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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 60ème jour de séance, 146ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 10 FÉVRIER 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

RECONNAISSANCE
DES FRANÇAIS RAPATRIÉS
(deuxième lecture) 2

APRÈS L'ARTICLE PREMIER 17

ARTICLE PREMIER BIS 18

APRÈS L'ARTICLE PREMIER BIS 19

ARTICLE PREMIER QUINQUIES 21

ART. 2 23

APRÈS L'ART. 5 23

APRÈS L'ART. 6 24

TITRE 26

EXPLICATIONS DE VOTE 26

ORDRE DU JOUR DU MARDI 15 FÉVRIER 29

La séance est ouverte à quinze heures.

RECONNAISSANCE DES FRANÇAIS RAPATRIÉS (deuxième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants - Chacun d'entre vous connaît l'économie générale du projet de loi que j'ai l'honneur de présenter, votre assemblée en ayant déjà débattu de manière approfondie le 11 juin dernier. Les dispositions issues des travaux parlementaires seront détaillées par votre rapporteur, Christian Kert, dont je salue avec force et gratitude l'engagement personnel. Une fois ce texte en vigueur, les rapatriés pourront mesurer ce qu'ils doivent à votre collègue, qui a su trouver l'équilibre entre les attentes de nos compatriotes, les contraintes budgétaires et ce qui relève du domaine de la loi.

Je ne reviens pas sur la politique d'ensemble que nous menons en faveur des rapatriés depuis bientôt trois ans, ni sur les différentes dispositions du projet, car je veux m'attarder sur trois points essentiels : la portée emblématique de ce texte, l'ampleur de l'effort financier décidé par la Nation et l'importance du travail parlementaire.

Pour les rapatriés de toutes origines, le vote de cette loi représente un moment historique. Ce texte fera date. Pour la première fois, plus de quarante ans après la fin de la guerre d'Algérie, la loi, expression de la volonté générale, manifeste la reconnaissance par la Nation de l'œuvre matérielle et culturelle accomplie par nos compatriotes outre-mer, en Indochine comme en Afrique du Nord. Le temps n'est plus aux polémiques, aux invectives ou aux calomnies. Les mots si émouvants prononcés dans cet hémicycle pour qualifier cette œuvre resteront longtemps dans les cœurs.

Pour la première fois, la tragédie de la guerre d'Algérie et le drame du rapatriement sont officiellement reconnus. Pour la première fois, hommage est rendu aux victimes civiles. A votre initiative, il en ira ainsi chaque année. Pour la première fois, est reconnue la tragédie des disparus et de leurs familles confrontées à une incertitude insupportable. Pour la première fois, la loi protège les harkis contre les insultes, contre ceux qui veulent nier leur tragédie - une tragédie reconnue par la loi Romani de 1994.

En outre, ces dispositions ne sont pas uniquement symboliques. Elles auront des suites concrètes et durables. Ainsi, à Marseille, dès 2006, le mémorial d'outre-mer présentera de manière permanente la réalité de la présence et de l'action des Français hors de métropole. L'Etat participe au financement de sa construction et contribuera à son budget de fonctionnement.

Ces dispositions ne seront pas non plus sans lendemain, puisque la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie est en cours de constitution. A la demande du Premier ministre, le préfet honoraire Benmebarek conduit une mission de préfiguration. Il remettra son rapport dans quelques mois. Cette fondation sera le lieu privilégié du débat et de la recherche historique. Il appartient aux historiens d'écrire l'histoire, sans passion, ni arrière-pensées partisanes.

La deuxième caractéristique de ce projet de loi, c'est l'ampleur des moyens financiers que le Premier ministre a accepté d'y consacrer. Plus d'un milliard sont ainsi prévus pour financer les mesures en faveur des harkis, de leurs orphelins, et des rapatriés d'origine européenne.

Même au-delà de cet hémicycle, on connaît les contraintes qui pèsent sur les finances publiques de notre pays. Or, pour les harkis, près de 700 millions permettront d'augmenter l'allocation de reconnaissance d'autoriser une sortie en capital et un cumul rente-capital, grâce à l'initiative de votre assemblée.

Comme vous le savez, les sénateurs ont adopté un amendement ouvrant le bénéfice de cette mesure aux orphelins de harkis.

Vous conviendrez tous de l'importance de cette décision du Premier ministre. Ces dispositions attestent de la volonté du Gouvernement de combler les attentes des harkis et de ne pas oublier leurs immenses souffrances, de ne pas oublier non plus la deuxième génération. A ces crédits, s'ajouteront des actions en faveur du logement et de l'emploi, dont j'ai longuement parlé en première lecture.

Pour les rapatriés d'origine européenne - pour les « pieds-noirs » -, plus de 311 millions sont mobilisés. Nous pouvons ainsi satisfaire la plus forte des revendications des associations, avec le règlement de la question dite de « l'article 46 ». Là encore, c'est un effort substantiel, qui situe ce texte dans la lignée des grandes lois d'indemnisation proposées par Jacques Chirac, André Santini et Roger Romani.

Enfin, le troisième point que je souhaite évoquer concerne le Parlement. Nous avons voulu que vous soyez associés au maximum à l'élaboration de ce texte, et force est de constater que vous l'avez considérablement enrichi. Qu'on en juge : sur la proposition de votre rapporteur et du groupe UMP, avec le soutien du groupe UDF, vous avez renforcé les dispositions sur la mémoire et vous avez élargi les mesures financières en faveur des harkis en introduisant - je l'ai dit - la possibilité du cumul rente et capital.

Sur la proposition du groupe UDF, vous avez inscrit dans la loi la création de la future Fondation, dont le rôle sera essentiel. Sur proposition du rapporteur du Sénat, les groupes de la majorité et de l'opposition, unanimes, ont adopté la mesure en faveur des orphelins. De même, le Sénat a précisé la rédaction de plusieurs dispositions juridiques, dont le principe résulte des votes de la majorité de l'Assemblée nationale.

Si j'ai pu donner un avis favorable à nombre de vos propositions, c'est parce que vous défendiez des causes justes et que le Premier ministre a bien voulu être en permanence à notre écoute.

Mesdames et Messieurs les députés, on peut dire sans crainte d'être démenti que le Gouvernement et sa majorité tiennent les engagements pris vis-à-vis des rapatriés, et même au-delà.

Naturellement, le travail en commun et le dialogue se poursuivront après son adoption. Depuis près de trois ans, nous avons toujours fait preuve d'esprit d'ouverture et cela continuera.

Pour l'heure, compte tenu de l'urgence de certaines dispositions et des apports de la discussion parlementaire, l'essentiel est désormais que ce texte puisse entrer rapidement en application. Il semble, et je m'en réjouis, que ce point de vue de bon sens soit largement partagé.

Plus de quarante ans après la fin de la guerre d'Algérie, me reviennent la responsabilité et l'honneur de défendre, au nom du Gouvernement de la République, ce projet de loi. Je ne vous cacherai pas la réelle émotion que je ressens. Depuis le début de nos travaux, je pense à chaque instant à toutes celles et à tous ceux dont la vie fut brisée.

Je pense à ces heures terribles et sanglantes du départ de notre terre natale.

Je pense à ces années de douleur, de solitude, d'épreuves et de travail acharné qui ont suivi notre arrivée en métropole.

Je pense aussi à ceux qui sont restés indéfectiblement fidèles à une France qu'eux-mêmes ou leurs pères avaient servi sans faillir, une France aujourd'hui encore fidèle à ses idéaux de liberté, d'égalité et de fraternité.

Je pense enfin aux jeunes générations qui peuvent regarder leurs parents avec fierté et l'avenir avec confiance.

C'est cet esprit de fidélité, de justice et d'ouverture sur l'avenir qui sous-tend ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Kert, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Ce texte est d'une singulière actualité alors que notre société s'interroge sur son destin et sur celui des communautés qui la composent. Il est aussi l'occasion de régler un certain passif avec notre propre histoire et de faire table rase d'un certain nombre d'idées reçues, notamment celle reprise récemment par un universitaire dans un grand quotidien du soir selon laquelle l'aventure française en Algérie ne serait qu'une abominable période coloniale. Votre projet affirme le contraire et nous, parlementaires, sommes fiers d'y avoir mis l'accent sur la reconnaissance de la Nation à l'égard de cette œuvre accomplie, des souffrances endurées et des sacrifices consentis par cette double communauté.

Nous nous sommes gardés de tout excès, notamment dans la repentance. Evoquer une responsabilité de l'Etat, alors que les historiens n'ont pas définitivement clos l'inventaire des événements qui ont conduit la France et l'Algérie à une telle déchirure, pourrait se retourner contre ceux qui le suggèrent, malgré leur totale bonne foi.

On peut légitimement rendre hommage au travail des sénateurs qui ont enrichi le texte. Si, selon certains, il n'apporte pas la réponse à toutes les attentes, il est néanmoins important en ce qu'il affirme la reconnaissance de la Nation à l'égard de l'une de ses communautés et parce qu'il mobilise 900 millions. Est-ce bien le moment ? demandent certains. Oui. Si nous avions pu faire mieux, nous l'aurions fait. Mais ces 900 millions nous permettent de faire face à nos engagements.

Les harkis pourront opter entre le versement de l'allocation de reconnaissance sous forme de rente et le versement d'un capital, avec des possibilités de choix que nous avions étendues en première lecture. Le Sénat a complété le dispositif en créant - comme nous l'avions souhaité - en faveur des orphelins de harkis une indemnité, dont les conditions de versement sont plus favorables lorsque l'orphelin est également pupille de la Nation.

D'autre part, le texte étend le bénéfice de l'allocation de reconnaissance et des mesures d'aide au logement à certains harkis. Il les protège contre toute forme d'injure, de diffamation ou d'apologie de crimes commis contre eux. Il mentionne les bourses complémentaires pour les enfants de harkis. Enfin, le Gouvernement devra remettre au Parlement, dans un délai d'un an après l'entrée en vigueur de la loi, un rapport sur la situation sociale des enfants de harkis et leurs besoins de formation, d'emploi et de logement.

Ni la loi de 1987 ni celle de 1994, au demeurant, initiées par notre majorité, n'ont octroyé autant de réparations matérielles à la communauté harkie, laquelle dans son immense majorité a pris acte avec une digne satisfaction de ces dispositions.

Mais le texte s'adresse également aux pieds-noirs. Il prévoit la restitution aux rapatriés des sommes précédemment prélevées au titre des différentes lois d'indemnisation. Il prévoit également la reconstitution des droits à la retraite des « exilés politiques » salariés du secteur privé sur le modèle du dispositif en vigueur pour les agents publics.

Si sur les 900 millions prévus, l'effort est plus marqué pour les harkis, les pieds-noirs ne nous le reprochent pas, tant ils ont le sentiment de l'injustice faite aux harkis pendant des décennies.

En revanche, ils jugent que « le compte n'est pas encore bon » en ce qui les concerne et évoquent d'abord l'achèvement de l'indemnisation. Nous avons bien dit que votre loi n'était pas une loi d'indemnisation, mais elle ne ferme pas définitivement la porte à cette idée qu'il faudrait bien terminer la réparation matérielle. J'aimerais vous l'entendre dire solennellement.

Ils auraient souhaité que soient prévus, pour le remboursement des sommes prélevées, une indexation et le calcul des intérêts. Cependant, on atteindrait alors de tels montants que cet ajustement serait impossible. Il semble difficile de remettre en jeu l'équilibre du texte sur ce seul point.

Ils ont pris acte de la création d'une Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie - dont il conviendrait de préciser au plus vite l'organisation et les missions -, de celle d'un mémorial à Marseille, et du renforcement de l'enseignement de l'histoire de la présence française outre-mer. Mais ils éprouvent encore des inquiétudes quant au dossier des disparus et quant à la justice morale à rendre aux victimes françaises de la rue d'Isly ou d'Oran.

A cet égard, je souhaiterais dissiper un malentendu. Oui, en commission, j'ai bien affirmé que, rue d'Isly, des Français étaient tombés sous des balles françaises. Ce n'était pas pour dédouaner l'Etat de sa responsabilité. C'était simplement pour dire « ceux-là, tombés dans le soleil d'Alger, parce que leur courage les avait jetés dans la rue pour clamer leurs convictions, ceux-là sont tombés, par une tragédie de l'histoire, sous des balles françaises qui auraient dû les protéger, ceux-là méritent plus que d'autres notre mémoire et notre affection ». A vous, Monsieur le ministre, d'imaginer rapidement le geste fort que la Nation se doit de faire en direction de ces victimes.

Enfin, les rapatriés redoutent que l'examen des dernières centaines de dossiers par la CNAIR ne donne lieu à un règlement brutal de situations pour beaucoup humainement très difficiles. La commission ne doit pouvoir rejeter des dossiers que si leur éligibilité est réellement contestable. Pouvez-vous, sur ce point, leur apporter quelque apaisement ?

Restent quelques dossiers qui ne peuvent être forcément réglés par la loi.

D'abord, certains rapatriés rencontrent des difficultés à faire valoir leurs droits à la retraite. Un décret de 1965 ouvre la possibilité de procéder à une reconstitution de carrière par simple déclaration sur l'honneur. Arguant du fait qu'il s'agit d'une faculté et non d'un droit, certaines caisses de retraite refusent de prendre en compte leurs demandes. Cette attitude n'est pas conforme à l'esprit du décret de 1965. M. Borloo a donné son accord pour en modifier la rédaction. Est-ce que ce sera fait dans les meilleurs délais ?

Ensuite, lors du renouvellement d'un passeport, est désormais inscrite, après la mention de leur lieu de naissance, sur le territoire des anciens départements français d'Algérie, la mention « DZA », abréviation de l'Algérie dans la nomenclature aéronautique internationale. Au-delà de son caractère symbolique, une telle mention pose des problèmes lors des déplacements à l'étranger. A cet égard, M. le ministre de l'intérieur m'indiquait le 1er février vouloir dégager sous peu une solution qui donnera satisfaction aux personnes concernées.

La commission a adopté le texte du Sénat. En effet, vouloir préciser encore retarderait son application, alors que l'essentiel est de démontrer à ceux qui ont déjà trop longtemps attendu, que la Nation ne les oublie pas.

Voilà ce que voulait dire le rapporteur. Permettez maintenant au député, ami de longue date de cette double communauté, de vous dire solennellement, Monsieur le ministre, combien la représentation nationale sera attentive à ce que le traité d'amitié entre la France et l'Algérie, dont la signature est prévue en juin, n'oublie pas d'assurer la libre circulation des harkis dans leur pays d'origine. Nombre d'entre eux voient comme une injustice les égards avec lesquels sont traités les acteurs de la guerre d'indépendance, au regard des difficultés qu'ils connaissent. Cette injustice, nous devons la réparer, en hommage au bachaga Boualem, qui fut vice-président de notre assemblée.

Veillez également à ce que la réhabilitation et l'entretien des cimetières français ne soient pas oubliés et enfin, à rappeler à nos partenaires que, par la signature des accords d'Evian, l'Etat algérien s'était engagé à indemniser les biens des rapatriés expropriés.

L'amitié et la paix dépendent des peuples eux-mêmes. Mais il revient aux gouvernants de veiller à ce qu'elles se traduisent par des mesures équitables. C'est, Monsieur le ministre, le dernier chantier que, pour l'instant, nous vous demandons de conduire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Kléber Mesquida - Nous abordons en deuxième lecture ce texte que vous considérez, Monsieur le ministre, comme un « point d'orgue » et que vous nous invitez à voter conforme. Si nous nous en tenions vraiment aux dispositions votées en première lecture, votre « point d'orgue » se transformerait en « points de suspension » renvoyant à une prochaine loi, comme celle qu'annonce déjà le rapporteur.

Le 5 décembre 2004, le Premier ministre a déclaré : « Après le temps de la douleur, vient celui de la réparation, de la reconnaissance, puis celui de l'apaisement et de la réconciliation ».

Le temps de la douleur, ce sont les souffrances qui durent depuis plus de quatre décennies, enfouies au fond des cœurs, souffrances indicibles, qu'on ne peut partager. Vous pourriez les estomper si vous acceptiez, comme nous le proposons, de reconnaître la responsabilité de la France envers les rapatriés, sa responsabilité dans l'abandon des harkis et dans l'ampleur des massacres commis après les accords d'Evian, après ce cessez-le-feu qui n'a pas empêché le sang de continuer à couler. Nous voulions donc que cette loi reconnaisse aussi la qualité de « Morts pour la France » aux victimes de la rue d'Isly, le 26 mars 1962, à Alger, ainsi qu'aux autres victimes civiles de cette guerre. Malheureusement, la commission a refusé.

Le 16 juillet 1995, à Perpignan, le Président Jacques Chirac déclarait, lors d'un hommage aux déportés : « La France, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable. » Cette phrase pourrait aussi s'appliquer au contexte de l'après 19 mars 1962 dans ces départements français, où la France n'a pas su protéger ses ressortissants. Ils sont morts Français, ils sont morts pour la France.

Au-delà de cette responsabilité que nul ne conteste, évoquer la reconnaissance morale, c'est la traduire en actes de réparation matérielle. Il faut réparer le préjudice subi par ceux qui ont vendu leurs biens immobiliers sous la contrainte après le 19 mars 1962 et indemniser les ayants droit français de rapatriés étrangers non indemnisés par leur pays d'origine. Il convient d'indexer sur l'inflation le montant des restitutions des sommes allouées et affectées au remboursement des prêts. Malheureusement, la commission a refusé tous nos amendements sur la réparation.

En ce qui concerne les harkis, nous avons proposé l'indemnisation de leurs enfants se trouvant aujourd'hui en situation sociale précaire et ayant transité au moins trois ans dans des camps d'hébergement temporaire ressemblant à des ghettos. Nouveau refus de la commission. Nous nous sommes également heurtés à son refus au sujet des aides forfaitaires liées aux problèmes générés par les dettes de réinstallation et les plans d'apurement des dettes des rapatriés réinstallés. Enfin, la commission a refusé que soient prises des mesures pour le rétablissement des droits à retraite complémentaire amputés par certaines caisses.

Il est vrai que ces mesures de réparation et d'indemnisation se chiffreraient à plus de 2 milliards d'euros, mais si l'on additionne la « cagnotte » de 7 milliards d'euros et les 14 milliards d'euros de baisse d'impôts, qui n'ont profité qu'aux plus aisés, nous avons largement de quoi les financer. Je propose donc que le Gouvernement reprenne à son compte les amendements tombés sous le couperet de l'article 40. Il y aurait, je vous l'assure, un consensus pour les voter.

Il dépend de la volonté du Gouvernement et de sa majorité de solder enfin les attentes. Alors pourra venir le temps de l'apaisement et le peuple rapatrié pourra achever son deuil.

Après seulement viendra le temps de la réconciliation, qui ne pourra commencer qu'une fois qu'auront été associés à l'écriture d'une autre page de l'histoire les représentants des harkis et des pieds-noirs. Ce n'est qu'après les avoir écoutés, Monsieur le ministre, que vous pourrez faire ratifier le traité d'amitié franco-algérien, qui se prépare en secret dans votre ministère.

Si ce texte est voté en l'état, il ne réglera pas la dette d'honneur contractée par la Nation il y a 43 ans et reconnue solennellement par le Président de la République en 2001 et 2002.

Monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, nous ne partageons pas les mêmes orientations politiques mais ce texte de loi doit transcender ces clivages pour répondre dignement aux attentes des populations concernées. Dans ce sanctuaire de la République, il appartient aux législateurs que nous sommes de dépasser les limites partisanes pour enfin écrire les dernières pages de cette période douloureuse, au terme de quatre décennies de souffrances. Nous aurons alors réussi à signer ces pages dans la dignité de l'unité nationale, gage de la grandeur de la République et de l'honneur de la France. J'en appelle à notre responsabilité et à notre conscience. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Rudy Salles - Nous mesurons, à l'UDF, les attentes immenses que ce projet a suscitées, plus de quarante ans après les drames et les combats d'une guerre cruelle et nous sommes tous attachés à la cause de nos frères, pieds-noirs ou harkis, qui ont connu ces souffrances et auxquels l'Etat a tant tardé à accorder sa reconnaissance. Nous nous rappelons qu'André Santini fut appelé au Gouvernement en 1986 pour prendre en charge l'épineuse question des rapatriés. Nombreux sont aujourd'hui les pieds-noirs et les harkis qui lui sont reconnaissants de l'action qu'il a menée alors. Reconnaissons-le, peu de réformes d'envergure ont été adoptées après son départ du Gouvernement.

Nous attendons donc que ce texte de loi représente à la fois une reconnaissance, une réparation et un gage d'espérance.

Reconnaissance. La France doit rendre justice à l'œuvre que nos compatriotes ont bâtie outre-mer et aux conditions dramatiques dans lesquelles ils ont dû quitter ces terres qu'ils avaient aimées et servies. Certains auraient aimé que l'on parlât de responsabilité plutôt que de reconnaissance, mais même après quarante ans, le temps de la définition des responsabilités n'est pas encore venu ; il subsiste encore trop de zones d'ombre qui doivent être éclaircies par les historiens.

Réparation. Celle des souffrances endurées au nom de la fidélité à la patrie et à la République.

Gage d'espérance enfin, car nous espérons que ce texte permettra d'apurer le contentieux du passé, de solder les injustices et de dépasser les incompréhensions.

C'est le devoir du Gouvernement, c'est même son honneur, que de rendre justice aux Français rapatriés d'Algérie, du Maroc et de Tunisie. Ceux qui ont été engagés comme supplétifs dans l'armée n'ont pas été protégés comme ils auraient dû l'être et les survivants ont été mis à l'écart dans un pays inconnu. C'est donc une dette matérielle, mais aussi morale qui doit être réglée. La France a un devoir de mémoire et de reconnaissance envers ceux qui ont bâti son empire ; elle doit être fière de son œuvre civilisatrice, en particulier en Afrique du nord.

Ces familles rapatriées ont connu des moments particulièrement difficiles : le départ précipité, l'abandon de la terre natale, le fait de devoir tout laisser sur place, ses biens, son logement, son commerce, parfois la tombe de ses proches, souvent aussi une partie de soi-même, enfin l'arrivée dans un pays inconnu.

Nous attendons du Gouvernement qu'il mette en œuvre une politique ambitieuse en faveur des harkis, étant entendu que les indemnités allouées tant aux harkis qu'aux rapatriés dans leur ensemble sont versées à des personnes qui ont pour la plupart plus de 70 ans. Nous demandons que ces indemnités soient exonérées d'impôt sur le revenu et que la communauté harkie et rapatriée bénéficie de droits de succession à taux préférentiel, voire de leur exonération totale. Il ne faudrait en effet pas reprendre ces indemnités par l'impôt !

Nombre d'enfants de harkis souffrent de conditions de vie difficiles, tant matériellement que socialement. Des mesures concrètes doivent être prises pour encourager leur insertion sociale et professionnelle, favoriser leur accès à l'emploi et au logement - bourses d'étudiants attribuées de façon prioritaire, emplois réservés dans l'administration...

Nous attendons également que ce projet mette un terme aux iniquités nées des différentes lois d'indemnisation. La loi Santini du 16 juillet 1987 avait été votée après une large concertation avec les associations. Il ne s'agissait plus, comme en 1970 et 1978, d'attribuer des avances sur créances détenues par des nationaux à l'encontre d'Etats étrangers, mais bien de procéder à l'indemnisation des rapatriés. Trente milliards de francs y ont été consacrés. Aujourd'hui, il est légitime que l'Etat réponde aux demandes des rapatriés concernant le remboursement des prêts, alors que certains ont bénéficié des mesures d'effacement des dettes de réinstallation. Ce n'est que justice, pour 90 000 personnes.

D'autres questions doivent être traitées en priorité, car la réparation et la reconnaissance ne se mesurent pas seulement en euros. Le Gouvernement doit obtenir du gouvernement algérien le libre accès du territoire algérien pour tous ceux qui en sont originaires, l'entretien des cimetières, trop souvent abandonnés ou profanés, et des informations sur les enlevés et les disparus.

Nous avons déposé plusieurs amendements, demandant notamment la reconnaissance de l'œuvre positive accomplie par les rapatriés ; la reconnaissance des drames subis sur le sol algérien par les Français, les Européens, les harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, dont l'horreur des morts de la rue d'Isly, le 26 mars 1962, est un douloureux exemple ; la reconnaissance des conditions particulièrement difficiles dans lesquelles les rapatriés ont quitté leur terre natale et se sont installés en métropole ; la restitution des sommes perçues à titre de prêt à ceux qui ont remboursé leur prêt avant d'être indemnisés; l'exonération d'impôt sur les indemnités perçues en application de la loi de 1982, pour les anciens fonctionnaires rapatriés.

J'insisterai sur l'extension de l'allocation de reconnaissance versée aux harkis à toutes les populations civiles rapatriées qui ont transité par les camps d'accueil et aux anciens combattants supplétifs de souche européenne, auxquels on a refusé le bénéfice de l'allocation de reconnaissance allouée aux harkis depuis 1987, alors même qu'ils ont accompli des missions extrêmement périlleuses au service de la Nation et que certaines personnes ont bénéficié, elles, indûment, de l'allocation de reconnaissance par le biais de la directive du 30 janvier 1989. Les traiter de manière différente de leurs frères musulmans serait enfreindre le principe constitutionnel d'égalité des citoyens.

Enfin, nous avons demandé au Gouvernement de conclure rapidement avec le Maroc et la Tunisie un accord sur les cimetières comme celui qui a été conclu avec l'Algérie en 2003.

Le groupe UDF souhaite que ce projet de loi réussisse à pallier les imperfections des lois antérieures, à aider ceux qui sont en difficulté, et surtout à leur manifester notre respect et notre reconnaissance. Nous accordons une grande importance à la future Fondation nationale et à la création à Marseille d'un mémorial de la France d'outre-mer, qui expliquera aux nouvelles générations l'œuvre accomplie. Le fait que les manuels scolaires tiennent compte de cette aventure humaine est important. C'est notre devoir d'enseigner aux jeunes générations l'œuvre de la France et la vie des Français d'outre-mer, et de faire prendre conscience à nos enfants de ce que peuvent être dans la vie d'un homme le sentiment de l'exil, l'effroi de devoir quitter un territoire, une enfance, des souvenirs, des soleils pour aller vers l'inconnu...

Ce projet va donc dans la bonne direction, même s'il ne vient pas parachever ce trop long processus qui a commencé il y a quarante-trois ans. Je pense que le Gouvernement et le Parlement devront revenir sur les problèmes non résolus. Mais nous ne saurions faire obstacle aux avancées qui nous sont proposées, et le texte en contient plusieurs. C'est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et plusieurs bancs du groupe UMP)

M. François Liberti - Ce projet de loi, en son temps, avait suscité d'énormes espérances dans la communauté des rapatriés, d'autant que le chef de l'Etat et le Premier ministre avaient affiché la volonté de parachever les mesures de réparation et de reconnaissance en faveur des Français d'Algérie de toutes origines.

Qu'en est-il aujourd'hui ? Force est de constater une grande déception parmi toutes les associations de rapatriés et de harkis. Toutes, dans un front uni, déplorent le rejet brutal de tous les amendements proposés, en décembre dernier, tant au Sénat que devant la commission de notre assemblée, et constatent que le projet en son état actuel ne solde nullement un problème crucial : la reconnaissance par la Nation de sa part de responsabilité, totale ou partagée, dans cette tragédie. De plus, le texte n'aborde pas ou presque pas le problème, très important pour les rapatriés, de l'indemnisation. N'oublions pas qu'un million de Français de toutes confessions et, pour la plupart, de condition modeste ont été déplacés. Les différentes lois d'indemnisation n'ont représenté au mieux que 40 % de l'indemnité en capital. Les propositions des associations et nos amendements ont été rejetés au motif de leur incidence financière. Ce fut le cas des amendements visant à l'application d'un coefficient correcteur équitable et loyal aux sommes antérieurement liquidées, comme d'autres qui modifiaient le dispositif pluriannuel pour contribuer au règlement plus rapide des situations en attente. Même sort pour les amendements portant sur les règles de plafonnement, sur les parts sociales détenues par les petits porteurs, sur les ventes forcées, sur l'indemnisation des biens spoliés ou perdus pour raison d'Etat et par la volonté du gouvernement de l'époque.

Par ailleurs, la communauté des pieds-noirs constate qu'en dehors de quelques dispositions concernant la communauté harkie - auxquelles manquent toutefois des mesures en faveur des rapatriés âgés d'origine arabo-berbère ayant transité dans les camps, des enfants nés en Algérie et rapatriés dans les camps ou des femmes divorcées - le projet ne répond à aucune attente. Il n'est pas bon, parce qu'il ne contient pas l'essentiel.

Monsieur le ministre, il y a des rendez-vous avec l'Histoire qu'il ne faut pas manquer. L'Etat français a des responsabilités à l'égard de ces personnes et de leurs descendants. Ces Français nés en Algérie, leurs enfants, les orphelins de guerre, les veuves de guerre résidant en France ne demandent pas la charité, moins encore la repentance, mais une condamnation de la politique qui a plongé un peuple entier dans le malheur, et le respect de leurs droits comme pour tout citoyen. La France a envers eux, toutes confessions confondues, un devoir de mémoire. Aujourd'hui, rapatriés comme harkis doivent être reconnus pour ce qu'ils sont : des victimes de guerre, à qui doit s'appliquer la législation en vigueur. Il est regrettable, par exemple, que la commission ait rejeté notre amendement qualifiant de « morts pour la France » les victimes de la rue d'Isly le 26 mars 1962. Il est regrettable que la France n'assume pas toutes ses responsabilités quant à ce qu'elle n'a pas su ou voulu faire jusqu'à présent, en présentant un projet de loi de réparation enfin définitive.

Le projet tel qu'il nous revient du Sénat est loin d'être satisfaisant. Pire, les modifications adoptées par le Sénat le 16 décembre ont sciemment dénaturé l'hommage aux victimes civiles par une extension excessive, qui en affaiblit la portée, et par la suppression de l'article 7 sanctionnant les auteurs d'injures envers les harkis. Plus généralement, toutes les attentes fondamentales des associations, qu'il s'agisse de l'attribution de la mention « Mort pour la France » à certaines catégories de victimes civiles répondant pourtant aux critères établis, de la composition et du rôle dévolus à la Fondation pour la mémoire, de la correction des insuffisances et des lacunes des lois d'indemnisation déjà mises en œuvre, du règlement des difficultés rencontrées par les rapatriés en matière d'état-civil et de constitution des dossiers de retraite, n'ont reçu aucune réponse.

Lors de la première lecture à l'Assemblée, le Gouvernement avait affiché son refus de nouvelles mesures d'indemnisation, pourtant légitimes. Il apparaît aujourd'hui que votre volonté sur ce point n'a pas changé. Les raisons juridiques invoquées ne tiennent pas. Les véritables raisons sont d'ordre politique : restriction budgétaire et réduction de la dépense publique. Votre politique, ici comme ailleurs, tourne délibérément le dos à la satisfaction des besoins des populations. Elle sacrifie les régimes de retraite - travailler plus pour gagner moins -, la sécurité sociale, l'assurance maladie - être moins soigné pour plus cher... La réforme Fillon fait l'unanimité contre elle, les acquis sociaux sont battus en brèche, et les 35 heures viennent de subir le sort qu'on a vu ; les services publics sont livrés à la loi du marché. C'est dans ce contexte que prend sens votre refus de nos amendements sur l'indemnisation.

Avec ce texte, votre seul exploit a été de former un véritable front uni d'opposants comprenant près d'une cinquantaine d'associations. Elles ont exprimé leur insatisfaction devant le manque de concertation et d'écoute des pouvoirs publics lors de l'élaboration du projet. Elles en appellent à notre responsabilité pour faire une véritable loi de reconnaissance et d'indemnisation, et adopter des mesures concrètes qui seules feront qu'après le temps de la douleur vienne vraiment celui de la réparation et de la reconnaissance ; alors seulement pourra venir celui de l'apaisement et de la réconciliation.

Ce mardi, à l'initiative de la Fédération française des rapatriés d'Afrique du Nord et d'outre-mer, un congrès extraordinaire de la communauté rapatriée s'est tenu à la Maison de la Chimie ; j'y étais convié avec de nombreux élus de toutes sensibilités. Durant cette rencontre je n'ai entendu que doléances, contestations, dénonciation des insuffisances et du manque de concertation, pire, sentiment d'un mépris frappant le travail accompli par les associations et qui ne se retrouve pas dans le projet. Ces associations ont une attente forte et demandent un solide engagement de chacun d'entre nous. Telle est la situation devant laquelle chacun devra prendre ses responsabilités.

Nous pouvons aujourd'hui, sur la base des propositions défendues par les associations, intégrer d'autres amendements à la loi. Cependant, notre marge de manœuvre est très étroite pour améliorer un texte si éloigné des attentes de la communauté des rapatriés. Il aurait été possible, comme le propose notre groupe par ses amendements qui tendent à élargir le champ des victimes pouvant prétendre à une indemnisation réévaluée, à étendre son application à la deuxième génération pour les harkis et à prendre toutes les mesures en vue d'une réelle indemnisation pour la réinstallation, de clôturer honorablement ce lourd contentieux. Vous ne l'avez pas voulu et c'est fort dommage ! L'essentiel reste à faire ; il exigera une autre loi, à construire avec toute la communauté des rapatriés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Michel Diefenbacher - Comment ne pas penser, en cet instant, à ces hommes et à ces femmes qui nous écoutent, qui attendent et qui espèrent ? Ils n'ont rien oublié de ces heures où l'indépendance de l'Algérie, du Maroc, de la Tunisie, de l'Indochine et des autres possessions françaises a fait en un instant basculer plus d'un siècle d'histoire. En abandonnant la terre où reposaient leurs aïeux, en découvrant une France parfois bien différente de celle qu'ils imaginaient, ils ont perdu leurs racines et leur horizon.

A plusieurs reprises, le législateur s'est efforcé d'apaiser leurs souffrances : les lois, bien partielles, de 1970 et 1978 ont été suivies par celles, plus conséquentes, de 1987 et 1994. Mais la succession même de ces textes illustre la difficulté du sujet et les tâtonnements du législateur. Des gestes de solidarité ont été faits. Mais ils ne répondaient pas toujours à la diversité des situations, et ne donnaient pas toute sa place à ce qui était pour beaucoup l'essentiel : le besoin de reconnaissance. Reconnaissance d'abord de tout ce qui a été fait au-delà des mers pour que vive la « plus grande France » ; reconnaissance ensuite de ce qui a été subi là-bas au moment de l'indépendance, et ici lorsqu'il a fallu se replier sur l'hexagone.

C'est tout cela que s'efforce de compléter et de corriger ce projet. Même s'il n'a pas l'ambition d'ouvrir un quatrième dispositif d'indemnisation, il comporte des mesures importantes de réparation : complément d'aide aux harkis pour qu'ils retrouvent ici le toit que leur fidélité à la France leur a fait perdre en Algérie, réexamen de la situation des veuves qui n'ont acquis que tardivement la nationalité française, restitution des sommes prélevées sur l'indemnisation des rapatriés, indemnisation des exilés. Le tout représente un effort de près d'un milliard d'euros.

Mais l'essentiel n'est sans doute pas là. Il est de rétablir, de proclamer et de transmettre la vérité sur l'extraordinaire aventure de la colonisation et sur la tragédie qui a marqué, pour tant de Français, la fin de l'Empire. Il est de reconnaître l'œuvre accomplie par ces pionniers, ces bâtisseurs, ces ingénieurs, ces agriculteurs, ces hommes de loi, ces fantassins, ces médecins que furent les colons ; de reconnaître la souffrance de tous ceux, quelles que soient leur origine ou leur confession, qui avaient servi la France au moment des violences et du repli ; de reconnaître l'obligation morale de respecter scrupuleusement la vérité historique et de la transmettre intacte aux générations futures ; de reconnaître enfin le caractère inadmissible de la diffamation qui frappe souvent ceux qui ont assumé jusqu'au bout leur loyauté à l'égard de la France.

Au terme d'un débat parlementaire riche, il importe maintenant de voter ce texte. Chercher à l'améliorer encore, ce serait reporter à l'automne prochain son adoption et sa mise en œuvre. Par respect pour les souffrances et les espérances des rapatriés, ce texte légitime doit être définitivement adopté aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Guinchard-Kunstler remplace M. Le Garrec au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

M. Jean-Paul Bacquet - Plus de quarante ans après les événements tragiques d'Algérie, reconnaître la responsabilité de notre pays dans l'abandon des harkis et leur assurer une juste réparation était enfin possible. Les passions laissant place à la sagesse, nous serions sortis dignement d'une situation que nous avons collectivement tant de mal à porter. Après avoir enfin reconnu l'état de guerre en Algérie trente-sept ans après les faits, nous aurions pu atteindre l'unanimité et faire en sorte que l'oubli ne l'emporte pas sur l'histoire.

Ce projet de loi s'était, du reste, fixé pour but de « parachever l'édifice législatif bâti depuis plus de quarante ans pour que soient reconnus et honorés les sacrifices consentis par nos compatriotes rapatriés ». Ce projet était porteur d'espoir après tant d'années où nous avons légiféré de façon insuffisante. Mohand Hamoumou, fondateur de l'association Ajir pour les harkis, a rappelé à juste titre que « tout le monde a sa part de responsabilité, la gauche, la droite, mais aussi les harkis et les rapatriés qui se sont tus ».

Malheureusement, votre volontarisme s'est arrêté au titre de ce projet de loi. L'espoir a rapidement cédé la place à la désillusion. Le mécanisme de reconnaissance s'avère décevant et toutes les propositions avancées pour l'améliorer ont été refusées. Le Président de la République n'avait-il pas déclaré : « La France n'a pas su sauver ses enfants de la barbarie » ? Pourtant, à l'instar de Mohand Hamoumou, les harkis sont « toujours dans l'attente d'une réparation officielle, matérielle bien sûr, mais avant tout morale. » Certes, les injures et les diffamations envers les harkis seront condamnées. Certes, une Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie sera créée. Tout cela reste bien trop timide.

Qu'en est-il de la lutte contre l'oubli après tant d'années de silence? Qu'en est-il de la pleine reconnaissance du sacrifice des harkis pour la France ?

Les sacrifices des harkis ne se sont pas arrêtés le 19 mars 1962. Après le cessez-le-feu, 150 000 ont été tués par le FLN et ils se sont vu refuser l'accès à notre territoire par l'administration française. Nous devons reconnaître pleinement le rôle qu'ils ont joué dans notre histoire et notre responsabilité dans l'horrible drame qu'ils ont vécu.

Dans cet esprit, j'ai déposé une proposition de loi en mars 2003 visant à établir une juste reconnaissance du préjudice subi par les harkis et à remédier aux conditions d'existence difficiles qui sont encore les leurs. Il ne s'agissait point de faire repentance mais de défendre leur honneur. De même, le groupe socialiste a déposé une demande de commission d'enquête sur les responsabilités dans les massacres de nombreuses victimes civiles, rapatriées et harkis après le 19 mars 1962. Elle a été refusée.

L'ouverture de l'indemnisation aux enfants de harkis décédés constitue un premier pas mais qu'en est-il des femmes divorcées d'anciens supplétifs, des enfants de harkis qui ont transité dans des camps ? Et, au moment où certains parlent de discrimination positive, quelles mesures avons-nous prises pour cette population durement touchée par le chômage ?

Les amendements que nous avions déposés pour cette seconde lecture visaient à ce que la reconnaissance financière soit à la hauteur de la reconnaissance morale des souffrances des rapatriés. Ils ont tous été refusés. Plutôt qu'un saupoudrage, les harkis étaient en droit d'espérer la reconnaissance des responsabilités de la France et une réparation à la hauteur de leur douleur.

Je regrette le traitement expéditif de ce projet de loi. Dans ce moment d'amertume, permettez-moi d'avoir aujourd'hui une pensée pour ces seize enfants décédés au camp de toile de Bourg Lastic et dont la sépulture n'existe que par la volonté de militaires qui ont entretenu ce cimetière clandestin, une pensée pour ces familles de harkis qui souhaiteraient que cette sépulture soit officialisée.

Plusieurs députés UMP - Que ne l'avez-vous fait vous-mêmes ?

M. Jean-Paul Bacquet - A ma demande, rien n'a été répondu. Si j'ai enfin reçu hier un fax m'informant que le nombre de ces enfants n'était pas de seize mais de dix-sept et que la démarche devait être effectuée auprès du ministère de la défense. Pourquoi avoir tant attendu pour répondre ? Il est vrai que ce texte était examiné à l'Assemblée aujourd'hui. Est-ce là votre manière d'assumer notre devoir de reconnaissance, de mémoire et de réparation ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Ces enfants ont le droit à un lieu de mémoire digne !

M. Louis Giscard d'Estaing - Par ce texte, la France reconnaît les souffrances endurées par sa communauté harkie. En tant qu'élu du Puy-de-Dôme, département sur lequel le camp de Bourg Lastic était installé - M. Roubaud, député du Gard, département qui connut le camp de Saint-Maurice, s'associe à cette déclaration -, je voudrais dire combien il est important que la France affronte son histoire avec dignité et responsabilité après quarante ans d'hésitation.

Si ce texte ne répond pas à toutes les attentes, un texte de loi n'effacera de toutes façons pas à lui seul toutes les séquelles laissées par ces moments douloureux de notre histoire. Pourtant, avec force et conviction, notre majorité s'est engagée, plus que toute autre dans la voie du devoir de reconnaissance de cette communauté qui a défendu notre pays librement avec son cœur et trop souvent avec son sang, et de la réparation de leurs souffrances.

Compte tenu des modifications apportées par le Sénat, il serait utile, Monsieur le ministre, que ce texte soit complété. L'hommage aux victimes à l'article premier bis a été élargi aux victimes civiles, sa portée en a été affaiblie. Par ailleurs, il serait justifié de prévoir un hommage aux victimes du 26 mars 1962 morts sur le sol algérien. D'autres dispositions doivent être prises pour condamner les injures envers les militaires mais aussi à l'encontre de tous les rapatriés. En outre, il conviendrait d'éliminer la mention discriminatoire DZA en matière d'état civil ; le ministère de l'intérieur semble s'y être engagé. Enfin, en complément à l'article 2, le dispositif concernant les pupilles de la Nation doit être étendu aux pupilles de souche européenne.

Aujourd'hui, la représentation nationale reconnaît le courage de femmes et d'hommes qui ont choisi de servir la France, parfois au sacrifice de leur vie. Quarante ans se sont déjà écoulés, ce texte doit donc être adopté rapidement pour être appliqué dans les meilleurs délais. Ce sera notre honneur de le voter et votre responsabilité, Monsieur le ministre, sera de veiller à son application. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Bascou - Afin de ne pas retarder l'entrée en vigueur de ce projet de loi très attendu, le Gouvernement et le rapporteur souhaitent que ce texte soit adopté conforme.

Cet argument ne me convainc pas car, une fois ce projet de loi voté, les associations de rapatriés ne manqueront pas de vous rappeler que bien des problèmes restent en suspens.

Nous sommes loin des engagements du chef de l'Etat et du Premier ministre. Ce projet de loi n'est pas « le point d'orgue de mesures considérables prises depuis trente ans » ou encore « le texte qui apporte une réponse forte et juste aux attentes de nos compatriotes rapatriés » que l'on espérait.

A l'Assemblée nationale comme au Sénat, la quasi-totalité des amendements déposés par tous les groupes parlementaires pour répondre aux problèmes des rapatriés d'Algérie, du Maroc, de Tunisie ou d'Indochine ont été jugés irrecevables, ou repoussés. Presque tous les représentants des rapatriés ont exposé leur incompréhension et leur insatisfaction devant le manque de concertation et d'écoute des pouvoirs publics qui a prévalu au cours de la discussion de cette loi. Mes collègues socialistes ont dénoncé avant moi les lacunes de ce texte, que seul un vrai débat parlementaire aurait pu combler.

J'évoquerai pour ma part deux problèmes qui demeurent entiers : la réinstallation et l'indemnisation. L'endettement des rapatriés réinstallés est un problème douloureux et récurrent que ce texte n'aborde pas. Or, un nombre croissant de rapatriés vont être confrontés aux expulsions et aux ventes aux enchères avant la clôture de leur dossier de réinstallation.

Mon collègue Gérard Bapt, absent pour raisons de santé, vous a interrogé mardi matin sur le nombre de plans d'apurement proposés par la CONAIR. Votre seule réponse a été que, depuis avril 2002, tout allait mieux dans le fonctionnement de la commission. En réalité, le bilan à la fin de l'année 2004 est alarmant au regard des chiffres du rapport de l'Inspection générale des finances de novembre 2001 et du rapport Diefenbacher de septembre 2003. Entre 2001 et décembre 2004, le nombre de dossiers éligibles est passé de 290 à 646, et celui des plans d'apurement approuvés de 28 à 107. Si on continue sur cette lancée - 107 plans d'apurement depuis novembre 1999, soit en moyenne 21 plans par an - il faudra quarante-trois ans pour boucler les 900 plans d'apurement prévus ! C'est pourquoi nous avions proposé un article additionnel après l'article 5 pour régler le problème d'une façon raisonnable et équitable. Cet amendement a été repoussé comme les autres.

Votre texte ne résout pas davantage la douloureuse question de la protection du toit familial pour les rapatriés menacés de saisie immobilière à la suite de la vente forcée de leur résidence principale. Les réinstallés et les harkis bénéficient à juste titre d'une aide de l'Etat protégeant ce toit. De nombreux parlementaires ont demandé l'élargissement de cette mesure.

J'en viens au problème de l'indemnisation sans entrer dans le débat sur l'évaluation de l'écart entre l'indemnisation légale et les dommages subis qui oppose les rapatriés - notamment le Groupement national pour l'indemnisation des biens spoliés ou perdus outre-mer - à l'ANIFOM et au Gouvernement.

Vous n'avez pas souhaité prendre en compte les propositions des associations de rapatriés sur une indemnisation complémentaire. « Ce texte, avez-vous objecté à plusieurs reprises, n'est pas une quatrième loi d'indemnisation ». Outre le coût important d'une telle indemnisation, vous justifiez ce refus par les règles du droit international. Dans vos réponses aux parlementaires ou aux associations, vous indiquez que l'indemnisation allouée par la France au titre de la solidarité nationale à ses ressortissants rapatriés dépossédés a juridiquement le caractère d'une avance sur les créances détenues à rencontre des Etats étrangers, ou bénéficiaires de la dépossession. La loi de 1970 définissait déjà ainsi l'indemnisation.

Dans son édition du 12 mars 2004, le journal Le Monde titrait à propos de ce projet : « Ultime geste du Gouvernement pour les pieds-noirs... pour solde de tout compte ». Ce texte va-t-il clore définitivement le dossier de l'indemnisation par l'Etat ? Dans ce cas, le Gouvernement entend-il faire valoir les créances des rapatriés sur l'Etat algérien lors de la négociation du traité d'amitié franco-algérien qui devrait être signé en 2005 ? Pensez-vous qu'il appartient aux rapatriés de faire valoir leurs droits devant les instances internationales, comme certains ont commencé à le faire ? Si vous répondez à ces questions, notre débat n'aura pas été tout à fait inutile. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Vannson - Il y a quarante-trois ans, ce que notre pays avait appelé pudiquement « les événements d'Algérie » prenait fin. Cette fin officielle fut cependant le début d'une longue souffrance pour les rapatriés.

J'évoquerai en particulier le sort des harkis et de leurs familles, que la signature des accords d'Evian le 19 mars 1962 a plongés inexorablement dans le désarroi et dans l'abandon. Ainsi a-t-on désarmé ces supplétifs de l'armée française, avant de les exclure des plans d'évacuation. Quant à ceux qui ont malgré tout réussi à s'enfuir sans être refoulés à leur arrivée sur le sol français, ils ont été parqués dans des camps dans des conditions attentatoires à leurs droits.

Ce texte marque cependant un pas décisif : il fait acte de reconnaissance des souffrances et des sacrifices endurés par les rapatriés et les harkis en revalorisant leurs indemnisations et en exprimant la reconnaissance de la France pour leur engagement et leurs souffrances. Pour la première fois, un projet de loi aborde globalement la question et traite, sans distinction, le problème des rapatriés en instituant un véritable droit à l'indemnisation. Cette démarche s'inscrit dans le cadre de notre politique de mémoire. Elle marque un tournant dans l'histoire de la reconnaissance, tant matérielle que morale, des rapatriés. Il apporte à mon sens une réponse juste et forte. L'Etat a un devoir particulier envers les 1,5 million de personnes qui ont dû se réfugier, après avoir tout perdu, dans une métropole qu'ils ne connaissaient pas. Le texte prévoit ainsi un effort financier de près d' un milliard d'euros.

Comme vous l'avez souligné, Monsieur le ministre, ce texte se veut autant réparation des conséquences des drames de l'Histoire, que gage d'espérance pour celles et pour ceux à qui il s'adresse. La dette contractée par la France est enfin réparée.

L'article premier permet enfin de reconnaître les sacrifices endurés par les rapatriés d'Afrique du Nord et par toutes les victimes du conflit, fussent-elles touchées après le 19 mars 1962. Ainsi le texte reconnaît pour la première fois que la guerre d'Algérie ne s'est pas arrêtée au cessez-le-feu officiel.

Cet effort ne doit pas faire oublier le sort réservé aux enfants de harkis dont les parents sont toujours en vie. Les harkis et leurs familles ont quitté l'Afrique du Nord dans des conditions particulièrement dramatiques. Souvent victimes de massacres, de pillages et autres exactions, ils ont dû vivre dans des camps. Sur son propre sol, la France n'a pas su les accueillir décemment, et les enfants ont subi des conditions de vie précaires, avec les conséquences néfastes que cela comporte sur leur scolarité. Aujourd'hui ces filles et ces fils de harkis, ces veuves et ces femmes divorcées subissent encore les stigmates de cette période. Le taux de chômage qui frappe les enfants de harkis est très supérieur à la moyenne nationale.

Si j'ai bien conscience de l'effort consenti par le Gouvernement, il me paraîtrait cependant équitable d'allouer une indemnisation aux enfants de harkis, qui subissent encore et malgré eux les conséquences du rapatriement de leurs parents. Je regrette que les amendements que j'ai déposés en ce sens n'aient pu franchir l'obstacle de l'article 40. Je vous serais donc reconnaissant d'accorder à la deuxième génération ainsi qu'aux veuves et aux femmes divorcées des harkis une reconnaissance particulière qui puisse réparer les préjudices moraux subis par cette population.

Je voterai ce texte en l'état et je vous remercie pour l'attention que vous avez apportée à cette cause que vous connaissez bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - Avant de répondre à chacun des orateurs, je souhaite vous remercier pour vos interventions. Je remercie également pour leur soutien les groupes UMP et UDF. Ne doutez pas que tous les rapatriés mesurent l'importance de ce texte.

Je me réjouis qu'au-delà de vos sensibilités et selon vos convictions, vous ayez tous exprimé le respect et la considération que vous portez à nos compatriotes rapatriés. Ce qu'ils ont accompli au nom de la République, au nom de la France, les conditions dramatiques de leur retour, l'accueil qu'ils ont reçu en métropole, tout appelle la considération et l'hommage de la Nation.

Je renouvelle mes remerciements au rapporteur, dont je salue le sens des responsabilités, notamment sur le sujet très sensible des responsabilités dans les drames de cette période. Je me réjouis que MM. Diefenbacher et Salles, au nom de leurs groupes respectifs, partagent cet état d'esprit.

La recherche de la vérité et des responsabilités sur des événements qui ont bouleversé tragiquement la vie de centaines de milliers de Français, est un objectif légitime. La vérité implique un travail de mémoire et une adhésion des populations. Si l'objectif est consensuel, la méthode fait débat.

Les historiens conviennent de nombreuses incertitudes sur les événements postérieurs au 19 mars 1962. Certains faits terribles comme les massacres de harkis, la tragédie de la rue d'Isly, sont reconnus officiellement par ce texte. D'autres demeurent dans l'ombre d'une histoire qui reste à écrire des deux côtés de la Méditerranée.

Le Gouvernement préfère donner des signes forts de reconnaissance, en construisant des outils de mémoire et en encourageant les chercheurs et les historiens. Nous avons ouvert les archives disponibles sur les disparus et rendu public le rapport établi par la Croix-Rouge en 1963. Une équipe d'universitaires travaille depuis huit mois sur l'accueil des harkis en France. Le mémorial national de la France outre-mer, à Marseille, a vocation à rassembler tous les témoignages et à présenter les recherches. Ce sera aussi le rôle de la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie. Je suis convaincu, Monsieur Bacquet, que telle est la meilleure façon de faire, sereinement, la lumière sur les drames qui ont marqué la fin de la présence française en Afrique du Nord et les débuts des nouveaux Etats qui lui ont succédé.

Vous avez souhaité, Monsieur Kert, que je précise le rôle de la Fondation. Une mission de préfiguration a été confiée à M. Roger Benmebarek, ancien préfet de région, qui connaît particulièrement bien cette période. Après avoir entendu les principaux acteurs, témoins et spécialistes, il lui appartiendra de proposer au Premier ministre, avant le 30 juin 2005, les modalités d'organisation et les objectifs de cette institution.

Vous m'avez également interrogé sur nos intentions pour l'avenir. Comme vous l'avez vous-même souligné ainsi que M. Diefenbacher, ce texte représente un engagement de près d'un milliard d'euros, au profit des rapatriés de toutes origines. Pour autant, nous en sommes conscients, il ne règle pas tous les problèmes en suspens. Certaines solutions relèvent de dispositifs réglementaires, d'autres exigent de poursuivre le dialogue avec les rapatriés. A ce sujet, je puis vous assurer que le Gouvernement a bien l'intention d'enrichir encore ce dialogue dans les mois à venir. Aucune porte n'est jamais fermée, surtout pas la mienne.

S'agissant de la mention DZA sur les documents officiels des rapatriés, je puis vous indiquer, Monsieur Kert - je sais que la question intéresse aussi M. Vitel - que le ministre de l'intérieur a donné des instructions à ses services pour que ce sigle soit supprimé sur les documents d'identité délivrés aux personnes nées en Algérie avant l'indépendance. Ce problème est donc désormais réglé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et du groupe socialiste)

Pour ce qui est des difficultés qu'éprouvent les rapatriés à faire valoir leurs droits à la retraite, une révision du décret de 1965 est en cours. Le Gouvernement fera tout pour faciliter le règlement de leurs dossiers, en acceptant notamment que soient produites des déclarations sur l'honneur.

MM. Kert, Salles et Liberti m'ont interrogé sur la libre circulation des harkis. C'est là l'une des questions les plus douloureuses héritées de notre passé commun avec l'Algérie, et une question moins juridique qu'humaine et politique. Elle fait l'objet d'un dialogue permanent avec les autorités algériennes. Evoquée lors de la visite d'Etat de mars 2003, elle l'est régulièrement lors des principales rencontres politiques entre les deux pays. Le nombre de difficultés diminue régulièrement, en particulier les cas de refoulement après délivrance de visa. Des restrictions subsistent cependant. Trente-trois cas nous ont été signalés depuis deux ans. Nous saisissons systématiquement les autorités algériennes, dans le strict respect de leur souveraineté mais aussi avec la ferme volonté de trouver une solution. Soyez assurés que nous continuerons à agir, dans le cadre des relations assainies, confiantes et privilégiées que nous avons désormais avec l'Algérie.

MM. Vannson et Salles ont tout particulièrement insisté sur les difficultés d'insertion sociale et professionnelle que rencontrent les enfants de harkis. Le Gouvernement s'attache, depuis deux ans, à aider ces jeunes en difficulté et le dispositif d'accompagnement renforcé vers l'emploi et la formation, mis en place avec les préfectures, donne des résultats très encourageants. Plus de trois mille curriculum vitae recueillis, 807 des intéressés ont obtenu un CDI ou un CDD et 489 ont été admis dans des formations qualifiantes. J'ajoute, à l'intention de M. Salles, qu'un partenariat a été noué entre la Mission interministérielle aux rapatriés et l'Institut du mécénat et de la solidarité, placé sous le patronage de Claude Bébéar. Il doit permettre aux jeunes diplômés qui le souhaitent d'obtenir un entretien d'embauche, en évitant les discriminations et les manifestations de racisme hélas trop fréquentes. Avec l'accord de mon collègue Christian Jacob, chargé des PME, et en liaison avec les Chambres des métiers, 300 000 € seront consacrés en 2005 au financement de 300 contrats d'apprentissage pour les enfants de harkis. Enfin, dès que ce projet de loi aura été voté, comme il est prévu à son article 4 bis, le Gouvernement demandera un rapport sur la situation économique et sociale des enfants de harkis.

Je remercie sincèrement M. Giscard d'Estaing de ses propos et puis témoigner de l'attention personnelle qu'il porte aux préoccupations des harkis et de leurs familles. J'aurai l'occasion de lui répondre plus précisément à l'occasion de l'examen des amendements. Il pourra constater que ses demandes ont bel et bien été prises en compte.

Je n'aurai pas de mal à vous convaincre qu'un retard de plusieurs mois dans l'adoption de ces mesures serait très mal ressenti par ceux qui les attendent, légitimement, avec impatience.

En réponse à M. Bascou, voici des chiffres précis concernant l'activité de la Commission nationale d'aide aux rapatriés réinstallés. De sa création en 1999 à avril 2002, moins de 30 % des 3 145 dossiers déposés avaient été examinés et seuls 49 plans d'apurement des dettes avaient été traités. A ce rythme, comme vous l'aviez vous-mêmes noté, il aurait fallu onze ans pour traiter tous les dossiers ! Dès 2002, ce gouvernement a fait le nécessaire pour accélérer leur traitement et assister les rapatriés dans leurs démarches. La Commission nationale tient désormais des séances dans les départements. Et les résultats sont là : 90 % des dossiers ont pu être examinés, 651 ayant été déclarés recevables, et 200 plans d'apurement ont été mis en place, dont 96 sont définitivement réglés. L'aide moyenne de l'Etat s'élève à 70 000 € par dossier. L'objectif du Gouvernement est bien de désendetter tous les rapatriés éligibles d'ici à deux ans.

MM. Kert et Salles ont évoqué la situation des cimetières français en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Depuis le voyage du Président de la République en Algérie, un plan de réhabilitation des cimetières français y a été lancé sur cinq ans. L'Etat y a consacré 206 000 euros en 2004, et l'effort va être accentué grâce à la participation de collectivités locales qui ont souhaité s'associer à cette initiative -elles doivent en être remerciées. La situation au Maroc et en Tunisie est très différente. Le ministère des affaires étrangères intervient néanmoins dans le cadre des actions qu'il mène ordinairement pour l'entretien des cimetières français à l'étranger.

Messieurs Liberti et Mesquida, permettez-moi de vous faire observer, sans nul esprit de polémique, que ce Gouvernement et sa majorité ont amplement démontré leur volonté et leur capacité d'agir en faveur des rapatriés. Déjà, par le passé, toutes les grandes lois concernant les rapatriés ont été l'œuvre de gouvernements de notre sensibilité. C'est nous encore qui, aujourd'hui, apportons des réponses aux problèmes hérités du passé, répondons aux besoins et nous préoccupons de l'avenir, en soutenant une politique résolue de mémoire.

Avant de conclure, je souhaite dire ici publiquement ma reconnaissance au président et aux personnels de la Mission interministérielle aux rapatriés pour la qualité de leur travail ainsi que leur disponibilité.

Messieurs Liberti et Mesquida, vous avez annoncé que vous ne voteriez pas ce texte parce qu'il ne va pas assez loin...

M. François Liberti et M. Kléber Mesquida - Parce qu'il ne traite pas de l'essentiel !

M. le Ministre délégué - Je n'ose néanmoins pas imaginer que vous voterez contre car ce serait refuser des améliorations indéniables. Je vous rappelle à nouveau que tous les textes précédents ont été votés à l'initiative des forces politiques appartenant à la majorité actuelle. L'opposition est dans son rôle lorsqu'elle critique et conseille. Nous, nous agissons concrètement pour les rapatriés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Kléber Mesquida - Les mesures que vous prenez restent partielles.

M. le Ministre délégué - Nos débats me confortent dans l'idée que l'adoption du texte est urgente. M. Diefenbacher a bien voulu reconnaître, et je l'en remercie, que là était l'intérêt des rapatriés et des harkis. En votant ce projet de loi, vous comblerez l'essentiel de leurs attentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - J'appelle les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

Mme la Présidente - Sur le vote de l'amendement 32, je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Kléber Mesquida - Notre amendement 32 vise à insérer un article additionnel disposant que : « la France reconnaît ses responsabilités envers les Français rapatriés et dans l'abandon des supplétifs. Elle reconnaît l'ampleur des massacres commis après les accords d'Evian à l'égard des civils français, des militaires et des civils algériens engagés à ses côtés, ainsi qu'à l'égard de leurs familles. La France reconnaît également ses responsabilités dans l'histoire des harkis et les difficultés de vie qui ont été les leurs, et prend l'engagement de tout mettre en œuvre pour leur rendre l'honneur de leur engagement. La nation veillera à faire respecter la mémoire de ces moments douloureux de l'Histoire ».

Le présent projet doit être l'occasion de reconnaître la responsabilité de la France qui n'a pas protégé ses ressortissants des massacres, des enlèvements et des disparitions qui ont suivi le cessez-le-feu du 19 mars 1962. La demande du groupe socialiste de constituer une commission d'enquête parlementaire pour mettre au jour tous les dysfonctionnements qui ont été à déplorer n'ayant pas été satisfaite, nous souhaitons que le législateur puisse inscrire dans la loi l'hommage dû à toutes les communautés.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, la commission ayant du reste déjà rejeté un amendement de même nature en première lecture. Le travail de mémoire est indispensable, et le Gouvernement a décidé de créer une fondation pour mettre en lumière toute l'histoire de l'aventure française en Algérie. De récents articles de presse montrent qu'il serait dangereux de vouloir faire accepter a priori l'idée d'une reconnaissance des responsabilités de la France. Nous ne sommes évidemment pas fermés à toute réflexion à ce sujet, mais il faut laisser les historiens travailler avant d'énoncer dans la loi des vérités définitives. Laissons toutes les portes ouvertes.

M. le Ministre délégué - Je me suis déjà exprimé sur ce point à plusieurs reprises. Comme vient de le rappeler votre rapporteur, le Gouvernement souhaite créer une fondation pour la mémoire, qui sera l'espace idéal pour l'étude et la recherche scientifique sereines. En outre, l'amendement qui vous est soumis pourrait laisser croire que les harkis, qui ont tout donné pour la France, veulent aujourd'hui la mettre en cause. Cela ne correspond pas à la réalité. Evitons toute formulation ambiguë.

M. Kléber Mesquida - Loin de moi l'idée de réfuter a priori la compétence des historiens et autres experts. Je maintiens cependant qu'une commission d'enquête parlementaire n'aurait pas été inutile (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Monsieur le ministre, il ne s'agit pas de mettre en cause la France ou les harkis. Ce que nous demandons, c'est que le législateur consacre le principe de responsabilité dans les drames qui sont survenus.

M. Patrick Delnatte - Laissons aux historiens et aux intellectuels, algériens et français, le soin d'écrire l'histoire telle qu'elle fut.

A la majorité de 34 voix contre 5 sur 39 votants et 39 suffrages exprimés, l'amendement 32 n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER BIS

M. Kléber Mesquida - L'amendement 34 est défendu.

M. Rudy Salles - Par notre amendement 13, nous demandons qu'en sus de ceux des rapatriés d'Afrique du Nord en général, la situation particulière et le sort réservés aux harkis, aux moghaznis, aux personnels des diverses formations supplétives et aux populations civiles après le 19 mars 1962, qu'ils aient pu ou non quitter le sol algérien, soient reconnus officiellement par la nation.

M. le Rapporteur - La commission a estimé que ces deux amendements étaient pour ainsi dire sans objet, dans la mesure où le législateur souhaite rendre un hommage global à toutes les victimes, à la date du 5 décembre. Le travail de mémoire doit être cohérent et il serait inopportun de multiplier les dates d'hommage solennel, alors que celle qui a finalement été retenue semble désormais bien acceptée.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable à l'amendement 34. Comme vient de le suggérer votre rapporteur, l'hommage a d'autant plus de force qu'il est rendu à une seule et même date. Il ne faut pas diluer la reconnaissance de la nation.

Quant à l'amendement 13, j'invite son auteur à le retirer. Il est en effet de portée moins générale que le texte actuel et il soulève le problème de l'appartenance confessionnelle des victimes. S'il était maintenu, le Gouvernement ne pourrait que le repousser.

L'amendement 34 mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 13.

M. François Liberti - Mon amendement 2 vise à substituer aux mots : « rapatriés d'Afrique du Nord, les personnes disparues et les populations civiles » les mots : « civils de toutes confessions, harkis, pieds-noirs, disparus... ». Telle que le Sénat l'a modifiée, la rédaction de l'article élargit à l'excès le champ de l'hommage, au point de risquer d'en affaiblir la portée. La rédaction initiale - qui inclut les personnes disparues - nous semble en tous points préférable.

M. Kléber Mesquida - Notre amendement 35 est identique.

S'agissant des hommages aux victimes, je souhaite redire au ministre notre souhait de voir reconstituer à Paris le monument aux morts d'Alger, profané à la fin de la guerre. Ce geste fort marquerait l'hommage suprême de la nation à toutes les victimes.

M. Philippe Vitel - Notre amendement 56 est identique aux précédents. En rétablissant la rédaction initiale, nous éviterons que l'hommage rendu aux victimes ne soit affaibli. M. le ministre peut-il nous donner son sentiment sur la rédaction adoptée par le Sénat ?

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La commission a estimé qu'il n'était pas opportun de rétablir la rédaction initiale car le terme générique de « rapatriés d'Afrique du Nord » permet d'associer toutes les communautés. S'agissant du monument évoqué par M. Mesquida, je précise que nous n'en avons pas rejeté l'idée, mais qu'il n'y avait pas lieu d'en discuter dans le cadre de ce texte.

Sur le fond nous ne sommes pas en désaccord, et nous comprenons bien l'intention des auteurs de ces amendements, mais je pense sincèrement que la formulation générique qui nous est proposée est la meilleure en ce qu'elle n'exclut personne.

M. le Ministre délégué - Les rapatriés d'Afrique du Nord et leurs familles ont payé un lourd tribut et il est légitime de les associer à l'hommage rendu le 5 décembre aux combattants morts pour la France en Afrique du Nord. De plus cet article est le corollaire du deuxième alinéa de l'article premier qui reconnaît les souffrances et les sacrifices endurés par tous les rapatriés. Cela n'exclut pas un hommage particulier pour les disparus et les victimes de massacres. En revanche, la rédaction proposée pourrait exclure des personnes qui ne se reconnaissent dans aucune confession. Je souhaite donc le retrait de ces amendements, et sinon le rejet.

M. Philippe Vitel - Après ces explications de bon sens, nous retirons l'amendement 56.

L'amendement 56 est retiré.

Les amendements 2 et 35, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Rudy Salles - De nombreux membres des formations supplétives et la population civile en général sont partis d'Algérie dans des conditions difficiles et risquées. Beaucoup n'ont pu embarquer et ceux qui ont pu le faire ont été placés à leur arrivée en relégation durable dans des camps où les conditions étaient souvent indignes. Notre amendement 14 reconnaît cette situation.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable, même s'il est évident que nous sommes d'accord sur ce constat. Désormais, le deuxième alinéa de l'article premier rend l'hommage demandé à ces populations, en complément des lois de 1987 et 1994 qui le faisaient de façon générale.

M. le Ministre délégué - L'alinéa 2 de l'article premier reconnaît les souffrances et les sacrifices des rapatriés et des membres des formations supplétives et leur rend solennellement hommage. Cela recouvre l'ensemble des drames vécus, y compris lors du rapatriement et en raison des conditions d'accueil en métropole. L'article premier de la loi Romani de 1994 témoignait déjà la reconnaissance de la nation aux harkis. Je vous demande donc de retirer cet amendement qui n'est pas justifié.

L'amendement 14, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier bis, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER BIS

M. Rudy Salles - Après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, les Français, Européens, harkis se sont trouvés dans une situation dramatique quand ils n'ont pu quitter le sol algérien. Assassinats et enlèvements ont été nombreux et les massacres perpétrés alors peuvent être qualifiés d'actes de barbarie. Il est juste que la France reconnaisse ces drames dont la fusillade de la rue d'Isly, le 26 mars, est un douloureux exemple. Ces morts, ces blessés, ces familles traumatisées méritent la reconnaissance de la nation. C'est l'objet de notre amendement 22, 2e rectification. Il reconnaît en particulier la qualité de « mort pour la France » aux victimes civiles de la fusillade du 26 mars. Quelles qu'aient pu être les causes ou les prétextes du déclenchement du tir, des balles françaises ont abattu des victimes civiles sans armes. Vous avez parlé d'une enquête. Il n'en est pas besoin. Voter cet amendement assurerait une reconnaissance, purement morale, puisque notre amendement n'ouvre aucun droit à indemnisation financière. Elle est attendue par les familles.

Sur l'amendement 22, 2e rectification, je demande un scrutin public au nom du groupe UDF.

M. le Rapporteur - Nous touchons à un point très sensible, et je remercie de sa présence Mme la secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Certaines associations demandent au Gouvernement de faire reconnaître que les victimes de la rue d'Isly et des événements d'Oran sont mortes pour la France. La commission a donné un avis défavorable, non sur le fond mais sur la forme. Le deuxième alinéa de l'article premier reconnaît déjà les conditions dramatiques de cette fin de guerre. S'agissant de la reconnaissance de la qualité de « mort pour la France, » le ministre nous éclairera sur ses intentions, et l'ensemble de la représentation nationale, sur tous les bancs, y est très attentive.

M. le Ministre délégué - Lors de la première lecture, M. Vercamer avait présenté des amendements dans le même sens et les avait retirés car le Gouvernement avait accepté son amendement créant la fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie. Les travaux de celle-ci éclaireront l'ampleur du drame. De plus, l'article premier bis associe déjà les victimes du massacre à l'hommage rendu le 5 décembre. Vous avez donc satisfaction et je vous demande de retirer cet amendement, faute de quoi je serais contraint de donner un avis défavorable.

S'agissant de la reconnaissance de la qualité de « mort pour la France » aux victimes de la rue d'Isly, j'ai donné des instructions pour que la haute juridiction administrative soit saisie sur ce point.

M. Kléber Mesquida - Nous avions déposé un amendement visant également à reconnaître la qualité de morts pour la France aux victimes du 26 mars, mais aussi à d'autres victimes civiles, après examen par le ministre des anciens combattants. Selon le code des pensions militaires, cette mention est accordée à toute personne décédée à la suite d'actes de violence constituant une suite directe de faits de guerre. C'est bien le cas des victimes du 26 mars. Pour d'autres victimes, il y aurait des justifications à apporter.

J'ai cru comprendre que notre amendement a été repoussé parce que la référence au code des pensions militaires risquait d'ouvrir droit à indemnisation. Je vous demande vraiment de reconnaître la qualité de « mort pour la France » à ces civils sur lesquels l'armée a tiré. Sinon, certains penseront qu'ils sont morts « par la France ».

M. François Liberti - Nous avions aussi déposé un amendement similaire. Soyons clairs : la commission les a rejetés par peur de demandes d'indemnisation. D'ailleurs, pour essayer de faire adopter leur amendement 21, que nous voterons, nos collègues de l'UDF l'ont rectifié deux fois, et précisent bien : « sans que cette qualité donne droit à aucun avantage de nature financière ».

M. Michel Diefenbacher - Je comprends les préoccupations des auteurs de cet amendement, mais je m'interroge sur sa rédaction. « La Nation reconnaît les conditions dramatiques de la fin de la guerre d'Algérie » ? C'est ce que fait l'ensemble du projet. Je suis d'autre part gêné par l'énumération, qui donne à penser que les harkis et les moghaznis n'étaient pas Français. Enfin, peut-on faire une distinction, parmi les morts pour la France, entre ceux qui bénéficieraient de l'ensemble des dispositions du code des pensions militaires et d'autres qui n'y auraient pas droit ?

M. Pierre Cardo - La rédaction de l'amendement témoigne précisément du fait que la France a trop longtemps fait des distinctions entre diverses catégories, je dirais même divers niveaux, de Français... Cela étant, je comprends l'esprit de l'amendement, mais je crois que ce n'est pas aux politiques de faire des mises au point historiques. Ce sera le travail de la Fondation annoncée par le ministre. Seuls les historiens peuvent apporter les réponses qui permettront à la France de regarder son passé avec fierté tout en reconnaissant les fautes qu'elle a pu commettre.

M. Rudy Salles - Si la rédaction pose problème, nous pouvons toujours la corriger en séance et procéder à une troisième rectification. Vous savez bien que les familles ne demandent pas une reconnaissance financière, mais morale. Peut-on la leur refuser plus longtemps ? Je propose donc d'écrire : La Nation reconnaît la qualité de « Mort pour la France » aux victimes civiles de la fusillade du 26 mars 1962 à Alger, sans que cette qualité donne droit à aucun avantage de nature financière.

M. François Liberti - Je souscris d'autant plus volontiers à cet amendement ainsi rectifié qu'il coïncide mot pour mot avec celui que notre groupe avait déposé et que la commission avait rejeté.

M. Kléber Mesquida - Je suis également d'accord avec la rectification, mais je pense que nous pourrions aussi faire référence aux autres victimes civiles reconnues sur justificatif par le ministre concerné. Cela pourrait faire l'objet d'un sous-amendement.

Mme la Présidente - Veuillez l'écrire.

M. Christian Jeanjean - Je souhaite que cette loi soit votée et appliquée plus rapidement possible, car elle constitue un grand pas en avant. Mais je ne voudrais pas que l'on vote un amendement à la légère, sans considérer tous les droits et obligations qui s'attachent à la qualité de « mort pour la France ».

Mme la Présidente - Je crains de ne pouvoir accepter votre sous-amendement, Monsieur Mesquida, car il ne se rattache pas au bon amendement. N'improvisons pas.

M. le Rapporteur - Comme l'ensemble des collègues, j'ai un immense respect pour les familles des victimes, auxquelles nous avons tenu à rendre hommage en première lecture, donnant pour la première fois dans cette enceinte des noms, mais nous ne sommes pas là pour marchander et puisque le ministre vient de s'engager à faire de ce dossier une des ses priorités, et ce en présence de Mme la secrétaire d'Etat aux droits des victimes qui n'est pas là par hasard, j'invite mes collègues à ne pas improviser. Nous allons voter une loi de reconnaissance de la Nation et demain s'ouvrira le grand chantier de la Fondation. Ne travaillons pas à la hâte. J'émets donc un avis personnel défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Rudy Salles - Avec toute l'estime que j'ai pour le rapporteur, je lui fais observer que nous ne travaillons pas à la hâte. Il est 17 heures 15, nous avons tout le temps et nous sommes là pour légiférer. Les faits remontent à quarante-trois ans et nous connaissons tous la demande des familles. Ce n'est pas tous les jours que nous examinons une loi sur les rapatriés ! Si nous ne répondons pas aujourd'hui à leur attente, quand le ferons-nous ?

M. Kléber Mesquida - Très bien !

A la majorité de 23 voix contre 9 sur 32 votants et 32 suffrages exprimés, l'amendement 21, 3e rectification, n'est pas adopté.

M. Rudy Salles - Il y a plus de quarante ans, des hommes, des femmes et des enfants ont été contraints de quitter leur terre natale - Algérie, Maroc ou Tunisie - dans des conditions dramatiques. Pour des centaines de milliers de nos compatriotes, le temps n'a pas effacé les conséquences de ce départ précipité et d'une arrivée non préparée en métropole. Il est juste que la nation reconnaisse explicitement la gravité des souffrances endurées par les populations rapatriées. Tel est le sens de l'amendement 22.

M. le Rapporteur - M. Salles, qui était naguère vice-président de notre assemblée, sera attentif au fait que, si la commission a repoussé son amendement, c'est qu'il est satisfait par le deuxième alinéa de l'article premier et par l'article premier bis. Evitons la redondance !

M. le Ministre délégué - Même avis : l'article premier, alinéa 2, règle ce problème.

M. Rudy Salles - A la lumière de ces explications, je retire l'amendement.

L'amendement 22 est retiré.

ARTICLE PREMIER QUINQUIES

M. Jacques Bascou - Dans le cadre de la répression des injures, nous estimons nécessaire de compléter le premier alinéa de l'article pour viser l'appartenance à l'armée régulière aussi bien qu'aux formations supplétives. C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement 38, d'insérer, après « qualité vraie ou supposée », les mots : « d'ancien militaire, ».

M. Philippe Vitel - Notre amendement 58 entend de même marquer notre refus d'oublier les sacrifices de ceux qui se sont battus sous les couleurs de l'armée française.

M. François Liberti - Notre amendement 4 repose sur les mêmes considérations, qui devraient faire l'objet d'un consensus.

M. le Rapporteur - La commission a pourtant repoussé ces amendements. L'objet du dispositif est de protéger les harkis. Pour ce qui est de la protection des militaires, je rappelle que la loi de 1881 sur la liberté de la presse punit la diffamation envers les armées.

M. le Ministre délégué - L'article premier quinquies a pour objet spécifique de réprimer les injures et les diffamations dont les anciens harkis sont trop souvent victimes. Quant aux militaires et anciens militaires, ils bénéficient déjà d'une protection grâce à l'article 24 du statut général de la fonction militaire. Ces amendements réduiraient la portée de l'article sans offrir à ceux qu'ils mentionnent un surcroît de protection. J'en souhaite donc le retrait et, à défaut, le rejet.

L'amendement 58 est retiré.

Les amendements 38 et 4, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Liberti - Nous proposons par l'amendement 5 de compléter l'article par un alinéa ainsi rédigé : « Est également interdite toute allégation injurieuse portée contre une personne ou un groupe de personnes à raison de son appartenance réelle ou supposée aux catégories honorées à l'article premier. Est enfin interdite toute mention discriminatoire sur les documents d'identité nationaux ou à usage international à raison du lieu de naissance dès lors que l'événement est intervenu sur un territoire alors sous souveraineté française ». Cet amendement vise à permettre de réprimer l'usage hélas devenu banal de termes comme « traître » ou « collaborateur ». Quant à la deuxième phrase de l'amendement, elle tend à régler l'irritant problème que soulève l'adjonction récente du sigle DZA, inacceptable pour les rapatriés et source de difficultés lors de voyages à l'étranger.

M. Philippe Vitel - Notre amendement 60 est identique. Ce qui nous importe plus particulièrement, c'est cette inacceptable adjonction du sigle DZA. Mais M. le ministre de l'intérieur a été clair à ce sujet, et sa réponse honore le Gouvernement. Nous retirons donc l'amendement 60, ainsi que le 28 de Mme Lévy qui portait également sur ce point.

Les amendement 60 et 28 sont retirés.

M. Jacques Bascou - Notre amendement 39 a le même objet, qu'il s'agisse du sigle DZA ou de la protection contre les allégations injurieuses des catégories mentionnées à l'article premier.

L'amendement 49 rectifié est retiré.

Mme la Présidente - Ne demeurent que les amendements 5 et 39.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Je comprends bien la préoccupation de nos collègues, mais le dispositif proposé est spécifiquement destiné à la protection des harkis, et c'est bien à eux que sont adressées les injures qu'a rappelées M. Liberti. Nous avons voulu donner toute sa force à notre dispositif en le concentrant sur cette communauté : les amendements l'affaibliraient. Pour ce qui est d'autre part de la mention DZA, le ministre de l'intérieur a dit le 1er février qu'il allait traiter le problème avec M. Mékachéra, et nous avons donc les assurances nécessaires.

M. le Ministre délégué - Le texte actuel de l'article premier quinquies répond spécifiquement à la nécessité de protéger les harkis des injures et des diffamations qu'ils subissent quotidiennement. Etendre le champ de cette protection à l'ensemble des rapatriés ôterait à l'article toute sa portée concrète. Quant à la mention DZA, je confirme que le ministre de l'intérieur a donné instruction à ses services de supprimer ce sigle des titres délivrés aux personnes nées en Algérie avant l'indépendance. Je souhaite donc le retrait des amendements et, à défaut, leur rejet.

Les amendements 5 et 39, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Liberti - L'amendement 6 est défendu.

M. Rudy Salles - De même l'amendement 18 rectifié, identique.

M. Philippe Vitel - L'amendement 59, identique aux précédents, est retiré : relisant l'article premier quinquies « requinqué » par le Sénat, je constate qu'il semble répondre à nos préoccupations.

L'amendement 59 est retiré.

M. le Rapporteur - Avis défavorable sur les amendements 6 et 18 rectifié ; sans vouloir offenser leurs auteurs, la rédaction du Sénat nous semble meilleure.

M. le Ministre délégué - Même avis.

Les amendements 6 et 18 rectifié, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article premier quinquies, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Kléber Mesquida - L'article 2 porte sur les allocations de reconnaissance. Nos amendements à cet article ont été écartés, et j'avoue ne pas comprendre cette décision. Le texte actuel prévoit pour l'allocation de reconnaissance le choix suivant : ou bien 2 800 € par an, ou bien l'allocation au niveau de 2004 et une indemnité de 20 000 €, ou encore un capital de 30 000 € pour solde de tout compte. Ce que nous souhaitons, et qu'attendent nos amis harkis, c'est l'allocation portée à 2 800 € à partir du 1er janvier, mais assortie du capital de 30 000 €. Rappelons-nous en effet les conditions d'installation qu'ont connues les harkis ! Certaines communes ont fait des efforts importants ; mais les harkis ont pris beaucoup sur eux-mêmes. Et les femmes d'anciens supplétifs divorcées en métropole nous semblent oubliées. Nous aurions souhaité qu'on envisage de leur accorder l'indemnité forfaitaire de 20 000 €. Il y a une certaine injustice à ne pas régler ce problème, tout comme celui des enfants de harkis, quand ils ont été hébergés pendant trois ans dans ces camps temporaires dont on sait l'insalubrité. La commission a également refusé notre proposition d'une allocation forfaitaire, non pour tous les enfants de harkis, mais pour ceux qui percevaient des allocations de solidarité, ainsi que pour ceux qui ne sont pas imposables aujourd'hui.

La nation doit reconnaissance à ces personnes en situation de grande précarité sociale et financière et cet amendement, bien que repoussé par la commission, pourrait être repris par le Gouvernement.

L'article 2, mis aux voix, est adopté ainsi que les articles 3, 3 bis et 4 bis.

APRÈS L'ART. 5

M. Jacques Bascou - Par l'amendement 45, nous proposons d'insérer un article additionnel afin de confier au Haut conseil des rapatriés le soin de préparer des mesures de réparation au bénéfice des victimes de ventes forcées effectuées après les accords d'Evian ainsi que des rapatriés étrangers, pour la plupart italiens et espagnols, jusqu'alors exclus des dispositifs d'indemnisation.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le Parlement n'a pas la compétence de fixer l'ordre du jour du Haut conseil des rapatriés, animé par des fonctionnaires de grande qualité et dont il nous a été donné de mesurer l'efficacité en préparant ce projet de loi.

M. le Ministre délégué - Par ce projet, le Gouvernement veut apporter des réponses concrètes correspondant aux engagements pris. Il ne s'agit pas de produire un énième rapport !

D'autre part, les rapatriés savent que les lois d'indemnisation de 1970, 1978 et 1987 ont été adoptées par notre majorité. Vos amendements ne leur feront pas croire le contraire ! Nous leur préférons des mesures efficaces, comme celles de l'article 46 de la loi de 1970.

L'amendement 45, mis aux voix, n'est pas adopté.

APRÈS L'ART. 6

M. Georges Fenech - L'amendement 48 vise à organiser une nécessaire politique de mémoire en direction du grand public et de la jeunesse. La connaissance de l'histoire des rapatriés doit être favorisée par le recueil des témoignages des rapatriés sur l'ensemble du territoire, par la poursuite de l'ouverture des archives, par l'organisation de colloques et d'expositions et enfin par une initiation donnée à l'école.

M. le Rapporteur - La commission avait déjà émis un avis défavorable à cet amendement en première lecture car il est déjà largement satisfait par l'article premier ter relatif à la création de la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc et par l'article premier quater relatif à l'enseignement de l'histoire de la présence française outre-mer.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement attache une grande importance à la politique de mémoire ; par ce projet de loi, il en pose les principes et fournit les outils : la fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc, les manuels scolaires et le mémorial de Marseille. Je sollicite donc le retrait de cet amendement déjà satisfait.

L'amendement 48 est retiré.

M. Georges Fenech - Par l'amendement 50, nous demandons que l'Etat français engage des discussions avec l'Algérie pour faciliter la circulation des harkis sur le territoire de celle-ci.

M. le Rapporteur - Bien que cette disposition ne relève pas, de toute évidence, de la loi, nous ne pouvons pas accepter la situation qui la motive. Les harkis voient les Algériens se déplacer librement sur le territoire français. Ils sont, eux, divisés en catégories : certains peuvent entrer sans difficulté, d'autres sont arrêtés à la frontière ou sont l'objet de tracasseries et d'autres, enfin, ne peuvent tout simplement pas obtenir l'accès au territoire algérien.

Nous insistons pour que, lors de la signature du traité d'amitié avec l'Algérie, la France veille à ce qu'une solution soit trouvée à la question de la libre circulation des harkis.

M. le Ministre délégué - Depuis deux ans, à la demande du Président de la République, nous avons entamé des discussions avec l'Algérie pour régler les cas inadmissibles, heureusement peu nombreux, de harkis à qui l'accès au territoire algérien est refusé. Je suis personnellement très attentif à ce problème ; il est à l'ordre du jour du Gouvernement.

Pourtant, sur la forme, cet amendement constituerait un frein à nos négociations avec l'Algérie. J'en sollicite donc le retrait

L'amendement 50 est retiré.

M. Rudy Salles - A l'occasion du voyage de M. Chirac en mars 2003, un plan d'action et de coopération relatif aux sépultures civiles françaises en Algérie a été annoncé. En 1989, j'ai pu constaté de visu que le cimetière juif d'Oran avait été profané. Cette démarche était donc nécessaire.

L'amendement 27 rectifié vise à étendre ce dispositif au Maroc et à la Tunisie pour soutenir les efforts des familles, des associations et des collectivités territoriales françaises.

Par ailleurs, j'aimerais savoir si les engagements pris lors de la visite du Président de la République sont effectivement respectés. Les cimetières chrétiens et juifs ont été laissés à l'abandon depuis 1962 et les seconds ont particulièrement soufferts...

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement car ce chantier est déjà en cours. Nous sommes heureux que ce soit un député du sud de la France qui aborde cette question ! En effet, dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, nous avons élaboré un plan de soutien à la restauration de ce cimetières, auquel nous essayons de convaincre les maires de s'associer.

M. le Ministre délégué - Concernant l'Algérie, je vous avais déjà répondu : les dispositions prévues sont en cours d'exécution. S'agissant de la Tunisie et du Maroc, c'est le ministère des affaires étrangères qui est responsable des interventions relatives aux cimetières français.

Je m'engage à ce que la mission interministérielle aux rapatriés consacre toute son attention à ce problème. Le cas échéant, je vous invite à me signaler tout cimetière français nécessitant une restauration d'urgence. Nos compatriotes doivent pouvoir se recueillir sur des tombes bien entretenues.

Je sollicite le retrait de cet amendement.

M. Rudy Salles - Monsieur le ministre, pouvez-vous me donner des précisions sur l'exécution des accords passés avec l'Algérie ? En 1989, j'ai pu noter que, si le cimetière chrétien était abandonné, le cimetière juif avait été pour partie rasé, pour partie profané. Nous aimerions que l'on nous informe des actions engagées et le mieux serait que ce soit cimetière par cimetière. Pensons à la douleurs des familles !

M. le Ministre délégué - Je vous donnerai des éléments chiffrés sur ce qui a été fait à l'issue du débat.

L'amendement 27 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Rudy Salles - L'amendement 19 est défendu.

L'amendement 19, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Georges Fenech - Afin de résoudre le problème du chômage de la communauté harkie, l'amendement 51 tend à réserver, pour une durée de cinq ans, des postes de la fonction publique aux descendants d'anciens supplétifs présentant les qualifications requises pour chaque catégorie d'emploi.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Nous avons estimé dès la première lecture qu'il ne fallait pas entretenir un climat d'exclusion à l'endroit de certaines catégories. Une action a été entreprise par la mission interministérielle aux rapatriés, que préside Marc Dubourdieu, pour encourager l'emploi de ces jeunes. Il faut à tout prix éviter la « marginalisation positive » qu'induirait un système de quotas.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement s'attache d'une manière générale à aider les jeunes en recherche d'emploi. La mission interministérielle a ouvert un chantier que M. le rapporteur vient d'évoquer. Nous luttons contre les discriminations dont ces jeunes, même diplômés, sont victimes. Les contrats créés par Renaud Dutreil sont de nature à répondre aux attentes de ceux qui souhaitent intégrer la fonction publique. Je sollicite donc le retrait de votre amendement.

M. Georges Fenech - Nous faisons confiance à la mission interministérielle pour réparer les injustices qui subsistent et rétablir l'égalité des chances : je retire mon amendement.

M. Rudy Salles - Le code général des collectivités territoriales interdit aux maires de consacrer un espace spécifique d'inhumation selon la croyance ou le culte. Les circulaires sont cependant contradictoires, et de nombreux maires ont ouvert des « carrés » spécifiques au sein des cimetières communaux. L'amendement 17 vise à officialiser cette réalité en ouvrant cette possibilité à d'autres maires. Les harkis ont choisi d'être français. Leurs enfants, nés sur notre sol, souhaitent légitimement y être inhumés. Il leur est d'ailleurs très difficile de se faire inhumer sur la terre de leurs ancêtres.

M. le Rapporteur - Défavorable. Si nous approuvons l'intention de notre collègue, cette mesure relève à notre sens d'un autre texte.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 17, mis aux voix, n'est pas adopté.

TITRE

M. Rudy Salles - L'amendement 12 vise à substituer aux mots « de la Nation et contribution » les mots « justice et réparation ». La France doit en effet plus qu'une reconnaissance et une contribution aux rapatriés : elle doit leur rendre justice et réparer les préjudices moraux et financiers qu'ils ont subis.

M. le Rapporteur - Défavorable. Nous avions déjà refusé, en première lecture, de toucher à ce titre : cette loi est véritablement une loi de reconnaissance de la Nation.

Je profite de l'occasion qui m'est donnée de m'exprimer pour remercier, au nom de la commission, M. le ministre, Mme la secrétaire d'Etat aux droits des victimes qui nous fait l'honneur d'être présente, les responsables de la mission interministérielle et du Haut conseil, les associations, nos collègues qui ont participé à ce débat et M. le président de la commission, qui lui a insufflé tout son dynamisme.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement partage l'avis du rapporteur sur l'amendement 12, qui avait d'ailleurs été retiré en première lecture. Je souhaite que vous fassiez de même aujourd'hui.

Je remercie à mon tour M. le rapporteur, M. le président de la commission, et tous ceux qui ont bien voulu débattre de ce texte que nous avons mis toute notre énergie et tout notre cœur à défendre. Il est vrai que le sujet est de ceux qui tempèrent l'esprit partisan. Puissent les débats de cette Assemblée être plus souvent de cette tenue !

M. Rudy Salles - Par souci de cohérence, je retire l'amendement.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Kléber Mesquida - J'avais espéré aborder cette deuxième lecture dans un esprit de justice et de morale.

La justice aurait voulu que l'on refuse de se contenter de la solidarité et de verser dans l'assistanat social, que l'on n'invoque pas la rigueur budgétaire pour s'en tenir à la simple charité. Personne ne tend la main : les gens d'honneur ne veulent que leur juste dû. Malgré leurs déclarations, nos collègues de la majorité n'ont pas su dépasser le stade de la compassion.

La morale aurait voulu qu'une volonté politique forte et unanime se manifeste dans cet hémicycle pour traiter ce sujet dans l'honneur de la France. Il fallait avoir le courage de dire que la nation tout entière devait cet effort à ceux que la douleur n'a pas quittés. La douleur, nous en avons parlé. Mais qui la partage ? Ceux qui ont refusé des avancées la connaissent-ils seulement ?

Il y a eu, certes, des progrès sur le plan de la reconnaissance. Mais vous avez refusé de reconnaître une responsabilité qui aurait pu l'être : les erreurs des hommes politiques de l'époque, de droite comme de gauche, ont fait des victimes qui auraient pu être évitées. Ces responsabilités, une commission d'enquête parlementaire pourrait les identifier. Vous la refusez pour confier cette tâche à la Fondation. Pourquoi la représentation nationale en serait-elle écartée ?

Nous avons souhaité, avec nos collègues de l'UDF, que la dignité de « mort pour la France » soir reconnue aux victimes du 26 mars et à d'autres victimes civiles. Seul le ministre pouvait le faire. On a opposé l'article 40 à notre amendement. Celui de l'UDF, qui ne sollicitait pas de réparation financière, a été repoussé.

Comment ce texte suffirait-il à panser les blessures de la communauté pied-noir et harkie ? Vous aviez pourtant affirmé le 21 décembre 2003, Monsieur Kert, votre volonté de corriger les injustices qui n'avaient pas été réparées. Le travail est inachevé, et sans doute le savez-vous même si vous ne pouvez pas le dire.

Monsieur le ministre, cette loi a porté ses fruits, disiez-vous. Sans doute, mais certains gardent un goût d'amertume. Il y a des améliorations, mais pas de règlement définitif - et ce n'est pas faute de vous avoir exhorté à affronter ce problème douloureux. Vous n'avez pas eu le courage de le faire, si bien qu'à terme, comme l'a reconnu notre rapporteur, une nouvelle loi s'imposera. Espérons qu'elle ne tardera pas.

M. Diefenbacher nous a rappelé que les rapatriés attendaient depuis quarante-trois ans. Peut-être eût-il mieux valu qu'ils attendent quelques heures de plus pour que nous parvenions à une rédaction consensuelle qui nous permette d'adopter ce texte dans l'unité nationale.

Bien qu'il comporte des avancées, ce projet de loi ne répond pas à toutes les attentes des nos amis pieds-noirs, non plus que de nos amis harkis. Il continuera de faire saigner leur cœur et accentuera le sentiment d'injustice qu'ils éprouvent depuis si longtemps. Si ce texte avait permis de régler tous les contentieux et de solder définitivement le passé, nous aurions pu vous suivre. Mais en l'état, nous ne pouvons donc le cautionner et voterons contre.

M. Michel Diefenbacher - Je souhaite tout d'abord me féliciter de la tonalité de notre débat, qui a été serein et digne, comme l'exigeait le sujet. Souvenons-nous toutefois qu'il n'y a pas si longtemps, il donnait encore lieu à de mémorables empoignades. Le débat républicain a donc incontestablement progressé. Je me félicite également que le texte ait été adopté conforme, ce qui permettra qu'il entre rapidement en application, au plus grand bénéfice des intéressés.

Jamais le législateur n'avait pris position aussi clairement sur le sens à donner à l'histoire de la colonisation française, sur le rôle positif joué par la France outre-mer, sur la volonté de la nation de regarder ces pages d'histoire sans se cacher la vérité. Jamais tel engagement solennel n'avait été pris de transmettre la connaissance exacte de ces événements. La création d'une Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie, l'inscription dans les programmes scolaires de cet aspect de la présence française outre-mer, loin des caricatures qui ont longtemps conduit à son dénigrement systématique, l'intégration dans les programmes de recherche universitaires des sujets dont nous avons débattu aujourd'hui, autant de décisions essentielles à cet égard. Il était important que la communauté nationale tout entière rende à cette aventure humaine sa dimension historique. Chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître que la présence française outre-mer a été un grand moment de l'histoire de notre pays, en même temps qu'une étape majeure dans la modernisation sociale, économique et intellectuelle de ces pays. Chacun s'accorde également à reconnaître les souffrances de tous ceux qui ont vécu de l'autre côté de la Méditerranée, notamment en cette période tragique. Pour les victimes du massacre de la rue d'Isly à Alger, qui n'a pas d'équivalent dans l'histoire de notre pays, le geste et la parole qui conviendraient restent à trouver. L'important aujourd'hui est que l'ensemble des communautés qui ont participé à cette aventure, quelles que soient leur origine et leur confession, comprenne que la France est à la fois fière et reconnaissante de ce qu'elles ont fait.

Des avancées importantes ont eu lieu en faveur de la réparation matérielle. Il était important qu'un geste supplémentaire soit fait en faveur des harkis et de leurs enfants, et que soient, enfin, réglés les problèmes nés de l'application de l'article 46 de la loi de 1970, ainsi que ceux des exilés.

Le groupe UMP souhaite exprimer sa gratitude au Gouvernement, à vous en particulier, Monsieur le ministre délégué, pour votre qualité d'écoute et votre engagement sans relâche en faveur des communautés pied-noir et harkie. Je suis fier de constater que c'est ma famille politique qui, après les lois de 1987 et de 1994, a, encore une fois, pris l'initiative d'un texte en faveur des rapatriés. Le groupe UMP votera bien évidemment ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Liberti - Je tiens tout d'abord à rendre hommage à l'important travail de recherche et de proposition des associations de rapatriés, qu'elles ont remis aux parlementaires de tous les groupes. Bien que celui-ci n'ait pas été aujourd'hui récompensé - c'est le moins que l'on puisse dire -, il demeure et permettra de poursuivre le débat nécessaire, au-delà de ce texte loin de répondre à toutes les attentes.

La plupart de nos amendements relatifs à la réparation, l'indemnisation et la réinstallation avaient été repoussés en commission au titre de l'article 40. Les quelques amendements qui avaient échappé à ce couperet ont tous été, cet après-midi, repoussés ou retirés à la demande du Gouvernement. On est donc loin d'un souci de consensus, car celui-ci aurait voulu que nous nous accordions à améliorer le texte. L'essentiel reste à faire. Au vu des insuffisances de ce texte, le groupe communiste et républicain ne pourra qu'émettre un vote défavorable.

M. Kléber Mesquida - Très bien.

M. Rudy Salles - Je me félicite de l'atmosphère de respect mutuel dans laquelle a eu lieu ce débat. Il était en effet question cet après-midi des souffrances de nos compatriotes et d'une page douloureuse de notre histoire.

Nous savions, Monsieur le ministre, que vous solliciteriez un vote conforme du texte pour qu'il puisse entrer rapidement en application. Mais dans la mesure où l'on a attendu quarante-trois ans, n'aurait-on pu attendre encore un tout petit peu plus pour régler tous les problèmes ? Une page se tourne définitivement mais, hélas, des questions demeurent en suspens comme la reconnaissance du statut de mort pour la France pour les victimes du massacre de la rue d'Isly. Je regrette que la discipline du groupe UMP ait fait que nous soyons battus sur notre amendement, en dépit de son vote par nos collègues de l'opposition, que je remercie. Cela étant, le ministre s'est engagé à avancer sur cette question. Espérons que l'on puisse aboutir dans un avenir pas trop lointain. On le voit, il nous faut d'ores et déjà réfléchir à un texte qui vienne compléter celui aujourd'hui.

Nos collègues socialistes et communistes ont annoncé qu'ils voteraient contre ce texte. Je ne m'en étonne pas car en définitive, jamais la gauche n'a voté un texte en faveur des rapatriés, mais je le regrette. Pour notre part, bien que nous ne soyons satisfaits qu'en partie d'un texte qui aurait pu aller plus loin, nous le voterons pour les améliorations qu'il comporte, si attendues des harkis et des rapatriés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance, mardi 15 février 2005, à 9 heures 30

La séance est levée à 18 heures 25.

                  Le Directeur du service
                  des comptes rendus analytiques,

                  François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MARDI 15 FÉVRIER 2005

NEUF HEURES TRENTE : 1ERE SÉANCE PUBLIQUE

1. Discussion de la proposition de résolution (n° 2051) de MM. Pierre MÉHAIGNERIE et Bernard ACCOYER tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'évolution de la fiscalité locale, de ses conséquences sur le pouvoir d'achat des ménages et sur la vie des entreprises, ainsi que sur les conditions d'une responsabilité mieux assumée des décideurs.

Rapport (n° 2092) de M. Hervé MARITON, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

2. Fixation de l'ordre du jour.

QUINZE HEURES : 2EME SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Discussion du projet de loi (n° 2025) d'orientation pour l'avenir de l'école.

Rapport (n° 2085) de M. Frédéric REISS, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3EME SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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