la case départ ! Seul le visage du ministre de tutelle a changé ! La méthode de M. Raffarin illustre la maxime de Voltaire : « pour la plupart des hommes, se corriger consiste à changer de défauts » ! Le plus grave est d'avoir troqué l'autorité enfuie pour l'autoritarisme. Convaincu d'avoir trouvé la pierre philosophale qui allait transformer le plomb de la décentralisation en or libéral, votre Gouvernement est resté obstinément sourd à toutes les mises en garde, de l'opposition mais aussi de la majorité sur le caractère « intégriste » et inapplicable de la démarche - je prie le Président de l'Assemblée de m'excuser de le citer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Je voudrais croire à votre promesse d'être plus à l'écoute lors de la deuxième lecture. Mais j'entends aussi le Premier ministre adjurer il y a quelques jours le Parlement de « conclure rapidement » ce débat. Qui croire ? (« Pas vous en tout cas ! » sur les bancs du groupe UMP) Le Premier ministre pressé ou le Premier ministre « ouvert » ? Le Villepin prêt à des « améliorations » ou le Raffarin enfermé dans ses certitudes ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Mme Sylvia Bassot - On dit Monsieur Raffarin ! M. Jean-Marc Ayrault - Monsieur Jean-Pierre Raffarin, Monsieur le Premier ministre naturellement, avec tout le respect que je lui dois, comme tous les députés de la majorité (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP). Pourquoi n'avoir pas accepté de remettre tout à plat dès maintenant, comme beaucoup d'élus de votre majorité le souhaitaient, plutôt que d'attendre d'hypothétiques changements en deuxième lecture ? Jusqu'à présent, votre Gouvernement n'a pas donné de preuve qu'il savait écouter l'opposition. L'ordre d'examen de ces différents textes est aberrant du point de vue de la logique juridique et institutionnelle mais aussi contraire à vos propres promesses exprimées lors de l'examen de la loi constitutionnelle. Il est évident qu'il faut débattre du cadre financier de la réforme avant de décider de la nature des transferts si l'on veut vraiment, comme vous le promettez, assurer une véritable autonomie financière aux collectivités locales et leur donner les moyens de leur politique. Tel n'est pas ce que vous vouliez faire, et le report d'une semaine du présent vote solennel et de l'examen en commission du projet de loi organique n'a été que simulacre médiatique. Votre seule logique est de vous décharger de vos déficits calamiteux sur les collectivités locales... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et M. de Villepin ne nous a pas rassurés à ce sujet cet après-midi. Vous transférez aux collectivités de coûteuses responsabilités comme le RMI-RMA, les routes nationales, la formation professionnelle, une partie des personnels de l'éducation nationale... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Plusieurs députés UMP - Qu'aviez-vous fait avec l'APA ? M. Jean-Marc Ayrault - ...sans avoir déterminé les financements correspondants. M. de Villepin l'a confirmé tout à l'heure, la seule contrepartie prévue est le transfert d'une partie de la TIPP... (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP) Ecoutez, cela peut vous intéresser, et surtout intéresser vos électeurs ! Or, chacun sait que la TIPP est une ressource sur laquelle les collectivités n'ont aucune prise, et dont toutes les statistiques montrent que la croissance est faible, lente et incertaine. Pis, ce que vous donnez d'une main sera repris de l'autre puisque le Président de la République a annoncé, seul d'ailleurs, que la taxe professionnelle, principale ressource fiscale des collectivités, serait supprimée sans avoir dit par quoi elle serait remplacée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Quant à la péréquation, elle n'est nulle part définie. Nous avions estimé le transfert de 11 à 13 milliards d'euros, soit le quart des budgets actuels des départements et des régions, mais un journal proche de la majorité l'évalue ce matin à 13 milliards. Cette politique inconséquente risque de provoquer un véritable krach dans les collectivités locales. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).Vous avez le droit de réagir, mais pourquoi ceux qui, sur les bancs de la majorité, pensent comme nous, de plus en plus nombreux chaque jour, ne le disent-ils pas tout haut ? Les collectivités n'auront d'autre choix que d'augmenter leurs impôts, réduire les services... ou mettre à contribution les usagers en instaurant des péages à l'entrée des villes ou sur les routes nationales départementalisées, comme certains mêmes de vos collègues l'avaient suggéré ici (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). M. Alain Gest - Mauvaise foi ! M. Jean-Marc Ayrault - Ces collègues au moins étaient sincères, qui voyaient bien l'impasse dans laquelle les collectivités allaient se trouver. Non contents d'organiser l'insécurité financière, vous exonérez méthodiquement la puissance publique de ses missions de solidarité et d'aménagement du territoire. Après la diminution des dotations de l'Etat, la violation répétée des engagements pris dans les contrats de plan, l'abandon des subventions aux transports publics urbains, vous privez l'Etat de tout moyen d'intervention d'urgence en matière de logement social. Il serait pourtant indispensable que l'Etat corrige certaines politiques locales en ce domaine. De même, les compétences de l'Etat en matière de formation professionnelle sont mises à mal. Le Gouvernement préfère satisfaire le Medef (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Le transfert de la formation professionnelle aux régions n'est pas en soi une mauvaise chose (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) mais la mise en concurrence de l'AFPA avec les officines de formation proches du Medef en est une autre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Nous sommes en désaccord total sur ce point et nous ne sommes pas les seuls (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Pour nous, il ne saurait être de décentralisation que républicaine, alors que pour vous, elle n'est qu'un moyen de pallier vos carences. Monsieur le Premier ministre, vous avez pris des engagements. Donnez-nous des preuves de votre nouvel état d'esprit. Écoutez, un tant soit peu, nos demandes. Nous vous demandons par exemple d'abandonner le transfert des cent mille TOS de l'éducation nationale. Les collectivités vous disent qu'elles ne peuvent pas en assumer convenablement la charge et la gestion. Ce transfert mettrait de surcroît en péril l'unité du service public de l'éducation (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Nous vous demandons également de garantir le financement de toutes les autres compétences transférées au centime d'euro près, et ce durablement. Tant que ces préalables n'auront pas été acceptés, nous n'accepterons pas plus aujourd'hui qu'hier de valider un texte confus, maladroit et aveugle. Votre plus grande faute est d'avoir défiguré cette grande et belle idée de la décentralisation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Oui, nous sommes fiers d'avoir été avec Gaston Defferre et Pierre Mauroy des précurseurs en ce domaine, puis d'avoir poursuivi leur _uvre avec Pierre Joxe, Jean-Pierre Chevènement et Daniel Vaillant, et notre désir est bien de continuer encore dans cette voie. Là où il fallait simplifier, vous avez compliqué ; là où il fallait rapprocher, vous avez éloigné ; là où il fallait de l'égalité, vous avez mis de l'injustice. La France que vous voulez bâtir est une nation émiettée en principautés concurrentes et inégalitaires. Par leur vote massif en faveur des majorités régionales de gauche, nos concitoyens ont contredit ce dessein et fait le choix d'une décentralisation solidaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP). Plusieurs députés UMP - Vous avez dépassé votre temps de parole. M. Jean-Marc Ayrault - Je vais conclure, rassurez-vous ! (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP) Je connais l'impartialité du Président. Nous voulons des régions, des départements, des villes qui investissent dans les politiques publiques de l'emploi, de la solidarité, de la recherche, de l'environnement plutôt que dans les charges de fonctionnement de l'Etat dont vous souhaitez vous délester (Brouhaha persistant sur les bancs du groupe UMP). Plusieurs députés UMP - C'est terminé ! M. le Président - Arrêtez de crier ! M Albertini a parlé onze minutes, M. Chassaigne quatorze, M. Clément quatorze et M. Ayrault en est pour l'instant à quatorze minutes lui aussi (Mêmes mouvements). Chacun a été logé à la même enseigne. M. Jean-Marc Ayrault - Je vous remercie, Monsieur le Président. Plusieurs députés UMP - C'est terminé ! M. Jean-Marc Ayrault - Je comprends que ce que nous rappelons vous dérange ! Nous souhaitons des financements pérennes, évolutifs et solidaires qui garantissent la solidarité entre territoires riches et pauvres. Nous souhaitons un paysage institutionnel plus clair où les différents niveaux de compétences soient bien distingués. Nous souhaitons une démocratie participative qui donne aux citoyens la capacité de peser sur les décisions (Brouhaha persistant sur les bancs du groupe UMP). C'est parce que nous sommes plus que jamais favorables à la décentralisation que nous voterons contre ce projet de loi, avec le soutien clair et explicite des Français (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; vives exclamations et brouhaha sur les bancs du groupe UMP). A la majorité de 307 voix contre 179 sur 536 votants et 486 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi est adopté. M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur - Je remercie l'Assemblée nationale d'avoir adopté, en première lecture, ce projet. Les messages que vous avez adressés ont été entendus, et en ce qui concerne les garanties financières, et en ce qui concerne les clarifications de compétences - nous devrons évoquer à ce propos certaines contradictions : c'est bien dans le rapport Mauroy qu'il est question pour la première fois, par exemple, du transfert des TOS. Enfin, nous vous avons entendu en ce qui concerne la méthode : dialogue, concertation mais aussi détermination, car c'est cela que les Français attendent de nous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Jacques Barrot - M. Ayrault m'a mis en cause. Je regrette qu'il ait feint de ne pas avoir compris ce que j'ai dit ce matin : je n'ai jamais qualifié le texte de « brouillon ». J'ai simplement comparé la première lecture à une première esquisse de la version définitive d'un projet. En langage courant, il est fréquent d'évoquer une « première version » comme un « brouillon » (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Il y a des brouillons, Messieurs, qui honorent leur auteur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) La séance, suspendue à 17 heures 30, est reprise à 17 h 50, sous la présidence de Mme Mignon. PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON vice-présidente MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR Mme la Présidente - M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement informe l'Assemblée de la modification de l'ordre du jour d'aujourd'hui et, par voie de conséquence, de celui du jeudi 29 avril. Nous poursuivrons cet après-midi, si possible jusqu'à son terme, la discussion du projet relatif au divorce. Ce soir, nous examinerons le projet relatif à la Banque centrale européenne. Le projet sur la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel est renvoyé au jeudi 29 avril. L'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif au divorce. M. Jacques Myard - L'attribution d'un capital ne permet pas, dans la pratique, de compenser la disparité issue du divorce et pénalise la partie la plus faible. Il convient donc de redonner au juge la faculté d'accorder la prestation compensatoire, sous la forme la plus appropriée, sans qu'elle soit subordonnée à des critères exceptionnels. Tel est l'objet de l'amendement 131. Mme Christine Boutin - L'amendement 158, identique, est défendu. M. Patrick Delnatte, rapporteur de la commission des lois - Avis défavorable. Ces amendements réintroduisent une notion qui va à l'encontre de la réforme du 30 juin 2000, laquelle a subordonné l'octroi des rentes viagères à des critères légaux. Le projet de loi permet déjà l'octroi d'une rente soit si les critères légaux tenant à l'âge et à l'état de santé du créancier sont remplis, soit si les parties s'accordent à ce sujet par convention, ce qui est possible même dans le cadre d'un divorce contentieux. Ces amendements nous feraient replonger dans les difficultés que connaissent déjà malheureusement certains débiteurs de prestations compensatoires. M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Même avis. Le texte que nous vous proposons n'a pas pour vocation de remettre en question les équilibres issus de la loi de 2000. Il ne vise qu'à faciliter ou approfondir un certain nombre de points. Différentes mesures sont en particulier proposées pour rendre la formule du capital plus intéressante. Mme Christine Boutin - Je suis consciente du changement qu'apporte le concept de la rente, mais il s'agit de prendre en compte une réalité : celle de l'allongement de la vie, que néglige quelque peu la solution du capital. Celui-ci est calculé, au moment de la rupture, en fonction du patrimoine du couple, qui est rarement colossal. J'appelle votre attention sur le fait qu'un capital qui semble raisonnable pour une femme de 50 ans ne suffit pas pour vivre de façon digne jusqu'à 85 ou 90 ans, ce qui est de plus en plus fréquent. La rente est plus adaptée pour les personnes les plus fragiles. M. Jacques Myard - Lorsque la vie s'allonge, le capital peut devenir insuffisant. Mon objet n'est pas de revenir sur la loi de 2000 : la possibilité que nous ouvrons peut être encadrée. Mais la loi telle qu'elle est fonctionne comme une guillotine. Elle ne permet pas au juge de prendre en compte la réalité des choses. Mme Valérie Pecresse - Le groupe de travail sur le divorce a reçu d'innombrables témoignages, en revanche, sur la difficulté qu'il y a à être en permanence en relation avec son ancien conjoint après le divorce. Maintenir, par le biais de la rente, une relation entre deux personnes qui n'ont plus rien à voir ensemble depuis plusieurs dizaines d'années pose un véritable problème. L'objectif du groupe de travail a été de faire cesser cette relation dès le divorce. Cette conception des choses est certainement très différente de celle de Mme Boutin, mais il est fou de vouloir perpétuer ce lien artificiel quarante ans après le divorce ! Cela est loin de la pacification que nous recherchons. M. Alain Vidalies - Il est vrai que ce projet ne remet pas en cause l'équilibre atteint par la loi de 2000. A l'époque, le législateur avait dégagé une règle : le capital, et une exception : le juge, à titre exceptionnel et pour des raisons fondées sur l'âge ou l'état de santé de la personne, peut retenir le principe d'une rente. Cette possibilité perdure. On sait que le lien qui persiste par le biais de la rente est extrêmement difficile à vivre, notamment pour ceux qui ont reconstruit une famille après le divorce. Il affecte non seulement celui qui paye la pension, mais aussi son nouveau conjoint. J'appelle également votre attention sur les pensions de réversion : leur transformation en allocations différentielles imposera qu'elles soient recalculées tous les ans, ce qui créera des relations entre des conjoints séparés depuis parfois très longtemps. M. le Rapporteur - Je confirme ce qu'a dit M. Vidalies : l'exception permet le versement d'une rente viagère lorsque le conjoint concerné souffre de l'âge ou de problèmes de santé. En ce sens, l'article 271 apparaît suffisamment protecteur. Mme Christine Boutin - Le versement d'un capital pour solde de tout compte répond certes au v_u de nombreux divorcés, qui souhaitent rompre définitivement toute relation avec leur ex-conjoint, mais une femme de 50 ans qui aura perçu par exemple 500 000 F au moment de son divorce, pourra-t-elle encore vivre décemment jusqu'à 85 ans ? Je crains que vous ne créiez une nouvelle pauvreté, et donc une nouvelle charge pour la solidarité nationale. M. Emile Blessig - Il faut distinguer trois situations. Il y a d'abord les divorcés qui désirent cesser toute relation et qui sont aptes à se reconstruire : la prestation compensatoire est parfaitement adaptée à leur cas. Mais il y a aussi ceux qui bénéficient de la prestation instituée par la loi de 1975, prestation en voie d'extinction mais qui continuera de poser problème ; cette prestation a un caractère indemnitaire et non révisable, mais elle a été modifiée par la loi de 2000. Enfin, il y a toutes les personnes fragiles dont Mme Boutin se préoccupe. Ces deux derniers cas mériteront toute notre attention, en particulier lorsque nous en arriverons à l'article 276 : nous devrons veiller à ce que le juge ait les moyens d'une bonne application de la loi. Cela étant, Madame Boutin, la diversité des situations individuelles entraîne des problèmes particuliers, mais certains de ces problèmes justifient-ils qu'on n'autorise un homme à divorcer que s'il a les moyens d'entretenir indéfiniment son ex-épouse ? Les amendements 131 et 158, mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Jacques Myard - Les amendements 74 et 76 se justifient par leur texte même. M. le Rapporteur - Avis défavorable. Ces deux amendements vont contre la philosophie d'un projet qui tend à pacifier la séparation en séparant procédure de divorce et décision sur les conséquences financières. Toutefois, je signale à M. Myard que, « si l'équité le commande », le juge peut refuser la prestation compensatoire. M. le Garde des Sceaux - Même position. Ces amendements iraient d'ailleurs contre le but recherché : peut-on refuser la prestation compensatoire à une femme que le comportement de son ex-époux aurait placée dans une situation difficile ? M. Jacques Myard - Je suis convaincu. Les amendements 74 et 76 sont retirés. M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'article 270 autorise donc le juge à refuser d'accorder une prestation compensatoire « si l'équité le commande », mais il limite l'exercice de cette faculté à deux cas : « soit en considération des critères prévus à l'article 271 notamment lorsque la demande est fondée sur l'altération définitive du lien conjugal, soit, lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. » Pour nous, ces deux précisions sont autant de restrictions et, par l'amendement 119, nous proposons donc de les supprimer. Le juge pourra ainsi faire face aux cas particuliers mentionnés par nos collègues, en ne jugeant qu'en équité. On évitera ainsi de nombreuses querelles d'interprétation, qui ne peuvent qu'être aggravées par la présence de cet adverbe « notamment » contre lequel on ne cesse pourtant de nous mettre en garde. M. le Rapporteur - Avis défavorable. La notion d'équité est très large et, pour éviter les contentieux, mieux vaut fournir des indications au juge. Quant à l'adverbe « notamment », il sera supprimé par l'amendement suivant. Dès lors, la loi sera suffisamment claire. M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable également. M. Alain Vidalies - Le Gouvernement change certes la loi, mais il ne faudrait pas croire qu'il modifie considérablement l'état du droit positif. Actuellement, l'époux aux torts duquel le divorce est prononcé ne peut prétendre à une prestation compensatoire... à ceci près qu'il peut obtenir une indemnité exceptionnelle. Vous ne faites ici qu'opérer un renversement pour aboutir à peu près au même résultat : la décision sur la faute et la décision sur la prestation sont séparées, mais le juge pourra refuser cette prestation « au regard des circonstances particulières de la rupture ». Pour ma part, j'estime que le législateur en dit ici trop ou trop peu. Avec une telle rédaction, on peut s'attendre à voir certains choisir la procédure pour faute, dont vous voulez pourtant réduire le champ, uniquement pour éviter de payer ! Nous aurions tout intérêt, je pense, à circonscrire plus précisément ce qu'on entend par « circonstances particulières ». Les travaux préparatoires n'éclairent guère... M. le Garde des Sceaux - Il serait bien illusoire de croire qu'on peut énumérer exhaustivement les fautes possibles... L'amendement 119, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 30 est celui qui tend à supprimer le « notamment ». L'amendement 30, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté. Mme Geneviève Levy, rapporteure de la délégation aux droits des femmes - L'amendement 146 vise à insérer, dans le premier alinéa de l'article 271, après le mot « fixée », les mots « , abstraction faite de la charge de l'entretien des enfants, ». La prestation compensatoire présente à la fois un caractère indemnitaire et alimentaire à l'égard de la mère. L'entretien des enfants est assuré par la pension alimentaire, obligation envers les enfants. Ces deux dettes ne sauraient donc se confondre, les créanciers étant différents. Dès lors, l'entretien des enfants ne doit pas figurer au nombre des critères à prendre en compte lors de la fixation de la prestation compensatoire. M. le Rapporteur - Avis défavorable, car la prestation compensatoire est par définition distincte de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants. L'amendement 146, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Geneviève Lévy, rapporteure de la délégation - L'amendement 9 rectifié tend à insérer, dans le quatrième alinéa du II de l'article 18, après le mot « santé », les mots « physique ou psychique ». Cette précision figurait précédemment dans les textes et doit donc être reprise pour tenir compte de la situation du conjoint dont les facultés tant mentales que physiques sont gravement altérées. M. le Rapporteur - Avis défavorable, même si je comprends votre intention, Madame. Le terme de santé est suffisamment large pour englober l'ensemble des situations. M. le Garde des Sceaux - Même avis. L'amendement 9 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 120 corrigé tend à préciser que, pour évaluer la détermination des besoins et des ressources du créancier, le juge doit tenir compte de sa qualification et de sa situation professionnelle au regard du marché du travail, et non pas seulement dans l'absolu. M. le Rapporteur - Avis défavorable, car il faut laisser au juge la marge d'appréciation la plus large possible. M. le Garde des Sceaux - Même avis. Mme Christine Boutin - Cet amendement m'étonne car je ne peux imaginer que le juge ne tienne pas compte de cet élément pour fixer le montant de la prestation compensatoire. M. Alain Vidalies - Evidemment, ce critère ne ferait que s'ajouter à une liste non exclusive déjà visée par le code civil, mais il serait important que le législateur insiste sur cet aspect. M. Emile Blessig - Légiférer par listes n'est jamais bon. Pourquoi, tant que nous y sommes, ne pas préciser l'âge, l'état de santé, etc. ? En revanche, ce débat montre la volonté du législateur de voir la décision du juge s'adapter à chaque situation particulière, et j'espère que le message sera entendu dans les tribunaux. L'amendement 120 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 31 est rédactionnel. L'amendement 31, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 121 rectifié, identique à l'amendement 32 que la commission a adopté, tend à remplacer, dans le troisième alinéa du 2° de l'article 18, le terme d'« attribution » par celui d'« abandon » de biens en propriété, afin que le juge ne puisse imposer à l'un des époux le transfert de propriété d'un bien immeuble sans qu'il y ait consenti. M. le Rapporteur - La commission les a adoptés, en effet, mais contre l'avis du rapporteur, qui a jugé que cette distinction sémantique n'était pas opératoire. Les amendements 32 et 121 rectifiés, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. le Rapporteur - L'amendement 33 tend à ce que, dans le cas de l'attribution de biens en capital, l'accord de l'époux débiteur soit exigé pour les biens qu'il a reçus par succession ou donation. M. le Garde des Sceaux - Favorable. M. Alain Vidalies - Ce débat me rappelle celui que nous avions eu lorsque nous avions fait passer le conjoint survivant avant les frères et s_urs dans l'ordre successoral. Nous avions alors rencontré des objections de la part du Sénat, qui, se posant en défenseur de la propriété foncière, voulait protéger les biens de famille d'une telle abomination... (Sourires) On retrouve cette même logique dans l'amendement de la commission. Pourquoi protéger davantage le patrimoine tiré des successions ou des donations du débiteur que celui constitué à partir de ses revenus ? En rejetant les amendements 32 et 121 rectifié, vous venez d'accepter la cession forcée d'un bien pour s'acquitter d'une prestation compensatoire, mais vous voulez créer une catégorie particulière de biens entrés par succession ou donation dans le patrimoine! C'est une régression. L'amendement 33, mis aux voix, est adopté. Mme Geneviève Levy, rapporteure de la délégation - Le paiement de la prestation compensatoire sous forme de capital peut être échelonné dans la limite de huit ans, selon des modalités fixées par le juge, lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser ce capital immédiatement. Par l'amendement 13, nous proposons de porter à dix ans ce délai d'échelonnement, pour tenir compte de la situation des débiteurs à revenus modestes. Une telle évolution, en ce qu'elle permettrait au créancier de disposer d'un laps de temps supplémentaire pour faire face à la situation née de la rupture, serait également favorable aux ex-épouses qui ne bénéficient pas de droits personnels à la retraite parce qu'elles n'ont jamais travaillé. M. Jean Lassalle - Identique, l'amendement 160 de M. Baguet procède de la même intention. Mme Christine Boutin - Mon amendement 163 est également identique. Dans les cas où la disparité de situations créée par la rupture du mariage est importante, le délai d'échelonnement de huit ans semble insuffisant pour assurer une réelle compensation. Il faut donc permettre au débiteur d'acquitter sa prestation sur une durée plus longue. L'objectif doit être de protéger les personnes les plus fragilisées par la rupture du lien conjugal, sans étrangler le débiteur, mais pour éviter que la charge des personnes divorcées en situation précaire n'incombe finalement à la société toute entière. M. le Rapporteur - La commission n'a pas accepté ces amendements car elle considère que le délai de huit ans correspond à un certain équilibre qu'il convient de préserver. En outre, le juge peut, par décision motivée, fixer une durée de versement du capital supérieure à huit ans et, dans le cas où les parties s'accordent sur une durée plus longue, son intervention se borne à entériner cet accord. M. le Garde des Sceaux - Même avis. La loi de 2000 fixe un équilibre dans lequel le présent texte introduit de la souplesse. Restons-en là pour le moment. Mme Geneviève Levy, rapporteure de la délégation - Porter le délai à dix ans eût évité à la créancière de revenir devant le juge pour obtenir une durée de versement plus favorable, au risque d'ouvrir un nouveau contentieux avec son ex-conjoint. M. le Rapporteur - Je le répète, il est toujours possible de demander une prolongation du délai de versement. M. Alain Vidalies - Le délai de huit ans correspond à un compromis et il doit sans doute être maintenu, mais la question que pose Mme Boutin depuis le début de nos travaux est importante. La novation essentielle de ce texte est sans doute de supprimer le seul cas de divorce qui maintenait le devoir de secours entre époux,... Mme Christine Boutin - Absolument ! M. Alain Vidalies - ... lequel interdisait au conjoint le plus favorisé d'abandonner l'autre à la solidarité nationale dans le cas où sa situation devenait par trop fragile. Le devoir de secours, partagé par les enfants, a des conséquences très concrètes, notamment lorsque la personne divorcée disposant de faibles ressources doit être accueillie dans un établissement pour personnes âgées dépendantes. Y renoncer n'est pas anodin. Mme Christine Boutin - Je déplore profondément que notre société s'abandonne à la facilité qui consiste à considérer comme un progrès le fait d'abandonner le principe du secours entre époux ! Et c'est parfois avec les meilleures intentions du monde que nous tendons à créer une société qui privilégie la séparation ! Mme Valérie Pecresse - J'entends bien les arguments de Mme Boutin, mais j'ai tendance à considérer qu'il relève de la responsabilité du juge de prendre en compte la situation spécifique des personnes les plus fragiles et de prononcer les mesures les mieux adaptées. Le délai de huit ans correspond au cas général. Si la situation considérée justifie de le porter à quinze ou même vingt ans, le juge en a la faculté et il est même de son devoir de le faire ! M. Emile Blessig - La suppression du devoir de secours entre époux tend à socialiser, c'est vrai, la prise en charge de l'éventuelle situation de précarité du conjoint divorcé. En matière de divorce, les situations sont très diverses. Il faut aussi tenir compte des débiteurs qui ne seraient pas en mesure d'assumer leur obligation de secours. Mme Muguette Jacquaint - J'ai bien entendu la position de Mme Pecresse en faveur d'une appréciation par le juge de chaque situation, au cas par cas. Soit, mais est-il prévu de donner aux magistrats des moyens supplémentaires pour instruire chaque dossier avec un tel degré de personnalisation ? Nous souhaitons tous que la situation des personnes les plus fragilisées par le divorce soit mieux prise en compte, mais notre société s'en donne-t-elle les moyens ? Mme Christine Boutin - Avons-nous bien conscience que nous sommes en train de transférer à la solidarité nationale une obligation de secours qui, auparavant, s'exerçait au sein de la famille ? Je ne porte pas de jugement, mais il faut bien voir que, peu à peu, par ce type de décision, nous dévalorisons la notion même de famille, laquelle permettait précisément grâce à ses solidarités de passer des caps difficiles. Pour ma part, je juge cette évolution dangereuse. Quelle sera encore la valeur du mariage s'il n'y a pas davantage d'obligation de solidarité en cas de divorce qu'en cas de rupture du concubinage ? Je me demande vraiment comment, deux siècles après que la Révolution française a institué le mariage civil, nous pouvons l'affaiblir autant ! M. le Rapporteur - Madame Jacquaint, l'un des objectifs du texte est de simplifier les procédures de divorce afin, précisément, de laisser plus de temps au juge de s'attacher à l'essentiel et à la singularité de chaque dossier. Madame Boutin, le devoir de secours est supprimé, mais il est, de fait, transféré dans la prestation compensatoire. Les obligations du mariage demeurent et celui-ci garde toute sa valeur. Nous devons toutefois penser à toutes les familles, y compris recomposées. M. le Garde des Sceaux - La philosophie de ce texte est de tenir compte de la diversité croissante des choix de vie, réalité sociologique avérée, tout en respectant la valeur de responsabilité qui fonde le mariage. La synthèse, il est vrai, n'est pas facile, mais nous nous y sommes efforcés. Vous ne pouvez pas dire, Madame Boutin, que mariage et concubinage reviendraient désormais au même. Preuve en est d'ailleurs que nous débattons depuis plus d'une heure et demie de la prestation compensatoire, laquelle n'existe pas dans le cas du concubinage... M. Alain Vidalies - Le rapporteur a dit que le devoir de secours était transféré dans le prestation compensatoire. Si ce propos devait être pris à la lettre, il ouvrirait la porte à bien des contentieux. Le rapporteur a, je pense, simplement voulu dire qu'il est tenu compte du devoir de secours. M. le Rapporteur - Tout à fait. Je ne me plaçais pas en effet sur le plan juridique. La précision est utile. Les amendements 13, 160 et 163, mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Alain Vidalies - Le texte remplace « notable » par « important » dans la définition des conditions de révision des modalités de paiement de la prestation compensatoire, ce qui constitue une restriction aux possibilités de modification. Nous proposons, par l'amendement 122, de conserver le terme « notable », qui laisse plus de souplesse, celui « d'important » restant réservé aux cas permettant de solliciter une modification du montant de la prestation compensatoire. M. le Rapporteur - Avis défavorable. Il est plus clair d'utiliser le même terme pour la révision du montant et la révision des modalités de paiement de la prestation. M. le Garde des Sceaux - Même avis. L'amendement 122, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Emile Blessig - L'article 276 du code civil sera ainsi rédigé : « A titre exceptionnel, le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l'âge ou l'état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins et qu'aucune amélioration notable de sa situation financière, n'est envisageable, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. Il prend en considération les éléments d'appréciation prévus à l'article 271. » L'amendement 80 a pour objet de supprimer les mots « à titre exceptionnel » au début de l'article. Il est déjà exigé du juge une décision « spécialement motivée » et il est fait explicitement référence à l'article 271. A surcharger le texte, on multiplie les risques de contentieux. Mme Christine Boutin - L'amendement 159 est identique. Je ne reprends pas l'excellente argumentation de M. Blessig. M. Jean Lassalle - L'amendement 161 est identique aussi. Je n'ai rien à ajouter, si ce n'est que j'insiste pour qu'il soit adopté... (Sourires) M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements, qui reviennent sur le principe posé par la loi de 2000, à savoir que la règle est le versement d'un capital, celui d'une rente n'intervenant qu'à titre exceptionnel. Vu la jurisprudence, il est opportun d'en rester à la loi de 2000. M. le Garde des Sceaux - Je suis également défavorable à ces trois amendements, qui remettraient en effet en question l'équilibre trouvé en 2000. Je suis en revanche favorable au 34 à venir de la commission qui, lui, n'y porte pas atteinte. M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous soutiendrons l'amendement de M. Blessig. Dans la loi de 2000, le devoir de secours subsistait dans les divorces pour rupture de la vie commune. Une fois celui-ci supprimé, il convient de laisser au juge plus de latitude dans l'appréciation des situations. M. Emile Blessig - Cet amendement visait à une égalité de traitement entre toutes les personnes qui souhaitent divorcer, quelle que soit leur situation. Il avait une portée essentiellement symbolique. Du fait de l'allongement de l'espérance de vie, les divorces entre conjoints plus âgés, ayant accompli l'essentiel de leur carrière professionnelle ou l'ayant terminée, sont de plus en plus fréquents. Pour autant, ces personnes ne souhaitent pas que leur cas soit considéré comme exceptionnel. Mme Valérie Pecresse - Juridiquement, exceptionnel ne signifie pas « rarissime » mais marque une simple exception par rapport à la règle générale. La règle est le capital, l'exception la rente - éventuellement viagère - pour des personnes fragiles. M. Emile Blessig - Je retire mon amendement, Mme Christine Boutin - Pas moi ! M. Jean Lassalle - Moi non plus ! M. Emile Blessig - ...mais je crois que ce débat devait avoir lieu. M. le Garde des Sceaux - Je remercie Mme Pecresse pour les propos qu'elle a tenus. Je vous demande solennellement de repousser ces amendements, sans quoi c'est l'équilibre même du projet qui serait compromis. Le capital doit être la règle, la rente l'exception. Mme Christine Boutin - Je comprends votre demande solennelle, mais elle ne fait que conforter mon point de vue : il n'est pas si exceptionnel que cela d'être en situation de fragilité. M. Jean Lassalle - Très bien ! Mme Muguette Jacquaint - Très bien ! L'amendement 80 est retiré. Les amendements 159 et 161, mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. le Rapporteur - L'amendement 34 vise à revenir à la loi du 30 juin 2000 en ce qui concerne le recours aux rentes viagères. L'amendement 34, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. Jean Lassalle - L'amendement 91 propose d'inscrire dans la loi la révision de la prestation compensatoire en cas de changement de situation du créancier et plus précisément en cas de remariage. M. le Rapporteur - Avis défavorable. Il n'y a aucune raison d'établir l'automaticité de la révision en cas de remariage, de Pacs ou de concubinage. C'est au juge d'apprécier les changements effectifs de situation financière. M. le Garde des Sceaux - Même avis. Il faut tenir compte de la situation économique des personnes, non de l'évolution de leur situation de famille. L'automaticité serait une erreur. Mme Muguette Jacquaint - Le remariage, la conclusion d'un Pacs ou le concubinage notoire du créancier modifient souvent de façon importante sa situation. La prestation compensatoire sous forme de rente doit donc pouvoir être révisée, suspendue ou supprimée, ce qui s'inscrit d'ailleurs dans l'esprit de l'article 276-3 du code civil issu de la loi du 30 juin 2000, mais de façon implicite seulement. On constate de plus une très grande disparité dans la prise en compte des nouvelles situations matrimoniales selon les juridictions. Nous proposons donc, par l'amendement 68 rectifié, de rendre le texte plus explicite. M. le Rapporteur - Notre débat est important, car il éclairera le juge sur le fait que le remariage, le concubinage ou la signature d'un Pacs constituent des changements importants. Pour autant, il ne paraît pas utile de l'inscrire dans la loi. M. Alain Vidalies - On ne peut considérer la prestation compensatoire comme ayant un caractère tantôt indemnitaire, tantôt alimentaire. Il y a là un risque de confusion. Je suis pour ma part hostile à l'idée que le remariage puisse remettre automatiquement en cause cette prestation, car ce serait lui reconnaître un caractère alimentaire, ressortissant au devoir de secours. Le rapporteur a raison : c'est au juge d'examiner les conséquences financières d'un changement de situation familiale. Les amendements 91 et 68 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés. Mme Nadine Morano - Le débiteur d'une prestation compensatoire sous forme de rente viagère peut à tout moment saisir le juge d'une demande de substitution d'un capital à une rente viagère, et c'est très bien ainsi. Mais je souhaite, par l'amendement 133, faire préciser que « le montant du capital substitué prend notamment en compte les sommes déjà versées ». Des disparités peuvent en effet exister entre couples divorcés, selon la date de leur séparation. Mme Muguette Jacquaint - Le projet de loi initial prévoyait que le calcul du capital à substituer à tout ou partie d'une rente viagère devait prendre en compte les sommes déjà versées. Cette disposition a été supprimée par le Sénat, au motif que la substitution doit être effectuée au jour de la demande et selon l'espérance de vie du créancier. Nous entendons cet argument, d'autant que la rente viagère n'est accordée, en principe, que parce que l'âge ou l'état de santé du créancier ne lui permettent pas de subvenir à ses besoins, et qu'aucune amélioration notable de sa situation financière n'est envisageable. Toutefois, il est pour le moins singulier de nous demander de supprimer cette disposition avant de nous communiquer le contenu du décret qui fixera le barème de calcul utilisé pour la substitution. Tant que nous n'en aurons pas connaissance, nous ne pourrons voter cette disposition. M. le Rapporteur - Avis défavorable aux deux amendements. Il faut bien comprendre qu'une substitution n'est pas une révision : elle n'opère que pour l'avenir. Le projet de décret établissant les modalités de calcul de la conversion de la rente en capital a été transmis à tous les groupes, et contient des tableaux très complets. Les règles seront ainsi les mêmes partout en France, ce qui remédiera aux inégalités constatées d'une juridiction à l'autre. M. le Garde des Sceaux - Même avis. J'ajoute que si l'on devait prendre en compte les sommes déjà versées, on devrait se replacer au moment du divorce pour faire la conversion de la rente en capital et tenir compte de la période déjà écoulée, ce qui aboutirait à un capital très supérieur. Nous avons choisi de partir du moment de la révision et de calculer une équivalence en fonction de l'espérance de vie restante. M. Alain Vidalies - Le même problème a déjà été au c_ur du débat en 2000. Vous avez, pour le régler, fait le choix du barème. Cela soulève beaucoup d'inquiétudes, car le calcul s'en trouvera rigidifié, et un certain nombre de personnes ne pourront pas payer le capital demandé. Conscients de cette situation, nous avions décidé de laisser le juge décider du capital de substitution. Il est vrai que les décisions qui en ont résulté sont disparates, soulevant l'incompréhension des justiciables. Mais une harmonisation était en cours, et la Cour de cassation aurait pu rendre des décisions qui auraient servi de référence, et évité des débats tels que celui d'aujourd'hui. Je crains que le barème unique n'aille dans le sens inverse de ce que vous recherchez. Mme Valérie Pecresse - Nous avons voulu que la substitution du capital à la rente se fasse à masse constante. L'on ne peut laisser le juge libre de substituer n'importe quel capital à une rente. Pour avoir été juge pendant dix ans, je puis témoigner que nous ne sommes ni des financiers, ni des actuaires ! Avec une jurisprudence forcément erratique, les associations de divorcés auraient immédiatement excipé des décisions les plus favorables pour dénoncer les autres... Le barème national est donc la moins mauvaise des solutions. La rente est pourtant, c'est vrai, un fardeau pour le divorcé, et lui substituer un capital permet de l'en libérer. Deux possibilités de calcul se présentent alors. Si l'on veut tenir compte des sommes déjà versées, on doit se replacer à la date du divorce pour déterminer le montant du capital et procéder à la déduction. Nous avons préféré calculer simplement ce qu'il reste à verser à la date de la substitution, compte tenu de l'espérance de vie du créancier, et le convertir en capital au moyen d'un barème. Le montant dû ne change pas. M. le Garde des Sceaux - On ne pouvait guère attendre d'harmonisation de la jurisprudence, car la Cour de cassation ne statue que sur des éléments de fait. Le barème a le mérite de permettre à celui qui demande la substitution de savoir à quoi il s'engage. C'est un élément de sécurité très important, qui répond à une revendication ancienne. Quant à se replacer à la date du divorce pour refaire le calcul, c'est quasiment impraticable, de l'avis même de tous les actuaires. Mme Nadine Morano - La substitution du capital à la rente est incontestablement une avancée. C'est l'existence du barème qui m'inquiète, car il risque de constituer un frein pour celui qui souhaiterait la substitution et qui ne peut pas payer le capital. Les amendements 133 et 66, mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. le Rapporteur - L'amendement 35 est de précision. L'amendement 35, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'obligation de motivation doit s'imposer au juge, qu'il s'agisse des dispositions transitoires relatives aux rentes ou des décisions pérennes. D'où l'amendement 36. M. le Garde des Sceaux - Avis favorable. M. Alain Vidalies - En quoi consistera cette motivation ? En d'autres termes, quels éléments peut invoquer le juge pour refuser la substitution, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit ? M. le Rapporteur - Il peut, par exemple, prendre en considération l'état de santé du créancier, à qui la rente offre une certaine sécurité. Les cas où cette motivation se justifie ne sont sans doute pas très nombreux, mais il en existe. L'amendement 36, mis aux voix, est adopté. M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Aux termes de l'article 280, « à la mort de l'époux débiteur, le paiement de la prestation compensatoire, quelle que soit sa forme, est prélevé sur la succession. Le paiement est supporté par tous les héritiers, qui n'y sont pas tenus personnellement, dans la limite de l'actif successoral et, en cas d'insuffisance, par tous les légataires particuliers, proportionnellement à leur émolument... » Le projet innove en limitant le paiement de la prestation à ce que permet l'actif successoral, mais qu'adviendra-t-il s'il y a détournement de la succession ? Nous avons essayé de préserver une certaine loyauté en la matière et de garantir la consistance de cette succession. Nous avons notamment envisagé de donner aux débirentiers des prérogatives comparables à celles des héritiers réservataires, mais il nous est apparu que cette solution serait difficilement praticable. Nous en proposons donc une autre, par l'amendement 123 : elle consisterait à ajouter à l'actif successoral « la valeur des biens dont le défunt a disposé par donation postérieurement au jugement fixant le montant de la prestation compensatoire ». Une telle assise nous semble justifiée dans la mesure où l'actif successoral est fonction du patrimoine du défunt au jour de son décès et où ce patrimoine pourrait se trouver réduit au point de compromettre l'exécution de l'obligation. M. le Rapporteur - Rejet. Le fondement du rapport successoral est d'assurer l'égalité entre les héritiers. Il ne peut donc être utilisé au profit des créanciers successoraux. M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable également. Le risque de contentieux serait considérable. D'autre part, quid du conjoint survivant, pour ne pas parler des héritiers ? M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Notre solution a le mérite de la simplicité. Les dispositions que vous proposez permettront de réduire l'actif successoral à zéro sans que personne puisse rien y faire ! Cet actif est en effet exclusivement constitué du patrimoine du défunt, au jour de son décès : en cas de donation-partage, il n'en restera rien et l'obligation ne pourra plus être exécutée. De même s'il y a transfert vers une société civile immobilière ou cession de parts de SCI. Soyez assuré que, dans ce cas, les contentieux ne manqueront pas. Et ce seront les plus difficiles de tous : des contentieux successoraux ! L'amendement 123, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 37 est de coordination. L'amendement 37, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté. M. Richard Mallié - L'amendement 134 corrigé de Mme Morano est défendu. M. le Rapporteur - Rejet. Nous nous en sommes expliqués lors de notre débat sur les conditions dans lesquelles un capital peut être substitué à la rente au décès du débiteur. L'amendement 134 corrigé, repoussé par le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté. M. Alain Vidalies - Par l'amendement 124 corrigé, nous voulons inscrire explicitement dans la loi qu'au décès du débiteur, le capital à la charge de la succession sera calculé déduction faite de la pension de réversion ou du capital représentatif de celle-ci. Le projet ne dit pas le contraire mais souvenons-nous que, lors de la discussion de la loi de 2000, nous avons rejeté un amendement relatif aux requêtes conjointes, au motif que la disposition semblait aller de soi, et que les juges aux affaires familiales ont ensuite pris des dizaines de décisions en sens contraire ! Mieux vaut écrire ce qui nous paraît évident pour ne pas s'exposer à la même mésaventure. Cet amendement me donne, d'autre part, l'occasion de rappeler qu'il faudra bien un jour lever l'incertitude qui pèse sur les pensions de réversion. On ne peut d'ailleurs modifier le code civil sans tenir compte de l'importante modification introduite par la réforme des retraites : ainsi, le capital sera-t-il calculé en fonction de la situation au décès ou de la situation au moment où le juge arbitrera ? N'oublions pas que, désormais, la pension de réversion pourra être modifiée, non plus en fonction des décisions de la créancière, mais de facteurs extérieurs... M. le Rapporteur - Rejet, non parce que nous serions en désaccord sur le fond avec M. Vidalies mais parce que sa demande sera satisfaite par l'amendement 46 à l'article 22. M. le Garde des Sceaux - La question doit en effet être traitée à un autre endroit du projet. L'amendement 124 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 38 est un amendement de cohérence, s'agissant de calculer le capital substitué. J'en profite pour préciser qu'au moment du décès, il faut bien parler de substitution, et non de révision. L'amendement 38, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté. Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 67 est rédactionnel, et répond au même souci de clarté que celui défendu tout à l'heure par M. Vidalies. M. Alain Vidalies - Je retire l'amendement 125 pour le reprendre à l'article 22. M. le Rapporteur - Il est en effet préférable de faire figurer les dispositions relatives à la déduction de la pension de réversion dans un article distinct. L'amendement 67, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 39 tend à faire bénéficier les héritiers qui continueraient à payer la prestation compensatoire des mêmes droits que le débiteur dont ils prennent la succession. L'amendement 39, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 18, ainsi modifié. M. Jean Lassalle - L'amendement 93 concerne les personnes handicapées confrontées à un divorce, et tend à déduire les sommes qui leur sont versées au titre de la réparation d'un accident du travail, ou de la compensation d'une aide humaine ou technique, des « revenus » pris en compte par le juge pour la détermination de leurs ressources. M. le Rapporteur - Défavorable. Le juge doit apprécier la situation des époux de manière complète et globale. L'amendement 93, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jean Lassalle - L'amendement 162 tend à faire assumer par le parent qui n'assumerait pas son devoir de visite et d'hébergement, les dépenses causées à l'autre par ce manquement. M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission mais j'y suis défavorable à titre personnel. J'ai entendu les diverses récriminations qui se sont élevées à propos de l'autorité parentale, mais il faut laisser à la loi de 2002 le temps de faire ses preuves. Cela étant, ce que vous proposez peut aussi concerner des enfants de couples mariés ou en concubinage, et n'a donc pas sa place dans une loi sur le divorce. M. le Garde des Sceaux - En effet, l'autorité parentale est traitée par un texte récent. Prenons le temps d'en évaluer les effets. Mme Valérie Pecresse - Est-il possible de réviser le montant de l'allocation lorsque l'un des parents ne remplit pas son devoir de visite et d'hébergement ? M. le Garde des Sceaux - Bien sûr : les modalités en sont d'ailleurs simples, et n'exigent pas l'assistance d'un avocat. L'amendement 162, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Christine Boutin - Dans la rédaction actuelle du projet, en cas de divorce pour altération définitive du lien conjugal, le propriétaire du logement familial peut imposer au défendeur de le quitter. L'amendement 166 tend à favoriser le maintien du défendeur dans les lieux s'il y habite avec ses enfants, ou si le mariage s'est inscrit dans la durée. M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné en commission, mais j'y suis défavorable à titre personnel car il est contraire à l'esprit du projet de loi, qui a voulu faire entrer le divorce pour altération définitive du lien conjugal dans le droit commun. Pour cette raison, il a supprimé les conséquentes discriminantes attachées au divorce pour rupture de la vie commune, telles que le bail forcé au profit du conjoint défendeur. Par ailleurs, si le défendeur au divorce pour altération définitive du lien conjugal réunit toutes les conditions pour percevoir une prestation compensatoire, il peut la recevoir sous la forme d'un usufruit sur le logement. M. le Garde des Sceaux - Défavorable. En pénalisant à l'excès un certain type de divorce, on en détournera des époux qui préfèreront se rabattre sur le divorce pour faute, même s'il ne correspond pas à la situation réelle. Mme Christine Boutin - Je commence à comprendre le concept de ce nouveau divorce, qui se déroule dans la paix la plus totale... C'est à se demander pourquoi les époux divorcent ! Je ne pense pas, on l'aura compris, que ce type de divorce soit très fréquent, et il est regrettable que la contrainte liée à l'intérêt de l'enfant ne soit pas prise en compte. Mais puisqu'il s'agit d'un divorce où tout va pour le mieux, je retire mon amendement ! L'amendement 166 est retiré. M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 126 tend à permettre au conjoint qui exerce seul ou en commun l'autorité parentale de bénéficier d'un droit d'habitation et d'usage sur un logement appartenant à l'autre époux autre que la résidence principale. Je pense notamment aux maisons de vacances. M. le Rapporteur - Défavorable. Il n'est pas souhaitable d'étendre le bail forcé, qui maintient des relations financières entre les ex époux, à la résidence secondaire. L'amendement 126, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. L'article 19, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 40 est de précision. L'amendement 40, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. Gérard Grignon - L'amendement 139 tend à préciser que l'enfant est créancier de la pension versée au titre de la contribution et que le parent chez qui l'enfant est domicilié perçoit la pension en qualité d'administrateur légal pour le compte de l'enfant. A sa majorité, la pension serait versée à l'enfant, qui en disposerait librement. Le versement de la contribution serait suspendu lorsque l'enfant mineur est à la charge du parent débiteur de la pension pendant un mois au moins au cours de l'année. En effet, le parent débiteur, souvent le père, reçoit souvent cette obligation de verser une pension à l'autre parent comme une injustice, voire une sanction ; il souhaite souvent pouvoir verser cet argent directement à l'enfant. Cette question de « gros sous » engendre, dans un conflit parental passionnel, un contentieux important qu'une disposition simple permettrait de réduire. Il suffirait en effet que la loi mentionne que la contribution est due à l'enfant. Cela conduirait le parent débiteur à mieux accepter la situation, le juge à fonder ses décisions sur l'intérêt prioritaire de l'enfant et l'enfant lui-même à se sentir extérieur au conflit parental, dans la mesure où le risque qu'il soit manipulé par l'un de ses parents serait ainsi mieux prévenu. L'amendement 140 est de conséquence. M. le Rapporteur - Rejet. Ces amendements tendent à modifier l'exercice de l'autorité parentale et nous avons déjà eu l'occasion de rappeler que tel n'était pas l'objet du présent texte. M. le Garde des Sceaux - Même avis et il serait en outre tout à fait inopportun que l'enfant puisse devenir le créancier de l'un de ces parents. M. Gérard Grignon - L'objectif de l'amendement n'était pas d'aboutir à cette situation mais de dépassionner les enjeux. Je regrette que l'on refuse cette avancée. Les amendements 139 et 140, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés. L'article 20, modifié, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 41 est de précision. L'amendement 41, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 21, ainsi modifié. Mme Geneviève Levy, rapporteure de la délégation - Cet article traite des violences conjugales, auxquelles notre délégation est naturellement très sensible. Nous approuvons sans réserve la disposition nouvelle qui permet au juge, en cas de violences, d'attribuer le logement familial à l'époux victime et à ses enfants et de prononcer l'éviction du conjoint violent. Toutefois, pour que cette disposition ne reste pas symbolique, nous souhaitons qu'elle s'assortisse de mesures concrètes d'application : respect de la procédure contradictoire, information du juge des mains courantes du dépôt de plainte et de la procédure pénale éventuellement engagée, astreintes financières contre le conjoint récalcitrant, fixation par le juge des modalités de prise en charge du loyer et de la contribution de l'époux évincé aux charges du ménage. Dans ces situations de violence, les femmes, fragilisées, ont besoin de temps pour se reprendre et engager les démarches nécessaires. La délégation souhaite donc porter de trois à six mois le délai au terme duquel ces mesures deviennent caduques si une requête en divorce n'a pas été déposée. La délégation se félicite de la signature de la charte de l'égalité des droits, présentée le 8 mars dernier par Mme Ameline et qui vise notamment à améliorer l'accueil des femmes victimes dans les commissariats. Elle souhaite enfin que le législateur prenne en compte la détresse des victimes de violences conjugales au sein de couples non mariés. Mme Muguette Jacquaint - Nous nous félicitons que la délicate question des violences conjugales fasse enfin l'objet d'une discussion au Parlement, même si nous considérons que celles-ci eussent dû être abordées dans le cadre d'une réflexion plus vaste que celle ayant exclusivement trait au divorce. La situation des femmes victimes de violences n'est pas suffisamment reconnue par les juges. Pour y remédier, nous avons déposé une proposition de loi tendant à inscrire le terme de « violences conjugales » dans le code de procédure pénale, de manière à permettre leur indemnisation en tant que victimes. L'article 22 du présent texte établit enfin que ce n'est pas à la femme victime de violences conjugales de quitter le domicile. Compte tenu du tabou qui pèse encore sur ces violences, cette évolution très attendue est particulièrement bienvenue. Veillons toutefois à ce qu'elle s'applique effectivement. A cet égard, le délai au terme duquel les mesures d'éloignement du mari deviennent caduques en l'absence de requête en divorce ou en séparation de corps - trois mois - est manifestement insuffisant et nous défendrons un amendement visant à le prolonger. S'agissant de la participation du conjoint violent évincé aux charges du ménage, la voie de l'astreinte civile nous semble devoir être explorée, afin que les victimes sachent qu'elles ne se trouveront pas totalement démunies si leur agresseur quitte le domicile. Le rôle du juge est déterminant, puisqu'il lui revient de prendre en compte les souffrances de toute nature des victimes. Nous souhaitons que la mesure d'éloignement du conjoint violent soit effectivement appliquée et que la réflexion sur les violences conjugales s'étende à tous les couples, mariés ou non, afin que les milliers de femmes victimes ne se sentent plus jamais seules dans leur lutte quotidienne. M. Emile Blessig - Nous sommes naturellement tous unis dans la lutte contre les violences conjugales mais je me dois de faire valoir que certaines associations de pères ont insisté pour que soit réaffirmé le caractère solennel du contradictoire. Les conséquences d'une procédure mal conduite peuvent être extrêmement dommageables. M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il y a lieu de se féliciter de toute avancée tendant à mettre un terme et à réprimer les violences conjugales, mais nous nous inquiétons sur les possibilités d'appliquer le dispositif, et ce pour plusieurs raisons. Dans le droit antérieur, la seule solution, pour une victime de violences conjugales, était de solliciter du juge la fixation d'une audience de conciliation et une autorisation de quitter le domicile conjugal. Ce texte représente donc un progrès notable. Pour autant, il faut être conscient des difficultés de mise en _uvre des nouvelles dispositions - gardons-nous, à cet égard, de parler, par commodité, de « référé violence », sous peine de susciter bien des désillusions. Comme à tout justiciable, une procédure contradictoire devra en l'espèce être garantie à l'auteur des violences. Le juge devra donc l'entendre lui aussi dans les plus brefs délais. Si l'on ne fait pas preuve d'imagination pour trouver les moyens de garantir cette procédure contradictoire, les nouvelles dispositions seront totalement vaines. Se poseront également des problèmes matériels. Quand on connaît la situation des greffes et la charge de travail des juges aux affaires familiales, on imagine mal comment la victime pourrait au bout de quelques heures repartir avec la grosse exécutoire sous le bras... Enfin, il pourra être nécessaire de mobiliser, non seulement un huissier, mais les forces de police pour exécuter la décision de justice. Si nous souhaitons ne pas en rester aux déclarations d'intention, la Chancellerie doit prévoir des modalités d'application très précises de la loi et le ministère de l'intérieur donner aux forces de police des instructions elles aussi très précises par voie de circulaire. Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle - Ne pas ajouter l'errance à la souffrance, tel est bien notre objectif en matière de lutte contre les violences conjugales, lesquelles doivent être combattues avec une particulière détermination. Le constat est, hélas, connu et partagé par tous. Après la prise de conscience, il faut maintenant agir. La violence conjugale, qui n'épargne aucun milieu ni aucune classe sociale, est dans tous les cas illégitime. J'étais hier encore à Belfort auprès d'une jeune femme turque, victime de telles violences, auxquelles les jeunes femmes issues de l'immigration sont particulièrement exposées. Notre droit comportait jusqu'à présent d'importantes lacunes, aucun texte n'accordant expressément aux victimes de violences conjugales la jouissance exclusive du logement familial, même si les juges pouvaient prendre des mesures en ce sens. Toutefois, celles-ci ne pouvaient l'être qu'en liaison avec une requête en divorce ou un dépôt de plainte pour violences. Les victimes hésitaient donc souvent à s'adresser à la justice, de peur de compromettre définitivement l'avenir de leur foyer. Par ailleurs, rien n'obligeait le juge civil ou le juge pénal à accorder la jouissance du logement à la victime plutôt qu'à l'auteur des violences. Ce soir, nous allons donc combler une lacune de notre droit. L'article 22 affirme sans ambiguïté le droit du conjoint victime ou témoin de violences à demeurer au domicile conjugal alors que trop souvent, jusqu'à présent, la victime se voyait contrainte de fuir pour se soustraire ou soustraire ses enfants aux violences. Il ne lui sera plus nécessaire d'avoir préalablement déposé une requête en divorce ou une plainte. Pour autant, les droits de la défense doivent être garantis, et l'expulsion du conjoint violent ne pourra être prononcée qu'à l'issue d'une procédure contradictoire. Cette garantie ne ralentira pas le cours de la justice car les violences conjugales, quelle qu'en soit la forme, justifient le recours à une procédure d'urgence. La procédure sera réputée contradictoire dès lors que le conjoint violent ou présumé tel aura été régulièrement assigné à comparaître, le cas échéant par sommation d'huissier, et sa non-comparution éventuelle ne fera pas obstacle à la décision du juge. La commission des lois a approuvé ces nouvelles dispositions, ce dont je me félicite, mais les a encore enrichies pour les rendre plus efficaces. Celles-ci s'accompagneront naturellement de mesures d'un autre ordre, comme l'activation des réseaux associatifs ou encore la poursuite du travail engagé avec l'Ordre des médecins en matière d'alerte et de prévention. Mme Jacquaint et Mme Lévy ont également évoqué la situation des couples non mariés. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Les violences perpétrées au sein des couples de concubins ou liés par un Pacs ne peuvent être combattues que dans le cadre d'une procédure pénale. Mais soyez assurés que nous répondrons à la demande, tout à fait légitime, d'une égalité de traitement entre les couples mariés et non mariés. La violence conjugale appelle aussi d'autres réponses que juridiques. A cet égard, il faut rendre hommage au travail remarquable des associations, qui font preuve envers les victimes de toute l'humanité nécessaire. Il faut également sans relâche éduquer, apprendre aux femmes à dire non, à ne plus supporter la violence au nom de l'amour qu'elles portent à leurs enfants - d'autant que les enfants traumatisés par de telles scènes de violences peuvent, on le sait, à leur tour devenir des agresseurs. Il faut enfin profiter de ce débat pour faire avancer la culture de l'égalité, qui passe naturellement par l'éradication de toute forme de violence, mais aussi par une société plus ouverte au partage des responsabilités et plus ouverte à la différence, considérée comme facteur d'enrichissement et non d'exclusion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. le Rapporteur - L'amendement 42 est rédactionnel. L'amendement 42, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 43, qui a trait à la contribution aux charges du mariage, devrait répondre aux préoccupations exprimées par Mme Jacquaint et Mme Levy. L'amendement 43, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 127 porte de trois à six mois, avec renouvellement possible pour une même durée maximale, la durée de la mesure d'éloignement du conjoint violent. Trois mois, c'est trop court pour que la victime puisse se remettre. M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Si trois mois, c'est peut-être trop court, six mois, ce serait sans doute trop long. L'objectif de la mesure d'éloignement est aussi de trouver rapidement une issue à la situation, par le dépôt d'une requête en divorce par exemple. Dans certains cas particuliers, la victime pourra toujours adresser une nouvelle demande au juge. La commission s'en est tenue à une proposition de compromis. C'est l'objet de son amendement 164, qui propose de retenir une durée de quatre mois. Mme la Ministre - Le Gouvernement se rallie à la proposition de la commission, et souhaite que les autres amendements soient retirés. L'amendement 127 est retiré. Mme Geneviève Levy, rapporteure de la délégation - Je retire l'amendement 5. Mme Muguette Jacquaint - Je vais aussi retirer notre amendement 69. Le délai de quatre mois constitue un compromis acceptable, même s'il ne nous convient pas totalement. Lors des auditions, beaucoup de femmes nous ont dit que trois mois, c'était trop court pour trouver par exemple une place dans un centre de réinsertion. Les amendements 5 et 69 sont retirés. L'amendement 164, mis aux voix, est adopté. M. Richard Mallié - L'amendement 148 de Mme Morano est défendu. L'amendement 148, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 44 est rédactionnel. L'amendement 44, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 45 corrigé précise que la possibilité de remettre en cause la déduction de la pension de réversion n'est possible que si les héritiers ont maintenu le versement de la prestation compensatoire sous sa forme antérieure. L'amendement 45 corrigé, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 46 vise à supprimer les mots « transmise aux héritiers » dans le dernier alinéa (2°) du IX de cet article. L'amendement 46, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 47 est de précision. L'amendement 47, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. Alain Vidalies - Compte tenu de la loi sur les retraites, qui modifiera la nature des pensions de réversion, l'amendement 167 vise à compléter le IX de cet article par l'alinéa suivant : « 4° Après les mots « du juge », la fin de la dernière phrase est ainsi rédigée : « , une déduction du même montant continue à être opérée si le créancier perd son droit ou subit une variation de son droit à pension de réversion. » M. le Rapporteur - Avis favorable. Votre préoccupation est tout à fait légitime. Mme la Ministre - A partir du 1er juillet, date de l'entrée en vigueur de la loi sur les retraites, les pensions de réversion pourront en effet varier à la hausse comme à la baisse en fonction de l'évolution des ressources du créancier et de la prestation compensatoire. Nous comprenons donc votre souci de clarification du mécanisme de déduction. Il convient en effet de maintenir le principe issu de la loi du 30 juin 2000 selon lequel le montant de la déduction opérée lors du décès ne varie pas en cas de perte ou, désormais, de fluctuation des droits à réversion, sauf décision contraire du juge. Avis favorable. L'amendement 167, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - Les amendements 48, 49 et 50 sont de précision rédactionnelle ou de coordination. Les amendements 48, 49, 50, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés. L'article 22 modifié, mis aux voix, est adopté. Mme Valérie Pecresse - Je remercie Mme Ameline pour son discours plein d'humanité, pour avoir fait de la lutte contre les violences conjugales une priorité et, enfin, pour avoir présenté un dispositif innovant afin de permettre l'éloignement du conjoint violent du domicile conjugal. Ce dispositif, néanmoins, n'est-il pas un peu irréaliste quand 40 % des enfants naissent dans des couples qui ne sont pas mariés ? Ce serait injuste de ne pas permettre à une femme victime de violences conjugales mais qui n'est pas mariée de pouvoir rester dans le domicile conjugal. Mme Muguette Jacquaint - Tout à fait. Mme Valérie Pecresse - Sans doute invoquera-t-on l'atteinte au droit de propriété qui pourrait résulter de l'éloignement du concubin violent, mais cette atteinte est fonction de la protection de la mère et de l'enfant dans l'attente du jugement pénal. Je vous demande donc de voter l'amendement 149 qui étend les mesures de protection aux couples non mariés dès lors qu'un enfant mineur vit à leur domicile. M. le Rapporteur - Avis favorable, même si des problèmes techniques se posent. Mme la Ministre - Je suis sensible à votre argumentation, Madame la députée. Néanmoins, je vous rappelle que ce texte concerne le divorce et non les couples qui ne sont pas mariés. Le Gouvernement entend prendre des mesures pour lutter contre les violences conjugales que vous évoquez et qui touchent l'ensemble des couples. Afin d'harmoniser les procédures, la création d'un groupe de travail interministériel sur ce type de violences a été décidée. Il a pour objectif la réalisation d'un guide de bonnes pratiques à destination des magistrats du siège et du parquet ainsi que de l'ensemble des professionnels concernés. Sa parution est prévue à la fin du mois de juin. Nous devrions alors avoir une réponse à votre légitime question. En l'état actuel du droit, il n'est pas possible de faire bénéficier les couples non mariés de cette disposition. Je vous assure de ma détermination et de celle du Gouvernement pour faire avancer ce dossier dans le sens que nous souhaitons tous. Avis défavorable. Mme Valérie Pecresse - Cet amendement est hors sujet, soit, mais je pense que l'on pourrait quand même faire un effort tant les questions que nous traitons sont voisines. Juridiquement, je ne vois pas d'obstacle dirimant, le Conseil constitutionnel ayant renoncé à sa jurisprudence sur les amendements « hors sujet ». Cela dit, je me félicite de la parution de ce guide des bonnes pratiques. Mme Muguette Jacquaint - Ce guide est une bonne chose, mais il ne répond pas aux situations d'urgence excellemment décrites par Mme Pecresse. Je voterai donc sans réserve son amendement. Mme Christine Boutin - Comment ne pas être ému par les violences faites aux femmes, qui sont malheureusement fort répandues, et dans toutes les classes sociales ? Ce problème est absolument insupportable. Mais nous sommes en train d'examiner un texte sur le divorce, c'est-à-dire sur la rupture d'un contrat librement consenti - car plus rien aujourd'hui n'oblige les gens à se marier. Or, le mariage n'a pas été fait pour les couples qui marchent bien, mais pour protéger les plus faibles en cas de difficulté. S'il devient exactement semblable d'être marié ou non, c'est l'institution même du mariage que vous fragilisez par cet amendement ! La volonté politique du Gouvernement de lutter contre la violence faite aux femmes est incontestable. Introduire dans ce texte une identité de conséquences pour les couples mariés et non mariés dépasse donc de beaucoup l'objectif de lutte contre la violence. Il semble que nous allions de toute façon à grands pas vers l'affaiblissement de l'institution du mariage, mais je suis profondément opposée à cet amendement pour cette raison. Ne tournons pas en dérision le guide de bonne conduite : il n'est certes pas suffisant, mais il a le mérite d'exister. Une réflexion doit être menée, et j'attends avec impatience un projet de loi global sur la lutte contre les violences faites aux femmes, mais certainement pas à l'occasion d'un texte qui ne concerne que le divorce ! Je suis extrêmement étonnée que l'on pose de façon si négligente une question si grave : il s'agit tout simplement de savoir si le mariage a encore une signification fondamentale dans notre société ! Mme Valérie Pecresse - Je n'avais en aucune façon l'intention de faire l'apologie du concubinage ou du Pacs. Je considère, d'un point de vue juridique, qu'ils offrent beaucoup moins de protection que le mariage aux membres les plus faibles de la famille, c'est-à-dire les enfants et, souvent, les femmes. Mais il faut être deux pour se marier. Un concubin violent et qui refuse d'épouser la femme la place dans une situation d'infériorité et de soumission. Je ne peux le tolérer. Mme Muguette Jacquaint - Très bien ! M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Mme Pecresse veut trouver une solution juridique à un cas dramatique : un couple concubin, chargé d'enfants, dont la femme subit des violences. La solution qu'elle a proposée, en utilisant le droit civil, porte atteinte au droit de propriété. Mais il serait possible d'aboutir exactement à ce qu'elle souhaite, c'est-à-dire l'éviction du concubin violent, en restant sur le terrain du droit pénal. Vous obtiendriez satisfaction sans commencer à poser des problèmes inextricables en droit civil. Je vous assure que la plainte au pénal suffit à obtenir l'éviction. M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Le problème qui est posé dépasse de beaucoup le cadre du divorce. Je suis convaincu que le seul instrument dont nous disposons pour traiter ces problèmes est la loi pénale. Tous les autres posent des obstacles sans fin. Les arguments deviennent de véritables pièges : on parle de violence conjugale, puis de violence de couple, puis de violence dans la cellule familiale... On parle d'enfant commun mineur, mais l'absence d'enfant ne change rien à la violence ! Lien de filiation ou pas, il faut arrêter la violence ! Mme Christine Boutin - Absolument ! M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il ne faut parler de rien d'autre que de « violence », tout court. C'est ce qui a commencé à faire avancer les choses dans le domaine des agressions sexuelles. Par ailleurs, il y a des procureurs qui ont franchi ce pas d'eux-mêmes. Ils ne s'arrêtent pas aux demandes de la victime, mais décident seuls, pour mieux la protéger, de dispositions telles que l'éloignement par exemple. Ce n'est pas la panacée, mais c'est un début de réponse. Votre amendement porte une demande que nous ne pouvons que soutenir, mais c'est d'une autre façon que nous gagnerons ce combat. Je pense que Mme la ministre a senti toutes les attentes qui s'expriment. Elle doit nous donner de nouveaux instruments nous permettant d'aller jusqu'au bout de notre action. Mme Christine Boutin - Très bien ! Mme Valérie Pecresse - Je suis prête à m'en remettre à la procédure pénale, sous réserve que le Garde des Sceaux s'engage à donner des instructions aux parquets pour qu'ils prononcent le plus souvent possible, lorsque la situation le rend nécessaire, l'éloignement du concubin violent. Ce n'est absolument pas le cas pour l'instant. Mme Muguette Jacquaint - Très bien ! Mme la Ministre - Je connais les attentes depuis longtemps, et je les partage. Il est évident que le problème se pose de la même façon que les gens soient mariés ou non, et qu'ils aient des enfants ou pas. Je confirme que la procédure pénale peut conduire à l'éviction du concubin violent du domicile. Le résultat sera donc le même. Par ailleurs, le groupe de travail a précisément pour objet la réalisation d'un guide de l'action publique, à destination des magistrats ainsi que de l'ensemble des professionnels concernés pour donner toute leur efficacité aux textes. Voilà qui devrait vous rassurer sur la volonté, l'objectif et les moyens du Gouvernement. M. le Garde des Sceaux - Je donnerai les instructions que Mme Pecresse a évoquées (Applaudissements sur tous les bancs). Le groupe de travail a pour but de formaliser la manière dont ces instructions seront faites aux parquets. Mme Valérie Pecresse - Dans ce cas, je retire l'amendement 149. Mme Muguette Jacquaint - L'article 23 abroge un certain nombre de dispositions. L'une d'entre elles prévoyait que l'action en révision de la prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère n'était ouverte qu'au débiteur et à ses héritiers. La suppression de cette disposition ouvre au créancier le droit de demander cette révision. En pratique, le montant de la nouvelle rente ne pourra pas dépasser le montant fixé initialement, mais pourra dépasser le montant fixé lors d'une révision. Or, si un juge avait accepté de diminuer le montant de la rente initiale, c'est parce que la situation du débiteur avait changé et que la situation du créancier le permettait. Les anciens époux n'ont plus aucun lien ; si la situation du débiteur s'améliore après cette révision, cela ne devrait plus concerner le créancier. C'est pourquoi nous demandons, par l'amendement 70, que ce troisième alinéa de l'article 276-3 ne soit pas supprimé, afin que l'action en révision de la rente n'appartienne qu'aux débiteurs et à leurs héritiers. M. Jean Lassalle - Abroger cet alinéa ouvrirait en effet aux créanciers la possibilité de demander une révision. Le débiteur d'une rente viagère ayant bénéficié d'une révision à la baisse après une dégradation de sa situation serait alors exposé à une décision en sens contraire, et ces corrections répétées entraîneraient pour lui une forte instabilité. L'amendement 92 vise donc à rétablir le texte initial du code civil. M. Alain Vidalies - L'amendement 129 va dans le même sens. J'avoue que j'ai beaucoup de mal à comprendre les raisons pour lesquelles on veut supprimer l'article 276-3, qui est tout sauf inutile. On m'a dit que les textes permettaient déjà à la créancière d'intenter une action en révision et, lorsque je me suis étonné de cette interprétation qui semble fleurir dans certaines officines, on m'a renvoyé à un article de doctrine. Je m'y suis reporté... et je dois dire qu'à cette interprétation d'un chargé de cours de Paris-XI, je préfère celle de l'auteur de certaine proposition de loi - en l'occurrence moi-même. Dans cet article en effet, on semble confondre la modification du montant du capital et celle des modalités du paiement du capital ! Tous ceux qui, comme le Président Clément, sont attachés au sérieux de la démonstration apprécieront. Mais peut-être y a-t-il une autre idée chez ceux qui veulent abroger l'article 276-3. Ainsi un débiteur qui, après un licenciement, aurait obtenu une révision à la baisse de la rente, puis qui bénéficierait d'un héritage, pourrait voir sa rente revenir au montant initial. Si c'est ce que vous voulez, et nous savons que c'est ce que veut le Président Clément, il faut le dire ! Mais sachez que c'est exactement le contraire qu'avait décidé le législateur de 2000 : pour lui, l'action en révision n'était ouverte qu'au débiteur et à ses héritiers, la créancière pouvant en contrepartie demander la transformation en capital si le patrimoine du débiteur le permettait. Nous nous étions arrêtés à cet équilibre en CMP et je suggère que nous en restions là. En tout cas, n'essayez pas de nous convaincre qu'il ne s'agit que d'une modification rédactionnelle ou de la suppression d'une disposition inutile ! M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces trois amendements. Personnellement, j'estime que le projet apporte une clarification nécessaire. Je ne serais pas opposé sur le fond à ce qu'on revienne au texte actuel, mais cela ne priverait en rien le créancier de la faculté d'intenter une action en révision. En effet, le deuxième alinéa de cet article 276-3 dispose que « la révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge », ce qui signifie implicitement qu'une telle action est ouverte au créancier lorsque les ressources du débiteur augmentent. Notre objectif est de faciliter les révisions de manière à équilibrer les situations. En cas de retour à meilleure fortune, l'équité impose un correctif, dans la limite du plafond initial bien sûr. Mais si ces amendements étaient acceptés, il faudrait revoir l'article 280 pour préciser qu'en cas de transformation de la rente en capital au décès du débiteur, les dispositions de l'article 276-3 ne seraient plus applicables. M. le Président de la commission - Les associations et un certain nombre de nos collègues se sont émus, légitimement, et je veux donc poser les termes du débat le plus simplement possible. Vous ne pouvez soutenir qu'un équilibre avait été trouvé, Monsieur Vidalies ! La rente pouvait varier à la baisse mais vous avez refusé qu'elle puisse varier à la hausse, en cas de retour du débiteur à meilleure fortune ! « Equilibre » impliquerait que la modification puisse se faire dans les deux sens, il me semble, d'autant qu'en l'occurrence, on ne peut dépasser le plafond fixé par le juge. J'avoue ne pas comprendre qu'on puisse soutenir un autre dispositif que le nôtre - mais peut-être n'ai-je pas fait l'effort intellectuel suffisant... M. le Garde des Sceaux - Je serais favorable aux amendements, mais à deux conditions. La première est qu'on ne se trompe pas dans l'interprétation et, à ce propos, je renvoie M. Vidalies au débat qui s'est tenu au Sénat le 5 avril 2000 : M. Hyest, rapporteur, a déclaré qu'en cas d'amélioration de la situation du débiteur, il convenait « de permettre au juge de rétablir la prestation à son niveau initial. Il sera donc prévu dans un alinéa additionnel que la révision ne pourra conduire à dépasser le montant initial de la rente fixée. » Après que le gouvernement de l'époque - Mme Gillot en l'espèce - eut donné son accord, M. Hyest a défendu un autre amendement, qu'il décrivait comme le complément logique du premier, en ces termes : « Pourront intervenir successivement une première révision à la baisse suivie d'une révision à la hausse en cas d'amélioration de la situation du débiteur... Il faut donc préciser que c'est, non pas une pension alimentaire, mais une rente à caractère patrimonial et qu'elle ne peut donc pas être révisée à la hausse. » La deuxième condition que je pose a été évoquée par le rapporteur : il faudra compléter l'article 280 afin d'exclure toute possibilité de révision de la rente avant substitution d'un capital. Les deux mécanismes sont en effet incompatibles, la révision empêchant le règlement de la succession tant que l'action n'est pas terminée. Je demanderais donc une seconde délibération de l'article 18 si ces amendements étaient adoptés. M. Alain Vidalies - Il est clair qu'on change la nature de la décision prise en 2000 ! La position de M. Hyest n'est que la sienne, et ce n'était pas celle de l'Assemblée. L'objectif de celle-ci était de permettre les seules révisions à la baisse afin de rééquilibrer une situation qui avait d'ailleurs conduit les sénateurs, auparavant, à déposer une proposition de loi. La législation de 1975 était en effet défectueuse. Les arguments de M. Clément ont déjà été présentés en 2000, mais l'Assemblée a tranché alors dans un autre sens. Quant à votre interprétation d'aujourd'hui, elle aboutira immanquablement à des difficultés : s'il est établi qu'on peut revenir devant le juge, vous verrez dès la publication de la loi toutes les créancières vérifier l'évolution de la situation de leur débiteur, et nous retomberons dans les errances d'avant 1975 ! Et dire que vous voulez pacifier le divorce ! Les amendements 70, 92 et 129, mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. le Rapporteur - L'amendement 51 tend à ce qu'une séparation de corps prononcée sur demande conjointe des époux ne puisse être convertie en divorce que par une nouvelle demande conjointe. M. le Garde des Sceaux - Favorable L'amendement 51, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 52 tend à abroger l'article 52 de la loi du 8 janvier 1993, dans un souci d'unification procédurale. M. le Garde des Sceaux - Favorable. L'amendement 52, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 165 est rédactionnel. L'amendement 165, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. L'article 23 modifié, mis aux voix, est adopté. M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Dans un souci de bonne administration de la justice, l'amendement 130 tend à donner aux juges aux affaires familiales, et non aux TGI, les actions relatives à la fixation de la prestation compensatoire. M. le Rapporteur - Défavorable. Le contentieux susceptible de naître à cette occasion est indissociable de la liquidation de l'ensemble de la succession et doit à ce titre relever du TGI. M. le Garde des Sceaux - Même avis. L'amendement 130, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 53 est de suppression, à des fins rédactionnelles. M. le Garde des Sceaux - Favorable L'amendement 53, mis aux voix, est adopté. L'article 23 bis est ainsi supprimé. M. Jacques Remiller - L'amendement 85 est défendu. M. le Rapporteur - Défavorable, cette question relève de l'autorité parentale. M. le Garde des Sceaux - Défavorable. L'amendement 85, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jacques Remiller - Les amendements 86 et 87 sont défendus. L'amendement 86, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 87. M. le Rapporteur - L'amendement 55 est de coordination M. le Garde des Sceaux - Favorable. L'amendement 55, mis aux voix, est adopté. M. le Garde des Sceaux - L'amendement 137 rectifié tend, par coordination, à modifier la numérotation de certains articles du code général des impôts. L'amendement 137 rectifié, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté. M. le Garde des Sceaux - L'amendement 135 vise à favoriser fiscalement le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital. M. le Rapporteur - Favorable et je remercie le ministre pour cette mesure tant attendue. L'amendement 135, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 54 est de coordination. M. le Garde des Sceaux - Favorable. L'amendement 54, mis aux voix, est adopté. M. le Garde des Sceaux - L'amendement 136 met le régime des prestations compensatoires versées en capital en adéquation avec le droit civil au regard des droits d'enregistrement, favorisant ainsi le versement en capital. Quant à l'amendement 138, il tend à assurer un meilleur accès à la Cour de cassation en facilitant l'octroi de l'aide juridictionnelle au salarié licencié. M. le Rapporteur - Favorable aux deux amendements. Les amendements 136 et 138, successivement mis aux voix, sont adoptés. M. le Rapporteur - L'amendement 56 tend à assurer l'efficacité du nouveau dispositif de lutte contre les violences conjugales, en excluant l'application de certaines règles applicables en matière d'expulsion des lieux d'habitation. M. le Garde des Sceaux - Favorable. L'amendement 56, mis aux voix, est adopté. M. Emile Blessig - Dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, et de la Moselle, la procédure de partage judiciaire des indivisions est régie par la loi civile de 1924, et donne entière satisfaction aux indivisaires, car elle participe d'une juridiction de proximité. Afin d'éviter toute difficulté d'articulation entre la procédure locale et les nouvelles dispositions relatives au divorce, il est nécessaire d'édicter une règle prévoyant l'application de la loi civile de 1924 à partir de la désignation du notaire. L'amendement 81, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. Mme Béatrice Vernaudon - La loi sur le divorce va s'appliquer sur l'ensemble de la République, et dans cette perspective, j'ai réuni, en Polynésie française, des magistrats, des avocats, un représentant des notaires, et des travailleurs sociaux. Ils ont tous convenu de la qualité de ce projet qui invite les parties à se concentrer sur les conséquences du divorce plus que sur ses causes, et allège la procédure, ce qui est fort appréciable au regard de la dispersion insulaire de la Polynésie. Mais surtout, ils m'ont demandé d'insister sur l'urgence d'étendre à la Polynésie française l'aide juridictionnelle, dont seul le volet pénal est aujourd'hui applicable sur le territoire. En matière civile, nous dépendons encore du vieux système de l'aide judiciaire, qui, pénalisant les avocats, ne les incite pas à se surpasser pour leurs clients. En Polynésie française, le recours à un avocat n'est pas obligatoire en première instance, et de nombreuses femmes se trouvent démunies. Avec la mission récemment remplie par le conseil supérieur de la magistrature, et le travail accompli par vos juristes et ceux du ministère de l'outre-mer sur la création du tribunal foncier, c'est le moment de mobiliser leurs compétences pour mettre en place cette aide. M. le Garde des Sceaux - L'article 14 de la loi organique sur le statut de la Polynésie française, adopté en février dernier, dispose que l'aide juridictionnelle relève dorénavant de la compétence exclusive de l'Etat français et nous veillerons à ce que cette règle s'applique bien à la Polynésie française. Nous verrons avec Mme Girardin comment rendre effective cette réforme. M. le Rapporteur - L'amendement 57 est rédactionnel. M. le Garde des Sceaux - Favorable L'amendement 57, mis aux voix, est adopté. M. Mansour Kamardine - L'amendement 4 tend à ce que les dispositions du titre VI du livre premier du code civil soient applicables à Mayotte aux personnes relevant du statut civil de droit local. M. le Rapporteur - Favorable, c'est un complément utile. M. le Garde des Sceaux - Favorable L'amendement 4, mis aux voix, est adopté. L'article 24 modifié, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - Dans un souci de lisibilité, l'amendement 58 fixe au 1er janvier 2005 l'entrée en vigueur de la présente loi. L'amendement 58, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 59 est de précision. L'amendement 59, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - Les amendements 60, 61 et 62 sont de coordination. Les amendements 60, 61 et 62, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés. M. le Rapporteur - L'amendement 63 est de simplification rédactionnelle. L'amendement 63, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 64 précise le régime des prestations compensatoires qui, depuis le 1er juillet 2000, auraient été allouées sous la forme d'un capital échelonné, en permettant au débiteur de demander la révision sur le fondement d'un changement important de sa situation. L'amendement 64, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - Dans un souci de clarification, l'amendement 65 regroupe dans un paragraphe distinct les conditions et modalités d'action des héritiers du débiteur. L'amendement 65, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 25 modifié. M. Mansour Kamardine - L'amendement 1 tend à modifier le dernier alinéa de l'ordonnance du 8 mars 2000 fixant les règles de détermination des noms et prénoms des personnes de statut civil de droit local applicable à Mayotte, de sorte que les parents attribuent le même nom patronymique à tous leurs enfants. L'entrée en vigueur de cette ordonnance a été marquée par des incompréhensions qu'il s'agit de lever. L'amendement 3 vise à dénouer des conflits d'interprétation de l'article 61 de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte en apportant une précision rédactionnelle. Enfin, l'amendement 2 est de coordination. Grâce à ces évolutions, Mayotte se dotera des outils juridiques lui permettant d'entrer dans le troisième millénaire ! M. le Rapporteur - La commission est favorable à ces trois amendements. M. le Garde des Sceaux - Le Gouvernement est favorable aux amendements 3 et 2. S'agissant de l'amendement 1, je vous invite, Monsieur Kamardine, à le retirer, dans l'attente des conclusions de la mission conjointe Ministère de l'outre-mer, Chancellerie visant à régler tous les problèmes qui s'attachent à la dévolution du nom patronymique à Mayotte. Je me suis entretenu de ce problème avec Mme Girardin et je prends devant vous l'engagement de le traiter à l'issue de la mission qui sera conduite sur place. M. Mansour Kamardine - Au bénéfice de cet engagement, je retire l'amendement 1, tout en regrettant que les propositions des parlementaires ne priment pas sur les conclusions de cette mission. Les amendements 3 et 2, successivement mis aux voix, sont adoptés. M. Mansour Kamardine - Je remercie la représentation nationale de ce vote car il témoigne de son esprit d'ouverture. Je serai heureux d'accueillir à Mayotte tous les parlementaires qui ont pris part à ce débat ! (Sourires) Mme la Présidente - En application de l'article 101 du Règlement, le Gouvernement demande une seconde délibération de l'article 2. Elle est de droit. Le rejet par l'Assemblée des amendements présentés en seconde délibération vaut confirmation de la décision prise en première délibération. M. Emile Blessig - L'amendement 1 tend à rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 2 (article 232 du code civil) : « Si les parties le demandent, une seconde comparution peut être ordonnée par le juge. Dans ce cas, le divorce ne peut être prononcé qu'à l'issue de cette audience ». Le projet de loi supprime la seconde comparution, laquelle peut cependant être utile pour les parties. Dans certains cas, il faut laisser aux époux la liberté de solliciter une procédure en deux étapes s'ils la considèrent comme nécessaire. M. le Rapporteur - Favorable à cette bonne suggestion. L'amendement 1, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 2 ainsi modifié. Mme Muguette Jacquaint - Comme l'a indiqué M. Vaxès, le groupe des députés communistes et républicains s'abstiendra sur ce texte. La simplification des dispositions relatives au divorce était attendue mais il faut veiller à ne pas créer de nouvelles injustices sous le couvert d'une rationalisation du droit, en particulier pour les femmes. Les discussions sur la prestation compensatoire se sont légitimement prolongées mais nous regrettons qu'il ait été impossible d'atteindre un point d'équilibre permettant de ne pénaliser ni les créanciers, ni les débiteurs. De même, nous regrettons que le texte n'aborde pas la question de l'aide juridictionnelle alors que chacun sait qu'un divorce coûte cher. Nous souhaitons enfin que de réels moyens soient donnés aux juges aux affaires familiales pour accompagner efficacement celles et ceux qui vivent l'épisode nécessairement douloureux du divorce. M. Jean Lassalle - J'ai participé avec beaucoup d'intérêt à ce débat extrêmement sensible et je me réjouis tout particulièrement qu'il se soit tenu dans un climat de dignité qui fait honneur à notre Assemblée. Ce texte permettra de franchir une étape dans la résolution des crises familiales en simplifiant les procédures et en allégeant les formalités. J'aurais souhaité qu'un pas supplémentaire soit accompli en direction des personnes les plus fragiles et notamment des femmes, au bénéfice desquelles le groupe UDF a défendu plusieurs amendements. Je me réjouis enfin que ces sujets puissent être abordés avec humanité, et même, parfois, avec amour. L'UDF votera ce bon texte. M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous avons eu un débat de qualité, riche, intense et qui témoigne de l'attention que la représentation nationale porte à la situation des personnes concernées par un divorce. Monsieur le Garde des Sceaux, vous avez fait un choix que j'ai personnellement critiqué. Je vous sais néanmoins gré de l'avoir défendu sans vous enfermer dans aucune certitude, comme j'ai essayé de le faire moi-même en défendant mes positions. En effet, sur ces sujets de société, il faut savoir écouter les autres et s'enrichir de leurs avis. Nous regrettons que vous n'ayez pas inscrit votre réflexion dans le cadre du texte adopté en octobre 2001 et février 2002 à l'Assemblée nationale et au Sénat. Si vous avez simplifié et pacifié les procédures de divorce, vous n'êtes pas allé assez loin. Nous vous faisons grief de ce qu'au terme de ce débat, la notion de divorce pour faute n'aura pas bougé d'un iota, alors même que vous aviez la possibilité d'avancer en ce domaine. Vous en aviez même eu le courage puisque votre projet de loi, conformément aux suggestions de plusieurs des membres du groupe de travail, prévoyait de conserver l'imputation de faits graves mais supprimait la notion de renouvellement. Cela aurait permis à la jurisprudence de se reconstruire sur d'autres bases et du même coup, d'écarter de la demande de divorce pour faute quantité de motifs qui n'y ont plus place. Nous considérons par ailleurs que la réforme des pensions de réversion intervenue dans le cadre de celle des retraites aura des conséquences majeures, que nul ne connaît aujourd'hui, sur les prestations compensatoires. Le Gouvernement devrait pourtant assumer en tous domaines les effets « collatéraux » de ses choix. Enfin, dès lors que pour l'article 276-3, vous êtes sorti du cadre de la loi de 2000, vous avez ouvert une voie qui sera empruntée par quantité de personnes qui auraient pu éviter une procédure contentieuse. Les médias pourront bien demain se faire l'écho d'un débat prétendument « consensuel » au Parlement, comme ils ont déjà commencé de le faire, ce sera une erreur. Vous avez fait avancer la loi sur le divorce mais n'avez touché en rien au divorce pour faute. Je respecte ce qui vous a poussé à ne pas le faire, mais je regretterais qu'on dise demain l'inverse de ce qui aura été. Pour toutes ces raisons, et en dépit de la très grande qualité des débats, le groupe socialiste s'abstiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Emile Blessig - Comme sur tous les sujets de société, le législateur devait faire preuve de la plus extrême prudence. S'il lui appartient en effet de tenir compte des évolutions sociales, il n'a ni à les brusquer ni à les anticiper. Le problème est de procéder aux adaptations nécessaires tout en évitant des aventures législatives aux effets collatéraux incalculables, potentiellement très dangereux. Ce texte, qui simplifie et pacifie le divorce, tout en responsabilisant les époux, y est, je crois, parvenu, après d'autres comme la loi de 2000 - laquelle, rappelons-le, ne réformait pas le divorce mais la prestation compensatoire. Je me félicite, pour ma part, tout particulièrement que pour la première fois dans ce texte, conjugalité et parentalité aient été clairement distinguées. Nos débats ont été longs et riches. Je remercie tous ceux qui y ont participé, sur tous les bancs, et espère qu'ils voteront ce soir, avec l'UMP, un texte qui marque une étape importante, qui ne sera assurément pas la dernière (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté. M. le Garde des Sceaux - Je remercie le rapporteur et le président de la commission, ainsi que tous ceux qui ont participé au débat. Vous avez adopté ce soir un texte équilibré qui, simplifiant et pacifiant le divorce, permettra d'atténuer bien des souffrances. Je tiens également à remercier tout particulièrement Mme la Présidente ainsi que les services de l'Assemblée pour leur compréhension dans l'organisation de nos travaux. Prochaine séance, ce soir, à 23 heures 30. La séance est levée à 21 heures 55. Le Directeur du service |
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