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Assemblée nationale
COMPTE
RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL
Session ordinaire de 2004-2005 - 62ème jour de séance, 151ème séance 2ème SÉANCE DU MERCREDI 16 FÉVRIER 2005 PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ Sommaire QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2 LOI SUR LA SAUVEGARDE DES ENTREPRISES 2 RECHERCHE 2 VISITE DE M. ZAPATERO 3 RÉFORME DE L'ÉCOLE 4 SERVICES À DOMICILE 5 PERMIS DE CONDUIRE DES JEUNES 6 DROIT À L'EAU ET À L'ÉNERGIE 6 LUTTE CONTRE LE DOPAGE 7 FISCALITÉ LOCALE 7 AVENIR DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE SCOLARISATION DES ENFANTS HANDICAPÉS TRANSPORT AÉRIEN ET NUISANCES SONORES 10 AVENIR DE LA RECHERCHE 10 PROJET DE LOI D'ORIENTATION MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 16 La séance est ouverte à quinze heures. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. LOI SUR LA SAUVEGARDE DES ENTREPRISES M. Alain Vidalies - La nouvelle procédure de « sauvegarde de l'entreprise » constitue la principale innovation du projet que notre assemblée examinera au début du mois de mars. La majorité UMP de la commission des lois a adopté un amendement qui étend à cette procédure les possibilités de licenciements économiques simplifiés, réservées jusqu'à présent au redressement et à la liquidation judiciaires. Des dizaines de milliers de salariés risquent ainsi d'être privés des droits prévus par le code du travail, s'agissant de la consultation des représentants du personnel et du droit au reclassement. Or, à la différence du redressement judiciaire ou de la liquidation, la procédure de sauvegarde relèvera de la seule initiative de l'employeur : il lui suffira de l'évoquer pour se débarrasser rapidement et à peu de frais de certains salariés. Vous aviez déjà profité de la loi sur le dialogue social pour remettre en cause la hiérarchie des normes et le principe de faveur, comme vous aviez profité de la loi sur la cohésion sociale pour alléger les procédures de licenciement économique. Les syndicats craignent que le Gouvernement ne profite de la loi sur la sauvegarde des entreprises pour faciliter une fois de plus les licenciements. Quelle est donc sa position sur cet amendement de l'UMP ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation - Tout le monde peut en convenir : le droit aujourd'hui applicable aux entreprises en difficulté n'est favorable ni au développement économique ni à l'emploi. C'est pourquoi M. le Garde des Sceaux présentera le projet sur la sauvegarde des entreprises. Parmi elles, 45 000 sont chaque année en procédure et 150 000 salariés sont victimes de licenciements : dans ce contexte, il n'est évidemment pas question d'assouplir la procédure de licenciement en sauvegarde. Evitez je vous prie ces procès d'intention (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Notre objectif est précisément l'inverse de ce que vous avez fait pendant cinq ans : nous voulons développer l'activité économique afin de favoriser l'emploi. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Olivier Jardé - En tant qu'enseignant-chercheur, la loi de programmation et d'orientation sur la recherche ne me satisfait pas. La majorité des présidents d'université et la totalité des syndicats de chercheurs considèrent que votre projet doit être revu car il ne prend pas suffisamment en compte la programmation financière sur le long terme, non plus que les attentes des jeunes chercheurs. Nos laboratoires sont vétustes, les vocations peu nombreuses, les statuts peu attractifs et la tentation de partir à l'étranger est réelle. Or, la recherche est un secteur important, non seulement sur un plan économique mais pour le rayonnement de la France dans le monde. M. Raffarin a proposé de débloquer un milliard pour ce secteur au printemps dernier. Le Gouvernement maintient-il son engagement ? Est-il prêt à mettre en oeuvre une politique sur le long terme ? Enfin, envisage-t-il de réorganiser profondément la recherche et l'Université ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche - Le Gouvernement a de l'ambition pour notre recherche. M. le Premier ministre s'est en effet engagé à débloquer un milliard supplémentaire pour ce secteur : l'engagement est tenu dans le cadre du budget 2005. En outre, l'Agence nationale pour la recherche a été mise en place hier : elle dispose d'un budget de 350 millions qui sera affecté aux sciences du vivant, à l'environnement, à l'informatique, au développement durable et à tous les secteurs de pointe. Six milliards d'euros seront consacrés au total à la recherche dans les trois années qui viennent, dans le cadre d'une programmation à long terme qui s'étendra jusqu'en 2010. La future loi de programmation et d'orientation n'ayant pas encore fait l'objet d'un avant-projet, les documents sur lesquels vous vous fondez n'ont rien à voir avec ce qu'elle sera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jacques Brunhes - Le Premier ministre espagnol, M . Zapatero, sera invité le mardi 1er mars dans notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Cette décision a une signification particulière puisque M. Zapatero interviendra au lendemain du référendum sur le projet de constitution européenne en Espagne... Plusieurs députés UMP - Et alors ? M. Jacques Brunhes - ...et en plein débat national dans notre pays. Tandis qu'on s'attend à un résultat positif en Espagne , le non progresse en France, et le discours de M. Zapatero risque donc d'influer sur notre campagne référendaire. Cette initiative politique confirme l'inquiétude du camp du oui, sa « panique » même, selon un quotidien du matin, face à la montée du non. La presse envisage une accélération des échéances pour limiter au minimum la durée du débat démocratique : on entend parler d'un référendum avancé au 15 ou au 22 mai, ce qui constituerait un déni de démocratie (Protestations sur les bancs du groupe UMP), d'autant plus que le débat public est d'ores et déjà biaisé sur le plan médiatique, puisque le temps de parole du « non » progressiste et populaire est quasiment nul. Mme Buffet, secrétaire nationale du parti communiste, est en ce moment même reçue au CSA pour protester contre cette discrimination. Que comptez-vous faire pour assurer une répartition équitable des temps de parole pendant la campagne, sous le contrôle du CSA, ainsi qu'un financement de la campagne favorisant la diversité des opinions ? Comment ferez-vous respecter l'impartialité de l'Etat ? Enfin, la date de la consultation permettra-t-elle aux Français de s'exprimer en toute connaissance de cause ? M. le Président - L'initiative politique à laquelle vous faites allusion, je l'assume pleinement. C'est un honneur pour notre assemblée que de recevoir des chefs d'Etat et de gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste) M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères - Sur l'invitation de M. Zapatero, le Président de votre assemblée a répondu. Si j'étais encore député, je serais très heureux d'écouter M. Zapatero (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et quelques bancs du groupe UMP) après le Président de la République populaire de Chine ou M. Bouteflika. M. Gilbert Biessy - Et la date ? M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères - Je ne connais pas encore la date. Elle sera fixée par le Président de la République. Mais soyez assuré qu'elle laissera le temps de tenir un débat démocratique, libre et impartial, sous le contrôle du CSA. N'ayez pas peur de ce débat. Nous y participerons, j'y participerai en tant que ministre-citoyen pour dire en quoi la Constitution est utile à la France et à l'Union européenne. Par ailleurs, les citoyens ont droit à l'information et ils la demandent. Nous avons ouvert une ligne téléphonique où ils peuvent poser des questions et obtenir le texte de la Constitution. Je vous invite à faire vous aussi le 0 810 2005 25 (Rires). Nous recevons 400 appels par heure, essentiellement pour se procurer le texte de la Constitution (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Mme Martine Aurillac - Le nouveau contrat entre l'école et la nation que vous proposez, Monsieur le ministre de l'Education nationale, tente d' apporter une réponse de bon sens, moderne et courageuse au problème de l'échec scolaire qui, en dépit de la qualité et de la conscience professionnelle de beaucoup d'enseignants, n'a jamais été résolu par le passé, malgré des dépenses exponentielles, et qui est cause d'un gâchis humain effrayant. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe UMP) Le recentrage sur les enseignements de base, un soutien efficace aux enfants en difficulté, le triplement des bourses au mérite, l'amélioration de la formation de maîtres, le dispositif contre la violence scolaire, le renforcement du rôle des chefs d'établissement, voilà autant de progrès que nul ne peut contester. Mais quelques inquiétudes, quelques doutes se sont fait entendre ici et là, notamment sur la place des enseignements artistiques, de l'éducation physique et sportive, des sciences économiques, sur les absences des professeurs, l'éventuelle suppression des TPE et des classes de 1ère d'adaptation, les heures de découverte professionnelle, sans parler de la part du contrôle continu. Pourriez-vous apporter des clarifications sur ces quelques points dont la critique souvent contradictoire, mal informée ou même désinformée brouille l'objectif partagé par tous, la réussite de chaque enfant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Le projet dont nous avons commencé à débattre, dans un climat républicain qui honore l'assemblée, ne renonce à aucune des ambitions de l'école, mais lui en ajoute deux nouvelles : d'une part, à travers le socle de connaissances fondamentales, assurer la réussite de tous les élèves... M. Patrick Roy - C'est faux ! M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - D'autre part, comme tous les grands pays, avoir 50 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur. Nous n'avons renoncé à aucune matière, aucune discipline, aucun élément de programme. S'agissant du sport à l'école, les 34 articles qui concernent son organisation ne sont pas modifiés, les horaires sont maintenus,.... M. Julien Dray - Alors pourquoi un amendement ? M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Le sport reste obligatoire au bac. J'avais proposé qu'il soit optionnel au brevet. Le groupe UMP a déposé un amendement que j'accepte bien volontiers... M. François Rochebloine - Et l'UDF ! M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - ...pour le rendre à nouveau obligatoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Les sciences économiques et sociales restent l'une des trois filières du lycée, et leur organisation n'est en rien modifiée. Enfin, le contrôle continu est déjà la règle pour la baccalauréat professionnel, en partie pour le brevet et pour l'évaluation du sport au baccalauréat. Ma proposition que l'on réfléchisse sur son extension au baccalauréat a suscité des inquiétudes. J'ai donc souhaité reprendre les discussions. Nous ne sommes pas à quelques mois près sur ce sujet... Mme Martine David - Alors pourquoi l'urgence ? M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Le débat est ancien. A preuve, une réflexion de Lionel Jospin (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), qui disait en 1991 alors au Conseil supérieur de l'éducation qu'il allait falloir s'interroger sur les modalités de contrôle au baccalauréat correspondant le mieux à telle ou telle discipline, et voir si le baccalauréat ne devrait pas comporter à la fois un examen final et des contrôles en cours de formation (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). M. Jospin concluait ainsi : « L'échéance que nous nous sommes fixée pour la mise en place du nouveau baccalauréat est 1995 ». (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP) M. Bernard Carayon - Notre pays, Monsieur le ministre de l'emploi, compte seulement 1,3 million de salariés exerçant dans le domaine des services à domicile. Cette activité ne représente que 3 % de la richesse nationale. Pourtant, les transformations de la sociologie de l'emploi et le vieillissement de la société donnent à penser qu'il y a là un gisement d'emplois. Ce secteur recouvre une large gamme d'emplois possibles : gardes-malades, baby sitters, aide aux personnes âgées, soutien scolaire, ménages, crèches privées... Les pouvoirs publics doivent donc adopter une approche globale. Vous avez présenté ce matin en Conseil des ministres un plan assorti d'un budget de 400 millions d'euros par an sur trois ans. Quelles en sont les mesures phares, le calendrier, les objectifs - sans oublier le mode d'évaluation - point auquel l'Assemblée et sa commission des finances sont attentives ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) Mme Martine David - Allo ! Allo ! M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - J'ai en effet présenté un plan au Conseil des ministres, avec l'accord du Premier ministre, à la suite d'une mission interministérielle à laquelle ont été associés le pôle santé du Gouvernement et son pôle économie, finances et budget. Le secteur des services à la personne concerne chacun de nous : tout le monde peut avoir besoin à un moment, et parfois au dernier moment, d'un dépannage ou d'un soutien, que ce soit pour un enfant malade, une personne âgée ou un ordinateur qui « bogue »... Aujourd'hui ces services sont réservés soit au secteur de la santé, soit aux gens aisés : les salariés français n'y ont pas accès. Le plan comporte d'abord des enseignes nationales pour faire connaître et garantir la qualité des services. Il prévoit une amélioration des conditions salariales et sociales : la convention de mars 2002 est enfin étendue, et 80 000 aides à domicile vont bénéficier d'une augmentation de 24 % (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP). D'autre part, pour inciter les particuliers employeurs à aller vers le réel, l'Etat fait un effort de compensation de 15 % des cotisations, afin d'améliorer les conditions sociales et notamment les droits à la retraite. Enfin deux mesures très importantes. Tout d'abord, l'extension de l'exonération de cotisations patronales à d'autres services d'aide à domicile que ceux qui concernent strictement les personnes âgées : il s'agit de tout ce secteur nuancé qui n'est pas tout à fait médical, de services qui permettent de sortir de l'isolement, et dont la liste sera arrêtée après discussion avec les organisations représentatives. Puis le chèque service universel, élément de simplification administrative et moyen de solvabilisation, puisque tous les employeurs pourront l'abonder et que ce effort sera financé pour un quart par l'Etat. J'espère que nous passerons de 0,7 à 32 % d'utilisateurs. C'est un gisement d'emploi majeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. Jean-Michel Bertrand - Ma question s'adresse à M. le ministre des transports. Vendredi dernier, à Meaux, M. le Premier ministre à formulé les enjeux du permis de conduire pour les jeunes : c'est un moyen essentiel d'insertion sociale et professionnelle, une condition d'accès à l'emploi. C'est d'autre part un enjeu majeur de sécurité routière. Au terme de 475 auditions et contributions qui ont nourri le rapport que j'ai remis à ce sujet au Premier ministre, il apparaît clairement que les jeunes ont de réelles difficultés à financer leur permis. De plus le financement, condition nécessaire, ne suffira pas si l'on n'améliore pas l'apprentissage actuel de la conduite ainsi que l'examen, qui comportent de nombreux obstacles à la réussite. Dans le souci de répondre immédiatement à une demande de toute la société, le Premier ministre a exprimé la volonté d'engager une aide directe par la création d'un prêt bancaire spécifique et aidé par l'Etat. Je m'en réjouis. Je vous serais reconnaissant de nous indiquer les modalités pratiques de ce dispositif, et de nous préciser s'il bénéficiera à tous les jeunes. D'autre part, comment le Gouvernement entend-il traiter les autres points de blocage dans l'accession des jeunes au permis de conduire ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP) M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - Je sais que ce n'est pas pour cela que vous posez cette question, mais je veux avant tout vous remercier très sincèrement pour la qualité de votre rapport et la richesse de ses propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP) : c'est un travail remarquable, et remarqué tant par le Premier ministre que par la direction de la sécurité routière, et par votre serviteur. Le Premier ministre s'en est inspiré pour ses annonces de Meaux. Celles-ci portent essentiellement sur deux mesures, pour commencer. En premier lieu, tous les jeunes pourront obtenir auprès de leur banque une avance, qu'ils rembourseront au rythme d'un euro par jour, cependant que l'Etat paiera les intérêts. C'est une sorte de prêt à taux zéro, comme celui qui réussit si bien dans l'immobilier. La deuxième mesure s'adresse aux apprentis : avec Laurent Hénart, nous travaillons sur un dispositif faisant que l'apprentissage soit assorti d'une aide au permis de conduire, car ce dernier est une chance de plus pour accéder à un emploi et pouvoir l'exercer. Nous trouverons les moyens dans les ressources fournies par les radars automatiques, afin de pouvoir baisser le prix du permis de conduire, qui oscille aujourd'hui entre 800 et 1 200 €. Ceci doit être mis en place pour le mois de juillet. D'ici là nous travaillerons ensemble sur les autres excellentes proposition s de votre rapport. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP) M. Jean-Pierre Kucheida - A l'heure, Monsieur le Premier ministre, où nous sommes en droit de poser la question du train de vie des ministres du Gouvernement, les coupures de gaz, d'électricité ou d'eau frappant des familles de bonne foi, mais en difficulté, sont une préoccupation majeure, surtout par le froid que nous connaissons. Je me suis donc engagé, avec nombre de mes collègues, à mener le combat pour le droit à l'énergie et à l'eau. Ainsi seront respectés les principes du service public, les droits de l'Homme et la loi contre les exclusions du 29 juillet 1998. Vous devez contraindre les sociétés concédantes, nationales ou privées, à une vraie transparence des coupures et à une concertation avec les services sociaux et les collectivités locales. J'ai découvert que des personnes étaient privées d'électricité dans ma ville depuis dix-huit mois sans que je le sache et sans qu'EDF ne s'en émeuve. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Pendant ce temps-là, l'Etat prélève 7 milliards d'euros sur EDF pour le budget 2005 et n'en redistribue que deux millièmes à titre social. L'abonnement, ce droit moyenâgeux exigé avant d'obtenir une goutte d'eau, un kilowatt ou une communication multiplie les coûts de ceux qui consomment le moins et taxe les plus pauvres : il est très injuste. Une famille de deux enfants au SMIC paye 450 € par an d'abonnements France Télécom, EDF-GDF ou CGE, soit un demi salaire ! (Interruptions et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP) Supprimez ces abonnements iniques ! Cela améliorerait la situation des plus démunis de bonne foi (Mêmes mouvements), victimes des accidents de la vie. Quid de la proposition de loi sur la couverture énergétique universelle initiée par le groupe socialiste (Mêmes mouvements), qui permettrait de régler ces situations inacceptables ? (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements nourris sur les bancs du groupe socialiste) M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - (« Gaymard ! » sur les bancs du groupe socialiste) A la suite de l'accident survenu en Seine-Saint-Denis, j'ai constitué un groupe de travail sur cette question. Vous ignoriez vous-même que dans votre propre ville, tel ou tel faisait l'objet d'une coupure d'électricité. C'est tout le problème : la législation interdit aujourd'hui à EDF de communiquer aux organismes sociaux l'identité des personnes faisant l'objet d'une coupure. Suite aux conclusions du groupe de travail, auquel a participé Nelly Olin (« Et Gaymard ! » sur les bancs du groupe socialiste), un décret va prochainement autoriser les concessionnaires d'électricité à fournir très en amont aux organismes sociaux, et notamment aux FSL, l'identité des personnes concernées. C'est un grand changement qui devrait réduire les risques d'accidents. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Dominique Juillot - Monsieur le ministre de la jeunesse et des sports, vous avez inscrit votre action de responsable des sports représentant l'Europe auprès du comité exécutif de l'Agence mondiale anti-dopage dans le cadre de l'harmonisation internationale des règles anti-dopage. L'Agence publie des statistiques qui démontrent l'excellence des analyses réalisées notamment par le laboratoire de Châtenay-Malabry, qui fait autorité en Europe. Au-delà de l'effort financier important consenti en 2005 et de votre implication personnelle dans la rédaction d'une convention internationale sous l'égide de l'UNESCO, la lutte contre le dopage va faire l'objet d'un projet de loi destiné à renforcer son efficacité, qui traitera aussi de la protection de la santé des sportifs. La France s'imposera ainsi comme une référence en matière de lutte anti-dopage. Pouvez-vous nous détailler les grandes lignes du texte qui a été présenté ce matin en Conseil des ministres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative - Deux raisons me conduisent à revoir la loi sur le dopage de 1999. D'abord la montée en puissance de l'Agence mondiale anti-dopage, qui a rédigé un code applicable sur tous les continents au 1er février 2006. Nous estimons d'autre part, à la lumière de révélations comme celles qui touchent à l'affaire Cofidis, qu'il nous faut améliorer notre dispositif national. La révision de la loi obéit à un principe simple : la loyauté des résultats au niveau international ressort aux compétences des fédérations internationales et repose à ce titre sur l'Agence mondiale et sur le code. En ce qui concerne les compétitions nationales, une agence française va être créée : elle regroupera les prescripteurs en matière de contrôle, permettra les analyses par le laboratoire national de dépistage du dopage, et aura le pouvoir de réformer des décisions quand les fédérations nationales n'auront pas su les prendre. Les pouvoirs publics porteront leurs efforts sur la recherche, la prévention et le protection de la santé des sportifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Mme Josiane Boyce - Je sais que cette question vous a déjà été posée, Madame la ministre déléguée à l'intérieur, mais elle est trop importante pour que je ne la pose pas à nouveau. Nous assistons depuis quelques semaines à une campagne politicienne de désinformation menée par la gauche (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), alimentée par la mauvaise foi et les contre-vérités. Les présidents socialistes de conseils régionaux et généraux tentent de justifier la hausse de la fiscalité locale par le financement de la décentralisation et le paiement d'un « impôt Raffarin ». (Interruptions redoublées sur les bancs du groupe socialiste) Est-ce la vérité qui vous fait peur ? En Bretagne, cette augmentation dépasse 18 % : les victimes de ces hausses inconsidérées sont nos concitoyens, la France qui travaille, les entreprises qui subissent déjà la concurrence nationale et internationale ! L'argument de la décentralisation est faux : les transferts de compétences aux collectivités locales sont intégralement compensés. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Cette pression fiscale est le résultat de la gestion irraisonnée de nos collectivités locales par la gauche ! (Mêmes mouvements) Si elles supportent aujourd'hui des transferts de charges non financés, ce sont ceux que le gouvernement Jospin a multipliés ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste ; huées sur les bancs du groupe UMP) A chacun ses responsabilités : celle-là est la vôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. le Président - Posez votre question. Mme Josiane Boyce - Avec l'APA, la gauche a transféré 800 millions d'euros de charges aux départements sans les compenser, alors qu'elle leur a coûté 2,5 milliards en 2003 ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Madame la ministre déléguée, que pensez-vous de la politique fiscale de ces élus qui ont choisi de taxer les habitants ? (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF) M. le Président - La parole est à Mme Roig. (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Quel spectacle vous donnez ! Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur - Si j'ai bien entendu, vous m'interrogez sur la fiscalité locale en Bretagne. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Sans faire un tour de France des régions, je constate qu'en Bretagne, 37 millions de plus sont prelevés : or, les investissements diminuent, alors que le fonctionnement coûtera 40 millions de plus. Les arguties de certains présidents de conseils régionaux n'ont convaincu personne. Au contraire, elles ont jeté le discrédit sur certaines collectivités régionales. Une commission d'enquête sur les finances locales vient d'être mise en place, elle établira les responsabilités de chacun. M. le Président - Merci, Madame la ministre déléguée. (« Gaymard ! Gaymard ! » sur les bancs du groupe socialiste) Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur - La décentralisation mérite mieux que ces manœuvres de politique politicienne auxquelles nous assistons. Elle sera mise en place telle que vous l'avez votée, avec l'assentiment des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. le Président - Le spectacle qui vient d'être donné est déplorable. Monsieur Bonrepaux, si vous ne voulez pas qu'on crie quand vous posez une question, ne criez pas vous-même. AVENIR DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE CORSE-MÉDITERRANÉE M. Simon Renucci - J'associe à ma question mes collègues des Bouches-du-Rhône. La Société nationale Corse-Méditerranée est un acteur essentiel de notre politique de continuité territoriale. Depuis longtemps, cette compagnie assure des obligations de service public et joue un rôle essentiel dans le développement du sud de notre pays, qu'il s'agisse de la Corse, de la Provence ou de Nice. Près de 10 000 emplois sont directement ou indirectement concernés. Selon certaines informations, les résultats d'exploitation de 2004 feraient apparaître des difficultés financières. Des rumeurs laissent penser que l'avenir même de la SNCM est menacé. Des déclarations ministérielles sur un appel à des capitaux privés ont provoqué un vif émoi chez mes concitoyens et suscité l'inquiétude des salariés et de leur famille. La première exigence est d'établir la vérité comptable. Les pertes seraient estimées à 28 millions, à rapporter aux 500 millions d'actifs et aux 110 millions de fonds propres. Il faut aussi tenir compte des missions de service public assurées par cette société. Les élus, la population et les salariés ne veulent pas d'un démantèlement ni d'une privatisation de la SNCM. La deuxième exigence est de maintenir l'égalité d'accès au transport. Une table ronde, obtenue grâce à la pugnacité de certains élus, se tiendra demain à Marseille. Pouvez-vous nous assurer que la SNCM restera une entreprise publique à part entière ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP) Quelles actions concrètes sont envisagées par le Gouvernement pour conforter sa mission de service public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - Vous abordez une question grave : l'avenir d'une grande entreprise qui emploie 2 400 personnes et qui assure des missions essentielles de service public. Cette entreprise rencontre des difficultés sérieuses : vous l'avez dit, ses pertes sont estimées à 28 millions, malgré une recapitalisation par l'Etat de 65 millions en 2003. Si nous ne trouvons pas de solution, elle ira vers des difficultés croissantes. Notre seul objectif est de garantir l'avenir de cette grande entreprise de transport. Aujourd'hui, suite au plan de redressement de 2003, et compte tenu des règles de la concurrence, ni l'Etat ni aucune collectivité publique ne peut, pendant dix ans, lui apporter de fonds propres. Or, elle en a besoin. Parce que nous refusons la vente par appartements de cette société et que nous voulons maintenir son unité, il nous apparaît utile de rechercher des actionnaires. Mais j'ai la volonté d'associer les collectivités locales ainsi que les représentants des salariés à la recherche d'une solution. Demain, à Marseille, je vais m'entretenir avec eux. L'engagement que je veux prendre, c'est qu'aucune solution ne sera définie sans une concertation étroite avec les partenaires concernés et en particulier les salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) SCOLARISATION DES ENFANTS HANDICAPÉS À LA RÉUNION M. René-Paul Victoria - L'intégration des personnes handicapées passe d'abord par une bonne insertion dans la vie scolaire, laquelle suppose à la fois des aides directes à l'accueil et à l'accompagnement des jeunes et une amélioration des accès aux établissements. A la Réunion, où la démographie est encore galopante, les problèmes sont plus nombreux qu'en métropole, dans ce domaine comme dans d'autres, et beaucoup de familles se retrouvent en grande détresse morale. D'où ma question, Madame la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées : combien de postes d'auxiliaires de vie scolaire allez-vous attribuer à la Réunion et que comptez-vous faire pour améliorer les accès aux établissements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - La scolarisation des enfants et des adolescents handicapés est déterminante pour leur future insertion sociale et professionnelle et la récente loi pour l'égalité des droits et des chances en a rappelé l'importance. L'académie de la Réunion mène en ce domaine une action très volontariste, puisque 2 300 enfants handicapés sont aujourd'hui scolarisés dans 135 classes d'intégration scolaire et 19 unités pédagogiques d'intégration, qui savent prendre en compte toutes les formes de handicap. 600 jeunes sont par ailleurs intégrés en milieu ordinaire, accompagnés pour un tiers d'entre eux par des auxiliaires de vie scolaire. A quoi il faut ajouter les places en services de soins et d'éducation spéciale à domicile. Ces chiffres tracent la feuille de route pour l'année scolaire 2005-2006. Ils nous permettent de voir par exemple qu'il faudra renforcer le nombre d'unités pédagogiques d'intégration et celui des places en SESAD. Je peux vous dire que, grâce au programme volontariste que nous avons dans ces deux domaines, la Réunion trouvera les réponses qu'elle est en droit d'attendre. J'ajoute que vous recevrez demain la visite de Mme Girardin. Nous travaillons ensemble à l'élaboration d'un plan d'action. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) TRANSPORT AÉRIEN ET NUISANCES SONORES M. Georges Tron - Monsieur le ministre des transports, le trafic aérien ne cesse de croître, en particulier en Ile-de-France. Or, 2,5 millions de personnes vivent à proximité des aéroports, 500 000 d'entre elles étant directement exposées aux nuisances sonores. Vous avez pris diverses mesures pour les rassurer, telles que la modification du périmètre des plans de gêne sonore et d'exposition aux bruits, la limitation du nombre de mouvements et l'interdiction du vol de nuit - mais nous avons le sentiment que certains voudraient revenir là-dessus. Nous nous inquiétons d'autre part du fait que les vols en direction des DOM-TOM soient assurés par des quadriréacteurs particulièrement bruyants. M.Dupont-Aignan et moi-même avions déposé une proposition de loi visant à accroître le montant des sanctions contre les compagnies ne respectant pas les normes de bruit. Que peut-on faire, Monsieur le ministre, pour limiter les nuisances et faire respecter la tranquillité des riverains ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - Depuis deux ans, nous avons pris beaucoup de mesures et, je vous rassure, nous ne reviendrons pas là-dessus. A Roissy, nous avons diminué fortement le nombre des vols de nuit et celui des avions les plus bruyants ; nous avons mis en place une taxe modulable pour encourager les vols de jour et nous avons fortement augmenté l'aide aux riverains les plus gênés. Va-t-on s'arrêter là ? Non. Nous avons beaucoup travaillé ensemble sur l'Essonne et je crois que nos efforts communs vont être récompensés plus vite que nous ne pensions. J'ai en effet reçu ce matin un coup de fil du président d'Air France- KLM, M. Spinetta, m'informant qu'il allait proposer à son conseil d'administration de remplacer rapidement les quadrimoteurs par des biréacteurs, qui font beaucoup moins de bruit, qui montent plus vite et qui passent donc à plus haute altitude au-dessus des habitations. J'espère que le conseil d'administration validera cette proposition et je n'ai qu'à me louer des efforts que nous avons faits ensemble pour obtenir ces résultats tangibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Mme Martine Billard - Suite aux premières manifestations de chercheurs au début de ce mois, faisant écho à celles de l'an dernier, vous avez, Monsieur le ministre, retardé la divulgation de vos intentions, de peur d'ajouter du mécontentement à celui que manifestent en ce moment enseignants et lycéens. Mais des fuites ont eu lieu et nous savons donc que votre avant-projet tord le cou aux propositions des états généraux de la recherche. L'ensemble des crédits de recherche seraient alloués par une agence ayant statut d'établissement industriel et commercial. Que deviennent donc les institutions existantes ? Les pôles de recherche et d'enseignement supérieur proposés par les chercheurs seraient transformés en « pôles de compétitivité » orientés vers l'utilisation à court terme par le secteur marchand, au risque d'un démembrement des universités. Dans ces conditions, que devient la recherche fondamentale ? Quelles avancées peut-on espérer pour la recherche médicale et technologique et quelle prise en compte du développement soutenable si les fonds publics sont absorbés par des impératifs mercantiles ? S'agissant des moyens, on est loin des 3 % du PIB. Dans ce paysage dégradé, la recherche en sciences humaines est particulièrement touchée. Le CNRS ne recrute pour ainsi dire plus, alors que de plus en plus de doctorants de très bon niveau sortent de nos universités et que des départs en retraite massifs sont prévisibles d'ici quelques années. A l'heure de la mondialisation et de la marchandisation de nos sociétés, qui pourrait nier la nécessité de constituer et de transmettre un savoir d'excellence ? Nous confirmez-vous que votre avant-projet a été totalement récrit ? Et quelles dispositions comptez-vous prendre pour sauver la recherche fondamentale dans notre pays, sans oublier les sciences humaines ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche - Il n'y a pas d'avant-projet de loi, mais un document de travail dont je démens qu'il soit l'amorce d'un projet de loi. Nous aurons des moyens pour la recherche, avec une programmation jusqu'à 2010 permettant d'atteindre l'objectif européen, que nous faisons nôtre, de consacrer à la recherche 3 % du PIB. En 2005, 2006 et 2007, 6 milliards de crédits publics lui seront attribués, au bénéfice de tous les secteurs, à commencer bien sûr par la recherche fondamentale et les recherches en sciences humaines, en sciences de la vie et en matière technologique, qui sont des priorités. Il n'y a pas de « marchandisation » de la recherche, comme l'idéologie vous le fait dire, mais une politique européenne et française de la recherche qui vise à l'excellence et qui veut s'appuyer sur un système d'évaluation efficace et transparent. S'agissant des moyens, je vous rappelle qu'entre 1998 et 2001, plus de 250 millions de crédits de recherche ont été annulés, et que le plan signé par M. Jospin prévoyait pour 2006 et 2007 des suppressions d'emplois ! La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 25.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école. M. Yves Durand - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58-2. Ce matin, à l'issue de la discussion générale, le Président de séance a annoncé que le Gouvernement avait déclaré l'urgence sur le projet pour l'avenir de l'école. Au nom du groupe socialiste, je m'insurge contre cette décision : comment accepter que le débat parlementaire soit amputé, s'agissant d'un projet qui, selon M. le ministre de l'éducation, engage l'avenir de l'école pour les quinze années à venir, un projet qui, selon le Président de la République lui-même, constitue l'un des chantiers majeurs de son quinquennat et qui, pour nous tous, concerne l'institution qui est par excellence au cœur de la République ? Nous n'acceptons pas que, pour cacher une copie bâclée, on nous impose un débat tronqué. M. Jean-Marie Le Guen - Très bien ! M. Yves Durand - Ce passage en force est-il la seule réponse du Gouvernement aux lycéens et aux enseignants, aux propositions que M. Ayrault, en particulier, a formulées hier ? M. le Président - Je vous remercie, Monsieur Durand. M. Yves Durand - Je termine. Nous ne voulons pas qu'au mépris des lycéens et des enseignants vous ajoutiez le mépris du Parlement. Nous demandons une suspension de séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. le Président - Vous êtes député depuis 1988, Monsieur Durand, et vous savez que le Gouvernement peut parfaitement, selon l'article 102 du Règlement, déclarer l'urgence en vertu de l'article 45 de la Constitution. M. Jean-Marie Le Guen - Nous le savons ! M. le Président - La déclaration d'urgence n'est pas discutable : il s'agit d'une faculté du Gouvernement. M. Jean-Marie Le Guen - On peut aussi légiférer par ordonnance ! M. le Président - Je vous rappelle que l'urgence a déjà été déclarée lors de la discussion de projets relatifs à l'éducation. M. Jean-Marie Le Guen - Ce n'est pas la question ! On ne change pas les règles en cours de discussion ! M. le Président - Puisque vous le prenez ainsi, Monsieur Le Guen, je vous conseille d'aller voir précisément si la précédente loi sur l'éducation n'a pas été examinée en urgence. M. François Liberti - Nous savons que le Gouvernement peut procéder ainsi, de même que nous savons que cette procédure a déjà été utilisée en d'autres circonstances, mais ce n'est pas la question. Le projet que vous présentez est vivement contesté. Nous venons d'ouvrir un débat pour proposer des alternatives, M. le ministre nous y ayant lui-même fortement invité, et le lendemain, le Gouvernement annonce le verrouillage de la discussion, témoignant ainsi de son manque de sang froid et de sa mesquinerie. Ce texte est dangereux, ses victimes potentielles le savent, et M. le ministre feint de l'ignorer. Nous demandons également une suspension de séance ainsi que le retrait de la procédure d'urgence. La séance, suspendue à 16 heures 30, est reprise à 16 heures 35. M. Jean-Marc Ayrault - Rappel au Règlement. Monsieur le Président, je pense que nous ne nous sommes pas bien compris. M. Durand a demandé une suspension de séance. Vous ne l'avez pas accordée, puis vous en avez accordé une après l'intervention de M. Liberti. Pour notre part, nous avions de bonnes raisons de faire cette demande. Or, le groupe socialiste n'a pas eu le temps de se réunir. Le Gouvernement a tout à fait le droit de demander l'urgence, certes. Mais il le fait lors de la présentation d'un projet en conseil des ministres, et les règles du jeu sont alors claires. Le débat a été jusqu'à présent de bonne tenue, et utile pour le pays. Et voilà que soudain, à la fin de la séance du matin, nous apprenons que le Gouvernement décide l'urgence sur ce projet. Il a ses raisons, mais cela change la donne, y compris pour la suite de nos travaux, et cela change le climat. Il prend ses responsabilités, nous prenons les nôtres. Mais j'ai besoin de réunir mon groupe pour arrêter notre stratégie, et je vous demande une suspension de séance qui me permette de le faire dans des conditions décentes. M. le Président - Je vous accorde une suspension de séance d'un quart d'heure. La séance, suspendue à 16 heures 40, est reprise à 17 heures. M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Notre débat est enfin engagé ; nos concitoyens vont pouvoir juger nos orientations et évaluer les contre-propositions de l'opposition. A M. le rapporteur, je renouvelle mes remerciements pour la qualité de son rapport (Approbation sur de nombreux bancs du groupe UMP) et la clarté de son éclairage, fondé sur l'expérience. Les orateurs de la majorité ont parfaitement saisi l'esprit du texte, qui est d'ouvrir le chemin de la réussite pour tous en recentrant les finalités éducatives et en personnalisant le soutien scolaire, comme M. Geoffroy l'a magistralement démontré. Face au statu quo l'UMP, mais aussi l'UDF, ont montré qu'elles recherchaient des solutions innovantes. Celles-ci peuvent certes, ici ou là, ébranler certaines habitudes de notre système éducatif. Lorsqu'un système s'essouffle malgré le dévouement des enseignants et les efforts financiers de la nation, il incombe au politique de revisiter les pratiques et les missions du service public. Ne pouvant répondre individuellement à la quarantaine d'orateurs qui ont évoqué avec cœur leur vision de l'école, je vais tenter de saisir l'essentiel de leurs interventions. Certains orateurs de l'opposition ont regretté l'absence de consensus sur cette réforme, voire réclamé son retrait. Mais en France, 60 millions d'avis existent sur l'école. M. Patrick Roy - Non, non ! M. le Ministre - Les débats sont encore marqués par les clivages idéologiques, les querelles entre les disciplines et les méthodes, voire entre les parents d'élèves et le corps enseignant. Espérer un consensus général, Messieurs Ayrault et Liberti, est une utopie, à moins de choisir l'immobilisme (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP), en finançant le statu quo et le silence ! La réforme passe donc par des choix, fussent-ils critiqués et momentanément contestés. L'opposition fait mine de croire que ce projet surgit de nulle part. Mais peu de lois ont fait l'objet d'une telle confrontation d'idées : un an de débats, 25 000 réunions auxquelles ont participé des centaines de milliers de Français, deux concertations avec la communauté éducative sur les conclusions du rapport Thélot, puis sur nos propositions. Il est inexact de prétendre que le rapport ne serait pas à la source du projet. Le parti socialiste critique l'ambition de la réforme, mais il se réfère aux travaux de la commission, qui ne mentionne pas, soit dit en passant, le nom de M. Durand dans son rapport. Nous avons en réalité retenu nombre de propositions du projet qui semble avoir l'aval du parti socialiste : le socle, que nous avons enrichi, le soutien, la priorité aux langues vivantes. Commençons par les propositions que nous n'avons pas retenues. Il y a d'abord l'apprentissage obligatoire de l'anglais dès le primaire. Je rends justice à la position courageuse de M. Thélot qui a défendu ce choix fait par les pays nordiques. En France, nous restons attachés à la diversité linguistique - et pas seulement en Alsace ! Ma philosophie ne m'incline d'ailleurs pas à multiplier les obligations : les parents et les élèves doivent être informés, mais c'est à eux de choisir. Au reste, seuls 3 % des élèves ne font pas d'anglais de toute leur scolarité. Je n'ai pas davantage retenu l'abaissement à 5 ans de l'âge de la scolarité obligatoire. Plus de 95 % des élèves sont scolarisés avant leur sixième anniversaire, mais il n'y a pas de raison de contraindre les familles qui font le choix contraire, d'autant que certains y voient une menace pour la maternelle. Notre école maternelle est une réussite : ne la fragilisons pas. M. Guy Geoffroy - Très bien. M. le Ministre - La création d'un statut du lycéen professionnel assorti d'une rémunération est une fausse bonne idée : ce serait renforcer l'attraction pour les filières professionnelles au détriment des autres séries et accentuer le biais sociologique dans les choix d'orientation. J'ai préféré que des bourses au mérite s'ajoutent aux bourses sur critères sociaux. La commission proposait une organisation très structurée des établissements scolaires que j'ai jugée trop lourde. Je me borne donc à l'institution du conseil pédagogique. Elle suggérait également de faire évoluer le métier d'enseignant en prévoyant que trois à six heures par semaine soient consacrées à l'accompagnement des élèves. Mais l'article 912-1 du code de l'éducation, issu de la loi de 1989, inclut déjà ces missions dans celles des enseignants, et il ressortait des discussions avec les syndicats que le temps d'enseignement serait inévitablement amputé par cette tâche. Enfin, il est délicat de quantifier cette partie du métier d'enseignant auquel beaucoup consacrent déjà bien plus de trois heures par semaine. Les mesures proposées par le rapport représentaient un coût total d'environ 8 milliards d'euros, à rapporter aux 56 milliards du budget de l'éducation nationale. Ce montant n'était pas raisonnable. La commission proposait aussi qu'une Haute autorité se substitue au ministre pour décider du socle et des programmes. Je préfère en rester au principe démocratique : le Gouvernement, mandaté par la nation, gouverne. Le sujets éducatifs ne doivent pas être confisqués par des experts dont l'avis est malgré tout précieux : c'est pourquoi sera créé un Haut conseil qui pourra éclairer le Gouvernement. Je n'ai pas retenu la création d'établissements publics locaux regroupant des écoles voisines : le lien entre la commune et son école primaire est trop fort pour être ignoré. Mme Catherine Génisson - Cela existe déjà avec les RPI ! M. le Ministre - Je n'ai pas voulu le rendre obligatoire. Si c'est le cas, dites que vous êtes pour le regroupement des écoles primaires dans un cadre intercommunal ! Pour ma part, je ne crois pas que notre pays y soit prêt. Nous avons en revanche retenu un brevet refondu qui sanctionnera l'acquisition du socle, une meilleure différenciation des filières au lycée, la simplification de la voie technologique, le développement des formations et des diplômes dans le secteur sanitaire et social, la rénovation de la série littéraire, la contractualisation des établissements avec l'académie, la réorganisation de la formation des enseignants et leur affectation dans leur académie de formation. Si nous pouvons certifier aux Français que tous les élèves maîtriseront le socle de connaissances et de compétences indispensable, qu'ils parleront une langue étrangère, qu'il n'y aura plus de classes sans professeurs (Murmures sur les bancs du groupe socialiste)... M. Daniel Paul - Ce n'est pas sérieux ! M. le Ministre - ...que les enseignants seront formés à la maîtrise de leur discipline comme à la pratique de leur métier, nous aurons vraiment œuvré pour l'avenir. M. Alain Néri - Paroles, paroles... Mme Arlette Franco - Que n'avez-vous agi ! M. le Ministre - Beaucoup de contradictions se sont fait jour. Elles sont révélatrices des hypocrisies trop longtemps accumulées sur l'école. Hypocrisie sur les objectifs et sur les résultats : l'école doit tout faire, doit dispenser à tous tous les enseignements, mais derrière cette façade égalitaire, les résultats stagnent au détriment des catégories les moins favorisées. Hypocrisie sur les moyens consacrés à l'école au regard des résultats obtenus : depuis vingt ans, le nombre des enseignants a augmenté de plus de 100 000 quand celui des élèves diminuait de 500 000, et le budget de l'éducation nationale est en constante progression. La question des moyens ne peut plus être posée sans une redéfinition de l'organisation de notre système éducatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) M. Jean-Pierre Blazy - Vous applaudissez à la réduction des moyens ! M. le Ministre - Mon projet incarne la justice scolaire contre la façade égalitaire. Beaucoup, à gauche, ont évoqué les ZEP. Je le redis, l'effort consenti en leur faveur sera maintenu. M. Jean-Pierre Blazy - Ce n'est pas vrai ! M. le Ministre - La loi ne modifie pas les textes relatifs aux ZEP. Avec les contrats individuels de réussite éducative, elle offre en revanche des moyens supplémentaires qui iront en priorité aux ZEP. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) M. Jean-Pierre Blazy - Quels moyens ? M. le Ministre - C'est un peu court comme argumentation ! Le discours de M. Ayrault avait une autre tenue que les cris qu'on entend aujourd'hui sur les bancs du parti socialiste... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Le président du groupe socialiste a évoqué la possibilité de recentrer les aides sur les zones les plus en difficulté. Je suis prêt à ouvrir ce débat, à condition que tout le monde soit d'accord pour s'y engager sans arrière-pensées. Car il faut alors accepter d'évaluer les ZEP et de sortir du classement les établissements qui n'ont plus de raison d'y figurer. Je ne crois pas que nous y soyons prêts. Hypocrisie sur une des missions du système éducatif, préparer nos jeunes à un métier. On semble regretter, tout en évoquant les filières professionnelles, que l'école ne prodigue pas exclusivement un enseignement académique. Certains s'insurgent même sur la relation qu'elle entretient avec le monde du travail ! C'est absurde et injuste à l'égard de ceux qui choisissent les filières pratiques. Le bac professionnel pourra être préparé en trois ans au lieu de quatre. L'enseignement professionnel peut être développé s'il est en adéquation avec les perspectives d'emploi. Dans la série technologique, nous allons concentrer le dispositif sur des dominantes plus lisibles et plus attrayantes. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Voulez-vous que je cite Jean-Luc Mélenchon ? « Je suis en guerre contre cette mentalité engendrant l'humiliation qui considère la voie professionnelle comme une voie de relégation. C'est un signe de mépris pour les technologies et les sciences. » M. Mélenchon a raison. Cette voie professionnelle, c'est à nous de lui redonner ses lettres de noblesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Gage de justice et de qualité, l'exigence d'un socle commun n'est pas exclusive. Or, nous avons vu revenir la hantise d'un « SMIC culturel ». Rien n'est retiré des programmes, mais il est temps de donner à l'école une obligation de résultat. Cette exigence d'un socle est attendue depuis trente ans. Tous les experts, de droite comme de gauche, ont souligné sa nécessité pour combattre l'exclusion scolaire. La pire des exclusions, c'est l'illettrisme, c'est la non maîtrise des fondamentaux, qui bouche toute perspective professionnelle et sociale. C'est là le principal défi que ce projet nous permettra de relever. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Les autres disciplines ne seront pas exclues, mais complémentaires. Il faut faire taire les rumeurs et les craintes sans fondement. Il n'y aura aucun changement dans l'enseignement de l'éducation physique ou des disciplines artistiques. Il est vrai que j'avais proposé que le sport soit en option au brevet. M. Henri Emmanuelli - C'était une erreur. M. le Ministre - Je rappelle que le brevet, aujourd'hui, n'est pas obligatoire, ni même national. C'est ce projet qui va le rendre national et obligatoire. Il m'avait semblé qu'il fallait permettre aux élèves de se constituer un panier d'options en rapport avec leurs talents. Il y a en effet un risque à reproduire le schéma du baccalauréat général. Il faut permettre au candidat au brevet qui aime le sport, la musique, la technologie, de faire valider son excellence au même titre que celui qui préfère le latin ou les langues vivantes. Telle était l'inspiration du Gouvernement. Si l'on ajoute le sport parmi les disciplines obligatoires, cela ne change pas en profondeur le dispositif et le Gouvernement accepte l'amendement déposé en ce sens par le groupe UMP. M. François Rochebloine - Et le groupe UDF ! M. le Ministre - Oui, avec le groupe UDF. Beaucoup d'orateurs ont évoqué le rôle des parents et des enfants. Cette réforme donne aux parents l'assurance que des moyens nouveaux seront consacrés à la lutte contre la violence scolaire, avec la multiplication des classes relais. Le remplacement des enseignants sera mieux organisé. Au moins deux rencontres annuelles avec l'enseignant seront obligatoires pour renforcer le suivi de la scolarité. Les parents participeront davantage à l'élaboration du projet d'école. Et pour la première fois, le rôle des associations de parents d'élèves sera reconnu dans la loi. Beaucoup de lycéens manifestent contre certaines dispositions du projet. Je suis sensible à leurs craintes et attentif à leur message, mais la situation de l'école exige le changement. Ce projet est pragmatique, précis et innovant. J'invite ses opposants à ne pas dire non au bon sens. Trois heures hebdomadaires seront consacrées aux élèves en difficulté. Nous triplons le nombre des bourses au mérite et quintuplons les dispositifs relais. Qui peut affirmer qu'il n'y a pas là une réelle avancée ? La question des moyens a plusieurs fois été soulevée par l'opposition, à croire qu'elle est leur seule préoccupation. Notre rapporteur a rédigé l'amendement qui donne une traduction chiffrée du dispositif : 321 millions pour le soutien scolaire, 50 000 bourses au mérite en plus des 25 000 actuelles, 1 520 postes d'infirmières, 1 000 unités pédagogiques d'intégration des handicapés, 68 millions supplémentaires pour la formation des enseignants, 1 000 nouveaux dispositifs relais, 10 000 équivalents temps plein en langue vivante... Voilà du concret ! M. Henri Emmanuelli - Comment financez-vous ? M. le Ministre - Déclarer l'urgence sur ce projet est naturel. Certaines mesures pourront s'appliquer dès la rentrée prochaine. M. Guy Geoffroy - Très bien ! M. le Ministre - C'est aussi la marque de notre détermination. Personne ne doit en douter, le temps de l'action est venu. « La mission des hommes et des femmes qui font accéder les jeunes au monde de la connaissance constitue une responsabilité primordiale », disait le général de Gaulle. En 1960, nous avons créé le collège d'enseignement général. Puis, en 1975, René Haby a créé le collège unique. La majorité, héritière de cette tradition réformatrice, s'emploiera à garantir l'égalité des chances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Pierre Blazy - Vous n'êtes pas les héritiers, mais les fossoyeurs ! Mme Martine David - Rappel au Règlement. Yves Durand et le président Ayrault ont dénoncé le coup de force du Gouvernement. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Certes, l'urgence est une procédure conforme à notre Règlement. Mais la brutalité du procédé est tout à fait condamnable. Le Gouvernement, qui pouvait déclarer l'urgence hier, change la procédure en milieu de discussion, ce qui est anormal. Dans sa réponse, le ministre a trouvé « naturel » de déclarer l'urgence sur un texte aussi fondamental. Cela fait quinze ans que nous n'avons pas eu une loi de ce type. Est-il vraiment « naturel » de légiférer dans l'urgence alors que nous préparons les quinze années à venir ? Nous pensons que les manifestations, les déclarations d'hostilité sont pour vous gênantes. Dans le contexte politique actuel, vous ne souhaitez pas que le débat se prolonge. En l'absence d'une réponse satisfaisante du ministre, nous devons de nouveau réunir notre groupe. Je demande une suspension de séance. M. le Président - La suspension est de droit. La séance, suspendue à 17 heures 25, est reprise à 17 heures 35. MOTION DE RENVOI EN COMMISSION M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement. M. Yves Durand - Je ne pensais pas, Monsieur le ministre, que vous apporteriez une justification supplémentaire à notre motion de renvoi en commission en déclarant l'urgence comme vous l'avez fait, c'est-à-dire par surprise, en fin de discussion générale. Ne pensez-vous pas que l'avenir de l'école mérite mieux qu'un débat tronqué ? A vous entendre, on croirait que nous ne parlons pas du même texte. Celui que nous lisons ne contient en effet que des dispositions qui contredisent les objectifs que vous vous plaisez à énumérer. Et surtout, où allez-vous trouver les crédits que vous prétendez consacrer à votre réforme ? M. Henri Emmanuelli - Ils ne sont même pas votés ! M. Yves Durand - Si vous ne nous le dites pas, c'est bien la preuve que vous vous contentez d'annonces, créant ce faisant, une nouvelle fois, un climat de défiance autour d'un sujet important. Vous aviez pourtant une chance que peu de ministres de l'éducation ont eue avant vous : trouver un consensus sur la nécessité de réformer l'école. Il est faux de prétendre, en effet, comme vous le faites qu'il y aurait d'un côté les partisans de la réforme, de l'autre les tenants de l'immobilisme, catégorie dans laquelle vous rangez pêle-mêle aussi bien l'opposition que les syndicats d'enseignants, les parents d'élèves et les lycéens, bref tous ceux qui ne sont pas d'accord avec vous. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Dans le même esprit, Nicolas Sarkozy a conclu son propos en déclarant au sujet des opposants à la réforme : « Puisqu'ils ne sont pas d'accord avec nous, nous n'avons pas besoin d'eux ! » Il est vrai qu'il tentait de mobiliser des troupes UMP que votre projet n'enthousiasmait guère... Vous n'êtes donc pas le seul, Monsieur le ministre, à comprendre que l'école a besoin d'une réforme. Mais contrairement à ce que vous dites, celle que vous proposez n'est pas la seule possible et, elle n'est pas le point d'équilibre entre 60 millions d'avis, pour utiliser votre formule. Depuis la Libération, toutes les lois sur l'école ont eu pour ambition d'élever le niveau général et d'ouvrir à tous les enfants les portes du savoir. On pourrait citer la réforme Haby créant le collège unique, la réforme Savary créant les ZEP pour donner plus à ceux qui en ont le plus besoin, ou la loi de 1989 de Lionel Jospin. Nous sommes, quant à nous, fiers de notre bilan. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Aujourd'hui, tous les acteurs de l'éducation reconnaissent que l'école a besoin d'un nouveau souffle pour redevenir le facteur essentiel de l'égalité des chances, et donc de la cohésion sociale. Vous avez cette chance de partir d'un diagnostic partagé et vous êtes, je le crains, en train de la gâcher. Le débat qui a eu lieu tout au long de l'année 2003 aurait pourtant dû vous éclairer et vous inciter à l'ambition. Au lieu de cela, supercherie et renoncement ! Supercherie, car la réalité est bien différente de vos annonces. La réalité, ce sont en effet toutes les suppressions de postes qui se préparent ou qui ont déjà eu lieu. Renoncement, car on est ici bien loin de l'ambition qui animait le projet Langevin-Wallon ou encore... Plusieurs députés UMP - Allègre ? M. Yves Durand - Oui, il avait de l'ambition pour l'école mais vous ne l'avez pas soutenu. M. André Schneider - C'est vous qui l'avez éjecté ! M. Yves Durand - Vous n'avez pas d'autre objectif que de chercher à contenter les revendications les plus immédiates des différentes catégories d'utilisateurs de l'école. Vous avez d'ailleurs explicité dans un entretien au Monde votre conception consumériste de l'école. Aux enseignants, « un peu de liberté pédagogique ». On ne sait pas d'ailleurs très bien en quoi cette liberté consiste. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) J'ai été enseignant pendant trente ans (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et j'ai exercé avec passion. En tant que fils d'instituteur et en tant qu'enseignant, l'école, j'y tiens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Dans ma classe, je n'ai jamais ressenti d'atteinte à ma liberté, qui était plutôt mon devoir, de mettre au service de ma mission d'enseignant tout ce que j'avais dans le cœur et dans l'esprit (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Sans doute parlez-vous de liberté pédagogique pour faire avaler aux enseignants la pilule d'une augmentation de service déguisée - votre système de remplacement, par lequel vous tentez de calmer les parents d'élèves que, par ailleurs, vous écartez de toutes les décisions concernant leurs enfants (Même mouvement). En réalité, Monsieur le ministre, votre projet était écrit dès votre arrivée au ministère car vous n'avez que deux objectifs. Le premier est de faire des économies budgétaires et de participer à la politique de réduction massive du nombre de fonctionnaires, qui s'accompagne d'une baisse des impôts pour les plus favorisés. Chacun ici sait que les établissements scolaires constatent en ce moment même, en recevant leur dotation, les coupes claires que vous faites dans leurs moyens : 5 500 postes d'enseignants supprimés dans le secondaire, à peine 700 créés dans le primaire, ce qui ne suffira pas pour encadrer les 45 000 élèves supplémentaires - chiffre qui contredit votre sempiternel argument d'une prétendue baisse des effectifs. Il faut ajouter la suppression de postes de surveillants et d'aides éducateurs : en trois ans, vous aurez sacrifié des milliers de postes d'encadrement ; et vous prétendez lutter contre la violence à l'école ! Il est vrai que vous préférez faire des coups médiatiques, en envoyant des policiers fouiller des cartables à l'entrée des collèges devant les caméras de télévision (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). M. Patrick Roy - C'est scandaleux ! M. Yves Durand - Nous avons une autre conception de la lutte contre la violence à l'école. Apparemment, la plupart des policiers aussi, si l'on en juge par les déclarations de beaucoup de leurs syndicats. Pour revenir aux suppressions de postes d'enseignants, Monsieur le ministre, je vous ai entendu hier, en réponse à M. Liberti, remettre en cause la scolarisation des enfants de deux ans. M. le Ministre - Pour des raisons précises. M. Yves Durand - Dans le Nord, qui paie chèrement votre politique - près de 1 000 postes supprimés -, on va fermer des classes de maternelle, ce qui va entraîner une chute du taux de scolarisation des enfants de 2 ans. Pourtant, celle-ci avait été développée par l'ensemble des inspecteurs d'académie depuis quinze ans, sous les gouvernements de droite comme de gauche, parce que tout le monde considérait que, même si l'école maternelle ne répond pas à tous les besoins d'un enfant de deux ans, la scolarisation était particulièrement souhaitable dans certains cas dramatiques sur le plan social et culturel. M. le Ministre - Ce ne sont pas ces enfants-là qui vont à l'école à 2 ans. M. Yves Durand - Nous, nous voulons faire de l'école maternelle l'un des maillons les plus forts et les plus dynamiques de notre école, reposant sur une véritable politique publique de la petite enfance, dont vous ne parlez absolument pas dans votre projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Pierre Cardo - C'est un projet sur l'école, pas sur la petite enfance ! M. Yves Durand - Votre deuxième objectif est de donner à l'école une mission purement utilitaire. Nous en reparlerons dans la discussion des articles, à propos du socle de connaissances et de compétences. Nous, nous voulons un socle commun. M. Guy Geoffroy - C'est le projet ! M. Yves Durand - Non, il supprime l'adjectif « commun », et c'est bien le problème. Nous nous battrons pour le réintroduire, afin d'assurer l'égalité des chances ! Comment s'étonner que ce projet bâclé fasse l'unanimité contre lui ? Les enseignants le rejettent, non pas pour des raisons corporatistes comme vous le prétendez. MM. Alain Gest et Bernard Deflesselles - Vraiment ? M. Yves Durand - Au printemps 2003, ils s'étaient élevés contre une réforme qui était déjà la vôtre, Monsieur le ministre, celle des retraites. Plusieurs voix socialistes - Eh oui ! M. le Ministre - La changerez-vous ? En prenez-vous l'engagement ? M. Yves Durand - Ils s'étaient élevés aussi contre une fausse décentralisation qui tentait de camoufler un démantèlement du service public. Ils ont démontré leur attachement à une école de qualité pour tous. Je crains que vos bonnes paroles ne leur fassent pas oublier que vous les aviez méprisés et matraqués en 2003. Aux parents d'élèves, vous refusez la véritable coresponsabilité éducative qu'ils demandent. L'on a donc vu, fait exceptionnel, les trois présidents de leurs grandes fédérations, du public et du privé, signer ensemble un article dans la presse pour rejeter votre projet. Quant aux lycéens, ils veulent avoir les mêmes chances quels que soient leur lycée et le quartier dans lequel ils vivent. Vous négligez le problème des inégalités territoriales, alors qu'il est essentiel de lier la lutte contre les inégalités scolaires à une véritable politique de la ville : cette politique, où est-elle ? M. Pierre Cardo - Dans le plan de cohésion sociale ! M. Yves Durand - La seule réponse que vous apportez à l'inquiétude des jeunes, c'est le sempiternel procès en manipulation ! Mépris pour eux, mépris pour ceux que vous soupçonnez d'être des manipulateurs. Vous avez eu à ce sujet sur les enseignants des propos quelque peu déplacés. M. Henri Emmanuelli - M. Fillon a des antécédents ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) M. Yves Durand - Où est l'origine de cette fracture entre le monde de l'école et votre gouvernement ? Depuis trois ans, vous ne cessez de considérer les jeunes comme des éléments dangereux, mais n'est-ce pas plutôt votre politique qu'il faudrait contenir et contrôler, à la porte des collèges et des lycées ? M. Alain Gest - Irresponsable ! M. Yves Durand - Pourquoi n'avez-vous pas entendu, dès l'annonce de vos propositions lors d'une émission de télévision le 18 octobre, les critiques convergentes qu'elles suscitaient ? Ces critiques ont été confirmées le 16 décembre dernier par un vote quasi unanime du Conseil supérieur de l'éducation. Je n'insiste pas sur l'avis du Conseil d'Etat, les observations du Président du Conseil constitutionnel et le rappel à l'ordre du Président de notre assemblée. Vous avez été obligé d'amender votre texte en urgence, ajoutant la confusion à l'approximation. C'est pour éviter à l'Assemblée de débattre d'un texte virtuel que le groupe socialiste vous a solennellement demandé mardi dernier de reporter l'examen de ce texte. Vous avez une fois de plus repoussé cette demande d'un revers de la main. Aujourd'hui, à l'approximation et à la confusion s'ajoute la pagaille provoquée par vos déclarations successives et contradictoires à propos du groupe de travail sur la réforme du bac. Qu'en adviendra-t-il ? Quand se réunira-t-il ? Quelles sont vos intentions ? Nous espérons une réponse claire. Toute réforme suppose un climat de confiance, des objectifs clairs et des propositions cohérentes formulées après concertation. Or, vous n'avez su réunir aucune de ces conditions. M. Patrick Roy - M. le ministre ne vous écoute pas, il lit ! M. Yves Durand - M. le ministre peut sans doute lire et écouter à la fois. M. le Président - C'est précisément pour cela qu'il est ministre (Sourires). M. Yves Durand - Vous n'avez jamais voulu réellement prendre en compte le rapport Thélot... M. Guy Geoffroy - Quel culot ! M. Yves Durand - ...En effet, le projet ne comporte rien sur l'autonomie des établissements dans le cadre des objectifs nationaux d'éducation, rien sur la scolarisation de la petite enfance, rien sur le délicat passage du second degré à l'enseignement supérieur - comment, dans ces conditions, faire en sorte que 50 % d'une classe d'âge accède aux diplômes de l'enseignement supérieur ? M. Pierre Cardo - Cela vous va bien de tenir pareils propos alors que vous n'avez rien fait. M. Yves Durand - Plus grave encore : à aucun moment vous ne liez inégalités sociales et échec scolaire. Vous n'écoutez pas non plus les avis formulés dans votre propre ministère - je pense en particulier à ceux du Haut conseil de l'évaluation... M. Pierre Cardo - Il faut dire que ses conseils... M. Yves Durand - ...Haut conseil qui a par exemple insisté sur l'inefficacité et même la nocivité du redoublement quand vous persistez au contraire à le rétablir subrepticement. Les mesures que vous préconisez contredisent les objectifs que vous vous assignez. Vous avez ainsi affirmé dans Le Monde que ce projet se situait pour une part dans la lignée du texte de 1989 - ce dont nous pourrions nous féliciter - alors qu'il est en rupture totale. M. Guy Geoffroy - Vous redevenez dogmatique. M. Yves Durand - Vos objectifs sont en effet les mêmes : 100 % d'une classe d'âge obtenant un diplôme ou une qualification, 80 % d'une génération au niveau du bac, mais vous ne vous donnez pas les moyens de les atteindre. Au demeurant, vous utilisez toujours la même technique : le dévoiement d'une juste revendication (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Ainsi, le socle commun de connaissances et de compétences constitue-t-il une belle idée mais à condition précisément qu'il soit « commun » : or, l'article 6 n'évoque qu'un « ensemble » de connaissances et de compétences. Nous refusons l'idée d'un socle minimum destiné aux seuls enfants défavorisés... M. Pierre Cardo - L'égalité n'est pas l'égalitarisme. Les enfants des quartiers ont payé cher cette confusion. M. Yves Durand - ...quand d'autres pourraient, avant même la fin de la scolarité obligatoire, découvrir ce que vous considérez sans doute comme étant superflu : les arts et la culture. M. Pierre Cardo - Comment accéder à la culture sans disposer des bases nécessaires ? M. Yves Durand - Nous regrettons que les classes à projets artistiques et culturels n'aient plus les moyens de fonctionner. M. Henri Emmanuelli - Absolument ! M. Yves Durand - Aux inégalités sociales, vous ajoutez les inégalités scolaires. M. Pierre Cardo - Votre discours est dépassé. M. Yves Durand - Le socle commun constitue un minimum utilitaire ... M. Pierre Cardo - Dont beaucoup aimeraient disposer ! M. Yves Durand - ...pour tous les élèves que vous considérez comme inaptes aux études alors qu'un vrai socle commun devrait permettre à tous d'accéder aux savoirs. En aucun cas votre projet ne favorisera la formation tout au long de la vie : en renonçant à l'excellence pour tous, vous n'aiderez pas les jeunes à s'adapter aux emplois futurs et vous favoriserez ainsi le développement du chômage. En ce qui nous concerne, ce socle commun d'excellence, nous voulons en faire profiter tous les jeunes qui terminent la scolarité obligatoire. Mme Arlette Franco - On a vu le résultat ! M. Yves Durand - Pour cela il faut donner à chaque élève la possibilité d'avancer à son propre rythme et lui appliquer une pédagogie qui lui soit adaptée. Mme Arlette Franco - C'est dans la loi ! M. Yves Durand - Mais non ! M. Guy Geoffroy - Il faut la lire ! M. Yves Durand - Tous les enseignants l'ont dit,... Mme Arlette Franco - J'ai été enseignante, comme vous ! M. Yves Durand - A partir du moment où l'on rétablit le redoublement, qui est devenu pour vous une sorte de mythe,... Plusieurs députés UMP - Pas du tout ! M. Yves Durand - ...on détruit les cycles d'apprentissage et on empêche toute pédagogie sur le socle commun... M. le Ministre - C'est du délire. M. Yves Durand - ...et toute égalité des chances. M. Patrick Roy - La loi Fillon, c'est la fin des cycles ! M. Guy Geoffroy - Les enseignants vont être édifiés. M. Yves Durand - Accompagner chaque élève à son rythme, en tenant compte de son histoire, de sa culture d'origine, de son développement personnel, tel est le beau principe de la loi de 1989, ainsi résumé : mettre l'élève au centre du système éducatif. Mais l'élève est complètement absent de votre projet. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Revendiquer l'excellence pour tous, c'est aussi parier que chaque jeune a les possibilités de l'atteindre si on lui en donne les moyens et si on ne transforme pas la scolarité en compétition permanente, en course d'obstacles excluant les plus faibles, ceux que leur milieu social n'y a pas préparés. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) M. Pierre Cardo - Ce sont les enseignants qui prononcent des exclusions, personne d'autre ! M. Yves Durand - Que signifie le fait de mettre des jeunes dans des filières de relégation ? M. Pierre Cardo - Mais qui en décide ? M. Yves Durand - Que signifie cet apprentissage de la vie professionnelle pour les seuls élèves en difficulté en classe de troisième ? Mme Arlette Franco - Ce n'est pas vrai ! M. Yves Durand - Pourquoi, dans le projet Borloo, prévoit-on pour des enfants de 13 ans des stages en entreprise ? Parce qu'ils ne réussissent pas ou qu'ils gênent ? M. Pierre Cardo - Dans quel mépris vous tenez les technologies ! M. Yves Durand - Au-delà de vos grandes proclamations, ce sont les faits. M. Jean Le Garrec - Remarquable ! M. Pierre Cardo - N'importe quoi ! M. Yves Durand - Ce sont vos projets ! M. Pierre Cardo - Mais non, lisez-les donc ! M. Yves Durand - La sélection cachée que vous instaurez avec la nouvelle classe de troisième rompt avec la continuité éducative sans laquelle ne peut exister ce socle commun dont vous nous rebattez les oreilles. Ce socle n'est donc qu'un leurre, une supercherie. M. Pierre Cardo - Il y a longtemps que vous avez quitté l'enseignement ! M. Yves Durand - Plus on offre des filières de façon précoce, plus on accentue l'inégalité sociale. C'est ce que vous faites en réservant en troisième la découverte professionnelle, pour trois ou six heures, aux seuls élèves en difficulté. M. le Ministre - C'est faux ! Les 3 heures de découverte sont pour tous. Mme Sylvia Bassot - Il faut lire le texte ! M. Yves Durand - Nous en discuterons, mais c'est à tous que doit s'adresser la découverte. M. Pierre Cardo - Il vous faut un accompagnement personnalisé sur ce texte ! M. Yves Durand - Enfin, le socle commun doit être autre chose qu'une série de disciplines juxtaposées. Il faut donc réfléchir à leur cohérence, pour leur donner du sens, et d'abord aux yeux de ceux auxquels on enseigne. M. Gaëtan Gorce - Très bien. M. Yves Durand - Il n'y a pas d'autorité réelle, d'enseignement véritable si l'on n'en comprend pas le sens. C'est l'objet du travail mené en 1998 et 1999 sur les programmes de lycée. M. Pierre Cardo - Avec le succès que l'on sait. M. Yves Durand - Pour construire ce socle, il fallait lancer une réflexion sur la pluridisciplinarité et le décloisonnement des disciplines, qui nécessitent davantage de travail en équipe. Dans ce domaine, vous vous contentez de supprimer le Conseil national des programmes, remplacé par un Haut conseil de l'éducation dont la composition ne le prédispose pas à engager un tel travail. Dans la mission d'information que préside M. Périssol sur les connaissances qui doivent figurer dans le socle commun, tous ceux que nous avons entendus, enseignants, parents d'élèves, chercheurs, chefs d'entreprise, ont dit qu'il fallait un socle commun à tous les élèves pour lequel on redéfinirait le champ des disciplines. Je regrette que vous n'ayez pas pris le temps d'attendre la fin des travaux de cette mission pour vous inspirer de ses grandes orientations. M. Jean-Pierre Blazy - Mais il y a urgence ! M. Yves Durand - Selon la dernière enquête internationale PISA, ce n'est pas l'autorité des maîtres qui fait défaut, et nos élèves font preuve d'une relative aisance dans les activités qui ont un support scolaire, mais manquent d'autonomie dans leur expression. Ils savent restituer les acquis, mais il leur manque l'esprit critique. C'est aux élèves que vous auriez d'abord dû penser en inscrivant la liberté pédagogique dans votre projet. C'est bien pour favoriser cet apprentissage de l'autonomie qu'on a instauré les TPE. Mme Marylise Lebranchu - Absolument. M. Yves Durand - Guidés par les enseignants, les élèves prenaient confiance en eux-mêmes et se préparaient aux méthodes de l'enseignement supérieur. Cette pratique, certes accueillie d'abord avec fraîcheur par les enseignants,... M. Guy Geoffroy - C'est le moins qu'on puisse dire ! M. Yves Durand - ...a fini par faire l'unanimité. Et aujourd'hui, vous supprimez les TPE, sans concertation, avant même que nous ayons pu en discuter, puisque la mesure ne figure pas dans les articles du projet. Vous prétendez faire du socle commun de connaissances le cœur de votre projet, et cela aurait mérité d'être. Mais vous en détournez le sens pour masquer une politique fondamentalement inégalitaire. Avec votre minimum utilitaire et la suppression, faute de moyens, de bien des classes à projet artistique et culturel, vous fermez les portes de la culture à des milliers de jeunes pour lesquels l'école était la seule chance d'y accéder. Vous transformez notre école républicaine en une machine qui reproduit et, je le crains, accentue les inégalités. Un véritable socle commun mettant à égalité les jeunes qui sortent de l'école obligatoire et vont choisir leur voie est une exigence pour la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Vous y renoncez. Pour notre part, nous proposons ce véritable socle commun, qui nécessite une continuité de la maternelle à la fin de la scolarité obligatoire, excluant donc toutes les ruptures, tous les redoublements qui brisent les élèves les plus fragiles (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). M. Pierre Cardo - Il fallait faire un projet quand vous aviez la majorité. M. Yves Durand - Notre socle commun suppose une pédagogie véritablement individualisée, un décloisonnement des classes, mais aussi le temps et l'espace scolaires, pour œuvrer au plus près de chaque élève. Telles sont les orientations que nous voulons pour l'école de la République. Une disposition centrale de votre projet est, selon vous, le contrat individuel de réussite éducative. M. Jean-Pierre Blazy - La grande illusion ! M. Yves Durand - Cette mesure a suscité de telles critiques que votre propre majorité en a modifié l'appellation : le contrat est devenu programme, et au lieu d'être individuel il sera personnalisé. Mais le contenu reste le même. Or il est à la fois inefficace et dangereux. Inefficace, parce que les difficultés scolaires ne se résoudront pas en imposant des heures supplémentaires à des élèves déjà en voie de déscolarisation (Protestations sur les bancs du groupe UMP). M. Pierre Cardo - Allez voir les écoles des quartiers défavorisés et les autres : dans les premières, les élèves ont dix minutes d'enseignement par heure de cours, et dans les secondes cinquante minutes ! M. Yves Durand - Comme le redoublement, cette mesure est inutile, voire nocive. Ces élèves saturés par l'école n'ont pas besoin d'un surplus d'école : ils ont besoin d'école autrement. C'est à eux en priorité qu'il faut appliquer d'autres méthodes pédagogiques, par des maîtres formés à cette fin. D'autre part, c'est une supercherie de prétendre que cette politique de soutien peut être menée sans moyens supplémentaires, ou pire, comme on peut le lire dans le rapport annexé, qu'elle pourrait être confiée à des assistants d'éducation, qui n'ont pas de formation pédagogique. Mme Claude Greff - Merci pour eux ! M. Yves Durand - Ainsi conçu, votre contrat individuel de réussite est voué à l'échec. Et le plus grave est que vous voulez faire porter la responsabilité de cet échec aux élèves et à leurs parents. Vous leur demandez en effet de cosigner un engagement de réussite - d'une réussite dont on ne donne pas les moyens ! M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Mais si ! M. Yves Durand - Allez donc dire cela dans une école rurale dont on est en train de fermer des classes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Vous ne ferez pas croire cela aux Français. Sur l'échec scolaire, vous dites aux parents : si votre enfant a des difficultés à l'école, c'est d'abord de votre faute. Nous allons vous convoquer pour que cela change ; sinon le couperet du redoublement s'abattra sur la tête de votre enfant, lui imposant un an de retard. Quel plus mauvais moyen de redonner confiance dans l'école à des jeunes qui sont déjà convaincus qu'ils ne sont pas faits pour elle, ou qu'elle n'est pas faite pour eux ? Quel plus mauvais moyen d'engager les parents dans une coopération constructive avec les enseignants ? Inefficace, le contrat individuel de réussite est en outre dangereux : loin de rendre leur confiance dans l'école à des jeunes et des parents qui l'ont perdue, vous les enfoncez dans la souffrance d'un échec qui leur apparaîtra comme fatal. M. Pierre Cardo - C'est votre discours qui est de nature à désespérer les gens. M. Yves Durand - Ce que vous présentez comme étant au cœur de votre dispositif de lutte contre l'échec scolaire est donc au contraire une source d'inégalité. A croire que pour vous la mission de l'école n'est pas la recherche de l'égalité des chances - peut-être est-ce ce que vous dénoncez comme « l'hypocrisie de la façade égalitaire », expression sur laquelle j'aimerais d'ailleurs avoir plus de précisions. L'école que vous voulez donner à la France est à l'image de la société que vous préparez, une société où la compétition individuelle prime sur la démarche collective, où les plus faibles doivent se résoudre à décrocher, où les plus défavorisés devront prouver leur mérite ou leur talent pour obtenir les moyens de continuer leurs études grâce à ces bourses, nouvelle forme de la charité... (Protestations sur les bancs du groupe UMP) M. Guy Geoffroy - Scandaleux ! M. Yves Durand - ...dont les plus favorisés n'ont évidemment nul besoin. M. Pierre Cardo - On a vu les résultats de vos politiques. M. Yves Durand - Nos résultats ? Oui, c'est, grâce au collège unique, à la démocratisation de l'enseignement, à la loi de 1989, l'augmentation du nombre des bacheliers. Et c'est dans cette voie que nous voulons poursuivre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Aucune évolution du système éducatif ne sera possible sans une profonde réflexion sur le métier d'enseignant. Or, bien que la moitié du corps enseignant doive être renouvelée dans les dix ans qui viennent, vous refusez d'engager cette réflexion et ignorez la formation au métier d'enseignant. Nous n'avons pas obtenu de réponses aux propositions formulées par M. Ayrault dans son exception d'irrecevabilité. Vous avez tout d'abord mis fin à toute politique de recrutement pour l'école, en supprimant les plans pluriannuels de recrutement institués par Jack Lang. Ils étaient pourtant nécessaires pour anticiper les nombreux départs en retraite, mais aussi pour éviter les « effets d'accordéon » souvent observés sur le terrain et pour assurer une formation aux jeunes enseignants. Les 150 000 postes que vous annoncez sur cinq ans, Monsieur le ministre, et dont je ne sais d'ailleurs pas sur quels crédits vous les prendrez, ne permettront pas de compenser les départs en retraite. On peut en outre douter de cet engagement quand on connaît la volonté du Premier ministre de réduire massivement le nombre des fonctionnaires, et ce dès l'an prochain. Il est nécessaire de rétablir d'urgence un plan pluriannuel de recrutement : si la politique de restriction des emplois publics dans l'éducation nationale que vous menez depuis trois ans n'est pas arrêtée, vous allez créer mécaniquement une véritable crise de l'encadrement des élèves vers 2007-2008. Sur ce point aussi, il faut revoir votre copie, et nous vous demandons des précisions sur les recrutements. Lors du débat budgétaire, je vous avais fait une proposition dont vous aviez renvoyé l'examen à la loi d'orientation : nous y sommes. Il s'agirait d'instaurer un système de pré-recrutement qui pourrait attirer de jeunes étudiants vers les métiers de l'enseignement, tout en remédiant à la situation matérielle désastreuse d'un nombre croissant d'entre eux. Un tel système, qui a d'ailleurs existé dans le passé pour l'enseignement secondaire, permettrait en outre que le corps enseignant soit davantage à l'image de la nation : de jeunes enseignants issus de tous les milieux seraient plus proches de leurs élèves. Il permettrait enfin de préparer les jeunes à l'enseignement, afin qu'ils sachent ce qui les attend avant d'être « bombardés » dans une classe. Une telle politique est urgente, et nous vous demandons de l'engager à l'occasion de ce débat. Quoi que vous en disiez, la formation des personnels est absente de votre projet. N'ayant pas d'ambition pour l'école, vous n'avez pas la volonté politique de donner aux jeunes qui vont devenir enseignants la formation initiale et continue qui leur permettrait de répondre aux exigences d'un métier de plus en plus difficile. Car être enseignant est un métier ! Nous avons entendu votre prédécesseur Luc Ferry déclarer que, pour enseigner, il suffisait de bien maîtriser sa discipline et d'avoir un peu de talent. La réalité est toute différente : c'est un vrai métier, qui exige une formation initiale et une formation continue. Or vous ne proposez rien en matière de formation initiale des enseignants, si ce n'est le rattachement des IUFM à l'Université. Cette mesure, décidée sans concertation avec les directeurs d'IUFM, soulève de réelles difficultés d'application, tant financières que pédagogiques. Allez-vous répondre aux questions que se posent les directeurs d'IUFM ? M. Pierre-Louis Fagniez - Qu'avez-vous à proposer ? M. Yves Durand - Quelle place auront les IUFM dans leur université de rattachement ? Quelle autonomie financière et pédagogique leur accordez-vous? Où est la professionnalisation de la formation? Quant à la formation continue, vous en faites un acte volontaire alors qu'il s'agit d'un droit, non seulement pour les enseignants, mais aussi pour les élèves. Si nous vous avons demandé de reporter votre projet, c'est pour prendre le temps d'une vraie réflexion sur le métier d'enseignant. La souffrance que vivent trop d'enseignants, notamment les plus jeunes, rejoint celle des élèves en échec scolaire. Ce n'est pas d'autorité qu'ils ont besoin, ni de liberté pédagogique - personne ne la leur conteste. Ce qu'ils attendent, c'est qu'on leur donne les moyens de faire réussir leurs élèves. Ils demandent une formation, du temps pour apprendre à travailler en équipe, à recevoir des parents désorientés. Vous leur refusez la formation et quant au temps, vous le leur volez avec votre système de remplacement au sein de l'établissement. L'excellente enquête sur les nouveaux enseignants de Patrick Rayou et Agnès Van Zanten est riche d'enseignements sur la place de la formation des maîtres dans la définition du métier d'enseignant. Or la formation initiale se résume dans votre texte à l'approfondissement de la culture disciplinaire, à la formation pédagogique et à celle de fonctionnaires du service public de l'éducation. Est-ce là une ambition pour la formation des maîtres ? Mme Martine David - Non ! M. Yves Durand - En renonçant à la nécessaire rénovation de la politique de formation, vous hypothéquez l'avenir de l'école et les chances de réussite des élèves. Je m'interroge en passant sur le devenir de toutes les structures d'innovation pédagogique que vous avez privées de l'essentiel de leurs crédits. Le Centre national de documentation pédagogique ne sait plus à quel ministre se vouer. La seule perspective qui lui soit offerte est aujourd'hui celle de la délocalisation à Chasseneuil-du-Poitou («Où est-ce ? » sur les bancs du groupe socialiste), qu'il refuse. Allez-vous nous rassurer sur le devenir du CNDP ? Sans ambition, sans souffle, votre projet est aussi sans moyens. Vous n'aimez pas que l'on évoque les moyens que vous ne donnez pas à l'école : « Faire croire que le problème de l'éducation nationale est lié à un problème de moyens, c'est prendre les Français pour des nigauds », avez-vous dit. Les enseignants et les parents d'élèves qui s'insurgent contre les fermetures de classes et les restrictions d'heures d'enseignement seront sans doute ravis d'apprendre qu'ils sont des nigauds... Vous avez chiffré le coût de votre réforme à 2 milliards d'euros, considérant qu'il y a là un effort important en faveur de l'école. Outre qu'on ne sait pas sur quels crédits vous les prendrez, vos 2 milliards ne représentent que 3 % du budget de votre ministère. Une grande partie de ces crédits proviendront d'ailleurs de redéploiements : ainsi la suppression des TPE doit financer le dédoublement des classes de langues, qui n'est pas encore mis en œuvre. La réalité, ce sont les restrictions : pour le reste, on attendra ! Le montant de ce plan, enfin, représente trois fois moins que ce qui est dépensé chaque année en baisses d'impôt sur le revenu pour les ménages les plus aisés. Le refus de se donner les moyens d'une véritable démocratisation aura de terribles conséquences. L'absence de perspective d'une véritable égalité des chances encourage en effet la marchandisation de l'école. Depuis deux ou trois ans, on assiste à la multiplication d'officines privées de rattrapage scolaire, qui font de l'argent sur la peur des parents. Ajoutons-y celle des pratiques d'éviction : les familles favorisées, qui connaissent les systèmes de dérogation, placent leurs enfants dans les collèges considérés comme favorisés. La mission de mixité scolaire qui fonde l'apprentissage du vivre ensemble n'est donc plus : une fracture se crée inévitablement entre les jeunes qui, n'étudiant plus ensemble, n'apprennent plus à se connaître. Une des missions essentielles de l'école de la République - intégrer en rassemblant - n'est ainsi plus assurée. Il est urgent de restaurer cette mixité sociale, ce qui passe par le partenariat avec les associations d'éducation populaire et les collectivités territoriales, qui ont su mettre des crédits et de l'enthousiasme dans les activités périscolaires. La démocratisation de l'enseignement exigeait que la société tout entière se mobilise autour d'un projet ambitieux. Vous nous proposez un texte proprement réactionnaire, qui mobilise mais contre lui ! Il y a huit jours, lors de votre audition en commission, nous vous avons demandé de reporter l'examen de ce texte. La confusion et les doutes qu'il a suscités, les modifications que vous déclariez vouloir lui apporter sans qu'on en connaisse la teneur, en faisaient un texte virtuel. C'est pourquoi nous n'avons pas déposé d'amendements en commission, ne souhaitant pas discuter d'un texte dont nous n'avions pas la version définitive. Vous avez refusé cette solution de sagesse qui aurait permis d'éviter bien des remous dans les établissements scolaires et dans la rue. Aujourd'hui, après votre cafouillage sur le bac, vous vous dites déterminé à ne rien lâcher sur le reste de votre texte. Nous vous demandons de ne pas répéter votre erreur. C'est pour nous donner le temps d'examiner les propositions que vous n'avez pas prises en considération dans ce projet de loi et de bâtir un vrai projet pour l'avenir de l'école que je vous demande de voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) M. le Ministre - Après cette longue intervention, qui est une vraie performance physique dont je félicite M. Durand, la démonstration est faite qu'il faut entrer dans la discussion des articles, ce qui permettra de faire justice de toutes les accusations et de toutes les caricatures qui viennent d'être proférées. M. Durand a besoin de temps. Au mois d'octobre, j'ai demandé au parti socialiste, comme à toutes les formations politiques représentées à l'Assemblée nationale, de participer à l'élaboration de ce texte en me faisant parvenir ses propositions. J'ai reçu un texte du parti communiste, dont je n'ai pu entièrement tenir compte dans mon projet, mais rien du parti socialiste. Du temps a donc été donné à la réflexion. Il nous faut maintenant agir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. le Président - Sur le vote de la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public. M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles - Vous tenant pour l'un des membres les plus réfléchis de notre commission, je suis un peu surpris de la teneur de vos propos, Monsieur Durand. Vous avez employé les termes de supercherie, de manque d'ambition, de renoncement... (« Il a raison ! » sur les bancs du groupe socialiste) Relisez le texte ! Si je voulais être polémique, je dirais que vous n'avez pas toujours évité le péché de mauvaise foi, voire de mensonge. Nous sommes tous, sur les bancs de cette assemblée, où siègent nombre d'enseignants - 90 pour l'UDF et l'UMP - , attachés à l'école de la République. Nous savons ce que nous lui devons mais nous reconnaissons aussi la nécessité de l'améliorer pour mieux répondre aux besoins de la société. Il y a eu quatre réunions de la commission. Au cours de la première, Monsieur Durand, vous vous êtes exprimé longuement. A la deuxième, nous avons assisté à la présentation du rapport par M. Reiss, que je félicite pour la qualité de son travail, puis nous avons examiné 122 amendements. Combien du groupe socialiste ? Aucun. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Ensuite, la commission s'est réunie au titre de l'article 88 pour examiner 93 amendements, dont 5 du groupe socialiste. Enfin, au titre de l'article 91, nous avons vu 230 amendements, dont 105 du groupe socialiste : 15 d'entre eux ont d'ailleurs été adoptés. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) La logique aurait voulu que vous déposiez vos amendements plus tôt. Sur les moyens, nous pensons que 2 milliards d'euros, c'est beaucoup. Si vous aviez été plus présent en commission, vous vous seriez aperçu que la distinction entre les problèmes de carte scolaire et les autres a été faite. En outre, après l'audition du ministre, le rapporteur a présenté une série d'amendements précis qui donnent au texte sa dimension de loi de programmation (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). S'agissant du socle de connaissances, nous sommes tous d'accord. Vous avez dit à plusieurs reprises que ce socle devait être qualifié de « commun » : or, votre amendement en ce sens a été adopté. Mme Martine David - Un sur 300 ! M. le Président de la commission - De même, le « contrat individualisé de réussite à l'école » a été rebaptisé « programme personnalisé de réussite scolaire ». Quant aux remplacements, il faudrait 5,8 millions d'heures supplémentaires pour satisfaire seulement la moitié des besoins. Je ne peux accepter, venant d'un enseignant, votre critique du PPRS : trois heures supplémentaires, ce qui n'est pas négligeable. Il n'est pas nécessaire de revenir en commission. Grâce au travail du rapporteur et des nombreux commissaires présents, ce texte a été correctement analysé et même amélioré. Un renvoi en commission ne changerait rien. L'opposition a le sentiment que ce débat lui appartient. Mais l'école n'est ni de droite ni de gauche : c'est l'école de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Christian Paul - Voici les 200 amendements que la commission a examinés aujourd'hui en vingt minutes. Si je vous les montre, c'est pour appuyer cette motion de renvoi en commission qu'Yves Durand a défendue avec conviction, en hussard de la République qu'il est. M. le Président de la commission - Vous avez déposé vos amendements hier soir ! M. Christian Paul - Yves Durand a préparé son discours avant la déclaration d'urgence, mais je vois en celle-ci une raison supplémentaire de demander le renvoi en commission. Il s'agit d'un texte comme il y en a peu dans les débats parlementaires. Les lois scolaires viennent tous les dix ou quinze ans. Or, on nous demande d'examiner celle-ci dans la précipitation. Certes, il y a eu le débat public sur l'école, mais c'est justement le produit de ce débat que nous examinons et nous savons la minceur de ce projet. Nous ne voulons pas ajouter à un projet bâclé un débat restreint. Le rythme d'examen des amendements en commission n'a pas permis à nos collègues de la majorité de s'apercevoir qu'on réintroduisait par la bande le contrôle continu pour l'obtention des diplômes. C'est dans un amendement de M. Geoffroy ! Le président Dubernard aurait dû s'en apercevoir. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Vous présentez une façade démocratique à la nation. Mais ce débat est un véritable simulacre. Nous, nous croyons à l'Assemblée nationale, à la parole publique et au dialogue parlementaire. Depuis le début, Monsieur le ministre, vous n'écoutez pas les orateurs. Vous consacrez plus de temps à la lecture de votre revue de presse qu'au dialogue avec l'opposition. La crédibilité de cette réforme tient à la réalité des crédits qui lui seront affectés. Nous avons écouté le ministre et le président de la commission : à aucun moment, ils ne nous expliquent comment cette loi sera financée. Nous vous avons interrogé sur les 2 milliards d'euros annoncés. Combien prenez-vous aux ZEP, aux écoles rurales, aux filières professionnelles que vous détruisez, aux IUFM ? En demandant le renvoi en commission, nous exerçons un mandat confié par la nation. Quand les parents, les enseignants, les élèves ne veulent pas d'une loi, il faut demander son retrait, ou au moins son réexamen. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Guy Geoffroy - Nous avons entendu beaucoup d'approximations, des lectures tendancieuses et quelques mensonges. Je commencerai par votre mensonge, Monsieur Paul. L'amendement que j'ai déposé ne vise qu'à rétablir l'ordre normal dans lequel doivent être évoqués les différents modes d'acquisition des diplômes : le contrôle en cours de formation, le contrôle continu, l'examen et la validation des acquis de l'expérience. Il ne s'agit pas de réintroduire sournoisement le contrôle continu. C'est un mensonge. Vous êtes démasqué ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) J'ai parlé de lectures tendancieuses. A propos des heures de découverte professionnelle, M. Durand a vu une obligation faite aux élèves en difficulté de choisir cette option, obligation qui s'apparenterait à une réorientation. Il faut lire le texte : « L'option de découverte professionnelle dotée d'un horaire de trois heures en classe de troisième doit permettre aux élèves d'élaborer un projet personnel à travers notamment la présentation de différents métiers. » Où est l'obligation ? « En classe de troisième, une option de découverte professionnelle dotée d'un horaire de six heures sera offerte aux élèves qui veulent mieux connaître la pratique des métiers. » Où est l'obligation ? M. Yves Durand - Quelle hypocrisie ! M. Guy Geoffroy - Il y a deux ans, nos collègues socialistes ont laissé passer le train de la réforme et ils peinent maintenant à le rattraper. C'est ainsi qu'après avoir refusé de participer à la commission Thélot, sous prétexte qu'elle ne servait à rien, ils ont aujourd'hui le culot de s'en prévaloir pour critiquer ce projet en prétendant qu'il n'en tire aucun profit. Tous ceux qui, comme moi, ont patiemment travaillé en son sein savent combien le présent texte est au contraire fidèle aux orientations dégagées par cette commission et nous voterons évidemment contre le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Daniel Paul - Quand on est enseignant, comme je l'ai été, on est frappé de l'écart entre la masse des jeunes qui réussissent et le nombre croissant - entre 60 000 et 150 000 selon les estimations - de ceux qui se retrouvent en situation d'échec. Or, cet écart se creuse, car depuis des années, on refuse à ceux qui rencontrent des difficultés l'aide dont ils auraient besoin pour les surmonter. Vous n'avez pas pris la mesure de cette fracture, Monsieur le ministre, et vous proposez donc de maintenir les objectifs de 1989 tels qu'amener 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat. J'ai envie de vous dire : chiche ! Pour y arriver, il faudrait déjà mettre la carte scolaire en conformité avec vos promesses et cesser de supprimer des milliers de postes dans les ZEP - pour demain faire bonne figure en les rétablissant et présenter cela comme une grande réussite dont vous créditer ! Pure arnaque ! Nous partageons les objectifs que vous affichez mais pas les ambitions réelles qui sont les vôtres, à savoir apporter votre contribution à la baisse de l'impôt pour les plus riches, au respect du déficit autorisé par la Commission européenne et à la satisfaction des exigences patronales. On veut en effet formater les jeunes aux besoins actuels de l'économie libérale. Vous avez évoqué l'école maternelle, Monsieur le ministre. Il y a des pédagogues qui estiment que la scolarisation en dessous de 3 ans est une bonne chose, d'autres qui expliquent le contraire. Nous pensons quant à nous que cela ne doit pas être une obligation, mais vous, vous avez tranché de façon péremptoire en rendant tout simplement impossible cet accueil des enfants de moins de 3 ans, y compris dans les ZEP ! Ce projet devrait être retiré. Non seulement vous le maintenez contre l'avis des élèves, des enseignants, des parents, mais en outre vous déclarez l'urgence ! Vous craignez en effet que monte le rejet à son égard et que le mécontentement qu'il suscite vienne grossir les forces du non au référendum sur la Constitution européenne, que le Gouvernement veut, dit-on, avancer pour la même raison ! Nous voterons pour la motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) M. François Rochebloine - Pourquoi faudrait-il donc retarder le moment de légiférer, alors que ce texte a été préparé par un long débat national et par le travail approfondi de la commission Thélot, dont le rapport a fait l'unanimité au sein de la communauté éducative ? Notre système éducatif est bon, mais l'école ne remplit pas toutes les missions qui sont les siennes et elle doit donc être réformée en se fixant deux priorités : lutter contre l'échec scolaire, et conforter les enseignants dans leurs compétences, leurs méthodes et leur légitimité. Il n'y a aucune raison d'attendre pour mener une politique volontariste sur ces deux points. C'est pourquoi le groupe UDF votera contre le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP) A la majorité de 147 voix contre 41 sur 188 votants et 188 suffrages exprimés, la motion de renvoi en commission n'est pas adoptée. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30. La séance est levée à 19 heures 25. Le Directeur du service Le Compte rendu analytique Préalablement,
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