Session ordinaire de 2003-2004 - 107ème jour de séance, 263ème séance 1ère SÉANCE DU LUNDI 21 JUIN 2004 PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT vice-président
Sommaire NÉGOCIATION COLLECTIVE ET RECOUVREMENT
DES PRESTATIONS DE SOLIDARITÉ 2
EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 4
QUESTION PRÉALABLE 16
AVANT L'ARTICLE PREMIER 25 MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE 32
La séance est ouverte à quinze heures. NÉGOCIATION COLLECTIVE
ET RECOUVREMENT DES PRESTATIONS DE SOLIDARITÉ
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, modifiant la loi du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques et relative au recouvrement des prestations de solidarité versées aux travailleurs privés d'emploi dont les droits à l'allocation de retour à l'emploi ont été rétablis. M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Le champ de cette proposition de loi est bien circonscrit : il ne s'agit pas d'examiner au fond notre droit du licenciement ou notre régime d'assurance chômage. D'autres échéances ont, pour cela, d'ores et déjà été fixées. Cette proposition s'inscrit pleinement dans la démarche de dialogue social et d'équité qui anime l'action du Gouvernement. Celui-ci y est donc entièrement favorable. L'article premier vise à prolonger de six mois le délai accordé aux partenaires sociaux pour aboutir à un accord sur la réforme de notre droit au licenciement. La loi du 3 janvier 2003 a renvoyé à une négociation nationale interprofessionnelle le soin de moderniser les règles applicables en matière de licenciements économiques. Je note que la législation, en la matière, se fonde essentiellement sur une vision procédurale du droit de licenciement. Elle ne favorise ni la prévention, ni le reclassement ; de plus, elle n'accorde qu'une place restreinte à la négociation collective. La loi dite de modernisation sociale n'a fait qu'accroître ces insuffisances. Aussi la loi du 3 janvier 2003 a-t-elle suspendu pour dix-huit mois une partie des mesures de cette loi afin d'inciter les partenaires sociaux à conclure un accord interprofessionnel. Nous avons en effet souhaité donner la priorité à la négociation collective avant toute réforme législative. Nous faisons confiance aux partenaires sociaux, renouant ainsi avec la tradition française du paritarisme. Je me félicite que les partenaires sociaux aient répondu à notre invitation. La négociation a d'ores et déjà significativement avancé : 11 réunions paritaires ont eu lieu. Des convergences semblent se dessiner sur un certain nombre de points : gestion anticipée des emplois et des compétences, conditions de négociation du plan de sauvegarde de l'emploi, activation des dispositifs de reclassement. J'ai donc la conviction qu'un accord peut être encore conclu. Le délai fixé par la loi expirant le 3 juillet prochain, date avant laquelle on ne saurait aboutir à un accord, la proposition de loi tend à accorder aux partenaires sociaux un délai supplémentaire de six mois. Ce délai semble à la fois nécessaire pour offrir aux partenaires sociaux toutes les chances de réussite et suffisant car il permet de trouver un terrain d'entente sans reporter sine die l'indispensable modernisation de notre droit du licenciement économique. Si, au terme de ce délai, les partenaires sociaux n'arrivaient pas à un accord ou s'ils nous faisaient connaître leur désaccord avant le terme, c'est le Gouvernement qui, alors, prendrait ses responsabilités et déposerait sur le bureau des assemblées un projet de loi. Quand bien même un accord ne serait pas trouvé, la poursuite des négociations est utile : le Gouvernement pourrait en effet reprendre dans son projet les points qui auraient pu faire l'objet d'un accord partiel. L'article premier prolonge également de six mois le délai pendant lequel peuvent être signés dans les entreprises à titre expérimental des accords de méthode. Ceux-ci visent à aménager les procédures d'information et de consultation des représentants du personnel lorsque des licenciements collectifs sont envisagés. Les partenaires sociaux expérimentent ainsi de « bonnes pratiques » dont ils peuvent ensuite s'inspirer sur le plan national dans les négociations interprofessionnelles. 130 accords ont été conclus, dont 55 dans les PME. Ils s'articulent autour de trois logiques convergentes. Il s'agit tout d'abord d'adapter les procédures aux spécificités des entreprises. Ces accords organisent donc la procédure au plus près des exigences de la restructuration et aménagent les modalités de consultation des instances représentatives du personnel. Il s'agit ensuite de renforcer la place du dialogue social dans le cadre des procédures de licenciement. La grande majorité des accords prévoit ainsi la mise en place d'instances de concertation et de négociation ad hoc regroupant l'ensemble des parties prenantes. Enfin, il s'agit de mettre en place les conditions d'un reclassement plus efficace par la négociation. La grande majorité des accords prévoit ainsi une négociation sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi. Conformément à la loi du 3 janvier 2003, je réunirai en septembre prochain la commission nationale de la négociation collective afin qu'elle examine un bilan approfondi de ces accords de méthode avant qu'il ne soit transmis au Parlement. Je souhaite en effet que les partenaires sociaux soient informés de la nature et de la portée de ces expérimentations et qu'ils en tirent tous les enseignements dans le cadre de la poursuite de la négociation en cours. L'article 2 tire les conséquences financières du réagrément de la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2004. En effet, à la suite d'une décision d'annulation pour vice de procédure prise par le Conseil d'Etat le 11 mai 2004, annulant ces annexes et ces accords pour un vice de procédure, il était nécessaire de reprendre des arrêtés agréant à nouveau ces accords, ce qui a été fait le 28 mai dernier. Toutefois, dans un souci d'apaisement, nous avons décidé d'exclure du champ du nouvel agrément les dispositions des articles 10 et 10-1 de la convention qui prévoyaient la diminution de la durée d'indemnisation des allocataires dont la fin du contrat de travail est antérieure au 31 décembre 2002. L'application de cette clause avait conduit les ASSEDIC à mettre fin de façon anticipée, au 1er janvier 2004, au versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi pour plus de 358 000 allocataires. Dans le nouveau contexte, les ASSEDIC ont dû recalculer leurs droits et ont commencé à verser les reliquats d'allocation. Cependant, 70 000 des personnes concernées avaient été admises à partir du 1er janvier 2004 au bénéfice d'un allocation de solidarité de l'Etat et les sommes versées à ce titre s'élèvent à 86 milliards. Allocations d'assurance et allocations de solidarité ne pouvant se cumuler, les demandeurs, réintégrés dans le régime d'assurance chômage, doivent reverser à l'Etat les sommes perçues. L'article 2 propose que ce soit fait par retenue sur le reliquat d'allocations d'assurance à leur verser, ce qui n'aura lieu que si la compensation leur est favorable. Cette proposition pertinente résout des questions urgentes. Le Gouvernement vous demande donc de l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Le licenciement pour raison économique est le malheureux constat du drame que vivent les hommes et les femmes privés de leur emploi... M. Gaëtan Gorce - Pas de compassion, de l'action ! M. le Rapporteur - ...et donc un peu de leur dignité et de leur liberté. C'est aussi le constat du drame qu'a connu une entreprise face au marché, à la concurrence et qui l'a conduite à licencier. Le législateur a tenté de prévenir, d'encadrer ces drames. La loi de modernisation sociale, votée quelques mois avant les dernières législatives, s'y essayait à sa manière. Mais elle est largement inadaptée et déséquilibrée car elle ne s'intéresse qu'à l'un des deux enjeux. Elle est vaine pour les salariés, car elle ne permet ni de conserver leur emploi ni de les reclasser, et elle pénalise l'entreprise en faisant de la législation française la plus lourde des pays développés. M. Frédéric Dutoit - La plus favorable aux salariés ! M. le Rapporteur - Enfin, elle introduit des concepts nouveaux qui créent une insécurité juridique. C'est pourquoi, il y a 18 mois, le Gouvernement a déposé un projet pour suspendre les dispositions de cette loi, dont beaucoup n'étaient pas appliquées faute de décret, au profit d'une nouvelle législation faisant la part belle aux partenaires sociaux : le Gouvernement leur avait alors demandé de lui faire des propositions dans les 18 mois. Il est clair qu'ils ne seront pas en état de le faire au terme de ce délai, le 3 juillet prochain. C'est pourquoi l'article premier leur donne six mois supplémentaires. Avons-nous perdu du temps ? Je ne le crois vraiment pas. Dans un contexte social chargé, les partenaires sociaux ont avancé. Une douzaine de réunions interprofessionnelles ont eu lieu et 130 accords dérogatoires ont été signés dans des entreprises. C'est relativement peu, a dit M. Gremetz. Mais c'est mieux que rien. En outre les partenaires sociaux se sont mis d'accord sur le droit individuel à formation tout au long de la vie. Certes, il ne s'agit pas exactement du droit du licenciement, mais n'est-ce pas la meilleure arme que l'on puisse donner aux victimes de licenciements ? Aujourd'hui, il ne faut ni abroger complètement les articles suspendus comme le demande le groupe UDF, ni les réintroduire comme le demande le groupe communiste. Entre ces deux excès, il s'agit simplement de donner aux partenaires sociaux quelques mois de plus pour aboutir à un accord, ou au moins, on peut l'espérer, à des accords partiels sur certains sujets. Le Gouvernement assumera ses responsabilités en validant ce qui aura fait l'objet d'accord et en complétant le droit sur ce qui n'aura pu en faire l'objet. La commission a repoussé les amendements d'abrogation, de réintroduction ou d'extension des articles concernés de la loi de modernisation sociale. L'article 2 vise à régler le cas des 70 000 « recalculés » qui avaient perçu l'allocation de solidarité spécifique après le 1er janvier 2004, en déduisant les sommes perçues de l'allocation chômage qui leur est dûe après réintégration. L'UNEDIC récupérera ainsi 86 millions. Les deux articles de la loi apportent donc des réponses à des questions qui devaient être traitées rapidement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ M. Maxime Gremetz - Monsieur le rapporteur, on vous a connu plus enthousiaste. Mais vous êtes chargé d'une mission, vous l'accomplissez. Nous poursuivons donc le marathon législatif auquel nous contraint le Gouvernement. Comme l'a déjà fait Alain Bocquet, je tiens à élever la plus vive protestation concernant les conditions de travail imposées à la représentation nationale. Non seulement l'ordre du jour est déjà très chargé, mais il est de plus en plus souvent modifié à la dernière minute, de telle sorte qu'un parlementaire ne parvient plus à organiser son emploi du temps pour le double mandat qu'il exerce dans sa circonscription et dans l'hémicycle. Cette surcharge porte atteinte à la qualité de notre travail. De plus, le chef de l'Etat semble ériger en mode de gouvernement le recours à la session extraordinaire. Siéger neuf mois durant était à l'origine destiné à éviter les séances du lundi, du vendredi et de nuit. Or nous devons tous constater que, surtout ces dernières semaines, ces séances se multiplient. S'il pouvait paraître naturel de siéger en juillet 2002, après le renouvellement de notre assemblée, personne ne comprend l'obstination du Gouvernement à persévérer. Ainsi, en juillet 2003, vous avez fait voter l'inique réforme des retraites, pendant que les salariés étaient en congé, parce que c'est toujours en été que le Gouvernement perpètre ses mauvais coups. Et voici que vous vous apprêtez à récidiver pour la sécurité sociale. Eh bien, puisque vous voulez juillet, vous aurez août ! Mais d'ici là, nous sommes tenus d'examiner les textes relatifs à EDF-GDF, à la bioéthique, à l'autonomie financière des collectivités locales, sans compter le débat d'orientation budgétaire, tout cela avant la fin de ce mois ! De plus, outre la réforme de l'assurance maladie, la session extraordinaire comportera l'examen d'un projet très important relatif à la sécurité civile et l'adoption définitive du projet de décentralisation. Trop, c'est trop ! Cette façon de procéder ne permet pas d'examiner les textes à fond. C'est pourquoi nous vous demandons de créer les conditions d'un travail parlementaire serein et efficace en retirant certains textes, par exemple ceux concernant la décentralisation et EDF. Il y va de la légitimité du Parlement et du respect du débat national. D'autant plus que certaines questions d'actualité urgente sont par vous laissées de côté. Or il est indispensable d'organiser un débat sur la situation internationale après le vote émis à l'ONU sur l'Irak, et après la réunion du G8 qui s'est plié aux thèses américaines relatives au grand Moyen-Orient, toutes questions sur lesquelles le Parlement n'est ni informé ni consulté. Aujourd'hui, nous devons examiner au pas de charge une proposition du Sénat qui, à son habitude, vole au secours du Gouvernement pour l'aider à redresser ses erreurs. Pardonnez-moi, Monsieur le ministre, j'oubliais que vous étiez sénateur ! Ce texte a d'abord pour objet de tenir compte d'une décision de justice en faveur des « recalculés », dont je salue la victoire historique qui les a rétablis dans leurs droits. C'est que votre gouvernement, affaibli, a dû céder devant la force des mouvements sociaux et populaires. Ce qui s'est passé là se reproduira certainement. Cependant, en repoussant l'exigence du remboursement de la dette de l'UNEDIC envers l'Etat, le Gouvernement se fait à nouveau solidaire du Medef en l'exonérant de toute contribution à la solidarité nationale à l'égard des chômeurs dont il est responsable. La proposition tend également à prolonger la « suspension », fortement demandée par le Medef, des articles de la loi de modernisation sociale portant sur les licenciements économiques. Qui, à cet instant, n'a pas devant les yeux les images, diffusées à la télévision, où un dirigeant syndical criait sa colère devant les forces de police chargées de déloger les travailleurs tentant d'empêcher le vol de leurs outils de travail, que des camions s'apprêtent à charger à destination de Singapour ? Cela se passe à Rennes, chez STMicroelectronic, une entreprise de haute technologie qui dégage des profits substantiels, mais encore insuffisants aux yeux des actionnaires, qui espèrent gagner plus en exploitant davantage les travailleurs de Singapour. C'est scandaleux ! Déjà désespérés en entendant déclarer que la loi et l'Etat ne peuvent pas tout, les Français le sont encore plus quand le Gouvernement et la majorité font en sorte que la loi ne puisse plus rien du tout. Malgré ses insuffisances, la loi de modernisation sociale, que nous avions proposée, pouvait aider les salariés à préserver leur emploi. C'était trop pour le Medef et ses serviteurs. De fait, sitôt arrivés au pouvoir, vous avez placé cette loi dans votre ligne de mire. N'osant pas l'abroger d'un coup, vous avez excipé de la volonté de voir la question des licenciements économiques négociée entre les partenaires sociaux pour suspendre la loi pendant dix-huit mois. Mais cette démarche a tourné au fiasco. Ont été conclu une centaine d'accords d'entreprise, mais aucun au niveau des branches. Vous prétendez aujourd'hui que six mois supplémentaires permettront à la négociation d'aboutir. Vous espérez que durant ce délai le Medef trouvera des complices parmi les organisations syndicales pour conclure des accords au rabais. C'est plutôt mal parti. En effet, ceux qui signent des accords défavorables aux travailleurs ont été rendus plus prudents par le départ de nombreux adhérents et par les résultats aux élections professionnelles. Je ne nomme personne... Qu'il y ait accord ou pas, vous voulez en fait neutraliser le volet anti-licenciements de la loi de modernisation sociale. Il s'agit de faciliter les licenciements, y compris quand ils découlent directement des délocalisations et de la recherche du profit immédiat. La seule mesure de suspension de la loi était un message clair adressé aux grands groupes : « Lâchez-vous, les amis, nous vous couvrons ». Ils l'ont bien compris, et se sont en effet lâchés, en multipliant les licenciements sous toutes les formes. Le résultat, votre résultat, c'est une explosion de vagues de licenciements, et un chômage qui frôle la barre des 10%. La proposition du sénateur UMP Gournac tend uniquement à favoriser les opérations de délocalisation. L'opposition des travailleurs à ce genre de forfaits vous est totalement indifférente. L'actionnaire décide, vous envoyez la police. Mettre en _uvre la loi de modernisation sociale ferait obstacle à ce processus, donc vous la supprimez. C'est clair, net et cynique. Sans doute êtes-vous capables de larmes de crocodile quand des délocalisations entraînent des suppressions d'emplois, mais ces pleurs ne pèsent pas lourd. Pourtant le président de la République a déclaré qu'il fallait légiférer contre les patrons voyous, et nous avons déposé une proposition dans ce sens. Mais le Gouvernement ne l'a jamais inscrite à notre ordre du jour : d'un côté les paroles, de l'autre les actes... Le texte que nous examinons représente un pas de plus dans la démolition de tout ce que la gauche a fait de bien, et de toutes les conquêtes sociales réalisées depuis la Libération. Vous avez commencé en remettant en cause les 35 heures, contre lesquelles vous annoncez une attaque supplémentaire à l'automne. Vous avez ensuite supprimé les emplois jeunes, et taillé à la hache dans les crédits destinés à l'insertion et à la formation des travailleurs. A vous entendre, ces mesures d'« économies budgétaires » devaient permettre de créer des emplois dans le secteur marchand ; résultat, le chômage continue d'augmenter et le seul carnet de commandes qui se remplit, c'est celui du Medef dont ce Gouvernement reste l'un des plus zélés serviteurs ! Vous vous êtes employés à multiplier les dérogations à la loi pour priver les salariés des mesures les plus protectrices et, dans un nombre croissant de domaines, la négociation collective, souvent opérée dans des conditions plus que contestables, peut désormais suppléer au code du travail. S'agissant des retraites, en dignes héritiers de M. Balladur, vous avez aligné tous les régimes sur le moins favorable. Là encore, les résultats de cette politique - du reste sanctionnée par les électeurs - ne se sont pas fait attendre : de plus en plus de jeunes au chômage, du fait de l'obligation faite aux travailleurs âgés de se maintenir dans l'emploi. Seule issue, mais elle est réservée aux plus favorisés, souscrire des fonds de pensions, prétendument « à la française » mais dominés en fait par la finance internationale. De même, il aura fallu les luttes courageuses des chômeurs spoliés et plusieurs décisions de justice convergentes pour que vous acceptiez de revenir sur les dispositions iniques que vous aviez prises en matière d'ASS et d'indemnisation du chômage. Et c'est encore sous la pression, celle des artistes et des intermittents du spectacle, que vous avez été contraints de faire preuve à leur égard de plus de « compréhension ». Las, vous persistez aussi dans l'intention de supprimer l'essentiel des mesures protectrices des droits des salariés, mises en place par les gouvernements de gauche, en matière de licenciements dits économiques, lesquels sont en fait des licenciements boursiers. La réforme de l'assurance maladie dont nous allons débattre dans les prochains jours ne vise qu'à instituer un système de protection sociale à deux vitesses, assorti de garanties a minima pour les plus modestes cependant que les autres devront recourir aux assurances complémentaires pour continuer à se soigner dans de bonnes conditions. Dans le même temps, vous vous obstinez à privatiser l'un des plus beaux fleurons de notre service public, constitué des entreprises énergétiques nationales EDF et Gaz de France. Certes, le Gouvernement a bien senti - un peu tard, comme d'habitude ! - qu'il était pour le moins risqué de s'attaquer en même temps à EDF et à la sécurité sociale ! Pour tenter de faire avaler ce cocktail explosif, notre fameux ministre de l'économie louvoie, mais sa nouvelle prudence ne trompe personne ! Riches de l'expérience de France Télécom, les salariés des entreprises nationales ont bien compris dans quelle voie on prétendait les amener. Et je veux le redire avec toute la solennité que requiert la situation : le groupe des députés communistes et républicains soutient sans réserve la lutte des électriciens et des gaziers. Leur combat sert l'intérêt général, aujourd'hui détourné au profit des intérêts égoïstes d'une minorité de spéculateurs. Au reste, l'ensemble de la population française ne s'y trompe pas et les électeurs ont eu raison de vous tenir le seul langage que vous compreniez un peu, celui de l'affrontement brutal et du rapport de force. Mais ce rapide panorama n'épuise pas le sujet, car vos projets en réserve ne sont pas moins inquiétants. Je pense notamment aux suites que vous entendez donner au funeste rapport de Virville, en orchestrant la casse de notre code du travail. Qu'en retiendrez-vous ? Un super CDD pour tous les salariés ? La fin du salariat au profit d'un statut de travailleur indépendant tendant à renforcer l'exploitation des travailleurs ? La suppression de toute pénalité à l'encontre des patrons voyous ? Le recul des prérogatives des comités d'entreprise, notamment en matière de licenciements économiques ? L'extinction programmée de la notion d'ordre public social ? La déstabilisation des droits individuels des salariés ? L'augmentation de la flexibilité et du temps de travail ? Quelles propositions allez-vous, Monsieur le ministre, privilégier parmi les soixante-quatre mauvaises recommandations du rapport de Virville ? S'agissant des contrats aidés, tout porte à croire - et j'ai là un document de votre cabinet qui l'atteste - que vous allez céder une nouvelle fois aux instances du Medef, en substituant aux CES, CEC et autre CIE un contrat aidé unique, ouvert aux entreprises du secteur marchand et tendant à créer une nouvelle génération d'emplois généreusement subventionnés, pour le plus grand profit des seuls employeurs. Quant au RMA, dispositif catastrophique s'il en est, il semble que M. Borloo lui-même en conteste aujourd'hui le bien-fondé ! Qui faut-il croire ? Le ministre qui annonce son extension à toutes les personnes privées d'emploi ou celui qui programme sa disparition ? Comprenne qui pourra ! Faites en tout cas confiance aux salariés pour comprendre que tout cela n'augure rien de bon ! Que penser enfin du projet de directive européenne du Commissaire néerlandais Frederik Bolkestein qui voudrait que lorsqu'une entreprise européenne intervient sur le marché intérieur, elle le fasse selon les règles sociales du pays où est implanté son siège social ? Ainsi, dans mon propre département, les salariés spoliés par la filiale d'un groupe allemand n'auraient aucune voie de recours puisque c'est le droit allemand qui s'appliquerait et non le code du travail français ! On imagine les dégâts pour l'emploi et pour les salaires d'une telle évolution ! Tout se passe comme si le Gouvernement attendait d'avoir achevé son _uvre de casse sociale pour s'éclipser enfin, et attendre que le Medef lui érige un mémorial pour services rendus ! Pour l'heure, contre vents et marées, en dépit de résultats électoraux calamiteux, vous poursuivez votre mission, en prétendant qu'elle est de réformer la société française. Mais certaines réformes - vous l'avez prouvé - peuvent être très régressives. Vous tentez de faire tourner à l'envers la roue de l'histoire mais le peuple se lève et vous dit : « Halte-là ! » Votre « devoir de réforme », les Français sont tout disposés à vous en libérer ! Ils n'ont que faire de projets tendant à faire leur bonheur malgré eux... M. Claude Gaillard - C'est pourtant ce que vous avez voulu faire avec les 35 heures ! M. Maxime Gremetz - Les Français ne sont pas des veaux ! C'est un peuple responsable, lucide et créatif. Votre voie, c'est celle du déclin et de la casse sociale, et croyez bien que nos compatriotes ne vont pas vous laisser faire ! Votre prétention et votre suffisance, proprement inédites, les ont du reste déjà lassés. Les Français vous ont montré qu'ils ne souscrivaient pas à votre révolution conservatrice qui, parce que vous cédez à votre tendance ultra-libérale, tend à faire subir à la société française un retour en arrière de près de soixante ans ! La France que vous voulez rétablir, c'est celle d'avant la Libération ! (Rires sur les bancs du groupe UMP) Et vous pouvez sourire : je peux le démontrer ! Vous n'avez pas été élus pour casser les retraites et la sécurité sociale ou pour mettre en cause le SMIC... M. Claude Goasguen - C'est nous qui l'avons augmenté ! M. Maxime Gremetz - Vous n'avez pas été élus pour provoquer une nouvelle explosion du chômage ou pour faire en sorte que la précarité se généralise, au risque de rompre le lien social. Face à la crise du système, vous choisissez la fuite en avant dans un libéralisme débridé. Vous vous êtes fait élire en promettant la sécurité et vous développez l'insécurité sociale. Vous vous gargarisez de la valeur du travail, mais votre politique favorise l'augmentation des profits financiers et aggrave le chômage. En 1999, le groupe communiste de l'Assemblée nationale avait bâti une proposition de loi pour offrir des garanties contre les licenciements économiques, notamment les licenciements boursiers. Après une âpre bataille, une partie importante de nos propositions avait été retenue sous forme d'amendements à la loi de modernisation sociale, à tel point que le volet « licenciements »de celle-ci en devenait l'élément principal. Tout d'abord, une nouvelle définition du licenciement économique permettait qu'il ne soit que la solution ultime ; mais le Conseil constitutionnel a alors inventé une liberté constitutionnelle nouvelle, celle de s'opposer au droit au travail. Ensuite, des garanties étaient instituées contre les abus, en responsabilisant les groupes financiers et en donnant la parole aux salariés. La loi faisait de la négociation sur la réduction du temps de travail un préalable à tout licenciement ; l'entreprise était tenue d'établir une étude sur les conséquences territoriales et sociales de ses décisions. Ces dispositions, vous voulez encore prolonger leur suspension - autant dire les supprimer. Avec les articles 99 et 101, le comité d'entreprise était mis en situation de mieux appréhender les données économiques de l'entreprise et de faire valoir son point de vue. Vous vous dites partisans du dialogue social et vous le torpillez en supprimant cette avancée essentielle ! J'ai fortement contribué à la mise au point de ce dispositif, le rapporteur le sait bien : il m'a même de temps en temps donné un petit coup de main, mais maintenant qu'il n'est plus dans l'opposition, il défend un texte qui le détruit... Le pouvoir corrompt ! Moi, je n'ai pas changé de position. L'article 106 renforçait les pouvoirs du comité d'entreprise en cas de cessation totale ou partielle d'activité, en lui reconnaissant un droit d'opposition débouchant sur le recours à un médiateur indépendant. Comme vous partagez la vision du Medef, vous voulez rayer définitivement cet article. L'article 109 donnait du sens à la possibilité pour l'autorité administrative de constater la carence de plan social à tout moment de la procédure. Jusqu'alors, l'autorité administrative devait intervenir dans des délais si brefs qu'ils ne lui permettaient pas d'analyser la situation. En abrogeant cet article, vous voulez l'empêcher d'agir. Franchement, ces dispositions n'étaient pas révolutionnaires. Elles amélioraient simplement les possibilités de concertation et permettaient de s'opposer aux licenciements abusifs. Mais c'était encore trop pour vous et pour le patronat... « Contraintes insupportables », ont dit les patrons. On connaît le refrain : les salaires sont trop élevés, les cotisations sociales aussi, les droits des travailleurs sont trop étendus, la législation bride les entreprises et entraîne le chômage. Vous emboîtez le pas au baron Seillière, mais le taux de chômage frise les 10 % ! Déjà dans les années 1980, les patrons disaient : « supprimez l'autorisation administrative de licenciement, et nous embaucherons ». Elle a été supprimée, mais le sous-emploi, sous toutes ses formes, n'en finit pas d'augmenter... De même, vous avez accusé de tous les maux la loi de modernisation - alors qu'elle n'était même pas, loin s'en faut, entièrement appliquée, faute de parution des décrets sur des points importants. Ainsi en est-il pour l'article 118 : celui-là, on ne le suspend pas, mais ses décrets d'application n'ont jamais été pris ! Quel tour de passe-passe ! A cet article, nous avons demandé que les entreprises occupant au moins 1 000 salariés ainsi que celles disposant d'un comité de groupe ou d'un comité d'entreprise européen soient tenues d'apporter une contribution à la création d'activités et au développement des emplois dans un bassin d'emploi affecté par la fermeture totale ou partielle d'un site. C'est la revendication de tous, mais elle est malheureusement inapplicable faute de décret. Je vais vous dire ce qui se passe réellement sur le terrain. Chez moi, à Amiens, Whirlpool a décidé de délocaliser une partie de sa production en Slovaquie. Là-bas, les salaires sont plus bas, le droit du travail moins contraignant, les profits plus faciles: 450 emplois en moins pour Amiens, sans parler de la concurrence déloyale des machines ainsi fabriquées et ramenées en France ! Et Whirlpool annonce cent nouvelles suppressions d'emplois, du fait du départ de la deuxième chaîne ! Que dit le nouveau PDG de l'application de l'article 118 de la loi de modernisation sociale? Il affirme avoir déjà créé 250 emplois et pouvoir aller bien au-delà encore. Mais où sont-ils donc ? J'apprends alors de la bouche du PDG que l'entreprise débourse 12 500 F - je parle bien de francs ! - par emploi supprimé, qu'il n'y a pas de priorité pour les salariés de Whirlpool, et que sont comptabilisés tous les emplois créés à Amiens et dans sa périphérie, pour lesquels l'entreprise apporte cette maigre subvention de 12 500 F ! Le compte rendu du comité de suivi du reclassement des salariés, que j'ai mis longtemps à obtenir, ne nous dit pas ces choses-là. Et des directions départementales du travail se réjouissent ! Moi-même, j'ai inauguré à Amiens une entreprise, Metarom, qui a reçu, pour s'installer, des subventions de Whirlpool qui licencie par ailleurs ! Comment un tel comportement est-il possible ? Tout simplement parce que, faute de décret pris en Conseil d'Etat, les chefs d'entreprise appliquent la loi comme ils veulent, c'est-à-dire a minima ! C'est une disposition importante pour les collectivités locales et pour les bassins d'emploi. J'espère, Monsieur le ministre, que vous allez faire en sorte que le décret soit publié ! Le Gouvernement et le Medef prétendent vouloir la concertation, mais personne ne peut intervenir dans la gestion des entreprises, ni les salariés, ni les syndicats, ni les comités d'entreprise, ni les juges ni même le médiateur ! Nous avons des patrons de droit divin ! Ne nous a-t-on pas déjà expliqué, telle nuit, que l'entreprise, ce n'étaient pas ceux qui travaillaient et créaient de la valeur, mais bien l'employeur ? Le patron, représentant des actionnaires, sait mieux que quiconque ce qui est bon pour l'entreprise. Quant aux salariés, ils ne pensent qu'à tout conserver, même leur travail ! Vous agissez toujours ainsi : pour soigner la maladie, vous tuez presque le malade. Tout le montre pourtant, il faut intervenir et mieux encadrer les licenciements. Devant l'explosion du chômage, l'angoisse gagne nos concitoyens, dont les trois quarts craignent pour leur emploi ou celui d'un des membres de leur famille. Au-delà des conséquences humaines et financières, votre politique favorise la précarité, la pression à la baisse sur les salaires, la dégradation des conditions de travail, la multiplication des maladies professionnelles et des accidents du travail. Elle dynamite les comptes sociaux - sécurité sociale, retraite, ASSEDIC - pour mieux les remettre en cause : volonté de privatiser la sécurité sociale, allongement de la durée des cotisations et remise en cause des régimes spéciaux, diminution des allocations chômage. Pour nous, les licenciements économiques n'ont rien d'inéluctable, mais relèvent le plus souvent, dans les grands groupes, d'une logique froide de baisse des coûts du salaire. Nous avons aujourd'hui un million et demi de salariés pauvres, toutes les études le montrent. Nous ne pouvons nous résoudre à voir se succéder les plans de licenciements. Nous estimons qu'il faut non seulement maintenir toutes les dispositions de la loi de modernisation sociale, mais encore adopter des mesures complémentaires. Certaines reprendraient des propositions que nous avions faites dès 1999, mais que le gouvernement précédent n'avait pas retenues. D'autres, nouvelles et audacieuses, tendraient à garantir les droits des travailleurs, notamment contre les positions dominantes des grands groupes. Nous demandons tout d'abord la suppression des articles qui ont suspendu la loi de modernisation sociale, et évidemment la suppression de la proposition de M. Gournac. Vous prétendez qu'un nouveau texte sera proposé à la suite des négociations entre les patrons et les syndicats, mais encore faudrait-il, pour une question aussi essentielle que celle des licenciements économiques, que des accords largement représentatifs des secteurs d'activité aient été conclus, et que les syndicats signataires soient majoritaires ! Cette règle majoritaire pourrait s'étendre à l'ensemble des accords de branche ou interprofessionnels. Nous avons déposé un amendement à ce sujet. Nous proposons par ailleurs d'autoriser la négociation d'entreprise sur les licenciements, à condition qu'il s'agisse d'améliorer la loi et non de la détruire. Nous souhaitons encore créer de nouveaux droits pour les salariés et leurs représentants afin qu'ils puissent mieux s'opposer aux licenciements abusifs. Il s'agit tout d'abord de délimiter le champ des licenciements économiques, lesquels ne doivent être décidés qu'en dernier recours. Bien souvent, on pourrait éviter le licenciement en réduisant les ponctions opérées par le capital, devenues de véritables prélèvements obligatoires tant sont fortes les exigences des marchés financiers. D'autre part, on ne peut admettre que le recours à l'emploi précaire continue d'être utilisé par des chefs d'entreprise pour échapper aux contraintes des procédures de licenciement économique. Actuellement, l'essentiel des ajustements d'effectifs consiste à se séparer des salariés dont l'ancienneté est inférieure à un an, c'est-à-dire des salariés sous contrat précaire. La protection qui leur est accordée est au reste quasi nulle : pour bénéficier de l'allocation chômage, ils devraient avoir travaillé pendant quatre mois au cours des douze mois précédents ; or les intérimaires ne travaillent en moyenne que trois mois par an ! Sept embauches sur dix se font sur des contrats à durée déterminée et les titulaires de ces contrats constituent l'écrasante majorité de ceux qui s'inscrivent comme demandeurs d'emploi : 1 175 000 en un an ! Il faut absolument réagir. D'où nos propositions. Mais il conviendrait aussi de se souvenir que le code du travail interdit de telles pratiques. Malheureusement, malgré les efforts de l'inspection du travail et des tribunaux, cette législation est inefficace et l'on continue de voir dans des entreprises plus de 25 % de jeunes intérimaires qui, au bout de 15 ou 20 mois, voire 30, n'ont toujours pas obtenu un CDI. Pourtant, ils occupent des postes permanents... J'en ai dénombré 1 350 dans la zone industrielle où je travaillais ! M. Claude Gaillard - N'avez-vous pas créé des CDD de cinq ans avec les emplois-jeunes ? M. Maxime Gremetz - Ce n'était pas dans le secteur marchand, mais dans la fonction publique et, surtout, on garantissait l'emploi pour cinq ans. Les titulaires actuels de CDD seraient heureux d'avoir la même assurance, eux dont on renouvelle le contrat tous les six mois et qui ne peuvent donc pas souscrire d'emprunt ni se loger ! Quand trois jeunes sur quatre sont embauchés sur des CDD, faut-il s'étonner de l'insécurité sociale dans les quartiers ? Il faudrait que vous mesuriez le coût d'une telle situation pour notre jeunesse ! Les grandes entreprises ne se cachent même plus de recourir à cette précarité pour éviter les procédures : Renault met régulièrement les intérimaires à la porte, du jour au lendemain, mais je pourrais en citer bien d'autres - par exemple Valeo, Procter et Gamble, Plastic Omnium, Carbone Lorraine, Dunlop, etc., rien que dans ma circonscription ! Et je ne parle pas de Whirlpool ni de Magneti Marelli... Nous voulons donc qu'à partir d'un certain niveau, les suppressions d'emplois précaires soient considérées comme des licenciements. Il faut lutter contre la délinquance patronale qui met à mal l'emploi et la cohésion sociale ! Nous suggérons, d'autre part, de revenir sur une mesure imposée par M. Balladur : la modification du contrat de travail doit être expressément acceptée par le salarié, et non plus être considérée comme acquise dès lors qu'il n'a pas répondu par écrit dans le délai d'un mois. En effet, il faut beaucoup de courage pour oser envoyer un refus écrit à son patron quand on risque le licenciement ! Par ailleurs, cette procédure tacite n'est admise pour aucun autre contrat lorsque l'enjeu est d'une telle importance. Nous souhaitons également mettre fin à la pratique fréquente qui consiste à supprimer les emplois par paquets de neuf, pour éviter d'avoir à élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi. C'est ainsi que des centaines de milliers de salariés se retrouvent au chômage sans bénéficier d'aucun filet de sécurité ni d'aucune procédure collective : seuls 15 à 20 % des licenciés économiques peuvent compter sur un plan social, selon la DARES ! Les autres soit sont issus d'entreprises de moins de cinquante salariés, soit ont été licenciés par groupes de moins de dix. Les procédures doivent être conçues de manière à permettre une véritable concertation. Les salariés doivent pouvoir se faire entendre et cela passe par l'existence de comités d'entreprise et de délégués du personnel. Nous proposons donc d'interdire ces licenciements dans les entreprises où ces institutions n'ont pas été mises en place. Invoquer l'absence de candidatures est un argument trop commode : lorsque les salariés se sentent libres de s'exprimer, ils se présentent aux élections professionnelles. Il faut donc créer les conditions nécessaires à cette expression. A tout le moins, les salariés ne devraient pas être privés de tout moyen collectif d'agir sur leurs conditions de travail et c'est pourquoi il convient de renforcer le rôle du comité d'entreprise en précisant son droit de contre-proposition et en lui conférant un droit d'opposition. Dans ce dernier cas, la procédure de licenciement serait suspendue jusqu'à ce que le juge se prononce sur la validité du plan de sauvegarde des emplois. Ce délai pourrait être mis à profit pour étudier la possibilité d'une poursuite de l'activité, la création d'activités nouvelles, le reclassement des salariés ou leur formation. Au cas où il n'y aurait ni comité d'entreprise ni délégués du personnel, le plan de sauvegarde des emplois serait transmis aux organisations syndicales locales, qui pourraient alors le contester devant les tribunaux. Nous entendons aussi donner aux salariés des moyens nouveaux d'obtenir leur réintégration, solution qu'ils préféreront toujours à des indemnités. Le salarié pourrait ainsi faire annuler son licenciement pour effort de reclassement manifestement insuffisant. Le droit à la réintégration serait également prévu, comme en Italie, en cas de licenciement abusif - car, le saviez-vous, vous êtes pire que Berlusconi ! Des dommages et intérêts ne peuvent en effet jamais réparer le préjudice causé par un licenciement abusif. Mais beaucoup d'employeurs spéculent sur le découragement des salariés et sur les lenteurs de la justice... Mais c'est surtout aux causes des licenciements qu'il faut s'attaquer, en sécurisant l'emploi et la formation. Nous travaillons donc à un projet aussi ambitieux que l'était celui de la sécurité sociale à la Libération. Il s'agirait en effet d'éradiquer le chômage et la précarité et de permettre la mobilité dans la sécurité. Les idées que nous élaborons se font de plus en plus précises, comme le démontre le dépôt de trois propositions de loi : celle de Daniel Paul contre la précarité, dont vous avez refusé la discussion ; une autre, dont je suis cosignataire, sur la valorisation du travail ; et la dernière contre les délocalisations. Sortir de la crise et du chômage suppose des réformes radicales. Elles heurteront certes les privilégiés, mais on ne peut plaire à tout le monde et il faut parfois avoir le courage de déplaire, pour faire le bonheur de la majorité ! Nos propositions sont financièrement assurées. Ainsi, nous demandons une revalorisation des salaires, certains qu'il y aurait retour sur investissement pour l'économie nationale. En effet, cette redistribution favoriserait la demande, donc la croissance et l'emploi. Depuis vingt ans, la part des salaires dans la richesse produite n'a cessé de baisser, au profit des revenus du capital. 15 points en moins pour les salaires, évidemment 15 points en plus pour les profits. L'essentiel des gains de productivité et des fruits de la croissance a bénéficié à ceux qui possèdent les moyens de production ainsi qu'aux financiers. Nous proposons de porter le SMIC à 1 400 € nets par mois et d'indexer les minima conventionnés sur son évolution. Nous proposons également d'instaurer des minima par grands niveaux de diplômes et d'assurer des déroulements de carrières opposables aux employeurs successifs. Le Gouvernement pourrait mener une politique de l'emploi en prévoyant des majorations de salaires dans certains métiers de l'industrie et du bâtiment afin d'orienter les jeunes vers ces professions. Outre que ce serait une mesure juste, ces salaires favoriseraient le développement de la consommation, donc de l'emploi. C'est en effet la consommation des ménages qui augmente la croissance, non les profits financiers. Nous proposons par ailleurs une réforme profonde du régime de cotisations sociales. Il s'agit d'abord de trouver des ressources nouvelles en faisant cotiser les revenus financiers au même niveau que les salaires : avec une participation de 1% ou même de 0,5% à la solidarité nationale, vous ne pourriez plus dire aux Français qu'ils dépensent trop pour se soigner. Il s'agit également de moduler le taux des cotisations sociales en fonction du rapport entre les salaires et la valeur créée dans les entreprises : plus l'entreprise investit dans l'emploi, la formation professionnelle et les salaires, plus son taux global de cotisations serait abaissé. Enfin, nous proposons un nouveau crédit dont le taux serait d'autant plus bas que l'entreprise investirait dans l'emploi et la formation. Sécuriser l'emploi, c'est également lutter contre la précarité. En effet, le recours aux emplois précaires fait partie d'une stratégie d'ensemble : 3 millions de chômeurs, 3,5 millions de salariés à temps partiel, 2 millions en intérim ou en CDD. Pour les jeunes, les CDI sont devenus l'exception. Nous avons donc déposé une proposition de la loi contre la précarité, que vous avez du reste refusé de discuter. Elle a un triple objectif : plafonner les emplois précaires dans les entreprises afin d'en finir avec l'utilisation abusive des intérimaires et des CDD. Les salariés intérimaires employés au-dessus du plafond verraient ainsi leur contrat requalifié en CDI ; instaurer un dispositif permettant la conversion progressive des emplois précaires en emplois stables ; enfin, doter les comités d'entreprises de pouvoirs de décision quant au recours aux formes d'emplois atypiques. Nous voulons en outre poursuivre la RTT en abaissant la durée légale hebdomadaire à 32 heures ; cette mesure, outre qu'elle créerait des emplois, satisferait une aspiration massive de nos concitoyens à plus de temps libre. Notre cohésion sociale est en danger et la croissance ne peut suffire à résorber le chômage. La sécurité de l'emploi passe également par un développement sans précédent de la formation professionnelle : il faut doubler les moyens qui y sont consacrés en augmentant les contributions minimales des entreprises, en les mutualisant davantage - à hauteur de 50% des sommes versées -, en accordant la priorité aux jeunes sans qualification pour les stages - en particulier à ceux qui choisissent les métiers de l'industrie et du bâtiment -, en accordant un pouvoir de décision aux CE en ce qui concerne le plan de formation de l'entreprise, enfin, en ouvrant le droit à une allocation de 700 € pour les jeunes de 18 à 25 ans afin d'assurer leur indépendance financière pendant leur formation. Nous soumettons ces propositions aux salariés, à notre peuple, à la jeunesse. Nous sommes à l'écoute pour préparer un avenir qui ne doit pas être abandonné à l'Europe des multinationales et de la banque centrale. Notre peuple est capable de construire une Europe sociale dans un monde de coopérations multiples. Toutes ces raisons nous conduisent à rejeter cette proposition de loi qui va à l'encontre de ces aspirations et est contraire à la Constitution, laquelle garantit le droit à l'emploi. Comme vous avez l'emploi au c_ur, vous ne manquerez pas de voter cette motion pour lutter cotre les licenciements et assurer un avenir à notre jeunesse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) M. le Rapporteur - Monsieur Gremetz, en une heure et demie - comme c'est votre droit - vous avez développé un projet de société, mais vous n'avez présenté aucun argument pour justifier l'irrecevabilité. C'est peut-être de bonne guerre. Mais par respect pour le Règlement, vous auriez pu en mentionner au moins un. Vous regrettez l'encombrement du calendrier parlementaire - tout en demandant du reste qu'on y inscrive toutes vos propositions. C'est bien le seul point sur lequel je vous rejoins. Pour le reste, je ne suis d'accord avec vous sur rien. M. Jean-Pierre Brard - C'est plutôt rassurant. M. le Rapporteur - Vous avez fustigé les grands groupes et les licenciements boursiers, en citant notamment Whirlpool. Nous sommes très nombreux, sur tous les bancs, à partager votre indignation. En revanche, les accusations que vous portez contre nous sont inadmissibles, et je les ai ressenties comme des injures. Si l'un de nous proférait à votre endroit le dixième des injures que vous nous avez lancées benoîtement à la figure, je sais trop bien comment vous réagiriez ! Vous n'avez aucun respect pour ce que nous sommes, ni pour notre fonction. Selon vous, nous sommes totalement indifférents aux licenciements économiques et à ceux qui en sont victimes. M. Jean-Pierre Brard - C'est vrai. M. Maxime Gremetz - Bien sûr, puisque vous ne faites rien. M. Jean-Claude Lenoir - Et vous, qu'avez-vous fait ? M. le Rapporteur - Selon vous, nous avons dit aux patrons licencieurs « lâchez-vous ! » et nous souhaitons faciliter la tâche du Medef. M. Jean-Pierre Brard et M. Maxime Gremetz - C'est vrai. M. le Rapporteur - Et enfin, nous verserions sur les licenciés... M. Jean-Pierre Brard - ...Des larmes de crocodile ! M. le Rapporteur - ...des larmes de crocodile. C'est honteux ! M. Jean-Pierre Brard et M. Maxime Gremetz - Mais c'est vrai ! M. le Rapporteur - Vous m'insultez. M. Jean-Pierre Brard - Cachez ce sein que je ne saurais voir... M. le Rapporteur - Selon vous, nous encourageons les patrons voyous. Enfin vous nous traitez de gens prétentieux et suffisants. M. Maxime Gremetz - Et c'est vrai. M. le Rapporteur - Croyez-vous faire ainsi progresser le débat ? Croyez-vous qu'ainsi vous respectez notre fonction ? Pensez-vous donc, que, dans nos circonscriptions, nous n'avons pas le même c_ur que vous face au drame des personnes licenciées ? Vos accusations sont d'autant moins fondées que, face au constat que vous dressez et que nous partageons, vous ne proposez rien. Oui, le marché des capitaux est mondial et ces capitaux circulent librement. M. Maxime Gremetz - Nous y voilà ! M. Jean-Pierre Brard - Vous avouez ! M. le Rapporteur - Nous vous avons subi une heure et demie, respectez-nous quelques minutes. Oui, les détenteurs de capitaux cherchent la meilleure rentabilité. Et alors ? Qu'avez-vous mis dans la loi de modernisation sociale pour l'empêcher ? C'est bien gentil de faire pleurer sur la misère des hommes et des femmes licenciés, mais donnez-nous la moindre de vos recettes, avant de nous faire la leçon ! M. Maxime Gremetz - Mais vous êtes autistes ! M. le Rapporteur - Vous trompez les Français, car votre projet de société ne résout rien ! M. Jean-Pierre Brard - Vous oubliez le coup de pied aux fesses de dimanche dernier ! M. le Rapporteur - Non ! J'essaye, sur un sujet grave, de répondre sérieusement. M. Maxime Gremetz - Là, c'est vous qui nous injuriez ! M. le Rapporteur - Dans ma circonscription, une entreprise de métallurgie employait cent salariés. Son patron est savoyard, ce sont ses propres capitaux. Depuis quinze ans, il se bat pour survivre. Mais son principal concurrent est roumain, et ses ouvriers font le même travail pour un salaire dix fois inférieur. Le résultat, ce sont 60 licenciements, sans Medef, sans baron Seillière, sans patrons voyous ! La « modernisation sociale » ne change rien à leur drame. M. Maxime Gremetz - On ne peut rien, selon vous ? M. le Rapporteur - C'est pour ces 60 femmes et hommes, c'est pour leur patron, c'est pour tous ceux qui leur ressemblent, que nous nous battons. Alors, bien sûr, je ne souhaite pas, vraiment pas du tout, que cette motion soit adoptée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. le Ministre délégué - Je partage, bien entendu, l'avis défavorable du rapporteur, mais je veux revenir sur quelques questions et quelques affirmations. Vous proposez d'augmenter le SMIC, mais dois-je vous rappeler que vous avez soutenu un gouvernement qui a mis en place 7 SMIC différents au titre de l'aménagement et de la réduction du temps de travail ? M. Claude Goasguen - Vous avez affamé la classe ouvrière ! M. le Ministre délégué - Vous n'avez jamais réuni la commission nationale de lutte contre le travail illégal. Nous venons de le faire, et cette lutte, c'est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui l'a entreprise. Le 18 juin, l'OIT a adopté une résolution sur la nécessaire dimension sociale de la mondialisation. Qui l'a soutenue ? Le Président de la République Jacques Chirac. Ensuite, vos notes datent un peu pour ce qui est du plan de cohésion sociale. Nous y avons travaillé encore ce week-end avec M. le Premier ministre, et je vous renvoie aux projets que nous présenterons dans quelques jours au conseil des ministres. Quant au rapport Virville-Marimbert, demandé par M. Fillon, il va alimenter, avec d'autres travaux, le dialogue social que nous souhaitons engager pendant six mois avec les partenaires sociaux. Sur la directive relative aux services, je vous lis ce que j'ai dit exactement le 1er juin à Luxembourg : « A partir du moment où serait supprimée la déclaration préalable du détachement au pays d'accueil, comment pourra-t-on organiser en pratique un réel contrôle des conditions de travail appliquées au travailleur détaché ? Comment éviter les risques de dumping social ? » et j'ai demandé que le projet de directive soit remis à l'étude. Et qui le soutenait ? M. Blair par exemple, qui n'avait pas les états d'âme du gouvernement français sur ce sujet. Vous évoquez les accords de méthode. Sur 1 300 plans sociaux déposés l'an dernier auprès du ministère, il y a eu 155 accords de méthode, dont 61% signés par la CGT, 71 % par la CFDT et 51 % par FO. Les syndicats préfèrent un bon accord de méthode plutôt que d'attendre un jugement des années après, quand il n'y a plus d'entreprise. Quant à ST Microelectronic, le gouvernement Raffarin suit avec attention de dossier, car il s'agit des nanotechnologies qui seront les clés de l'avenir. Sur un programme de développement de 3 milliards, le Gouvernement a apporté un soutien pour 500 millions. Depuis 2002, 1 200 emplois ont été créés et 150 le seront encore, notamment dans l'Isère, plus 4 300 emplois induits. Certes, il y a des difficultés à Rennes. Je suis allé la semaine dernière en Bretagne préparer la reprise dans les télécommunications, avec les acteurs locaux. Ne pas se préparer à maîtriser les nanotechnologies serait compromettre l'avenir du pays. Laisser croire au déménagement de ST Microelectronic à Singapour est une contre-vérité. 1 500 emplois devraient être créés à Crolles en Isère, par la volonté du Gouvernement. Pour le reste, nous reviendrons sur les questions de fond dans nos discussions de fin d'année (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Claude Gaillard - Je m'associe aux propos du rapporteur et du ministre. J'ai écouté M. Gremetz avec patience ; il n'a fourni aucun argument, mais prononcé beaucoup d'inexactitudes, qu'il serait difficile de reprendre une à une. M. Jean-Pierre Brard - Faites-le donc ! M. Claude Gaillard - La loi de modernisation sociale, élaborée sans consultation des partenaires sociaux et en fait imposée, est restée sans effet. Il est inexact, Monsieur Gremetz, que sa suspension ait provoqué une explosion de licenciements économiques. En effet, à partir de mai 2001, la loi n'étant pas encore entrée en vigueur, les licenciements ont fortement augmenté. En revanche, durant les quatre premiers mois de cette année, les plans sociaux ont diminué de 18 %. Suspendre la loi va donc dans le bon sens. Plus généralement, réformer demande davantage de courage que de faire des cadeaux ou des promesses démagogiques. C'est ainsi que nous avons sauvé les retraites par répartition et que nous voulons sauver l'assurance maladie pour éviter une protection sociale à deux vitesses qui deviendrait inévitable si nous ne faisions rien. Dans ce domaine, nous nous sommes donné une obligation de résultat, et nous souhaitons réhabiliter le dialogue social en travaillant avec les partenaires pour trouver les meilleures solutions possibles. La proposition que nous examinons procède de la même philosophie. C'est pourquoi le groupe UMP votera contre l'adoption de l'exception d'irrecevabilité, qui serait à nos yeux une faute politique majeure (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Frédéric Dutoit - Je m'étonne que le rapporteur ait exprimé son point de vue avec une telle théâtralité. Il lui suffisait de dire que nous n'avons pas du tout la même conception des choses, comme nous l'avait répondu M. Fillon dans la discussion du projet sur les retraites. Vous avez déclaré, Monsieur le rapporteur, que M. Gremetz n'avait présenté aucun argument de nature à soutenir l'irrecevabilité. Or notre Constitution reconnaît à chacun le droit au travail. Le texte proposé ne respecte donc pas la Constitution. Voilà quelques semaines, M. Borloo a annoncé pour la rentrée de nouvelles discussions relatives au dialogue social. Pourquoi dès lors anticiper ? La loi de modernisation sociale n'ayant même pas reçu ses décrets d'application, pourquoi l'avoir suspendue avant qu'elle ait produit ses effets ? Six mois de plus ne résoudront rien. Les 156 accords d'entreprises déjà conclus ne représentent à peu près rien... M. le Rapporteur - Cela représente 15 % des entreprises ! M. Frédéric Dutoit - De plus, ces accords, dont vous vous gargarisez, ont toujours été signés avec des organisations qui ne représentent qu'une minorité de salariés, et même d'entrepreneurs ; à preuve l'accord sur les intermittents du spectacle. Pour les recalculés qui viennent d'être réintégrés, il est nécessaire d'élaborer une nouvelle convention UNEDIC destinée à obtenir pour chaque chômeur les mêmes conditions de vie et une formation qualifiante permettant de retrouver un emploi. Enfin, Monsieur le ministre, vous répétez qu'il faut s'adapter à la réalité, c'est-à-dire à la libre circulation des capitaux et à la concurrence à tout va. Mais qu'est-ce qui empêche, du moins à l'intérieur de l'Union européenne, d'harmoniser par le haut les réglementations sociales, plutôt que de toujours les réviser à la baisse ? Le groupe communiste et républicain votera donc l'exception d'irrecevabilité. M. Francis Vercamer - Je réagis en tant que député de Roubaix, ville sinistrée d'un département sinistré dans une région sinistrée. Plus encore que par les délocalisations, nous sommes touchés par les redressements judiciaires et les liquidations. Monsieur Gremetz, je suis sensible à votre combat contre la précarité car c'est en rendant confiance aux Français que l'on renouera avec la croissance, donc avec l'emploi. Mais là où vous êtes dogmatique, je préfère être pragmatique. M. Jean-Pierre Brard - C'est-à-dire que vous faites des courbettes à Seillière ! M. Francis Vercamer - Allonger les procédures de licenciements revient à accroître la précarité. Mieux vaut chercher et trouver au plus vite un emploi dans une entreprise en bonne santé. Votre amendement relatif à la nécessité d'une étude d'impact me paraît bienvenu. Mais la loi de modernisation sociale n'allait pas assez loin dans le traitement des licenciements économiques, et j'attends sur ce sujet les propositions que présentera le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi de cohésion sociale (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). J'observe enfin que les délocalisations prennent la direction de pays longtemps sous régime communiste, peut-être parce que le niveau de vie y est resté médiocre. M. Jean-Pierre Brard - J'ai l'impression que vous regrettez cette époque ! Vous êtes en fait un néo-bolchevique ! M. Francis Vercamer - Je ne voterai pas l'exception d'irrecevabilité. L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.
QUESTION PRÉALABLE M. Gaëtan Gorce - Monsieur le ministre, vous vous présentez devant nous en robe de bure, avec à la main un texte squelettique. On annonçait une grande loi sur l'emploi, nous voici réduits à discuter deux malheureux articles, sorte de condensé de vos erreurs et de vos échecs. L'article premier vise à prolonger de six mois la suspension de plusieurs articles essentiels de la loi de modernisation sociale. A la vérité, cela sonne comme un aveu de l'incapacité persistante du Gouvernement à conduire une politique claire en matière de restructurations industrielles et de prévention des délocalisations. Il y a dix-huit mois, je dénonçai à cette tribune la politique de faux procès, de faux semblants et de faux fuyants que tentait de défendre M. Fillon. Je suis au regret de constater que votre propre action, Monsieur le ministre, peut être dénoncée dans les mêmes termes. Faux procès, d'abord, contre la loi de modernisation sociale, votée au premier trimestre 2002, et par conséquent trop peu appliquée pour être tenue responsable de la reprise du chômage, du fait des « rigidités » qu'elle était censée introduire. Dix-huit mois après sa suspension partielle, c'est à un gonflement du chômage sans précédent que le pays est confronté : les licenciements économiques se multiplient et l'emploi industriel régresse pour la première fois depuis 1993. Que valaient les arguments de M. Fillon il y a dix-huit mois ? Peu de chose. Que valent-ils aujourd'hui à l'épreuve des faits ? Plus rien ! Faux semblants, ensuite, car parler de « suspension » relève - je l'avais dénoncé en son temps, à la grande fureur de votre prédécesseur - d'une véritable filouterie juridique. De suspension en suspension - la présente nous étant réclamée en urgence ! -, vous ne parvenez plus à dissimuler votre intention d'abroger purement et simplement la loi de modernisation sociale. La méthode de la « suspension » est un leurre. Là encore, que valaient les arguments de M. Fillon il y a dix-huit mois ? Peu de chose ! Que valent-ils aujourd'hui à l'épreuve des faits ? Plus rien ! Faux fuyants, enfin, car vous ne fixez ni le cap, ni le cadre de la politique que vous entendez mener, préférant vous défausser sur les seuls partenaires sociaux. Vous sollicitez un nouveau délai sans rien dévoiler de vos intentions, ni même dresser un bilan exploitable de la négociation en cours ! Songez que c'est par la presse que nous sommes tenus informés de son état d'avancement puisque vous n'avez jugé bon de venir vous en expliquer ni devant notre assemblée, ni même devant notre commission des affaires sociales ! Vous nous demandez de vous signer un chèque en blanc sans daigner nous rendre compte des effets de votre politique. Quant au bilan des accords conclus, le fait qu'il tienne en deux minces feuillets n'est guère encourageant ! La vérité, c'est que ce gouvernement fait bien peu de cas d'un dossier pourtant majeur et qu'il n'a même pas le cran de dévoiler ses intentions... M. Jean-Pierre Brard - Les connaît-il lui-même ? M. Gaëtan Gorce - Au reste, les partenaires sociaux - et le Medef au premier chef - n'étaient pas demandeurs d'une telle négociation. Parce que nous l'avions relevé, M. Fillon nous avait reproché de ne pas faire confiance au dialogue social ! Que valait son argument d'alors ? Peu de chose ! Que vaut-il aujourd'hui à l'épreuve des faits ? Plus rien ! De notre côté, nous serions évidemment favorables à la conclusion d'un accord, engageant de préférence la majorité des salariés, et aboutissant à des solutions justes et raisonnables. Mais encore faudrait-il en créer les conditions ! La négociation aurait été grandement facilitée si le Gouvernement en avait fixé le cadre et l'avait fondée sur les dispositions de la loi de modernisation sociale. Le bilan de M. Fillon est calamiteux ! Il nous a fait un petit tour et puis s'en va, et, dix-huit mois après, nous récusons ce nouveau texte. C'est bien la politique menée depuis deux ans qui a ouvert les vannes du licenciement économique, au moment même où le chômage reprenait, et installé une instabilité juridique hautement préjudiciable aux salariés. L'article 2, guère plus encourageant, tend à remettre de l'ordre dans les relations entre l'Etat et l'UNEDIC, suite notamment - et la voix des urnes s'étant exprimée ! - au scandale des chômeurs « recalculés ». Votre première faute aura été de réduire les crédits de l'emploi - de l'ordre de 6 % par an - au moment où le chômage augmentait dans les mêmes proportions. Deuxième faute, débouchant sur un véritable gâchis social, prétendre donner la priorité aux emplois marchands et stigmatiser les contrats aidés, au risque de fragiliser encore la situation des personnes les plus éloignées de l'emploi. Troisième contresens - sans doute le plus grave -, avoir voulu réduire le montant de l'indemnisation au moment où le risque chômage était redevenu très fort. Au reste, nous avons inlassablement dénoncé l'accord UNEDIC et la réforme de l'ASS sur laquelle vous êtes aujourd'hui étrangement muet. S'agissant de l'ASS, combien de situations de chômeurs indemnisés avez-vous mises en cause pour 180 millions d'économies escomptées ? M. Jean-Pierre Brard - C'est la vraie question ! M. Gaëtan Gorce - Quant à la réforme de l'UNEDIC et aux conditions de son nouvel agrément, ce sont les décisions de justice et la sanction des urnes qui ont prévalu ! Vous tentez aujourd'hui de réparer les dégâts, mais sans dire comment l'UNEDIC va financer la réintégration dans leurs droits des anciens « recalculés » ! Et ce n'est pas l'annulation d'1,2 milliard de dette qui va y pourvoir. L'UNEDIC ne se renflouera pas avec de la monnaie de singe ! Au total, ce texte, squelettique au regard de l'enjeu, ne peut combler les attentes qui s'expriment dans le pays, d'autant que le « plan de cohésion sociale », si souvent annoncé, fait aujourd'hui figure d'Arlésienne et qu'aucune précision n'a été donnée à la représentation nationale, s'agissant de don contenu, de ses objectifs ou de son financement. Alors que l'ensemble de notre société paie les conséquences de votre bilan calamiteux - 230 000 chômeurs supplémentaires depuis juin 2002, 30 000 emplois détruits en 2003 et plus de 200 000 licenciements économiques en deux ans - nos questions restent sans réponse. Etes-vous capable aujourd'hui de faire face ? Permettez-nous d'en douter ! Pis, vous persistez dans l'intention de conduire une politique économique sans âme, une politique sociale sans moyens et une politique de l'emploi dépourvue de toute cohérence. Je ne voudrais pas passer sous silence vos tentatives - au demeurant tardives et maladroites - de rapiéçage. Ainsi, il semble que envisagiez de rétablir les droits à la retraite des allocataires du RMA ou de réintroduire les droits à la formation des titulaires d'un contrat jeune en entreprise, comme nous n'avons cessé de vous le demander tout au long de l'été 2002. Il semble aussi qu'après avoir supprimé les emplois jeunes et donné une priorité injustifiée aux contrats jeunes en entreprise, vous soyez enfin disposé à relancer l'apprentissage. Autant, vous en conviendrez, de malheureux têtes à queue et de retard accumulé ! Au cours des deux ans écoulés, nous n'avons pas cessé de protester contre votre action, dont chacun mesure aujourd'hui les conséquences calamiteuses, hélas conformes à nos prévisions les moins optimistes ! Outre la reprise massive du chômage, les salariés de ce pays ne vous font plus confiance. Ils ne croient pas en votre capacité de les protéger contre les licenciements. Au reste, le seul licenciement que vous semblez déterminé à prévenir, c'est celui de l'équipe gouvernementale actuelle ! Au regard de ses résultats en matière économique et sociale, c'est pourtant la procédure de mise à pied la plus abrupte qui devrait lui être appliquée, celle que l'on réserve à ceux qui ont failli ! Je demande à mes collègues de voter la question préalable, considérant qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur un texte qui ne règle rien, qui confirme les erreurs commises par ce gouvernement depuis deux ans et qui n'apporte pas de solution au problème de financement de notre régime d'indemnisation du chômage. On ne nous propose que des pis-aller, ce que nous ne saurions approuver (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. le Rapporteur - Je remercie Gaëtan Gorce de la tonalité de son intervention, qui contrastait avec la précédente. Il a montré qu'on pouvait s'affronter sur des idées sans pour autant insulter ses interlocuteurs. En ce qui concerne la réforme de l'ASS, les textes réglementaires n'ont pas été pris ; il n'y a donc pas lieu de suspendre une réforme qui n'a pas été appliquée. Que veut dire « accord majoritaire » pour la loi Fillon ? La règle de majorité issue de cette loi pour les accords interprofessionnels est l'absence d'opposition d'une majorité de syndicats représentatifs, soit trois sur cinq. Mais les syndicats représentatifs, même dans leur totalité, ne représentent pas forcément la majorité des salariés... Sur l'article premier comme sur l'article 2, vous reprochez au gouvernement de ne pas fixer de cap et de s'en remettre aux partenaires sociaux. En vérité, à la lumière de l'actualité récente, notre position est celle-ci : le dialogue social ne doit pas être érigé en dogme ; on doit lui donner tous les moyens de vivre, mais en toute hypothèse, la décision doit rester du ressort du pouvoir politique. Le rôle de celui-ci n'est pas d'entériner purement et simplement, sans aucun droit de regard, le fruit de la négociation collective. Autre vrai sujet, souvent évoqué par Jean-Louis Borloo : où va-t-on trouver le million et demi de travailleurs dont la France va avoir besoin dans les dix années qui viennent pour occuper le million et demi d'emplois vacants ? Ira-t-on les chercher dans le reste de l'Europe, ou va-t-on tout faire pour remettre dans une dynamique de travail ceux qui sont aujourd'hui éloignés de l'emploi ? La priorité sera-t-elle de mettre fin à l'inadéquation entre l'offre et la demande de travail sur notre territoire ? Sur l'ensemble de ces questions, nous allons avoir un débat. Nous ne saurions donc, bien sûr, adopter cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. le Ministre délégué - Comme l'a dit le rapporteur, nous souhaitons faire vivre la démocratie sociale, mais sur les enjeux fondamentaux, il revient à la démocratie politique d'arbitrer : d'accepter ou de refuser, de compléter, ou encore de constater les désaccords. Donner sa chance à la démocratie sociale, ce n'est pas nier ou amoindrir la démocratie politique. M. Jean Le Garrec - Nous n'avons jamais dit cela. M. le Ministre délégué - La croissance, Monsieur Gorce, était en panne mais elle redémarre. Les chiffres des quatre premiers mois de cette année ne peuvent que nous réconforter, même si l'horizon demeure incertain. Autour de quoi les 155 accords se sont-ils faits ? De l'adaptation et de la sécurisation des procédures au regard des spécificités de l'entreprise et du « tempo » de la restructuration ; du renforcement du dialogue social et de la concertation au sens le plus large ; de la recherche des conditions d'un reclassement plus rapide. Il reste des questions en suspens, comme le fonds de mutualisation ; le problème essentiel, en effet, ne concerne pas les grandes entreprises, accusées tout à l'heure par M. Gremetz, mais les PME, dépourvues de moyens. Sur ce sujet, il nous faut encore travailler, et nous prendrons ensuite nos responsabilités. Vous avez évoqué le parcours d'insertion. Nous préférons, avec le Premier ministre, le parcours vers l'emploi. L'ambition du plan de cohésion sociale est de voir comment, lors du retournement démographique de 2006-2007, auront pu être remis sur le chemin de l'emploi ceux qui en ont été écartés. Quant à la procédure d'agrément, elle a été cassée par le Conseil d'Etat parce que depuis 1990, la liste des personnalités agréées n'avait jamais été revue. Le contrat, qui n'en a pas voulu en juillet 2000 si ce n'est M. Jospin et Mme Aubry, quand il y a eu un accord entre les partenaires sociaux sur le contrat pour le retour à l'emploi ? S'agissant de l'accord UNEDIC, nous entamerons au début de l'année prochaine avec les partenaires sociaux la réflexion sur la nouvelle convention d'assurance chômage. Il convient de prendre le temps de bien réfléchir, et bien sûr d'échanger avec la représentation nationale, sur ce sujet essentiel. Le Gouvernement partage donc la conclusion du rapporteur sur la question préalable. La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée. M. Jean Le Garrec - Après l'excellente intervention de mon ami Gaëtan Gorce, je me contenterai de quelques remarques. Je n'évoquerai pas la loi sur l'emploi, sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir. Mais je voudrais vous dire, Monsieur le ministre, que, bien souvent, le Gouvernement aurait eu intérêt à écouter l'opposition : cela lui aurait évité de commettre des erreurs. Tout d'abord, l'article 2 - recouvrement de l'allocation de solidarité pour les recalculés. J'ai déjà mené ce débat sur la place du contrat et de la loi : je suis pour la contractualisation, mais au bout du processus, le politique doit assumer sa responsabilité. J'avais prévenu M. Fillon qu'il avait devant lui un accord minoritaire auquel il donnait son agrément sans en vérifier les conséquences, ce qui mettra en difficulté, avais-je ajouté, au moins 600 000 personnes - en réalité 823 000 ! Le Gouvernement était averti, mais il n'en a pas tenu compte. Depuis il a reculé sous une double pression juridique et sociale. S'il nous avait suivis, nous aurions pu échapper à cette crise et à la douloureuse procédure de gestion administrative de recouvrement. Et je ne parle pas du problème du RMI qui se posera aux conseils généraux. Deuxième exemple : la journée de solidarité. Si vous avez pu dénoncer à juste titre la complexité de la loi de modernisation sociale, que dire du bazar invraisemblable dans lequel vous jetez les entreprises qui devront se lancer dans des négociations absurdes et injustes ? Avec une certaine perversité, vous mêlez solidarité et générosité collective, avec un retour économique plus qu'aléatoire. Alors que tous se plaignent du coût du travail en France, vous décidez d'un prélèvement supplémentaire de 0,3 sur les entreprises, de 0,3 sur les collectivités territoriales, et, pour l'Etat, de 0,3 sur sa masse salariale - mais je crains que l'Etat ne soit une nouvelle fois mauvais payeur. Vous inscrivez donc dans le code du travail le principe aberrant d'une journée de travail non rémunérée en ouvrant la voie à toutes les dérives : l'entreprise Bausch de Vénissieux vient de vous suivre sur cette voie, en demandant à ses salariés de travailler 36 heures, pour n'être payés que 35 ! Enfin, troisième exemple, la prolongation du gel des dispositions relatives au licenciement économique dans la loi de modernisation sociale. Nous passons de 18 mois à 24 ! Nous voilà bien loin des neuf mois concernant les décisions d'Amsterdam. Tant mieux si la situation économique s'améliore! Maire-député du Nord-Pas-de-Calais, élu du Dunkerquois, qui cumule site Seveso et centrale nucléaire, il n'est pas une semaine où je ne suis informé d'une difficulté. M. Seillière, qui a au moins le mérite de la franchise, réclame l'abrogation de la loi, et non pas seulement sa suspension. Le signal est lancé! La négociation ? Tant mieux, là encore, si elle avance. Le Medef a distingué cinq sujets de négociation et deux de discussion. Evidemment, la question des licenciements économiques fait partie de la discussion ! S'agissant du rapport sur la méthode, nous l'avons bien reçu, mais il ne fait qu'une page. Monsieur le ministre, notre loi n'avait pas vocation à régler tous les problèmes, mais le fragile équilibre entre la concurrence internationale, le développement des entreprises et la protection des salariés s'est rompu. Voyez l'entreprise Ronal, qui délocalise de Moselle en Pologne. Il ne s'agit plus de réaliser des bénéfices mais des plus values à deux chiffres ! Notre objectif était de prévenir les décisions : quand LU achetait des usines dans les pays de l'Est, la surproduction était prévisible, bien avant la décision de fermeture qui est finalement intervenue. Monsieur Dord, je ne parle pas des responsables des petites et moyennes entreprises. Vous n'avez d'ailleurs pas réglé le problème des relations entre les donneurs d'ordres et les sous-traitants, de plus en plus étranglés, y compris sur le terrain des accidents de travail qu'ils n'ont pas le droit de déclarer ! Nous, nous avons voulu combattre cette situation, comme nous avons tenté de renforcer les droits à négociation. La région Nord-Pas-de-Calais soutient cette démarche, pour que les salariés cessent de vivre dans une perpétuelle incertitude. M. Frédéric Dutoit - Tout à fait ! M. Jean Le Garrec - Enfin, dans toute la mesure du possible, nous avons tenté d'élaborer, avec l'appui des collectivités, des programmes destinés à sauvegarder les emplois et à garantir le droit au reclassement. Avons-nous réussi ? Nous avons en tout cas ouvert des pistes en concertation avec les syndicats. Dès lors, même si vous pouvez faire valoir les accords de méthode en cours de négociation, ceux-ci ne constituaient pas une raison suffisante de geler la loi de modernisation sociale. Mieux eût valu la conserver, quitte à l'améliorer à la lumière des accords conclus - nous y étions prêts. Vous seriez bien avisés d'entendre ces trois observations car elles tiennent aussi compte de nos erreurs, que nous mesurons parfaitement. Nous attendons impatiemment le texte que nous soumettra le ministre mais nous regretterions qu'il nous donne raison en restaurant le programme TRACE ou les emplois-jeunes ! On aurait perdu deux ans, ce qui est beaucoup dans la situation actuelle. Le Gouvernement mène en matière sociale une politique à haut risque. Il aurait tout intérêt à écouter le message qui lui a été adressé à l'occasion des élections régionales et européennes : ce pays est déstabilisé, inquiet et, à bien des égards, il est fondé à redouter l'avenir. De notre côté, nous voulons certes vous battre aux prochaines élections, mais nous ne souhaitons pas pour autant faire campagne sur l'aggravation de la situation sociale ! Celle-ci serait trop préjudiciable à la France et à sa place en Europe. Et, accessoirement, nous regrettons qu'au sein de l'Union, les décisions en matière sociale doivent continuer d'être prises à l'unanimité : le champ des possibles en sera par trop restreint. Trois observations donc, auxquelles vous auriez eu intérêt à prêter attention, et un rendez-vous que nous préparerons de façon maîtrisée mais ferme : celui de la loi sur l'emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Francis Vercamer - Ce texte permet au Gouvernement de régler deux difficultés ponctuelles, l'une relative au dialogue social et l'autre à l'indemnisation des demandeurs d'emploi. Ce sont deux sujets sur lesquels l'UDF avait joué, au sein de la majorité - à laquelle elle appartient, je tiens à le rappeler -, un rôle de veille et d'alerte. Nous vous avions mis en garde contre les risques que vous preniez, mais vous ne nous avez pas écoutés et, aujourd'hui, il vous faut réparer par une nouvelle loi ces erreurs ! Je ne puis que souhaiter pour l'avenir une écoute mutuelle plus attentive. En ce qui concerne la négociation collective sur les licenciements économiques, je ne puis que redire ce que j'avais dit à l'époque, à savoir que la simple suspension de ces articles de la loi de modernisation sociale risquait d'être un frein à la négociation des partenaires sociaux. Leur abrogation n'eût pas été une décision commandée par l'idéologie : c'était une nécessité de méthode. Depuis dix-huit mois que vous avez écarté ce choix, les uns négocient pour essayer d'obtenir des avantages supplémentaires par rapport au texte ainsi suspendu, tandis que les autres, hostiles à cette loi, essaient d'en restreindre la portée. Le dialogue social, de ce fait, s'enlise. Seule l'abrogation permettrait de retrouver une situation juridique claire. Cela étant, même si les onze réunions paritaires en cours n'ont pas abouti, le dialogue social se poursuit et il faut lui donner les six mois supplémentaires qui lui permettront d'arriver à son terme. Le groupe UDF ne refusera donc pas cette prorogation. Il fait confiance aux partenaires sociaux pour définir ensemble des règles qui offrent aux entreprises toute la souplesse nécessaire pour s'adapter aux fluctuations de leur marché tout en garantissant la protection des salariés. Nous nous bornerons à proposer un amendement qui supprime clairement, au terme de ces six mois, les articles suspendus : deux ans de négociation, c'est déjà beaucoup quand il s'agit de faire face à une urgence économique et sociale et nous avons plus que jamais besoin de règles claires et innovantes quand, sur les 300 000 salariés victimes en 2003 de la défaillance de leur entreprise, 140 000 ont été licenciés dans le cadre d'une procédure collective ! Fidèle à son idéologie qui fait de l'entreprise une ennemie, l'opposition socialiste et communiste ne manquera sans doute pas de clamer qu'il faut alourdir la réglementation, pour restreindre la liberté de licencier. Mais la gauche plurielle espérait-elle vraiment améliorer le sort des entreprises en difficulté et de leurs salariés en allongeant de trois moins une procédure déjà longue et complexe ? Il faut en finir une fois pour toutes, Messieurs, avec cette légende de l'efficacité d'une loi de modernisation dont vous n'avez d'ailleurs même pas pris la peine de publier les décrets d'application ! C'est une plaie de ce pays de toujours privilégier l'approche dogmatique là où seul le pragmatisme devrait avoir cours. L'amélioration du droit du licenciement par le biais du dialogue social pose certes de nombreuses questions. La matière oblige à distinguer entre licenciements « boursiers » et licenciements dus aux difficultés de l'entreprise ou entraînés par des projets de restructuration fondés ; elle force à s'interroger sur les moyens d'anticiper les difficultés, sur la nature de l'obligation de reclassement, sur la responsabilité de l'entreprise à l'égard de son territoire... Sur ce dernier point, et je m'en félicite, le président de la commission des affaires sociales du Sénat était ouvert aux propositions, s'agissant des études d'impact. Ce point étant vital pour une agglomération comme celle de Roubaix, qui a perdu en 2003 plus de 2 600 emplois pour des motifs économiques, j'attends du gouvernement qu'il prenne un engagement. S'agissant de la réintégration des « recalculés » dans le régime de l'assurance chômage, j'avais, lors du vote de son budget, indiqué au ministre des affaires sociales de l'époque que l'accord de l'UNEDIC faisait souffler un véritable vent de panique parmi les bénéficiaires du PARE : du jour au lendemain 350 000 personnes ont vu leur vie devenir encore plus précaire. Il eût été à l'honneur du gouvernement, prévenu par sa majorité, de tenir son rôle de garant de la justice sociale, mais c'est de la justice qu'une décision est venue. Je tiens à saluer le sens de l'équité de M. Borloo, qui a réintégré avec effet rétroactif les demandeurs d'emploi exclus par l'UNEDIC. Je rappellerai cependant que la décision de celle-ci résultait d'un accord conclu entre les partenaires sociaux. M. Frédéric Dutoit - Minoritaires ! M. Francis Vercamer - Je note également que le rapport Marimbert a regretté l'absence d'une vision à long terme et préconisé qu'une partie des excédents « constitués en période haute du cycle de l'emploi soit mise en réserve, au lieu d'être utilisée pour baisser les cotisations ou pour améliorer l'indemnisation », ce qui a entraîne une dégradation de ce même niveau d'indemnisation en période basse. Il ne fait aucun doute que cette observation devrait être prise en compte pour éviter de se heurter à nouveau au même écueil. Le groupe UDF approuve évidemment, comme conforme à un principe de bonne gestion, la disposition, adoptée par le Sénat à l'article 2, qui prévoit le versement des allocations de chômage qui auraient dû être perçues entre le 1er janvier et le 1er juin, déduction faite du montant des prestations de solidarité versées. L'opération s'effectuera donc sans que les intéressés aient à procéder à un remboursement. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera cette proposition de loi. M. Frédéric Dutoit - L'intitulé de cette proposition de loi sonne comme un constat d'échec de la politique gouvernementale en matière d'emploi et d'indemnisation des chômeurs. C'est délibérément qu'après avoir agréé la convention UNEDIC programmant la réduction draconienne des droits à indemnisation, le Gouvernement a entrepris la réforme des minima sociaux en transformant le RMI en RMA et en limitant le droit à l'ASS. Ainsi la durée d'indemnisation de nombreux assurés sociaux a-t-elle été diminuée : à compter du 1er janvier 2004, 358 000 personnes ont été privées d'allocation. La sanction fut sans appel, et tout d'abord de la part des tribunaux qui ont contraint le Gouvernement et l'UNEDIC à réintégrer les personnes exclues, avec effet rétroactif. Le deuxième article de la proposition entend tirer les conséquences de cette sanction. Il organise certes la réintégration financière dans le régime d'assurance chômage des demandeurs d'emplois, mais comme 70 000 personnes privées d'allocation chômage ont de ce fait perçu depuis le début de l'année une allocation de solidarité, le Gouvernement entend récupérer les sommes versées. Il s'agit en fait d'autoriser les ASSEDIC à effectuer une compensation entre les allocations chômage à verser et les allocations de solidarité trop perçues. Le Gouvernement a dû décider la réintégration des « recalculés », mais il n'a pas pris toutes ses responsabilités en imposant aux employeurs une augmentation de 0,2 % de leur taux de cotisation à l'assurance chômage. La volonté du Gouvernement est d'autant plus incompréhensible que les derniers messages électoraux de nos concitoyens étaient particulièrement clairs. Le Gouvernement reste attaché aux dogmes libéraux. Cette proposition n'apporte qu'une réponse précipitée, superficielle et technique à la question des droits des « recalculés ». Elle ne garantit en rien le rétablissement des chômeurs dans leurs droits. La question du préjudice causé, elle, n'a même pas été débattue et celle de la réforme de l'assurance chômage reste entière. Une fois de plus, le Gouvernement se fait le porte parole du Medef. Nous, nous veillerons à l'intérêt des salariés, comme en témoignent nos amendements. Nous proposons par exemple que les licenciements économiques ne soient possibles qu'en cas de difficultés avérées qui n'ont pu être surmontées par d'autres moyens. Le licenciement doit être considéré comme un moyen ultime de résolution des difficultés économiques. Il convient d'ailleurs de préciser la définition du licenciement économique, l'actuelle définition du code du travail ne répondant pas aux difficultés nouvelles et au besoin de protection les salariés. Nous proposons donc de limiter cette définition aux licenciements rendus inévitables par un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant soit d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification du contrat de travail due à des difficultés économiques qui n'ont pu être surmontées par tout autre moyen que la réduction des coûts salariaux, soit à des mutations technologiques indispensables à la pérennité de l'entreprise. Nous proposons également un nouvel article au code du travail prévoyant que le salarié licencié pour motif économique, et qui estime que son employeur ne s'est pas acquitté loyalement de son obligation de reclassement, peut porter l'affaire devant les prud'hommes, qui devront statuer dans le délai d'un mois suivant la saisine. Le juge peut alors prononcer la nullité du licenciement et ordonner, au choix du salarié, la poursuite de son contrat de travail ou l'attribution d'une indemnité. La proposition de loi ne prévoit pas de nouveaux droits à l'information pour les salariés, non plus qu'il ne leur permet d'intervenir sur les projets de restructuration. Telle est la logique du Gouvernement : toute largesse au patronat, et refus d'_uvrer à la sécurisation de l'emploi pour les salariés. En définitive, vous restez sensible au workfare libéral qui consiste à diminuer le coût du travail pour accroître les marges bénéficiaires et obliger les chômeurs à accepter des emplois mal payés : tous vos engagements vont dans le même sens. Notre vote dépendra du sort réservé à nos amendements, vous n'en serez pas surpris. Mme Chantal Bourragué - L'emploi est au c_ur de nos préoccupations. Il y va de la vie quotidienne de nombreuses familles, de jeunes, de proches. Cette proposition répond à nos préoccupations majeures : comment maintenir l'emploi en renforçant la liberté d'entreprendre ? Comment répondre aux impératifs de responsabilité, de proximité, d'attractivité ? L'UMP affirme à cette occasion, une fois de plus, que l'attractivité ne s'oppose pas à la protection des salariés. Les députés communistes, qui ont imposé la loi dite de modernisation sociale, stigmatisent le libéralisme sans se soucier des réalités. Ils préfèrent une bureaucratie nuisible et attentatoire aux libertés individuelles. La majorité et le Gouvernement veulent construire un libéralisme humaniste reposant sur la négociation, garant de l'équilibre entre justice sociale et efficacité économique. Pour renforcer la position de la France dans la compétition internationale, pour créer des emplois et éviter les délocalisations, il faut rendre le droit du travail plus lisible, consulter davantage les partenaires sociaux, diminuer les lourdeurs administratives. La loi dite de modernisation sociale traduisait une conception conflictuelle et stérile des relations entre salariés et entrepreneurs. La majorité et le Gouvernement ont voulu stopper cette logique en donnant toutes ses chances à la négociation collective : les partenaires sociaux doivent avoir le temps de mener une négociation, afin de fixer de nouvelles règles en matière de licenciement économique. Une douzaine de réunions ont déjà eu lieu, les points de vue se sont rapprochés, 130 accords ont été conclus dans des entreprises de toutes tailles. Cette proposition vise à moderniser les rapports sociaux au sein des entreprises, à offrir de nouveaux droits aux salariés, à prolonger la dynamique des négociations, à améliorer le reclassement des salariés, à éviter enfin que soient rétablies plusieurs dispositions de la loi de « modernisation sociale » qui provoqueraient une grande insécurité juridique. Ainsi nous réaffirmons notre volonté de privilégier la négociation plutôt que la bureaucratisation du droit du travail. L'article 2 est une mesure technique pour accompagner le rétablissement des droits des demandeurs d'emploi qui avaient signé un PARE. Les partenaires sociaux, pour faire face au déficit de l'UNEDIC, avaient signé une convention diminuant la durée d'indemnisation, ce qui avait conduit à une cessation anticipée des versements au titre du PARE. Les décisions des tribunaux et du Conseil d'Etat ont crée ensuite un imbroglio juridique, et pour en sortir par le haut, M. Borloo a donné un nouvel agrément excluant de la convention la mesure diminuant la durée d'indemnisation. Les demandeurs d'emploi rétablis dans leur droit au 1er janvier 2004 percevront un complément d'allocation chômage. Mais 70 000 d'entre eux avaient perçu l'allocation de solidarité spécifique, pour un montant total de 86 millions. Ces sommes doivent être reversées au budget, et l'article 2 en organise le recouvrement de manière efficace, sans mettre en difficulté les demandeurs d'emploi concernés. Il sera opéré une retenue sur le reliquat de l'allocation chômage qui sera versé, ce qui exclut la récupération du trop perçu excédant ce reliquat. Une convention entre l'Etat et l'UNEDIC fixera les modalités. Un amendement du sénateur About précise également qu'on vérifiera si les personnes éligibles au versement d'un reliquat d'allocation chômage n'ont pas trouvé dans l'intervalle un emploi, ce qui modifierait le calcul de leurs droits. Cet article répond donc à des préoccupations de justice sociale et d'égalité entre allocataires. Le groupe UMP votera la proposition de loi, qui s'inscrit dans notre démarche de respect du dialogue social et de protection de salariés. M. Claude Gaillard - Très bien. La discussion générale est close. M. le Ministre délégué - Je remercie Mme Bourragué et M. Vercamer de leur soutien. Simplifier et sécuriser le droit du travail, ce sera un des enjeux du dialogue social que nous allons engager dans quelques jours. Un prochain conseil des ministres sera également saisi d'ordonnances de simplification du droit, notamment en ce qui concerne les seuils. S'agissant des accords de méthode, les préoccupations des petites et des grandes entreprises sont sans doute différentes, et il faut que les points de vue se rapprochent. Je voudrais aussi rendre hommage aux partenaires sociaux qui ont le courage de gérer l'UNEDIC. Il est plus facile de faire de l'opposition que de prendre ses responsabilités. Monsieur Vercamer, vous jugez que la non-abrogation de la loi de modernisation sociale a créé une situation complexe, mais certains de vos amendements visent pourtant à enrichir le texte. Ce qu'il faut, c'est créer les conditions pour que le dialogue social se termine par un accord partiel ou total. En tout cas, le gouvernement s'engage à vous soumettre un texte à l'issue de ce dialogue social. A propos de la gestion de l`UNEDIC souvenons-nous que la RTT fut en partie financée grâce aux 3 milliards d'excédents de l'UNEDIC, qui auraient été fort utiles lorsque la bise fut venue. A l'avenir, il faudra éviter ce comportement de cigale, qui fut celui de Mme Aubry, quand nous devons être fourmis. Monsieur Dutoit, nous souhaitons l'évaluation du PARE. Mais c'est aux tribunaux qu'il appartient de fixer le niveau du préjudice subi. S'il n'y a pas de dimension sociale dans l'Europe, c'est à cause de vos amis du parti travailliste britannique, Monsieur Le Garrec. M. Claude Gaillard - Il faut assumer ses amis ! M. Gaëtan Gorce - Comme Berlusconi ? (sourires) M. le Ministre délégué - Et pour renvoyer à l'étude le projet de directive sur les services, nous avons eu le soutien des Belges, des Luxembourgeois, des Autrichiens même - mais pas celui des Britanniques, et j'aurais attendu un soutien plus marqué de l'Espagne le 1er juin lors du Conseil des ministres du travail. La loi de modernisation sociale avait été votée sous le coup de l'émotion suscitée par LU, Marks and Spencer, Danone. Partis de 48 articles, on est arrivé à 224. Est-ce bien légiférer ? Se donner le temps de réexaminer une dizaine de ces articles est une bonne chose. Je ne reviens pas sur la journée de solidarité, dont nous avons beaucoup parlé, mais un mot encore sur les délocalisations. En nous attaquant au travail illégal, nous avons constaté que beaucoup de délocalisations ont lieu en France même. Nous avons cité les chantiers navals et des entreprises voulant se voir appliquer le droit sri-lankais. C'est inacceptable. Mais la commission de lutte contre le travail illégal ne s'est pas réunie pendant sept ans. Je la réunirai dans moins de six mois et le prochain dossier dont elle sera saisie sera celui de la sous-traitance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Frédéric Dutoit - Au nom de mon groupe, je demande une suspension de séance. La séance, suspendue à 18 heures 55, est reprise à 19 heures 5.
AVANT L'ARTICLE PREMIER M. Maxime Gremetz - Nous allons proposer en faveur des salariés non pas des mesures bureaucratiques, mais des droits nouveaux, afin de faire pénétrer la démocratie dans l'entreprise, ce qui est un gage d'efficacité. Apparemment le rapporteur n'a pas pris connaissance de nos amendements puisqu'il a déclaré tout à l'heure que nous n'avions pas de propositions à présenter, tandis qu'au contraire le ministre m'a dit que j'avais décliné tout un programme. Il y a là au moins une contradiction entre vous, messieurs ! Notre amendement 14 tend à calquer notre législation sur celle de l'Italie en imposant la réintégration du salarié dès lors que le caractère abusif de son licenciement a été reconnu par le juge. Actuellement, on ne lui octroie qu'une petite compensation, alors qu'il a été victime d'une décision qui a gâché sa vie. Il ne s'agit pas, en effet, d'une indemnité à la Messier ! De plus la dignité ne s'achète pas. Nous voulons donc réaffirmer le principe du droit à l'emploi, et répondre ainsi à un problème très préoccupant. Le licenciement abusif est le seul cas dans notre législation où les principes généraux du droit ne s'appliquent pas, puisque le retour à la situation antérieure n'est pas acquis. Vous qui insistez si souvent sur la valeur du travail, voici l'occasion d'en faire concrètement la démonstration. M. le Rapporteur - Avis défavorable. Comment concevoir de réintégrer un salarié à l'issue d'une procédure qui peut durer des années, et dans le climat de tension que l'on imagine ? Aussi bien la précédente majorité avait-elle repoussé un amendement semblable lors de la loi de modernisation sociale. M. le Ministre délégué - Comme la commission et le Gouvernement fonctionnent en parfaite stéréophonie, je repousse à mon tour l'amendement, pour les mêmes motifs. M. Maxime Gremetz - Votre argumentation ne tient pas. Ce qui est possible pour les « recalculés », rétablis dans leurs droits, ne le serait pas pour un salarié licencié sans motifs sérieux ? Il serait donc ainsi trois fois victime : du licenciement abusif ; de l'impossibilité de retrouver son emploi ; de l'octroi d'une simple indemnité, ce qui est pour les patrons un encouragement à licencier, tandis que sa vie, à lui, est brisée. C'est vraiment faire deux poids et deux mesures : les patrons font ce qu'ils veulent, les salariés n'ont qu'à subir. L'amendement 14, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jean-Pierre Brard - En réaction aux propos de M. Gremetz, M. Dord s'est récrié tout à l'heure avec des trémolos dans la voix qu'il n'était pas indifférent au sort des salariés licenciés. Soit, mais vous avez sans doute appris à vos dépens que le peuple juge les responsables politiques sur ce qu'ils font et non pas sur ce qu'ils disent ! Notre amendement 15 vous donne l'occasion de vous racheter (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Il vise en effet à encadrer la sous-traitance, qui ne cesse de se développer, du fait de la volonté des grands groupes de se désengager de tout ce qui n'est pas directement rentable. Les stratégies d'externalisation nuisent à la transparence des échanges commerciaux et créent de véritables catastrophes humaines. On ne peut admettre que des sociétés écrans soient créées à seule fin de licencier. C'est pourquoi notre amendement tend à inscrire dans la loi la notion, définie par le Professeur Lyon-Caen, de responsabilité des groupes donneurs d'ordre. Le président Raoult connaît bien les effets de la sous-traitance, notamment dans notre département, où chacun sait que les ouvriers ayant participé à la construction du Stade de France travaillaient souvent au noir ! Et que l'on ne nous oppose pas que nous raisonnons dans le cadre d'une économie fermée ! M. le Rapporteur - Défavorable. Dans une économie telle que la nôtre, si les relations commerciales peuvent être réglementées, notamment pour réguler les relations entre fournisseurs et distributeurs comme tend à le faire le récent accord sur la grande distribution, il n'est pas envisageable de les soumettre entièrement au contrôle du juge. Au reste, comment celui-ci apprécierait-il la notion de sous-traitance abusive, manifestement très difficile à cerner et dont la répression créerait un risque contentieux disproportionné. Mieux vaut attendre le projet du Gouvernement sur ces différents points, plutôt que de susciter de nouvelles situations d'insécurité juridique. M. le Ministre délégué - Même avis. Et puis-je faire observer que le ministre du travail en exercice au moment de la construction du Stade de France, c'était Mme Aubry ! M. Jean-Pierre Brard - Pas du tout ! Les travaux ont été lancés sous le gouvernement Balladur ! M. le Ministre délégué - Vérifiez vos archives ! C'est bien Martine Aubry qui disposait d'une délégation interministérielle pour toutes les mesures visant à combattre le travail illégal. A bon entendeur, salut ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) M. le Président - Sur le vote de l'amendement 15, je suis saisi par le groupe des députés communistes et républicains d'une demande de scrutin public. M. Gaëtan Gorce - J'invite le représentant du Gouvernement à faire preuve de plus de sang froid et à éviter de se défausser, chaque fois qu'il est mis en difficulté, sur ses prédécesseurs, lesquels ne sont pas là pour lui répondre... M. Jean-Claude Lenoir - Mme Aubry n'avait qu'à pas se faire battre ! M. Gaëtan Gorce - Au reste, M. Fillon trouvait excessifs les moyens de l'inspection du travail. Dans ces conditions, il faut bien s'en remettre au juge pour réprimer les abus ! Mais, de grâce, respectons un ton de bon aloi et évitons les mises en cause personnelles. M. Jean-Pierre Brard - Je sais bien, Monsieur le ministre, que Martine Aubry, mère des 35 heures, des emplois jeunes et autres monstruosités, hante vos nuits ! (M. le ministre délégué fait un signe de dénégation) Quant à notre rapporteur, il ne sert guère les intérêts du Parlement en préférant s'en remettre au texte du Gouvernement ! C'est à croire qu'il a déjà oublié que l'action du gouvernement Raffarin II - auquel il faisait sans doute une confiance aveugle - a été désavouée par le Président de la République lui-même ! Et outre ses considérations contradictoires sur le rôle du juge, il ne manque pas d'audace en se référant à l'accord sur la grande distribution. Cet accord, le consommateur n'en retirera aucun bénéfice ! Alors, quittez vos faux nez et reconnaissez que votre vrai souci, c'est de ne pas offenser vos donneurs d'ordre à vous qui sont les adhérents du Medef ! M. le Rapporteur - Désolant ! M. Jean-Pierre Brard - Ce qui l'est, c'est de couvrir de telles turpitudes et de brader l'intérêt général comme vous le faites ! A la majorité de 19 voix contre 3 sur 22 votants et 22 suffrages exprimés, l'amendement 15 n'est pas adopté. M. Maxime Gremetz - Notre amendement 2 tend à préciser la définition du motif économique du licenciement. Devant les pratiques abusives de ceux que le Président de la République appelle les patrons voyous, la représentation nationale a souhaité limiter les motifs de licenciement dit économique à trois cas : survenue de difficultés économiques sérieuses ne pouvant être surmontées par aucun autre moyen ; mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l'entreprise ; réorganisation rendue nécessaire pour la sauvegarde de l'activité. Le législateur a ainsi repris la jurisprudence protectrice ayant prévalu au cours des dernières années et il a renforcé les garanties individuelles et collectives offertes aux salariés. A plusieurs reprises, les juridictions saisies ont estimé que le licenciement ne pouvait reposer sur le seul désir de l'employeur d'augmenter ses profits, ou de remettre en cause une situation acquise jugée comme trop favorable, ou encore de privilégier la rentabilité de l'entreprise au détriment de la stabilité de l'emploi. Et faut-il rappeler l'appel à l'ingérence, lancé par 56 PDG de multinationales, et amplifié par le Medef, pour obtenir l'annulation d'une mesure dont le mérite essentiel était de s'appliquer à tous les licenciements économiques et non pas seulement aux 15 % d'entre eux qui font l'objet d'un plan dit social, présenté au comité d'entreprise ? Les parlementaires de droite avaient dénoncé, dans leur saisine du Conseil constitutionnel, une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre, se faisant ainsi les avocats d'une conception anglo-saxonne de la liberté d'entreprise, en vertu de laquelle le laisser-faire économique et social revêt une valeur suprême. Nous proposons de définir le licenciement économique comme « le licenciement effectué pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification du contrat de travail, consécutives soit à des difficultés économiques sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen, soit à des mutations technologiques remettant en cause la pérennité de l'entreprise ». On jugera à vos actes, Monsieur le rapporteur, si vous êtes sincère ou si vous ne faites que verser des larmes de crocodile sur les licenciements ! M. le Rapporteur - Le Conseil constitutionnel a censuré une définition quasiment identique. Vous persévérez dans l'erreur : nous ne vous suivrons évidemment pas ! Au demeurant, adopter un tel amendement serait porter atteinte à l'esprit même de la loi de modernisation sociale, qui visait, si j'ai bien compris, à anticiper les difficultés des entreprises conduisant aux licenciements : ce serait en effet demander qu'à travers ces licenciements, on constate - trop tard - ces difficultés... M. le Ministre délégué - Même avis. La censure du Conseil constitutionnel était fondée sur une atteinte trop importante à la liberté d'entreprendre. M. Maxime Gremetz - Compte tenu de l'importance de cet amendement, nous demandons un scrutin public. M. Gaëtan Gorce - Il faut éviter les caricatures et les facilités. Il suffirait, nous dit-on, de faire confiance aux partenaires sociaux. La négociation devrait se faire sur un terrain vague, sans que les politiques donnent aucune indication. Et donner par la loi des garanties aux salariés, ce serait créer des rigidités mettant en péril la compétitivité des entreprises. Ce discours, nous ne cessons de l'entendre ; mais mes collègues du groupe communiste ont raison de dire que la compassion n'est pas l'action. Caricature et facilité, aussi, lorsqu'on prétend qu'il suffirait de construire un mur juridique, là où il faut trouver des solutions par la négociation et l'adaptation. Il ne faut pas laisser espérer que la loi règle tout, car elle risquerait d'être en permanence dépassée par la réalité. M. Claude Goasguen - Voilà un vrai libéral ! M. Gaëtan Gorce - Les règles de droit doivent donner des garanties aux salariés et assurer une sécurité juridique à l'entreprise. Il faut aussi garantir le reclassement du salarié : ce droit à reclassement reste entièrement à construire, comme le droit à réparation pour les bassins d'emploi concernés. La négociation doit faire vivre les principes posés, à travers des solutions adaptées aux situations particulières des entreprises. Quel rapport en effet entre une petite entreprise et une grande, quel rapport entre une entreprise qui licencie par confort, pour faire monter les cours de bourse, et une entreprise qui est confrontée à la concurrence internationale ? Toutes ces questions devraient être traitées dans la sérénité, et liées entre elles : je ne peux que regretter que le gouvernement ait choisi, faute sans doute d'avoir une vision d'ensemble, le saucissonnage de sujets qui sont proches - formation, restructurations, reclassement, indemnisation du chômage, parcours d'insertion... A la majorité de 14 voix contre 3 sur 17 votants et 17 suffrages exprimés, l'amendement 2 n'est pas adopté. M. Jean-Pierre Brard - Notre débat est fort instructif. M. Claude Goasguen - Sur les divisions de la gauche ! M. Jean-Pierre Brard - Recollez donc les morceaux chez vous ! Il faut cesser de prendre nos compatriotes pour des imbéciles. Comment peut-on oser prétendre que la situation des entreprises françaises est calamiteuse du fait du droit du travail ? Vous essayez de faire peur pour faire passer vos mauvais coups ! Ce n'est pas dans l'erreur que nous persévérons, Monsieur Dord, mais dans la lutte contre l'injustice. Regardez ce qui arrive lorsque le droit n'est pas suffisamment contraignant : M. Messier est mis en garde à vue... S'il y avait eu plus de transparence, nous n'en serions pas là. Les salariés n'ont pas besoin de votre compassion, mais de la détermination de la représentation nationale pour les protéger des licenciements économiques abusifs. Dans ce domaine, la loi de modernisation sociale a été vidée de sa substance par une censure inadmissible du Conseil constitutionnel. Nous revenons sur cette question en présentant l'amendement 1. La liste noire des plans sociaux n'autorise en effet aucune passivité de la part du législateur. Le Conseil constitutionnel a invoqué le droit d'entreprendre, mais celui-ci ne doit pas s'exercer au détriment du droit à l'emploi, principe qui est également de valeur constitutionnelle. En proposant avec cet amendement une formulation différente de celle qui a été écartée par le Conseil, nous permettons le cas échéant à celui-ci, sous la présidence bienveillante de Pierre Mazeaud, de revenir sur sa décision. Notre but n'est pas d'interdire tout licenciement économique, mais de mettre fin rapidement aux abus les plus criants. Il faut légiférer sur les licenciements économiques abusifs, et penser à ceux qui en sont victimes. M. le Rapporteur - Avis défavorable, et nous avons du reste déjà répondu à cette question. Si la première partie de l'amendement ne fait guère de difficulté, il n'en va pas de même de la seconde, qui conduit à empêcher, dans la pratique, tout licenciement : le groupe communiste revient à sa conception de l'économie. Comment une entreprise pourrait-elle prouver qu'elle a épuisé toutes les solutions? Cette définition se heurterait, comme l'autre, à la censure du Conseil Constitutionnel. M. le Ministre délégué - Avis défavorable pour les mêmes raisons, d'autant plus, et j'en profite pour répondre à l'avance à l'amendement 17, que nous sommes contre une instance ad hoc forcément complexe. M. Jean-Pierre Brard - Le Gouvernement et le rapporteur fuient ! Vous répondez à l'avance à des amendements que nous n'avons pas encore défendus. Ce n'est plus la pensée unique, c'est la pensée atrophiée, vous en revenez toujours aux mêmes poncifs, déjà servis par M. Seillière et son porteur de hallebarde, M. Sarkozy. M. le rapporteur prétend avoir déjà répondu, mais ce n'est pas le cas, et vous ne vous en sortirez pas ainsi ! Nous ne voulons pas interdire tout licenciement, mais l'encadrer. M. le ministre juge notre solution trop compliquée, mais rien ne devrait être trop complexe quand il s'agit de sauver l'emploi. Et la crainte du Conseil Constitutionnel ne devrait pas vous faire reculer! En réalité, le rapporteur est idéologiquement scotché au Medef. L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Maxime Gremetz - L'amendement 17 tend à compléter l'article L.321-1 du code du travail pour qu'une commission constituée des représentants du personnel et de l'employeur, d'un inspecteur du travail, du commissaire aux comptes de l'entreprise, d'un magistrat de la juridiction commerciale du ressort, d'un représentant de la Banque de France, d'un membre de la commission décentralisée du contrôle de fonds publics, et d'élus locaux, examine la situation de l'entreprise avant tout licenciement économique. Loin de prétendre interdire tout licenciement, nous voulons favoriser la concertation car, sauf à ce que l'entreprise ait le profit comme seul objectif, des solutions alternatives existent dans la plupart des cas. M. le Rapporteur - Avis défavorable. Nous sommes dans le cadre des licenciements boursiers pour lesquels j'ai déjà répondu - avec passion, non avec véhémence. Même si c'est choquant, il est impossible, dans un marché où les capitaux circulent librement, d'empêcher l'entreprise qui apporte des fonds de rechercher la meilleure rentabilité. Proposez-vous de bloquer les marchés de capitaux ? M. le Ministre délégué - Je vous renvoie à la discussion générale, et au fait que la France portera une résolution, à la prochaine assemblée générale de l'ONU sur l'aspect social de la mondialisation. Avis défavorable. M. Maxime Gremetz - Mais c'est désespérant de vous voir baisser les bras face aux licenciements! Il y en a un qui l'a fait à propos de Michelin, mais il l'a payé cher ! M. le Rapporteur - Que proposez vous? M. Maxime Gremetz - Mon amendement ! Prenez donc exemple sur l'Allemagne, dont s'inspirait la loi de modernisation: pas de licenciement avant concertation. Le comité d'entreprise a le droit de s'opposer et de proposer des solutions alternatives, et en l'absence d'accord, il revient à la justice de trancher. Que faites-vous des propos du Président de la République, qui voulait légiférer contre les patrons voyous? Alors que les plans de licenciements économiques se multiplient, que le chômage augmente, notamment chez les moins de 25 ans, vous prétendez qu'il n'y a rien à faire ! On peut au moins vous reconnaître le mérite de la franchise ! Vous attendez un accord international pour empêcher les licenciements économiques! Vous êtes des ultralibéraux ! M. le Ministre délégué - En Allemagne, il n'y a pas d'interdiction, mais un examen, par les partenaires sociaux, de certains critères financiers. Tout ce qui touche à la reconversion ou aux plans de licenciements fait l'objet de négociations entre les partenaires. Or, nous attendons justement que les partenaires sociaux nous fassent des propositions pour que le droit du licenciement évolue en faveur de l'emploi et des salariés. M. Maxime Gremetz - Si l'on veut imposer ce droit d'opposition ou institutionnaliser ces rencontres entre partenaires sociaux, il faut bien que ce soit inscrit dans la loi, dans le code du travail ! L'amendement 17, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Maxime Gremetz - L'amendement 6 vise à inverser la charge de l'acceptation ou du refus d'une modification du contrat de travail. Aujourd'hui, lorsque un employeur envisage une telle modification, il en informe le salarié qui dispose d'un mois pour motiver un éventuel refus ; à défaut de cette réponse écrite, il est réputé avoir accepté. Cette disposition soumet les salariés à forte pression et, souvent, des modifications substantielles sont apportées au contrat de travail au terme d'une procédure douteuse ou ambiguë. C'est pourquoi nous demandons que ces modifications ne puissent désormais avoir cours que si elles ont été acceptées expressément par les salariés, avant l'expiration du délai. Si les salariés ne se manifestent pas, ce sera considéré comme un refus. Voilà une disposition qui ne coûte pas cher mais qui présente de grands avantages ! M. le Rapporteur - Elle ne coûte certes pas cher, mais le licenciement risque d'être prononcé aussi bien que dans le système actuel. Quoi qu'il en soit, c'est l'exemple même des dispositions de procédure que pourront proposer les partenaires sociaux. Avis défavorable. M. le Ministre délégué - M. Gremetz va décidément au rebours de ce que nous souhaitons : permettre aux partenaires sociaux de nous présenter des propositions, grâce à une prorogation de la suspension. En l'occurrence, il nous est proposé de modifier la loi du 20 décembre 1993 sur un sujet que la loi de modernisation sociale n'avait même pas abordé. Nous verrons si les partenaires jugent la disposition de nature à simplifier ou, au contraire, à alourdir la procédure. En attendant, rejet ! L'amendement 6, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Maxime Gremetz - L'amendement 7 vise à introduire dans le code du travail une disposition aux termes de laquelle est considéré comme irrégulier tout licenciement pour motif économique intervenant dans des entreprises où l'employeur n'aura pas mis en place d'institutions représentatives du personnel. Il résulte en effet de la jurisprudence de la Cour de cassation - précisément, de l'arrêt de la chambre sociale en date du 7 décembre 1999- que l'employeur ne peut se prévaloir de l'absence de ces institutions pour échapper à ses obligations. Cette absence peut en effet résulter d'une volonté hostile ou d'une négligence, a jugé la Cour. Obligation est ainsi faite aux chefs d'entreprises d'installer lesdites institutions, qu'ils doivent informer et consulter, en particulier en cas de licenciement pour motifs économiques. La Cour n'est certes pas révolutionnaire. Mais, puisque vous transposez les directives dans la loi française, vous pouvez bien faire de même de la jurisprudence de la Cour de cassation. Dans le cas contraire, j'inclinerais à penser que, comme on l'écrit, le droit communautaire est placé au-dessus du Conseil constitutionnel ! M. le Rapporteur - Il n'y a rien dans l'arrêt de la Cour qui nous rebute, mais votre demande est déjà satisfaite par l'article 110 de la loi de modernisation sociale, qui sanctionne les licenciements prononcés dans des entreprises dépourvues d'institutions représentatives du personnel lorsqu'un constat de carence n'a pas été établi. Et cet article-là n'est pas suspendu ! M. le Ministre délégué - En outre, la transposition se fait en quelque sorte automatiquement : le code mentionne la jurisprudence ! L'amendement 7, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Maxime Gremetz - Je demande une suspension de séance. M. le Président - Ne pourriez-vous attendre 20 heures 30 ? Nous ferons alors le point pour savoir si nous pouvons ou non poursuivre jusqu'à l'achèvement de la discussion. M. Maxime Gremetz - Soit. L'amendement 9 est défendu. L'amendement 9, repoussé par la Commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Maxime Gremetz - L'amendement 5 rectifié vise à conférer un droit nouveau aux représentants du personnel et aux comités d'entreprise, droit qui leur permettra de s'opposer efficacement aux licenciements lorsque le motif économique avancé n'est pas fondé. Ces institutions disposeraient d'un véritable pouvoir de contrôle et de contestation, plus dissuasif que l'augmentation du coût du licenciement pour des entreprises uniquement soucieuses de valoriser leurs actions. Inspirée du droit allemand, cette disposition, sans interdire les licenciements, créera les conditions d'une concertation en instaurant une sanction éventuelle avant que les contrats de travail ne soient rompus. Lorsque la motivation avancée par l'employeur n'est pas conforme à la loi, les délégués du personnel et le comité d'entreprise pourront en effet s'opposer aux licenciements jusqu'à ce que le juge se prononce. Si ce dernier constate qu'il y a bien irrégularité, il pourra confirmer l'opposition et annuler toutes décisions contraires. La mesure aura en outre pour avantage de favoriser les projets économiques alternatifs proposés par les représentants du personnel. Etant donné l'importance de cet amendement, je vous ferai parvenir une demande de scrutin public. M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cet amendement va bien au-delà de ce que prévoyait la loi de modernisation sociale, s'agissant des droits nouveaux à reconnaître aux représentants du personnel. Je note d'ailleurs que ces droits sont si importants que l'on a négligé de prendre les décrets nécessaires à leur exercice... M. le Ministre délégué - Rejet également : le licenciement serait subordonné à l'intervention du juge, ce qui constituerait une ingérence dans la procédure. M. le Président - Je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public. M. Maxime Gremetz - Avez-vous conscience que la France, pays des droits de l'homme, du droit à l'emploi et du droit au logement, est maintenant en retard sur l'Allemagne et sur l'Italie ? Bientôt les dix nouveaux Etats membres de l'Union vont nous dépasser eux aussi : ils n'ont pas manifesté un enthousiasme débordant lors de l'élection du 13, déjà, et je pense qu'ils ont compris ce qu'il en est de l'Europe sociale ! Je vous en supplie, ne soyez pas en retard d'une guerre ! A la majorité de 12 voix contre 4 sur 16 votants et 16 suffrages exprimés, l'amendement 5 rectifié n'est pas adopté. M. Maxime Gremetz - Je ne vois que cinq députés de l'UMP. Avec les délégations, cela devrait faire dix voix ! M. le Rapporteur - Nous sommes six. M. le Président - La présidence, Monsieur Gremetz, se montrera particulièrement attentive. M. Frédéric Dutoit - L'amendement 10 vise à renforcer la protection des salariés et à faire du licenciement pour motif économique l'ultime recours d'une entreprise. Il tend, plus précisément, à rendre obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi à partir de deux licenciements, au lieu de dix actuellement. L'élaboration de ce plan relève de la responsabilité exclusive de l'employeur. Il s'agit ainsi d'atteindre deux objectifs : l'extension du contrôle en amont, qui ne concerne actuellement que 15% des licenciements économiques ; la fin d'une pratique hypocrite, celle de la négociation des plans sociaux, qui procède d'un mélange des genres. M. Maxime Gremetz - Très bien ! M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le plan de sauvegarde de l'emploi est une mesure collective. On peut considérer que ce n'est pas vraiment le cas si deux personnes seulement sont concernées. M. le Ministre délégué - Même avis. De plus, c'est à la négociation interprofessionnelle qu'il appartiendra de fixer des modalités et des seuils précis. L'amendement 10, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Maxime Gremetz - L'amendement 11 vise à préciser, conformément à la jurisprudence, la portée des obligations des employeurs, car beaucoup s'acquittent a minima de leurs obligations de reclassement, comme ce fut le cas avec Moulinex. Nous proposons de préciser que les mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi doivent être « pertinentes au regard des objectifs recherchés et proportionnées aux moyens dont dispose l'entreprise et le groupe auquel, le cas échéant, elle appartient. » M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cet amendement est assez largement satisfait par l'article 112 - qui n'a pas été suspendu - de la loi de modernisation sociale. M. le Ministre délégué - Même avis. Il appartient également à la négociation de fixer les contours précis de cette mesure. L'amendement 11, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Frédéric Dutoit - J'espère, Monsieur le ministre, que vous ne vous limiterez pas toujours à cette réponse. L'amendement 12 vise à permettre aux salariés de suspendre la procédure de licenciement en cas de contestation de la conformité du plan social. Tout salarié concerné doit pouvoir saisir le conseil des prud'hommes lorsque l'employeur n'a pas respecté l'obligation de négociation comme préalable à l'établissement de ce plan. Nous entendons renforcer les obligations de consultation des comités d'entreprise ou des représentants des salariés. Il s'agit de pouvoir organiser des débats contradictoires sur les projets de restructuration, préalablement à toute procédure de licenciement économique. Le cas échéant, le juge des référés pourrait prendre une mesure immédiatement exécutoire pour contraindre la direction de l'entreprise à interrompre tout projet de réduction d'emplois qui serait infondé au regard des objectifs définis par les salariés, lesquels doivent pouvoir infléchir les choix unilatéraux des conseils d'administration ou de surveillance. Trop souvent, le jugement définitif sur le fond intervient après la fermeture d'un site ou la rupture des contrats de travail. Il faut donc statuer bien avant. M. Maxime Gremetz - Très bien ! M. le Rapporteur - Avis défavorable. Est-ce là l'attente de salariés qui, souvent, veulent bénéficier rapidement des plans sociaux plutôt que de pouvoir suspendre leurs effets ? M. le Ministre délégué - Avis défavorable. Il ne me paraît pas très heureux de vouloir faire du juge l'alpha et l'oméga, quand au contraire, ce qui doit primer, c'est la négociation en vue de l'intérêt des salariés. L'amendement 12, mis aux voix, n'est pas adopté. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE M. le Président - Il résulte d'une lettre de M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement que les séances du mardi 22 juin après-midi, après les questions au Gouvernement, et soir ; ainsi que les séances du mercredi 23 juin après-midi, après les questions au Gouvernement, et soir, seront consacrées à la suite de la discussion du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz. Prochaine séance, ce soir, à 22 heures. La séance est levée à 20 heures 30. |