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Assemblée nationale
COMPTE
RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL
Session ordinaire de 2004-2005 - 29ème jour de séance, 70ème séance 1ère SÉANCE DU MERCREDI 24 NOVEMBRE 2004 PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ Sommaire QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2 MAINTIEN DES SERVICES PUBLICS DROITS DES MALADES EN FIN DE VIE 2 ÉTABLISSEMENTS HOSPITALIERS 3 FRANCOPHONIE 4 PÊCHEURS NORMANDS 5 VIOLENCES CONTRE LES FEMMES 5 INTERDICTION DES COUPURES D'ÉLECTRICITÉ 6 DISCRIMINATIONS EN MATIÈRE DE LOGEMENT 7 DANGERS DES DÉSODORISANTS D'INTÉRIEUR 7 ÉDUCATION NATIONALE 8 ADOPTION INTERNATIONALE 9 RÉSORPTION DES ZONES BLANCHES SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION 10 COHÉSION SOCIALE (suite) 11 La séance est ouverte à quinze heures. MAINTIEN DES SERVICES PUBLICS EN ZONE RURALE M. André Chassaigne - La colère gronde dans nos campagnes, Monsieur le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Vous avez pu le constater au congrès des maires de France, où les élus se sont fait les porte-parole de leurs concitoyens. La cause de cette colère est connue : le déménagement des services publics s'accélère. Avec la fermeture des perceptions, certains maires de ma circonscription auront désormais une quarantaine de kilomètres à faire dans chaque sens pour rencontrer le conseiller financier de la commune. Et à 1 000 mètres d'altitude, les routes ne sont pas droites et les pentes sont fortes ! (Rires sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) La Poste va déclasser puis fermer plusieurs milliers de ses bureaux. L'enseignement voit chaque année réduire ses moyens, des centaines de postes sont supprimés dans les établissements ruraux. Les hôpitaux de proximité sont menacés : la nouvelle tarification aggravera leurs difficultés financières, réduisant d'autant l'offre de soins. Peu à peu, nos services publics sont grignotés et le maillage de nos territoires est détruit. Vous rappelez votre soutien aux services de proximité et votre souci de concertation. Mais comment maintenir une boulangerie ou un médecin dans un village quand le seul signal envoyé est celui d'une mort inévitable, puisque vous lui retirez la force vive des services publics ? Aucune concertation ne vaut sous l'épée de Damoclès du projet de constitution européenne, fer de lance d'un capitalisme débridé qui ne peut mener qu'au dépérissement de nos territoires. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Pouvez-vous vous engager à décréter un moratoire sur la fermeture des services publics ? Quelles mesures prendrez-vous pour que nos territoires ne soient plus sacrifiés sur l'autel d'une Europe qui a fait le choix de la libre concurrence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste) M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire - Le Premier ministre a longuement évoqué les services publics au congrès des maires de France. (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Il a rappelé une évidence - nos entreprises qui assument une mission de service public doivent s'adapter aux réalités nouvelles - et une exigence, celle de la concertation. Il est vrai qu'elle n'a pas toujours été respectée par le passé... Nous avons soutenu lors de la deuxième lecture du projet de loi sur le développement des territoires ruraux un amendement qui prévoit que le préfet organisera cette concertation en préalable à toute restructuration ou suspension de service public. (« Bel enterrement ! » sur les bancs du groupe socialiste) Je regrette que votre groupe ne l'ait pas voté : il y a là une garantie de concertation authentique. Le Gouvernement a demandé que l'esprit de la loi soit dès aujourd'hui pris en compte. C'est ainsi que le préfet de la Creuse a réuni la semaine dernière une commission départementale qui porte déjà ses fruits. Nous avons engagé des moyens avec les maisons de service public - j'en ai moi-même inauguré une dans votre région et elle donne toute satisfaction. Les nouvelles techniques doivent nous permettre de rapprocher l'administration des usagers. Adaptation, concertation et simplification seront nos maîtres-mots. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Claude Lefort - Moratoire ! Moratoire ! DROITS DES MALADES EN FIN DE VIE Mme Nadine Morano - Vincent Humbert, Docteur Chaussoy : deux noms pour une histoire tragique qui posait il y a un an la douloureuse question de la fin de vie. A la suite de l'initiative que j'ai prise avec mon collègue socialiste Gaëtan Gorce, notre Assemblée, avec le soutien de Jean-Louis Debré, s'est saisie de ce sujet. Présidée par Jean Leonetti, notre mission parlementaire a cosigné à l'unanimité une proposition de loi qui sera examinée vendredi. La volonté du malade atteint d'une affection incurable de refuser tout traitement doit être respectée. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins appropriés. Le texte encadre aussi la décision des médecins dans la définition des procédures d'arrêt de traitement. Il introduit des directives anticipées, sorte de « testament de vie » établi par le patient. Un malade ainsi accompagné acceptera mieux le processus de sa fin de vie. Enfin, notre proposition concrétise l'obligation palliative des établissements de santé. Soyez remercié, Monsieur le ministre de la santé, de votre soutien. Quels moyens envisagez-vous pour que les soins d'accompagnement de la fin de vie puissent être dispensés sur l'ensemble de notre territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF) M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - C'est grâce à vous, Madame Morano, et à M. Gorce, que la mission d'information parlementaire présidée par Jean Leonetti, que je salue, va aboutir vendredi à un texte qui viendra modifier notre droit de l'accompagnement de la fin de vie. Le Gouvernement soutient ce texte. M. Gérard Bapt - Il ne règle pas le cas du Docteur Chaussoy ! M. le Ministre - Le Gouvernement remercie la représentation nationale du travail qui a été mené, au-delà de tout clivage partisan. Vous allez renforcer le droit du malade et prendre en compte son avis. Lorsque le collège des médecins aura constaté qu'il n'y a plus d'espoir, le malade pourra choisir les soins palliatifs plutôt que l'acharnement thérapeutique. La culture des soins palliatifs n'existe pas encore suffisamment. Je propose trois actions pour la développer. Nous allons d'abord créer 1980 lits, l'objectif étant de 5 lits pour 5000 habitants à l'horizon 2007. Nous allons aussi créer 35 équipes mobiles, qu s'ajouteront aux 308 existant aujourd'hui, l'idée étant que l'on puisse mourir chez soi, entouré de son milieu familial. Enfin, nous allons former les médecins, les infirmières et les personnels des établissements médico-sociaux. Ainsi, grâce à votre loi, nous allons avoir une nouvelle culture : ni hypocrisie, ni euthanasie, mais une voie française pour assurer la dignité en fin de vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. le Président - Nous discuterons de cette proposition de loi vendredi matin. M. Pascal Terrasse - Nous sommes nombreux à être interpellés sur les difficultés rencontrées par les établissements hospitaliers et d'assistance privée à but non lucratif. Dans ce secteur, près de 9 000 postes sont menacés. La suppression prochaine des aides pour l'exonération des cotisations sociales et le blocage persistant des salaires risquent de faire imploser le secteur des établissements hospitaliers associatifs, mais aussi le secteur médicosocial, associatif, mutualiste et public. La situation est alarmante, car ce secteur connaît déjà d'énormes difficultés financières, et ce depuis plusieurs années. Son déficit atteint aujourd'hui 100 millions d'euros. La situation se dégrade depuis trois ans, sans que le Gouvernement y prête attention. Les tarifs et les budgets ne suivent pas l'évolution des besoins. Par voie de conséquence, les salaires sont bloqués et la perte de pouvoir d'achat des personnels concernés est estimée à 3 %. Cette année, le poids des cotisations sera alourdi par la taxe complémentaire sur le lundi de Pentecôte, jour travaillé non rémunéré. Dans ce contexte, la suppression des allègements de cotisations sociales liées à la loi Aubry risque de porter un coup fatal à ce secteur, qui est déjà dans le rouge. Le coup porté aux établissements hospitaliers associatifs et médicosociaux n'est malheureusement pas le premier. Le secteur de la psychiatrie est en crise, les hôpitaux ruraux sont étranglés... M. Richard Mallié - La question ! M. Pascal Terrasse - D'ailleurs, les contrats de plan ne sont plus honorés, les crédits sont gelés, les maternités vouées à disparaître (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). La crise de la démographie médicale s'étend chaque jour, qu'il s'agisse des spécialistes ou des généralistes. Ma question est donc simple (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : allez-vous en finir avec le double discours ? Voulez-vous, oui ou non, la mort de notre système de santé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - Qui tient un double discours ? Il y a d'un côté ceux qui font des promesses, de l'autre ceux qui les financent et qui sont plutôt du côté droit de l'hémicycle ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Permettez-moi de vous dire que j'ai reçu à deux reprises, la semaine dernière, les représentants de la FEAP. Nous savons que nous avons à accompagner une sortie de dispositif. Aujourd'hui, le pôle social commence à travailler sur le sujet. Une première piste est ouverte par Mme Montchamp : ce sont 50 millions d'euros, au titre de l'ONDAM personnes handicapées, qui pourront être dégagés sur les exercices 2005 et 2006. Pour les personnes âgées, on parle de 20 millions d'euros et là aussi, nous cherchons des pistes. Mais permettez-moi de vous rappeler que c'est nous qui avons pris en charge le financement de l'APA ! 1,4 milliard au titre du budget 2005 ! Et nous avons inscrit 425 millions de plus pour la médicalisation des établissements dans ce même budget, qui, je le rappelle, augmente de 11 % ! Comme vous le voyez, nous agissons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Jean Lassalle - Au moment où va s'ouvrir le sommet de Ouagadougou, je voudrais que nous fassions le point sur l'avenir de la francophonie. Lorsque je me déplace à l'étranger, ce qui m'arrive parfois en ma qualité de président de l'association des populations des montagnes du monde, je constate que lorsque j'ouvre un téléviseur, il n'y a pratiquement plus de programmes français. Les ambassadeurs me disent d'ailleurs tous que le français est en chute libre. J'ai été frappé cet été de voir que même les Jeux Olympiques n'étaient pas toujours retransmis dans notre langue et que les cérémonies officielles n'avaient pas toujours lieu en français. Si Pierre de Coubertin voyait cela ! Dans les cercles d'affaires et dans les cercles culturels, nous avons de plus en plus de mal à nous faire entendre. Que deviendront, si cette tendance persiste ou s'accentue, nos productions, nos films, nos livres ? Et quel sera le contenu d'internet ? Il y a pourtant une soif de français dans le monde. J'aimerais donc savoir quelles sont les initiatives que le Gouvernement compte prendre pour que le français retrouve sa place dans le concert des nations et du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe UMP ainsi que sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) M. le Président - Vous avez autant de succès que lorsque vous chantez, Monsieur Lassalle ! (Sourires) M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères - Notre pays est un grand pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), apprécié à travers le monde et dont la langue est largement pratiquée. Nous avons en Amérique du sud, en Afrique et en Asie un certain nombre de soutiens très forts grâce à la francophonie et grâce aux positions prises par le Président de la République et par le Premier ministre dans les enceintes internationales, le Conseil de sécurité notamment. M. Darcos est aujourd'hui avec M. Barnier à Ouagadougou. La feuille de route pour les dix ans à venir est en train d'y être définie. Nous avons besoin de la langue française. Nous disposons du deuxième réseau culturel au monde. Nous disposons d'un ensemble de lycées à travers le monde. Et le droit français est présent. Avec la feuille de route et les initiatives qui seront prises par M. Barnier, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, nous ferons en sorte que dans l'audiovisuel, l'éducation, la recherche et le multilatéral, la France pèse à tous les niveaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Marc Lefranc - La pêche artisanale de Basse Normandie, particulièrement dans le Calvados... M. Jean-Claude Lenoir - Et dans l'Orne ! M. Jean-Marc Lefranc - ...connaît une crise majeure. La pêche aux coquilles saint jacques d'octobre à avril constitue l'unique revenu pour 80 % des pêcheurs de la baie de Seine. La campagne s'annonçait bien. Mais le coquilles sont affectées par une algue phytoplanctonique qui secrète une toxine pour laquelle le seuil acceptable est de 20 microgrammes par gramme de chair. Début novembre, on a constaté un dépassement de un microgramme. Les consommateurs peuvent cependant être rassurés, car cette toxine se fixe dans la poche noire qu'ôtent toutes les ménagère avant cuisson, ce qui élimine tout risque. Mais la santé publique étant une priorité absolue, le préfet a fermé la pêche, par précaution, entre l'est Cotentin et Etretat. La perte de chiffre d'affaires est de 3 millions. La perte de chiffre d'affaires est de 3 millions pour 150 navires et 630 marins. Face à cette crise exceptionnelle, il faut des mesures exceptionnelles, en particulier la prise en charge à 100 % par l'Etat de l'allocation complémentaire de chômage partiel et des frais de prélèvement et d'analyse. Que comptez-vous faire pour aider cette profession sinistrée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. le Président - Monsieur Lenoir, ne confondez pas la saucisse de Mortagne et la coquille saint jacques . (Sourires) M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - Effectivement la présence d'une toxine amnésiante a conduit à suspendre la pêche et la consommation de la coquille saint jacques, mais il n'y a pas de problème pour les consommateurs. Face à la détresse économique des pécheurs, nous avons pris au cas par cas des mesures de report des échéances sociales et fiscales et mis en œuvre des mesures de chômage partiel. L'OFIMER a constitué un groupe de travail pour étudier la possibilité de mettre sur le marché des coquilles décortiquées, puisque la partie qui fixe la toxine peut être séparée de la noix et du corail. J'espère qu'il remettra très rapidement ses conclusions. D'autre part, comme vous l'avez demandé, cet après-midi se tient à la préfecture une réunion entre les autorités de l'Etat et les professionnels pour examiner la deuxième série d'analyses, qui semble encourageante. Nous souhaitons que le dossier soit géré avec pragmatisme pour que l'activité puisse reprendre en pleine saison de pêche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Philippe Vitel - L'enquête nationale sur les violences contre les femmes, rendue publique en juin, est alarmante. 9,5 % des femmes interrogées ont subi des actes de violence conjugale, physique, verbale, sexuelle ou psychologique au cours des douze derniers mois, et ce taux monte à 13,7 % pour celles qui sont au chômage ou au RMI. 18 % des femmes interrogées disent avoir été victimes d'agression physique au cours de leur vie d'adulte. Cette situation est intolérable. Il faut lutter avec énergie contre toute forme d'oppression et de violence envers les femmes. Madame la ministre de la parité, vous avez lancé une campagne de communication pour dénoncer ces faits et libérer la parole de ces femmes martyrisées. Vous avez également fait voter, dans la réforme du divorce, une disposition permettant d'évincer le conjoint violent du domicile conjugal. Quand entrera-t-elle en application ? Enfin, ce matin vous avez présenté au conseil de ministres votre plan global contre les violences conjugales. A la veille de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, pouvez-vous détailler les dix mesures pour l'autonomie des femmes que vous envisagez de prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle - La violence est contraire au progrès, et il n'en est pas de forme atténuée, de discrimination mineure. Je me réjouis donc du débat positif qui a eu lieu, hier, au Sénat, sur les discrimination sexistes. Nos politiques sociales ont pour objectif, au-delà de l'assistance nécessaire, de favoriser la liberté et la responsabilité. Ce que je veux, c'est que les femmes, du premier appel de détresse jusqu'au retour à l`autonomie, soient accompagnées de la manière la plus juste et la plus efficace. Le plan que j'ai présenté détaille les étapes de cette reconstruction nécessaire de façon à ce que, s'agissant de l'hébergement, des ressources de l'emploi, soit apporté une réponse sécurisante. S'agissant de l'éviction du conjoint violent, la mesure sera mise en application au 1er janvier prochain. Les services de police et de justice sont très mobilisés sur cette question. Il n`y a pas de progrès de la démocratie sans combat contre la violence. Ne pas la combattre, c'est la légitimer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) INTERDICTION DES COUPURES D'ÉLECTRICITÉ M. Jean-Pierre Kucheida - Notre pays souffre de nombreux maux, chômage, bas salaires, misère qui s'étend... Plusieurs députés UMP - Socialisme ! M. Jean-Pierre Kucheida - Les coupures de courant sont de plus en plus nombreuses, laissant des familles avec enfants sans le confort minimum. C'est pourquoi, avec plusieurs dizaines de maires dans le Pas-de-Calais, j'ai pris un arrêté interdisant les coupures de courant dans le cas des personnes dont la bonne foi ne peut être mise en cause, c'est-à-dire de celles qui rencontrent de vraies difficultés. La valeur juridique de cette mesure est aujourd'hui contestée par le préfet et par EDF. Mais vous savez tous que la loi suit les évolutions de la société. Avec d'autres députés, j'ai donc déposé une proposition de loi tendant à créer une « couverture énergie universelle » qui serait la manifestation de notre solidarité avec ceux qui sont dans le besoin. Je souhaite que l'ensemble de mes collègues s'y associent. En 2005, EDF va reverser au budget de l'Etat la somme de 7 milliards d'euros : c'est une partie de son excédent d'entreprise publique. Tous les maires connaissent cette situation. Nous devons, collectivement, faire preuve d'humanité. Monsieur le Premier ministre, au moment nous entamons l'examen du plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo, comptez-vous prendre des mesures pour mettre fin à cette situation intolérable ? Comptez-vous inscrire ma proposition à l'ordre du jour parlementaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion - Nul ne peut être insensible aux difficultés des personnes en détresse. Plusieurs dispositions ont été prises concernant leur alimentation électrique. Des conventions « solidarité énergie » entre l'Etat, les collectivités locales, EDF et GDF ont été signées dans tous les départements. Elles ont permis la mise en place d'un système d'ingénierie financière et de prévention des impayés. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Ecoutez, cela va vous intéresser. En 2004, l'Etat a consacré plus de 11 millions à ce dispositif. A vous qui avez l'air de savoir beaucoup de choses, il ne vous a pas échappé que c'est ce gouvernement qui a créé, par le décret du 8 avril 2004, le tarif social de l'électricité. C'est ce gouvernement et ce n'est pas vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Ce tarif de première nécessité, réservé aux foyers les plus modestes, est accordé pour un an. Il est modulé selon la composition de la famille. Ce dispositif, qui concerne 1,6 million de foyers, prévoit un accompagnement social sur le terrain. Préoccupée par ce problème, je vais rencontrer M. Gadoneix prochainement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) Chaque fois que le problème se pose, les services sociaux de chaque commune sont alertés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) DISCRIMINATIONS EN MATIÈRE DE LOGEMENT M. René-Paul Victoria - Monsieur le ministre délégué au logement, conformément à la Constitution, les populations d'outre-mer vivent au sein de la République française dans un idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité. Or nos compatriotes originaires des DOM qui résident en métropole sont confrontés à de nombreuses discriminations. Récemment, un jeune Réunionnais s'est vu refuser un logement au motif que sa caution provenait de l'île de La Réunion. Or la monnaie est la même qu'en métropole et les banques d'outre-mer sont presque toutes des filiales des banques nationales. Quelles mesures comptez-vous prendre pour mettre fin à ces injustices ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville - La réalité que vous décrivez est inacceptable. J'ai rencontré ce matin les membres du Conseil national de l'habitat auquel j'avais commandé un rapport sur les discriminations en matière d'accès au logement. Je le tiens à la disposition de tous les parlementaires. Il apparaît que la situation est beaucoup plus grave que nous pourrions le penser. Le Premier ministre a pourtant donné à Mme Girardin les moyens de créer le « passeport logement » pour aider les jeunes originaires des DOM-TOM. Dans le cadre du plan de cohésion sociale, nous avons signé un accord important avec les organismes du « 1 % logement ». Nous sommes d'accord sur le discours, mais il est temps d'agir. Jean-Louis Borloo a demandé à tous les ministres du pôle de cohésion sociale de s'y employer. Les décisions seront prises avant la fin de l'année. J'en appelle à la représentation nationale, au nom de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF) DANGERS DES DÉSODORISANTS D'INTÉRIEUR Mme Nathalie Kosciusko-Morizet - Monsieur le ministre de la santé, les désodorisants d'intérieur sont-ils dangereux ? Nos compatriotes sont nombreux à se poser la question, depuis qu'une grande association de consommateurs a publié une étude portant sur trente-cinq produits parmi les plus vendus : diffuseurs de parfum, cônes, bâtonnets d'encens... Bon nombre d'entre eux chargent l'air de substances dangereuses, cancérigènes ou allergènes. Les quantités présentes dans l'air ambiant peuvent être cent fois supérieures aux seuils recommandés. Nous vous savons sensibles aux questions de santé environnementale. Le Gouvernement s'est déjà mobilisé dans ce domaine, en juin, pour lancer le plan que vous avez élaboré avec les ministres de l'écologie et de la recherche. Mais aujourd'hui cette nouvelle étude s'ajoute aux nouvelles alertes lancées tant par la communauté scientifique que par les ONG environnementales sur la dangerosité de certaines substances chimiques, contenues notamment dans les produits de la grande consommation. Face au caractère sensationnel de ces informations très médiatisées, le risque est grand de déclencher une véritable panique, d'autant plus que le manque d'études épidémiologiques nous empêche de discerner le vrai du faux. Dans ce contexte, y-a-t-il lieu d'adopter une signalisation particulière ? Au-delà, quelles mesures allez-vous prendre pour lutter contre l'impact des pollutions chimiques sur la santé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) . M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Nous sommes amenés à respirer près de 30 000 substances chimiques dans notre vie quotidienne, et le Gouvernement agit dans trois directions. Tout d'abord, avec Serge Lepeltier, nous avons demandé à l'Agence Française de Sécurité Sanitaire Environnementale de définir à quelle concentration certaines substances chimiques pouvaient s'avérer dangereuses. Ensuite, avec Christian Jacob, nous agissons sur l'étiquetage et partant, sur l'information des usagers. Enfin, l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur rendra une étude effectuée sur 710 logements. Ce gouvernement est leader sur le projet européen qui consiste à analyser et règlementer 30 000 substances chimiques dans notre vie quotidienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Bruno Le Roux - Monsieur le ministre de l'Education, nous avions la crainte que votre projet sur l'éducation ne soit qu'un leurre. Malheureusement, vos incohérences nous donnent raison. Comment pouvez-vous ainsi parler d'un projet pour l'école, quand il n'y est question ni de la petite enfance, ni de l'enseignement supérieur ? Comment parler d'aide aux enfants en difficulté sans tenir compte de tous les réseaux d'aide spécialisée ? Comment, enfin, avez-vous pu oublier à ce point les parents ? Depuis trois ans, votre désengagement budgétaire est une constante : 60 000 postes ont été supprimés dans l'Education nationale et le rythme des recrutements est désormais inférieur au rythme des départs à la retraite. Dans mon département de la Seine-Saint-Denis, les postes vacants ne sont plus pourvus, et les élèves peuvent se retrouver de longues semaines sans personne devant eux ! Le 14 juillet dernier, le Président de la République promettait une loi de programmation. Votre projet n'est qu'une loi d'orientation qui ne répondra pas aux attentes. Vous avez pris l'habitude de vous complaire dans la rhétorique de l'héritage. Quant à nous, nous sommes fiers d'avoir fait du budget de l'Education le premier budget de la nation lorsque nous étions aux affaires. Etes-vous pessimiste sur les prochains arbitrages budgétaires pour manquer à ce point d'ambition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Vous pourriez être fiers si les résultats de cette politique avaient été au rendez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). La caricature que vous faites vous prive de la possibilité de peser sur l'écriture du projet de loi d'orientation, qui doit être l'affaire de tous. D'autre part, vous n'êtes pas cohérent, car vous aviez déjà défendu plusieurs des propositions que nous vous soumettons aujourd'hui lorsque vous étiez aux affaires. Un document du parti socialiste « L'excellence pour tous » ne prétend-il pas que tous les jeunes de cinq à six ans devraient maîtriser un socle commun de connaissances ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous avons choisi, avec le Premier ministre et le Président de la République, de rendre l'école plus juste et plus efficace. Tous les objectifs fixés par la loi de 1989, sur la réduction des inégalités, n'ont pas été atteints, et nous occupons la dernière place au niveau européen pour l'apprentissage des langues. Afin de répondre à ces deux défis, nous avons retenu la proposition phare du rapport Thélot, qui consiste à transmettre aux enfants un socle de connaissances fondamentales, grâce à une pédagogie personnalisée, et des moyens supplémentaires : trois heures de soutien supplémentaires seront ainsi organisées dans le cadre d'un contrat individuel de réussite éducative, qui sera préparé avec les élèves, les enseignants, mais aussi les parents ! Par ailleurs, nous allons rendre l'apprentissage des langues plus précoce, et rénover la pédagogie, en insistant sur l'expression orale, en dédoublant les classes, et en créant des niveaux indépendants des classes. L'école doit se moderniser, et je le ferai avec tous ceux qui en ont la volonté. J'aimerais vous compter parmi eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) . Mme Michèle Tabarot - Monsieur le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, vous avez présenté, il y a quelques semaines, aux députés, membres du groupe d'étude parlementaire sur l'adoption, les grands axes de votre prochaine réforme de l'adoption internationale. En 2003, sur les 5 000 adoptions réalisées par des Français, 4 000 l'ont été à l'étranger, dans plus de 70 pays. Pour éviter toute dérive, la France doit être attentive au respect des législations internationales, et notamment à la Convention de La Haye, sur la protection des enfants. Le Gouvernement a du reste pris ses responsabilités, en interdisant l'adoption dans certains pays qui n'offraient pas de garanties suffisantes sur l'origine de ses enfants. A ce titre, la France a décidé de suspendre les démarches au Cambodge le 31 juillet 2003, plongeant certains parents dans le désespoir car ils ne peuvent faire venir en France les enfants avec lesquels ils ont commencé à nouer des liens intenses. Est-il envisagé de rouvrir - totalement ou partiellement - l'adoption au Cambodge dans un futur proche ? Des efforts diplomatiques ont-ils été entrepris pour résoudre les quelques dossiers en attente de règlement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères - Madame la députée, merci pour le travail remarquable que vous accomplissez au sein de votre commission sur ce sujet particulièrement difficile. De mille adoptions réparties dans dix pays dans les années 1980, on en est aujourd'hui à quatre mille adoptions dans soixante dix pays, cependant qu'environ vingt-trois mille demandes restent non satisfaites. Il s'agit donc d'une question particulièrement sensible pour toutes les familles concernées. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a souhaité réformer la procédure de l'adoption internationale. Il a confié cette tâche à Mme Roig, qui présentera un texte courant 2005. S'agissant du Cambodge, nous avons été conduits à décider d'un moratoire sur les procédures d'adoption en juillet 2003 car nous étions confrontés à une multiplication très préoccupante de pratiques s'apparentant à du trafic d'enfants et à de la corruption, et nous ne pouvions évidemment pas les cautionner. J'ai rencontré hier le ministre de l'intérieur cambodgien et M. Darcos se rendra sur place dans le courant du mois prochain. Je vous suggère d'ailleurs de l'accompagner dans ce déplacement. Ce pays ami doit se doter d'un outil législatif lui permettant de respecter la convention de La Haye. Enfin, je demanderai au Premier ministre que l'on étudie les douze cas en souffrance recensés au ministère avec toute l'humanité requise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) RÉSORPTION DES ZONES BLANCHES DE TÉLÉPHONIE MOBILE M. Pierre Morel-A-L'Huissier - La téléphonie mobile est au cœur des préoccupations du Gouvernement. En témoignent les différentes décisions prises pour combler les lacunes du gouvernement précédent : lancement d'un plan d'action nationale en juillet 2003 pour faire suite au CIADT du 13 décembre 2002, décret du 14 novembre 2003 relatif aux aides à consentir aux collectivités territoriales en vue de la location d'infrastructures destinées à supporter des réseaux de téléphonie mobile, déblocage de 44 millions en faveur des collectivités, obtention - en janvier 2004 - de l'accord de la Commission européenne pour la mobilisation des crédits européens du FEDER sur ces investissements, adoption de la loi pour la confiance dans l'économie numérique le 13 mai 2004 consacrant les principes d'itinérance et de polyvalence, mobilisation du FCTVA sur les investissements consentis par les collectivités territoriales pour l'implantation des infrastructures, ce qui représente un effort de 20 millions, lequel pourrait être poursuivi jusqu'en décembre 2006, comme le demandait un amendement au PLF que j'ai cosigné avec Louis Giscard d'Estaing. Aujourd'hui, les collectivités s'engagent, à l'image du Conseil général de la Lozère qui a signé vendredi dernier un protocole avec les trois opérateurs de téléphonie mobile en vue d'assurer la couverture de l'ensemble du département, et en particulier des zones les plus isolées. Monsieur le Secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire, où en est le plan de résorption des zones blanches ? Pouvez-vous confirmer aux trois opérateurs que l'objectif reste bien de couvrir l'ensemble du territoire dans les meilleurs délais ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire - Le plan zones blanches vise à couvrir 3 000 communes, dont 1 800 au cours de la phase I lancée en juillet 2003 - et requérant un engagement conjoint de l'Etat, des collectivités territoriales et des opérateurs -, et 1 200 au titre de la deuxième phase, dont le financement repose exclusivement sur les opérateurs. Où en sommes nous ? Il faut dix-huit mois pour parvenir à ériger un pylône en état d'émettre et un tel délai n'est guère justifié. Aujourd'hui, seulement 40 % des accords entre les collectivités et les opérateurs sont réellement engagés. Avec Gilles de Robien, nous avons demandé aux préfectures et aux DDE de tout mettre en œuvre pour accélérer la couverture des zones blanches. Que ce soit en Lozère ou sur l'ensemble du territoire, l'engagement du Président de la République sera tenu : en 2007, tous les Français pourront utiliser le téléphone mobile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement. La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20 sous la présidence de M. Yves Bur. PRÉSIDENCE de M. Yves BUR vice-président SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION M. le Président - La commission de la défense a décidé de se saisir pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2004. Acte est donné de cette communication. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, de programmation pour la cohésion sociale. Mme Muguette Jacquaint - La cohésion sociale implique un discours commun reposant sur des valeurs partagées avec pour objectif la réduction des inégalités. Chaque citoyen devrait pouvoir participer à une entreprise commune, parce qu'il appartient à la même collectivité - alors qu'aujourd'hui des millions de gens sont exclus. La promotion de l'égalité des chances a évidemment toute sa place dans ce projet de loi, mais les mesures que vous proposez sont loin de nous satisfaire. Aussi consacrerai-je mon propos à ce qui pourrait constituer deux des piliers d'une politique de promotion de l'égalité des chances digne de ce nom : la lutte contre l'échec scolaire et l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Sur le premier point, vous proposez la création d'équipes de réussite éducative, ce dont on ne peut que se réjouir. S'il existe un domaine où la réussite éducative est au cœur d'un projet interdisciplinaire mobilisant une équipe d'horizons divers, c'est bien celui de l'accompagnement scolaire. Mais il est peu pris en compte dans votre projet. Les dispositifs d'accompagnement scolaire se sont considérablement développés depuis le début des années 1980, avec d'ailleurs une extrême diversité de dénominations. Les plus institutionnalisés sont les animations éducatives périscolaires, les réseaux solidarité école, l'école ouverte, et, tout récemment, les contrats locaux d'accompagnement scolaire. Il faut y ajouter les «coups de pouce en lecture-écriture», les dispositifs «un pour un», les aides à domicile organisées par l'Association française des étudiants pour la ville ou le Secours Catholique, le dispositif PACQUAM à Marseille, etc. Ces dispositifs reçoivent de plus en plus d'élèves, de la maternelle au lycée. Les périodes au cours desquelles l'accompagnement scolaire est proposé sont de plus en plus étendues sur l'année. Les activités proposées relèvent tant de l'appui aux apprentissages scolaires que de l'aide au travail scolaire, des animations culturelles à vocation de développement cognitif ou d'acquisition méthodologique, ou encore du sport. Les animateurs se caractérisent eux aussi par une grande diversité : professionnels de différentes institutions appartenant généralement - mais pas toujours - à la sphère du travail social, salariés employés par des associations, bénévoles étudiants, retraités ou autres adultes... Ces dispositifs concernent les enfants, mais aussi les parents : ils travaillent à les rapprocher de l'école et à leur permettre de mieux s'y impliquer. L'accompagnement scolaire est depuis longtemps reconnu par l'éducation nationale et par les parents comme un moyen efficace d'aide à la réussite de leurs enfants. Ils ne conçoivent pas ces mesures comme un droit, mais comme une aide supplémentaire, efficace et juste, qui prend en compte les difficultés de certaines familles. Les incidences sur la scolarité peuvent être appréciées à partir des résultats scolaires, mais aussi en termes de rapport à l'école et aux apprentissages et d'amélioration du comportement des élèves. Au regard de ces éléments positifs, je souhaiterais, Monsieur le ministre quelques éclaircissements sur la place accordée à l'accompagnement scolaire gratuit dans la composition des équipes de réussite éducative. J'en viens aux femmes salariées en congé de maternité et aux salariés en congé parental. Ils bénéficieront de droits, d'un entretien sur leur orientation professionnelle dès leur réintégration dans l'emploi et d'un accès facilité au droit individuel à la formation. J'observe toutefois qu'il s'agit là d'une transcription restrictive et très insuffisante de l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004. Ce chapitre très important à mes yeux aurait mérité des propositions législatives plus ambitieuses : ce sera l'objet de notre amendement. Le nombre des femmes actives atteint 12 millions, pour 14 millions d'hommes. En quarante ans le nombre d'hommes sur le marché du travail a augmenté d'un peu plus d'un million, alors que celui des femmes progressait de 5,5 millions. Aujourd'hui 80% des femmes âgées de 25 à 49 ans travaillent et le taux d'activité des femmes de 15 à 65 ans atteint près de 62 %, contre 74 % pour les hommes. Les emplois féminins sont toutefois concentrés dans six grands domaines professionnels -services administratifs, services aux personnes, vente, distribution, services aux entreprises et collectivités, intervention sociale et culturelle - qui regroupent à eux seuls 6,2 millions de femmes actives. Cette situation s'explique en partie par l'orientation scolaire des jeunes filles. En effet, si elles réussissent plutôt mieux que les garçons dans le système éducatif, elles sont orientées différemment. Les professions féminines continuent en fait de se féminiser et les professions masculines d'être occupés par des hommes. En outre, plus les emplois jusque là occupés par les hommes deviennent précaires, dévalorisés et sous-payés, plus les hommes les abandonnent : ils deviennent un réservoir d'emploi féminin, qui à son tour précarise, dévalorise et sous-paye les femmes. D'où parfois la pauvreté reconnue des femmes qui travaillent. Les femmes sont surreprésentées dans les filières littéraires, économiques et sociales, mais quasiment absentes dans les filières sciences et technologies industrielles où elles ne sont que 8 %. Dans les Instituts universitaires de technologie, les femmes sont rares : 5 % en électronique ou en mécanique, 10 % en informatique ou en génie civil. Globalement, dans les trois cycles universitaires, les femmes sont désormais majoritaires avec 55,2 %. Cependant, en sciences, elles ne représentent que 41 % des effectifs du premier cycle et 35 à 36 % des second et troisième cycles. Dans les classes préparatoires scientifiques, la part des femmes est de 27,2 % ; elle est de 23,6 % dans les écoles d'ingénieurs. On remarque aussi une moindre utilisation de la formation continue par les femmes, un taux de chômage supérieur, quel que soit le niveau de diplôme et une surreprésentation des femmes dans « les formes particulières d'emploi » marquées par la flexibilité et la précarité : CDD, emplois aidés ou temps partiel contraint. Il est frappant de constater combien, dans les discours actuels à propos du chômage, la plus grande vulnérabilité des femmes ne fait pas l'objet de mobilisations particulières. Aujourd'hui, 83 % des actifs à temps partiel sont des femmes. Parmi les salariés, une femme sur cinq contre un homme sur trente-deux travaillent à temps partiel, le plus souvent parce que cette forme d'emploi est imposée par les employeurs. Le temps partiel constitue ainsi une forme de sous-emploi, au service de la flexibilité et tendant à dévaloriser le travail des femmes par rapport à celui des hommes - je vous renvoie à ce propos aux recommandations de la Délégation aux droits des femmes de notre assemblée - d'autant que subsiste un écart salarial. La loi du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes visait à renforcer les outils de la loi du 13 juillet 1983 en développant le dialogue social sur l'égalité professionnelle. La définition par décret d'indicateurs chiffrés relatifs aux conditions d'emploi, aux rémunérations, à la formation et aux conditions de travail devait permettre d'étoffer le rapport sur la situation respective des hommes et des femmes sur le marché du travail. L'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 entendait promouvoir cette égalité professionnelle. Lutter contre les stéréotypes et le harcèlement sexuel, faire prendre conscience des atouts de la mixité, encourager la mobilité et l'égalité salariale sont autant d'ambitions qui auraient dû s'inscrire dans votre projet. L'accord recense toutes les manifestations insidieuses de discrimination et les moyens de les combattre. Pourquoi ne pas avoir repris ses dispositions dans la loi ? Je ne puis croire qu'il relève du seul champ réglementaire : la loi relative à la formation tout au long de la vie s'est largement appuyée sur la transcription d'un accord national interprofessionnel. Je pense plutôt à un manque de courage politique. Aussi suis-je impatiente d'entendre vos explications. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) M. Jean Le Garrec - Nous engageons un débat difficile, que nous avons décidé de mener en équipe. Cela ne gênera pas l'ancien pilier de rugby que vous êtes, Monsieur Larcher. (Sourires) M. Le Bouillonnec, Mme Mignon, M. Paul développeront donc à tour de rôle les différents aspects de votre texte. M. Roy s'est livré hier, à partir de son expérience de député du Nord, à une première intervention globale. M. Gorce conclura. Tout comme ceux de M. Roy, les propos de Mme Jacquaint nous livrent une vision très réaliste de la société. Je ne doute ni de la sincérité de M. Borloo, ni de la vôtre : ce serait vous faire injure. Vous êtes convaincus de répondre à une situation de fracture sociale dont vous portez pourtant la responsabilité. Je doute encore moins de l'expérience du maire de Valenciennes que fut M. Borloo. Le problème n'est pas là. J'irai même plus loin : je souhaite votre réussite, car je n'ai pas envie de fonder mon combat politique sur les dégâts que vous aurez laissés. Mais je n'y crois pas - non pour des raisons bassement politiciennes, mais parce que je pense que vous n'en avez pas les moyens. Permettez-moi de remercier au passage Mme la rapporteure, qui a fait un effort méritoire de décryptage de ce texte. Si je ne crois pas à votre réussite, c'est d'abord parce que vous appartenez à un gouvernement qui a fait d'énormes dégâts. En deux ans, vous avez tout démoli : emplois-jeunes... M. Pierre-Louis Fagniez - Vous y croyez ? M. Jean Le Garrec - Absolument. 35 heures, intéressement pour les Rmistes souhaitant retrouver un emploi, journée de corvée - on invoque la solidarité pour justifier ce qui est une aberration sociale et économique... M. Jean-Paul Anciaux - La moitié de l'Europe l'a fait ! M. Jean Le Garrec - ...RMA - la rapporteure n'a eu de cesse de dénoncer, avec notre soutien, un sous-contrat de travail. Vous n'avez pas retenu ses propositions, et vous vous apercevez maintenant que nous avions raison. Mme Christine Boutin - Eh oui ! M. Jean Le Garrec - Ces erreurs, vous les avez faites alors même qu'il s'agissait de lutter contre la discrimination et contre les inégalités. Et je n'ai pas oublié que je fus le rapporteur d'une grande loi de lutte contre les inégalités. Je me souviens du parcours Trace, que Mme Mignon était chargée de mettre en place. M. Borloo s'inquiète à juste titre que le record de chômage en France soit détenu par les moins de vingt-cinq ans. M. Jean-Paul Anciaux - Depuis longtemps ! M. Jean Le Garrec - Le parcours Trace ambitionnait justement de ramener à l'emploi les fils et les petits-fils de la sidérurgie. C'était une tâche difficile qui exigeait continuité et volonté. Nous en étions d'ailleurs arrivés à la conclusion qu'il fallait créer un pré-parcours Trace. Tout cela a disparu ! Je suis incapable de vous dire ce que devient aujourd'hui le parcours Trace. Je sais l'échec du Civis. M. Patrick Roy - Ils n'en disent rien ! M. Jean Le Garrec - Du travail considérable que nous avions amorcé, il ne reste rien. Nous avions pourtant réussi à diminuer sensiblement le nombre des chômeurs rmistes et celui des chômeurs de moins de vingt-cinq ans. Vous appartenez donc à un gouvernement qui porte cette responsabilité. Comment pourriez-vous faire aujourd'hui ce que vous n'avez pas su faire hier ? M. Borloo, et je le comprends, a voulu faire vite : il mesure les conséquences des erreurs qui ont été faites pendant deux ans. Mais vous avez fait si vite, Monsieur le ministre, que vous n'avez pas pris le temps de construire : vous faites dans la complexité, vous renvoyez à des décrets et autres règlements. Prenons l'exemple du contrat d'accompagnement pour l'emploi. Regrouper les CES et les CEC, considérer l'ensemble que cela peut constituer avec les CIE, pourquoi pas ? Mais les enveloppes sont fongibles, on ignore qui les définira et les critères sont multiples. Le rapport ne me dit pas comment les mettre en œuvre. Très franchement, j'aurais préféré que vous vous donniez deux ou trois mois de plus sur ce texte. Même chose pour le contrat d'avenir : on ignore totalement quels seront les niveaux de responsabilité de la commune et du département. Je vous souhaite bien du plaisir pour vous y retrouver. Mais pendant ce temps, la situation continuera à s'aggraver. Vous dites qu'il pourra y avoir des corrections pour tenir compte des situations particulières. Je constate néanmoins que ce Gouvernement supprime la péréquation hospitalière pour le Nord Pas-de-Calais, mécanisme que j'avais créé avec Mme Aubry pour corriger les inégalités de santé. Comprenez que cela alimente ma méfiance. En ce qui concerne l'emploi, j'aurais préféré que l'on parte de la réalité du bassin d'emploi et des PLI pour construire quelque chose d'adapté à chacune des missions des maisons de l'emploi. Cela pouvait être fait sous l'autorité du sous-préfet, avec l'appui de l'ANPE et des ASSEDIC. Vous avez choisi une architecture plus complexe. Autre reproche, Monsieur le ministre : vos financements sont fragiles. Et surtout, vous ne pourrez pas, quelle que soit votre imagination, remédier aux effets d'une politique économique désastreuse et à contresens, une politique économique qui, au lieu d'aller à l'essentiel et de soutenir la demande, emprunte les chemins tortueux d'un libéralisme mal digéré. La démobilisation des animateurs sociaux m'inquiète. L'ANPE avait fait de grands progrès et le PARE permettait de construire quelque chose. Que devient-il ? Je n'en sais rien. Que deviennent les conventions négociées ? Je ne le sais pas non plus. J'aurais vraiment voulu faire des remarques plus apaisantes, car je connais l'angoisse et la peine d'une partie du corps social. Je sais que beaucoup d'animateurs sociaux baissent les bras, avec le sentiment d'une course sans fin. Tout ce qu'a fait et défait le Gouvernement pendant trois ans a contribué à cette démobilisation. Vous avez une lourde charge, Mesdames et Messieurs les ministres, et je souhaite que vous réussissiez, étant entendu que je préfère vous battre sur un programme d'avenir que sur vos échecs. Mais je crains que vous ne vous soyez pas donné les moyens de réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Rodolphe Thomas - II y a dix-huit mois, nous débattions de la loi de rénovation urbaine, dont l'objectif était que la politique de la ville permette à chacun d'entre nous d'assurer le développement des quartiers défavorisés et de répondre à une population trop longtemps marginalisée. Nous regrettions alors l'absence d'un pilier social pour cette politique de la ville : c'est aujourd'hui chose faite avec le plan de cohésion sociale. Tout en regrettant que la politique de la ville ne mobilise pas encore suffisamment les acteurs politiques régionaux, je me félicite de la prolongation du programme de rénovation jusqu'en 2011. Le premier pilier du plan de cohésion sociale étant l'emploi, je suis heureux de constater que l'exonération fiscale que j'ai initiée au travers de la loi du 1er août 2003 est confirmée. Cette aide financière est apportée aux associations qui luttent quotidiennement contre l'exclusion dans nos quartiers. Il en est de même de la clause d'insertion dans les marchés publics. Au moment des débats, ma proposition avait soulevé quelques réticences, mais son adoption prochaine par l'ANRU traduit bien le lien indéfectible entre rénovation urbaine et cohésion sociale. Cette clause d'insertion est au cœur même de ce que les bénéficiaires attendent, c'est-à-dire une véritable passerelle vers l'emploi durable. L'économie est bien un facteur de cohésion. En 2003, lors de l'examen du projet sur la création du CI-RMA, le groupe UDF avait proposé toute une série d'amendements afin de rendre plus attractif ce nouveau contrat pour les bénéficiaires potentiels mais aussi pour les entreprises. Force est aujourd'hui de dresser un constat d'échec, car seulement quelques centaines de RMA ont été conclus. Le plan de cohésion sociale tente de remédier aux faiblesses du dispositif initial, mais pourquoi ne pas aller plus loin ? Nous présenterons des amendements tendant à réduire la différence de traitement entre les employeurs du secteur public - avec le contrat d'avenir - et ceux du secteur privé - avec le CIRMA. Il convient en effet de faire plus confiance au secteur marchand en matière d'insertion. Mais qu'ils soient en direction du secteur public ou du secteur marchand, les contrats aidés ne seront efficaces que s'il existe un véritable décloisonnement des services de l'emploi. La création des maisons de l'emploi va dans ce sens. Il faudra mettre en phase l'offre et la demande d'emploi en tenant compte des particularités de chaque bassin d'emploi. Je crois aussi qu'il conviendrait d'associer à cette démarche les organismes consulaires, qui représentent les entreprises. Cela étant, toute modernisation de ce secteur sera vaine si l'on ne réforme pas à la base notre système d'orientation scolaire. Pourquoi attendre le débat sur la réforme de l'école pour évoquer ce sujet majeur ? L'orientation par l'échec est une pratique que nous sommes nombreux à dénoncer. Seule une politique volontariste d'orientation vers l'alternance et l'enseignement professionnel permettra de reconsidérer cette voie incontestable de réussite. Si nous voulons atteindre le chiffre de 500 000 contrats d'apprentissage, il faut nous en donner les moyens et réformer la gestion des CIO qui sont au cœur même de l'orientation de tous les adolescents. Concernant le volet logement, je tiens à saluer le travail de la commission des affaires sociales du Sénat, qui a enrichi le projet de mesures très attendues en la matière, à savoir l'intégration du montant du loyer dans le calcul du reste à vivre par la commission de surendettement ainsi qu'une meilleure prise en compte des dettes locatives dans le cadre des procédures de surendettement. La cohésion sociale passe par l'intervention des communes. En matière de rénovation urbaine, de réussite éducative, d'emploi et d'insertion, la commune sera sollicitée financièrement, même si elle n'est pas pilote. Or, ses recettes - fiscales, notamment - ne sont pas toujours à la hauteur des besoins. Il est donc heureux que la reforme de la dotation de solidarité urbaine lui donne les moyens de mettre en œuvre les programmes nationaux définis par le Gouvernement et votés par nous. Pour conclure, rappelons que les entreprises ont un rôle majeur à jouer dans la formation et l'insertion, qu'il s'agisse de l'apprentissage ou de l'embauche de personnes sous CI-RMA. Nous ne devons pas tout attendre des collectivités locales et du secteur public. Il faut ramener une partie de l'insertion à la dimension économique. Pour cela, il faut être juste avec les «entreprises citoyennes » qui s'engagent dans la voie de l'insertion et leur donner les mêmes avantages qu'aux employeurs du secteur non marchand. A même mission d'insertion, mêmes moyens! Faisons enfin confiance au secteur privé ! Et ne nous contentons pas d'attendre la croissance économique ! Aujourd'hui, Monsieur le ministre, vous nous proposez des mesures volontaristes en matière d'emploi, de logement, d'apprentissage. Le groupe UDF vous proposera des amendements dans le même esprit, en espérant être entendu, sachant que l'enjeu de ce débat est crucial puisqu'il s'agit de la lutte contre le chômage structurel et contre les exclusions qui en découlent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP) Mme Janine Jambu - « Créer un service public national et décentralisé du logement, relevant de la responsabilité de l'Etat, chargé de la mise en œuvre du droit au logement partout et pour tous, sans conditions de ressources », tel est l'objet du premier amendement que nous avons déposé sur le titre II de votre projet, pour affirmer une démarche opposée à celle qui sous-tend le volet logement. En effet, il entérine le désengagement de l'Etat de cette mission fondamentale, assurer un toit à chacun. La décentralisation que le Premier ministre a fait passer en force signifie dans ce domaine l'atomisation de la solidarité nationale. Devant cette politique du fait accompli, nous ne nous résignons pas. D'ailleurs, dans leur récent congrès, les maires de toutes tendances se sont opposés à cette décentralisation qui consiste à recevoir plus de charges sans moyens supplémentaires. Dans le domaine du logement, tous les dispositifs sont transférés - contingent préfectoral, aides à la pierre, logement étudiant, FSL, prévention des expulsions et, avec le conventionnement global, la détermination des loyers, du peuplement, de la qualité et de l'entretien du parc. Cette délégation ne vise pas à répondre aux besoins, mais correspond à ce que j'appellerai la pénurie libérale : baisse de l'investissement public, abandon des critères assurant l'égalité d'accès et la solidarité nationale et entre territoires. Selon que vous serez puissant ou misérable, vous accèderez ou non au logement confortable... Comment dès lors parler de cohésion sociale ? Notre pays vit une désintégration sociale, que décrit le Secours catholique. Travailler ne suffit pas à vivre correctement avec sa famille. Sous les coups de boutoir du Medef, le nombre des travailleurs pauvres s'accroît. Les propositions du titre I aggravent cette situation. Le titre II ne répond ni aux besoins des ménages les plus pauvres ni à ceux des salariés dans les grandes agglomérations. En effet, les moyens consacrés à l'hébergement, au logement temporaire, à la construction sociale sont simplement remis à niveau. Nous savons ce qu'est l'austérité budgétaire, et les objectifs affichés pour le logement n'ont jamais été atteints. Il faut donc donner une impulsion nouvelle à la construction sociale. Cela suppose une véritable volonté politique pour agir sur les déséquilibres et combattre les égoïsmes, et promouvoir un logement moderne accessible à tous. Dans les Hauts-de-Seine, Neuilly, Antony, Rueil, Courbevoie, Vaucresson... M. Alain Bocquet - Toutes villes pauvrement riches ! Mme Janine Jambu - ...comptent 75000 demandeurs de logement. M. Gilbert Biessy - Mais elles n'appliquent pas la loi SRU ! Mme Janine Jambu - Exactement. La construction sociale atteint péniblement 1 595 logements en 2003, soit moins qu'en 2002 et 2001. Le préfet a présenté comme une ambition forte d'atteindre 2500 constructions annuelles en rythme de croisière. Dans un département où quelques communes concentrent l'essentiel du parc social, où l'article 55 de la loi SRU est voué aux gémonies et où domine la promotion immobilière privée, est-ce crédible ? En réalité, nous sommes face à une grave pénurie. Comme le souligne l'Union sociale de l'habitat, allonger la liste des priorités ne résout pas la pénurie, et les moyens d'accompagnement manquent pour accueillir les exclus. C'est d'autant plus vrai lorsque l'Etat transfère le contingent préfectoral aux maires et que son représentant est complètement désengagé de la prévention des expulsions. Nous défendrons des amendements pour qu'il tienne toute sa place dans ces deux domaines. Nous proposerons aussi d'augmenter les moyens et les objectifs quinquennaux de construction, tout en limitant la part des PLS, qui ont vos faveurs, mais tirent la construction sociale vers les prix du marché. Mme Odile Saugues - C'est vrai. Mme Janine Jambu - Ce que nous voulons c'est un seul produit de logement social, bénéficiant d'une solide aide à la pierre accueillant une population diversifiée et recevant des aides à la personne modulées selon leur taux d'effort. Maintenir les aides au logement lorsqu'un protocole pour résorber les impayés permet la signature d'un nouveau bail est déjà un premier pas. Mais nous demandons que ces aides soient revalorisées et que le mois de carence et le seuil de non versement soient supprimés. Le médiateur de la République a souligné que ne plus verser les aides inférieures à 24 euros portait préjudice aux familles modestes. Allez-vous mettre fin à cette situation en instituant un versement semestriel ou annuel ? S'agissant de la prévention des expulsions, le ministre a rassuré les congressistes de l'Union nationale de la propriété immobilière, en leur confirmant que le parc privé n'est pas concerné, au nom du respect du droit de propriété. Mais la cohésion sociale ne peut laisser de côté les locataires du parc privé, et nous proposerons par amendement qu'ils bénéficient d'un dispositif semblable à celui du public. Sinon, à quoi bon inclure le secteur privé dans l'effort social requis de tous les bailleurs ? On leur accorde de toute façon de nouveaux avantages fiscaux. Mais je doute de la capacité de l'ANAH à remplir les missions qui lui sont confiées. Le projet ne donne non plus aucune garantie sur le sort des locataires à l'expiration des conventions. Enfin, nous souhaitons y faire figurer des mesures d'interdiction de coupure de gaz et d'électricité, qui peuvent conduire à des drames. Ce qu'il nous faut, c'est une véritable sécurité sociale du logement pour cimenter la cohésion sociale. Mais malgré vos effets de manche, ce n'est pas le sens de votre politique, qui privilégie le marché, l'égoïsme ultra-libéral et le démantèlement des protections sociales. Nous la combattrons à travers l'examen de ce titre II. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) M. Bernard Perrut - La cohésion sociale est au cœur de l'action du Gouvernement et, avec le plan Borloo, il prend à bras-le-corps à la fois les problèmes de l'emploi, de la formation professionnelle et du logement. Le Gouvernement a fait de l'emploi sa priorité. Trop longtemps, des mesures ponctuelles ont été peu efficaces. Depuis 2002 et les contrats jeunes en entreprise, aujourd'hui avec le plan de cohésion sociale, nous allons dans le bon sens. Le traitement social du chômage a trop souvent dérivé vers l'assistanat, sans création d'emploi. Aujourd'hui, ce texte opère un subtil dosage entre les droits et les devoirs dans une société où doit régner l'égalité des chances. La cohésion sociale nécessite la mobilisation de tous. Jean-Louis Borloo a justement parlé de réconcilier l'économique et le social. Il ne peut y avoir de croissance sans cohésion sociale. Les premiers moyens de financement ont déjà été adoptés par l'Assemblée nationale. Nous connaissons tous, dans nos villes, des personnes de tous horizons qui peinent à vivre et même à survivre : leurs récits poignants sont pour nous une motivation supplémentaire d'agir vite. La mobilisation en faveur de l'emploi est nécessaire. Il fallait réformer en profondeur notre politique de l'emploi, ce qui passe par une refonte du service public de l'emploi, et notamment de l'ANPE dont le statut devra être modifié. Le dossier unique de demandeur d'emploi va simplifier les demandes. La mise en place des Maisons de l'emploi est une avancée. Il ne s'agit pas d'une nouvelle structure mais d'une organisation convergente des moyens existants. Les élus locaux devront y trouver leur place, sans être contraints d'engager des moyens trop importants. Je me réjouis que notre commission ait adopté mon amendement visant à préciser que la zone d'intervention des maisons de l'emploi devait être adaptée à la configuration des bassins d'emploi. Il s'agit d'ouvrir de nouvelles perspectives à ces maisons de l'emploi. Je serai attentif à cet égard aux engagements de M. Larcher. Chacun connaît l'importance de la formation pour l'insertion professionnelle. En 2004, le projet ouvrant droit à la formation professionnelle tout au long de la vie a apporté des avancées significatives. Mme Christine Boutin - C'est vrai. M. Bernard Perrut - L'apprentissage est une priorité dans le texte que nous examinons. Notre commission s'est inspirée du rapport de notre collègue Anciaux, dont je salue l'excellent travail. Nous approuvons le crédit d'impôt, qui ira de 1 600 à 3 200 €. Il faut soutenir les chefs d'entreprise. Nous nous félicitons de l'extension de l'apprentissage aux handicapés, car la lutte pour l'emploi passe par la lutte contre toutes les discriminations. Le volet apprentissage est significatif : 500 000 contrats par an. Il est nécessaire que les jeunes soient rapidement confrontés au monde de l'entreprise. A l'inverse, il ne faut pas imposer de limites d'âge trop strictes en matière d'apprentissage. Non, l'apprentissage n'est pas une voie de garage, mais une formation de qualité. Mais nous ne réussirons que si l'éducation nationale, les structures d'orientation et les parents le reconnaissent comme tel. Le chômage des jeunes est préoccupant. Nous avons en France le taux d'emploi des jeunes le plus faible d'Europe : 26 % contre 55 % dans l'ensemble de l'Union. Le Président de la République lui-même a déploré cette situation : il y a trop de jeunes sans emploi et trop d'emplois sans jeunes. Je soutiens donc les mesures présentées par M. Hénart. Je souhaite rendre hommage au travail des missions locales et des PAIO, dont vous inscrivez la vocation dans le code du travail. L'accompagnement n'a de valeur que s'il mène à l'emploi durable. Les contrats d'avenir comportent un accompagnement personnalisé et une formation obligatoire. Chacun connaît les ravages du chômage de longue durée. Alors que le Gouvernement vient de lancer une campagne d'information sur le contrat de professionnalisation, destiné aux 16-25 ans et aux demandeurs d'emploi de plus de 26 ans, l'objectif est de passer de l'assistance à l'emploi stable. Les contrats d'avenir vont redynamiser la politique de l'emploi. Ils seront ouverts à tous. Les contrats aidés seront rationalisés pour être plus efficaces. Désormais, un contrat d'accompagnement dans l'emploi sera l'unique passeport pour une qualification reconnue. Parce que 46 % des créations d'entreprise sont le fait de chômeurs, le plan de cohésion sociale va aider les chômeurs entrepreneurs, avec l'objectif de créer 100 000 emplois. Les démarches seront facilitées par les maisons de l'emploi. Les moyens affectés à l'économie solidaire seront augmentés de 66 millions. Je veux dire notre foi dans le développement des emplois de service. Vous voulez faire passer leur rythme de création de 5,5 à 15 %. C'est une attente de la société. Quant au chèque emploi associatif, nous en espérons à terme 10 000 emplois. Votre texte comporte aussi un volet logement. Il faut éviter que notre territoire continue de se fragmenter en ghettos. C'est pourquoi, à travers l'ANRU, vous avez engagé un programme important de rénovation urbaine. Dès 2005, nous assisterons au renouveau de nos villes. Il faut aussi mobiliser le parc privé, ce que vous faites à travers l'ANAH. Je dois encore évoquer la DSU. Les inégalités entre les territoires conditionnent les inégalités entre les personnes. Aucun gouvernement n'avait avant vous doublé la DSU, qui passe de 600 millions à 1,2 milliard. Vous combattez enfin pour l'égalité des chances, ce qui implique de vaincre les discriminations à l'embauche. A travers ce projet, notre ambition est d'offrir à tous une existence digne. Il faut montrer à l'ensemble de nos concitoyens que nous voulons faire évoluer ce pays. Je conclurai par une citation, non d'un grand homme, mais d'un homme de la rue que j'ai rencontré dans ma ville : « Un jour, tout bascule. Plus d'emploi, plus de famille, plus de logement, plus d'amis.Mais un jour j'ai rencontré quelqu'un qui a su me redonner confiance en moi. J'ai retrouvé le bon chemin. » M. Jean-Pierre Blazy - Il faudrait que vous en rencontriez plusieurs, de ceux-là ! M. Bernard Perrut - La réussite de ce projet dépendra de ce que chacun fera de ses dispositions. L'homme est au cœur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Mme Martine Billard - Fallait-il une loi de cohésion sociale, cinq ans après la loi contre les exclusions et seize ans après la création du RMI ? Sans doute, mais il aurait fallu partir d'un bilan de ces dispositifs. Je regrette qu'on n'avance guère dans la prévention de l'insolvabilité. Je pense au surendettement, dont les causes principales sont devenues la perte d'emploi, le divorce et les accidents de santé. Par ailleurs, la santé et la garde des enfant sont les principaux obstacles à la reprise d'activité. Si ce projet comporte des mesures intéressantes, le budget nous amène à nous interroger sur la réalité de votre engagement en matière d'insertion sociale. Les associations sont désormais sommées de répondre à des appels à projets, définis d'en haut, sans égard pour le travail déjà accompli. Le financement du plan est surtout couvert par des redéploiements de crédits. Quant aux 565 millions supplémentaires, 550 sont destinés au secteur de la restauration. Par ailleurs, on peut s'interroger sur la présence, dans ce projet, de dispositions susceptibles d'augmenter les licenciements économiques. D'autre part, en quoi l'ouverture de l'ANPE et du marché du placement à la concurrence est-elle une mesure de cohésion sociale ? Les maisons de l'emploi auraient pu être une bonne idée si leur financement sur le long terme avait été assuré, et leur fonctionnement précisé. Quant au contrôle des chômeurs, il est durci, de même que les sanctions auxquelles ils sont exposés. Certains dispositifs n'ont-ils pas pour conséquence d'institutionnaliser encore davantage la précarité au nom de l'aide aux précaires ? Il en est ainsi de l'assouplissement des conditions d'emploi par les entreprises de travail temporaire, choyées par le Gouvernement, et de la suppression de toute limite de durée pour les contrats aidés. L'on ne peut que constater aujourd'hui la surabondance des CDD, des temps partiels, le manque de formation. Les salariés sont de plus en plus divisés en catégories, et se définissent aujourd'hui, aux yeux de leurs collègues, comme des emplois-jeunes, des contrats jeunes, des CIE, des stagiaires, des CES. Le contrat aidé, loin d'être un tremplin vers un emploi stable, finit par devenir l'unique horizon. A cet égard, l'on ne peut que regretter que vous n'ayez pas repris la proposition des associations du contrat unique d'insertion. Ce projet est une occasion manquée, et risque même de segmenter les publics : d'un côté les chômeurs indemnisés et facilement employables, et de l'autre les chômeurs aux minima sociaux qui resteront cantonnés à des occupations partiellement rémunérées. Ce n'est pas ainsi que nous lutterons contre l'aggravation de la pauvreté, notamment celle des femmes. Des mesures louables en jouxtent d'autres qui ne répondront pas aux attentes. Le Gouvernement a, une nouvelle fois, reculé devant l'introduction de l'opposabilité du droit au logement dans un délai raisonnable. Il se préoccupe à peine du problème de l'inégalité des chances. Quant aux discriminations, en particulier dans l'accès à l'emploi et au logement, il n'en est pas question. Pour toutes ces raisons, et malgré quelques dispositions intéressantes, je voterai contre ce projet de loi. Mme Odile Saugues - C'est avec une grande insatisfaction que j'accueille votre projet de loi. Tout d'abord, en raison de la déclaration d'urgence, cette lecture sera pour nous la seule occasion de l'amender. Ensuite, vous avez malheureusement choisi de saisir le Sénat en première lecture. Enfin, votre Premier ministre a invité l'Assemblée nationale à ne pas « modifier l'équilibre » du texte, ce qui fausse le débat démocratique et contradictoire. Permettez-moi de revenir sur quelques chiffres éloquents : 3 millions de mal logés, 86 000 sans abris, 150 000 personnes qui vivent dans l'habitat précaire, sans parler des dernières statistiques du Secours Catholique qui révèlent que la monoparentalité augmente, de même que le nombre de personnes vivant dans des hôtels ou des pensions, voire dans la rue. Et qu'en sera-t-il des 60 000 familles dont les logements vont sortir du parc conventionné privé ? La situation appelle des mesures fortes. Le volet logement de votre projet me laisse sceptique quant à son financement. Vous pensez résoudre la crise du logement en rattrapant le retard en matière de logement locatif social, grâce à la mobilisation du parc privé, et au renforcement de l'accueil et de l'hébergement d'urgence, mais les budgets logement 2004 et 2005, tout comme la loi du 13 août 2004, contredisent vos belles intentions ! Vous prétendez réaliser 100 000 places pour les sans abri d'ici à 2007 et 200 000 logements à loyers maîtrisés. Vous voulez mettre à niveau le parc existant, reconquérir 100 000 logements privés vacants et doubler la production de logements sociaux en cinq ans pour arriver à 500 000. Mais seuls 58 000 ont été construits en 2003, au lieu des 80 000 annoncés, et le nombre d'agréments de financement délivrés en septembre dernier pour cette année n'atteint que 26 000. Vous vous engagez à garantir les financements, mais que valent ces promesses ? Deux régulations budgétaires ont eu lieu en 2004, pour un montant de 235 millions , et l'augmentation de 8 % dans le budget 2005 n'est qu'illusoire, alimentée par la modification du périmètre budgétaire et la réforme du prêt à taux zéro. Au-delà, ce texte est lacunaire sur plusieurs points essentiels. Tout d'abord, il ne rend pas compte de l'accompagnement social, qui peut pourtant éviter des expulsions pour impayés de loyers. Le dispositif que vous proposez pour prévenir les expulsions ne s'applique pas au parc privé mais uniquement au parc social, et le Conseil National de l'Habitat a dénoncé l'augmentation de 1,8% du barème des aides au logement alors que le plafond des loyers a été revalorisé de 2,5% à Paris. Par ailleurs, le plancher de versement des APL est passé de 15 à 24 euros par mois, excluant ainsi 120 000 ménages, sans parler de la suppression de l'abattement pour frais de garde d'enfants et la suppression d'un mois de rappel en cas de chômage. Vous rançonnez les pauvres ! Par ailleurs, s'agissant du Fonds de solidarité logement, les conseils généraux ne seront plus tenus, en application de la loi de décentralisation, à un niveau minimum de financement. Enfin, je regrette que le dispositif de construction de logements sociaux ne soit accompagné d'aucune mesure coercitive. Vous ne vous donnez pas les moyens de votre politique, ce qui n'est pas digne d'un pays riche et moderne comme le nôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) . M. Philippe Folliot - Je voudrais tout d'abord m'exprimer sur le statut de projet de programmation de votre texte. Membre de la commission de la défense et rapporteur pour avis des crédits de la gendarmerie, j'ai pu constater, depuis 2002, l'adéquation entre le projet de loi de finances et les échéances de la loi de programmation militaire. J'espère qu'il en ira de même pour la politique de cohésion sociale. Cela dépend de la volonté souveraine du Président de la République, mais aussi du soutien du Parlement et de son pouvoir de contrôle et d'alerte. Aussi, avec MM. Vercamer, Thomas et Habelin, vous proposerons-nous un amendement qui tendra à une évaluation annuelle, par le Parlement de la réalisation de votre loi de programmation. Le respect de la loi de programmation s'impose particulièrement dans le domaine du logement et des aides à la pierre. Les efforts budgétaires programmés au titre II sont ambitieux, peut-être trop, du fait d'une situation très tendue sur le terrain. En effet, les acteurs du logement doivent déjà affronter la montée en puissance du programme national pour la rénovation urbaine et la mise en œuvre de la décentralisation. Il peut alors s'avérer difficile de construire de nouveaux logements sociaux. Votre projet de loi permettra-t-il de sortir rapidement de la crise du logement ? J'en viens au coût du foncier. Votre projet de loi comporte des mesures en faveur des établissements publics fonciers, mais il faudrait les élargir aux établissements publics locaux, et l'Etat devra être exemplaire dans la cession de son patrimoine foncier et immobilier. Il faut aider les élus locaux qui veulent construire, mais se trouvent souvent confrontés à des obstacles administratifs, à la réticence des habitants, et au coût, aggravé par la loi SRU qui a diminué la taxe locale d'équipement pour les communes. La loi Urbanisme et Habitat a permis de progresser et on attend beaucoup de la simplification du permis de construire, engagée par Gilles de Robien. Pour mettre en œuvre un véritable droit au logement, la tâche à accomplir reste considérable car elle appelle un changement de mentalités et une forte mobilisation de tous les acteurs en faveur de la construction. Enfin, seule une augmentation substantielle de la DGF serait de nature à donner aux communes les plus dynamiques les moyens d'absorber l'afflux de population que leur action génère. L'accession à la propriété demeure la finalité ultime de tout parcours résidentiel. A ce titre, le groupe UDF se félicite que l'adoption de ses amendements au PLF - relatifs notamment à l'extension de la définition des primo accédants et à l'incitation des ménages les plus modestes à devenir propriétaires - ait permis de conforter le PTZ. Au-delà, nous souhaitons relancer la location attribution, mise en extinction en 1971 alors que cette forme de location avec option d'achat dans le domaine de l'immobilier a permis à nombre de ménages modestes d'accéder à la propriété. Nous défendrons un amendement visant à réintroduire ce système,... M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville - Il existe déjà ! M. Philippe Folliot - ...afin de permettre au plus grand nombre de se constituer un patrimoine à transmettre à ses enfants. S'agissant des logements à loyers réglementés régis par le secteur privé, nous saluons l'effort accompli pour mobiliser l'ANAH, les collectivités et les différents organismes. Porte-parole de mon groupe sur le titre II relatif au logement, j'estime que ce volet de votre plan est très séduisant, sous réserve, bien entendu, que son financement ne soit pas remis en cause. Cependant, c'est au vu des suites données à tous ses amendements que l'UDF se prononcera sur l'ensemble du texte. Mme Christine Boutin - L'isolement est le terreau de l'exclusion. De plus en plus de personnes seules en sont victimes et aujourd'hui, en France, la pauvreté s'enracine. Je m'associe naturellement à tous les compliments qui ont été adressés à l'équipe ministérielle : votre démarche, Madame et Messieurs les ministres, remet enfin les pendules à l'heure. Pour avoir travaillé auprès de M. Larcher, je sais bien que la préoccupation du social et de l'humain ne le quitte jamais. Une réserve cependant, si ce texte traite pour la première fois du problème de l'exclusion dans sa globalités, il ne me semble pas suffisamment audacieux. En 2003, ayant été chargée d'une mission parlementaire auprès du Premier ministre sur la question de l'isolement, six mois de rencontres et d' observation de toutes les formes d'exclusion m'ont permis d'affirmer que nous étions parvenus à un point de rupture. Les mutations profondes qui affectent notre rapport au temps, au travail et à l'argent sont de nature à altérer le lien social dans des proportions jusqu'alors inimaginables. Face à elles, la lutte contre l'exclusion doit gagner en efficacité et, pour tous ceux qui partagent les principes de la droite sociale, un seul critère doit permettre d'apprécier la pertinence d'un projet : sa dimension humaine et le bénéfice que peuvent en tirer les plus fragiles. Un projet qui sert les plus modestes est bénéfique à la collectivité tout entière. La restauration de la cohésion sociale exige, en l'état présent de notre société, des réformes de fond. Voyez le logement : qui peut encore croire que ceux qui ne disposent même pas d'un toit peuvent trouver leur place dans notre monde ? C'est pourquoi je défendrai deux amendements relatifs au logement, le premier tendant à créer un droit au logement opposable, le second posant le principe de l'accession à la propriété pour tous. Mais cela n'est pas encore à la mesure de l'enjeu. Aussi proposé-je la création d'un dividende universel, pour donner tout son sens à la notion de cohésion sociale. Le dividende universel consiste en un revenu mensuel, versé à toute personne de façon inconditionnelle de sa naissance à sa mort, quels que soient ses revenus ou ses conditions de vie. Il ne s'agit ni d'une allocation, ni d'un revenu minimum et il repose sur deux principes fondamentaux : l'affirmation de la place de chacun dans l'histoire et la reconnaissance et l'affirmation de la dignité et de la richesse de toute personne. M. Jean Le Garrec - C'est intéressant ! Mme Christine Boutin - Le respect de ces deux principes est de nature à encourager les initiatives solidaires et le bénévolat. Cependant, le dividende universel ne constitue pas un objectif en soi. Il tend plutôt à accompagner les grandes mutations que nous vivons et il donne du relief à l'ensemble de mes propositions. En effet, il nous ouvre une perspective en nous incitant à méditer sur le statut des prisonniers, des étrangers, des familles, des entreprises et, finalement, de tous ceux qui participent du modèle de société que nous voulons construire. Donner une perspective aux Français, c'est bien à cela que nous devons œuvrer, et l'état de délitement du lien social que nous constatons dans notre pays ne doit pas nous décourager. Regardons la créativité de nos concitoyens, leur générosité ! Incitons-les à donner corps à leurs initiatives. Donnons-leur l'élan dont ils ont besoin. Transmettons-leur cette espérance qui donne confiance dans l'avenir. Alors que le Premier ministre a manifesté son intérêt pour cette idée, je vous demande, Madame et Messieurs les ministres, de demander à vos différents services comme à l'ensemble de vos conseillers d'étudier la notion de dividende universel. Aidons nos concitoyens à entrer dans le XXe siècle en n'hésitant pas à bousculer les vieux schémas. Ayons cette ambition, sinon, dans dix ans au plus, nous serons dans l'impasse et dans l'état d'éclatement du lien social que chacun pressent aujourd'hui. Je soutiendrai le projet porté par M. Borloo, car je suis comme lui convaincue qu'un pays tire sa puissance du lien de cohésion qui unit les hommes et les femmes qui le composent, mais je lui demande de mettre en œuvre sans plus tarder le dividende universel. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Paul Anciaux - Pendant trop longtemps, c'est en croyant défendre l'emploi que l'on a contribué à entretenir le chômage. Le volet emploi du présent projet tend au contraire à fédérer les acteurs en créant les maisons de l'emploi. Au plus près des réalités du terrain, il s'agit d'élaborer un projet de territoire, associant les collectivités territoriales, les entreprises et les partenaires institutionnels - notamment associatifs - qui interviennent dans le domaine de l'insertion, de la formation et de l'emploi. La création de « maisons de l'emploi », dès 2005, a pour but de dynamiser et de décloisonner l'action des différents acteurs du service public de l'emploi, d'offrir un service de proximité aux demandeurs d'emploi les plus vulnérables et d'améliorer la gestion prévisionnelle des emplois dans chaque bassin d'emploi. Les maisons de l'emploi traduisent par conséquent un projet territorial et non immobilier. Il ne s'agira pas de créer ex nihilo une maison là où les acteurs de terrain ont déjà mis en œuvre des outils analogues. Dans ce cas, je préconise plutôt une labellisation de l'existant, après vérification de la conformité avec la charte nationale qu'il reste à élaborer. Issues de volontés politiques locales, les missions d'information sur la formation et l'emploi ou l'association « Villes Emploi »sont, comme d'autres structures, à la croisée des relations entre les publics concernés et les intervenants compétents pour un territoire donné. Elles contribuent de manière déterminante aux travaux du service public de l'emploi, tout en conservant le pilotage du traitement de l'information locale. Elles ont ouvert la voie à des échanges interinstitutionnels et pluridisciplinaires particulièrement fructueux et elles agissent pour l'adaptation de l'offre de formation locale, en partenariat avec les entreprises. Agir pour l'emploi par la valorisation et le développement des ressources humaines locales, enrichir l'offre de formation pour mieux répondre aux besoins exprimés par les acteurs du territoire, c'est être au cœur des problématiques du développement local. Il est évident que ces axes d'intervention correspondent parfaitement aux objectifs assignés aux futures maisons de l'emploi. Celles-ci devront avoir une fonction fédératrice et de conseil auprès de toutes les structures existantes qui souhaiteraient participer à la signature d'une charte nationale, garantissant tout à la fois l'intégrité du concept et la qualité des prestations dispensées. Les Maisons de l'emploi doivent aussi contribuer à une connaissance partagée du territoire. Selon une étude de l'observatoire des générations, la principale motivation à rester dans l'entreprise est la proximité du domicile, en tête devant l'intérêt du poste et la rémunération. Or, les termes de « mobilité professionnelle » et de « territoire » sont souvent dissociés. Les maisons de l'emploi seront le lieu idéal pour les faire se croiser. Pour accompagner efficacement les demandeurs d'emploi et les entreprises, il faut se doter d'une capacité renforcée à analyser les potentialités d'un territoire, afin d'anticiper les besoins par des formations adaptées. C'est tout l'enjeu des « diagnostics partagés », que les maisons de l'emploi pourront porter avec le service public de l'emploi. Il ne s'agit pas que chaque structure établisse son diagnostic : il doit y avoir un vrai collectif, des « savoir-faire ensemble » pour une information de qualité, à l'usage de tous. Les maisons de l'emploi se mettront également au service de la valorisation des ressources humaines et de l'attractivité du territoire. La mobilité professionnelle peut s'exercer sur un territoire : changer d'emploi sans changer d'endroit suppose un lieu identifié comme pertinent dans cette perspective. C'est un objectif des maisons de l'emploi qui, si elles s'adressent prioritairement aux demandeurs d'emploi, doivent aussi concerner les adultes en reconversion professionnelle et l'accompagnement des salariés aujourd'hui dotés du droit à la formation tout au long de leur vie professionnelle, objet d'un texte dont j'ai été le rapporteur. Le capital humain demeure l'élément déterminant de l'activité et de l'attractivité des territoires. Les Maisons de l'emploi devront démontrer qu'une voie qui allie cohésion sociale, dynamisme économique et attractivité d'un territoire est une réponse adaptée à tous les acteurs locaux de l'insertion et de l'emploi. Pour ce qui est de l'apprentissage, le projet affiche un objectif ambitieux et prometteur. En 2004, le taux de chômage des jeunes Français de moins de vingt-cinq ans est le plus élevé des pays occidentaux. Il existe aujourd'hui des métiers sans jeunes et des jeunes sans métiers. L'orientation et l'information des jeunes doivent être le premier pilier du projet. L'apprentissage doit être considéré comme une véritable filière de formation initiale par alternance, et non comme un dispositif d'insertion sociale pour publics en difficulté. Dans ce but, un travail de fond doit être mené dès le collège pour rendre possible une orientation positive vers l'apprentissage et la formation professionnelle, en apportant aux jeunes une connaissance du monde de l'entreprise et des métiers, propre à éclairer leurs choix. Pensons aussi en termes de filières et de passerelles. Je suis favorable au développement de l'apprentissage à tous les niveaux, y compris dans l'enseignement supérieur, dans le cadre de filières de formation permettant, si nécessaire, des allers-retours avec les formations de l'Education Nationale. Veillons à ne pas opposer, ni même « segmenter », l'apprentissage et la formation sous statut scolaire : encourageons au contraire la coopération entre les dispositifs. Il s'agit de créer des possibilités de passage entre les différentes voies, afin qu'un jeune puisse indifféremment accéder par l'une ou par l'autre à des diplômes professionnalisants. Voici quelques pistes concrètes. Il faut d'abord développer les passerelles entre les voies de formation : un jeune engagé dans l'apprentissage doit pouvoir, s'il le souhaite, rejoindre les dispositifs scolaires professionnalisants. Il faut permettre à des jeunes qui ont acquis des diplômes ou des titres par la voie de l'apprentissage d'accéder à des niveaux supérieurs sans repasser par la filière générale. Travaillons aussi à faire que la formation en alternance s'intègre dans tous les cursus professionnalisants, au moins en dernière année, car elle favorise l'insertion dans les entreprises. A la différence des autres contrats, le contrat d'apprentissage est un contrat de travail qui demande un engagement important du maître d'apprentissage, chef d'entreprise ou salarié. Il exige un investissement professionnel et financier qui excède le cadre de la seule activité professionnelle et peut aller parfois jusqu'à l'accompagnement d'une resocialisation. Il convient donc de reconnaître cette fonction. La responsabilité du maître d'apprentissage est un facteur déterminant de la transmission des savoirs : elle devrait être reconnue au sein de l'entreprise. De même la fonction tutorale est de plus en plus partagée au sein des entreprises. Il faut définir l'équipe tutorale et préciser ses missions. Si la qualité du maître d'apprentissage est une des clefs de la réussite de l'apprenti, le dialogue entre celui-ci, le CFA et les familles en est une autre. Il importe de faciliter le suivi des apprentis afin d'anticiper les difficultés. L'apprentissage doit contribuer à renforcer le dynamisme économique de notre pays. Dans les dix ans qui viennent, la moitié des entrepreneurs et des artisans prendront leur retraite. La transmission de leurs entreprises est une priorité que l'apprentissage doit servir. L'étape suivante, Monsieur le ministre, sera la création d'une véritable filière de formation professionnelle diplômante par alternance, intégrant l'apprentissage et la filière professionnelle de l'éducation nationale, chacun avec ses acteurs, son expérience, ses succès et ses échecs. Je suis convaincu que la création d'une filière unique est aujourd'hui possible. C'est la seule façon de sauvegarder la transmission des savoirs et des qualifications professionnelles nécessaires au maintien et au développement des filières industrielles et technologiques dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Mme Huguette Bello - Même s'ils arrivent un peu tard, ce projet de loi et le plan qui l'a précédé partent d'un constat que nous ne pouvons que partager. Trop de chômage, trop de misère, trop de souffrances dans l'une des plus grandes puissances du monde ! Les remèdes à l'œuvre depuis deux ans n'ont fait qu'aggraver le mal. Saluons donc ce qui veut être un changement de cap. Mais que dire d'une situation où le chômage a toujours été supérieur à 30 %, où plus d'un jeune sur deux est privé d'emploi? Que dire quand des dizaines de milliers de familles n'ont pas de logement décent, et quand l'illettrisme augmente à nouveau ? Je ne parle pas de quelque pays sous-développé, mais d'une région française... Si la Réunion n'a pas connu les Trente Glorieuses et leur plein emploi, les crises énergétiques successives, non plus que les conséquences de la mondialisation, ne lui ont été épargnées. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles les lois d'orientation ou de programmation consacrées à l'outre-mer par les gouvernements successifs, de droite ou de gauche, n'ont eu que des résultats approximatifs ou mitigés. Quarante ans après la première loi spécifique aux départements d'outre-mer, nous affrontons toujours les mêmes questions... Je ne parle pas ainsi par pessimisme : c'est une mise en garde contre les inquiétantes médecines politiques qui prétendent soigner les conséquences tout en prétendant que les causes nous resteront toujours inaccessibles. L'emploi et le logement, piliers de ce projet de loi, forment traditionnellement les postes les plus importants du budget de l'outre-mer. Je vous demanderai donc des éclaircissements, Monsieur le ministre, sur l'articulation entre les dispositions de la loi et celles du budget, d'autant que depuis deux ans nous avons vu apparaître le phénomène des ministères communicants. Au Sénat, M. Borloo a dit que, sur les emplois aidés de l'outre-mer, « le silence du texte était d'or ». Je souhaite toutefois qu'il gratte un peu le métal précieux et nous dise plus clairement quels dispositifs sont maintenus. Le Gouvernement peut-il aussi confirmer les propos de Mme la ministre de l'outre-mer selon lesquels les CES et les CEC seront maintenus dans les départements d'outre-mer ? Peut-il assurer aux Réunionnais que les futurs contrats d'accompagnement dans l'emploi et contrats d'avenir, loin de se substituer aux CES et aux CEC, viendront les compléter ? Il apaiserait ainsi l'inquiétude des titulaires de ces contrats, alertés par la diminution du FEDOM pour 2005, ainsi que les soucis de nombreux maires qui s'interrogent sur les personnels dont ils disposeront pour faire fonctionner leurs services. Enfin, il rassurerait la présidente du Conseil général de la Réunion : celle-ci redoute une augmentation du nombre des allocataires du RMI qui se traduirait, en vertu de la nouvelle décentralisation, par un accroissement de la charge financière du département. Je souligne l'importance de l'économie solidaire. Certes le secteur marchand, à la Réunion, crée beaucoup d'emplois. Mais le nombre des jeunes qui, pour des années encore, se présenteront sur le marché du travail, nous fait une obligation de tenir les deux secteurs de l'économie. Je félicite le Conseil économique et social d'avoir récusé la connotation négative et injurieuse liée à l'appellation, assez platement idéologique, d' « assistanat ». Il n'est personne à la Réunion, qu'il soit de droite ou de gauche, qui ne comprenne la nécessité de concilier l'économie marchande et l'économie solidaire. Je me demande donc de quel terrain peuvent se prévaloir les responsables pour nier cette évidence. Une précarité qui n'est jamais évoquée est celle des dispositifs d'insertion : souvent ils ne durent pas plus que les gouvernements ou les ministres, ce qui n'est pas un facteur de clarté ni d'efficacité. A l'inverse le SMA, ce service militaire adapté que vous souhaitez étendre à tout le territoire national, existe depuis 1965 à la Réunion. Cette expérience a construit une pédagogie et accumulé des compétences grâce auxquelles, à leur sortie, plus de 75% des stagiaires trouvent un emploi. Les emplois-jeunes, qui ont connu un vif succès dans notre île, auraient pu, si l'on s'était montré moins impatient, développer dans le civil une évolution comparable. Des questions analogues se posent pour le deuxième volet, celui du logement. En juin dernier, j'ai présenté à M. le ministre Daubresse la situation du logement réunionnais, ses besoins et les blocages de la filière. Les gels budgétaires n'ont rien arrangé. On peut, sans être pessimiste, pronostiquer une très grave crise dès cette année. Spéculation foncière, hausse des coûts de la construction, réduction des moyens financiers, tout cela risque de nous entraîner vers une diminution violente du nombre de logements locatifs construits : à peine 1200 par an, quand les besoins sont de 9 000... Même question, donc, que pour l'emploi : les financements du plan Borloo s'ajouteront-ils à ceux de la LBU, ou assistera-t-on à un énième redéploiement ? Je conclurai sur l'apprentissage. Le programme proposé n'est pas adapté à la Réunion pour deux raisons. D'une part, le choc démographique dont vous parlez à propos des patrons qui vont partir en retraite ne se produira pas à la Réunion dans les prochaines années. D'autre part, notre potentiel de maîtres de stages susceptibles d'assurer le suivi des apprentis est très faible. C'est pourquoi notre préférence va à un développement de l'enseignement professionnel. Il bénéficie chez nous d'une image très favorable et semble le plus capable de protéger la jeunesse du chômage à une époque où les connaissances technologiques ne cessent d'évoluer. Sans doute, Monsieur le ministre, ne pouvez-vous pas tout. Et nous souhaitons de tout cœur la réussite de ce que vous entreprenez en faveur de l'emploi, du logement, de l'égalité des chances. Mais qu'est-ce donc que ce quatrième volet qui vient contredire votre projet en démantelant la législation sociale sur les licenciements ? De la part du gouvernement, un acte manqué, peut-être. A coup sûr, du côté du Medef, un acte réussi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Mme Hélène Mignon - La pauvreté et l'exclusion ont pris durablement racine dans notre pays. La politique de votre gouvernement ne fait qu'aggraver la situation. Nous prenons acte des propositions contenues dans ce projet de loi. De prime abord, il constitue un virage à 180 degrés, donc un aveu d'échec de la politique de l'emploi menée depuis 2002. La politique fiscale et sociale menée depuis deux ans n'a pas permis une recherche dynamique de la cohésion sociale, bien au contraire. Pas plus que l'opération malsaine de stigmatisation des chômeurs, poursuivie jusque sur nos bancs. Il est grave que 56 % de la population considèrent encore que les personnes pauvres et exclues ne veulent pas travailler ! « La ségrégation sociale s'enracine. Elle se développe et se forge depuis quelques années dans les mentalités. L'intolérance, les jugements tous faits, les a priori, le mépris envers les plus faibles et les plus exclus consolident et durcissent la fracture sociale » écrit Gilbert Lajouanelle dans un dossier du Secours Catholique. Nous devons tous agir pour inverser la tendance, et je suis sûre que vous vous y attacherez comme je le fais. Le rapport 2003-2004 de l'Observatoire national de la pauvreté confirme que celle-ci marque une inflexion à la hausse depuis 2002 ; le nombre croissant des bénéficiaires du RMI en est la preuve. Le plan de cohésion sociale se veut ambitieux. L'est-il vraiment, ou s'agit-il d'un effet d'annonce? Force est de s'interroger au vu du budget qui lui est consacré, puisque 80 % des crédits destinés à le financer en 2005 sont des crédits recyclés. Pour ce qui est de l'insertion professionnelle des jeunes, je me demande toujours pourquoi M. Fillon, il y a un an, a cru bon de supprimer le programme TRACE, prétendument remplacé par le CIVIS - transféré aux régions - avec l'aide au logement en moins et la suppression de la bourse à l'emploi. Cette politique manquait pour le moins de lisibilité, sauf bien sûr en ce qui concerne le transfert de responsabilités pour la formation des jeunes les plus en difficulté. Vous avez créé les contrats jeunes en entreprise, mais leur nombre n'a pas répondu à vos attentes ; non que je m'en réjouisse, mais je le constate. Si l'on a enregistré 178 800 entrées dans le dispositif depuis juillet 2002, seuls 112 000 jeunes sont encore en entreprise ; 33 % des cas de rupture interviennent avant le sixième mois. En revanche, 53 % des jeunes recrutés étaient déjà dans le monde du travail, dont un quart dans l'entreprise signataire du contrat. Avouez que cela ressemble fort à un effet d'aubaine ! Le dispositif est inadapté pour les jeunes ayant interrompu leur scolarité en fin de troisième ou dépourvus de qualification, qui ne représentent que 7,8 % des contrats signés. Les entreprises préfèrent évidemment des jeunes ayant un minimum de qualification. Pourquoi avoir supprimé les emplois jeunes, le programme Trace, la Bourse à l'emploi, et joué au yo-yo avec les CES et les CEC? Quant aux contrats dit CIVIS, peut-être finiront-ils par voir le jour. J'espère que vous allez nous le dire. J'en viens aux mesures en faveur du retour à l'emploi des demandeurs d'emploi de longue durée et des bénéficiaires de minima sociaux. La place du secteur marchand et mixte - entreprises d'insertion par l'activité économique - est reconnue dans la lutte contre les exclusions et le chômage de longue durée. Le président du conseil national de l'insertion par l'activité économique s'est d'ailleurs félicité, Madame la ministre, de voir ces structures mieux prises en considération. Les contrats aidés - CES et CEC - sont fusionnés dans un contrat d'accompagnement dans l'emploi. Mais nous ne retrouvons pas les crédits correspondants dans le budget. Les aspects scandaleux que nous avions dénoncés dans le RMA sont rectifiés et les droits sociaux des bénéficiaires rétablis. Peut-être leur nombre décollera-t-il à présent. Je déplore en revanche que l'on stigmatise les publics les plus éloignés de l'emploi en créant à leur intention un dispositif spécifique. Vous confirmez vos choix libéraux en vous inspirant du workfare qui conditionne l'octroi des minima sociaux à l'acceptation d'un emploi. La création du contrat d'avenir - 250 000 bénéficiaires par an - est une belle opération pour le Gouvernement, puisque la charge en est transférée aux départements sans transfert équivalent de ressources. Cela suppose, pour respecter les principes constitutionnels, que ce nouveau contrat ne soit ni un droit pour les allocataires ni une obligation pour les départements. Comment imaginer, dès lors, qu'ils ne fassent pas naître de faux espoirs chez les publics en difficulté ? Les annonces budgétaires ont été démystifiées dès l'examen du projet de loi de finances : il ne s'agit pour l'essentiel que de grossiers redéploiements, seules les maisons de l'emploi bénéficiant de crédits nouveaux. Le choix de déléguer les crédits aux services régionaux de l'emploi sans consigne précise ne garantit pas l'effectivité des mesures annoncées. En 2003, le Secours Catholique a accueilli près de 1,6 million de personnes dont 740 000 enfants : c'est la preuve que la grande précarité a augmenté depuis trois ans, ce que confirme l'Observatoire national de la pauvreté. Vous en prenez d'ailleurs acte dans l'exposé des motifs de votre projet. Ce ne sont pas des discours incantatoires qui restaureront la cohésion sociale. Nous sommes loin de la loi de lutte contre les exclusions de 1998. S'il faut aider à se réinsérer ceux qui n'ont jamais eu d'emploi ou ont perdu le leur, on devra bien s'intéresser au travail précaire et au travail à temps partiel subi. Vous avez annoncé la création de 500 000 emplois de services. Mais qui les financera ? Il ne suffira pas d'en renvoyer la responsabilité aux régions ! Les gels budgétaires intervenus dès 2003, les réductions de crédits touchant les associations et la remise en question des modalités financières des conventions pluriannuelles traduisent un comportement peu responsable de la puissance publique. Vous prétendez simplifier l'accès à la réinsertion. Pourquoi ne pas aller jusqu'au contrat unique ? Moins que votre texte lui-même, c'est l'incohérence entre vos annonce et vos choix budgétaires et fiscaux qui me heurte. Les publics fragiles sont frappés de plein fouet par la hausse généralisée de leurs dépenses - logement, santé, transport, énergie, impôts et panier de la ménagère, malgré les promesses de M. Sarkozy. J'en viens à l'apprentissage, qui relève davantage à mon sens de la formation professionnelle que du présent projet. Mais il est vrai que le système n'est pas au mieux de sa forme : les entrées en apprentissage n'ont cessé de diminuer depuis 2002, alors qu'elles avaient augmenté entre 1998 et 2001. Peut-être les contrats Fillon y sont-ils pour quelque chose... Loin de relancer le développement de l'apprentissage, ce texte peut être une source d'inquiétudes pour beaucoup d'acteurs. S'il est important de moduler la durée des contrats d'apprentissage, ouvrir la possibilité de contrats de moins d'un an pose question. Aucun diplôme ne se prépare en moins d'un an, y compris à titre complémentaire. La qualité même des contrats est menacée par ce texte : le crédit impôt apprentissage risque d'encourager les entreprises à multiplier les contrats, au détriment de la pédagogie. Rien n'est prévu pour faciliter le travail du maître d'apprentissage. Ce que vous proposez s'agissant du produit de la taxe d'apprentissage revient à récupérer des fonds destinés aux lycées professionnels pour les redistribuer aux CFA. L'enseignement professionnel public ne doit pas être la victime du soutien à l'apprentissage. Les évolutions technologiques renforcent le besoin d'une formation qui laisse davantage de place, au-delà de la formation pratique, aux connaissances abstraites. Ce projet porte également en germe de fortes inégalités entre petites et grandes entreprises. En intégrant la formation des maîtres d'apprentissage dans le cadre de l'obligation des employeurs à la participation à la formation continue, on mélange le financement de la formation initiale et celui de la formation continue, pénalisant ainsi sans raison les petites entreprises . L'Association des régions de France s'est déjà inquiétée des implications financières de la décentralisation de la formation professionnelle. Or, il est loin d'être certain que l'augmentation de la taxe d'apprentissage compensera la diminution de la dotation de décentralisation. Cette loi de programmation représente ainsi une véritable bombe à retardement. Elle marque une nouvelle fois le désengagement de l'Etat, les transferts de compétences non compensés n'ayant d'autre conséquence que d'étrangler les collectivités locales. Je souhaite aussi qu'elle prenne mieux en considération les personnes en très grande difficulté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). M. Gilles Carrez - Des collègues de gauche ont affirmé la semaine dernière, au congrès des maires de France, qu'il n'était pas normal que la dotation globale de fonctionnement finance la politique de la ville. Je suis en total désaccord avec eux : vous avez tout à fait raison de nous proposer un effort exceptionnel de solidarité nationale à travers le renforcement historique de la dotation de solidarité urbaine. Votre proposition s'inscrit dans la droite ligne de la loi d'orientation pour la ville de 1991 - une très belle loi, Monsieur Le Garrec - créant la DSU. Il s'agissait de « contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines qui supportent des charges particulières au regard des besoins sociaux de leur population, sans disposer de ressources fiscales suffisantes ». M. Jean-Pierre Blazy - Il faut l'expliquer à M. Balkany ! M. Gilles Carrez - Les critères de répartition de la DSU ont été améliorés en 1996 et son montant atteint désormais près de 600 millions. Son renforcement au sein de la DGF devrait donc faire l'objet d'un consensus. La révision constitutionnelle de l'an dernier a consacré les principes de l'autonomie financière des collectivités locales et de la péréquation. Les critères actuels d'éligibilité et de répartition donnent-ils satisfaction ? Les critères d'origine étaient le potentiel fiscal et les logements sociaux. Comme ils créaient des effets de seuil, nous leur avons substitué en 1996 un indice synthétique qui combine le potentiel fiscal - pour 45% - les logements sociaux et les allocataires des aides au logement - pour 45 % - et le revenu moyen des habitants - pour 10 %. On obtient ainsi une bonne différenciation, qui fait que les communes les plus en difficulté, celles du premier quart, touchent trois fois plus que celles du troisième quart, tandis que celles du quatrième quart ne touchent rien. Mais il apparaît, après quelques années d'expérience, que les cent premières communes de ce classement concentrent tous les problèmes d'exclusion, de chômage, de quartiers dégradés, de ghettoïsation et sont en extrême difficulté. Il faut donc concentrer l'effort sur elles. Telle est l'orientation qui a été retenue dans la réforme du printemps dernier et dans le présent plan, puisque il y est proposé de retenir le critère de zone urbaine sensible et de prendre en compte la population des zones franches urbaines. M. Joyandet et moi proposerons un amendement pour rendre le système plus lisible. J'en viens à la question principale : quels crédits supplémentaires peut-on raisonnablement affecter à la dotation de solidarité urbaine ? Je salue à ce propos la force de persuasion du ministre, qui a réussi à décrocher 120 millions d'euros supplémentaires pour 2005, soit une augmentation de 20 %, et qui espère bien bénéficier du même effort les années suivantes. J'en suis très heureux, mais il faut aussi penser au monde rural, qui a lui aussi des difficultés. C'est pourquoi le Gouvernement a accepté, lors de la discussion de la loi de finances, que la dotation de solidarité rurale bénéficie d'un effort symétrique de 20 %, concentré sur les bourgs centres des zones de revitalisation rurale. Le Gouvernement a aussi accepté un amendement faisant bénéficier les communes qui ne sont éligibles ni à la DSU ni à la DSR d'une progression de leur dotation forfaitaire de 1 %. Nous arrivons ainsi à une péréquation de qualité, étant entendu que la solidarité suppose que certains fassent preuve de générosité. Ma commune n'est pas riche, mais elle est prête à faire cet effort. L'année 2005 verra la DGF progresser fortement. Ce sera donc l'année ou jamais où faire de la péréquation. Mais il faut aussi voir plus loin. C'est pourquoi j'approuve l'amendement du Sénat, qui plafonne à 24 % de l'augmentation totale annuelle ce qui reviendra à la DSU. Je salue en conclusion la cohérence et la puissance du financement de la politique de la ville. Le système équitable et équilibré qui nous est proposé devrait permettre la poursuite du consensus qui est nécessaire sur la DSU. Je me félicite aussi qu'une coordination des moyens de la politique de la ville soit désormais assurée par le biais de l'ANRU et je suis persuadé que nous franchissons avec ce plan une étape décisive. Le succès sera au rendez-vous, j'en suis sûr, et je ne vois donc aucune raison pour que ces nouvelles perspectives ne soit pas approuvées par tous, sur tous ces bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Alain Ferry - Tous les indicateurs permettant de mesurer la précarité sont dans le rouge, qu'il s'agisse du nombre d'allocataire du RMI, de celui des expulsions locatives ou de l'afflux de dossiers devant les commissions de surendettement. Si ce phénomène affecte principalement les femmes seules avec un ou plusieurs enfants, les jeunes chômeurs sans qualification et une frange croissante de la population rencontrent des difficultés sociales, économiques et familiales. Qu'avons-nous fait depuis vingt ans ? Des plans qui devaient faire fondre le chômage et la pauvreté se sont succédé avec les résultats que l'on sait. Depuis de nombreuses années, les propositions gouvernementales pour l'emploi et l'insertion s'appuient sur une accumulation de mesures spécifiques sans ligne directrice. Les politiques d'emploi ont ainsi oscillé sans cesse entre l'objectif de redonner leur chance aux catégories les plus vulnérables par des actions destinées à contrecarrer la sélectivité du marché du travail et celui d'enrichir la croissance en emplois, soit en abaissant le coût du travail, soit par le biais de dispositions de réduction collective du temps de travail ou de création de nouvelles activités dans les services non marchands. Cette accumulation nuit fortement à l'efficacité des acteurs de l'insertion. Le premier mérite de votre plan, Monsieur le ministre, est de poser qu'il n'y aura pas de croissance durable sans cohésion sociale, réconciliant ainsi les deux approches que je viens d'évoquer. Pour la première fois sont pris en considération l'ensemble des problèmes des personnes en difficulté - emploi, formation, logement, égalité des chances. Et ce à partir d'un diagnostic de terrain, fruit de multiples déplacements et rencontres dans des quartiers défavorisés. Je me réjouis que le rôle des missions locales soit reconnu et conforté par les deux mille postes supplémentaires que nous appelions de nos vœux. Laurent Hénart a depuis longtemps compris qu'un accompagnement plus soutenu des jeunes est plus efficace que la multiplication des dispositifs. Je me réjouis également de l'accent mis sur l'alternance et je souhaite que les stages « découverte d'un métier » se fassent dans un cadre régi par le code du travail. La logique de partenariat qui sous-tend le travail des maisons de l'emploi va manifestement dans le bon sens. Elle favorisera la coordination des actions menées en faveur de l'emploi, facilitera l'effort de prévision des besoins de main-d' œuvre et des programmes de reconversion économique des territoires. Mais ce schéma de fonctionnement ne sera crédible que si les maisons réussissent à épouser la vitalité locale. Dans ce dessein, je vous invite à y intégrer les missions locales. De manière générale et pour conclure, je vous invite, Monsieur le ministre, à aller au bout de la démarche que vous avez engagée. Votre texte va dans le bon sens. Il contribuera, j'en suis persuadé, à mettre en place une dynamique de solidarité et de responsabilité. M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Après avoir conduit durant deux ans une politique libérale fort peu soucieuse des plus modestes, le gouvernement Raffarin II a subi de plein fouet trois défaites électorales cuisantes au printemps dernier. Pour signifier à nos concitoyens que leur appel avait été entendu, le gouvernement Raffarin III s'empressa de créer un nouveau ministère dit de « cohésion sociale » et d'annoncer un projet de loi du même noM. Le message était clair : tout le monde devait savoir que désormais la question sociale était au cœur de l'action du gouvernement. Ce rappel éclaire la nature du présent projet et nous appelle à faire le partage entre la réalité et l'illusion, entre l'action publique et l'opération de communication, entre l'espoir et l'esbroufe. Des espoirs, les articles relatifs au logement sont certes propres à en faire naître ! La crise du logement a atteint de telles proportions que toute velléité de s'y attaquer ravive l'espérance des millions de nos concitoyens qu'elle frappe. Il était donc naturel qu'un certain nombre d'acteurs du logement aient salué un changement de cap. Mais cette appréciation donne avant tout la mesure de l'inaction passée du gouvernement. Nous souscrivons aux objectifs affichés en matière de logement. Le problème est que chacune des promesses de votre projet est contredite par la réalité de votre bilan et la faiblesse des financements que vous engagez ! En matière d'hébergement, vous promettez de développer le nombre de places disponibles et de garantir le relogement des personnes en centre d'accueil. Mais comment vous croire, alors que, par une circulaire du 5 décembre dernier, vous avez fixé, dans chaque département, le plafond des ALT pour 2004 à 90% de celles versées au titre de l'année 2003 ! Cette circulaire a contraint des associations qui agissent en faveur de l'insertion à restreindre le nombre d'appartements qu'elles gèrent. En juin dernier, je vous avais posé une question écrite à ce sujet, mais je n'ai jamais eu de réponse. La loi du 13 août 2004 porte deux mauvais coups au relogement des personnes hébergées. D'abord, vous étendez les missions du FSL sans augmenter ses crédits. Ensuite, vous avez délégué le contingent préfectoral aux maires. Or, les commissions d'attribution pratiquent un « protectionnisme communal » que seul le préfet pouvait corriger. Quant à votre objectif de financer 500 000 logements sociaux sur cinq ans, il est peu vraisemblable. Selon vous, la loi de programmation sanctuarise les crédits. Un tel sanctuaire n'a jamais été inviolable, surtout pour un gouvernement déterminé, comme le vôtre, à diminuer les dépenses publiques. D'ailleurs, si le logement est sa priorité dans les communiqués de presse, il ne l'est pas dans les lettres de cadrage ! En octobre 2003, le budget du logement a diminué de 8 %, puis en 2004 les annulations de crédits ont atteint 235 millions. Comment ne pas redouter de nouvelles et méthodiques amputations ? De toute façon, l'augmentation de crédits de paiement, sensible certes, de 440 millions sur cinq ans ne couvre même pas la dette de l'Etat envers les bailleurs sociaux, qui atteint 500 millions ! Elle pèse gravement sur leur capacité financière et sur les loyers et services aux locataires. Pour pallier les insuffisances de l'Etat, vous voulez mettre à contribution ses partenaires, en signant des conventions avec l'Union sociale pour l'habitat et l'Union économique et sociale pour le logement. Que ces organismes gestionnaires veuillent contribuer à l'élaboration d'une politique nationale du logement est normal, mais ils n'ont ni la vocation ni les moyens d'en prendre la plus grande part. S'agissant de la convention avec l'USH, les offices HLM sont déjà très sollicités et, avec l'effondrement des crédits PALULOS hors ZUS, doivent prendre en charge des réhabilitations lourdes. Exiger plus d'eux, c'est risquer une dégradation du parc social, qui créera les ZUS de demain. S'agissant de la convention avec l'UESL, êtes-vous certain que les objectifs du Medef s'accordent avec ceux des élus locaux ? En ce qui concerne la réhabilitation du parc privé, le rattrapage des crédits de l'ANAH, après deux ans de coupes sombres, ne suffira pas pour doubler les réalisations, étant donné la hausse du coût des travaux et de l'immobilier, laquelle, ainsi que l'explosion des loyers, trouve son origine dans le dispositif de Robien. Dans le budget, nous avons fait adopter un amendement concernant les ventes à la découpe. Nous présenterons cette fois un amendement pour consentir une décote sur les prix aux acheteurs occupants. Mais ce qui éclaire votre politique, ce n'est pas seulement ce que votre projet contient, mais aussi ce qu'il ne contient pas. La cohésion sociale signifie logement social pour tous et partout. Pour cela, il est nécessaire que le droit au logement soit opposable. Nous déposerons des amendements qui visent cet objectif, progressivement, avec les procédures nécessaires. Il faut aussi revaloriser les aides à la personne pour que les plus modestes restent solvables. Vous n'en parlez pas du tout, et l'augmentation inscrite au budget 2005 ne couvrira pas la progression des loyers et des charges. Quant à assurer le logement sur tout le territoire, cela s'impose surtout lorsque les responsables locaux refusent la construction de logements sociaux. L'article 55 de la loi SRU a été une première réponse ; nous proposons d'alourdir les sanctions en attendant de pouvoir instaurer l'obligation d'intégrer un certain pourcentage de logements sociaux dans tout projet de construction. En faisant l'impasse sur ces deux questions essentielles, vous soulignez les limites de votre engagement ou des possibilités de mettre en œuvre vos engagements. Dans l'intérêt de nos concitoyens, auxquels le logement social est si nécessaire, comptez sur nous pour travailler à vous faire sortir de cette impasse et faire évoluer le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Hervé Novelli - Ce projet est ambitieux car il s'appuie sur une approche globale des problèmes de l'emploi, du logement et de l'égalité des chances, et s'inscrit dans la durée, condition nécessaire de la réussite. Je centrerai mon propos sur l'emploi, en rappelant d'abord une évidence : en économie de marché, ce sont les entreprises qui créent l'emploi, l'intervention du secteur non marchand pouvant être nécessaire ponctuellement, mais toujours subsidiaire. Plusieurs députés UMP - C'est vrai ! M. Hervé Novelli - Pour parler du cas français, faisons un détour par le Danemark. Loin des Etats-Unis, référence détestée... M. Christian Vanneste - Dommage ! M. Hervé Novelli - ...de l'Angleterre, affreusement libérale, le Danemark, dont on dit qu'il vous aurait inspiré, a réussi à passer de 12 % de chômage en 1993 à 6 % aujourd'hui, à avoir le taux d'emploi de plus élevé d'Europe, un chômeur de longue durée sur cinq contre un sur deux en France, tout cela dans le consensus et sans alourdir les dépenses publiques. Ce miracle danois s'articule autour du couple flexibilité et sécurité. Pour ce qui est de la sécurité, avec les réformes à partir de janvier 1994, le chômeur est devenu une personne active ayant droit à des formations et des aides tout en étant soumis à des règles strictes. Leur non-respect entraîne la suppression des allocations. Le chômeur passe par des périodes de formation et de stage. Il perçoit 90 % du salaire. Mais en même temps, loin de l'image de l'Etat providence, le Danemark jouit du marché du travail le plus flexible d'Europe. L'Etat intervient très peu sur l'embauche et le licenciement. La liberté de licencier est quasi totale, l'employeur ne paye aucune indemnité pour les salariés de moins de douze ans d'ancienneté, un mois de salaire entre 12 et 15 ans, deux mois de 15 à 18 ans et trois mois au-delà ; le préavis va de quelques jours à plusieurs mois. Il n'existe aucune restriction sur le temps de travail. Les entreprises n'hésitent guère à embaucher, puisqu'elles pourront licencier. Ainsi, 25 % des Danois ont changé d'emploi en 2003, soit le même taux qu'aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Les demandeurs d'emploi les plus vulnérables sont parmi les gagnants, notamment les jeunes de 15 à 24 ans qui ont cinq fois plus de chance de trouver un emploi qu'en France. M. Jean-Pierre Blazy - Un emploi durable ? M. Hervé Novelli - Un Français sans qualification a 24 fois plus de risques d'être au chômage qu'un Danois. Il occupe deux fois plus souvent un poste à mi-temps non désiré. Il y a donc là une vraie solution pour la France. Votre projet s'inspire d'ailleurs des recettes danoises. Mais s'il y est question de la nécessaire sécurité pour le travailleur, il n'est guère fait mention de la souplesse du marché du travail. Ainsi, le contrôle du chômeur, élément crucial du système danois, est peu présent. Je salue votre ambition de conduire 800 000 jeunes vers l'emploi par l'apprentissage, l'alternance ou des contrats aidés, pour 15 milliards sur cinq ans. Mais ce montant des crédits ne garantit pas le résultat. Le Danemark consacre seulement 0,1 % de son PIB aux mesures en faveur de l'emploi des jeunes contre 0,42 % en France. En outre, même si cela paraît paradoxal, le sentiment de sécurité chez les salariés et les chômeurs est plus fort là où il y a de plus de flexibilité. Celle-ci n'est pas l'ennemie de l'emploi : la durée moyenne du chômage est de trois mois au Danemark, d'un an en France. Le Danois a le sentiment de sécurité le pus élevé d'Europe, le Français n'est qu'à la onzième place. Votre projet peut être une chance pour notre pays. Mais sans cet équilibre entre sécurité et flexibilité, qui a fait le succès du miracle danois, on risque de ne pas être efficace. De la mesure en toute chose disait Montaigne. Mesurez bien la part de sécurité et celle de flexibilité, et maintenez-les égales. Si c'est le cas, le succès est garanti et mon soutien vous est assuré. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Pierre Blazy - Et sinon ? M. Laurent Wauquiez - Ce projet de loi suscite beaucoup d'attentes, et pour la première fois, il nous est proposé une approche globale de la cohésion sociale, qui met fin au fractionnement entre les différents chantiers. Parmi ces derniers, le droit du licenciement, et plus généralement le droit du travail, restent trop souvent ignorés. Nous devons relever un double défi : tout faire pour empêcher les licenciements, mais une fois qu'ils sont devenus inévitables, permettre au licencié de retrouver le plus rapidement possible un emploi, car plus les mois passent, plus la tâche est difficile. Avec 9 % de taux de chômage, la France est loin derrière les Pays-Bas ou le Danemark qui ont su revenir aux 5 %, mais elle souffre de trois handicaps. Tout d'abord, nous ne gérons les licenciements qu'une fois qu'ils sont acquis, plutôt que d'agir en amont. Ensuite, notre système est profondément inégalitaire, puisque le reclassement n'est ouvert que dans les entreprises de plus de 1 000 salariés. J'ai ainsi assisté impuissant au déroulement implacable d'une procédure de licenciement dans une entreprise de 300 salariés chez moi, en Haute-Loire, et je me suis promis de ne pas laisser subsister une telle injustice qui frappe 80% des salariés. Enfin, notre droit du travail est bien trop complexe, surtout depuis la loi Guigou ! Personne n'a à gagner à un tel maquis ! Faisons preuve de lucidité : complexifier une loi à outrance n'empêchera pas une entreprise qui n'a plus de clients de licencier, mais l'incitera au contraire à recourir au travail précaire, à la sous-traitance, ou à s'expatrier. Nous venons ainsi de perdre l'installation d'une usine Nestlé qui a préféré la Suisse. Le volet droit du travail de ce projet adopte une nouvelle approche et réussit, à l'instar de pays comme la Suède ou le Danemark, à trouver un équilibre entre la protection des salariés et l'intérêt de l'entreprise. A ce propos, je rappelle que ce texte est issu des négociations qui ont eu lieu entre les partenaires sociaux et qui, malgré leur échec, ont eu le mérite d'exister, à la différence de la loi Guigou, élaborée dans l'urgence, et sans concertation. Permettez-moi de dégager les trois axes principaux sur lesquels nous allons travailler ensemble. Nous allons tout d'abord anticiper l'évolution des emplois, comme l'a fait l'industrie du plastique, soumise aux contraintes de l'environnement. Il faut permettre aux salariés de se former, afin qu'ils puissent s'adapter aux mutations du monde du travail. Il faut ensuite faire le choix du dialogue social. Votre prédécesseur, Monsieur le ministre, avait expérimenté les accords de méthode qui permettent d'adapter la procédure de négociation à la réalité de terrain dans chaque entreprise : 170 accords ont été conclus, et tous les syndicats se sont impliqués, ce qui a accéléré le reclassement des salariés licenciés. C'est une bonne chose de valider aujourd'hui cette expérimentation, mais il sera nécessaire de se placer au niveau des branches. Je salue le travail de M. Dord et de Mme de Panafieu à ce sujet. Enfin, il faudra assurer plus d'égalité dans les conditions d'accompagnement d'un plan de licenciement, et permettre aux salariés des entreprises de moins de 1000 personnes de bénéficier d'un plan de reclassement. Quant à la réflexion initiée sur la revitalisation des bassins d'emploi touchés par les licenciements économiques, elle est intéressante, mais nous aurons besoin de précisions. Ce projet représente une évolution importante de notre conception du droit du travail, et pour la première fois, une loi de croissance économique sera aussi une loi de cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Bertho Audifax - Je ne peux que saluer votre approche globale du plan de cohésion sociale, même si, réellement ambitieux pour l'Hexagone, il est plus modeste pour l'outre-mer. Certes, les lois doivent s'appliquer chez nous comme en métropole, mais à condition d'avoir au préalable résorbé nos retards ! Tant que cette étape n'aura pas été franchie, nous donnerons toujours l'image de ceux qui réclament sans cesse, et brandissent leurs spécificités ! Elles font hélas partie de notre histoire. S'agissant de l'emploi et de l'insertion professionnelle, nous pourrions atteindre l'objectif que vous vous êtes fixé d'une augmentation conséquente des apprentis, en modifiant la règle d'habilitation des maîtres d'apprentissage - deux apprentis pourraient se succéder à un même poste de travail. Cette mesure serait simple à contrôler, car l'une des spécificités de l'outre-mer est la maîtrise de la relation CFA-entreprise. Vous connaissez les retards structurels de l'éducation nationale en outre-mer : comment permettre à des jeunes qui quittent le système scolaire en situation d'échec d'être pris en charge par un dispositif d'insertion, si aucun repérage n'a été mis en œuvre ? Je vous propose donc de demander à l'éducation nationale de tenir à la disposition des organismes agréés de formation ou du conseil régional, le recensement exhaustif de ces jeunes, mais aussi d'inciter les régions à expérimenter une insertion en parcours professionnel. Vous semblez favorable au report de l'application de l'article 24 dans les régions d'outre-mer : aussi vous proposerai-je la date du 1er janvier 2007, après une évaluation au 1er janvier 2006 du dispositif CAE. N'oubliez pas que le taux de chômage, à la Réunion, est de plus de 40 %, et touche essentiellement les jeunes de moins de 20 ans. S'agissant du logement social, la situation est dramatique. La Réunion aurait besoin, à elle seule, de 9000 nouveaux logements par an, pendant dix ans. L'état du parc social récent est problématique, et l'habitat social d'urgence est inexistant. Aussi souhaiterais-je que l'APL foyer soit étendue à l'Outre Mer, que le forfait charges de l'allocation logement soit augmenté, et que l'exonération de la taxe foncière bâtie soit étendue à l'outre-mer pour le parc social bâti depuis 1990, et pour 25 ans, en échange de l'obligation pour les bailleurs sociaux bénéficiaires de consacrer les sommes ainsi économisées à la rénovation du parc social. La justification en est l'altération rapide des logements sociaux, en raison des aléas climatiques et des catastrophes naturelles, très fréquentes dans nos régions. Sans ces mesures, comment expliquer à nos populations l'intérêt du projet de loi de cohésion sociale? Comment justifier que nous devons être dans la norme nationale alors que nous sommes encore aujourd'hui largement en dessous ? Le problème n'est pas nouveau : hier la loi de programmation et d'orientation pour l'outre-mer n'avait pas pu prendre en compte les points que je viens d'exposer, aujourd'hui, la loi de cohésion sociale ne semble pas pouvoir le faire non plus. Le problème reste néanmoins entier, mais j'ai fait un rêve (Exclamations). J'ai rêvé qu'enfin ce Gouvernement - que je soutiens de toutes mes forces - ferait de ce texte un véritable « plan Marshall »social, garantissant le rattrapage de tous nos retards. Puisse mon appel au secours de ce soir être entendu, comme ont su l'entendre nos rapporteurs, et, en particulier, Françoise de Panafieu à laquelle j'adresse mes plus vifs remerciements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - Je sais qu'il n'est pas conforme à la tradition que je réponde dès à présent mais je veux rassurer immédiatement M. Audifax au sujet de la méthode que nous allons appliquer pour ce qui concerne l'outre-mer. Les particularités ultramarines justifient que nos textes républicains y fassent l'objet de modalités d'application adaptées. Ainsi, s'agissant du logement, comment ignorer que la pression démographique fait naître sur place d'énormes besoins, cependant que l'espace habitable disponible est très réduit, du fait de la nature volcanique des différentes îles. Quant à la situation administrative, sa complexité - malgré l'existence d'une ligne budgétaire unique - confine au fouillis, du fait notamment des interventions croisées de différents départements ministériels et de l'existence d'un ministère dédié. Soyez sûr cependant, que, conformément aux engagements pris devant le sénateur Virapoullé, nous mettrons en place avant la fin de l'année un contrat d'application territoriale du plan de cohésion sociale au profit de l'outre-mer. Notre engagement pour l'outre-mer demeure total. M. Pierre Cohen - S'il est un thème sur lequel nous devons faire preuve d'humilité, c'est bien celui de la lutte contre l'exclusion, tant les efforts mis en place depuis vingt ans dans le cadre de la politique de la ville sont souvent apparus comme insuffisants face à l'ampleur de la crise, de la montée du chômage et de la dégradation urbaine. Si notre action n'a pas toujours été couronnée de succès, nous estimons avoir le droit de critiquer la vôtre et de tenter de l'améliorer, d'autant que, depuis près de trois ans, votre bilan se résume à un gel des actions en cours - songez notamment à l'arrêt des contrats de ville ou au désengagement de l'Etat dans son soutien aux associations - et à la primauté donnée aux - hasardeuses - mesures de défiscalisation sans contreparties, dont nous contestons tout à la fois le bien-fondé et l'efficacité. Quant à votre politique du logement, elle trouvera vite ses limites, du fait du manque de moyens mobilisés en faveur des grands projets de ville ou de vos fameuses opérations de destruction-reconstruction. Il est vrai que nous ne partageons pas la même vision politique, qu'il s'agisse du choix du territoire pertinent - pour nous, c'est l'agglomération - ou de l'orientation de la politique de l'emploi. Vos résultats en la matière sont d'ailleurs édifiants : malgré le retour de la croissance, l'emploi ne redémarre pas et vos cadeaux sans contreparties aux entreprises ont fait la preuve de leur totale inefficacité. Mais il y a pis, lorsque vous tirez un trait sur tout le travail de partenariat patiemment mis en place dans le cadre de la politique de la ville. Qu'il s'agisse de l'aide aux jeunes en difficulté, du traitement de la violence urbaine ou de la politique éducative, les différents acteurs peinent à dégager la logique de votre projet. J'en veux pour preuve le sort que vous entendez réserver aux équipes de réussite éducative. C'est un sujet que je connais bien, le dispositif de « veille éducative » étant le fruit d'un rapport que j'ai cosigné avec M. Blazy et avec la déléguée interministérielle à la ville d'alors. Que préconisions-nous ? Une veille permanente de tous les membres de la communauté éducative en vue de détecter très précocement des troubles dans le comportement du jeune enfant et d'apporter des réponses personnalisées. Le dispositif des cellules et comités de veille éducative, régi par une circulaire Lang-Bartolone, commençait, en dépit des difficultés inhérentes à ce type d'action, de porter ses fruits. Las, vous n'en tenez aucun compte et votre proposition, fondée sur la notion vague et restrictive d'équipe de réussite éducative - nous fait régresser d'au moins quatre ans. Qu'en sera-t-il en effet du périmètre du territoire concerné, de l'acteur pilote ou des liens avec les structures existantes telles que le RASED ? Et le temps me manque pour dénoncer le caractère peu pertinent de l'architecture institutionnelle que vous avez cru bon de retenir. Qui peut raisonnablement croire que les caisses des écoles - mises en sommeil dans la majorité des cas - pourront remplir les nouvelles missions que vous leur assignez ? Et si votre dispositif est doté d'une ligne budgétaire identifiée, comment ne pas regretter qu'elle ne soit alimentée que par la suppression des instruments existants, dont l'inefficacité est loin d'être démontrée ? Alors, je vous en conjure, supprimez les articles inutiles de votre projet et contentez-vous de conforter l'existant : il en a bien besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Patrick Delnatte - Monsieur le ministre, grâce au projet de loi que vous présentez, la cohésion sociale reposera sur le triple socle de l'emploi, du logement et de l'égalité des chances. Mon intervention portera sur le troisième pilier, et plus particulièrement sur la politique de la ville. Je suis en effet convaincu que le nouveau mode de calcul de la DSU au profit des communes les plus défavorisées rendra plus lisible l'action de l'Etat. Comme le remarque à juste titre le Conseil économique et social, « la révision du mécanisme de la DSU est un élément positif dans le renforcement de la cohésion sociale et de l'équité territoriale ». Auparavant, l'évolution nationale de la DSU était peu claire, avec des oscillations en « yo-yo ». Ainsi, depuis 1997, les augmentations annuelles variaient de moins de 1 % à près de 50 % et rien ne facilitait la prévision de la part des maires qui, chaque année, attendaient avec impatience le montant de leur DSU avant de boucler leur budget, surtout lorsqu'ils bénéficiaient d'une dotation supplémentaire. Prenons l'exemple de la ville de Tourcoing. En 2001, elle a reçu 4,61 millions au titre de la DSU et de la dotation exceptionnelle. Deux ans plus tard, sous votre Gouvernement, la dotation exceptionnelle quadruplait. Pour 2004, elle diminue à nouveau. Il est patent que ces évolutions étaient devenues illisibles. En réalité, la difficulté était de positionner le curseur qui détermine le classement des villes les plus pauvres, celui-ci déterminant l'octroi d'une dotation supplémentaire exceptionnelle. Désormais, la programmation sur cinq ans - avec doublement de la DSU à terme - donne une vision beaucoup plus claire de l'effort du sans précédent de l'Etat. Aux critères de pauvreté et d'effort fiscal, s'ajoutera une majoration calculée en fonction de la proportion de la population habitant en ZUS et en ZFU. Pour Tourcoing, ce nouveau calcul conduit à un triplement de la DSU d'ici 2009. Aujourd'hui, son montant est de 4,57 millions ; en 2009, l'effort de l'Etat sera de 12,3 millions. En le rapprochant du dernier budget du gouvernement socialiste - où Tourcoing recevait 4,43 millions de DSU -, on mesure l'attention du Gouvernement pour les villes les plus en difficulté. Je suis persuadé que le maire de gauche de Tourcoing vous exprimera, Monsieur le ministre, tous ses remerciements ! (« Sûrement pas ! » sur les bancs du groupe socialiste) Certes, il n'y aura plus de dotation exceptionnelle, mais l'augmentation de la DSU la compensera largement. Entre 2000 et 2004, l'État a dégagé 23,89 millions en faveur de Tourcoing ; il en mobilisera 43,8 millions d'ici 2009. Ces chiffres significatifs montrent l'intérêt du Gouvernement pour les villes en grande difficulté, et je l'en remercie. Deux questions, Monsieur le Ministre. La première concerne la cartographie. Celle des ZFU a été revue avec la loi pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003. Peut-on espérer une révision de la cartographie des ZUS ? Les premières ZUS datent de 1993, puis elles ont été plus précisément définies par le pacte de relance pour la ville de 1996. Depuis, dans les communes, la situation a évolué, en bien ou en mal. Afin que la DSU rénovée se fonde sur la répartition la plus juste possible des ZUS, il serait logique de procéder à une actualisation de leur carte. La deuxième question concerne l'évaluation. Le Gouvernement a raison de développer la culture de l'évaluation. L'Etat met à la disposition des acteurs locaux des moyens importants pour lutter contre l'exclusion et la discrimination : il faut en évaluer les résultats. A ce titre, on peut féliciter l'Observatoire National des Zones Urbaines Sensibles, mis en place par le gouvernement, pour son premier rapport. Serait-il possible, Monsieur le Ministre, que cet Observatoire fournisse davantage d'évaluations au niveau des communes ? Nous connaîtrions mieux les initiatives qui marchent, et nous pourrions apporter des corrections aux échecs constatés. La loi de cohésion sociale nous lance à tous de vrais défis. Les nouvelles pauvretés apparues dans les années 80 n'ont fait qu'augmenter. Le chômage reste à un niveau élevé. Les politiques menées jusqu'ici, toujours plus coûteuses, n'ont pas permis d'inverser durablement les tendances. On a le sentiment d'un système essoufflé, qui atteint ses limites. Le grand mérite du plan du Gouvernement est de s'appuyer sur trois priorités qui conditionnent l'assistance : l'accompagnement personnalisé, l'accès à l'emploi et la formation. Appliquées à toutes les situations, elles doivent permettre de ne laisser personne au bord du chemin. C'est le sens que nous donnons à la fraternité républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Louis Christ - Ce projet met en place des outils pour réagir à la situation difficile de notre pays en matière d'emploi, de logement et d'égalité des chances. J'axerai mon propos sur la situation de l'emploi, composante majeur de notre actuelle crise d'identité et de cohésion sociale. J'envisagerai également des solutions possibles, notamment par le développement de l'apprentissage. Le taux de chômage des jeunes en France est le plus élevé d'Europe depuis plus de dix ans. C'est pour notre jeunesse un véritable obstacle à son intégration citoyenne. Parallèlement les filières professionnelles, notamment l'apprentissage, voient leur recrutement stagner, alors que les entreprises ont de plus en plus de mal à recruter des personnels qualifiés. Pourtant l'apprentissage forme chaque année plus de 360 000 jeunes, avec un taux d'insertion d'environ 70 %. Il répond aux besoins des entreprises, tout en assurant aux jeunes un accès à l'emploi plus rapide que toute autre formation : en moyenne une embauche non aidée intervient sept mois après la fin du contrat. Ces faits ont conduit le Gouvernement, et je m'en réjouis, à souhaiter relancer l'apprentissage dans le cadre de son programme d'insertion des jeunes piloté par M. Hénart. Le projet entend porter le nombre annuel des apprentis à 500 000 d'ici 2009, en améliorant l'image de l'apprentissage, en l'ouvrant à des publics nouveaux, en facilitant l'accueil des jeunes dans l'entreprise. Mais ces mesures ne seront efficaces que moyennant une coopération étroite avec l'éducation nationale, et j'espère que le projet de loi d'orientation sur l'école le permettra. Cela implique notamment un vrai travail d'information et d'orientation dans les établissements, en cessant d'opposer filière générale et filières techniques et professionnelles, savoirs manuels et intellectuels. L'orientation par le choix, et non plus par défaut, est la clé du succès de l'apprentissage. Il faut d'autre part ouvrir la formation en alternance à des publics nouveaux en en faisant une formation comme les autres. L'amélioration du statut de l'apprenti et de sa rémunération, l'aide au logement, la création d'une carte nationale de l'apprenti inspirée de la carte d'étudiant, y contribueront. Plus fondamentalement, la réussite de l'apprentissage exige une véritable politique des filières. La capacité de l'apprentissage à proposer des parcours personnalisés, la possibilité d'entrer dans le dispositif à tout moment de l'année, celle de parvenir par cette formation aux plus hauts niveaux de qualification permettront aux jeunes de cette filière de raisonner en termes de plan de carrière. Le projet entend également accroître l'attractivité du système aux yeux des entreprises, grâce à un crédit d'impôt de 1600 à 2200 euros annuels pour celles qui accueilleront des apprentis. Cette mesure touchera essentiellement les PME et les artisans. Il est donc important que le Gouvernement pense à les encourager dans leur rôle de maîtres d'apprentissage auprès des jeunes. Mais veillons à ne pas reprendre d'une main ce que nous donnons de l'autre ! La suppression de l'exonération de charges sociales patronales pour les apprentis qui auraient obtenu leur diplôme avant la fin du contrat d'apprentissage, par l'article 75 de la loi de finances pour 2005, votée nuitamment à la faveur d'une seconde délibération, suscite l'incompréhension. Ce dispositif est d'autant plus fâcheux qu'il conditionne l'exonération à l'échec de l'apprenti ! Je ne désespère pas qu'il soit supprimé lors de la prochaine lecture au Sénat. Pour ce qui est du financement, la complexité et l'opacité du système, avec son enchevêtrement d'opérateurs publics et privés, a permis le développement de la pratique discutable du courtage, et une dérive du principe de la libre affectation de la taxe d'apprentissage par les entreprises, que dénonce un récent rapport de l'Inspection générale des quatre ministères concernés. Le projet apporte à ce système plus de transparence et d'efficacité, par un renforcement du contrôle des organismes collecteurs et des CFA, par l'obligation de verser la taxe d'apprentissage à un collecteur, par une péréquation financière renforcée, et par la conclusion avec les régions de contrats d'objectifs et de moyens. Les mesures du projet relatives à l'apprentissage constituent une réponse adaptée et offrent aux jeunes une voie privilégiée vers une qualification, un diplôme, un emploi, voire les responsabilités entrepreneuriales. Mais je souligne à nouveau la nécessité de garder toute leur crédibilité à ces mesures en supprimant l'article 75 du projet de loi de finances pour 2005 ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) M. Jean-Pierre Blazy - Je souhaite insister sur le volet éducatif du texte, au demeurant réduit à la portion congrue au regard de l'ensemble du texte. C'est surprenant, car la question de l'éducation et de l'école est fondamentale dans la problématique de la cohésion sociale. Le constat est préoccupant sur les territoires les plus défavorisés que sont les zones urbaines sensibles. Le premier rapport de l'Observatoire national des ZUS, qui vient de paraître, montre la persistance et l'aggravation des difficultés. Ainsi, un habitant sur trois n'a aucun diplôme et les écarts s'accroissent par rapport à la moyenne nationale. La scolarité dans les ZUS est également marquée par un taux de retard des élèves nettement supérieur à la moyenne nationale. Le projet propose ses dispositifs de réussite éducative alors que nous attendons une loi d'orientation sur l'école après la publication du rapport Thélot. De graves inquiétudes pèsent sur l'école et sur l'éducation nationale, d'abord en raison d'un budget insuffisant. Qu'il s'agisse des ZEP ou des REP, les moyens ne sont pas au rendez-vous, alors que l'éducation prioritaire concerne environ 1,7 million d'élèves et que 7% d'une classe d'âge sortent du système éducatif sans aucune qualification. Il n'est que de voir les difficultés des réseaux d'aide, le manque persistant de médecins, de psychologues et d'infirmières scolaires ou encore les incertitudes qui planent sur le devenir de la mission générale d'insertion. Comment, dans ce contexte, promouvoir l'égalité des chances ? Une publication du ministère de l'éducation nationale intitulée « L'état de l'école », datée d'octobre dernier, constate que le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans remonte depuis deux ans, après avoir baissé de 8 points en quatre ans avant 2002. Je souligne que ceci figure dans un document du ministère de M. Fillon. Voilà qui illustre bien la différence entre la gauche, qui avait fait baisser ce taux, et la droite qui le fait augmenter (Murmures sur les bancs du groupe UMP). C'est le résultat de votre politique économique et sociale, qui porte atteinte directement à la cohésion sociale, en même temps que de votre incapacité à mener des politiques de droit commun pour une meilleure réussite des jeunes. Quelle sera donc la cohérence entre le présent projet et le futur texte de M. Fillon, en termes d'objectifs mais aussi de moyens ? Examinons vos dispositifs de réussite éducative. La création d'internats de réussite éducative pour isoler certains élèves d'un milieu difficile, c'est une idée de la gauche, que la droite avait critiquée à l'époque. Relisez le plan Lang de 2001, et appliquez-le... De même, avec les 750 dispositifs de réussite éducative prévus dans les programmes 15 et 16 de votre plan, vous vous inspirez des cellules de veille éducative que la gauche avait lancées fin 2001. Pierre Cohen a rappelé le travail accompli alors à la demande de Claude Bartolone, ministre de la ville. La gauche avait prévu, modestement je l'accorde, 50 millions de francs en 2001 pour financer les postes de coordonnateurs de ces cellules, et pourtant les subventions versées aux communes par votre ministère ont été réduites. Dès lors, êtes-vous crédible quand vous prétendez doter ces nouveaux dispositifs de 1 469 millions d'euros sur cinq ans ? Et pourquoi tant d'argent à partir de 2007, et non avant ? Le Conseil économique et social s'est inquiété de la réalité de la répartition du financement des équipes de réussite éducatives entre Etat et collectivités. Il ne faudrait pas que les collectivités qui concentrent toutes les difficultés et qui sont souvent parmi les plus pauvres aient à supporter une nouvelle charge excessive. Il faudra en effet financer non seulement des postes de coordonnateurs de veille éducative, mais aussi les postes de professionnels indispensables pour agir efficacement. Nous acceptons l'innovation ou l'expérimentation, mais nous ne cautionnerons pas l'illusion. Il faut poursuivre l'expérimentation de la veille éducative. La relation de confiance qu'implique l'action partenariale met du temps à se tisser. Ne prenons pas le risque de détruire le lien qui commençait à s'installer entre les différents acteurs de la veille éducative. Il vaut mieux conforter ce qui existe en renforçant les moyens à la disposition des maires. Vous avez parlé d'action partenariale entre l'Etat et les collectivités, vous avez également prôné souplesse et exigence : nous pouvons être d'accord sur ce point. Mais il est illusoire de croire que la politique de la ville apportera, grâce à un nouveau dispositif qui reste d'ailleurs flou, une réponse là où le droit commun n'en apporte pas. Nous proposons de partir ce qui existe : la veille éducative, aujourd'hui encore en expérimentation. Il faut poursuivre dans cette voie et y consacrer plus de moyens. Faisons confiance aux maires qui, dans les projets éducatifs locaux, recherchent avec tous les acteurs concernés des solutions à l'échec scolaire au niveau des territoires. Nous proposerons des amendements dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Patrick Beaudouin - Le mérite de ce projet est de nous proposer une politique d'ensemble visant à restaurer la cohésion sociale dans notre pays. Celle-ci est souvent un thème de débat théorique. Aujourd'hui, nous mettons en place les instruments de sa réalisation. La partie de votre projet relative à l'apprentissage est essentielle pour l'emploi. C'est par la promotion de toutes les voies d'accès à l'emploi que nous sortirons de la contradiction actuelle : une demande d'emploi non satisfaite et un nombre élevé de jeunes sans formation. A la demande de Christian Jacob, ministre délégué aux PME et à l'artisanat, Jean-Paul Anciaux et moi-même avons animé un groupe de travail sur l'apprentissage. Cette démarche complémentaire du Livre Blanc, des textes sur la formation tout au long de la vie et de votre projet, ne vise qu'à l'enrichir. L'apprentissage fait partie intégrante de l'éducation. Il n'est pas une formation au rabais, mais une formation adaptée à un besoin. Le choix de l'apprentissage doit donc ouvrir toutes les voies de l'enseignement, même les plus élevées. Il faut impérativement requalifier l'apprentissage, qui conserve hélas une connotation négative, et ouvrir tous les niveaux supérieurs de formation à l'apprentissage, qui doit devenir un volet de l'instruction publique. Nous en reparlerons lors du débat sur l'école. L'apprentissage se fonde sur des besoins réels de notre économie. C'est en particulier le cas pour les métiers qui forment la trame des PME-PMI de proximité. Vous évaluez les créations d'emplois à près de 500 000 à moyen terme. Les métiers de proximité alimentés par l'apprentissage sont en effet les plus grands demandeurs de main- d'œuvre. Cette réalité ne se limite pas à l'exercice des métiers, mais s'étend aux responsabilités de direction. Selon l'assemblée des chambres de commerce, environ 500 000 entreprises seront à reprendre d'ici dix ans, et 900 000 d'ici quinze ans. Il y a là un gisement d'emplois à exploiter : le besoin de main-d'œuvre n'est pas seulement quantitatif. Si l'on ne veut pas laisser disparaître ce tissu économique, il faudra puiser ces nouveaux chefs d'entreprise dans le vivier de l'apprentissage. Nos propositions visent donc à favoriser les jeunes qui, ayant acquis par la formation en alternance un métier, puis un emploi, puissent devenir des dirigeants d'entreprise. Quatre axes de propositions ont été retenus par le groupe de travail. Outre l'amélioration de la connaissance de l'entreprise et de l'orientation scolaire, nous souhaitons aider la filière de l'apprentissage à évoluer vers les niveaux supérieurs de formation et à devenir l'école de la « création-reprise d'entreprise», mieux prendre en compte la situation des apprentis, et valoriser le rôle des maîtres d'apprentissage. Nous avons donc déposé des amendements pour offrir la possibilité aux apprentis de suivre des modules complémentaires de management d'entreprise ; créer un support de formation de la reprise d'entreprise ; conserver une certaine souplesse dans le critère d'âge pour les apprentis qui ont un projet ; faciliter le retour de l'apprenti dans le système scolaire ; permettre aux CFA d'accueillir des jeunes en rupture de contrat pendant trois mois ; alléger les dispositifs réglementaires relatifs à l'autorisation d'augmenter la durée du contrat d'apprentissage ; rendre obligatoire une évaluation des compétences avant la signature du contrat ; adapter la notion d'équipe tutorale ; et enfin prendre en compte les acquis de l'expérience pour accéder aux formations supérieures. Au-delà du problème économique, l'apprentissage est en France une véritable culture. Il contribue à l'équilibre sociologique de nos villes, de nos communes, de nos cités. Avec votre projet, nous ouvrons la voie, pour des milliers de jeunes, à l'emploi, certes, mais aussi à l'esprit de responsabilité et de citoyenneté indispensable à la cohésion de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Michel Piron - Ce plan de « cohésion sociale » marque incontestablement un tournant dans l'approche des problèmes sociaux qui affectent notre société. Comment ne pas saluer la volonté ici affirmée de les traiter de manière globale? Comment ne pas en reconnaître l'illustration dans le lien établi entre emploi, formation et logement ? Les conditions de logement ne sont pas sans influence sur la formation, et donc sur l'emploi. En dépassant les approches parcellaires qui échouent trop souvent, vous traitez, avec beaucoup de respect et de lucidité, la personne comme un tout. Cela est manifeste, s'agissant des « maisons de l'emploi » qui devraient permettre de réunir des compétences jusqu'alors dispersées afin d'apporter une réponse personnalisée aux problèmes de chacun. Ce l'est peut-être plus encore s'agissant de la politique du logement. La crise actuelle est paradoxale : avec un niveau de construction sans précédent depuis vingt ans - 34 000 logements construits dans les douze derniers mois - on constate une demande croissante de logements sociaux. Saluons donc l'effort pour son ampleur et sa lisibilité. L'offre locative devrait doubler, avec 100 000 logements par an pendant cinq ans. Le PTZ est amélioré, et la réhabilitation-amélioration de l'existant facilitée, avec le concours, au delà de l'ANRU, de l'ANAH et de la Caisse des Dépôts. 6,53 milliards sont consacrés, à périmètre constant, au logement. Les acteurs des secteurs public et privé sont associés, dans le cadre de la territorialisation nouvelle permise par la loi de décentralisation. C'est l'assomption du temps d'une politique prise entre l'urgence d'une situation de crise - héritée - et la durée qu'exige un choix aussi volontaire - cinq ans - dont les résultats ne peuvent être ceux des « médias de l'immédiat ». Ce qui est en jeu dans cette loi, c'est une vision de notre société. La vôtre nous rappelle qu'il n'est pas davantage de solidarité sans responsabilité que de responsabilité sans solidarité. Ce choix de société est un choix politique, et nous le partageons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Louis Dumont - Vous avez la tâche ingrate de redorer le blason de votre majorité, terni par l'accroissement considérable des inégalités, de la pauvreté, du chômage et de l'exclusion. Mais ces objectifs ne sauraient guider une réforme qui aurait exigé plus de démocratie, donc un véritable débat parlementaire. Vos desseins humanitaires se heurtent aux ambitions libérales de la majorité et votre détermination « d'homme en colère » aux limites posées par les engagements financiers de l'Etat. « La main ne peut donner que ce qui est disponible » nous dit un auteur arabe du VIIe siècle. Notre collègue Serge Blisko, président du groupe parlementaire qui rassemble les élus épris des droits de l'Homme, aurait souhaité s'exprimer. Je le supplée. Le troisième pilier de votre projet propose de rénover « l'accueil et l'intégration des personnes issues de l'immigration ». On ne peut que souscrire à un tel postulat, qui nous change des discours électoralistes de certains de vos collègues, qui ne voient dans les immigrés que des fraudeurs ou des délinquants en puissance. La conséquence en est la fragilisation des étrangers vivant légalement sur notre sol. Il est vrai que l'exemple vient de haut... Un haut responsable de notre République ne vient-il pas de réclamer un nouveau train de mesures, en proposant notamment un contrôle plus strict des certificats d'hébergement ? Y a-t-il une quelconque cohérence entre ces déclarations d'un soir et nos travaux d'aujourd'hui ? On nous propose la généralisation du contrat d'accueil et d'intégration. Mais un contrat, c'est un échange. Dès lors que l'étranger a rempli les obligations qui y sont attachées, il convient d'en tirer les conséquences par des effets juridiques substantiels. Nous demandons donc la réduction du délai d'obtention de la carte de résident de cinq à trois ans, et le droit de vote aux élections locales. N'est-il pas la meilleure expression de l'intégration républicaine ? Il encouragera en outre la participation citoyenne à la vie locale, conformément aux préconisations de la Commission européenne. Si vous le refusez, ce contrat ne sera pour les immigrés qu'un papier de plus à obtenir. II y a une contradiction évidente entre l'exposé des motifs, qui s'appuie sur l'image d'une France égalitaire, et les mesures proposées, qui transforment en course d'obstacles « le parcours d'intégration » des immigrants. Un certain nombre de points doivent être clarifiés. Qui va assurer la tutelle de la nouvelle Agence ? La réponse est renvoyée à un décret. L'agence subira-t-elle donc comme l'OFPRA la mainmise du ministère de l'intérieur ? C'est au législateur de fixer, conformément à notre Constitution, « les règles relatives à la création de catégories d'établissements publics ». D'autre part, parlons-nous d'un véritable contrat d'intégration ? Sachant que 30 % des primo-arrivants doivent s'inscrire dans une démarche d'apprentissage du français, nous devons faire en sorte que le contrat soit compris par l'étranger et donc proposé dans une langue qu'il comprend. Parmi les obligations qui en découlent, il y a une journée de formation civique, qui porte sur l'enseignement de nos valeurs républicaines et sur le fonctionnement de nos services publics. Il ne serait pas acceptable que l'Etat délègue, par le biais de marchés publics au secteur privé, un tel enseignement ! Apprendre la France doit être réservé à l'éducation nationale ! Tout désengagement de l'Etat dans ce domaine risquerait d'entraîner des inégalités de traitement entre les étrangers. Il a existé un modèle français d'intégration. Beaucoup d'entre nous pensent qu'aujourd'hui il ne fonctionne plus et qu'il est de toute façon négligé au profit d'une politique de maîtrise des flux migratoires. Vous essayez de relancer un nouveau modèle, via ce contrat d'accueil et d'intégration que vous réservez aux nouveaux arrivants, en excluant les immigrés déjà installés et leurs enfants souvent devenus Français, sur qui pèsent aujourd'hui les discriminations. Ma conclusion sera pour vous appeler, Monsieur le ministre, à mener une politique qui ne reste pas anonyme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Mme Arlette Grosskost - Le Président de la République l'a dit et redit, il faut mettre un terme à la fracture sociale. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin l'a bien compris et nous propose donc ce plan de cohésion sociale, dont la réussite dépendra largement de l'implication de tous les acteurs économiques et sociaux. Force est de constater que le chômage structurel est toujours d'actualité, entraînant dans son sillage l'exclusion des jeunes et des moins jeunes ainsi que l'émergence de quartiers insalubres, avec leur lot de misère, d'intolérance et de racisme. Ciment de notre République, l'égalité des chances s'effrite de plus en plus. Je ne peux donc que me réjouir du volontarisme de ce plan. Parmi les mesures proposées, je salue le fait de donner aux jeunes de 16 à 25 ans en difficulté, et confrontés à un risque d'exclusion professionnelle, un véritable droit à un accompagnement personnalisé. En ma qualité de porte-parole du conseil régional d'Alsace, dont je suis vice-présidente en charge de la politique des jeunes, permettez moi cependant d'exprimer certaines inquiétudes quant au partage des rôles Etat-région tel qu'il est prévu par l'article 9 dans sa rédaction issue du Sénat. Dans le cadre d'une décentralisation bien comprise, et pour éviter tout risque de dualisme, il serait intéressant de confier à la région la fonction d'autorité de gestion et de paiement de l'ensemble des crédits relevant de la politique de l'Etat. Vous aurez compris, Monsieur le ministre, que la région Alsace se porte volontaire pour expérimenter ce dispositif. Avec plusieurs de mes collègues, j'ai déposé un amendement à cet effet. Par ailleurs, nous ne pouvons que vous féliciter d'avoir pris des mesures appropriées pour redonner ses lettres de noblesse à l'apprentissage. Quelques questions demeurent néanmoins. Est-il envisagé de modifier la fraction du quota de la taxe d'apprentissage destinée au fonds national de péréquation ? Si oui, quel sera le nouveau taux ? Vous avez fait part de votre intention de revoir les critères de répartition de la péréquation et de favoriser les régions qui feraient des efforts particuliers. Selon quelles modalités ? Plus généralement, Monsieur le ministre, pourriez-vous nous exposer les modalités de répartition du produit de la nouvelle contribution pour le développement de l'apprentissage ? Je vous indique à ce propos qu'une proposition de loi que j'ai signée avec deux de mes collègues alsaciens, tend à confier, à titre expérimental, à la région Alsace la collecte et la répartition du produit de la taxe d'apprentissage. Gagner la bataille de l'emploi, voilà un but qui devrait être partagé unanimement. Je salue donc l'initiative qui consiste à créer un droit à convention de reclassement personnalisé au profit des salariés des entreprises de moins de 1 000 salariés. S'agissant de celles dépassant cet effectif, je voudrais rappeler ce qui s'est passé à l'entreprise Wärtsila. Cette entreprise s'était déclarée prête à financer un congé de reclassement aux salariés licenciés pour des raisons économiques jusqu'à ce que ces derniers retrouvent du travail. Seulement voilà, la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a limité à neuf mois les possibilités d'exonération des charges pour les entreprises de plus de 1 000 salariés. L'administration, qui a appliqué le texte à la lettre, a donc refusé une dérogation à l'entreprise Wärtsila au-delà des neuf mois en question. L'intention de l'entreprise était pourtant louable ! Afin d'encourager ces grandes entreprises à se montrer généreuses, je réitère par voie d'amendement une proposition de loi que j'avais déposée en vue de prolonger le délai de reclassement de 9 à 18 mois, tout en continuant à les exonérer des charges sociales pendant cette période. Ce dispositif offre un double avantage : non seulement il accroît les chances pour le travailleur licencié de trouver un nouvel emploi grâce à une reconversion bien pensée, mais surtout il s'avère moins coûteux pour l'assurance chômage, puisque son salaire sera pris en charge par l'employeur pendant le temps consacré à ladite reconversion. Je vous rappelle que cette suggestion avait obtenu l'adhésion de tous les syndicats et que la prolongation de ce délai ne nécessiterait qu'un changement fort modeste de l'article L.321-4-3 du code du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 30. La séance est levée à 20 heures 10. Le Directeur du service Le Compte rendu analytique Préalablement,
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