Session ordinaire de 2004-2005 - 63ème jour de séance, 153ème séance 1ère SÉANCE DU JEUDI 17 FÉVRIER 2005 PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER vice-présidente
Sommaire La séance est ouverte à neuf heures trente. PROJET DE LOI D'ORIENTATION POUR L'AVENIR DE L'ÉCOLE (suite)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école.
ART. 2 Mme la Présidente - Hier soir, le vote sur l'amendement 5 à l'article 2 a été reporté en application de l'article 61, alinéa 3, du Règlement. M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - L'amendement 5 reprend une disposition relative aux bourses au mérite initialement prévue à l'article 3. Le Gouvernement a en effet proposé, suite à ce que j'appellerais une annonce d'« évolution de jurisprudence » du Conseil constitutionnel, de supprimer l'article 3 et de reprendre une partie de son contenu au présent article. Je précise à Mme Billard que les bourses au mérite que nous proposons ne sont pas réservées aux seuls élèves qui auraient obtenu une mention au brevet ou au baccalauréat : ceux-ci l'obtiennent de droit, mais elles demeurent évidemment ouvertes, sur critères sociaux, à tous les élèves méritants. M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Avis favorable. Les bourses au mérite s'ajoutent aux bourses sur critères sociaux qui permettent à tous les jeunes issus de milieux défavorisés de poursuivre leurs études dans de bonnes conditions. Mme Martine David - Je ne comprends pas bien ce que M. le ministre entend par « élèves méritants» : quels sont les critères du mérite, qui décidera de l'attribution des bourses, comment intégrer cette notion sur le plan réglementaire ? L'enfant qui obtient des résultats moyens mais qui souffre de handicaps sociaux et culturels a-t-il moins de mérite qu'un bon élève issu d'un milieu favorisé ? Je demeure dubitative, et je crains que ce dispositif n'aggrave les inégalités. M. le Ministre - Les bourses au mérite existent déjà et sont en général attribuées sur proposition du chef d'établissement après examen par une commission : nous proposons, d'une part, d'en tripler le nombre, d'autre part de les attribuer automatiquement aux élèves qui ont obtenu une mention au brevet ou au baccalauréat. Mme Billard avait hier évoqué le cas des enfants en difficulté qui travaillent et progressent : c'est précisément à eux que les bourses au mérite sont destinées. Le dispositif perdure. M. Yves Durand - Je ne doute pas des bonnes intentions du Gouvernement, mais je partage les interrogations de Mme David. L'octroi de moyens pour poursuivre des études est subordonné à l'obtention d'une mention ; or, nous savons tous que celle-ci dépend moins du mérite lui-même que du milieu social d'où l'élève est issu. Je crains que la notion de mérite, définie à partir de l'obtention d'une mention, n'oblitère le sens de l'effort et du travail et ne valorise au contraire des dispositions dues à un environnement familial, social et culturel. Nous avons d'ailleurs déjà eu l'occasion de reprocher au Gouvernement de nier le lien existant entre les inégalités sociales et les inégalités scolaires. Je préfèrerais quant à moi que le système actuel soit renforcé car l'attribution d'une bourse à partir de l'évaluation d'une commission composée d'enseignants me semble beaucoup plus juste. M. Guy Geoffroy - Je suis étonné des remarques de nos collègues socialistes concernant un dispositif qu'ils ont eux-mêmes créé. Lorsque j'étais chef d'établissement dans l'académie de Créteil, le recteur m'avait demandé de participer à la commission chargée de le mettre en place. J'avais alors constaté que, contrairement aux idées reçues, il n'existe pas de corrélation mécanique entre l'appartenance sociale des élèves et leur réussite scolaire. J'avais en outre remarqué que le nombre de bourses disponibles était insuffisant pour répondre aux besoins des élèves ayant obtenu une mention au brevet. Le Gouvernement propose simplement de remédier à cette insuffisance. Enfin, ne faisons pas de misérabilisme : il existe un fonds social des collégiens et des lycéens dont les moyens ne sont pas intégralement dépensés... M. Jean-Pierre Blazy - Vous les avez amputés ! M. Guy Geoffroy - ...tous les chefs d'établissement le savent. Vos critiques sont injustes. Mme Martine David - Nous ne critiquons pas, nous posons des questions ! M. Guy Geoffroy - Je vous invite plutôt à soutenir des dispositions qui n'ont rien de partisan et qui vont dans le sens de l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Pierre Blazy - Le Gouvernement a massivement amputé les moyens dont disposait le fonds social des collégiens. M. Guy Geoffroy - C'est faux ! M. Jean-Pierre Blazy - C'est une réalité. M. le Ministre - Prouvez-le ! M. Jean-Pierre Blazy - Je reviendrai avec les chiffres concernant les collèges de ma commune. Je rappelle que nous avions considérablement augmenté l'aide financière et sociale en faveur des jeunes puisqu'elle se chiffrait en 1995 à 3,5 milliards et qu'elle est aujourd'hui de 4,4 milliards. Nous ne sommes pas opposés au principe de la bourse au mérite. Nous l'avons instaurée pour les étudiants et les lycéens en 1998 ! Nous craignons simplement que les nouvelles bourses au mérite aggravent les inégalités. Ne serait-il pas opportun de concentrer l'effort financier sur les familles les plus défavorisées ? Monsieur le ministre, quel montant total supplémentaire allez-vous consacrer aux nouvelles bourses ? L'amendement 5, mis aux voix, est adopté. L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté. M. Yves Durand - M. le ministre refuse de répondre aux questions précises que lui a posées M. Blazy. Nous nous sommes pourtant engagés à tenir un débat sérieux et à ne pas déposer d'amendements d'obstruction ! Nous voulons simplement donner notre avis, présenter des propositions alternatives et, enfin, conformément au rôle du Parlement et de l'opposition, obtenir des informations du ministre. Monsieur le ministre, les nouvelles bourses au mérite viendront-elles en sus des anciennes bourses ou les remplaceront-elles ? M. le Ministre - J'ai déjà répondu à Mme David que ces bourses seront attribuées selon le mérite des élèves - autrement dit la progression d'un élève en difficulté sera prise en compte mais qu'elles seront systématiquement décernées aux élèves qui décrochent une mention au brevet des collèges ou au baccalauréat. Cette réponse ne vous convenant pas, vous n'avez pas voulu l'entendre ! Quant au montant total des crédits, je vous l'ai déjà indiqué à trois reprises - en commission, lors de la présentation du texte et enfin hier - et le rapporteur a déposé un amendement pour programmer la montée en puissance de ces bourses au mérite !
APRÈS L'ART. 2 Mme Martine David - Au grand dam de M. Geoffroy, je répète que nous craignons que les nouvelles bourses au mérite créent de nouvelles inégalités ! La réponse du ministre ne me rassure pas sur ce point. Par l'amendement 303, nous souhaitons affirmer que les objectifs et les contenus des programmes d'enseignement sont définis et mis en œuvre par l'Etat afin de limiter le risque, certes faible, que les collectivités territoriales, par le biais des régions, exercent des compétences en matière de formation initiale voire de formation professionnelle et portent atteinte au caractère national de l'éducation. Cet amendement vise à garantir le respect de la formation, de la qualification et du niveau des diplômes requis. M. le Rapporteur - Sous réserve d'ajouter un « s » à programme, la commission est favorable à cet amendement. L'éducation doit rester nationale. M. le Ministre - Cet amendement est satisfait par l'article L. 211-1 du code de l'éducation (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Le Président de l'Assemblée nationale a rappelé que la loi ne devait pas être bavarde ! Cet article affirme déjà que : « l'Etat assume la définition et la fixation des programmes nationaux, l'organisation et le contenu des enseignements ». Avis défavorable. L'amendement 303, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jean-Pierre Blazy - Quelle incohérence ! La majorité se couche devant le Gouvernement au lieu de suivre l'avis de la commission ! M. Guy Geoffroy - Nous ne nous « couchons » pas devant le Gouvernement ; nous sommes éclairés par ses réponses. M. François Liberti - L'école extrait les enfants de leur environnement familial pour mieux les préparer à leur vie d'adulte. Elle enseigne bien sûr la lecture, l'écriture et le calcul mais aussi le l'hygiène, la morale et la citoyenneté. Elle vient compléter le travail éducatif des parents. Si certaines familles se tiennent à l'écart du système scolaire, d'autres, sensibles à la pression économique et aux replis communautaires, demandent des comptes et se comportent comme des consommateurs de l'éducation. Par l'amendement 202, nous proposons de résoudre le dilemme de la culture scolaire en choisissant le partenariat avec les parents. Conseils de groupes, groupes d'échange, soirées d'information, débats, classes ouvertes, projets communs, la palette des dispositifs possibles est large pour que les parents et leurs associations ne soient plus seulement des consommateurs plus ou moins avisés mais les promoteurs d'un projet collectif. Sans un partenariat actif entre enseignants et parents, il ne peut y avoir de transformation progressiste de l'école et de lutte effective contre l'échec scolaire ! M. le Rapporteur - L'article L. 111-2 énonce clairement que « tout enfant a droit à une formation scolaire complétant l'action de sa famille » et la « responsabilité de la société » est une notion trop floue. Avis défavorable. M. le Ministre - Même avis. Mme Danielle Bousquet - Cet amendement n'est pas satisfait : le terme « partagé » n'est pas repris dans le code de l'éducation. Son libellé répond au souci de voir réussir tout enfant avec l'appui de ses parents dans une relation de confiance à l'école. M. François Liberti - La réponse de M. le rapporteur me dérange. Le terme « partagé » renvoie à l'idée de partenariat, absente du code de l'éducation en sa rédaction actuelle. Par ailleurs, allez-vous d'une manière systématique continuer à justifier le rejet de nos amendements en arguant qu'ils sont déjà satisfaits par des articles du code de l'éducation ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Etes-vous en train de nous faire la démonstration que le débat parlementaire est inutile ? M. Guy Geoffroy - Vous étiez absents à trois réunions de la commission ! M. le Ministre - Le code de l'éducation est le fruit du travail de plusieurs majorités auxquelles, pour certaines, vous avez participé, Monsieur Liberti. J'ai choisi, plutôt que de réécrire ce code, issu pour partie de la loi de 1989 que vous avez votée, de le compléter. La situation que vous dénoncez va se reproduire tout au long du débat : vos amendements sont satisfaits et vos critiques portent sur un texte dont vous êtes les auteurs ! (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) M. Yves Durand - C'est le Discours de la méthode ! Monsieur le ministre, vous nous démontrez que votre projet de loi est inutile ! Le code de l'éducation n'est pas une table de lois gravées dans le marbre mais une compilation de la législation existante sur l'éducation, dont la loi de 1989. Or, celle-ci a quinze ans et notre société a connu une évolution extraordinaire depuis lors : la place même de l'école au cœur de la cité y est remise en cause. On ne peut hélas que constater la corrélation qui existe entre inégalités sociales et inégalités scolaires. Le législateur doit en tenir compte : c'est pourquoi il faut revoir la loi de 1989. Si vous avez souhaité faire une grande loi sur l'école et mobilisé - ou tenté de mobiliser - les Français autour du débat sur l'école, c'est bien parce qu'il fallait prendre en considération ces évolutions de la société. Alors ne nous répondez pas, chaque fois que nous proposons une disposition nouvelle, qu'elle figure déjà dans le code de l'éducation ! Ou alors nous n'avons rien à faire ici, et c'est sans doute ce qu'a voulu dire le Gouvernement en déclarant l'urgence sur ce texte. Affirmer une responsabilité partagée sur l'éducation, ce n'est pas reprendre le texte du code. Le terme a une signification importante qu'il n'avait pas en 1989 : l'éducation est à la charge de l'école et des enseignants, mais c'est l'ensemble de la société - les parents, les collectivités territoriales, mais aussi les forces vives de la nation - qui doit se mobiliser autour de cette tâche si l'on veut vraiment promouvoir une société de la connaissance. Compte tenu des évolutions que chacun connaît, cette orientation générale doit être inscrite dans la loi. Nous maintenons donc notre amendement et j'espère, Monsieur le ministre, que vous nous épargnerez à l'avenir ce genre de réponse. M. Guy Geoffroy - Notre collègue nous invite au Discours de la méthode. Permettez-moi d'y apporter ma contribution. Le pire, c'est la répétition. M. Jean-Pierre Blazy - Elle fait partie de la pédagogie ! M. Guy Geoffroy - Ce que le ministre a dit, c'est qu'il ne valait pas la peine de réécrire dans le code une disposition qui y figure déjà. M. François Liberti - Elle n'y figure pas ! M. Guy Geoffroy - Peut-être donnez-vous aux jeunes qui nous écoutent le sentiment que l'Assemblée ne vous permet pas de faire état de vos opinions. Je ne suis pas membre de la commission des affaires sociales, mais j'ai assisté, à l'invitation de son président, à toutes ses réunions. Aucun élu de votre groupe n'est venu y défendre les amendements que vous aviez déposés. (« Pas de leçons ! » sur les bancs du groupe socialiste) M. François Liberti - C'est un mensonge ! L'amendement 202, mis aux voix, n'est pas adopté. M. François Liberti - Rappel au Règlement. Depuis quarante-huit heures, M. Geoffroy ne cesse d'énoncer des contrevérités. J'étais présent à la réunion de la commission lorsqu'elle a auditionné M. le ministre, et je lui ai même posé des questions. Vos interventions ne vous grandissent pas, Monsieur Geoffroy ! M. Guy Geoffroy - Aucun membre de votre groupe n'assistait aux trois autres réunions ! M. François Liberti - Vous avez dit que nous n'étions présents à aucune réunion : c'est un mensonge ! M. Christian Paul - Rappel au Règlement. Nous n'entendons pas recevoir, tout au long du débat, les leçons de M. Geoffroy, qui travestit la réalité depuis le début. Il a nié la contribution des socialistes à la commission Thélot... M. Guy Geoffroy - Vous avez refusé d'y aller ! M. Christian Paul - Nous avons refusé de participer à titre constant à ce qui s'est avéré un leurre pour l'opinion publique : ce n'est pas la même chose. Vous travestissez de même, Monsieur Geoffroy, la participation des socialistes à la commission des affaires sociales. Connaissant les conditions dans lesquelles elle a travaillé - en examinant hier plus de 200 amendements en moins de vingt-cinq minutes... M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Ce n'est pas vrai ! M. Christian Paul - ...nous n'avons pas envie d'entendre les leçons du professeur Geoffroy. M. Guy Geoffroy - Vous les entendrez ! M. le Président de la commission - Remettons les choses à leur place. M. Geoffroy est parfaitement dans son rôle de porte-parole du groupe UMP et je m'étonne d'entendre les grands chantres de la démocratie s'élever ainsi contre ce qui est l'expression normale d'un groupe politique ! Nous n'allons pas refaire le débat que nous avons eu hier sur la motion de renvoi en commission de M. Durand. Si les 130 amendements du groupe socialiste avaient été déposés dès la première réunion de la commission, nous aurions pu travailler dans de meilleures conditions. Quant à M. Liberti, il était présent lors de l'audition de M. le ministre, mais absent aux trois autres réunions de la commission. M. Guy Geoffroy - C'est ce que j'ai dit. M. Yves Durand - Je regrette le tournure que prend ce débat et les contrevérités que vous répétez à l'envi, comme vient encore de le faire M. le président de la commission. Si nous n'avons pas déposé d'amendements lors de la réunion de la commission qui a suivi l'audition de M. le ministre, c'est parce que son texte était un texte virtuel, qui ne cessait d'être modifié au gré des contestations. Voilà la vérité ! Pour permettre au calme et à la sérénité de revenir dans cet hémicycle, je demande une brève suspension de séance. La séance, suspendue à 10 h 10, est reprise à 10 h 20. M. François Liberti - Dans les démocraties, la part de la population qui accède aux études s'est accrue de façon spectaculaire. L'objectif de 80% de chaque classe d'âge atteignant le bac en est le symbole en France. Pourtant, nous savons que l'échec scolaire touche toujours les mêmes groupes sociaux, que les études secondaires ne constituent pas pour tous le passeport social espéré, que les inégalités entre établissements s'accroissent, que les différences d'orientation entre filles et garçons restent très marquées. Le rapport annexé définit des objectifs précis : augmenter de 20% le nombre de bacheliers issus de familles défavorisées, de 15% les effectifs des filières scientifiques hors santé, et de 20% encore la proportion de jeunes filles dans les filières scientifiques, le nombre d'élèves atteignant un niveau de référence dans une langue ou le nombre d'enseignants suivant une formation continue... Vous avez indiqué, Monsieur le ministre, que ces mesures étaient financées - à hauteur de 2 milliards - mais ces moyens n'apparaissent pas dans le budget. L'amendement 203 inscrit donc dans les missions fondamentales de l'école la lutte contre les inégalités. M. le Rapporteur - Avis défavorable. La commission préfère la formule actuelle : « pour favoriser l'égalité des chances ». M. le Ministre - Même avis. M. François Liberti - Mais cette formule n'a pas empêché l'échec scolaire ! Il faut mettre l'accent sur le fait qu'une des missions fondamentales de l'école est la lutte contre les inégalités. L'amendement 203, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Georges Colombier - Le projet d'établissement, qui définit les modalités de mise en œuvre des programmes et des objectifs nationaux, est élaboré par l'ensemble de la communauté éducative sous l'impulsion du chef d'établissement. Par son amendement 132, M. Scellier insiste sur la participation des parents d'élèves à ce projet. M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le dialogue avec les parents d'élèves est déjà une réalité. Quant au projet d'établissement, il est voté par le conseil d'administration, dans lequel sont représentés les parents d'élèves. M. le Ministre - Même avis. Les parents sont en effet élus au conseil d'école et au conseil d'administration, instances qui votent le projet d'établissement. Cet amendement est donc déjà satisfait. M. Jean-Pierre Blazy - Circulez, il n'y a rien à voir ! Après la déclaration d'urgence, vous menez vraiment le débat à la hussarde ! Vous avez pourtant dit que c'était au Parlement de refonder le pacte entre la nation et son école. C'est mal parti ! Je soutiens cet amendement, parce qu'il faut affirmer l'importance de la participation des parents. Nous sommes tous d'accord sur ce point, et l'occasion d'un consensus est encore manquée. L'amendement 132, mis aux voix, n'est pas adopté. M. François Liberti - L'amendement 204 précise que les parents d'élèves participent aux conseils d'école, au conseil scientifique et pédagogique, au conseil d'administration et aux conseils de classe. Il faut que les parents soient mieux associés au fonctionnement des établissements. Mme Martine David - L'amendement 325 a le même objet. Les parents d'élèves sont bien sûr déjà représentés dans les instances de l'établissement mais, face à l'ampleur des difficultés, c'est une participation accrue de chacun des acteurs qui doit permettre de trouver des solutions. Il nous semble qu'encourager la participation des parents à la vie des établissements est une obligation pour le législateur : il ne suffit pas de dire qu'ils sont présents, ils doivent être des acteurs essentiels. Comme les équipes éducatives, ils connaissent les difficultés au quotidien des enfants. Il est primordial de progresser sur ce sujet. Tout le monde sait que nous sommes à un tournant : il faut adapter le système aux nouvelles difficultés de la vie des établissements. M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces deux amendements car ils sont superfétatoires. Les parents d'élèves sont membres à part entière de la communauté éducative, mais au sein de celle-ci chacun doit être à sa place : celle des parents n'est pas dans les conseils scientifiques et pédagogiques. M. le Ministre - Avis défavorable. Monsieur Liberti, ce serait une erreur de ne pas permettre à l'équipe enseignante de définir les réponses pédagogiques adaptées. Ce n'est pas la peine de créer un conseil pédagogique si ses membres sont les mêmes que ceux du conseil d'administration... Quant à votre amendement, Madame David, il est inutile puisque l'article L. 111-4 dispose déjà que « Les parents d'élèves sont membres de la communauté éducative. Leur participation à la vie scolaire et le dialogue avec les enseignants et les autres personnels sont assurés dans chaque école et dans chaque établissement. Ils participent par leurs représentants aux conseils d'école, aux conseils d'administration des établissements scolaires et aux conseils de classe » et l'article L. 236-1 que « L'Etat apporte une aide à la formation des représentants des parents d'élèves appartenant à des fédérations de parents d'élèves représentées au Conseil supérieur de l'éducation ». En outre, le rapport annexé du projet reconnaît explicitement que les fédérations représentatives de parents d'élèves contribuent à l'expression de la famille. M. Christian Paul - Nous regrettons que vous n'acceptiez pas, Monsieur le ministre, la disposition de principe que nous proposons. La vision d'une école sanctuarisée, préservée de toutes les influences extérieures, y compris celle des parents, a trop longtemps prévalu. Mme Danielle Bousquet - L'amendement de Mme David comporte un mot très important : il s'agit d'« encourager » la participation des parents d'élèves dans les différentes instances. Cela signifie, par exemple, de faire en sorte que les réunions soient organisées à une heure où ils peuvent être présents. Les amendements 204 et 325, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Dominique Tian - Je retire mon amendement 256, mais je défends mon amendement 431, qui vise à remettre en marche l'ascenseur social. En effet, depuis plusieurs années, toutes les analyses montrent que l'origine sociale des diplômés de l'enseignement supérieur est peu diversifiée. Diverses expériences ont été tentées depuis trois ans pour assurer une plus grande ouverture. Celle de l'IEP de Paris, visant à intégrer des lycéens de ZEP, a été largement médiatisée. L'IEP d'Aix-en-Provence a expérimenté la mise en place de classes préparatoires spécifiques destinées à amener des jeunes issus de milieux défavorisés au niveau de l'examen d'entrée ; cette expérience respectueuse du principe d'égalité a rencontré un véritable succès. L'ESSEC a également lancé une formule d'accompagnement. Ces expériences ont amené le Gouvernement à signer le 17 janvier avec les partenaires de l'enseignement supérieur la charte pour l'égalité des chances dans l'accès aux formations d'excellence, qui devrait permettre de généraliser les partenariats entre les établissements d'enseignement supérieur et les lycées, tout en respectant le principe républicain d'égalité. Mon amendement a pour objet d'inscrire dans le code de l'éducation le principe de l'égalité des chances et les outils juridiques nécessaires. M. le Rapporteur - L'intention est fort louable et conforme aux objectifs du projet, mais quelques rectifications seraient nécessaires pour que nous puissions approuver cet amendement. M. le Ministre - Je suis évidemment favorable à l'esprit de cet amendement, venant en effet de signer avec le ministre des affaires sociales une convention avec la Conférence des grandes écoles et la Conférence des présidents d'université. Je ne suis pas certain que ces dispositions aient leur place dans un texte législatif, mais si M. Tian accepte de rectifier son amendement, je m'en remettrai à la sagesse de l'Assemblée. Il conviendrait de remplacer les mots « repris au Livre VII » par les mots « visés au Livre VII », et par ailleurs de ne pas évoquer les « épreuves » d'admission puisqu'il n'y en a pas pour entrer à l'université. M. André Chassaigne - Cet amendement va dans le bon sens s'il permet de lutter contre les inégalités. Mais je veux à nouveau déplorer, Monsieur le ministre, votre choix de fermer dans les lycées technologiques les filières post-bac. Permettre de préparer un BTS dans un lycée proche de son domicile était un moyen de promouvoir l'égalité des chances ; les enseignants que j'ai rencontrés m'ont confirmé que nombre des élèves concernés n'iront pas dans une ville universitaire. Il y a une véritable contradiction entre vos discours et la réalité des fermetures de classe (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Mme la Présidente - M. Tian m'informe qu'il accepte les rectifications suggérées par le ministre. M. Christian Paul - Il ne faudrait pas donner le sentiment que cette disposition suffira à lever tous les obstacles à l'égalité des chances. J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt l'expérience de l'IEP de Paris, qui avait vocation à s'étendre. Il fallait permettre aux jeunes issus des milieux défavorisés d'accéder aux grandes écoles, car ils n'ont pas les moyens, comme les autres candidats, de suivre des préparations commerciales aux concours d'entrée, souvent très onéreuses. Vous semblez aujourd'hui disposés à ouvrir de nouvelles possibilités, mais elles restent très limitées. En effet, la plupart des écoles de commerce restent très chères. Sur ce sujet comme sur tous les autres, ce qui vous fait défaut, c'est une vision globale tendant à dessiner une véritable stratégie pour l'égalité des chances (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Une fois encore, vous allez mettre un sparadrap sur une fracture ouverte. M. François Liberti - Cette discussion nous renvoie à la réalité du terrain. Même si cela n'était pas prévu, la carte scolaire s'est invitée dans nos débats du fait de vos propositions foncièrement inégalitaires. Quant à la question de l'évolution des effectifs enseignants, il faudra bien affronter la réalité des chiffres : dans l'académie de Montpellier, les suppressions de postes de personnels ne sont pas du tout proportionnelles à l'évolution des effectifs des élèves. Dans ces conditions, ne vous étonnez pas de la méfiance et de la colère que suscite la perspective d'une rentrée 2005 sinistrée. M. le Rapporteur - Avis personnel favorable à l'amendement 431 tel qu'il vient d'être rectifié. L'amendement 431 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. Mme Martine David - Je défendrai ensemble les amendements 326 et 327, destinés à permettre aux parents d'élève de bénéficier d'autorisations d'absences, d'être indemnisés et de recevoir une formation adaptée pour remplir au mieux leurs missions au sein de l'école. Ces dispositions sont déjà prévues à l'article L. 236-1 du code de l'éducation : les décrets d'application afférents vont-ils enfin être pris ? Par nos amendements, nous demandons que le Gouvernement transmette au Parlement un rapport sur l'application de ces mesures avant la fin de l'année. M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces deux amendements. L'article du code que vient de citer Mme David dispose bien ces mesures pour les conseils départementaux, régionaux, académiques et nationaux mais ne prévoit rien au niveau des établissements de proximité. La situation n'est pas nouvelle et n'a pas soulevé jusqu'à présent de problème particulier. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) M. Yves Durand - Cela n'est pas sérieux ! Ce n'est pas parce que le mal est ancien qu'il ne faut pas y remédier. M. le Ministre - Le repentir un peu tardif de Mme David m'a, je l'avoue, fait sourire, l'article du code qu'elle évoque étant issu de la loi d'orientation de 1989. Quant au décret d'application jamais publié depuis lors, nous précisons à la page 53 du rapport annexé que le droit à indemnité prévu à l'article L. 236-1 du code de l'éducation sera - enfin ! - mis en œuvre. Le Gouvernement est par conséquent défavorable à ces deux amendements. M. Yves Durand - La réponse du rapporteur manque pour le moins de souffle et d'ambition. On ne peut pas demander aux parents de s'engager aux côtés de la communauté éducative pour lutter contre l'échec scolaire, sans leur donner les moyens de remplir leur mission ! Tous les enseignants présents ici savent combien il est difficile pour les parents de se libérer pour participer activement à la vie des établissements. J'insiste par conséquent pour que ces amendements soient adoptés et je demande au ministre s'il est d'accord pour créer un groupe de travail en vue d'élaborer le véritable statut de parent d'élève que l'ensemble des fédérations demandent depuis très longtemps. M. André Chassaigne - Nous soutenons sans réserve ces deux amendements. Chacun s'accorde sur la nécessité de mieux associer les parents. Or, que constatons-nous ? Depuis toujours, seuls les parents issus des milieux favorisés participent à la vie de l'établissement. Il faut tout faire pour que tous les parents, quelle que soit leur origine sociale, soient associés aux décisions qui concernent leurs enfants. C'est à ce prix que l'on réduira toutes les formes d'inégalités scolaires. Les amendements 326 et 327, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Yves Durand - Je fais une proposition et le ministre ne répond pas ! M. Jean-Pierre Blazy - J'espère qu'il me répondra. Je veux même me référer à son propre discours. Selon lui, « il n'est pas de meilleur lieu que cet hémicycle pour dissiper les craintes et les rumeurs, pour éclairer nos concitoyens et pour jeter les bases d'un nouveau pacte entre la nation et son école ». Il concluait ainsi : « Je ne me résous pas à l'idée que le Parlement ne traite plus du premier des services publics, l'éducation nationale. » Mon amendement 336 a précisément pour objet de prévoir que, chaque année, avant de voter ce qui est encore le premier budget de la nation, même s'il a beaucoup baissé en trois ans, le Parlement puisse examiner un rapport sur l'éducation nationale. Puisque le Haut conseil de l'éducation doit dresser annuellement un bilan public des résultats, il faut saisir cette occasion de débattre. M. le Rapporteur - La commission n'a pas estimé cet amendement judicieux. Tous les ans, l'Assemblée a déjà l'occasion de débattre de l'enseignement scolaire dans la discussion budgétaire. Il y aura en outre le rapport du Haut conseil. M. le Ministre - Avis défavorable. Je veux d'abord rectifier une affirmation : le budget de l'éducation nationale ne baisse pas, il a augmenté de 7% en trois ans. Je comprends la philosophie de cet amendement, mais vous avez voté avec nous la loi organique sur les lois de finances ; nous ne pouvons modifier la nouvelle procédure budgétaire dans la loi d'orientation sur l'école. Enfin, cet amendement est contraire à la Constitution, puisqu'il enjoint au Gouvernement de présenter un rapport au Parlement. M. Christian Paul - Je regrette que vous n'ayez pas répondu - même négativement - à la proposition constructive faite par Yves Durand. Si vous ne souhaitez pas créer un groupe de travail, dites-le nous, mais évitons les dialogues de sourds. Par ailleurs, on ne peut vouloir réaffirmer le rôle du Parlement en matière éducative et renoncer à organiser un débat qualitatif sur les questions stratégiques. Nous avons très souvent créé des commissions et prévu des rapports. Il serait dommage de ne pas le faire sur un sujet aussi essentiel. Enfin, quelles que soient les améliorations apportées par la nouvelle procédure, nous savons assez dans quelles conditions les budgets sont débattus ici pour ne pas nous y tromper. M. André Chassaigne - Cet amendement rejoint notre souci de mieux observer ce qui se passe dans le monde de l'enseignement. Nous avons proposé la création d'un observatoire, voire d'observatoires décentralisés. On parle parfois de « faillite », on entend des propos à l'emporte-pièce sur certains choix pédagogiques, on fait de nombreuses constatations sur les insuffisances du système éducatif, mais on laisse l'évaluation aux seuls hauts fonctionnaires du ministère, qui changent d'ailleurs de discours de décennie en décennie. Si vous n'avez pas la volonté d'étudier scientifiquement la réalité du système éducatif, c'est que vous ne voulez pas vraiment combattre l'échec scolaire ni promouvoir l'égalité des chances. Mme Martine David - Notre amendement n'est pas contraire à la Constitution. Il ne demande pas un rapport au Gouvernement, mais prévoit, en anticipation de la discussion budgétaire, que le Parlement établisse un rapport d'évaluation. On nous dit que beaucoup de moyens ont été consacrés au système éducatif, sans que les résultats soient à la hauteur de l'effort consenti par la nation. Donnons-nous les moyens d'évaluer, ainsi nous saurons si l'engagement budgétaire est conforme aux objectifs. Je ne comprends pas que la réponse du rapporteur soit si lapidaire. M. Jean-Pierre Blazy - On ne peut laisser dire n'importe quoi. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Si je me réfère aux publications officielles du ministère, la part de la dépense rapportée au PIB a baissé, tout comme la dépense moyenne par élève. Il est normal que nous nous interrogions sur cette évolution. L'amendement 336, mis aux voix, n'est pas adopté.
ART. 3 M. François Liberti - Cet article est ambigu sur plusieurs points. En particulier, l'expression « un diplôme ou une qualification reconnue » est trop générale. L'obtention d'un diplôme tel que le brevet ne garantit pas l'insertion professionnelle. Cette formulation est même dangereuse, car elle risque de dévaloriser les diplômes. C'est pourquoi nous avons déposé notre amendement 206 rectifié, qui vise à fixer pour objectif que tous les élèves sortent du système éducatif avec au minimum le niveau du CAP ou du BEP. Aujourd'hui, le CAP n'est plus préparé qu'en apprentissage : les lycées professionnels l'ont abandonné depuis la création du bac professionnel. M. Guy Geoffroy - C'est faux ! M. François Liberti - En outre, le CAP et le BEP ont une valeur négative sur le marché de l'emploi depuis que vous avez exonéré de charges tout employeur recrutant un jeune d'un niveau inférieur au bac. C'est le sens de votre politique libérale : vous recherchez l'externalisation de la formation professionnelle initiale. Pour ceux qui ne seront pas bacheliers, l'Etat et ses relais régionaux prévoiront des dispositifs d'accès à l'emploi. A défaut, les salariés bénéficieront tout au long de la vie de formations « juste à temps ». Au pire, le RMA leur donnera une identité sociale au rabais tout en présentant l'avantage de les faire disparaître des statistiques du chômage. Ce n'est pas la seule ambiguïté de cet article, mais j'ai voulu insister sur le risque de déqualification des diplômes. Mme Martine Carrillon-Couvreur - Nous avons déjà débattu, longuement, du parcours scolaire des jeunes handicapés. La scolarisation des élèves en situation de handicap reste particulièrement difficile alors qu'ils sont plus de 76 000 dans le premier degré, 20 000 dans le second et 7 000 dans l'enseignement supérieur. Je rappelle en outre que 10 000 jeunes handicapés ne sont pas scolarisés. Alors que l'intégration dans un établissement favorise le sentiment d'appartenance, trop de ruptures traumatisantes se produisent encore. Il est donc urgent de prendre un certain nombre de mesures : formation spécifique obligatoire des personnels - alors que le rapport annexé se contente de les y inviter -, mise en place de projets individualisés, de dispositifs de soutien et d'accompagnement, d'assistance pédagogique à domicile et d'AVS. La suppression des postes suscite de légitimes inquiétudes, en particulier dans les classes d'intégration scolaire spécialisée. Or, tous les élèves en situation de handicap doivent pouvoir étudier dans les meilleures conditions. La question de la scolarisation des enfants sourds se pose d'une manière plus spécifique. A l'occasion de la loi sur l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, nous avions déposé un amendement, accepté par Mme Montchamp mais finalement repoussé en CMP, visant à reconnaître la place de la langue des signes. Nous demandons à ce que cette disposition soit ici reprise, d'autant plus qu'il ne s'agit que d'officialiser un état de fait. M. Guy Geoffroy - Ce texte ne vient pas de nulle part. M. Yves Durand - Mais nous ne savons pas où il va ! (Sourires) M. Guy Geoffroy - Il n'a pas été bâclé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) : il est au contraire fort bien pensé à partir de mesures déjà existantes qu'il s'agit de rendre plus efficaces. Les objectifs sont clairs : faire en sorte que 80% d'une classe d'âge atteigne le niveau du baccalauréat, 50% celui de l'enseignement supérieur, et que 100% des élèves obtiennent un diplôme. Il en va de même concernant les bourses attribuées sur critères sociaux et les bourses au mérite, dont le projet prévoit l'extension. On voit bien que ce projet est un texte sérieux, travaillé et constructif qui servira l'intérêt des élèves (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Enfin, il est faux de prétendre, comme le fait M. Liberti, que les bacs professionnels ont tué les CAP et les BEP... M. François Liberti - Donneur de leçons ! M. Guy Geoffroy - ...puisque l'inscription en terminale « bac professionnel » suppose l'obtention d'un BEP et que parmi les élèves titulaires d'un BEP, nombreux sont ceux qui ont commencé par passer un CAP. M. François Liberti - Je n'ai pas dit le contraire. M. Guy Geoffroy - Je tenais à rappeler ces vérités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. François Liberti - Vous voulez faire disparaître les diplômes les plus modestes ! M. Jean Lassalle - Je ne veux mettre en cause personne dans mes propos, et surtout pas le ministre qui travaille aussi bien qu'il le peut avec des collaborateurs dévoués et dans un contexte budgétaire délicat, mais nous avons besoin d'une prise de conscience collective : l'école, pour nombre de nos concitoyens, est le dernier bastion de la République, et d'autant plus que dans les régions rurales et montagnardes en particulier, les services publics disparaissent peu à peu et qu'il n'est pas encore possible d'évaluer les structures de remplacement mises en place. L'école constitue un enjeu de civilisation : si l'on continue à supprimer des postes, nous n'aurons plus à former des maîtres mais des psychologues, des psychiatres, des gardiens de prison. L'école structure les enfants en leur donnant le goût d'un terroir, l'amour d'un pays, et elle est aujourd'hui bien seule à créer du lien social - si l'on excepte les associations sportives - car ni la famille ni l'église ne sont plus en état de remplir cette mission. Si nous ne prenons pas conscience de cet enjeu, nous allons à la catastrophe. Nos concitoyens se demandent qui ils sont et une organisation qui a fait ses preuves, l'école républicaine, doit continuer à le leur répéter : qu'ils vivent dans les campagnes ou les banlieues, ils sont européens et français. M. André Chassaigne - Je félicite du fond du cœur mon collègue M. Geoffroy, député et chef d'établissement scolaire comme moi, de m'avoir fait comprendre quelle était la substantifique moelle de ce débat ! J'ai indiqué hier, en m'appuyant sur un article paru dans La Montagne, combien les propos du ministre me semblaient en décalage complet avec la réalité : à Thiers, quinze postes seront supprimés et les filières tertiaires et industrielles sont touchées alors que ce territoire vient de passer un contrat pour encourager le développement du tissu industriel ! Mais en réalité, ce texte est sérieux, travaillé et constructif. Plusieurs députés UMP - Bien évidemment ! M. André Chassaigne - Notre ministre n'est pas schizophrène ! Comme M. Liberti l'a bien montré, le remplacement du terme « diplôme » par celui de « qualification reconnue » à l'article 3 signifie que la nation ne sera plus désormais dans l'obligation d'assurer une formation professionnelle et technologique au moyen de son système éducatif et, partant, l'insertion des jeunes dans la vie sociale. Nous sommes en train de tirer un trait sur la formation professionnelle ! M. Guy Geoffroy - C'est le contraire ! Et quand il n'y a plus de candidats, il est logique que l'on ferme des classes ! M. André Chassaigne - Par cette loi, vous continuez de plier le système éducatif à vos choix libéraux. Déjà, le plan Borloo, pour donner une dimension pérenne à la « seconde chance éducative » a retiré la formation professionnelle à l'éducation nationale pour la confier aux entreprises ! M. Guy Geoffroy - Vous fantasmez ! M. André Chassaigne - La loi sur la formation professionnelle avec la création du contrat de professionnalisation poursuivait le même objectif. Ce choix, qui se manifeste dans le présent projet, correspond à une évolution fondamentale dans laquelle je reconnais la trace du Medef ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) M. Yves Durand - Depuis trois jours, nous répétons que ce texte constitue un recul, qu'un jeune ne sera pas assuré de trouver un emploi s'il est muni d'une « qualification reconnue ». Reconnue par qui ? Nous sommes dans le flou le plus complet et cette approximation est préjudiciable aux jeunes les moins favorisés. Vous ne pouvez pas continuer à prétendre que vous donnez toutes leurs chances à tous les élèves en vous contentant d'une telle formule ! Au demeurant, je me demande de quoi nous débattons au juste. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP) Plusieurs députés UMP - Quelle autocritique ! M. Yves Durand - Nous discutons en ce moment d'un article que le Gouvernement veut supprimer. Nous sommes accusés d'obstruction, mais là, j'ai l'impression que nous perdons notre temps. Plusieurs députés UMP - C'est vrai ! M. Yves Durand - Le débat n'est pas mince : qu'est-ce que la qualification ? Comment un jeune pourra-t-il faire valoir celle qu'il aura acquise dans le monde du travail ? Mais le Gouvernement va balayer nos arguments d'un revers de main en arguant que l'article est supprimé. Monsieur le ministre, ce texte est bâclé, mal ficelé et approximatif, sans parler de l'urgence que vous avez déclarée. Par crainte de la censure du Conseil constitutionnel, vous proposez de supprimer certains articles de loi, ou plus exactement de les reporter dans le rapport annexé. Dans ces conditions, nous ne travaillons pas dans la sérénité. Nous demandons du moins que nos amendements à l'article 3 puissent être examinés au moment de la discussion de l'article 8. M. le Ministre - Par l'amendement 4, nous proposons en effet de supprimer l'article 3, et nous renverrons ces dispositions au rapport annexé par un amendement à l'article 8. Je vous rappelle que, pour construire ce texte, nous nous sommes fondés sur la forme juridique de la loi de 1989. D'autre part, en renvoyant les données chiffrées dépourvues de valeur normative à l'annexe, le Gouvernement se conforme à l'évolution récente de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les lois d'orientation. Alors que cette méthode est celle que vous avez adoptée en 1989, ne venez pas aujourd'hui me donner des leçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Monsieur Durand, constituer des groupes de travail avec les parents d'élèves - proposition à laquelle vous me reprochez de ne pas avoir répondu - est assurément une bonne idée mais pourquoi ne l'avez-vous pas mise en œuvre comme vous auriez pu le faire depuis la loi de 1989 ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Quant au report de l'examen des amendements à l'article 8, le Règlement de l'Assemblée ne me donne pas compétence de le décider ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) L'amendement 4, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté et l'article 3 est ainsi supprimé. M. Yves Durand - Je souhaiterais que la présidence nous garantisse que nos amendements à l'article 3 seront examinés lors de la discussion de l'article 8. Mme la Présidente - Le délai de dépôt des amendements est clos. Seuls le Gouvernement et la commission peuvent prendre l'initiative de le rouvrir : ce pouvoir n'appartient pas à la présidence. M. Yves Durand - Je souhaite avoir une réponse sur ce point avant de poursuivre la discussion : que le président de la commission, le rapporteur ou le ministre nous la donnent ! Mme Christine Boutin - Je m'associe à la question qui vient d'être posée par nos collègues socialistes. Parmi ces amendements figurent en effet des amendements relatifs aux sourds et aux handicapés. Un texte sur l'école ne saurait négliger ce sujet. M. François Liberti - Il ne faudrait pas qu'on nous dise, à l'article 8, que la suppression de l'article 3 fait tomber nos amendements et que l'on élude ainsi le débat de fond. Or vous n'avez pas répondu à cette question. Mme la Présidente - En fait, le Gouvernement ayant déposé un amendement à l'article 8, le délai de dépôt est rouvert, conformément à l'article 99 alinéa 7 du Règlement. Vous pouvez donc déposer ces amendements à l'article 8.
APRÈS L'ART. 3 Mme Martine Carrillon-Couvreur - L'amendement 364 affirme le droit de tous les enfants et adolescents en situation de handicap à accéder à l'éducation. Ce droit doit être garanti sur l'ensemble du territoire français. Le rôle de l'éducation nationale est d'assurer à ces enfants et à ces adolescents la formation scolaire, professionnelle et supérieure à laquelle ils peuvent prétendre. Leur scolarité doit donc être organisée, accompagnée et mise en œuvre dans tous les établissements scolaires. J'ai déjà exposé les difficultés que ces élèves rencontrent parfois dans leur scolarité en raison des soins que requiert leur handicap. Il est important que cela soit pris en considération. J'espère donc que cet amendement retiendra l'attention du Gouvernement. M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Ce sujet a été abordé dans le cadre du projet de loi sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont l'article 19 est très complet. M. le Ministre - L'article 19 de la loi sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées - repris à l'article L. 112-1 alinéa 2 du code de l'éducation - prévoit déjà l'inscription du jeune handicapé dans l'école ou l'établissement scolaire le plus proche de son domicile. Cet amendement est donc inutile. Mme Danielle Bousquet - Je suis un peu surprise de la réponse de la commission et du ministre. De plus en plus d'enfants se révèlent dyslexiques. Dans les cas les plus graves, ils ne peuvent pas écrire sans l'aide d'un micro-ordinateur. Seule l'inscription dans la loi de l'obligation d'assurer la formation de ces enfants pourra répondre à l'inquiétude de leurs parents. Une circulaire de 2002 permet aux enfants dyslexiques de bénéficier d'aides techniques et d'un tiers temps pour les examens. Je souhaite que vous nous confirmiez le principe de cette aide. Je rappelle qu'environ 10% des enfants seraient dyslexiques et que bon nombre parmi eux souffriraient de troubles de l'écriture. Mme Christine Boutin - J'ai bien entendu votre réponse, Monsieur le ministre. Mais pour bien connaître les difficultés que rencontrent les parents d'enfants handicapés pour les scolariser, notamment en raison du manque de formation des enseignants, je pense qu'il faut réaffirmer clairement dans ce texte que l'obligation de scolarisation des enfants handicapés s'impose à tous et que les enseignants doivent être formés pour cela. M. Jean-Pierre Blazy - Très bien. M. le Ministre - Je ne méconnais pas les difficultés d'application de ce principe, Madame Boutin. Mais la loi est une : ce que vous avez voté dans le texte sur le handicap figure maintenant dans le code de l'éducation. La loi ne ferait donc que se répéter. Il reste que nous avons désormais à relever le défi de la mise en œuvre de ce principe. M. Jean-Pierre Blazy - Comme tout à l'heure sur le rôle des parents et leur participation effective à la co-éducation, un consensus semble se manifester sur nos bancs, mais, compte tenu de la réponse de la commission et du ministre, je crains que nous ne perdions une nouvelle occasion : c'est regrettable. L'amendement 364, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Martine Carrillon-Couvreur - L'amendement 466 tend à insérer dans le code de l'éducation un article ainsi rédigé : « dans l'éducation et le parcours scolaire des jeunes sourds, la liberté de choix entre une communication bilingue - langue des signes et français - et une communication orale est de droit. » Il s'agit qu'ils puissent recevoir un enseignement en langue des signes française, dans toutes les matières du programme et de la maternelle à l'université. Nous connaissons tous des établissements scolaires qui pratiquent cet enseignement dont la qualité est reconnue. Grâce à lui, un lycée de ma ville permet aux jeunes sourds d'accéder aux classes préparatoires et à l'enseignement supérieur. Ses anciens élèves ont tous trouvé un emploi. La scolarité en langue des signes donne une identité à l'enfant et le socialise dans de bonnes conditions. La dynamique entretenue autour de la langue des signes permet aussi d'associer la famille de l'enfant et de favoriser son intégration familiale. La maîtrise d'une langue acquise de manière naturelle et non enseignée permet la construction de la personnalité et l'acquisition des apprentissages de base et du français. L'élève peut ainsi se projeter dans l'avenir comme un sourd adulte, instruit et intégré dans le monde entendant. Cet amendement avait été accepté par Mme Montchamp lors de la discussion de la loi sur l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, mais il a été supprimé par la CMP. J'insiste donc pour qu'il soit adopté dans le cadre du présent texte. Il ne s'agit que d'officialiser ce qui existe déjà dans certaines académies. M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) On ne peut que souscrire à l'argumentaire de Mme Carrillon-Couvreur, bien que la mise en œuvre sur tout le territoire soit complexe. A titre personnel, je ne prendrai cependant pas position. M. le Ministre - Les aspects législatifs de cette question sont déjà traités par la loi sur le handicap. Il faut maintenant la mettre en œuvre, mais ce n'est pas le rôle du présent projet de loi. M. Jean-Pierre Blazy - Esquive ! Mme Martine Carrillon-Couvreur - Mais cette disposition ne figure pas dans la loi sur le handicap ! Elle avait été acceptée par Mme Montchamp, mais n'a pas été retenue par la CMP. Nous cherchons tous à défendre l'accès à la qualification, et nous avons ici un moyen d'aider un certain nombre d'élèves et d'étudiants qui souffrent de handicaps reconnus mais qui ont aussi fait leurs preuves dans leurs études. M. le Ministre - L'article 19 de la loi sur le handicap précise que les enfants et adolescents sourds peuvent choisir entre une éducation en langue française ou bilingue français-langue des signes, et l'article 75 reconnaît la langue des signes française comme une langue à part entière. Mais les dispositions relatives à son enseignement ne relèvent pas de la loi ! Il s'agit de décisions réglementaires qui vont être prises. Mme Christine Boutin - Il me semble que cette réponse est tout à fait satisfaisante, puisque les dispositions matérielles vont être mises en œuvre. L'amendement 466, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Martine Carrillon-Couvreur - L'amendement 365 précise que tout élève en situation de handicap doit pouvoir poursuivre ses études à l'issue de la scolarité obligatoire. La scolarisation d'un jeune en situation de handicap peut être interrompue par des soins ou des difficultés propres à sa maladie, ou peut être plus lente que la moyenne. Il doit pouvoir poursuivre sa scolarité jusqu'à l'obtention d'un diplôme. M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. L'article L. 112-3 du code de l'éducation prévoit qu'une éducation spéciale peut être entreprise avant et poursuivie après l'âge de la scolarité obligatoire pour les élèves handicapés et le rapport annexé montre expressément que la scolarisation de ces élèves peut se faire en milieu ordinaire quelle que soit la nature du handicap. Cet amendement est donc satisfait. M. le Ministre - Même avis. L'article L. 122-2 du code prévoit que tout élève qui, à l'issue de la scolarité obligatoire, n'a pas atteint un niveau de formation reconnu doit pouvoir poursuivre ses études. L'amendement 365, mis aux voix, n'est pas adopté. M. André Chassaigne - L'article L. 113-1 du code prévoit que les classes enfantines ou les écoles maternelles sont ouvertes aux enfants qui n'ont pas atteint l'âge de la scolarité obligatoire et que tout enfant doit pouvoir être accueilli, à l'âge de trois ans, le plus près possible de son domicile, si sa famille en fait la demande. Il prévoit l'accueil des enfants de deux ans en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne. Mme Bello demande, par l'amendement 232, de rajouter les régions d'outre-mer à cette dernière énumération. Le taux de pré-scolarisation y est en effet beaucoup moins élevé qu'en métropole : il n'est que de 14% à la Réunion pour les enfants de moins de trois ans, contre 28% en métropole. Il est donc important de mentionner les régions d'outre-mer dans les secteurs à privilégier. J'ajoute que l'application de cet article du code n'est malheureusement pas sans poser problème. Depuis quelques années, la volonté de l'administration est clairement de limiter la scolarisation des moins de trois ans. On le constate en particulier en milieu rural, où l'on fait jouer les seuils d'effectifs pour pouvoir supprimer des classes. Les conséquences sur l'offre éducative sont graves. Il faut donc souligner à quel point les grands principes affirmés par une loi peuvent être réduits à néant par une politique d'économie budgétaire. Toutes les études montrent l'importance de cet accès à l'éducation avant l'âge de trois ans. M. Guy Geoffroy - Elles sont mitigées ! M. le Ministre - On ne peut pas laisser dire ça ! M. André Chassaigne - Toutes les études le montrent, en particulier pour les enfants d'origine modeste ou étrangère. Si vous faites la démonstration contraire, ce ne sera pas sur des bases scientifiques. M. le Rapporteur - Je ne partage absolument pas les arguments de M. Chassaigne, mais l'amendement en lui-même est intéressant. Avis favorable. M. le Ministre - Les responsables politiques ont eux aussi des enfants, y compris à l'école maternelle, et ils ne peuvent que se montrer sensibles au débat qui a lieu sur la question de la scolarisation des enfants à partir de deux ans. Un débat scientifique, Monsieur Chassaigne, pas budgétaire. Certains d'entre vous ont notamment entendu Mme Brisset dire ce qu'elle pensait de la question. Écarter d'un revers de main les très nombreux rapports qui montrent que certains enfants sont perturbés par une scolarisation précoce, que certains ne sont pas suffisamment structurés pour être soudain placés au sein d'un groupe, avec les relations et la violence que cela implique, n'est pas raisonnable. Sur ce sujet, nous n'avons pas de position de principe. Le rapport annexé maintient d'ailleurs la possibilité de l'accueil des enfants de deux ans, en priorité dans les environnements sociaux défavorisés. Mais il faudra absolument organiser des rencontres entre l'ensemble des experts, semblables aux « conférences de consensus » qui ont lieu dans le domaine médical, qui nous permettent de déterminer une position de sécurité. Il ne s'agit pas d'un problème de moyens ou d'organisation, il s'agit d'être sûr qu'il n'y a pas de danger à une scolarisation trop précoce ! Quant à l'amendement, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée. Il me semble que les dispositions de la loi s'appliquent naturellement à l'ensemble des territoires de la République, mais si l'Assemblée souhaite l'adopter, le Gouvernement n'y voit pas d'inconvénient. M. Yves Durand - Le problème de la scolarisation des enfants de deux ans ne peut être résolu de façon dogmatique, et toute obligation comme toute interdiction générale serait une absurdité. Une réflexion commune est effectivement nécessaire. Il faut déterminer une véritable politique publique de la petite enfance. Le passage du milieu familial au milieu social est à la fois pour les enfants une absolue nécessité et un traumatisme. C'est généralement la première rupture, celle qui peut avoir les meilleures ou les pires conséquences. Elle détermine souvent la suite du cursus scolaire, voire universitaire. Certains troubles de comportements s'expliquent par une telle rupture, intervenue entre un et cinq ans. Une réflexion approfondie serait nécessaire sur ce sujet difficile, mais il ne faut pas exclure la possibilité de cette scolarisation à 2 ans. M. Guy Geoffroy - C'est dans le rapport annexé ! M. Yves Durand - Certes, mais je constate dans mon département que la scolarisation à 2 ans, et même dans certains cas à 3 ans, n'est pas toujours possible car l'école maternelle est de plus en plus une variable d'ajustement : quand on ferme des classes, c'est d'abord à l'école maternelle. Mme Valérie Pecresse et M. Guy Geoffroy - Ce n'est pas vrai ! M. Yves Durand - Venez voir dans le Nord ! Mme Brisset ne dit pas qu'elle est contre la scolarisation des enfants de 2 ans, elle dit qu'il faut leur assurer de bonnes conditions d'accueil. M. le Ministre - L'accueil n'est pas la scolarisation. M. Yves Durand - Cela signifie en particulier revoir la formation des maîtres, mais nullement considérer que la scolarisation des enfants de 2 ans est une mauvaise chose comme vous venez de le faire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Mme la Présidente - Je rappelle qu'il sera possible d'évoquer à nouveau cette question dans le cadre du rapport annexé. Mme Jacqueline Fraysse - Il ne faut pas caricaturer les propos de M. Chassaigne. Monsieur le ministre, certes chaque enfant est unique et il ne peut y avoir de dogme. Il reste que pour surmonter les difficultés rencontrées par certains enfants dans l'apprentissage de la langue française, une scolarisation précoce peut être souhaitable. Or, à Nanterre par exemple, dans le quartier du Parc, classé comme sensible, il y avait, jusqu'à la récente signature d'un accord, quatre-vingt-dix enfants de moins de 3 ans sur liste d'attente pour entrer en maternelle ; il ne pouvaient pas être accueillis faute de moyens. On ne peut pas nier que dans certains quartiers les besoins sont immenses et les moyens insuffisants. M. André Chassaigne - Je remercie le rapporteur de son avis favorable sur l'amendement que j'ai défendu pour Mme Bello ! La question de la préscolarisation mérite en effet une analyse approfondie, mais celle-ci ne doit pas être pervertie par des considérations budgétaires. En milieu rural, les classes enfantines sont très appréciées. M. Christian Jeanjean - Personnellement, je suis profondément opposé à la scolarisation des enfants de 2 ans. S'il y a un service à leur rendre, c'est de les maintenir dans leurs familles. Il y a un âge pour tout ! Les médecins de PMI sont opposés à leur scolarisation. Mme Jacqueline Fraysse - Ce n'est pas vrai ! Mme Valérie Pecresse - Si, c'est vrai ! M. Christian Jeanjean - Quant aux enfants de 3 ans, je crois qu'il est faux de dire qu'ils ne sont pas toujours accueillis en maternelle (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). M. Jean-Pierre Blazy - Nous venons d'entendre la voix de la droite réactionnaire, qui veut que les femmes restent à la maison pour élever leurs enfants !(Protestations sur les bancs du groupe UMP) M. Guy Geoffroy - Je suis surpris et désolé que cette discussion très intéressante soit altérée par des propos déplacés. Nous pourrions, nous, parler de gauche conservatrice... Les propos de MM. Durand et Chassaigne rejoignent les nôtres, ce qui montre bien qu'il s'agit d'une question délicate qu'on ne peut traiter de manière dogmatique. Je suis très satisfait d'avoir entendu M. Chassaigne parler de préscolarisation, car avant 3 ans c'est bien de cela qu'il s'agit. Nous accuser de remettre en cause l'école maternelle est scandaleux ! Evitons la caricature et poursuivons notre débat dans la sérénité. L'amendement 232, mis aux voix, est adopté. Mme Martine David - Notre amendement 297 rectifié est essentiel car il tend à consacrer l'éducation et la formation tout au long de la vie comme des droits essentiels pour chaque individu, que tous les établissements d'enseignement doivent contribuer à mettre en œuvre. Le droit à la formation tout au long de la vie ne peut être réduit à une simple formation professionnelle continue, et moins encore à une forme de rattrapage d'une formation initiale ratée. Tout individu doit pouvoir construire son propre parcours de réussite personnelle, sociale et professionnelle. La formation tout au long de la vie se présente comme un processus global d'éducation, permettant de regrouper dans un même cursus les formations initiale et continue. Tout jeune entré dans la vie professionnelle à l'issue de sa scolarité doit pouvoir infléchir son parcours s'il le souhaite. M. le Rapporteur - Sous peine que mes réponses soient taxées de « lapidaires », je persisterai dans la concision car cet amendement nous est présenté pour la troisième fois : avis défavorable. M. François Liberti - C'est la commission de la hache ! M. le Ministre - Même avis, d'autant que le deuxième alinéa de l'article L. 122-2 du code de l'éducation le satisfait. M. Yves Durand - Les réponses de notre rapporteur ne sont plus lapidaires, mais carrément expéditives. J'insiste pour que notre assemblée adopte cet amendement essentiel. Au reste, nous y reviendrons que vous le vouliez ou non, notamment lorsque nous discuterons du « socle ». Ce qui est en jeu, c'est l'idée que la formation tout au long de la vie ne peut en aucun cas se fonder sur des parcours de formation initiale ratés. Nous refusons de céder à l'idée qu'expriment certains sur le mode « peu importe si la formation initiale est ratée, puisqu'il y aura la formation continue » ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP) M. Guy Geoffroy - Où êtes-vous allé chercher cela ? M. Yves Durand - Le souci de garantir la continuité éducative entre l'enfance, la jeunesse et l'âge adulte commande que nous adoptions cet amendement. Une formation initiale réussie sert de tremplin à la formation tout au long de la vie. Soyons bien conscients du fait que l'expression coutumière selon laquelle il faut avoir « un bon métier entre les mains » n'a plus cours aujourd'hui ; ce qui prime désormais ce sont les facultés d'adaptation au changement. L'amendement 297 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Danielle Bousquet - Notre amendement 367 tend à inciter les jeunes filles à s'orienter, au même titre que les garçons présentant les mêmes capacités, vers les filières scolaires les plus ambitieuses. Il convient de combattre les idées reçues qui peuvent conduire les filles à ne pas valoriser toutes leurs capacités. A l'heure actuelle, en fin de troisième, les filles choisissent majoritairement les séries littéraires. A l'image des campagnes lancées dans les années 1990 sur le thème « les métiers n'ont pas de sexe », il faut encourager les jeunes filles à envisager leur orientation professionnelle de la manière la plus ouverte possible. C'est en agissant dès le collège et le lycée que l'on mettra fin aux scandaleuses inégalités de rémunération, d'emploi, et d'accès aux postes de direction qui persistent aujourd'hui entre les hommes et les femmes. M. le Rapporteur - Vous pourrez constater, en vous reportant à la page 41 du rapport annexé, que le texte entend promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes, en prenant mieux en compte dans l'orientation la question de la mixité et en corrigeant les discriminations liées au sexe dans la représentation sociale des métiers. La commission est donc pleinement favorable à votre amendement. M. le Ministre - Avis favorable. L'amendement 367, mis aux voix, est adopté. Mme Martine David - L'enfant ne passe en milieu scolaire qu'une part relativement limitée de son temps, généralement évaluée à 1 000 heures par année scolaire. Par notre amendement 369, nous proposons par conséquent que les établissements scolaires nouent des liens privilégiés avec les associations de proximité, dans la mesure où l'éducation ne commence ni ne s'arrête aux portes de l'école. Il faut envisager de manière globale l'environnement des élèves. Il convient certes que tout cela soit encadré, mais on ne peut considérer que le milieu familial et le milieu éducatif soient les seuls à pouvoir répondre aux besoins des enfants. M. le Rapporteur - Sur le terrain, il existe des liens entre les associations et les communes ou communautés de communes. Le rôle des associations est évoqué dans la loi de cohésion sociale. Quant au partenariat avec les associations, il figure dans le rapport annexé. La commission a donc repoussé cet amendement. M. le Ministre - Nous retrouvons les termes mêmes de votre amendement dans le rapport annexé. Ces dispositions ne sont d'ailleurs pas d'ordre législatif. M. Yves Durand - Qu'elles figurent dans la loi ou dans le rapport annexé, de telles dispositions ne peuvent rester sans conséquences. Il faut donner un cadre institutionnel aux liens avec le monde associatif. On sait que le temps qu'un enfant passe hors de l'école est plus important que le temps passé en classe. En outre, la rupture s'accentue entre ce qu'on appelle parfois « la culture scolaire » et la culture acquise à l'extérieur. Cette évolution se fait en général au détriment des valeurs que nous voulons transmettre à l'école. Les acteurs qui interviennent à l'extérieur de l'école sont aussi à l'origine de l'acte éducatif ; nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'on ne peut tout demander à l'école. Il reste donc à instituer un partenariat avec les associations, y compris s'agissant de l'utilisation des locaux scolaires. Cela signifie qu'il faut prévoir un certain nombre de moyens contractualisés. C'est ce que demande la Ligue de l'enseignement. Or, les crédits d'Etat pour la vie associative ont diminué de manière dramatique. M. Guy Geoffroy - M. Durand demande un cadre institutionnel, mais il feint d'ignorer qu'il existe. Que sont en effet les contrats de temps libre, les contrats éducatifs locaux, sinon ce cadre institutionnel, utilisé sous l'autorité des directions départementales de la jeunesse et des sports ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Ne laissons pas entendre qu'il n'y a rien aujourd'hui. Ce cadre existe, je l'ai rencontré ! M. Yves Durand - Il existait ! M. Guy Geoffroy - Nous pouvons nous donner rendez-vous à l'article 8. L'amendement 368, mis aux voix, n'est pas adopté. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures. La séance est levée à 12 heures 50. Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance. Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
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