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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 63ème jour de séance, 154ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 17 FÉVRIER 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

            PROJET DE LOI D'ORIENTATION
            POUR L'AVENIR DE L'ÉCOLE (suite) 2

            APRÈS L'ART. 3 (suite) 2

            ART. 4 10

            ART. 5 16

            ART. 6 16

            ERRATUM 24

La séance est ouverte à quinze heures.

PROJET DE LOI D'ORIENTATION POUR L'AVENIR DE L'ÉCOLE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école.

APRÈS L'ART. 3 (suite)

Mme Martine David - L'amendement 370 est défendu.

M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Avis défavorable.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Même avis.

L'amendement 370, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Blazy - Dans l'intérêt des enfants, l'amendement 371 tend à créer des liens entre l'éducation nationale et les collectivités locales. On nous opposera que le rapport annexé consacre un chapitre au « partenariat avec les élus, mais ce rapport n'a pas de portée normative et c'est à quoi nous souhaitons remédier, considérant que la contribution des communes à la politique éducative est indispensable. Les collectivités l'ont d'ailleurs déjà compris, comme en témoigne leur engagement dans les contrats éducatifs locaux, mais leurs relations avec l'éducation nationale ne sont pas toujours faciles et il leur est par exemple malaisé d'obtenir les statistiques dont elles auraient besoin pour définir la politique éducative locale.

M. le Rapporteur - Nous avons déjà discuté de ce point. Avis défavorable.

M. le Ministre - Cet amendement est déjà satisfait par le code de l'éducation.

M. Yves Durand - Je crains que le ministre ne nous réponde inlassablement que le code de l'éducation répond déjà à toutes nos demandes ! On se demande bien pourquoi il fallait légiférer dans ce cas !

Parce que les enfants passent moins de temps à l'école qu'à l'extérieur, les acteurs sociaux, et notamment les collectivités territoriales, doivent se mobiliser pour bâtir une véritable société de la connaissance. C'est à quoi nous nous sommes employés entre 1997 et 2002 avec les contrats éducatifs locaux.

M. Guy Geoffroy - Et ça marche !

M. Yves Durand - C'est vrai, ce dispositif a bien fonctionné, à une époque où la volonté politique et les moyens ne manquaient pas ! Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

M. Guy Geoffroy - C'est faux !

M. Yves Durand - Certaines communes ne veulent plus de ces contrats, d'autres ne peuvent plus les financer, compte tenu de leurs charges. Pour garantir l'égalité de tous sur l'ensemble du territoire, il convient de réaffirmer dans la loi cette volonté de contractualisation entre l'école et les collectivités territoriales.

M. Guy Geoffroy - Vous ne pouvez pas dire que l'Etat ne finance plus les contrats éducatifs locaux. Ceux qui veulent poursuivre cette politique le peuvent !

L'amendement 371, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine David - L'amendement 298 rectifié tend à inscrire dans la loi que la formation aux technologies de l'information et de la communication fait partie intégrante de la formation des élèves et des étudiants. On ne peut se contenter d'une mention dans le rapport annexé, compte tenu de l'importance de l'enjeu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable : cela figure déjà à l'article 6.

M. le Ministre - En outre, l'article L. 312-9 du code de l'éducation dispose déjà que « tous les élèves sont initiés aux technologies et à l'usage de l'informatique ».

M. François Liberti - Il est vrai que le rapport annexé fait référence à l'apprentissage des nouvelles technologies mais ce rapport n'a pas de valeur juridique et nous ne pouvons en la matière nous contenter d'une intention.

M. Guy Geoffroy - A la suite du rapporteur, je vous renvoie à l'article 6 du projet de loi qui, définissant le socle commun des connaissances et compétences, y fait figurer « la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication ». Et cela, c'est dans la partie normative de la loi !

L'amendement 298 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Liberti - Par notre amendement 208, nous demandons que l'éducation physique et sportive ait le caractère d'une discipline obligatoire aux examens et que ce soit écrit dans la loi. Le projet actuel ne l'intègre pas dans le socle commun et en fait une matière facultative aux examens. Rien ne dit dans ces conditions que son enseignement restera obligatoire pour tous. Une telle mise à l'écart, sans précédent depuis que l'école de la République existe, serait dramatique à un moment où les bilans sur la santé des jeunes sont plutôt alarmants et où chacun s'accorde à reconnaître le rôle irremplaçable que joue l'EPS dans le développement des jeunes et dans leur équilibre. Il est curieux que cette discipline soit contestée et marginalisée, après que 2004 eut été décrétée année européenne de l'éducation par le sport et alors que 2005 va être, à la demande de l'ONU, année internationale du sport et de l'éducation physique. Sans parler du fait que le Gouvernement est censé soutenir la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2012 !

M. le Rapporteur - Rejet, car tout le code de l'éducation fait bien apparaître que le sport est une matière essentielle, de la maternelle à l'université.

M. le Ministre - J'ai beaucoup de respect pour M. Liberti et je suis donc ennuyé de l'entendre dire des choses inexactes, auxquelles il ne croit pas un instant. Il y a trente articles du code de l'éducation qui organisent l'enseignement de l'éducation physique - le L. 121-1, le L. 121-5, les 312-1 à 5, etc. L'EPS est obligatoire, je l'ai répété à maintes reprises, et cela n'est nullement remis en cause. Ces références à l'année du sport sont assez dérisoires, compte tenu de notre volonté affirmée d'enseigner cette discipline sur la durée, génération après génération.

Vous comprendrez rapidement pourquoi on ne met pas l'EPS dans le socle, Monsieur Liberti, quand je vous l'aurai expliqué le moment venu, mais un homme aussi rigoureux que vous ne peut pas répéter inlassablement un bobard (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) diffusé par des gens qui ne sont sans doute pas exempts d'arrière-pensées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Blazy - Viseriez-vous les 250 000 signataires de la pétition sur ce sujet, Monsieur le ministre ? Pour dissiper les inquiétudes, il ne suffit pas de nous renvoyer aux trente articles du code de l'éducation puisque, dès mai 2006, l'EPS deviendra une matière optionnelle - en contrôle continu, certes, ce qui est bien, mais en option - de l'examen du brevet. A partir du moment où elle a ce caractère optionnel, le risque est grand que s'ensuive une réduction des heures, ce qui pourrait se faire par voie réglementaire et qui s'accorderait assez avec votre volonté de réduire les postes.

M. Guy Geoffroy - Il ne faut certes pas mépriser les interrogations et les inquiétudes qui s'expriment, et les élus de l'UMP ont donc beaucoup dialogué avec les représentants des professeurs d'EPS et des parents. Mais le caractère obligatoire de l'EPS est déjà clairement établi par plusieurs articles du code de l'éducation. Permettez-moi aussi de vous lire la page 57 du rapport annexé : « L'éducation physique et sportive, dont l'enseignement est obligatoire à tous les niveaux, joue un rôle fondamental dans la formation de l'élève et son épanouissement personnel. »

M. Jean-Pierre Blazy - Il faut aussi qu'elle soit obligatoire à l'examen.

M. Guy Geoffroy - Tout cela tord le cou à l'idée selon laquelle le Gouvernement voudrait récupérer des moyens sur le dos de l'EPS. J'ajoute que le groupe UMP défendra à l'article 18 un amendement, adopté par la commission, disant que l'épreuve d'EPS est obligatoire au brevet. Cette mauvaise querelle n'a donc plus aucune raison d'être.

M. le Président - M. Liberti veut réagir au « bobard », je crois ? On se croirait à Sète... (Sourires )

M. François Liberti - A Sète, on aurait parlé de « couillonnade » ! (Sourires ) On nous renvoie systématiquement au rapport annexé, mais celui-ci n'a, je le répète, aucune valeur juridique et ne contient que des intentions qui peuvent être ou non mises en application. A partir du moment où vous parlez d'option, Monsieur le ministre, et où vous refusez d'intégrer l'EPS dans le socle commun, ne vous étonnez pas qu'il y ait des inquiétudes et une mobilisation ! 250 000 enseignants qui signent une pétition, ce n'est pas rien ! Il faut les entendre. Si l'on fait la sourde oreille au mécontentement qui s'exprime, on contribue à nourrir une certaine défiance envers le politique.

L'amendement 208, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Blazy - Notre amendement 304 rectifié pose que « l'établissement de la carte scolaire relève de la mission de l'Etat ». La loi du 13 août 2004 a décentralisé les procédures de sectorisation, ce qui risque d'aggraver la situation que l'on connaît déjà, à savoir une ségrégation scolaire qui se superpose à la ségrégation urbaine. Il faut que l'école redevienne un lieu de mixité sociale !

M. le Rapporteur - Repoussé.

M. Jean-Pierre Blazy - Dites au moins pourquoi !

M. le Ministre - Le Gouvernement n'imagine pas que le Parlement puisse, à quelques semaines d'intervalle, changer d'opinion. Avis défavorable, donc.

M. Jean-Pierre Brard - Je trouve le rapporteur un peu lapidaire... Le ministre, quant à lui, nous dit que le Parlement ne saurait se déjuger. D'abord, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Ensuite, il faut écouter le peuple. Malheureusement, je crains que nos collègues de droite soient quelque peu autistes, ou en tout cas ne soient pas appareillés pour entendre la France profonde. Elle vous a pourtant dit des choses fortes et vous a même envoyé, en mars, un magistral coup de pied aux fesses ! Les gens sont descendus dans la rue, ont manifesté...

M. Charles Cova - Manipulés par les syndicats !

M. Jean-Pierre Brard - Nous sommes tous d'accord quand il s'agit d'invoquer les valeurs républicaines. Quand il s'agit en revanche d'inventorier leur contenu et de les traduire concrètement, chose étrange, nous ne les interprétons pas de la même manière... Je vous renvoie à la réaction qu'a eue hier Mme Aurillac quand j'ai comparé Montreuil et le 7e arrondissement - je me mentionnerai pas Evreux, Monsieur le Président, car cette ville a des points communs avec Montreuil... La République, cela passe par l'égalité, la mixité sociale, le refus des ghettos. Il s'agit là de devoirs qui relèvent de la puissance régalienne. On ne peut pas - comme vous l'avez fait pour le logement en supprimant la part réservée aux préfets qui permettait de maintenir une certaine équité - renvoyer la définition de la carte scolaire aux collectivités territoriales, car il en est qui utilisent cet outil pour organiser la discrimination et constituer des ghettos, en l'occurrence de privilégiés, en laissant « le reste » à gérer aux autres. Cela vaut aussi à Chelles, Monsieur Cova, et vous devriez y réfléchir.

M. Yves Durand - M. le ministre refuse notre amendement en se référant à la loi dite sur les libertés locales. Il faut quand même se rappeler comment cette loi a été débattue et adoptée, pendant l'été et grâce à l'article 49-3 ! Certes, aujourd'hui, elle n'en est pas moins la loi. Mais rien ne vous oblige à confirmer, par un coup de force supplémentaire, cette manière pour l'Etat de se défausser de ses responsabilités.

Qu'est-ce que la carte scolaire ? C'est d'abord le moyen de répartir les élèves au sein d'une académie, et donc le seul instrument de la mixité sociale. L'abandonner, c'est abandonner toute volonté de mixité sociale ; je pense d'ailleurs que tel est le fond de votre politique... Mais si l'on tient à cette mixité, il faut pouvoir donner plus à ceux qui ont moins et assurer à chaque établissement les moyens de fonctionner. Qu'on prenne alors en compte l'avis des élus locaux, et notamment des maires, rien de plus normal : c'était un des buts des contrats éducatifs locaux que nous avons mis en place, et qui, quoi qu'en dise M. Geoffroy, sont en voie d'extinction...

M. Guy Geoffroy - Mensonge !

M. Yves Durand - ...tant par manque de volonté politique que par manque de moyens. Mais ce que vous proposez est tout autre chose : c'est de livrer à chaque département, à chaque commune la responsabilité de cette mixité sociale et les moyens de l'assurer. La mixité sociale, c'est l'égalité entre les établissements et entre les académies : si ce n'est pas une mission essentielle de l'Etat, qu'est-ce qui le sera ? Si vous refusiez d'inscrire dans la loi ce principe fondamental, ce serait un tournant, une rupture politique dans la conception de l'école.

L'amendement 304 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine David - Avec l'amendement 299 rectifié, nous souhaitons évoquer avec force la médecine scolaire et la protection de la santé de l'enfant. Le rapport annexé prévoit certes que chaque établissement du second degré aura une infirmière. Mais, sans vouloir soupçonner M. le ministre de ne pas penser ce qu'il dit, je constate que les trois derniers budgets n'ont pas permis de créations de postes d'infirmières scolaires et de médecins scolaires ; il y a donc un doute sur la volonté du Gouvernement de mettre en œuvre un service de santé scolaire digne de ce nom. Je rappelle à ce sujet que, sous la précédente législature, les lois de finances pour 1998, puis pour 1999 et 2000 ont créé 1 050 postes de médecins scolaires, d'infirmières scolaires et d'assistantes sociales. La nation faisait ainsi un effort pour les nombreux enfants qui, à l'école élémentaire, ont besoin d'un dépistage précoce, mais aussi d'une surveillance médicale que parfois les familles n'ont pas les moyens d'assurer. Les maires sont obligés parfois de se substituer à l'éducation nationale et de créer les postes d'infirmières qu'elle ne fournit pas : il y a là un transfert de charges anormal sur les collectivités locales. On nous annonce maintenant que chaque collège aura une infirmière. Peut-on le croire ? Où trouverez-vous les crédits pour créer les 1 500 postes annoncés ? Et pourquoi ne l'avez-vous pas fait précédemment ?

Plusieurs députés UMP - Et vous ?

Mme Martine David - J'ai rappelé qu'en trois lois de finances, nous avions créé 1 050 postes : ce n'est pas rien. Le rapport annexé n'ayant pas de véritable valeur normative, nous souhaitons que M. le ministre accepte d'inscrire dans la loi cet engagement fondamental.

M. le Rapporteur -Les médecins de l'éducation nationale, qui exercent en priorité dans l'enseignement primaire et dans les ZEP, jouent un rôle essentiel dans le dépistage des troubles de l'apprentissage ou des cas de maltraitance. La page 39 du rapport annexé, relative à la santé scolaire et au service social, est très explicite et c'est un point fort du présent projet que de prévoir une infirmière dans chacun des 7 800 établissements secondaires.

Je rappelle d'autre part que la loi sur les libertés locales a maintenu la médecine scolaire dans les compétences de l'Etat. Avis défavorable sur cet amendement.

M. le Ministre - Mme David a soulevé plusieurs questions. La première concerne la mention dans la loi du rôle des personnels de santé dans les établissements d'enseignement. Sur ce point, la rédaction actuelle du code de l'éducation donne satisfaction à Mme David. On peut certes vouloir l'amender, mais à condition de proposer une rédaction différente, et non de répéter l'actuelle... Deuxième question : nous sommes d'accord pour dire qu'il y a un manque criant de personnel, notamment dans le second degré. Je ne conteste pas l'effort fait entre 1998 et 2000 ; mais si nous devons aujourd'hui faire un effort aussi important que celui que je vous propose, c'est bien qu'il y a encore beaucoup de manques.

Mme Martine David - Vous n'avez rien fait en trois ans !

M. le Ministre - Il faut aussi prendre en compte le retard creusé avant 1998 ! Je vous propose de recruter 1 520 infirmières ou infirmiers en cinq ans, de sorte chaque collège ait une infirmière ou un infirmier à temps complet. Cet engagement figure dans le rapport annexé, lequel a une valeur législative puisque vous allez l'approuver en votant l'article 8, mais vous allez en outre vous prononcer, comme votre rapporteur l'a souhaité, sur un engagement de programme qui donnera force législative à cette programmation de 304 recrutements d'infirmières scolaires par an. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Durand - Si c'est inscrit dans le code de l'éducation, je constate que vous ne le respectez pas ! J'ai eu l'honneur de rapporter le budget de l'enseignement scolaire entre 1997 et 2002. Quand nous sommes arrivés au pouvoir en 1997, les recrutements d'infirmières, d'assistantes sociales et de médecins scolaires avaient été arrêtés. Devant le manque criant de personnels, nous avons dû lancer le plan de rattrapage que Mme David a évoqué. Nous n'avons certes pas pu rattraper tout ce que vous n'aviez pas fait (« Et avant 1993 ? » sur les bancs du groupe UMP), mais nous avons programmé des embauches cinq ans de suite.

M. Jean-Jacques Descamps - A crédit !

M. Yves Durand - Cet effort considérable, nous l'avions inscrit, nous, dans le budget de la nation ! Vous nous parlez de 1 500 infirmières. Mais, alors que nous vous le demandions il y a quelques mois à cette tribune, vous n'avez inscrit aucun poste d'infirmière, d'assistante sociale ou de médecin scolaire dans le budget de l'éducation nationale. De qui se moque-t-on ? Cela relève bien, comme je le disais hier, de la supercherie ! Comment espérez-vous faire croire à la réalité de votre engagement ?

Je vous demande de nous dire non seulement ce que coûtent ces recrutements, mais aussi sur quels crédits vous les financez ! On se souvient que vous avez tenté de « refiler » la charge aux collectivités territoriales !

M. Jean-Jacques Descamps - Baratin !

M. François Rochebloine - Regrettant toute forme de polémique et ayant pour habitude de faire confiance, j'ai noté avec satisfaction que le ministre avait pris l'engagement de créer 1 500 postes au profit de tous les établissements. Si j'ai bien compris, en effet, il y aura une infirmière dans chaque établissement scolaire, y compris dans les lycées. Nos collègues socialistes manifestent certes quelques craintes quant à la réalité de l'engagement financier, mais je veux vous croire, Monsieur le ministre, et je suis sûr que vous allez nous dire sur quelle ligne vous inscrirez cette dépense. L'amendement pourra ainsi être retiré.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Nous sommes là sur un sujet important et je m'inquiète comme la communauté éducative de la pénurie qui empêche chaque établissement de disposer d'une infirmière, car il est plus que jamais nécessaire de protéger la santé des enfants et des jeunes : les rapports d'ATD Quart-monde, du Secours populaire et du Secours catholique n'ont-ils pas démontré que plus d'un million d'enfants ou de jeunes vivent aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté ? Leurs familles ne pouvant pas assurer la surveillance sanitaire indispensable, il est du devoir de l'école de les suppléer. Nous devons mesurer la gravité de la situation et inscrire dans la loi la protection de la santé de chaque enfant.

M. François Liberti - Ces catégories de personnel ont été au centre d'un débat très passionné sur la décentralisation. Chacun sait que le Gouvernement a voulu en transférer la charge aux collectivités territoriales.

MM. Jean-Jacques Descamps et Pierre-Louis Fagniez - Cela aurait été une bonne chose !

M. François Liberti - Il n'a pas pu aller jusqu'au bout, et sans doute en garde-t-il quelque rancœur. Il s'agissait bien, en tout cas, d'un transfert de charges sur les collectivités territoriales (Protestations sur les bancs du groupe UMP), avec à la clé une externalisation de ces missions.

On peut toujours discuter des responsabilités des uns et des autres... Reste que le gouvernement Jospin avait fait un effort manifeste et que, depuis trois ans, il n'y a plus rien ! Pas un poste d'infirmière dans le budget pour 2005 ! Nous voici donc dans une crise de confiance. M. le ministre prend des engagements ? Chiche ! Nous attendons le collectif budgétaire !

L'amendement 299 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Blazy - Il est regrettable que nos propositions sur des sujets aussi importants que la carte scolaire, la santé scolaire et maintenant l'orientation scolaire, dont traite notre amendement 300 rectifié, soient systématiquement repoussées sans autre argument que le renvoi au code de l'éducation ou à l'article 8. Nous avons bien compris que vous vouliez aller vite, au risque de bâcler l'examen du texte (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et de mépriser le Parlement.

Si vous voulez vraiment assurer, comme vous le prétendez, la réussite de tous, l'orientation scolaire doit être reconnue dans le code de l'éducation comme l'une des missions éducatives de l'Etat, et il faut des moyens. Mais vous aurez beau nous dire que vous allez recruter des conseillers d'éducation en 2006, dans le budget 2005, vous supprimez cinquante postes !

M. le Rapporteur - L'orientation scolaire est évidemment primordiale, notamment pour les élèves de troisième. Mais le rapport annexé lui consacre plus d'une page et l'article 13 en traite largement. La commission a donc repoussé cet amendement.

M. le Ministre - Même avis.

M. Guy Geoffroy - Cet amendement nécessite une piqûre de rappel. Vous ne voulez pas l'entendre, mais la loi d'orientation de 1989 suivait le même mode opératoire : les orientations figuraient dans un rapport annexé qui a été approuvé par un article de la loi. Ne venez pas nous dire que le présent rapport annexé est insipide : vous condamneriez injustement celui de la loi de 1989 ! (« Il a raison ! » sur les bancs du groupe UMP)

Dans votre loi de 1989, loi de la République que le présent texte ne remet pas fondamentalement en cause, il n'y avait aucun élément de programmation. Et vous venez nous faire un procès alors que notre projet, lui, en comporte !

Il faut quelquefois vous rappeler quelques souvenirs... Vous faites mauvais procès sur mauvais procès : les Français apprécieront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine Billard - Ce qui est certain, c'est la suppression de quarante-neuf postes et demi de conseillers d'orientation-psychologues, à laquelle il faut ajouter la suppression de postes administratifs d'accueil ! Il n'y a déjà, actuellement, qu'un conseiller d'orientation-psychologue pour 1 285 élèves, alors que la norme est de un pour 1 000... Si tant de jeunes ont du mal à trouver leur place dans le monde du travail, c'est entre autres raisons parce qu'ils sont parfois mal orientés.

M. Yves Durand - Monsieur Geoffroy, les Français ont déjà porté leur jugement à l'occasion des élections régionales et cantonales de l'année dernière ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Vous nous parlez de programmation, mais vos budgets contredisent les chiffres annoncés ! Nos budgets à nous étaient, eux, en cohérence parfaite avec la loi d'orientation de 1989 !

M. le Ministre - Non !

M. Yves Durand - Le budget voté pour 2005 est marqué par des diminutions massives de postes et on ne peut guère espérer d'amélioration dans les années à venir puisqu'on évoque sans trêve la nécessité de réduire massivement le nombre de fonctionnaires ! Tant que vous ne nous apporterez pas de preuves, Monsieur le ministre, nous ne pourrons faire autrement que de considérer vos annonces de postes comme une supercherie.

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur Geoffroy, ne vous en faites pas, les Français auront bientôt l'occasion d'exprimer dans les urnes ce qu'ils pensent !

Par ailleurs, nous avons appris en vous entendant qu'en 1989, nous avons voté dans cet hémicycle une loi de la République. Je pensais que cela se faisait depuis 1792.

M. Guy Geoffroy - C'est un peu petit...

M. Jean-Pierre Brard - Oh, je vous en prie, départissez-vous de votre délicate arrogance !

M. Guy Geoffroy - Pas vous ! C'est l'hôpital qui se moque de la charité...

M. Jean-Pierre Brard - Vous allez rechercher dans le passé des arguments bien faibles, mais la vérité est là : vous voulez qu'il y ait le moins possible d'engagements dans les textes, afin que les parents et les enseignants ne puissent pas ensuite vous les opposer !

L'amendement 300 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine David - L'amendement 301 rectifié concerne l'information sur les métiers. Certes, il en est question dans le rapport annexé, mais je vous interroge à nouveau : pourquoi ne pas inscrire dans la loi notre volonté en ce domaine ? C'est ce que nous proposons ici.

M. le Rapporteur - Je suis un peu perplexe car, hier, M. Durand nous avait expliqué dans la motion de renvoi en commission que les trois heures de découverte professionnelle en troisième étaient une mauvaise idée... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Avis défavorable.

M. le Ministre - Avis défavorable également. L'article L. 313-1 du code de l'éducation prévoit le droit au conseil en orientation et à l'information sur les professions.

M. Yves Durand - Monsieur le rapporteur, je n'ai jamais contesté la nécessité pour les élèves de troisième d'être informés sur les métiers, mais j'ai dit que votre option de trois heures de découverte professionnelle était une orientation déguisée. La découverte des métiers doit en effet être ouverte à tous, et non réservée à certains pour des raisons que l'on connaît trop bien.

L'amendement 301 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Blazy - L'amendement 302 rectifié concerne l'assistance sociale. Là encore, les postes font cruellement défaut. Certains enfants vivent dans des conditions particulièrement difficiles - notamment pour ce qui est du logement : tout le monde ne dispose pas des 20 mètres carrés par enfant que le Premier ministre semble considérer comme la norme ! Chacun comprend donc bien la nécessité de créer des postes d'assistants sociaux, pour renforcer la prévention et accompagner les élèves en difficulté .

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre - Même avis. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Durand - C'est un peu court ! Nous touchons au cœur d'un problème majeur. Le grand débat voulu par le Président de la République a clairement fait ressortir qu'il était souhaitable qu'à côté des enseignants, toute une série de professionnels accompagnent les élèves les plus en difficulté, les assistants sociaux en faisant naturellement partie. Les réponses, ou plutôt les non-réponses, du rapporteur et du ministre ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. Alors, je sais bien que si nous insistons un peu, le Gouvernement va promettre des postes ; mais je pose une nouvelle fois la question : sur quelle ligne budgétaire ? La question est d'une telle importance, et le silence qui nous est opposé si intolérable, que je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

M. le Ministre - Il faut que tous ceux qui nous écoutent comprennent bien ce que le parti socialiste ...

Mme Martine David - Le groupe socialiste !

M. le Ministre - ...est en train d'essayer de faire. Son amendement ne vise absolument pas à programmer le recrutement d'assistants sociaux...

M. Jean-Pierre Blazy - L'article 40 nous serait opposé !

M. le Ministre - ...puisqu'il se borne en fait à proposer d'intégrer dans le code de l'éducation des dispositions qui y figurent déjà !

Mme Martine David - Nous demandons des engagements politiques !

M. le Ministre - Quant au point de savoir sur quelles lignes seront mobilisés les moyens nécessaires, la question est tellement absurde et ridicule que je n'avais pas jugé indispensable d'y répondre : bien entendu, ce sont les lignes correspondantes du budget annuel de l'éducation qui seront abondées !(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 302 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 20, est reprise à 16 heures 30.

M. Yves Durand - L'amendement 288 rectifié est défendu.

L'amendement 288 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Durand - Par notre amendement 289 rectifié, nous voulons clairement affirmer que la scolarité obligatoire est un tout. Il ne peut s'instaurer, sous quelque forme que ce soit, une orientation précoce, c'est-à-dire avant la fin de la scolarité obligatoire.

Il faut distinguer la formation initiale de la formation tout au long de la vie. La scolarité obligatoire est le tremplin qui donne à tous les élèves la même chance de réussir la formation au long de la vie. Cela implique qu'il n'y ait pas de sélection prématurée.

Si le ministre n'acceptait pas cet amendement, il se mettrait en contradiction avec lui-même, lui qui dit vouloir donner une chance égale de réussite à tous les élèves. L'égalité est garantie par l'exigence d'un socle commun de connaissances. Si j'ai insisté sur le mot « commun », c'est qu'il ne peut y avoir un tel socle si une orientation intervient trop tôt.

Si la commission et le Gouvernement n'acceptent pas mon amendement, qu'ils ne disent plus qu'ils défendent le collège unique.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement.

M. le Ministre - Le processus d'orientation se construit tout au long de la scolarité au collège. Il doit permettre de préparer un parcours professionnel. A l'issue de la classe de troisième, la décision tient compte des aspirations et des aptitudes de l'élève en même temps que des besoins de la société. Vous avez donc satisfaction.

M. Yves Durand - Je suis confondu par tant d'enthousiasme ! Vous semblez considérer qu'il s'agit d'un point de détail. Certes, « l'orientation se construit tout au long de la scolarité » : autant dire qu'il fait chaud l'été... Mais le problème est de savoir si, sans attendre la fin de la scolarité obligatoire, on oriente certains élèves vers certaines filières. Or, mettre en option la découverte professionnelle, c'est rompre l'unité de la scolarité obligatoire. Il ne s'agit pas des méthodes d'orientation, mais du collège pour tous et de l'égalité des chances, qu'il faut maintenir même si c'est difficile. Si vous renoncez à cette ambition, dites-le ! Assumez vos choix. Dites que vous supprimez le collège unique ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - C'est encore un faux procès qui nous est fait. Qui a dit qu'il y aurait une orientation avant la classe de troisième ? Personne.

D'ailleurs, qu'est-ce que le collège unique ? Il s'agit, selon la loi Haby, de la fusion en un seul type d'établissement du collège d'enseignement secondaire et du collège d'enseignement général. Vous avez fait du collège unique un collège uniforme. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) C'est ainsi que vous avez rendu plus difficile la réussite de certains élèves.

Vous prétendez que nous prévoyons une pré-orientation. De qui vous moquez-vous ? Depuis la réforme des collèges et la loi de 1989, il y a eu une série d'expérimentations, pour la plupart heureuses : les quatrièmes et les troisièmes expérimentales, préparatoires, techniques, et plus récemment les troisièmes professionnelles et d'insertion. Depuis vingt ans, il y a eu de nombreuses tentatives pour adapter le premier cycle. Ce projet ne vise qu'à remettre un peu d'ordre dans tout cela, afin que les élèves qui le souhaitent puissent maîtriser les conditions dans lesquelles l'apprentissage d'un métier leur sera proposé.

Si vous lisez le texte, vous voyez que la décision d'orientation n'intervient qu'en fin de troisième. Aucune orientation ne sera proposée auparavant. Ceux qui prétendent le contraire n'ont pas lu le texte, ou ils mentent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

L'amendement 289 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 4

M. François Liberti - Cet article tend à préciser que l'objectif de l'école est la réussite des élèves. Nous ne pouvons qu'approuver cet objectif, mais que constatons-nous ? Si 98% des enfants sont scolarisés dès l'âge de trois ans, seulement 28% le sont entre deux et trois ans, contre 38% en 1980. Certes, 85% d'une classe d'âge restent scolarisés jusqu'à 18 ans au moins et l'âge moyen de sortie du système éducatif est de 19 ans, toutes catégories confondues, mais 40% d'une classe d'âge ne sont pas bacheliers.

Notre système scolaire continue de favoriser les enfants qui ont la chance d'appartenir à un milieu familial connaissant l'utilité du savoir scolaire, alors que de nombreux jeunes des milieux populaires seront en situation d'échec. La solution libérale consiste à organiser une école à plusieurs vitesses, en créant des sous-écoles pour les élèves qui ne peuvent pas suivre.

Et il faudra accorder un certain nombre de moyens aux jeunes qui réussissent leur scolarité.

Tous les jeunes doivent pouvoir s'approprier une culture scolaire de haut niveau, quelle que soit leur filière. Ce n'est qu'ainsi que l'on pourra réduire les inégalités, et répondre aux besoins de notre économie.

La formation initiale devra permettre la reprise éventuelle d'études en formation continue et la validation des acquis de l'expérience.

Pour toutes ces raisons, il conviendrait de prolonger la durée de la scolarité obligatoire jusqu'à l'âge de 18 ans.

Mme Martine David - Permettez-moi d'associer à mon intervention Mme Hélène Mignon. Ce projet de loi prétend viser la réussite de tous les élèves. Qui pourrait s'y opposer ? Oui, mais vous supprimez des postes. Les enseignants absents ne peuvent pas être remplacés, et je ne parle même pas des heures supplémentaires imposées.

Comment ne pas déplorer l'abandon de la politique d'éducation en direction des plus défavorisés ? C'est un problème crucial, du reste soulevé par ATD Quart Monde, et qui concerne près d'un million d'enfants.

Le projet de contrat individuel de réussite éducative, s'il porte un nouveau nom, recouvre des dispositifs de soutien qui existent déjà en grande partie. Par ailleurs, son individualité risque d'en faire un instrument de stigmatisation.

Rappelons que le Conseil économique et social, par deux rapports, a appelé à l'instauration de formations continues sur les difficultés économiques, la précarité, la grande pauvreté et la réussite scolaire.

Cet article 4 vise à permettre à chaque élève de réussir son cursus scolaire, sous l'autorité des enseignants, et avec l'appui des parents. Or, pensons à tous les parents qui ont connu l'échec scolaire et qui, de ce fait, nourrissent toujours une appréhension à l'encontre de l'institution. Alors qu'il aurait fallu prévoir des passerelles entre l'équipe éducative et les parents, votre projet de loi, muet sur cette question, ne répond pas à la souffrance des familles.

M. Yves Durand - Cet article me met mal à l'aise, car si l'on ne peut qu'approuver les objectifs qu'il fixe, l'on s'interroge sur les moyens de les atteindre.

Vous dites vouloir réaffirmer la place du travail de l'élève, sous l'autorité des enseignants, et avec l'appui des parents. Voilà une conception aussi démagogique que dépassée ! Ce n'est pas en inscrivant le principe de l'autorité dans la loi que vous aiderez les enseignants sur le terrain. L'autorité naît d'un certain climat de confiance, voire affectif, entre l'enseignant et ses élèves. Pour cela, il a besoin de partager sa responsabilité avec une équipe éducative, avec la direction, avec d'autres professionnels tels que les infirmières scolaires. Et les parents, dans la confiance, pourront s'intégrer à ce dispositif.

Qui ne connaît ces réunions parents-professeurs, où nous ne recevons que les parents dont les enfants ne posent pas de problème ? Et les autres, ce n'est pas par démission qu'ils ne viennent pas, mais parce qu'ils souffrent de l'échec de leur enfant, qu'ils ne sont pas loin de considérer comme héréditaire.

L'école doit redevenir un lieu de rassemblement.

Une fois de plus, cet article n'est pas à la hauteur du défi. On ne résorbera pas la fracture scolaire si on n'associe pas l'ensemble de la société, et d'abord les parents, à la réussite de ce projet.

M. François Liberti - Le dernier alinéa de cet article dénature le sens des objectifs généraux et des missions de l'enseignement scolaire, en ce qu'il ne place plus les élèves au centre du système éducatif. Le service public de l'éducation doit être organisé en fonction des élèves et des étudiants, l'enseignant étant invité à leur adapter ses pratiques et ses méthodes, en prenant en compte leur diversité. Des outils pédagogiques ont été élaborés à cet effet et la création des REP, en 1998, procédait de la même volonté. Les moyens n'ont pas toujours suivi, mais l'élève a toujours été placé au centre du système éducatif. Mettre désormais en son centre le maître, ou le savoir, c'est donc faire un trait sur une certaine conception de l'école, à laquelle nous sommes pour notre part attachés et qui nous amène donc à proposer, dans l'amendement 209, une autre rédaction de l'article 4.

M. Jean-Pierre Blazy - Notre amendement 362 rejoint les préoccupations qui viennent d'être exprimées, mais nous y ajoutons l'idée que l'école aide aussi l'élève à préparer son parcours personnel, et pas seulement professionnel, ainsi que l'idée que les parents participent à la mission éducative.

Votre proposition, Monsieur le ministre, de créer dès la troisième des options de formation aux métiers, qui se dérouleraient dans des lycées professionnels, nous inquiète. Nous y voyons en effet une volonté inavouée de pré-orienter les élèves en difficulté vers une voie professionnelle.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement 209, car il ne parle pas du travail demandé à l'élève, ainsi que l'amendement 362, mais l'idée de « parcours personnel » a été reprise dans un amendement de la commission.

M. le Ministre - J'invite également l'Assemblée à repousser ces deux amendements, d'une part parce que leur rédaction est moins précise que celle du projet, d'autre part parce qu'elle traduit de vraies différences entre nous. L'amendement communiste fait en effet disparaître la référence au travail, l'amendement socialiste la référence à l'autorité. Moi, je souhaite que ces deux notions figurent dans l'article. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Durand - Qui peut contester qu'il faut travailler à l'école et que l'autorité du maître y est nécessaire ? Mais n'oublions pas que la communauté éducative est désorientée par la politique menée depuis trois ans et qu'elle attend des signaux. C'est pourquoi il est important de parler du soutien des parents. Vous, vous voulez laisser les enseignants tout seuls et vous leur dites : ne vous inquiétez pas, nous avons écrit dans la loi que vous avez l'autorité. A quoi bon si dans le même temps vous leur retirez les moyens de travailler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Même chose pour les élèves : vous leur dites de ne pas s'inquiéter, la notion de travail est dans la loi. Mais cela ne change rien au fait qu'un élève défavorisé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) a dix fois moins de chances d'avoir son bac et d'atteindre l'enseignement supérieur ! Alors, oui, il y a des différences de fond entre nous, Monsieur le ministre.

M. Guy Geoffroy - Entendre les socialistes se faire les défenseurs des enseignants paraît pathétique, quand on se souvient de ce qui se disait dans les salles de professeurs entre 1997 et 2002. On y dénonçait un ministre de gauche qui insultait les professeurs, on réclamait sa démission. Le successeur de Claude Allègre a d'ailleurs mené la même politique, en y mettant plus les formes. Je me souviens aussi de la rentrée 2000... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Les enseignants étaient catastrophés à la lecture des circulaires concoctées par le ministre pendant l'été et dans lesquelles il était dit que les enseignants devraient prouver à chaque instant ce qu'ils avaient à reprocher à un élève. Les enseignants ne croient plus à votre soutien et ils vous l'ont d'ailleurs clairement fait comprendre le 21 avril 2002. Les enseignants n'appartiennent à personne, ils veulent simplement faire leur métier dans des conditions dignes et décentes. Ce projet leur permet de recouvrer leur autorité et leur dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen - Ce ne sont pas les termes d'autorité et de travail qui nous opposent, Monsieur le ministre, mais ce que nous mettons derrière. Considérons ces deux valeurs dans le cadre de notre propre métier, celui de responsables politiques. Qu'est-ce que l'autorité d'un ministre, d'un gouvernement ? Est-ce d'appliquer un texte rédigé sans concertation, de telle sorte que plus il voudra affirmer ainsi son autorité plus il va la perdre, en mettant dans la rue élèves, enseignants et parents ? Son autorité sera mise en cause même aux yeux de la majorité qui le soutient... Quant au travail, faut-il stimuler et intensifier le travail d'une minorité de Français, cependant qu'on ne s'intéresse pas au travail de l'ensemble de ceux-ci ?

M. François Liberti - M. Geoffroy nous a expliqué que les enseignants, quel que soit le gouvernement, sont capables d'un jugement autonome et non manipulé. Tel est le cas aujourd'hui même, quand ils sont dans la rue pour contester votre projet ! D'autre part, Monsieur le ministre, vous avez fait un raccourci étonnant. Relisez notre amendement 209 : vous n'y verrez rien qui ressemble à une négation du travail et de l'autorité. Ce qui nous sépare n'est pas là : c'est que nous mettons l'élève au centre du système éducatif, et vous non.

L'amendement 209, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 362.

M. Pierre-André Périssol - On dit parfois que fixer pour objectif à l'école de permettre la réussite de tous les élèves est enfoncer une porte ouverte. Non, car cet objectif est issu de ce qu'ont dit les Français lors du grand débat sur l'école. Et s'ils l'ont dit, c'est parce que, peu à peu, l'idée s'était installée qu'il était fatal qu'un certain nombre d'enfants, peut-être 15 ou 20%, restent sur le bord de la route... Il est donc important de donner clairement pour objectif à l'école la réussite de tous et de refuser le fatalisme face à l'échec. Toutefois cet objectif a donné lieu à un malentendu, et par suite à une de ces polémiques dont notre pays a le secret. Certains ont dit en effet qu'on ne pouvait poser un tel objectif, parce qu'on ne saurait prétendre que tous les élèves doivent réussir de la même manière. C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement 450, de préciser ce que signifie cette réussite de tous les élèves qui ne peut être identique pour tous : elle doit comprendre une partie commune à tous, correspondant à la maîtrise du socle commun, mais aussi une partie propre à chaque élève, à savoir la découverte par chacun de la voie où il pourra exceller.

M. le Rapporteur - Cet amendement fait référence au socle commun qui ne sera défini qu'à l'article 6. En outre la commission s'est demandé si « la découverte de sa voie d'excellence » était la meilleure formulation. Toutefois l'idée qu'à côté du socle il y a d'autres centres d'intérêt lui a paru intéressante, et elle a accepté l'amendement.

M. le Ministre - Je comprends l'objectif de cet amendement, mais des précisions sur cet objectif seraient mieux placées à l'article 6. L'amendement définit la réussite comme la somme d'un socle commun et d'éléments propres à l'élève, approche très mathématique, mais dont je me demande si elle n'est pas réductrice. A mes yeux la réussite ne peut se définir, se mettre en formules. Je ne crois d'ailleurs pas que la formation scolaire, dont il est question ici, vise autre chose que la construction de la personnalité, un épanouissement, et la préparation du parcours professionnel. Je suis gêné par une rédaction qui oblige chacun à la découverte d'une voie d'excellence : chacun est libre de mettre son ambition où il l'entend, même si le système scolaire doit révéler les aptitudes et leur permettre de s'exprimer au plus haut niveau. De plus, un des objectifs de la formation scolaire qu'explicite l'alinéa 2 va bien au-delà d'une simple maîtrise scolaire : il s'agit bien de contribuer à l'accomplissement de la personnalité de chaque élève ; Mme Boutin dirait de sa « personne », et le rapporteur parle d'épanouissement - suggestion à laquelle je préfèrerais me rallier. Le contenu scolaire sera examiné à l'article 6 : si l'on veut mieux faire le lien entre le socle commun et les matières complémentaires, ce sera le lieu adéquat.

M. Yves Durand - Je pense comme M. Périssol que cet amendement a bien sa place à l'article 4, même si nous devrons en discuter à nouveau à l'article 6 quand nous examinerons comment et par qui est constitué le socle commun. Ce serait un vrai message, la marque d'une vraie ambition que de mentionner le socle commun à l'article 4, car cela revient à l'inscrire parmi les objectifs même du système éducatif. Cela en fait un élément de politique éducative, et non de simple technique éducative. L'ambition d'abord, avant le contenu. On ne pourra vraiment débattre du contenu qu'après avoir montré cette ambition. J'ai déploré hier l'absence dans le texte de l'adjectif « commun », qui pouvait laisser place à toutes les interprétations quant à l'objectif de rassemblement de l'école ; à quoi se rattache aussi le débat que nous avons eu sur l'orientation et la classe de troisième. Ce qui est en jeu est l'idée qu'on se fait de la réussite et de l'excellence, mais aussi de l'égalité et de l'équité nécessaires pour conduire à cette excellence. La présence ou non du terme « commun » dès l'article 4 est donc lourde de sens, et c'est pourquoi nous voterons l'amendement de M. Périssol.

Mme Martine David - Je ne reviens pas sur la dimension du socle commun, parce que je partage sur ce point les analyses de M. Périssol et d'Yves Durand. Mais l'autre aspect de l'amendement me convient tout autant, à savoir la découverte de la voie d'excellence. J'approuve l'idée de placer dès l'article 4 non seulement l'idée du socle commun, sur laquelle nous reviendrons à l'article 6, mais aussi la perspective d'accompagner chaque élève dans sa découverte d'une voie d'aptitude privilégiée, qui lui donnera des chances accrues de trouver sa place dans le système éducatif d'abord, puis dans la vie adulte.

M. Guy Geoffroy - Il faut savoir gré à M. Périssol de soulever, au moment où nous nous approchons de l'examen du socle commun, la question de la réussite de chaque élève.

Cet amendement s'inscrit bien dans l'esprit des travaux de la commission nationale du débat sur l'avenir de l'école. Dans la réflexion que nous avons menée sur le socle, il y avait en effet cette idée qu'il est illusoire, voire scandaleux, de parler de réussite à un élève lorsqu'on n'a pas pris la peine de vérifier qu'à chaque étape de la constitution des fondamentaux, les éléments du socle étaient bien maîtrisés. On distingue le socle, sans lequel rien n'est possible, puis les autres enseignements obligatoires, et enfin les options qui viennent préciser, à mesure que se déroule la scolarité, les éléments de la réussite de l'élève. Tout ceci est pertinent, mais mieux vaut en débattre dans le cadre de l'article 6, relatif au socle.

M. Pierre-André Périssol - Monsieur le ministre, vous dites que la réussite ne se définit pas. Cependant, cet objectif est inscrit dans le texte. Il convient donc de le définir. Je ne vois pas bien comment le faire à l'article 6 : c'est pourquoi j'avais saisi l'occasion qui se présentait à l'article 4.

L'amendement 450, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Christine Boutin - L'amendement 184 de M. Fourgous vise à insérer au dernier alinéa de l'article, après les mots « et de ses aptitudes », les mots « aussi bien intellectuelles que manuelles ». La réussite professionnelle des 160 000 jeunes qui quittent chaque année le système scolaire sans diplôme ni qualification serait mieux assurée si celui-ci valorisait davantage, dès l'école primaire, l'habileté manuelle dans l'évaluation des élèves.

M. le Rapporteur - Il s'agit en effet de revaloriser les sections professionnelles. C'est pourquoi la commission a accepté cet amendement.

M. le Ministre - Le Gouvernement considérait que le mot « aptitudes » était suffisant, et qu'il n'était pas nécessaire d'opposer aptitudes intellectuelles et aptitudes manuelles. Il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 184, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Remiller - Nous évoquons la réussite de tous les élèves. L'amendement 286 tend à modifier la rédaction du deuxième alinéa de l'article, en ajoutant à la « culture générale et technique » qu'il s'agit d'acquérir, « la pratique d'activités sportives et artistiques ». Nous ne demandons pas que l'éducation physique et les arts plastiques soient inclus dans le socle, mais simplement qu'ils soient considérés comme des enseignements fondamentaux, puisqu'ils développent l'esprit d'équipe et le sens de l'effort pour l'un, la sensibilité esthétique pour l'autre.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Je lui avais moi-même proposé d'inclure dans le texte l'épanouissement par le sport : elle a retenu le seul terme d'épanouissement, considérant qu'il recouvrait les activités sportives et artistiques. A titre personnel, je suis donc favorable à l'amendement.

M. le Ministre - La rédaction que propose le Gouvernement englobe naturellement les formations artistiques et sportives, qui font partie de la culture générale. Mais si l'Assemblée souhaite les mentionner, je n'y suis pas défavorable. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Durand - Je m'étonne que le ministre ne nous ait pas répondu que cela figurait dans le code de l'éducation. Sans doute y a-t-il un code de l'éducation pour l'opposition et un autre pour la majorité...

Mme Martine Billard - Il n'est pas inutile de réaffirmer l'importance de ces disciplines que l'enseignement a tendance à négliger. Ce n'est pas contradictoire, du reste, avec le fait de les intégrer dans le socle.

M. François Liberti - Je partage cet avis, et nous voterons cet amendement sur lequel la commission elle-même semble hésiter, quand bien même il émane de l'UMP...

M. Jacques Remiller - Nous serions heureux que cet amendement soit voté à l'unanimité.

L'amendement 286, mis aux voix, est adopté.

Mme Christine Boutin - L'amendement 406 vise à substituer au mot « personnalité » celui, bien moins restrictif, de « personne ». L'école a certes vocation à assurer la réussite de l'élève, mais aussi à l'appréhender dans sa globalité. Le mot de « personne » affirme la dignité de chacun.

M. le Rapporteur - La commission a préféré s'en tenir à la rédaction initiale.

M. le Ministre - Je comprends ce que veut dire Mme Boutin, mais elle fait là de la philosophie. L'école n'est qu'un des aspects de la construction de la personne. Le mot de « personnalité » me semble donc plus adapté au contexte.

M. Gaëtan Gorce - Derrière les mots, il n'y a pas seulement les intentions, mais aussi les politiques qui se mettent en place. J'ai été frappé d'entendre le ministre nous dire que ce qui séparait la droite de la gauche, c'était les valeurs d'autorité et de travail, que l'on ne retrouvait pas à gauche. Si l'on considère que la solution passe par l'affirmation de l'autorité - dont personne ne conteste la nécessité - et par le travail de l'élève, on est bien dans un système qui valorise d'abord la réussite individuelle.

Nous ne partageons pas cette approche. Il faut considérer l'élève dans son environnement, non seulement scolaire mais social, donc la personne qu'il est. Je suis, sur ce point, d'accord avec Mme Boutin. Cela rejoint d'ailleurs les observations de M. Périssol à propos de la définition de la réussite.

Mme Christine Boutin - Nous savons tous que souvent un enfant, à un moment donné, développe davantage l'un de ses talents ; si l'on s'en tient à cette manifestation de sa personnalité, on ne lui permettra pas de développer les autres, qui font pourtant partie de sa personne.

M. le Ministre - La prudence me conduit à ne pas vous suivre : le mot « personne » est à mon avis trop global au regard de la mission de l'école. Dans sa fameuse lettre, Jules Ferry disait : « Vous ne toucherez jamais avec trop de scrupules à cette chose délicate et sacrée qu'est la conscience de l'enfant », conscience qu'englobe le mot « personne ».

L'amendement 406, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 432 vise à mentionner parmi les objectifs l'épanouissement de l'enfant - comme M. Liberti l'avait également souhaité.

L'amendement 432, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard - Mon amendement 178 vise à mentionner également le développement de l'autonomie de l'enfant, qui me semble un objectif très important. L'école doit former de futurs adultes capables de réfléchir par eux-mêmes et d'évoluer dans leur parcours.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, car il ne faut pas surcharger cet article. D'ailleurs, j'accepterai au nom de la commission un amendement ultérieur qui tend à évoquer le « parcours personnel ».

M. le Ministre - Avis défavorable.

M. Yves Durand - Il est essentiel que l'école permette à chaque individu d'être libre et responsable - c'est-à-dire autonome. Il ne peut y avoir d'esprit critique sans apprentissage de l'autonomie. L'école doit assurer cet apprentissage ; c'est même le fond de la notion de laïcité. Au regard de la réussite scolaire elle-même, l'enquête que j'ai évoquée hier montre bien que ce qui manque à nos élèves, ce ne sont pas les connaissances, mais la capacité de réfléchir de manière autonome à partir de ces connaissances.

L'amendement 178, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Je propose par mon amendement 177 de substituer aux mots « son parcours professionnel » les mots « sa qualification professionnelle ». Chacun reconnaît en effet que trop d'élèves sortent du système sans bagage qui leur permette de s'insérer dans la vie professionnelle.

M. le Rapporteur - Rejet. La commission a préféré l'amendement suivant.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 177, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine David - Notre amendement 291 ne me paraît nullement incompatible avec celui de Mme Billard... Cela étant, je me réjouis que la commission y soit favorable, car il est très important d'aider l'enfant à préparer non seulement son parcours professionnel, mais aussi son parcours personnel ; il s'agit pleinement d'une mission du service de l'éducation. Trop d'élèves ne sont pas suffisamment accompagnés dans leur développement personnel.

M. le Rapporteur - Je confirme, avis favorable.

M. le Ministre - Il est déjà écrit dans le projet que l'enfant doit acquérir à l'école les connaissances « utiles à la construction de sa personnalité, à sa vie de citoyen et à la préparation de son parcours professionnel ». Le mot « personnel » me paraît donc un peu redondant, mais comme je n'ai qu'une envie, Madame David, celle de vous faire plaisir, je vous donne un avis favorable !

Mme Christine Boutin - Un mot simplement, pour dire combien je suis triste que le ministre donne satisfaction à Mme David... alors qu'il a refusé mon amendement ! (Sourires sur divers bancs)

M. le Ministre - Votre tour viendra !

L'amendement 291, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Domergue - Dans le droit fil de la loi sur l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, l'amendement 116 précise que l'Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des jeunes handicapés.

M. le Rapporteur - Défavorable, car l'amendement est satisfait par l'article 19 de la loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées.

M. le Ministre - Même avis. J'ajoute que ce serait mal placé ici.

L'amendement 116 est retiré.

M. Jean-Pierre Blazy - Par l'amendement 359, nous précisons que le recteur veille à l'égalité d'équipement des élèves en livres et outils pédagogiques sur l'ensemble du territoire. Il ne s'agit évidemment pas de remettre en cause la décentralisation. Mais si l'on fixe l'objectif de la réussite à l'école pour tous, il faut s'assurer que les plus petites communes pourront accéder à un niveau d'équipement suffisant.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement, bien qu'il pose le problème important du livre à l'école. Beaucoup de progrès ont été accomplis au cours des dernières années.

M. le Ministre - Même avis. L'amendement est d'ailleurs satisfait par l'article L. 211-1 du code de l'éducation.

M. Yves Durand - La réalité, c'est que selon les études disponibles - je pense en particulier à celles réalisées par les très actives associations d'enseignants « Savoir lire » et « Défendons la lecture » - l'équipement en livres varie entre les écoles primaires dans un rapport de un à quatorze. N'y a-t-il pas là une entorse manifeste à l'égalité des chances ? Il est essentiel que le recteur puisse, à défaut de mettre en œuvre des mesures correctrices, affirmer l'objectif d'égalité. Le ministre répond que le code de l'éducation satisfait l'essentiel de nos demandes. Mais si le code suffit partout, pourquoi nous soumettre une loi d'orientation, dont la vocation est précisément d'affirmer certains principes ?

L'amendement 359, mis aux voix, n'est pas adopté.

La séance, suspendue à 18 heures 5, est reprise à 18 heures 20.

Mme Martine David - L'amendement 361 est défendu.

L'amendement 361, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. le Rapporteur - L'amendement 47 est rédactionnel.

L'amendement 47, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

M. Didier Quentin - Avec cet article, nous abordons la question du socle et de son contenu. Tout d'abord, la pratique d'au moins une langue vivante étrangère est fondamentale pour la réussite de nos enfants dans un monde marqué par le développement des échanges et la poursuite de l'intégration européenne, notamment pour les étudiants à travers le programme Erasmus.

Pour améliorer les résultats de l'enseignement des langues en France, nous devons faciliter, sur le plan pratique et statutaire, les échanges d'enseignants au niveau européen - des professeurs étrangers enseigneraient leur langue maternelle en France et les enseignants français la leur à l'étranger - et favoriser la diffusion de films ou d'émissions sous-titrés pour améliorer la compréhension orale.

Ensuite, une véritable culture humaniste et scientifique, fondement de l'exercice de la citoyenneté, suppose le maintien de l'enseignement des langues anciennes. En effet, le latin et le grec jouent un rôle fondamental dans la formation de la langue française, tant au niveau de la syntaxe que du lexique, et sont essentiels à la compréhension de notre histoire, de notre culture et de notre patrimoine européen. Ils contribuent à stimuler l'agilité mentale et la curiosité intellectuelle des élèves.

Monsieur le ministre, quelles mesures prendrez-vous pour maintenir l'enseignement des langues anciennes dans nos établissements scolaires et favoriser son accès au plus grand nombre ?

Enfin, parce que les Français sont plus souvent confrontés à des problèmes juridiques qu'à des équations du second degré, une initiation au droit et à notre organisation judiciaire doit faire partie du socle. J'espère que la culture juridique, nécessaire à la formation de citoyens responsables, sera mentionnée dans le décret d'application publié après avis du Haut conseil de l'éducation.

M. Guy Geoffroy - Nous abordons le cœur de cette loi d'orientation, les dispositions relatives au socle commun des indispensables, pour citer la commission Thélot. Chaque année, 80 000 élèves quittent le CM2 sans maîtriser la lecture, l'écriture et le calcul et 150 000 sortent du système scolaire dépourvus de qualification pouvant fonder leur insertion professionnelle et sociale. Comment enrayer l'échec scolaire ? Que manque-t-il entre la première année de collège et la sortie de la scolarité obligatoire ?

M. Périssol et moi-même, très assidus et actifs au sein de la commission Thélot, pouvons vous confirmer que le terme « indispensables » ne recouvre pas une notion réductrice de « savoir minimum pour solde de tout compte » mais bien « l'ensemble des compétences et des connaissances indispensables » à partir desquelles l'acquisition d'autres connaissances et compétences est possible. Les autres enseignements obligatoires et optionnels peuvent être représentés par des cercles s'organisant autour du socle.

Considérer que ce socle constitue un ensemble de disciplines serait une erreur. Je sais que d'aucuns s'apprêtent à défendre des amendements pour que d'autres disciplines, telle la culture physique et sportive, soient intégrées au socle (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Mais elles n'ont pas vocation à y figurer en tant que disciplines.

Par ailleurs, la définition du socle, au-delà des grands principes retenus dans la loi, doit être aussi fine et travaillée que possible. Les conclusions de la mission Périssol, dont je salue les travaux, devront constituer la base à partir de laquelle le Haut conseil pour l'éducation puis le ministère donneront une définition complète du socle commun des indispensables.

Avec l'article 6, nous aurons avancé dans l'intérêt des élèves et permis le retour de l'espoir, pour qu'à la fin du collège les élèves puissent envisager leur second cycle avec les meilleures chances !

Mme Martine David - Cet article, tout à fait déterminant, traite de la façon dont est conçu cet ensemble de connaissances et de compétences indispensables. Mais à la lecture de votre texte, les premières difficultés apparaissent : le mot « commun » a été soigneusement évité et le contenu proposé s'avère incomplet. Bien sûr, il ne s'agit pas de dresser une liste exhaustive des compétences constituant ce socle, mais le socle commun des connaissances doit permettre une véritable intégration professionnelle de chaque adolescent et l'exercice de sa citoyenneté.

Ce socle doit être commun à tous pour représenter une véritable culture collective, et permettre de lutter contre les inégalités. A cet égard, j'ai été très sensible à l'intervention, hier, de M. Zuccarelli.

Nos amendements nous permettront de développer une approche différente de celle du ministre sur le contenu du socle commun, que nous voulons précis - la linguistique, les sciences, les lettres, les arts plastiques, la compréhension logique et technologique, l'apprentissage de la citoyenneté, et la pratique sportive -, car l'effort et le travail en équipe sont essentiels à l'épanouissement de l'enfant.

Un socle ainsi défini serait à même de donner à chaque élève les bases indispensables. Évidemment, le niveau d'acquisition ne sera pas uniforme, mais un socle plus diversifié et plus complet réduit les risques de décrochage, en éveillant davantage la curiosité de l'enfant.

M. Geoffroy a une mauvaise lecture des travaux et des auditions réalisés par la commission Périssol, ce qui explique que nous n'en tirions pas les mêmes conclusions.

Mme Guinchard-Kunstler remplace M. Debré au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

M. Patrice Martin-Lalande - L'article 6 prévoit que la scolarité obligatoire doit au moins garantir la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication. Nous avons fait des progrès en la matière, comme en témoignent l'opération « un micro pour un euro » en faveur des étudiants, ou le début de la généralisation du bureau en ligne pour tous les membres de la communauté éducative. Certes, les technologies de l'information et de la communication ne sont pas la panacée, mais elles permettent à chaque élève d'avancer selon un parcours individualisé et à son rythme et ont le mérite de garantir l'égalité des chances, par exemple pour des élèves hospitalisés ou dont les facultés de déplacement sont réduites.

Les technologies de l'information autorisent par ailleurs un accès sans précédent à la culture universelle. Nous réussirons la mondialisation si nous permettons à nos jeunes d'y jouer un rôle de référence.

Cependant, il faudra apprendre à nos enfants à conserver leur liberté de jugement face à un tel flux d'informations - surtout lorsque l'on sait qu'ils restent en moyenne 3 heures et demie devant la télévision, et de plus en plus longtemps devant leur ordinateur.

L'internet a ouvert un marché mondial de la téléformation, mais il faudra que la France et les autres pays francophones renforcent leur présence en ce domaine.

Ce projet de loi et l'action du Gouvernement en direction des nouvelles technologies permettront de franchir une nouvelle étape vers la société de demain.

M. François Rochebloine - Le contenu du socle commun des connaissances a suscité dans le corps enseignant nombre d'inquiétudes que l'on ne peut que partager. Qu'entendez-vous exactement par « culture humaniste et scientifique » ?

S'agissant de l'apprentissage des langues vivantes, on se doute que l'anglais sera majoritairement choisi, au détriment d'autres langues, comme l'allemand, et ce malgré les efforts de la France et de l'Allemagne pour développer l'enseignement de la langue du voisin. Comment comptez-vous atteindre votre objectif de 20% d'élèves germanistes, alors que nombre de classes d'allemand ferment dans les collèges et les lycées par manque d'élèves ?

Par ailleurs, l'enseignement artistique a été oublié de votre socle. L'an dernier, la circulaire qui rendait optionnel l'enseignement des activités artistiques avait suscité de vives réactions, avant d'être retirée. Aurez-vous la même sagesse aujourd'hui ? N'oublions pas que l'éducation artistique et culturelle est essentielle à la construction de l'identité des enfants et à l'éveil du goût pour la culture.

Enfin, vous intégrez à ce socle la maîtrise des techniques de l'information et de la communication, alors que vous en excluez la pratique sportive. Il s'agit pourtant de l'équilibre et de la santé de l'enfant : ne parle-t-on pas d'« esprit sain dans un corps sain » ? J'aimerais du reste connaître l'avis de M. Lamour sur cette question.

Je me félicite cependant que le sport reste obligatoire, et fasse l'objet d'une évaluation au brevet, comme nous l'avions réclamé. Dans un pays où le budget du sport est si faible - 0,14% -, il ne faudrait pas minimiser encore son importance, alors que la France compte 26 millions de pratiquants et 14 millions de licenciés. Il faut saluer à cet égard le rôle des associations sportives scolaires.

M. Jacques Domergue - Il importe aujourd'hui de revenir au bon sens et aux bases - lire, écrire, compter. Et je pense que nous sommes tous d'accord sur ce point. En revanche, il est vrai que la notion de culture humaniste et scientifique est vague et que l'on peut tout y mettre.

S'agissant de l'apprentissage des langues vivantes, il ne faut pas le confondre avec celui de l'anglais, qui est d'abord un moyen de s'ouvrir au reste du monde. L'anglais doit rester à part.

Les techniques de la communication ont évidemment leur place dans le socle commun. Quant à la pratique sportive, elle doit être favorisée, non pour faire plaisir aux professeurs d'EPS, mais dans un souci de santé publique, face à la sédentarité croissante de la population. C'est pourquoi nous pensons qu'il faut inscrire dans le socle la notion de développement physique.

M. Yves Durand - Tout le monde est d'accord sur l'idée d'un socle commun, sauf peut-être le ministre, puisque dans le projet tel qu'il est actuellement rédigé, le mot « commun » a disparu. Je ne crois pas au hasard, ni à une faute d'inattention. Si après tant de réunions et d'avis, ce terme a disparu, c'est voulu.

Pourtant, si l'on veut vraiment l'égalité des chances, il faut bien un socle commun à tous les élèves et qui ne soit pas un simple minimum. Il ne faut pas qu'en fin de scolarité obligatoire, il y ait d'un côté ceux à qui l'on aurait permis d'aller beaucoup plus loin, de l'autre ceux qui en seraient restés là.

On nous objectera sans doute que nous sommes des utopistes et qu'il est en réalité impossible d'amener tous les élèves au même niveau en fin de scolarité obligatoire. Mais l'ambition de l'école de la République doit bien être celle-là, même si elle a quelque chose d'utopique. En abandonnant le mot « commun », vous renoncez à cette utopie-là, qui était celle des fondateurs de l'école républicaine. Lorsque Jules Ferry voulait que tous les enfants sachent lire, écrire et compter, cela semblait à l'époque une utopie. Mais il a donné à l'école les moyens d'y arriver.

Pour assurer l'égalité des chances, il faut aussi que les méthodes et les pratiques pédagogiques s'adaptent à chaque élève.

Tout cela aurait mérité une réflexion plus approfondie sur les disciplines, sur leur cohérence, sur les ponts à créer entre elles. Le socle commun ne se résume pas à une liste de connaissances à acquérir mais doit constituer la base permettant à chacun de se réaliser et de comprendre le monde dans lequel il vit.

Mme Janine Jambu - La culture peut se définir comme l'acquisition de connaissances, mais aussi comme ce qui donne des outils pour comprendre, trier, synthétiser, cerner des problèmes et les résoudre. L'objectif ne doit donc pas être seulement d'apprendre à restituer des connaissances.

Les savoirs scolaires ne forment pas un tout homogène, mais ils concourent tous à enrichir la personnalité des élèves et leur vision du monde, à développer leur capacité de jugement et leur esprit critique. Une culture équilibrée permet d'entrer en contact avec les oeuvres humaines dans chaque discipline, d'accéder à des valeurs universelles, de comprendre le monde, de débattre, d'agir, de s'exprimer en citoyen responsable et éclairé.

Nous proposons de construire la culture commune jusqu'à la fin du lycée en même temps que l'accès à des spécialisations ; de coordonner les programmes avec des parties interdisciplinaires identifiées ; de construire des programmes moins chargés en connaissances à mémoriser et plus exigeants sur le plan des notions, des pratiques et des raisonnements ; de lutter contre la hiérarchie des savoirs en revalorisant des enseignements dédaignés. Non, Monsieur le ministre, la culture commune ne s'arrête pas au collège et ne saurait être définie d'un point de vue strictement utilitariste.

Pour éviter la sélection précoce, il faut de vrais moyens : groupes réduits, dédoublements de classes, vraies marges de manœuvre pédagogique, mais en respectant aussi des horaires, des programmes nationaux et des temps communs d'apprentissage dans des classes moins chargées, avec des professeurs qui travaillent mieux ensemble. C'est tout l'inverse que vous proposez.

M. Jean-Marie Le Guen - Si nous sommes tous d'accord sur l'idée d'un socle commun, encore faudrait-il s'entendre sur la nature et sur le contenu de celui-ci. Une vraie réforme de l'éducation nationale devrait s'attacher à rechercher un consensus à ce propos, étant entendu que la question du socle est aussi celle de l'égalité des chances. Or, les mouvements de ces derniers jours montrent bien que le consensus n'est pas au rendez-vous et que les jeunes s'inquiètent de ce que le Gouvernement met derrière cette idée de socle. A vous lire et à vous entendre, Monsieur le ministre, on comprend que vous en avez une conception minimaliste - lire, écrire, compter - et utilitariste. L'école doit avant tout, selon vous, rendre les jeunes employables. Nous pensons quant à nous qu'elle a surtout vocation à former des citoyens et des personnes.

Les libéraux que vous êtes trouvent que les différences sociales sont naturelles et estiment qu'une partie de la population a vocation à produire et à être pleinement utilisée, voire surexploitée, tandis que d'autres ne seront jamais employables et ne méritent donc pas que l'on s'intéresse à eux. On voit bien le lien entre ce que vous dites du socle commun pour l'école et votre vision de la société, tout entière tournée vers un utilitarisme économique où seule une partie de la population a vocation à appartenir pleinement à la société.

M. le Rapporteur - L'amendement 48 2e rectification de la commission est plus important qu'il ne semble. Il a pour objet de situer l'article 6 non pas dans le chapitre « obligation et gratuité scolaires », mais dans le chapitre « objectifs et missions de l'enseignement scolaire », où il a manifestement sa place.

L'amendement 48 2e rectification, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Muguette Jacquaint - La grande question que pose le socle commun, c'est : pour qui, et pour quoi faire ? Pour nous, ce socle ne saurait être défini a minima et dans une vision purement utilitariste. Notre objectif reste l'élévation du niveau de culture et de connaissance de l'ensemble de la société, dans un esprit de valorisation de l'individu et du collectif, indissociablement liés. Cela suppose des droits égaux pour tous, qu'il s'agisse du droit d'accès à la maîtrise des savoirs, de l'information, des cultures du monde, mais aussi de l'égalité des sexes. Seul le service public est capable de créer les conditions pour assumer une telle responsabilité.

Tous les champs de la connaissance sont constitutifs de la culture et participent des valeurs communes de notre société. Nous définissons la culture comme le trésor accumulé des créations humaines et nous avons pour ambition d'en ouvrir l'accès à tous. Viser une culture effectivement partagée par tous présuppose que l'on se fonde sur le principe de l'éducabilité de tous. Encore faut-il remettre en question les conceptions dominantes relatives à la culture. Les jeunes accèdent à de nombreux espaces de diffusion de connaissances, la télévision étant l'un des plus puissants. Mais, avec ses missions originales, l'école reste un vecteur essentiel de construction, de diffusion et d'appropriation des valeurs d'émancipation humaine, des savoirs et de la culture. A l'inverse des perspectives réductrices de votre socle commun de connaissances, une culture adaptée aux évolutions rapides de la société, doit valoriser les techniques, les histoires, les cultures, les langues nationales et régionales, les valeurs dont tous les jeunes, quelles que soient leurs origines, sont porteurs. C'est une culture enracinée dans le passé mais ouverte sur l'avenir, articulée avec les pratiques sociales, les savoirs, la citoyenneté, qui intègre toutes les formes d'expérience et de connaissance ; une culture scientifique et critique dans tous les domaines du savoir, qui permette d'anticiper les évolutions technologiques et professionnelles.

Notre conception de la culture scolaire commune présuppose l'égale valeur formatrice des cultures physique et sportive, artistique, scientifique et technique, professionnelle, philosophique, toutes également fondamentales. Elle implique l'intégration dans les programmes scolaires de la maîtrise des technologies modernes d'information et de communication.

Cette définition appelle une réflexion nouvelle sur les contenus d'enseignement que l'école doit permettre à tous les jeunes de partager, respectant tout à la fois la spécificité des disciplines scolaires historiquement constituées, favorisant la transdisciplinarité nécessaire au sens et à la qualité des contenus d'enseignement et permettant l'acquisition d'outils intellectuels transversaux.

Pour éviter l'écueil d'une liste trop précise et donc réductrice des savoirs, savoir-faire et savoir être, il convient de renvoyer sa définition aux instances compétentes. Tel est le sens de notre amendement 211.

M. Jean-Pierre Blazy - Les orateurs socialistes ont bien montré le sens que nous voulons donner au socle commun, qui doit être une exigence démocratique pour la nation tout entière. Notre amendement 360 tend à le définir autour de cinq série d'objectifs, qui ne recoupent qu'en partie le texte du projet. Tout d'abord, des objectifs linguistiques, à savoir la maîtrise du français et d'une langue étrangère.

Ensuite, des objectifs culturels, en abordant les savoirs scientifiques, artistiques, littéraires et philosophiques ; j'insiste en particulier sur la nécessaire d'inscrire les savoirs artistiques dans le socle commun.

En troisième lieu, des objectifs de pratiques physiques et sportives axées sur la maîtrise du corps et l'apprentissage de la vie en collectivité. Ce point aussi est important, et à l'article 4 nous avons adopté, de manière consensuelle, un amendement sur l'éducation physique. Écarter celle-ci serait ne pas comprendre qu'elle est au cœur du développement personnel et de la vie des jeunes - ce qu'on peut dire aussi de l'éducation artistique -, qu'elle est un vrai levier d'éducation, contribue à créer du lien social et à éduquer le futur citoyen.

Nous proposons ensuite de mentionner des objectifs technologiques, permettant de faire découvrir aux élèves la culture scientifique et technologique.

Enfin, des objectifs d'apprentissage pour construire la citoyenneté des élèves. C'est en précisant ainsi le contenu du socle commun qu'on pourra faire en sorte que la réussite pour tous soit davantage qu'un slogan.

Mme la Présidente - Sur l'amendement 360, le groupe socialiste demande un scrutin public.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements. Pour ce qui est du 211, elle n'a pas vu l'utilité de remplacer l'expression de « socle commun » par celle de « culture scolaire commune ». Quant à l'amendement 360, il présente une tout autre conception du socle. De nombreux spécialistes ont stigmatisé l'indigeste « mille-feuilles » que propose parfois l'école, et la définition du socle ne doit pas rester enserrée par les champs disciplinaires. Or, votre proposition superpose un grand nombre d'éléments ; je note par exemple que les savoirs scientifiques sont mentionnés dans deux de vos séries d'objectifs. Les éléments qu'apporte le projet nous ont semblé suffisants.

M. le Ministre - Cette notion du socle commun est au cœur de la réforme que nous proposons. Elle était déjà au cœur des réflexions de la commission Thélot, et d'ailleurs des réflexions engagées dans tous les pays développés sur l'efficacité des systèmes scolaires. On peut même remonter plus loin : depuis une trentaine d'années, chaque expert, chaque commission, chaque débat sur l'avenir de l'école ont abouti à cette idée. Ainsi le rapport du Collège de France établi en 1985 par Pierre Bourdieu à la demande de François Mitterrand parlait d'un « minimum de culture commune, c'est-à-dire un noyau de savoirs et de savoir-faire fondamentaux que tout citoyen doit posséder ». En 1994, le rapport de Luc Ferry, président du Conseil national des programmes, soulignait la « nécessité de réactiver l'idée républicaine d'un socle commun cohérent de connaissances et de compétences ». Pour sa part le rapport Dubet affirmait : « le collège doit mieux définir les savoirs et les compétences qu'on peut attendre de tous ».

Chacun le constate, en effet : nombre d'élèves perdent pied dans le système éducatif parce qu'ils ne maîtrisent pas un ensemble de connaissances et de compétences indispensables pour poursuivre avec succès leur scolarité. Il existe donc au sein des enseignements qui doivent être communs à tous les élèves un certain nombre d'éléments fondamentaux dont la maîtrise doit absolument être assurée. Nous le savons depuis des années, mais aucun gouvernement ne s'était engagé jusqu'à présent dans une véritable réforme permettant de garantir la transmission de ce socle de connaissances et de compétences fondamentales.

Le rapport Thélot propose, au sein des enseignements communs à tous, un socle commun des indispensables, qu'il définit autour de deux piliers - les langues et les mathématiques - et de deux compétences - l'anglais de communication internationale et la maîtrise des technologies de l'information et de la communication. Nous y avons ajouté les éléments d'une culture humaniste et scientifique permettant d'exercer sa responsabilité de citoyen.

Ajouter à ces cinq connaissances et compétences fondamentales une liste de disciplines revient à ruiner l'idée même de socle. Dès lors que tous les élèves sont confrontés aux mêmes programmes, qui incluent le sport et les activités artistiques, la notion de socle ne peut être exclusive : c'est un tremplin qui est au cœur de ces programmes et sur lequel l'Etat entend s'engager. Le Gouvernement vous propose ainsi un dispositif d'évaluation régulière et de soutien. Celui-ci ne peut reposer que sur le socle, le cœur des connaissances et des compétences, et non sur telle ou telle matière. Les deux amendements ne correspondent pas à cette définition du socle. Je vous demande donc de les rejeter.

M. Christophe Masse - Nous faisons le même constat que vous sur les fondamentaux, Monsieur le ministre, mais nous voulons être plus ambitieux. Le socle commun de connaissances n'est ni un outil, ni un dispositif : c'est le cœur même de ce projet. La définition de son contenu est donc l'un des chantiers les plus importants pour l'avenir de la nation.

Comment refuser d'y inclure les fondements de la citoyenneté, les nouvelles technologies, l'éducation physique ? Il ne s'agit pas, comme vous semblez le penser, d'un catalogue, mais d'objectifs clairs précis. Ne pas les inscrire dans la loi serait faillir à nos responsabilités.

M. Guy Geoffroy - Tout ce qui est dit là témoigne de notre volonté commune de faire œuvre utile pour nos enfants. Mais ces deux amendements ruinent l'objectif visé. L'amendement 211 reprend l'intention du texte initial, en le privant des éléments retenus pour constituer l'ensemble des connaissances et compétences du socle. Il est trop général pour ne pas être inopérant. Quant à l'amendement de nos collègues socialistes, il supprime la notion même de socle, puisqu'il ne la mentionne même pas et résume la scolarité obligatoire à l'ensemble des objectifs devant constituer le socle.

M. Jean-Pierre Blazy - Il n'a rien compris !

M. Guy Geoffroy - Mais la scolarité obligatoire, c'est l'ensemble d'enseignements au travers desquels sont acquis les éléments constituant le socle. Celui-ci est donc transversal à plusieurs disciplines. La définition proposée par nos collègues socialistes est bien trop complète - voire confuse - pour pouvoir constituer le socle.

M. Eric Raoult - Très bien !

M. Yves Durand - Je fais observer à M. Geoffroy que le terme de « socle commun de connaissances et de compétences » figure à la deuxième ligne de notre amendement.

M. Jean-Marie Le Guen - Les méfaits de la méthode globale, mon cher collègue !

M. Yves Durand - Je suis tout à fait d'accord avec vous, Monsieur le ministre, sur l'idée d'un socle commun, qui fait l'unanimité depuis une trentaine d'années.

Mais votre conception de la scolarité obligatoire n'est pas la nôtre. Pour vous, le but de la scolarité obligatoire est l'acquisition d'un socle commun qui se réduit à ce que vous appelez les fondamentaux, à savoir lire, écrire et compter - Jules Ferry ajoutait « et voter républicain ». Si certains veulent y ajouter d'autres connaissances, pourquoi pas ? Mais cela ne fait pas partie de l'objectif.

Nous avons souhaité, quant à nous, non pas faire une liste de disciplines constituant ce socle commun, mais en donner les objectifs. C'est à partir de ces objectifs que travaillera, par exemple, la commission nationale des programmes. Ces objectifs, ce sont les grands pans de la connaissance que tous les élèves doivent maîtriser.

Dans votre conception du socle, la culture artistique, l'éducation physique ou l'apprentissage de la citoyenneté ne font pas partie de l'obligation scolaire...

M. Jean-Pierre Blazy - Ils n'en veulent pas !

M. Yves Durand - ...et donc du contrat que la nation passe avec son école. C'est une différence de conception sur la mission même de l'école qui nous oppose. Nous considérons que l'idée de socle commun ne peut être séparée de cette liste d'objectifs - et non, je le répète, de matières ou de disciplines. L'école ne doit pas seulement faire acquérir les fondamentaux, mais aussi tout ce que vous considérez, vous, comme superflu.

M. le Ministre - Nous voici en présence d'une véritable opération de désinformation ou d'une mauvaise compréhension du texte.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous ne sommes pas des lycéens !

M. le Ministre - Vous ne pouvez travestir notre philosophie comme vous venez de le faire en prétendant que nous résumons la scolarité obligatoire au socle : le texte dit le contraire !

La scolarité obligatoire recouvre l'ensemble des programmes, y compris ceux qui sont en option. Au sein de cette scolarité obligatoire, il y a un certain nombre d'éléments qu'il faut à tout prix transmettre à tous les élèves. Le socle commun ne distingue pas ce qui est obligatoire de ce qui serait facultatif, mais le fondamental du dérivé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), non pas pour se priver de ce dernier, mais pour lui donner du sens. Alors que les programmes actuels ne hiérarchisent pas ce qui est enseigné, l'identification du socle permettrait aux élèves de découvrir, par-delà la séparation des disciplines et la diversité des approches, ce qui justifie l'étude d'une matière ou l'acquisition d'une compétence et qui structure l'ensemble des apprentissages. Le socle est aussi le moyen de passer ultérieurement de ce savoir commun à une culture commune, condition nécessaire d'une vie sociale réussie. Aucune matière n'est abandonnée, les programmes ne changent pas, mais nous voulons nous battre pour que les élèves maîtrisent tous les éléments du socle. La Norvège, qu'on donne souvent en exemple, vient elle-même d'adopter un socle commun, composé de cinq éléments - savoir s'exprimer à l'oral, savoir s'exprimer à l'écrit, savoir lire, savoir compter, savoir utiliser l'ordinateur - qui naturellement se relient à l'ensemble des disciplines.

La présentation que vous faites de nos propositions est donc fausse. Définir le socle comme vous le faites, refuser la hiérarchisation, c'est la meilleure façon de persévérer dans l'échec.

M. Jean-Pierre Blazy - Monsieur le ministre, je suis scandalisé par vos propos (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). On ne peut qualifier de « dérivées » des disciplines qui, selon nous, doivent faire partie du socle commun. Il faudrait plutôt parler de dérive de la majorité, qui veut réduire les ambitions de l'école de la République ! (Même mouvement)

M. Eric Raoult - Blablazy !

L'amendement 211, mis aux voix, n'est pas adopté.

A la majorité de 47 voix contre 14, sur 61 votants et 61 suffrages exprimés, l'amendement 360 n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Compte tenu de l'importance de l'amendement 451 de M. Périssol qui arrive, et, ne comptant que trois députés communistes et cinq députés socialistes dans l'hémicycle, je souhaite que l'on procède préalablement à la vérification du quorum. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme la Présidente - Je suis saisie par le président du groupe UMP d'une demande, faite en application de l'article 61 du Règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur l'amendement 451.

Je constate que le quorum n'est pas atteint. Conformément à l'alinéa 3 de l'article 61, le vote sur l'amendement est reporté au début de la prochaine séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 40.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 2ème séance du mercredi 16 février 2005.

Page 15, lire :

M. François Rochebloine - Et le groupe UDF !

M. le Ministre - Oui, avec le groupe UDF.

Beaucoup d'orateurs ont évoqué... (le reste sans changement)


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