Session ordinaire de 2004-2005 - 56ème jour de séance, 135ème séance 1ère SÉANCE DU JEUDI 3 FÉVRIER 2005 PRÉSIDENCE de M. Yves BUR vice-président
Sommaire EGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES
DES PERSONNES HANDICAPÉES (CMP) 2 RÉFORME DE L'ORGANISATION DU TEMPS
DE TRAVAIL DANS L'ENTREPRISE (suite) 10
AVANT L'ARTICLE PREMIER (suite) 10
La séance est ouverte à neuf heures trente. EGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES DES PERSONNES HANDICAPÉES (CMP)
M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée le texte de la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP. M. Jean-François Chossy, rapporteur de la commission mixte paritaire - Le moment est solennel puisque nous arrivons à l'ultime lecture de ce projet de loi qui permettra un accompagnement de la personne handicapée tout au long de son projet de vie, et contribuera à faire évoluer le regard de nos concitoyens sur les personnes fragilisées. Permettez-moi de remercier Mme Boisseau et les membres de son cabinet, qui ont posé les fondations de ce texte, de féliciter Mme Montchamp et ses collaborateurs qui ont apporté des pierres solides à sa construction, qui ont su écouter les députés et les associations. Je me réjouis du travail de nos deux assemblées, qui a permis des progrès significatifs sur la prestation de compensation, sur les ressources, sur la formation, sur la scolarisation, et sur l'accessibilité. Enfin, je remercie les administrateurs, qui ont patiemment supporté les exigences du rapporteur, et contribué à la clarté de ce grand texte, ainsi que les associations et tous ceux qui nous ont enrichis de leur expérience. La CMP a rédigé un article premier A afin que les associations gestionnaires et les associations non gestionnaires d'établissements ou de services siègent simultanément au sein des instances nationales ou territoriales émettant un avis ou adoptant des décisions concernant les personnes handicapées. Le Gouvernement devra, par conséquent, recenser toutes les associations de cette nature et adapter la composition des instances visées. Par ailleurs, la CMP a décidé de supprimer la disposition prévoyant qu'un décret fixe les critères de représentativité des associations de personnes handicapées, mais j'invite tout de même le Gouvernement à publier un tel décret, car l'article premier A prévoit la nomination des représentants des personnes handicapées par leurs « associations représentatives » sans les définir. Parce que les associations gestionnaires, qui représentent 90% des associations, vont désormais être appelées à siéger dans de multiples commissions locales ou nationales, il faut s'assurer de leur représentativité. On mesure la complexité de cette disposition ! A l'article premier ter, certains parlementaires se sont interrogés sur le sens à donner à l'association de professionnels aux programmes de recherche : il s'agit de permettre à des personnes qui travaillent à l'innovation technique, élaborent de nouveaux produits en dehors des laboratoires de recherche, de participer à l'amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées. A l'article 2, et plus particulièrement au 2° de l'article L. 245-2, l'adverbe « notamment » traduit l'intention du Parlement de ne pas limiter les aides techniques pouvant être prises en charge au titre de la prestation de compensation à la seule couverture des frais dont la liste est dressée au 1° de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale. Au même article, la CMP a convenu que le mode de financement de la prestation de compensation retenu par l'Assemblée nationale en deuxième lecture était le plus favorable aux personnes handicapées. En conjuguant les crédits de la CNSA, des départements et des fonds départementaux de compensation, ce dispositif permettra d'établir des grilles tarifaires nationales satisfaisantes, et de mobiliser efficacement les crédits extralégaux de l'Etat, des collectivités locales, des caisses de sécurité sociale, des mutuelles et de tous les autres organismes. Toujours à l'article 2, la CMP a supprimé, contre l'avis de votre rapporteur, la référence au statut de particulier employeur, jugeant cette précision inutile, les personnes handicapées pouvant à tout moment bénéficier de ce statut, et le 1er alinéa de l'article L. 245-9-1 prévoyant qu'une personne handicapée peut employer et rémunérer un salarié. Enfin, la CMP a préféré ne pas renverser la charge de la preuve, les sénateurs ayant fait valoir que cela risquait d'imposer des enquêtes inquisitoriales, bien plus contraignantes que l'obligation de conserver les justificatifs des dépenses. A l'article 6, la CMP a souhaité mettre à la charge de la collectivité territoriale qui doit rendre accessibles les locaux scolaires, les surcoûts de transport de l'enfant handicapé vers un établissement plus éloigné que l'établissement de référence, lorsque celui-ci lui est inaccessible. En matière d'enseignement, la CMP a modifié la rédaction de l'article L. 112-2-2 du code de l'éducation pour que les enfants sourds aient le choix entre une communication bilingue avec la langue des signes, et une communication « en langue française », qui devrait permettre, en assurant leur éducation au français oral comme écrit, de résorber un analphabétisme trop souvent caché. Par ailleurs, la CMP a considéré que le dispositif sur l'enseignement de toutes les matières du programme de l'éducation nationale en langue des signes relevait du domaine règlementaire. A l'article 8, la CMP a unanimement adopté, s'agissant de l'orientation scolaire de l'enfant handicapé, un amendement proposé par le rapporteur de l'Assemblée nationale, et cosigné par le rapporteur Paul Blanc. Le Sénat avait initialement soumis l'accueil de l'enfant handicapé en milieu scolaire ordinaire à une obligation de sécurité pour lui-même et pour la communauté des élèves. Suite à l'émotion provoquée par cette rédaction, l'Assemblée, sur proposition du rapporteur, avait rendu le dernier mot aux parents, mais à condition que leur choix soit compatible avec le projet personnalisé de scolarisation de l'enfant. Les associations s'étant à nouveau opposées à cette rédaction, la CMP a adopté un amendement visant à redonner aux parents la possibilité d'affirmer leur choix et de faire appel, le cas échéant, à une personne qualifiée pour, en cas de conciliation, soutenir leur proposition devant la commission. Je précise que cet article concerne tous les stades de la scolarisation de l'enfant, depuis la maternelle jusqu'à l'apprentissage d'un métier. A l'article 12, la CMP propose de rétablir le bénéfice de l'obligation d'emploi au profit des titulaires de la carte d'invalidité et de supprimer de la liste de ces bénéficiaires les salariés qui ont fait l'objet d'un reclassement en cours de carrière. A l'article 12 bis AA, la CMP a regroupé les dispositions sur la pension des fonctionnaires handicapés, qui tendent à accorder une pension à taux plein dès 55 ans, avec une bonification d'un trimestre pour trois cotisés au profit des fonctionnaires dont l'invalidité est d'au moins 80%. La loi renvoie à un décret la fixation du nombre de trimestres. J'aimerais savoir, Madame la ministre, à quelle date ce décret sera publié. S'agira-t-il d'une date fixe ou d'un échéancier pour la mise en œuvre de cette bonification ? La liquidation des pensions avec cet avantage ne pourra se réaliser qu'à la publication de ce décret. La bonification d'un trimestre sur trois sera-t-elle accordée avec un mécanisme progressif ou le sera-t-elle d'emblée, à tous, et en totalité ? A l'article 24, la CMP a convenu qu'il ne fallait pas faire naître le faux espoir d'une mise en accessibilité générale des stations de métro et de RER dans les dix ans, cette échéance étant matériellement impossible à respecter. La CMP a donc privilégié l'obligation d'organiser des transports de substitution. Pour s'exonérer de l'obligation de mise en accessibilité dans les dix ans, les autorités responsables des réseaux de transports publics souterrains doivent, dans les trois ans suivant la publication de la loi, élaborer un schéma directeur d'accessibilité de leurs services et offrir des transports de substitution aux personnes handicapées ou à mobilité réduite entre les stations qui ne sont pas accessibles. La CMP a également validé le dispositif de financement et d'organisation de la CNSA adopté par l'Assemblée nationale. A la demande des sénateurs, elle a toutefois prévu la présence de députés et de sénateurs au sein du conseil de la CNSA et maintenu la péréquation financière à partir des potentiels fiscaux des départements afin de conserver le même mécanisme que pour l'APA. A l'article 27, la CMP a confirmé le statut de GIP des maisons départementales des personnes handicapées mais a défini la nature de ses membres : la loi mentionne ainsi explicitement la possibilité pour les associations gestionnaires d'établissements ou de services et les personnes morales participant au fonds départemental de compensation d'être membres du GIP. Ce dispositif inclut donc les mutuelles et n'est d'ailleurs pas rédigé de manière limitative. La CMP a en outre introduit une disposition permettant au préfet de créer un GIP en cas de carence du département. A l'article 32 quater, la CMP a renoncé à imposer aux services de télévision dont la part d'audience dépasse 2,5% de mettre en place l'audiodescription dans un délai de cinq ans. Compte tenu des exigences de cette technologie et des obligations d'investissements audiovisuels imposées par la loi aux chaînes de télévision, la CMP a préféré, avant de légiférer, attendre le rapport que doit déposer le Gouvernement sur ce sujet d'ici à un an. A l'article 32 sexiès, l'obligation de mise à disposition d'un dispositif de communication adapté pour les personnes sourdes a été étendue aux juridictions administratives : l'oralité est en effet de règle en cas de procédure d'urgence, d'expulsion ou de reconduite à la frontière sans délai. A l'article 45, la CMP propose aux bénéficiaires de l'ACTP de continuer à percevoir leur allocation au cas où ils risqueraient d'avoir une prestation de compensation inférieure : ils pourront toutefois opter pour la prestation de compensation à chaque renouvellement de l'ACTP et le basculement sera alors définitif. Vous nous avez par ailleurs assuré, Madame la ministre, que les revenus des personnes aveugles ne baisseraient en aucune façon. Il importe que le bénéficiaire de l'ACTP indique à chaque renouvellement sa volonté d'en conserver le bénéfice ; à défaut, le silence vaut présomption de choix de basculement sur le système de la prestation de compensation. Cette présomption pourra certes être renversée mais des retards de versement surviendront. Enfin, la CMP n'a pu, mécaniquement, reprendre un amendement que j'avais présenté concernant l'accès à la culture, aux sports et aux loisirs. Je vous demande, Madame la ministre de bien vouloir me confirmer vos intentions. Nous devrons enfin envisager la mise en œuvre du « Plan Métier » : vous l'avez vous-même proposé, et ce sera un rendez-vous parlementaire important. Dans cette attente, la CMP étant parvenue à un accord sur la rédaction du projet de loi, j'invite l'ensemble de mes collègues à adopter le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - Le vote de cette loi est une étape cruciale pour l'avenir de notre société : j'attends de nos administrations, de nos entreprises, de nos commerces, de chacun d'entre nous une modification de nos comportements. C'est en côtoyant la différence que nous surmonterons l'indifférence et le rejet. Chaque lecture du texte a été l'occasion de nouvelles avancées : la création effective du droit à compensation à partir des besoins et du projet de vie de la personne ; l'amélioration des ressources, désormais clairement distinguées de la compensation, et notamment l'amélioration du cumul de l'AAH avec un revenu d'activité ainsi que la création d'une garantie de ressources pour les personnes handicapées qui ne peuvent pas travailler ; l'accès renforcé à l'éducation et en priorité à l'école de la République : les enfants et adolescents handicapés seront inscrits de droit dans l'école de leur quartier et leurs parents ne pourront plus être tenus à l'écart des décisions qui les concernent. Cette avancée est confortée par l'élaboration d'un véritable projet de parcours scolaire avec, notamment, la mise en place d'auxiliaires de vie scolaire à l'université et une meilleure articulation avec le secteur médico-social. Ce projet reconnaît également la langue des signes comme une langue à part entière ainsi que le libre choix entre une éducation bilingue et une éducation en langue française uniquement. Il affirme solennellement le principe d'accessibilité généralisée et son application effective par des procédures adaptées, des sanctions fortes et des objectifs très précis : accessibilité des transports dans un délai de dix ans, accessibilité des sites Internet d'ici à trois ans, accès aux procédures judiciaires pour les personnes sourdes et malentendantes par un accompagnement adapté, accessibilité de l'audiovisuel aux personnes sourdes et aux personnes aveugles ou malvoyantes grâce à la garantie inscrite dans la loi que le Gouvernement présentera dans un an un plan de mise en œuvre et de développement de l'audiodescription. Le principe de non-discrimination à l'emploi trouve enfin une base législative et, par voie de conséquence, le principe d'aménagement approprié des postes de travail. Le projet procède également à l'alignement des obligations de la fonction publique sur celles du secteur privé avec la création d'un fonds commun aux trois fonctions publiques. Il favorise une meilleure articulation du milieu ordinaire avec le milieu protégé et organise un système de passerelles qui permettent aux travailleurs handicapés d'évoluer en toute sécurité. Des maisons départementales des personnes handicapées, véritables guichets uniques de proximité, ainsi que des services modernisés et accessibles mettront fin au parcours du combattant infligé jusqu'à présent à nos concitoyens handicapés. La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, véritable amorce d'une cinquième branche de la protection sociale, présentera un mode de gouvernance nouveau qui impliquera pour la première fois le monde associatif, en particulier les associations de personnes handicapées, dans la gestion d'un risque de protection sociale. La CMP a également su refuser, avec le Gouvernement, certaines dispositions qui dénaturaient le projet. Ainsi, s'agissant de la restriction de l'accès à l'école de la République de l'enfant handicapé, du principe de stricte parité entre associations d'usagers ou gestionnaires, ou des mesures qui minoraient l'effort d'accessibilité ; de même a été refusé l'alignement de l'AAH sur le SMIC pour construire une compensation dans l'ordre des ressources et refuser ainsi d'articuler handicap et exclusion. Je remercie les rapporteurs, M. Jean-François Chossy et M. Paul Blanc qui, grâce à leur travail approfondi ont permis, avec le président About et les membres des deux commissions des affaires sociales, que s'engage un grand débat de société. Je remercie particulièrement le président Dubernard qui, grâce à son engagement personnel au service des personnes handicapées, son intelligence du texte, son sens de la mesure, a su permettre les avancées que nous savons. Mais nous ne sommes pas au terme de notre travail commun. Comme vous l'avez souhaité, Monsieur le rapporteur, j'ai l'intention d'associer la représentation nationale à l'élaboration des textes d'application de la loi. Mais nous n'avons franchi qu'une étape dans la construction du grand chantier voulu par le Président de la République. J'ai ainsi présenté avec M. Philippe Douste-Blazy trois plans très attendus : les plans « autisme », « périnatalité » et « maladies rares». Je présenterai demain après-midi un plan handicap psychique. J'ai également engagé les pactes territoriaux qui mobiliseront dans les bassins d'emploi les employeurs publics et privés. Le « plan métier » favorisera la complémentarité des interventions médicales, sociales, scolaires au bénéfice de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant. 55 000 emplois environ seront nécessaires. Enfin, Monsieur le rapporteur, je prépare le plan d'accès aux pratiques culturelles en concertation avec la commission culture-handicap et M. Renaud Donnedieu de Vabres. M. le Rapporteur de la CMP - Je vous remercie. Mme la Secrétaire d'Etat - Je rappelle que, dans le cadre de cette commission, plusieurs engagements ont pu déjà être pris, qu'il s'agisse de la question du sous-titrage à la télévision ou du travail mené par les Monuments historiques en faveur de l'accessibilité. Je précise enfin que les dispositions votées par le Sénat offrent à toutes les personnes handicapées, dont celles atteintes de cécité, le choix de conserver leur ACTP à l'occasion de chaque renouvellement de l'attribution de cette allocation, ou de demander à bénéficier de la nouvelle prestation de compensation. Ainsi, les allocataires actuels de l'ACTP ne s'exposent-ils pas à une baisse de leurs revenus. M. le Rapporteur de la CMP - Très bien. Mme la Secrétaire d'Etat - Quant aux personnes auxquelles l'ACTP était jusqu'à présent refusée en raison de leurs ressources, elles bénéficieront naturellement et d'emblée de la nouvelle prestation. La loi que vous allez voter permettra la pleine participation des personnes handicapées à la vie en société : grâce au droit à compensation, elle leur donnera les moyens de former elles-mêmes et en toute responsabilité leur projet de vie ; grâce à l'élimination des obstacles de tous ordres à la vie en société, elle favorisera la participation. Le handicap n'est plus défini par les déficiences de la personne, mais par les restrictions de participation à la vie en société liées à des altérations de l'état de santé. Il résulte ainsi des interactions entre les déficiences de la personne et l'environnement, conformément à la classification internationale du fonctionnement et du handicap. La loi le reconnaît en donnant pour la première fois une définition du handicap qui fait référence à la citoyenneté de la personne : « Constitue un handicap toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société. » C'est grâce au courage des parlementaires et à la volonté du Gouvernement, qui a fait le choix de cette définition offensive, que ce changement de paradigme a pu s'opérer. Ce texte, qui s'adresse à l'ensemble de nos concitoyens, participe ainsi d'un authentique projet de société. La question du handicap rejoint celle de la capacité de notre société à reconnaître sans discrimination l'ensemble de ses membres, à fixer des règles communes dans le respect des différences, à fonder la cohésion sociale sur la diversité. A chacun d'entre nous de manifester que la dignité d'un individu ne se mesure pas à sa capacité physique ou intellectuelle, mais à la prise en considération attentive de son projet de vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. Pierre-Christophe Baguet - Ce texte très attendu a suscité des espoirs légitimes et immenses. Le retard était certes tel que l'on peut se satisfaire des mesures nouvelles, mais celles-ci ne le combleront pas. Malgré la grande persévérance et le travail de notre rapporteur Jean-François Chossy, nos concitoyens handicapés, leurs familles et les associations représentatives partagent donc mon sentiment mitigé. Saluons tout d'abord la création de la prestation de compensation, même si notre groupe a demandé la mise en place d'un dispositif universel de prise en charge sanitaire et sociale du handicap sans condition d'âge ni de ressources. Le texte reste par ailleurs timide sur les moyens financiers et humains permettant de garantir à long terme le droit à compensation et la liberté du choix de vie. Il opère néanmoins d'indiscutables avancées : le droit à être scolarisé en milieu ordinaire, l'accessibilité, la garantie de ressources, à hauteur de 80% du SMIC, pour les personnes handicapées qui ne peuvent pas travailler, l'attribution de la retraite à taux plein pour les travailleurs lourdement handicapés, la définition précise du handicap, en particulier du polyhandicap et du handicap psychique, la création du guichet unique avec les maisons départementales des personnes handicapées. Ceci étant, nous restons sceptiques sur la suppression du complément d'AHH : la garantie de ressources qui le remplace n'améliorera sans doute pas vraiment la situation des intéressés. Nous sommes encore loin de la simplification annoncée. L'une des grandes avancées porte sur le vocabulaire, ce qui contribuera, nous l'espérons, à faire progresser les mentalités. La substitution du mot « scolarisation » au terme d'« intégration scolaire des personnes handicapées » a une vraie portée symbolique, et je salue ici le travail de mon collègue Yvan Lachaud. La grande réforme attendue de la loi de 1975 se résume à un texte limité, qui masque les insuffisances de notre politique du handicap. A l'évidence, il n'y a pas assez d'argent pour financer les mesures annoncées. Les départements risquent d'être mis à contribution. L'effort de la nation en faveur des personnes handicapées a diminué de 6 milliards d'euros en quelques années, pour ne plus représenter que 1,7% du PIB au lieu de 2,1%. Nous comptons sur vous, Madame la ministre, pour inverser la tendance. Le budget global du handicap représente 40 milliards. Les 850 millions dégagés par la journée de solidarité ne permettront donc pas de rattraper le décrochage. Le remplacement du complément d'AAH par une garantie de ressources financée par la sécurité sociale nous convainc d'autant moins que le nombre de bénéficiaires augmente de 5% par an. L'UDF veillera à la bonne application de ce texte et à la publication rapide de ses décrets d'application. Nous participerons volontiers à leur rédaction. L'éducation nationale doit assurer la scolarisation de tous les enfants handicapés et la bonne exécution du programme pluriannuel de création de places en établissement. Grâce à la mobilisation des associations et à la détermination de nombreux parlementaires, le texte a été sensiblement amélioré. Nous devons rompre définitivement avec la doctrine de l'assistance et cesser de réduire la politique du handicap à un problème d'environnement, pour mettre en œuvre une politique de compensation ambitieuse. En dépit de nos déceptions, le texte comporte des avancées importantes. C'est pourquoi le groupe UDF le votera. M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Très bien. Mme Muguette Jacquaint - La commission mixte paritaire est l'ultime étape d'un long travail parlementaire. Aussi aurions-nous pu espérer que les associations soient mieux entendues. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Vous avez défendu, en effet, une vision inopérante du handicap. Il était essentiel de s'intéresser à l'environnement avant de définir une politique visant à assurer réellement l'égalité des chances et la citoyenneté de ces personnes. La création de la prestation de compensation ne sera que partiellement opérationnelle. Il eût fallu que toute personne handicapée ait droit à la prise en charge intégrale de ses besoins en compensation, dans le cadre de prestations légales et universelles. Or vous avez refusé la création d'un revenu d'existence au moins égal au SMIC, cantonnant ainsi les personnes touchées par le handicap dans la subsistance. La création de la garantie de ressources et de la majoration pour la vie autonome risquent, compte tenu des conditions supplémentaires d'attribution, de se solder par une perte de 94 euros par mois. Au mieux, elle ne se traduira que par une amélioration de 47 euros. Autre point fondamental, le droit à une scolarisation pour tous en milieu ordinaire. Vous renvoyez la décision finale de l'orientation des élèves handicapés à la commission des droits et de l'autonomie. La procédure de conciliation introduite par la CMP en cas de désaccord des parents est compliquée, voire dissuasive. Il aurait été préférable d'associer, comme nous l'avions proposé, un médiateur en amont dans le processus d'orientation. Nous regrettons que le principe de l'accessibilité généralisée reste soumis à de multiples dérogations et que la CMP ait supprimé l'obligation de rendre accessible par audiodescription les émissions diffusées sur les chaînes publiques. M. le Rapporteur - Nous y reviendrons dans un an. Mme Muguette Jacquaint - Nous verrons bien. La CNSA va fragiliser encore davantage notre protection sociale, déjà mise à mal par les coups répétés que lui porte le Gouvernement. Elle ne fournira qu'un financement complémentaire aux départements, qui devront financer le différentiel le cas échéant. Nous sommes bien dans une logique de transfert de charges vers les collectivités locales. Malgré les améliorations que nous y avons apportées, ce texte ne permettra aux personnes en situation de handicap ni d'exercer leurs droits, ni d'assurer leur autonomie. Il ne garantira pas davantage leur intégration professionnelle ou leur participation à la vie sociale, culturelle et économique. Il ne répond donc pas aux besoins exprimés, restant prisonnier de la réduction des dépenses publiques et du démantèlement de notre protection sociale. Vous annoncez de nouveaux projets : c'est bien la démonstration que votre texte est loin de satisfaire les personnes handicapées et leurs familles. Nous maintiendrons donc notre vote contre ce projet. Mme Geneviève Levy - Ce texte est la traduction législative de l'engagement du Président de la République de faire de l'intégration des personnes handicapées dans notre société une priorité. Il s'articule autour de trois axes : garantir aux personnes handicapées un véritable droit à compensation de leur handicap, renforcer leur insertion dans la société et améliorer les dispositifs qui leur sont consacrés. La CMP, sans bouleverser l'équilibre général du texte, l'a enrichi. Elle est parvenue à un accord sur trois points litigieux. D'abord, la modification de l'article 6 permettra que l'évaluation des compétences de la personne handicapée soit faite selon une périodicité adaptée, et non selon une logique administrative rigide. En second lieu, avec la nouvelle rédaction de l'article 18, les parents d'élèves handicapés seront étroitement associés au choix d'orientation et en cas de désaccord avec la commission, la procédure de droit commun s'appliquera. Enfin, très attentive aux problèmes d'accessibilité des transports, je me félicite particulièrement du nouvel article 24. En cas d'impossibilité technique, c'est dans les trois ans, et non plus dans les dix ans, qu'il faudra mettre en place des transports de substitution. Mme la Secrétaire d'Etat - C'est une avancée considérable. Mme Geneviève Levy - Je tiens à saluer la remarquable disponibilité de Mme la ministre et le travail de M. le rapporteur, ainsi que de la commission qui a su trouver les meilleures solutions aux problèmes des plus fragiles d'entre nous. Le groupe UMP votera ce texte pour accompagner, Madame la ministre, la réussite de votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Mme Hélène Mignon - Ce chantier législatif avait été ouvert par le gouvernement de Lionel Jospin et il nous a fallu le reprendre sous la nouvelle législature. Au terme des travaux, il contient des avancées considérables, et lors de notre dernière lecture nous avons pu repousser des amendements inacceptables du Sénat. Mais il ne répond pas à cette question de fond : quelle société voulons-nous pour que chacun, y compris les personnes dites handicapées, y ait sa place ? Il ne fixe pas les ambitions nécessaires à une vraie transformation sociale. Mais dès lors que vous refusiez tout débat sur la définition du handicap, nous ne pouvions espérer autre chose. En effet, la notion primordiale de « situation de handicap », adoptée par l'OMS et l'ONU, n'a pas été retenue, Dès lors, certaines dispositions courageuses ne contribueront pas à assurer l'autonomie des personnes en situation de handicap, alors que c'est l'ambition affichée dès le titre du projet de loi, conformément au vœu du Président de la république. Les personnes handicapées doivent se sentir bien dans leur environnement. Dans votre discours, vous avez reconnu différentes formes de handicap, et annoncé des projets avec le ministère de la culture. Je regrette qu'ils ne soient pas inscrits dans la loi. Heureusement, la CMP a rétabli la possibilité du choix de la scolarité par les parents, qui étaient nombreux à le demander. J'insisterai sur le cas précis des jeunes sourds. Avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée avait adopté un amendement confirmant la possibilité de recevoir un enseignement directement délivré en langue des signes française par des professionnels spécialisés. Il ne s'agissait pas de faire l'impasse sur l'acquisition de la langue française, mais de tenir compte du fait que les difficultés ultérieures venaient souvent d'un apprentissage tardif de la langue des signes. La CMP a supprimé cette disposition au motif qu'elle était redondante avec la loi Fabius de 1991 sur le bilinguisme et le libre choix des jeunes sourds en matière de communication et d'éducation. Mais, et nous pouvons le regretter ensemble, les moyens d'application n'ont jamais été réellement prévus et les familles ont bien du mal à faire respecter leur projet. Je vous invite d'ailleurs à venir sur le terrain, à Toulouse, voir ce qu'elles ont été capables de réaliser, et j'appelle le Gouvernement à s'assurer que tous les moyens leur seront donnés. Quelques avancées ont été faites pour la prise en compte des malvoyants. Sur la question des ressources, vous n'avez pas voulu aller plus loin, pour ne pas perpétuer ce que vous appelez une politique d'assistance. Mais c'est bien de droit à compensation qu'il s'agit, et c'est dans ce domaine qu'il faut aller plus loin. Mme Maryvonne Briot - Mais c'est nous qui l'avons créé ! Mme Hélène Mignon - Par un tour de passe-passe, vous avez remplacé le complément autonomie par une garantie de ressources de 80% du SMIC pour les personnes handicapées ne pouvant pas travailler. Mais la différence est seulement d'une quarantaine d'euros. Nous attendons avec intérêt les décrets d'application, notamment sur cette question et sur celle de l'accessibilité des transports et de l'adaptation des lieux de vie, y compris le domicile, qui intéresse aussi, plus généralement, les personnes dont le handicap tient à l'âge. Hormis la fausse réforme du système d'allocation, cette loi repose sur un mode de financement que nous dénonçons, à savoir la suppression d'un jour férié. En outre, l'estimation des fonds nécessaires à la compensation reste aléatoire. Alors que le Gouvernement les évalue à 28 milliards, le budget de la caisse est de 850 millions, soit 3% de cette somme, et elle devra se substituer à l'Etat pour financer les CAT, la mise en accessibilité des bâtiments publics et même, par un amendement que va faire voter le Gouvernement, la majoration spécifique pour parent isolé, qui était jusqu'ici financée sur une ligne budgétaire de l'Etat. M. Jérôme Lambert - Elle n'en a pas les moyens ! Mme Hélène Mignon - Ce texte n'a donc pas le souffle nécessaire pour se substituer à la loi de 1975, malgré les avancées obtenues lors des discussions. La CMP n'a rien apporté de nouveau sur les questions fondamentales. Vous avez annoncé un plan « métier ». Nous y serons très attentifs. Le groupe socialiste votera contre ce texte, qu'il est nécessaire de remettre en chantier pour faire de toutes les personnes en situation de handicap des citoyens à part entière. M. Jérôme Lambert - Très bien. M. le Président - Avant de mettre le texte de la CMP aux voix, conformément à l'article 113, alinéa 3, du Règlement, j'appelle l'Assemblée à statuer sur les amendements. Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 6 est de coordination, suite à la suppression des services d'insertion professionnelle. L'amendement 6, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté. Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 1 est rédactionnel. L'amendement 1, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté. Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 2 lève une incertitude en ce qui concerne l'application du schéma directeur d'accessibilité des services en Ile-de-France. M. le Rapporteur - Favorable. Cela va mieux en le disant. L'amendement 2, mis aux voix, est adopté. Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 3 est rédactionnel et l'amendement 7 de coordination. Les amendements 3 et 7, acceptés par la commission, successivement mis aux voix, sont adoptés. Mme la Secrétaire d'Etat - La caisse d'allocations familiales attribue le complément d'allocation pour adulte handicapé. L'amendement 4 maintient sa compétence pour attribuer la majoration pour la vie autonome qui se substitue à cette prestation. L'amendement 4, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté. Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 5 prévoit que la majoration spécifique pour parent isolé d'enfant handicapé est financée par la caisse nationale de solidarité et non par l'Etat. M. le Rapporteur - C'est une précision nécessaire. L'amendement 5, mis aux voix, est adopté. L'ensemble du projet, compte tenu du texte de la CMP et des amendements adoptés par l'Assemblée, mis aux voix, est adopté. La séance, suspendue à 10 heures 30, est reprise à 10 heures 45. RÉFORME DE L'ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL
DANS L'ENTREPRISE (suite)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.
AVANT L'ARTICLE PREMIER (suite) M. le Président - Hier soir, le vote sur l'amendement 70 rectifié a été reporté en application de l'article 61, alinéa 3, du Règlement. L'amendement 70 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Alain Vidalies - Rappel au Règlement, au sujet de l'application éventuelle de ce texte à la fonction publique. Notre débat est en effet alimenté par des dépêches d'agence et des déclarations à la presse. Déjà, l'un des promoteurs de ce texte s'était dit favorable à une remise en cause des 35 heures dans la fonction publique, et voici que des dépêches nous confirment que le président de l'UMP s'exprime dans le même sens. Au moment où l'ensemble des organisations syndicales appellent à une manifestation samedi, nos concitoyens ont besoin de savoir si ce que dit le Président de l'UMP traduit l'opinion du Gouvernement (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Le parti majoritaire ne peut pas se permettre de dire tout et son contraire, de faire des déclarations à l'extérieur et de ne pas oser les réitérer ici ! M. Patrick Ollier - Ce n'est pas un rappel au Règlement ! M. Alain Vidalies - Garder le silence sur cette question fondamentale serait vraiment, de la part du Gouvernement et des députés UMP, manquer de courage politique. Nous attendons une réponse. M. le Président - Nous en arrivons à l'amendement 54 rectifié de M. Raison, qui n'est pas défendu. M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement ! La majorité est si peu à l'aise sur le sujet de la RTT qu'elle refuse les questions embarrassantes. Il serait pourtant normal que le Gouvernement s'explique ! A quoi sert la représentation nationale s'il ne répond pas quand on l'interpelle ? Hier déjà, nous avons perdu quarante minutes pour obtenir un début d'explication sur les déclarations du Premier ministre... Si le Gouvernement ne répond pas sur ce sujet grave, je serai contraint de demander une suspension de séance pour réunir mon groupe. M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Je ne puis répondre à la place du président de l'UMP... Je suis ici pour exprimer l'avis du Gouvernement sur une proposition de loi qui porte sur un sujet précis, l'adaptation de l'organisation du temps de travail à travers le compte épargne-temps et le dispositif du temps choisi. Je vous rappelle d'ailleurs que le système du compte épargne-temps a été mis en place par le gouvernement Jospin dans la fonction publique hospitalière, afin de remédier à des dysfonctionnements dont pâtissaient les patients. Mais ce n'est pas l'objet de cette discussion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Maxime Gremetz - Notre objectif est de défendre la grande réforme de société que constituent les 35 heures, tout en remédiant à ses défauts, qui résultent surtout de la deuxième loi. Nous voulons des accords négociés, clairs, associant réduction du temps de travail et création d'emplois stables, avec compensation financière et formation, et suivi assuré par les organisations syndicales ou les collectifs de salariés. Notre amendement 11 tend à renforcer les garanties des salariés concernant les changements d'horaires, en portant le délai de prévenance de sept à quinze jours. Il faut en effet laisser le temps aux personnes concernées de s'organiser, en particulier aux mères de famille qui doivent assurer la garde de leurs enfants. Il n'est pas acceptable qu'on accroisse la flexibilité sans accorder en contrepartie une protection supplémentaire aux salariés, à qui on doit permettre de concilier travail et vie personnelle. La modulation et l'annualisation du temps de travail ne doivent pas se faire uniquement à leurs dépens. M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Cet amendement exprime l'un des différends qui opposent M. Gremetz à ses collègues socialistes, puisque le délai de prévenance de sept jours ouvrés résulte des lois Aubry - qu'il a néanmoins votées. Ce délai assure la présence d'un week-end entre l'annonce d'une modification d'horaire et son application. De plus, il peut déjà être augmenté par un accord. Avis défavorable. M. le Ministre délégué - Le délai de sept jours est un plancher : rien n'empêche les accords collectifs de l'allonger, et c'est déjà parfois le cas. Même avis donc. M. Gaëtan Gorce - Cet amendement pose une réelle question, celle de la liberté, et plus précisément de la compatibilité entre la vie professionnelle et la vie personnelle, même si, en effet, il revient sur les dispositions introduites par la loi du 19 janvier 2000 à l'article L. 212-8 du code du travail. Celles-ci constituaient un réel progrès et avaient mis de l'ordre dans le dispositif issu de la loi quinquennale sur l'emploi de M. Balladur, qui faisait coexister - puisqu'on nous reproche souvent la multiplication des SMIC - au moins trois possibilités de modulation ou d'organisation du travail, saccadées sur l'année ou sur la semaine. Il faut donc souligner le grand apport que représente l'article L. 212-8 pour la protection du salarié. Au final, la loi du 19 janvier 2000 aura beaucoup plus contribué au bon équilibre entre vies professionnelle et familiale qu'un texte fondé sur l'idée que la seule solution réside dans l'augmentation de la durée du travail, sans prendre en compte toutes les problématiques qu'une telle évolution met en jeu. M. Maxime Gremetz - Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse sur la souplesse plancher-plafond, mais pourquoi ne pas inverser la donne en fixant une norme ambitieuse - par exemple 15 jours de délai de prévenance -, quitte à la moduler à la baisse si un accord se dégage en ce sens ? Il est plus facile d'abaisser le plafond que d'élever une norme minimale, à laquelle le patronat est toujours tenté de se tenir. Prenons en compte toutes les situations personnelles qui sont en cause dans cette affaire. L'amendement 11, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Maxime Gremetz - Dans le même esprit que le précédent, notre amendement 12 vise à supprimer les deux dernières phrases du septième alinéa de l'article L. 212-8 du code du travail, de manière à contenir le recours aux heures supplémentaires. Dans son rapport préparatoire à la loi de 1994 relative à l'amélioration de la participation des salariés dans l'entreprise, notre collègue Jacques Godfrain - qui n'appartient pas à notre groupe ni à l'opposition - plaidait pour une pénalisation du recours aux heures supplémentaires - en particulier lorsqu'elles sont envisagées comme des compléments d'activité structurels - en vue de favoriser l'emploi. Et vous conviendrez, Monsieur le ministre, que le plancher de sept jours posé dans l'article L. 212-8 est troué, puisqu'il est possible d'y déroger dans plusieurs cas, toujours au détriment du salarié. M. le Rapporteur - Rejet. Les possibilités de déroger au délai de prévenance sont très encadrées : elles doivent procéder d'un accord collectif, se justifier par les particularités de l'activité et s'accompagner de réelles contreparties. Il n'est pas opportun d'aller au-delà. M. Maxime Gremetz - Allons, je viens de démontrer que votre plancher était troué ! M. le Rapporteur - Il serait plus rigoureux de parler de « plancher Aubry »... M. le Ministre délégué - Même avis que votre rapporteur. Regardons le contenu des 31 accords conclus en vertu de la loi du 17 janvier 2003 - laquelle fixe à 10% minimum la majoration de rémunération des heures supplémentaires - : la majorité d'entre eux prévoient une majoration de 25% - l'accord « tourisme » allant jusqu'à 30% - et seuls quelques accords s'en tiennent au seuil de 10%, moyennant des contreparties substantielles dans l'organisation du travail. Vous voyez bien, Monsieur Gremetz, que les entreprises ne sont pas restées « scotchées au plancher » ! L'amendement 12, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Maxime Gremetz - Je remarque que j'ai été le seul à le voter ! M. Gaëtan Gorce - Nous restons cohérents. M. Maxime Gremetz - Dans le souci de développer une vision progressiste de l'entreprise liant efficacité économique et modernité,... M. Patrick Ollier - D'accord sur l'objectif ! M. Maxime Gremetz - ...notre amendement 7 réécrit l'article L. 432-1 du code du travail en vue de renforcer les prérogatives du comité d'entreprise et des délégués du personnel, de sorte qu'ils interviennent directement dans les décisions stratégiques de l'entreprise au lieu d'être simplement consultés, leur avis étant du reste rarement suivi. C'est à ce prix que l'on développera l'entreprise citoyenne. Les salariés, qui sont la première richesse de l'entreprise, ont leur mot à dire sur les projets du chef d'entreprise en matière d'organisation, de production, d'investissement, de sous-traitance, de formation, d'externalisation ou de localisation de l'activité. Alors, comme toujours - et je me souviens des longues heures de débats nocturnes que nous avons déjà consacrées à ces questions -, vous allez nous dire que nous voulons la révolution, ou la cogestion, et que le patron est maître chez lui. Mais la réalité, c'est que les entreprises où les salariés prennent part aux choix essentiels fonctionnent mieux que les autres. Progrès social et développement économique ne sont pas incompatibles mais complémentaires. Le gouvernement précédent a lancé, avec la réforme des 35 heures que je ne regrette pas, un débat sur l'organisation du travail qu'il faut poursuivre. Certains accords ont abouti à des solutions innovantes. D'autres ont moins avancé. Il faut continuer à porter une vision progressiste du monde du travail. M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cet amendement, dont on comprend bien la philosophie, a peu à voir avec l'objet du présent texte et il tend à remettre en cause de manière inopportune l'équilibre atteint dans l'article L. 432-1 du code du travail. M. le Ministre délégué - M. Gremetz a beau s'en défendre, son amendement plaide pour un système de cogestion à l'allemande... Notre souci constant doit être de préserver l'équilibre entre la liberté d'entreprendre et le droit de participation. Vous proposez d'attribuer au comité d'entreprise des pouvoirs consultatifs. En examinant le projet de cohésion sociale, nous avons longuement débattu du rôle que devait jouer le comité d'entreprise en matière d'information et de gestion prévisionnelle des emplois. Nous ne sommes pas favorables à votre amendement, qui romprait l'équilibre actuel. Néanmoins, constatons que le droit d'information du comité d'entreprise a été renforcé par la loi de cohésion sociale. M. Jean-Pierre Soisson - Notre rapporteur et le ministre délégué ont raison. Cet amendement vise à réécrire complètement les dispositions du code du travail relatives au comité d'entreprise. On peut et on doit vouloir étendre les pouvoirs du comité d'entreprise dans les domaines de compétence qui sont les siens. La loi de 2003, sur la formation, a d'ailleurs été une avancée. Mais on ne peut donner un pouvoir de cogestion au comité d'entreprise. M. Maxime Gremetz - Vous n'aurez jamais une économie pleinement efficace tant qu'on continuera d'ignorer l'avis de ceux qui produisent et qui ont le savoir-faire. Les actionnaires, les PDG arrêtent seuls la stratégie. Mme Nadine Morano - Heureusement qu'ils sont là ! M. Maxime Gremetz - Ils l'imposent aux ingénieurs, aux techniciens, qui ont toutes les compétences mais qui ne peuvent jamais s'exprimer. M. Patrick Ollier - Cela n'a rien à voir avec le temps de travail ! M. Maxime Gremetz - Vous avez une conception très simple de l'entreprise. Depuis que le capitalisme existe, il en est ainsi, même si le mouvement ouvrier a un peu fait évoluer les choses. Vous pouvez continuer, mais vous ne ferez que démotiver les talents. L'amendement 7, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Muguette Jacquaint - Notre amendement 6 rectifié porte sur un point fondamental, l'utilisation des fonds publics. Alors que le taux de chômage frôle les 10% et que la croissance stagne, il est juste de s'interroger sur les politiques publiques. L'attaque en règle des lois Aubry montre que le Medef n'a jamais accepté la réduction du temps de travail. Au contraire, nous entendons dire que la France est un pays de paresseux, qu'il s'agisse des salariés ou des chômeurs. Or, la grande majorité des chômeurs ne demandent qu'à travailler. La récession, le déficit budgétaire, tout serait de la faute aux 35 heures ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Si vous supprimiez purement et simplement les 35 heures, que trouveriez-vous comme argument ? Personne ne s'interroge sur l'effet des restrictions budgétaires, des exonérations fiscales ou de l'attitude du patronat. Nous estimons nécessaire de faire la lumière sur l'utilisation des fonds publics et en particulier des exonérations dont bénéficient les entreprises. M. Hervé Novelli - Cela n'a aucun rapport avec le débat. Mme Muguette Jacquaint - Si, il y a un rapport ! Allons-nous continuer à distribuer des fonds publics sans contrôler leur utilisation ni leur effet sur l'emploi, la formation, les salaires, que vous prétendez revaloriser ? S'il apparaît que toutes ces exonérations, qui représentent des dizaines de milliards, sont utilisées contre la protection sociale et le développement économique, on cessera de rendre les 35 heures responsables de tous les maux. M. le Rapporteur - Avis défavorable. Au risque de vous contredire, ma chère collègue, votre dispositif n'a pas de lien direct avec notre discussion. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Ces considérations avaient naturellement leur place dans la discussion générale ou dans la défense d'une motion de procédure, mais nous en sommes à la discussion des articles, je me permets de vous le signaler. La loi du 4 janvier 2001 sur le contrôle des fonds publics a été abrogée, car il s'agissait d'un texte d'affichage créant une commission administrative dépourvue de véritables moyens. Je n'ai pas le sentiment qu'elle se soit réunie très fréquemment. Il existe par ailleurs d'autres procédures de contrôle des fonds publics, par la Cour des comptes notamment. M. le Ministre délégué - Depuis la proposition Hue de 2001 a été adoptée la loi organique sur les lois de finances qui renforce le pouvoir de contrôle du Parlement, et en particulier des rapporteurs pour avis, et la Cour des comptes peut ainsi être amenée à apporter sa certification. Avis défavorable, même s'il faut que le Parlement apprenne à utiliser les nouveaux outils de la loi organique, laquelle entrera pleinement en vigueur le 1er janvier 2006. M. le Président - Sur le vote de l'amendement 6 rectifié, je suis saisi par le groupe des députés communistes et républicains d'une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. M. Jean Le Garrec - Monsieur le ministre délégué, votre réponse est intéressante. Elle montre qu'il existe bien un lien étroit entre l'organisation du temps de travail, les ajustements salariaux et les apports consentis aux entreprises. Les abattements de cotisations représentent 17 milliards d'euros, dont la plus grande part, M. Novelli le sait, est due aux abattements Juppé. Ces abattements, accordés sans contrepartie, doivent être analysés. Je ne pense pas que le rapport budgétaire et la loi organique nous suffisent, même s'ils fournissent quelques chiffres. Nous sommes prêts à demander une commission d'enquête, mais il n'est pas certain que la majorité accède à notre requête ! Pour revenir sur les propos de M. Gremetz, il me semble que vous avez oublié les préoccupations des gaullistes de gauche qui voulaient renforcer le pouvoir et le rôle des salariés dans l'entreprise. Vous ne vous êtes malheureusement préoccupés que de l'aspect financier. On constate à regret le tournant pris par l'idéologie UMP. M. Gérard Bapt - Monsieur le ministre, votre réponse est inadaptée, car les rapporteurs spéciaux auront beau recevoir de nouveaux pouvoirs dans le cadre de la LOLF, celle-ci ne concernera jamais que les crédits d'Etat, alors que la loi du 4 janvier 2001 se rapportait à l'ensemble des crédits publics. Par ailleurs, cette loi visait à mieux contrôler les élus, et accordait un pouvoir d'initiative aux salariés, représentés au sein des commissions régionales des aides publiques, lesquelles avaient commencé à travailler, notamment en Midi-Pyrénées. Pour avoir siégé à la Commission nationale des aides publiques, je peux vous assurer que cette loi était cruciale, et que nous en aurions particulièrement besoin au moment où vous vous apprêtez à transférer de nouvelles compétences aux régions. Pour ces raisons, nous voterons l'amendement de M. Gremetz. M. Patrick Ollier - Rappel au Règlement ! Ce débat a beau être intéressant, il faut veiller à ne pas s'éloigner du sujet, à savoir l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, et à respecter l'article 98-5 de notre Règlement qui conditionne la recevabilité des amendements à leur lien avec le texte qu'ils visent. Le Conseil constitutionnel est très attentif à cette disposition. M. Jean Le Garrec - Comment le lien entre l'organisation du temps de travail et les avantages financiers accordés aux entreprises en contrepartie de leurs efforts peut-il vous échapper ? Il y a cinq ans, lorsque la gauche était aux affaires, si j'avais dû, en tant que président de commission, rappeler l'opposition à l'ordre chaque fois qu'elle déposait des amendements éloignés du sujet, vous auriez protesté avec véhémence, Monsieur Ollier. Restons raisonnables, je vous en conjure, d'autant plus que M. Larcher, répondant sur le fond, a confirmé que ces amendements n'étaient pas hors sujet. M. Maxime Gremetz - Vous n'avez peut-être pas suivi de près le dossier, mais les aides financières accordées aux entreprises qui réduisent le temps de travail ont bien un lien avec l'organisation du temps de travail ! Je vous rappelle par ailleurs que nous n'en sommes plus à 17,5 milliards d'exonérations de cotisations patronales, mais à 21,5 ! Et je ne parle pas de la ristourne Juppé sur les salaires inférieurs à 1,3 SMIC, ni de l'aide Aubry, étendue aux salaires allant jusqu'à 1,8 SMIC ! M. Hervé Novelli - Mme Aubry n'a fait que des cadeaux aux patrons ! M. Maxime Gremetz - Et l'on peut ajouter à tout cela les aides financières correspondant à la réduction du temps de travail. Je voudrais revenir sur l'aspect démocratique de ce dispositif puisque, pour la première fois, la notion d'accord majoritaire a été introduite, l'accord devant être signé par une organisation syndicale représentant la majorité des salariés. Par ailleurs, nous avons créé un comité de suivi chargé de veiller à l'application de ces accords et à l'utilisation des fonds publics. Je me réjouis du reste que vous ayez omis de le supprimer. Le contrôle des fonds publics, au niveau régional, est essentiel, et l'on ne pourrait se contenter de celui qui vient d'en haut. M. le Président - Veuillez conclure. M. Maxime Gremetz - Je n'abuse pas de mon temps de parole ! Si la question de l'utilisation des fonds publics n'est pas au cœur de notre débat, je ne vois pas de quoi on parle ! M. Michel Liebgott - Issu d'une région qui a connu de nombreuses restructurations, je me demande comment l'on peut douter du lien entre les aides publiques et l'organisation du travail. Pour avoir accueilli Daewoo dans ma commune, je sais à quel point il importe de savoir si les fonds publics versés ont des répercussions positives sur la situation des salariés. M. Hervé Novelli - Vous auriez pu le contrôler ! M. Michel Liebgott - Ce texte porte sur les droits des salariés - du moins le souhaiterions-nous -, mais il semble d'abord concerner les droits des employeurs ! M. Hervé Novelli - Des deux ! M. Michel Liebgott - Parce que les droits des salariés nous semblent aujourd'hui remis en cause, il apparaît indispensable de renforcer le contrôle public. J'ai en outre souvent entendu dire que le droit conventionnel, à terme, devait primer sur la loi et le règlement : c'est une raison de plus pour cumuler le contrôle par la loi organique et les dispositions antérieures. Sur un plan méthodologique, il est un peu facile de remettre en cause les droits des salariés puis de sembler s'en repentir en évoquant un hypothétique contrôle : comment sera-t-il effectué ? Non seulement les moyens d'inspection traditionnels sont en perte de vitesse mais, en dernier recours, c'est le ministre ou l'administration qui décident - souvent, d'ailleurs, en faveur de l'entreprise. A la majorité de 34 voix contre 13, sur 47 votants et 47 suffrages exprimés, l'amendement 6 rectifié n'est pas adopté. Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 2 vise à supprimer la réglementation sur l'autorisation du travail de nuit des femmes, en particulier dans l'industrie, disposition introduite dans le cadre du débat sur l'égalité professionnelle. Pour la justifier, on avait alors invoqué l'égalité des sexes. Il s'agissait d'ailleurs d'une directive européenne que la France devait appliquer sous peine de poursuites, ce qui par parenthèse témoigne éloquemment d'une certaine conception de l'« Europe sociale » ! Nous avions alors argué de l'existence de dérogations, par exemple dans les hôpitaux. Du reste, si des femmes ont accepté le travail de nuit, c'est en raison d'une rémunération un peu plus avantageuse : il ne s'agissait pas de « temps de travail choisi » comme certains le prétendaient. J'avais eu l'occasion de le dire : pourquoi employer des femmes la nuit pour mettre des petits pois en boîte ou du shampooing en flacon ? Je regrette que nous n'ayons pas alors été suivis. M. Jean-Pierre Soisson - C'est un problème interne à la gauche ! Mme Muguette Jacquaint - Vous annoncez une nouvelle loi sur l'égalité professionnelle alors que nous ne manquons pas de dispositions législatives. Je note que vous êtes beaucoup plus diligents quand il s'agit de transposer dans notre droit une directive européenne que quand il y a à faire respecter les lois d'ores et déjà en vigueur et qui tendent à assurer une véritable égalité professionnelle. Enfin, que l'on ne me dise surtout pas que cet amendement est hors sujet ! M. le Rapporteur - Avis défavorable. Je remarque que Mme Jacquaint a repris assez fidèlement un certain nombre de propos qui avaient déjà été tenus lors de la discussion de la loi sur l'égalité professionnelle. Les socialistes avaient alors été contraints d'adopter la disposition permettant le travail de nuit des femmes dans les mêmes conditions que le travail des hommes puisqu'elle résultait d'une directive européenne, ce dont M. Le Garrec avait lui-même pris acte : dès 1991, en effet, la Cour de justice des communautés européennes avait établi ce principe. De facto, nombre de femmes travaillant de nuit dans des secteurs qui n'étaient pas juridiquement protégés par des dérogations de notre droit national, il fallait bien mettre en place un cadre légal général même si, sur tous les bancs, nous nous étions émus des conditions de cette transposition. M. le Ministre délégué - Même avis. Je rappelle en outre que la loi du 9 mai 2001 prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur les conséquences de l'application de la loi. M. Jean-Pierre Soisson - Très bien. M. le Président - Je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public sur l'amendement 2. Mme Martine Billard - Ce débat est en effet au cœur de nos préoccupations. M. le rapporteur affirme que la directive a été adoptée : certes ! Mais le Gouvernement, qui se bat sur le plan européen pour faire baisser le taux de TVA dans la restauration, ne pourrait-il faire preuve d'une détermination comparable concernant le travail de nuit des femmes, d'autant plus que le dernier rapport du Bureau international du travail insiste sur la dégradation des conditions de travail des femmes dans le monde entier ? Nous sommes confrontés à un choix de société : tout type de production doit-il primer sur la santé des salariés ? Est-il, par exemple, utile de fabriquer des voitures la nuit ou en fin de semaine ? M. Patrick Ollier - Voilà qui témoigne de votre connaissance du monde de l'entreprise ! Mme Martine Billard - Les consommateurs ne peuvent-ils patienter ? Si des dérogations sont inévitables, il ne faut pas pour autant opposer à la santé de nos concitoyens les exigences d'une consommation frénétique. On impose certaines conditions de travail aux salariés uniquement pour augmenter les bénéfices. M. Hervé Novelli - Il est interdit de gagner de l'argent ? Mme Martine Billard - Non, mais pour gagner plus, faut-il travailler la nuit, faut-il travailler 48 heures par semaine ? Ce sont des discours passéistes ! Et quand une femme ne peut plus travailler de nuit, qu'en est-il de son salaire ? M. le Président - Je vous donne la parole, Monsieur Gremetz, mais je vous prie d'être bref. M. Maxime Gremetz - Je dispose de cinq minutes, comme tout le monde ! Ne m'incitez pas à multiplier les demandes de suspension ! Quand on me demande quel est le débat le plus difficile auquel j'ai participé à l'Assemblée nationale, je cite toujours celui-là. Je me le rappelle minute par minute : nous y avons passé une partie de la nuit. Le Gouvernement de l'époque nous demandait de transcrire en droit français une directive européenne en rétablissant l'autorisation du travail de nuit des femmes dans l'industrie, au nom de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, cent ans après sa suppression en 1892 ! La directive nous imposait de rétablir l'égalité. Dès lors, il y avait deux façons de la transcrire. Nous avions proposé, en-dehors des dérogations spécifiques et parce que le travail de nuit est très mauvais pour la santé, pour les femmes et pour les hommes, de l'interdire dans l'industrie. Le choix qui a été fait a été de revenir sur la loi de 1892. J'avais donné à l'époque l'exemple de Flodor. Pourquoi travailler de nuit quand il s'agit de mettre des petits pois en conserve ? On a invoqué des contraintes de rentabilité. Mais Flodor, c'est le « patron voyou » par excellence, selon le mot du Président de la République ! Les femmes ont travaillé la nuit. Qu'ont-elles obtenu en contrepartie ? Rien ! Et aujourd'hui, on liquide l'entreprise ! Voilà pourquoi nous tenons tant à cet amendement : si nous n'y prenons pas garde, nous allons assister à de vraies régressions dans ce domaine. M. Jean-Pierre Soisson - Lorsque le Gouvernement socialiste avait présenté, dans les premiers mois de 2001, son projet de transposition de la directive, celui-ci avait suscité un malaise sur tous les bancs de cette Assemblée. L'opposition avait alors demandé au Gouvernement d'en suivre l'application et de présenter un rapport sur les conditions de sa mise en œuvre. M. Gremetz a donc raison de rappeler les circonstances dans lesquelles est intervenu le vote : je me souviens fort bien du long débat qui anima l'Assemblée ce soir-là. Votre décision de présenter ce rapport, Monsieur le ministre, nous permettra sans doute de débattre à nouveau de ce sujet. Elle devrait donc répondre à l'attente de nos collègues communistes. En tout cas, elle répond à la nôtre. M. Jean Le Garrec - On ne peut traiter d'un problème aussi difficile en cinq minutes. Je garde moi aussi la mémoire de ce long débat auquel j'ai activement participé, et j'ai beaucoup de respect pour la thèse défendue par Mme Jacquaint. Le travail de nuit dans l'industrie a indiscutablement de lourdes conséquences pour les salariés. C'est pourquoi j'insiste tant sur la nécessité d'une réflexion sur le lien qui existe entre intensité du travail, formes spécifiques de travail - telles que le travail de nuit - et santé. Je vous renvoie à ce propos aux chiffres du livre de M. Askenazy. Nous reprendrons ce débat à l'occasion de la présentation du rapport prévu en 2001, dont le ministre vient d'entériner le principe. La France, faut-il le rappeler, avait été condamnée en 1991 pour non-transposition de la directive de 1976, puis condamnée sous astreinte. Une certaine hypocrisie prévalait en outre en la matière, puisque de nombreuses femmes travaillaient de nuit dans l'industrie sans bénéficier de garanties spécifiques ni de contrôles suffisants. Ou nous fermions les yeux sur cette réalité, ou nous prenions le dossier en mains pour mettre en œuvre un encadrement et des garanties suffisants. Le débat fut passionné et de grande qualité ; le texte fut voté. Mais nous avions pris l'engagement - qui va être tenu par ce Gouvernement - de nous pencher à nouveau sur les garanties. Reste à revenir sur les conditions de pénibilité du travail de nuit. Analysons au moins, comme je le demande inlassablement, la réalité de l'évolution du process de travail. Or vous ne le faites pas dans le texte qui nous occupe. A la majorité de 33 voix contre 7, sur 40 votants et 40 suffrages exprimés, l'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Maxime Gremetz - Dans son arrêt du 10 juillet 2002, la Cour de cassation a donné une définition équilibrée de la notion d'astreinte : « les périodes d'astreinte, si elles ne constituent pas un temps de travail effectif durant les périodes où le salarié n'est pas tenu d'intervenir au service de l'employeur, ne peuvent être considérées comme un temps de repos, lequel suppose que le salarié soit totalement dispensé directement ou indirectement, sauf cas exceptionnels, d'accomplir pour son employeur une prestation de travail, même si elle n'est qu'éventuelle ou occasionnelle ; qu'il en résulte qu'un salarié ne bénéficie pas de son repos hebdomadaire lorsqu'il est d'astreinte. » Or, l'article 3 de la loi du 17 janvier 2003 prévoit que l'astreinte, sauf pour les durées d'intervention, est prise en compte pour le calcul des temps de repos. Ainsi, si un salarié reste chez lui et n'a pas eu à intervenir, on considère qu'il s'est reposé. C'est ignorer les contraintes liées à l'astreinte qui font que ce n'est pas un repos véritable. Notre amendement 16 supprime donc cette disposition. M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable. La loi Aubry II avait défini les astreintes dans l'article L. 212-4 du code du travail. L'astreinte est une période où le salarié reste chez lui ou à proximité pour répondre à une éventuelle demande, mais n'effectue aucune tâche. La loi Fillon de 2003, revenant sur un arrêt de la cour de cassation a précisé que l'astreinte fait partie du temps de repos, sauf pour la durée d'intervention qui est considérée comme un travail effectif pour l'application de la législation sur la rémunération et le temps de travail. L'astreinte donne aussi lieu à compensation financière ou sous forme de repos. Ces dispositions sont en accord avec les arrêts de la Cour européenne de justice et sont satisfaisantes. M. le Ministre délégué - Nous partageons l'analyse du rapporteur et ne pouvons donner un avis favorable à cet amendement. D'ailleurs, si on l'appliquait, comment assurerait-on la permanence des soins dans les hôpitaux publics ? C'est un sujet qui me tient à cœur, car on a pu avoir l'illusion que certaines permanences étaient assurées alors qu'elles ne l'étaient pas. M. Alain Vidalies - L'amendement 16 ne vise pas à supprimer la définition de l'astreinte telle qu'elle figure à l'article L. 212-4 du code, issu de la loi du 19 janvier 2000 qui avait mis notre législation en conformité avec le droit européen, sur ce point plus favorable. Il s'agit uniquement de supprimer le membre de phrase ajouté par la loi du 17 janvier 2003. Vous ne pouvez, Monsieur le ministre, passer sous silence le recours engagé devant le Conseil de l'Europe sur la base du non-respect de la Charte européenne des droits fondamentaux. Dans le cadre de cette procédure, le comité technique qui a été saisi a déjà donné un avis défavorable et propose la condamnation de la France. Il serait peut-être honorable de voter cet amendement pour éviter la condamnation, sauf à faire de la résistance au niveau de l'instance politique, qui tranchera, en avançant des arguments dont nous n'avons pas connaissance. M. le Ministre délégué - Le sujet a été abordé en décembre au Conseil des ministres « emploi » et nous allons y travailler, comme sur de multiples aspects de la directive « temps de travail ». Le Gouvernement se penche donc sur le sujet. Mme Martine Billard - Si je comprends bien, le Gouvernement espère que le Conseil des ministres ne suivra pas l'avis technique. M. le Ministre délégué - Je n'en sais rien. Mme Martine Billard - Le sujet est important. Il s'agit d'un de ces cavaliers législatifs auxquels vous nous avez habitués depuis deux ans et demi. M. Patrick Ollier - Vous, c'est la charge de la cavalerie ! Mme Martine Billard - Au rythme où vous détruisez le code du travail, nous le défendons comme nous le pouvons. M. Franck Gilard - Il y a trop de fonctionnaires dans cette assemblée. Mme Martine Billard - Comme je suis l'une des rares dans cette assemblée à venir de l'entreprise, et même de la petite entreprise, votre remarque est tout à fait déplacée. J'ai été caissière de supermarché et poinçonneuse dans le métro, et il y a peu de gens ici qui ont ce genre d'expérience. Ces dispositions sur l'astreinte ont été demandées en particulier par le patronat des bureaux d'études des secteurs de l'informatique et la communication. Par exemple, une petite société qui informatise les bibliothèques doit assurer un service le samedi puisqu'elle sont ouvertes. De ce fait, chacun de ses trois ou quatre salariés sera d'astreinte environ un samedi par mois, pour une indemnité restreinte. Avec la loi Fillon, ces salariés, qui ne peuvent même pas s'éloigner de leur domicile puisqu'ils interviennent sur internet, perdent un jour de congé. Vous prenez l'exemple des médecins. Mais on sait bien que pour les besoins vitaux, par exemple pour la santé, il y a dérogation. Ce que nous contestons, c'est cette généralisation de la contrainte, présentée comme une « souplesse », mais qui permet de moins en moins aux salariés d'organiser leur vie en dehors du travail. M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement. Un de nos collègues considère en quelque sorte qu'il y a des parlementaires de second ordre, dès lors qu'ils ont fait partie de la fonction publique. Nous n'en sommes pas vraiment surpris car ce n'est pas une catégorie que le Gouvernement apprécie. Mais que notre collègue s'abstienne de ce genre de réflexion qui laisserait penser que tous les parlementaires, élus de la nation, n'ont pas en vue l'intérêt général. M. Maxime Gremetz - Monsieur le ministre, si le Gouvernement veut vraiment se pencher sur le problème, à moins d'avoir décidé une fois pour toutes qu'on refusera systématiquement certains amendements en raison de leur origine - mais il faut le dire - c'est un amendement que vous pouvez accepter, étant donné l'avis donné par le comité technique. Ce sont des gens compétents ! On ne peut pas dire qu'une journée d'astreinte est une journée entière de travail effectif, mais on ne peut pas dire non plus que le temps d'astreinte n'est en rien du temps de travail effectif : la vérité, c'est qu'il l'est pour partie. Vous prétendez vouloir faire adopter la Constitution européenne, et vous ne respectez même pas la Charte des droits fondamentaux ! Soyez cohérents... M. Jean-Pierre Soisson - La définition et la mise en œuvre de l'astreinte posent un véritable problème en droit français, nous en sommes tous d'accord. La chambre sociale de la cour de cassation, dans son arrêt de juillet 2002, avait défini une jurisprudence, que la loi de janvier 2003 est venue corriger. MM. Gérard Bapt et Alain Vidalies - Gommer ! M. Jean-Pierre Soisson - Depuis, le Conseil des ministres de l'emploi a été saisi, la Charte des droits sociaux fondamentaux a été intégrée dans le projet de Constitution européenne, et un débat a lieu au sein des instances techniques et des instances politiques du Conseil de l'Europe. La solution ne serait-elle pas, Monsieur Gremetz, que vous retiriez votre amendement si le Gouvernement prenait l'engagement de venir devant l'Assemblée nationale pour tirer les conclusions de la décision qui sera prise par le Conseil des ministres de l'emploi ? M. Gérard Bapt - Monsieur le ministre, vous avez ajouté à l'argumentation du rapporteur un élément particulièrement inapproprié, en évoquant la permanence des soins. En effet vos collègues Philippe Douste-Blazy et Xavier Bertrand, pour assurer la permanence des soins de ville, ont proposé de rémunérer forfaitairement des astreintes de médecins libéraux, ce qui prouve bien qu'ils ne considèrent pas le temps d'astreinte comme du temps de repos. Preuve supplémentaire : ils proposent que cette rémunération forfaitaire soit diminuée du montant des honoraires perçus en cas d'accomplissement d'actes médicaux... L'amendement 16, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Maxime Gremetz - J'avais demandé la parole ! M. le Président - Le vote était engagé. M. le Ministre délégué - Quelques précisions complémentaires, car le sujet est très complexe. Il y a d'une part une procédure devant le Conseil de l'Europe, qui peut nous conduire devant la Cour de Strasbourg. Il y a d'autre part une procédure communautaire, à savoir la révision de la directive de 1993, la France ayant pris l'initiative de soulever la question. La Commission a présenté un premier rapport, le Conseil des ministres peut être saisi une ou plusieurs fois ; dès que le projet de directive sera arrêté, après avis du Parlement européen, l'article 88-4 permettra à notre Parlement de s'en saisir pour avis et d'éclairer la décision du Gouvernement. M. Maxime Gremetz - Monsieur le président, vous ne m'avez même pas laissé le temps de répondre à M. Soisson, qui m'avait fait une proposition ! Je lui aurais dit que, plutôt que de retirer mon amendement, mieux valait l'adopter pour revenir à la situation antérieure, en attendant les conclusions des débats en cours. M. le Président - Je fais respecter le Règlement. Chacun avait pu s'exprimer, et je croyais bien avoir compris que vous n'alliez pas retirer votre amendement. Mme Muguette Jacquaint - Vous pouviez bien vous douter, Monsieur le président, que la discussion d'un texte aussi important, qui porte sur l'organisation du temps du travail, susciterait des débats passionnés. Notre amendement 5 a un double objectif. Tout d'abord, lier les aides accordées aux entreprises à leur implication dans la réduction du temps de travail et à leurs efforts pour créer des emplois, en rendant inéligibles à ces aides les entreprises qui préféreraient augmenter la durée du travail en utilisant les possibilités offertes par cette proposition de loi. Ensuite, développer dans les entreprises les comités de suivi de l'application de la RTT. J'ai déjà cité un sondage en défendant la motion de renvoi en commission ; un autre, effectué auprès de 400 cadres, est également éclairant : 65% d'entre eux souhaitent conserver leurs jours de RTT plutôt que de les échanger contre une rémunération, et cette proportion monte à 87% pour les cadres de 34 ans et moins, et à 95% pour les femmes. L'objectif de la RTT reste pour nous de laisser à chacun du temps pour se consacrer à sa famille, pour se distraire, pour se cultiver, pour se former, pour avoir un vie associative et exercer sa citoyenneté. La réduction du temps de travail est une arme efficace pour faire la guerre au chômage. Nul ne peut sérieusement contester qu'elle ait été créatrice d'emplois et il faut prendre en compte la détresse des millions de chômeurs en particulier les plus jeunes - qui n'aspirent qu'à jouer un rôle actif dans notre société. Or, la croissance ne peut suffire à résorber le chômage, ou, plus exactement, les moyens par lesquels vous prétendez la soutenir ont fait la preuve de leur inefficacité. La seule politique qui vaille pour la relancer durablement, c'est d'améliorer le pouvoir d'achat des ménages, de manière à faire redémarrer la consommation. C'est pourquoi notre amendement tend à remettre au goût du jour le dispositif de contreparties créé par la loi Aubry I, sur lequel la loi de 2000 était revenue de manière inopportune. M. le Rapporteur - Je salue la constance de nos collègues communistes et la cohérence de leur position. Tout le monde aura été sensible à la distinction qu'ils font entre les lois Aubry I et II. Cependant, le présent texte ne se place pas dans la même logique, car force est d'admettre que les créations d'emplois escomptées ne sont pas intervenues et que le coût de chaque embauche réalisée du fait de la RTT est resté prohibitif. Avis défavorable. M. le Ministre délégué - Même avis. Toutes les études disponibles, qu'elles émanent de M. Piketty ou de M. Malinvaud, ont démontré que les allégements de charges sur les bas salaires étaient créateurs d'emplois... M. Maxime Gremetz - Je peux démontrer le contraire ! M. le Ministre délégué - Dans son rapport au Premier ministre Lionel Jospin, M. Malinvaud estimait que la seule ristourne Juppé était susceptible de créer environ 400 000 emplois en dix ans. M. Maxime Gremetz - L'analyse était pour le moins orientée ! M. le Ministre délégué - Les chiffres peuvent varier mais tous les experts s'accordent sur l'effet créateur d'emplois des allégements de charges. Je vous renvoie aussi au rapport Pisani-Ferry et à tous les travaux récents sur le sujet. M. Gaëtan Gorce - Je remercie nos collègues communistes de bien mettre en évidence le fait que les dispositions de la loi de janvier 2003 ont supprimé tout lien entre la RTT et les allégements de cotisations. Vous comprendrez que je préfère parler de cotisations plutôt que de charges, s'agissant de dépenses actives pour la collectivité... M. le Ministre délégué - M. Piketty, qui ne passe pas pour être l'économiste de l'UMP, emploie pourtant le mot « charges ». M. Gaëtan Gorce - Chacun est libre de son expression. La vérité, c'est que la mission d'information Ollier-Novelli a bien mis en évidence qu'il ne convenait plus de parler du coût des 35 heures mais du coût des allégements Fillon. Les travaux de la mission ont également permis de faire justice des allégations parfois un peu imprudentes de certains ministres sur le coût de la RTT. Certains n'hésitaient pas à avancer le chiffre de 15 milliards ; on admet aujourd'hui qu'il serait plus raisonnable de parler de 10 milliards, compte non tenu des rentrées nettes à déduire, évaluées à au moins 6 milliards. (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Ces différents éléments tendent à relativiser sensiblement ce qu'il était devenu convenu d'appeler « le coût des 35 heures ». Quant à l'efficacité des allégements, l'étude de l'INSEE tablant sur la création de 500 000 emplois du fait de la seule ristourne Juppé n'a jamais été confirmée par personne, la plupart des experts sérieux s'attachant plutôt à la contester. Entendons-nous, je ne nie pas que les exonérations puissent avoir un impact positif sur l'emploi. C'est l'ampleur du bénéfice qu'il convient d'en attendre qui est contestable. Nous considérons en outre que les éventuels allégements ne devraient être décidés que dans le cadre d'un accord collectif, et qu'il est impératif de les assortir de contreparties précises. Enfin, il est bien établi que les allégements de cotisation ne sont efficaces qu'à modalités de calcul constantes. Or la première mesure que vous avez prise en 2003 a été précisément de modifier les règles de calcul, de sorte que le dispositif auquel vous sembliez si attachés s'est trouvé totalement privé d'effet ! Je vous invite par conséquent à nuancer vos analyses : si les allégements aujourd'hui constatés ont un coût, ne l'imputez pas aux lois Aubry car il vous incombe intégralement. M. Patrick Ollier - Il fallait oser le dire ! M. Gérard Bapt - C'est la stricte vérité. M. Maxime Gremetz - Pour rebattu qu'il soit, le présent débat ne manque pas d'intérêt. Quelle est la thèse ultralibérale ? Pour créer de l'emploi, il faudrait baisser le coût du travail, alléger les « charges » qui pèsent sur le patronat et augmenter la productivité, au risque de dégrader les conditions de travail (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Pourquoi s'obstiner à défendre cette politique alors que tout indique qu'elle est totalement inefficace. S'il en allait autrement, cela se saurait ! M. Hervé Novelli - Cela se vérifie ailleurs. M. Maxime Gremetz - Balivernes ! Les allégements de cotisations patronales - que vous préférez appeler charges alors qu'elles constituent un investissement utile pour l'avenir -, cela ne marche pas. Sinon, pourquoi notre région de Picardie, au destin de laquelle s'attachent au moins trois ministres, et qui réunit toutes les conditions de flexibilité auxquelles vous semblez si attachés enregistrerait-elle un taux record de chômage ? Et que nul ne se hasarde ici à contester l'ardeur au travail ou la compétence des « bêtes de Somme » ! Le libéralisme, quoi qu'il vous en coûte, cela ne vaut pas un clou ! Ce qu'il faut faire, c'est redonner du pouvoir d'achat aux ménages pour relancer la consommation. Alors que les travailleurs pauvres et les précaires s'enfoncent dans le sous-développement, c'est cette politique qu'il faut privilégier. Les exonérations de charges représentent 21,5 milliards et le chômage augmente toujours. Ce sont des cadeaux aux entreprises et à leurs actionnaires. M. Hervé Novelli - Nous allons terminer cette séance sur une note agréable. Je suis heureux, en effet, que M. Gorce reconnaisse la qualité du rapport qu'il avait vilipendé à sa publication. Les chiffres contenus dans ce rapport sont indiscutables : ils émanent de la direction de la prévision. Le coût des allégements de charges au titre des 35 heures s'élève à 8,4 milliards. En 2003, il était de 10 milliards. J'ajoute qu'il ne me paraît pas réaliste de raisonner sur une autre base que les coûts bruts. Défalquer des rentrées potentielles, générées par des créations d'emploi potentielles, pour calculer un coût net me semble d'un raffinement théorique digne d'une école prestigieuse d'où est sortie Mme Aubry... Les organisations syndicales elles-mêmes n'ont pas voulu raisonner ainsi. Je suis heureux, aussi, d'entendre M. Gremetz décrire la théorie libérale. C'est en effet assez inhabituel. Mais il ne nous a donné à voir qu'une infime partie de cette théorie, qui vise avant tout à donner des libertés. M. Maxime Gremetz - La liberté du renard dans le poulailler ! M. Hervé Novelli - Vous avez parlé de créations d'emplois : elles résultent essentiellement des créations d'entreprises et du développement des entreprises existantes, à moins de se contenter de créer de l'emploi public. M. Gaëtan Gorce - Je ne voudrais pas priver M. Novelli de son bonheur, mais il a une vision brute des choses, pour ne pas dire une vision brutale. Si j'ai parlé de chiffres nets, c'est qu'il vaut mieux avoir une vision dynamique de l'économie. Si on ne prend pas en compte les recettes apportées par les créations d'emplois, on revient au temps du baron Louis. Peut-être avait-il une vision plus dynamique que la vôtre, d'ailleurs. Monsieur Novelli, j'ai dit parfois que vous étiez un homme du XIXe siècle. En matière de comptabilité publique, vous êtes un homme du XVIIe siècle. L'amendement 5, mis aux voix, n'est pas adopté. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures. La séance est levée à 13 heures 5. |