Session ordinaire de 2004-2005 - 64ème jour de séance, 156ème séance 1ère SÉANCE DU VENDREDI 18 FÉVRIER 2005 PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ
Sommaire La séance est ouverte à neuf heures trente. PROJET DE LOI D'ORIENTATION POUR L'AVENIR DE L'ÉCOLE (suite)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école. M. Yves Durand - Rappel au Règlement. La presse fait état, ce matin, d'une éventuelle modification du calendrier de nos travaux. M. le Président - Oh ! Je n'y crois guère... M. Yves Durand - Très bien. M. le Président - Ne vous inquiétez donc pas, Monsieur Durand ! M. Yves Durand - Je ne suis pas inquiet : je souhaitais seulement avoir des informations. M. le Président - Nous ferons le point en fin d'après-midi. M. Yves Durand - Très bien, je vous remercie. M. le Président - L'organisation de nos travaux dépend aussi un peu de vous (Sourires). M. Yves Durand - Elle dépend de nous tous, Monsieur le Président. M. le Président - Mais si cela ne tenait qu'à moi, nous irions très vite (Sourires) ! M. Yves Durand - Je ne ferai pas de commentaire !
ART. 8 (suite)
Rapport annexé M. Yves Durand - L'amendement 346 vise à reprendre dans le rapport annexé l'idée d'un socle commun de connaissances et de compétences, sujet essentiel dont nous avons débattu hier. M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Avis favorable. M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Même avis. L'amendement 346, mis aux voix, est adopté. M. Yves Durand - Puisque l'idée du socle commun vient d'être rétablie, ce dont je me félicite, l'amendement 498, qui est de cohérence, vise à en préciser non le contenu, qui sera défini par le Haut conseil de l'éducation s'il est créé, ce que nous n'espérons pas, mais les objectifs. L'amendement 498, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Yves Durand - L'amendement 347 est défendu, de même que l'amendement 348. L'amendement 347 et l'amendement 348, acceptés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés. M. Guy Geoffroy - Les enseignants assument leur responsabilité de la meilleure manière qui soit, et leur liberté pédagogique sera désormais formellement inscrite dans la loi. Par l'amendement 140, je propose que dans le respect de cette liberté et de cette responsabilité pédagogiques, les enseignants du cour préparatoire soient encouragés à appliquer des méthodes d'apprentissage de la lecture qui ont fait leur preuve. Les représentants de la nation ont en effet le devoir de demander à l'école de la République de tout mettre en œuvre pour que la lecture soit acquise dès la fin du CP. M. le Rapporteur - Avis favorable sur cet amendement qui concerne un sujet délicat. Il faut en effet se garder, en la matière, des engouements de la mode. L'un de mes anciens collègues, qui est également grand-père, m'a fait part de son effarement face aux dégâts provoqués par la méthode d'apprentissage de la lecture dite méthode globale et il m'a demandé de me battre, dans cet hémicycle, pour que l'on revienne à des méthodes d'apprentissage qui ont fait leur preuve. Je suis donc particulièrement heureux que cet amendement ait été adopté par la commission. M. le Ministre - Avis favorable. M. Yves Durand - Cette question, même si elle est d'importance, ne concerne en rien nos débats : je rappelle, d'une part, que la méthode globale n'est plus pratiquée depuis une quinzaine d'années - mais que ne feriez-vous pour contenter certains milieux conservateurs... -, et, d'autre part, qu'il est tout de même paradoxal d'inscrire la liberté pédagogique dans la loi et de la limiter en imposant « des méthodes d'apprentissage de la lecture qui ont prouvé leur efficacité », formulation en outre risible... M. Guy Geoffroy - Mais non ! M. Yves Durand - ...car nous pourrions aussi bien interdire l'utilisation de méthodes pédagogiques inefficaces ! En fait, contrairement à ce que vous affirmez, vous voulez de plus en plus contraindre la liberté des enseignants. J'espère vivement que notre assemblée repoussera un amendement inutile et spécieux. M. Guy Geoffroy - Oh ! L'amendement 140, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 433 est rédactionnel. L'amendement 433, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. Yves Durand - L'amendement 349 rectifié a le même objectif que l'amendement 346. L'amendement 349 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. Yves Durand - L'amendement 350 sera sans doute plus délicat à faire accepter par la commission et le Gouvernement mais je le défendrai d'autant plus ardemment. Le rapport annexé instaure une note de vie scolaire prise en compte pour l'examen du brevet des collèges. Soyons clairs : il n'est pas question que les règles et que les enseignants ne soient pas respectés dans les établissements scolaires, ou que le travail ne soit pas récompensé. Cela fait partie des missions de l'école et nous y sommes attachés. Qu'on nous épargne donc le faux procès du laxisme et des « vieilles nostalgies post-soixante-huitardes » dénoncées par votre prédécesseur, Monsieur le ministre. Le problème tient plutôt à la nature de cette note de vie scolaire. Est-ce le retour de la bonne vieille note de discipline ou du prix de camaraderie, supprimés parce qu'ils ne correspondaient plus à grand-chose ? Ou s'agit-il de donner un nouveau pouvoir aux chefs d'établissement qui, si j'en crois leurs représentants syndicaux, y sont nettement défavorables ? Vous introduisez en effet dans l'examen du brevet des collèges une évaluation de l'effort fourni par l'élève dans diverses disciplines, mais aussi de son comportement. Le conseil de classe et le conseil de discipline sont parfaitement à même de porter ce jugement, mais il ne doit pas être pris en compte pour l'examen, surtout s'il y a des bourses au mérite à la clé. Un tel mélange des genres est préjudiciable aux enseignants, dont l'évaluation sera contestable et contestée, aux chefs d'établissement et bien entendu aux élèves. Cela fera peut-être plaisir aux milieux conservateurs, qui ne connaissent pas grand-chose au monde de l'éducation, mais cela affaiblira l'examen du brevet, que vous entendez justement réhabiliter. Tous les syndicats et les parents d'élèves vous l'ont dit, cette note pose un vrai problème, et nous pensons comme eux que c'est une mauvaise mesure. M. le Rapporteur - La commission ne partage pas du tout l'analyse de M. Durand : elle a repoussé cet amendement. M. le Ministre - Défavorable. M. Guy Geoffroy - Le raisonnement de M. Durand est un peu vieillot, comme sa façon de nous parler du brevet des collèges, qui n'existe plus depuis la loi d'orientation de 1989 : il s'appelle aujourd'hui le diplôme national du brevet. Il est toujours utile d'actualiser ses connaissances ! M. Yves Durand - Voilà le donneur de leçons qui recommence ! M. Guy Geoffroy - M. Durand nous a parlé de la note de vie scolaire sans évoquer une seule fois l'équipe de la vie scolaire. Il a parlé du conseil de classe, du conseil de discipline - qui fort heureusement, ne se réunit pas si souvent -, mais il n'a pas évoqué le rôle très important - que j'ai exercé pendant quinze ans - du conseiller principal d'éducation. Il ne s'agit pas de sanctionner, mais de valoriser la capacité de l'élève à assimiler, durant tout son parcours au collège, ce qui, dans le socle commun, est une préparation à la citoyenneté. L'élève est un futur citoyen, et l'équipe de la vie scolaire est tout à fait fondée à porter un jugement sur ces capacités-là. Je passe sur la discipline, qui ne vous intéresse pas (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), puisque vous tenez cette préoccupation pour négligeable et ringarde. (Même mouvement) Mais un autre élément est très important dans la vie scolaire : l'assiduité. Le drame principal du collège, c'est le début de l'absentéisme. Il faut donc faire comprendre aux élèves qu'une présence régulière à tous les cours est indispensable. La note de vie scolaire intégrera les éléments qui permettent d'évaluer l'assiduité de l'élève : un élève assidu est un élève présent, qui fait preuve de bonne volonté dans sa scolarité, quelles que puissent être ses difficultés. La définition de cette note devra bien sûr être précisée par une circulaire. Mais la note de vie scolaire, loin de la caricature que nous a livrée M. Durand, est une notion importante et moderne. M. Jean-Pierre Blazy - Selon le rapport annexé, la note de vie scolaire, affectée d'un coefficient 2, doit prendre en compte « l'assiduité, le respect du règlement intérieur, l'engagement dans la vie du collège. » Nous sommes tous d'accord - et M. Geoffroy devrait cesser de faire ce mauvais procès à l'opposition - sur la nécessité de la discipline et de l'autorité. J'ai moi aussi été enseignant, et je ne concevais pas mon métier sans l'autorité. Il faut certes combattre l'absentéisme - les textes pour cela existent - et exiger des élèves le respect de certaines règles de conduite. Mais doit-on pour autant les évaluer à la fin de la période d'acquisition du socle commun sur ces critères, et avec un tel coefficient ? Je ne le crois pas. Nous nous souvenons tous des notes de conduite décernées dans nos bulletins scolaires. Mais jamais elles n'ont été prises en compte pour un examen ! Si encore il s'agissait d'introduire une épreuve d'éducation civique, cela s'inscrirait dans l'objectif d'éducation à la citoyenneté. C'est d'ailleurs l'actuelle opposition qui a rétabli l'éducation civique au collège il y a vingt ans et il serait bon que cet enseignement soit renforcé. Il est facile d'afficher une note de vie scolaire, qui fleure le populisme et flatte sans doute une partie de votre électorat, mais votre mesure est fallacieuse. Cette note de vie scolaire ne peut avoir la valeur d'une épreuve dans un examen terminal. M. Christian Paul - Votre conception de l'éducation semble se limiter à l'alternance de la carotte et du bâton : les bourses au mérite et la note de vie scolaire. La question qui vous préoccupe, c'est-à-dire le respect des règles de vie en commun, ne se traite pas en fin d'année. Monsieur Geoffroy, vous avez été chef d'établissement. Vous savez que ces questions se règlent au quotidien, en continu, dans un dialogue souvent difficile avec les élèves qui s'affranchissent de ces règles. Introduire une sanction a posteriori serait inefficace, pour ne pas dire absurde. L'amendement 350, mis aux voix, n'est pas adopté. La séance, suspendue à 10 heures, est reprise à 10 heures 20. M. Jean-Pierre Blazy - Notre amendement 351 ajoute les mots « commun des connaissances et des compétences » après le mot socle. Nous voulons, cette fois encore, insister sur l'idée que ce socle doit être commun à tous les élèves, même si nous persistons à regretter qu'il n'intègre pas les disciplines artistiques et sportives. L'amendement 351, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 434 de la commission, de coordination, remplace le « contrat individuel de réussite scolaire », dont nous allons parler à l'article 11, par le « programme personnalisé de réussite scolaire ». L'idée de contrat était séduisante, mais que se passait-il en cas de non respect ou de rupture dudit contrat ? Quant au terme « éducative », il présentait l'inconvénient de sembler rejeter la responsabilité d'une telle éventualité sur la famille. Mieux vaut donc parler de « réussite scolaire », ce qui n'empêchera le programme en question de comporter un volet éducatif. M. le Ministre - Favorable. M. Yves Durand - Je n'étais pas favorable au contrat, mais j'en avais au moins une idée à peu près claire. Après les explications du rapporteur, je n'y comprends plus rien. Y a-t-il vraiment une différence ? Si oui, laquelle ? Si non, pourquoi changer de nom ? J'aimerais que le ministre nous explique. M. Jean-Pierre Blazy - Voilà une nouvelle grosse rature dans une copie qui est déjà mauvaise ! Le contrat individuel de réussite éducative était présenté comme un des joyaux du projet. Il faut qu'on nous explique la différence. M. le Ministre - Ce qui compte dans cette affaire, ce sont les trois heures de soutien par semaine que nous allons donner aux élèves en difficulté, ce qui représentera au moins 10 000 postes supplémentaires (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), comme on le verra plus loin. C'est l'effort le plus important de soutien jamais consenti ! L'idée de contrat était séduisante, mais ce mot a un sens juridique précis, qui aurait pu donner lieu à des interprétations que nous ne souhaitions pas et à des contentieux. Le programme n'en demeure pas moins un document élaboré en commun par l'équipe éducative, les parents et l'élève en vue d'un soutien personnalisé. C'est une grande avancée. M. Christian Paul - Nous ne sommes évidemment pas hostiles à un effort massif de soutien aux élèves en difficulté, nous qui nous battons depuis vingt ans en ce sens, et qui avons, par exemple, décidé la création des ZEP. Mais nous sommes sceptiques quant aux moyens, dont le ministre nous dit que nous parlerons plus tard. Pourquoi attendre la fin du débat pour parler des postes ? Il existe déjà des dispositifs d'aide et de soutien, je pense en particulier aux réseaux d'aide. Malheureusement, ces derniers ne fonctionnent pas très bien, faute justement d'enseignants s'engageant dans ce processus et faute d'incitations à le faire. Les renforts annoncés seront-ils prélevés sur les RASED ? Allez-vous procéder par redéploiements - et sur quoi ? Ou bien s'agira-t-il de véritables créations de postes ? Ces questions précises appellent des réponses claires. L'amendement 434, mis aux voix, est adopté. M. Pierre-Christophe Baguet - Notre amendement 34 vise à aider les élèves les plus en difficulté, en leur offrant la possibilité de suivre des études encadrées par leurs propres enseignants - car ce sont eux qui sont le mieux à même de les aider -, et en refondant le dispositif des ZEP, lequel concerne aujourd'hui un élève sur cinq. Il faut en effet tenir compte des inégalités au sein même de ces zones, certains établissements en particulière difficulté devant être encore plus soutenus que les autres. L'objectif doit être de mobiliser des moyens nouveaux pour ceux qui en ont le plus besoin. M. le Rapporteur - Bien que le deuxième alinéa de l'amendement, tendant à lier l'obtention du statut de ZEP pour les établissements qui y prétendent à l'élaboration d'un contrat d'objectifs, lui ait inspiré certaines réserves - moins sur le fond que du fait de la rédaction proposée -, la commission a adopté cet amendement. M. le Ministre - Le Gouvernement est sensible à l'esprit de cet amendement, mais il ne souhaite pas engager une révision de la carte des ZEP sans un vaste mouvement de concertation et d'évaluation préalables. Je propose par conséquent à M. Baguet de supprimer le deuxième alinéa de son amendement, le Gouvernement étant par contre très favorable à la généralisation des études accompagnées prévue au premier alinéa. M. le Rapporteur - Je suis personnellement favorable à cette rectification. M. Pierre-Christophe Baguet - Pour ma part, je l'accepte dans la mesure où sera retenue l'idée d'études accompagnées, à laquelle nous sommes très attachés. M. Yves Durand - Notre collègue Baguet doit être bien conscient que la suppression du deuxième alinéa prive son amendement - auquel nous sommes tout à fait favorables - de toute portée. L'on en reste, une fois de plus, au stade des bonnes intentions. Il eût été préférable d'adopter la totalité de l'amendement. Créées par Alain Savary en 1982, les ZEP ont fait la preuve de leur efficacité dans la lutte contre les inégalités scolaires. Il convient aujourd'hui de les évaluer, avec l'objectif de mobiliser des moyens supplémentaires - qui ne soient pas pris à d'autres réseaux - au profit des établissements les plus durement frappés par la fracture scolaire qui s'est accentuée. Il faut, pour reprendre le mot de M. Geoffroy, « mettre le paquet » là où les besoins sont les plus criants. Sans doute convient-il aussi de revoir les procédures de classement en ZEP et les mécanismes d'incitation à venir enseigner dans les quartiers difficiles. Enfin, je dois dire qu'il est un peu étrange d'entendre le ministre dire, à plusieurs reprises, qu'il serait malséant de légiférer avant d'avoir approfondi la concertation. Pour nous, la bonne méthode, c'est de provoquer la concertation, pour ne se présenter au Parlement avec un projet qu'une fois qu'elle a été menée à bien. M. Christian Paul - Cela aurait évité quelques ennuis avec les lycéens ! M. Guy Geoffroy - Pour éviter la répétition du verbe « accompagner », je suggère que l'on parle d'études « encadrées ». (Assentiment sur divers bancs) M. le Président - L'amendement 34, amputé de son deuxième paragraphe et rectifié par M. Geoffroy, serait donc ainsi rédigé : « L'école doit assurer un accompagnement des élèves en difficulté et la personnalisation des apprentissages, permettant de répondre aux difficultés dès qu'elles apparaissent, en particulier par la mise en place d'études encadrées. » L'amendement 34 ainsi rectifié, mis aux voix, est adopté. M. Yves Durand - Par notre amendement 475, nous entendions revenir sur le contrat individuel de réussite, que le Gouvernement semble à présent résolu à remplacer par un programme personnalisé de réussite... Nous le maintenons toutefois, en attendant la discussion de l'article 11 du projet. L'amendement 475, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Yves Durand - Notre amendement 476 vise à inscrire dans la loi qu'un véritable partenariat doit se nouer entre les responsables des activités périscolaires de l'enfant et l'équipe éducative, dans le respect des responsabilités de chacun. Comme nous l'avons rappelé hier, il faut être bien conscient du fait que les enfants passent plus de temps à l'extérieur qu'à l'intérieur de l'institution scolaire. Ce qu'ils vivent à l'extérieur de l'école ne doit pas détruire le travail éducatif mené à l'intérieur de l'école et le lien, souvent défaillant, entre le scolaire et le périscolaire doit être renforcé. Pour ce faire, l'Etat doit soutenir les contrats passés avec les associations d'éducation populaire, tels les contrats de temps libre ou les contrats éducatifs locaux, qui peinent à vivre par manque de moyens malgré la forte implication des maires et des élus locaux. Nous devons inscrire dans la loi la nécessité d'organiser la journée de l'enfant en tenant compte des activités périscolaires. Depuis le début de ce débat, nous avons souvent repris l'idée que l'école ne pouvait pallier tous les manques de la société. Les enseignants souffrent de voir l'école accusée de tous les maux quand on lui retire dans le même temps ses moyens, et d'être dans l'impossibilité de répondre aux attentes placées en elle. Si l'on ne peut tout demander à l'école, il faut se préoccuper des activités de l'enfant hors de l'école. La rupture, chaque jour plus marquée, entre le scolaire et le périscolaire est l'une des causes de l'échec scolaire. Or, la corrélation presque mathématique entre inégalité scolaire et inégalité sociale n'est pas prise en compte dans votre projet de loi et vous refermez l'école sur elle-même. Pour une politique éducative globale, l'Etat doit soutenir financièrement les associations d'éducation populaire, trop souvent marginalisées aujourd'hui, après avoir tant fait pour la République ! M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. Le soutien personnalisé à l'élève, décrit dans le rapport annexé, comportera deux volets : l'un durant le temps scolaire, l'autre en dehors de l'école. Quant aux activités périscolaires, de nombreuses formules existent aujourd'hui, dont les CEL, auxquelles participent les communautés de communes et les associations familiales. Avis défavorable donc à titre personnel. M. le Ministre - Votre amendement est satisfait par l'article L. 551-1 du code de l'éducation. Avis défavorable. M. Jean-Pierre Blazy - Avec ces avis négatifs, j'ai l'impression de revenir plusieurs heures en arrière dans ce débat Pourtant, les activités périscolaires sont un élément essentiel de la formation de l'enfant. Les développer en liaison avec les collectivités locales permettrait de mieux lutter contre l'échec scolaire. Du reste, je m'explique mal que cet amendement soit repoussé quand la majorité a déposé des amendements qui vont dans le même sens. Les moyens des associations d'éducation populaire sont aujourd'hui réduits à la portion congrue. Les fonds, pris essentiellement sur le budget du ministère de la jeunesse et des sports, pour soutenir les CEL sont souvent dérisoires ! M. Guy Geoffroy - C'est faux ! M. Jean-Pierre Blazy - Pour réhabiliter les activités périscolaires, l'Etat doit s'engager plus avant financièrement. M. Pierre-Christophe Baguet - L'argumentation développée par M. Blazy me surprend. Les enfants passent en moyenne 143 jours à l'école, 100 dans les centres de loisirs et autres activités périscolaires. La distinction entre le temps scolaire, celui de l'éducation, et le temps périscolaire, celui de l'animation, doit être respectée pour l'équilibre de l'enfant. On ne saurait d'ailleurs confondre la fonction d'éducateur et celle d'animateur. L'amendement 476, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Christian Paul - Bien que le contrat individuel de réussite éducative ait été transformé pour devenir le programme personnalisé de réussite scolaire, nous craignons encore fortement que les modalités que vous retenez ne rendent ce soutien aux élèves inopérant. Que proposez-vous ? Des heures de cours supplémentaires aux élèves en difficulté. Vous donnez une réponse uniquement scolaire à un problème bien plus large - conditions de travail à domicile insatisfaisantes, problèmes psychologiques importants - d'ailleurs pris en charge par les réseaux d'aides spécialisées aux enfants en difficulté, qui ont toute compétence sur ce sujet. Vos programmes personnalisés n'aideront que les enfants souffrant de difficultés passagères, non ceux en l'échec scolaire. Ainsi s'explique notre amendement 380. M. le Rapporteur - La commission l'a évidemment rejeté. L'argumentation de nos collègues est douteuse : le dispositif proposé serait inefficace car les élèves seraient déjà en échec ! Mais, la force de ce dispositif est la réactivité : dès que l'enfant subira ses premiers échec, le PPRS sera activé en liaison avec les familles. Par ailleurs, ce n'est pas par un amendement tel que celui-ci que vous allez renforcer les moyens des RASED ! M. le Ministre - Avis défavorable. L'amendement 380, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 53 est rédactionnel. L'amendement 53, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. La séance, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 10. M. Yves Durand - Notre amendement 490 vise, pour assurer la réussite de tous, à adapter l'enseignement à chaque élève, cela tout au long de la scolarité obligatoire et non pas seulement, comme vous le proposez avec vos programmes personnalisés, quand l'échec scolaire a été constaté car il est déjà trop tard. Plutôt que d'infliger trois heures d'école supplémentaires à un enfant qui n'en veut déjà plus, mieux vaut agir pour prévenir l'échec autant que faire se peut. Cette pédagogie personnalisée signifie tout d'abord le respect du rythme d'acquisition de chaque enfant : c'est ce que nous avons voulu permettre dans la loi de 1989 avec les cycles d'apprentissage, que vous remettez en cause dans les faits en rétablissant l'annualité scolaire et le redoublement. Elle implique d'autre part la formation des enseignants à l'hétérogénéité des élèves. Et cela non plus n'est pas dans votre loi ! M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement mais j'y suis à titre personnel défavorable. M. le Ministre - Même avis. Cette exigence d'adaptation à la diversité des élèves est en outre satisfaite par l'article L. 311-1 du code de l'éducation. L'amendement 490, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 54 est de cohérence. L'amendement 54, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 55 confirme les dispositions spécifiques prises en faveur des élèves dyslexiques. L'amendement 55, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - Les amendements 56 et 57 rectifié sont de cohérence. Les amendements 56 et 57 rectifié, acceptés par le Gouvernement et successivement mis aux voix, sont adoptés. M. Guy Geoffroy - L'amendement 425 de M. Cardo est défendu. M. le Rapporteur - Avis défavorable. M. le Ministre - Même avis. M. Jean-Pierre Blazy - Nous soutenons cet amendement qui précise que les collectivités locales doivent être associées à l'élaboration du programme personnalisé de réussite scolaire. C'est d'ailleurs de plus en plus souvent le cas, quelles que soient par ailleurs les inégalités entre les communes, et c'est une nécessité si l'on veut assurer la réussite des élèves. Si la majorité considère vraiment que le programme personnalisé est au cœur de son projet, elle ne peut que voter cet amendement. L'amendement 425, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - Les amendements 58 rectifié et 59 sont de cohérence. Les amendements 58 rectifié et 59, acceptés par le Gouvernement et successivement mis aux voix, sont adoptés. M. le Ministre - Par l'amendement 448, je propose de préciser, dans la première phrase du cinquante-septième alinéa du I, que le dispositif de soutien se déploiera sur trois heures par semaine. M. le Rapporteur - Avis favorable, sous réserve d'une rectification : cette précision prend en fait place dans la deuxième phrase de l'alinéa. M. le Ministre - Tout à fait d'accord, bien entendu. M. Jean-Pierre Blazy - Ce projet a été décidément bâclé ! M. Yves Durand - Nous ne pouvons soutenir cet amendement puisque nous sommes défavorables au principe du contrat de réussite individuelle que vous avez transformé en programme personnalisé de réussite scolaire. En outre, ce n'est pas en fixant un quota de trois heures hebdomadaires de soutien pour tous que vous apporterez une réponse personnalisée aux difficultés des élèves. Enfin, pourquoi ce choix arbitraire de trois heures ? Pourquoi pas deux ou quatre ? M. le Ministre - Vous n'en aviez prévu qu'une ! M. Yves Durand - L'échec scolaire ne sera pas combattu tant qu'une pédagogie personnalisée ne sera pas mise en œuvre, tant que les maîtres ne disposeront pas d'une formation spécifique pour faire face à toutes les situations singulières, tant que l'organisation en cycles ne sera pas confortée. M. Jean-Yves Hugon - Nous souhaitons tous la réussite des élèves, mais une individualisation absolue du soutien scolaire est évidemment impossible. On ne peut mettre un maître derrière chaque élève en difficulté. Mais le quota hebdomadaire de trois heures constitue une avancée sans précédent et je voterai résolument cet amendement. L'amendement 448 rectifié, mis aux voix, est adopté. M. le Rapporteur - Je dois d'abord apporter une deuxième rectification - à mon tour ! - à l'amendement 66 : ces cinq alinéas doivent figurer après le soixantième alinéa du I, non après le cinquante-septième. Je comprends la gêne de M. Durand... M. Jean-Pierre Blazy - Parlez pour vous ! M. le Rapporteur - ...car le soutien personnalisé constitue une remarquable innovation. M. Henri Emmanuelli - La loi Savary le prévoyait déjà ! M. le Ministre - Non ! M. le Rapporteur - Afin de mettre en œuvre ce dispositif, l'amendement 66, 2e rectification, propose de programmer chaque année, de 2006 à 2008, 107 millions pour l'école élémentaire et 132 millions pour les collèges. M. le Ministre - Avis favorable. Mme Martine Billard - Cet amendement est emblématique de votre conception de la lutte contre l'échec scolaire : l'élaboration d'un schéma statistique, suivi d'un calcul ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) M. Pierre-Louis Fagniez - Vous nous faites un mauvais procès ! Mme Martine Billard - Vous estimez ainsi que 640 000 élèves sont en difficulté au collège, ce qui implique la constitution de 80 000 groupes de huit. Trois heures de soutien par groupe représentant un total de 240 000 heures, le coût s'élèverait à 396 millions... Mais comment ferez-vous, par exemple, si vous n'arrivez pas à constituer systématiquement des groupes de huit ? Et à supposer qu'il y ait huit élèves, pensez-vous vraiment qu'ils auront tous les mêmes difficultés ? Ce n'est pas sérieux ! C'est du bricolage ! Vous auriez mieux fait de retirer votre projet. M. Pierre-Louis Fagniez - Ne rêvez pas ! Mme Martine Billard - Son application est de plus problématique puisque l'on ignore comment il sera financé. M. Guy Geoffroy - Si ce projet est du bricolage, c'est également le cas de tout ce qui a été fait en matière de soutien jusqu'ici. Quand le gouvernement Jospin a institué l'aide individualisée en classe de seconde, c'était aussi sur la base de groupes de huit élèves et il a fait les mêmes calculs. La seule différence, c'est que nous, nous étendons ce soutien à toutes les classes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Pierre Blazy - Il s'agit bien de bricolage, comme sont bricolages la transformation du contrat individuel en programme ou la transformation d'une loi d'orientation en loi de programmation ! Je note de plus que l'hypothétique financement n'est prévu qu'à partir de 2006 - il est vrai que le budget prévu pour l'éducation en 2005 est désastreux. M. Yves Durand - Il n'y a pas d'argent ! M. Henri Emmanuelli - Vous déclarez l'urgence pour la loi, mais pas pour les crédits ! M. Jean-Pierre Blazy - C'est d'abord dans les classes qu'il faut remédier aux difficultés des élèves. Or que constate-t-on dans les ZEP ? Que vous fermez des classes, comme c'est le cas dans ma commune ! Et vous venez nous parler de programme personnalisé ! Il n'y a plus seulement bricolage, mais tromperie. L'opinion publique vous jugera ! M. Henri Emmanuelli - Nous voici au cœur du problème. On nous annonce à grand bruit une loi très importante, qu'il faut voter en urgence, sans rien nous dire des moyens - puisque le ministre n'a toujours pas répondu sur la provenance des 2 milliards d'euros qu'il a glorieusement annoncés à la tribune. Ces moyens ne sont donc pas prévus : il y a urgence sur le vote du texte, mais pas sur les moyens nécessaires ! Tout cela finit par se voir. Il faut donc un habillage : ce sera ce fameux programme personnalisé, censé faire croire qu'à défaut de moyens, on fait du sur-mesure. Dans ces conditions, et M. le ministre devrait le comprendre, nous ne pouvons y être favorables, à moins qu'il ne nous explique d'où viendront ces 2 milliards qui rappellent les milliards que M. Borloo nous annonce jour après jour. C'est devenu la mode : nous ne sommes plus dans la politique réelle, mais dans la politique-fiction. L'essentiel n'est pas que les choses changent, mais de faire les gros titres de la presse ! Le Président de la République et le Premier ministre annoncent que l'éducation sera l'un de leurs grands chantiers ? On bricole à la va-vite (Protestations sur les bancs du groupe UMP), sans moyens financiers, un texte que M. le ministre ferait bien de retirer. M. André Schneider - C'est tout de même extraordinaire ! Nous reconnaissons tous la nécessité d'un soutien pour les élèves en difficulté... M. Jean-Pierre Blazy - D'un vrai soutien ! M. André Schneider - ...et celle de faire confiance aux personnels de l'éducation nationale. Hier, on nous reprochait de ne rien faire pour les élèves en difficulté. Aujourd'hui, on vous propose un dispositif d'une ampleur sans précédent. Et vous ne faites même pas confiance aux chefs d'établissement pour le mettre en oeuvre. Arrêtez de tricher ! Avec trois heures de soutien, nous arriverons à faire ce que vous n'avez jamais réussi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. François Liberti - Nous avons vécu un moment singulier hier soir quand nous avons débattu du socle. En voici un autre, avec cette programmation qui n'en est pas une sur un programme personnalisé qui n'en est pas un : bref une programmation virtuelle. Cela ne mange pas de pain, il est vrai, puisqu'elle figure dans le rapport annexé, qui n'a pas de valeur juridique. Vous prenez des engagements financiers à compter de 2006 - pourquoi pas dès 2005 ? - sur la base d'une enveloppe globale, et sans la moindre évaluation des besoins concrets. Avec ce dispositif, vous voulez faire croire que vous apportez une réponse aux élèves en difficulté pour mieux cacher la réalité de votre projet : « manager » l'école comme une entreprise, lui imposer une culture de résultat, avec la prime au mérite et un socle commun réduit au minimum ! C'est insupportable ! Les lycéens vous l'ont dit, vous ne les entendez pas ! Franchement, le bon sens voudrait que vous retiriez votre texte. M. Yves Durand - Monsieur le ministre, vous avez dit vous-même devant la commission que votre texte était un texte virtuel... et c'était avant toutes les modifications que vous lui avez apportées précipitamment quelques heures à peine avant l'ouverture de la discussion. Je ne reviens pas sur ce contrat qui devient programme : on finit par s'y perdre. Je constate simplement qu'après le texte virtuel, voici la programmation virtuelle ! Mais on ne bâtit pas l'école sur du virtuel. Depuis deux jours, vous annoncez des chiffres. Comme plusieurs de mes collègues, je vous ai demandé, en défendant ma motion de renvoi en commission, où vous preniez ces 2 milliards d'euros. On peut toujours aligner des chiffres dans un amendement, ils ne signifient rien s'ils ne sont pas assortis d'engagements budgétaires précis. Comment vous croire quand le nombre d'heures diminue dans tous les établissements, et après la suppression des aides-éducateurs et des surveillants, que vos assistants d'éducation ne remplaceront jamais? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) C'est plusieurs dizaines de milliers de postes que vous avez supprimés depuis trois ans ! Le budget de l'enseignement scolaire ne progresse que de 3,2 % cette année. C'est moins que l'augmentation mécanique des traitements et des pensions : autrement dit, il n'y a pas d'argent pour une politique nouvelle ! Le Gouvernement annonce d'ailleurs son intention de réduire le nombre des fonctionnaires et les chiffres que vous avancez sont en contradiction totale avec ces déclarations. Engagez-vous donc, Monsieur le ministre, à financer ces 2 milliards dans un collectif budgétaire. Si vous ne le faites pas, les engagements que vous prenez seront nuls et non avenus. En l'absence de réponse de votre part, nous demanderons d'ailleurs une suspension de séance. M. Jean-Marie Le Guen - Vous êtes bien maltraité dans ce gouvernement, Monsieur le ministre, et plus encore depuis que cette loi est en préparation. Vous affirmez que vous aurez des moyens. Mais le Premier ministre se targue de pouvoir supprimer des dizaines de milliers de postes de fonctionnaires l'année prochaine ! Dans le combat qui oppose, dans la majorité, le président d'un parti et le chef du gouvernement , c'est à celui qui en fera le plus dans une logique libérale ! Vous avancez des chiffres qui ne correspondent pas à la réalité. Dans ma circonscription parisienne, où l'on n'enregistre pas de fortes variations démographiques, huit fermetures de classes sont programmées. Vous avez tout simplement décidé une diminution générale du nombre de postes d'enseignants. Et dans l'académie de Paris, on privilégie les arrondissements de l'ouest ! Dans les quartiers de l'est, au contraire - rue Balanchine, avenue d'Ivry, rue du Château-des-Rentiers, rue Dunois - vous fermez des classes élémentaires. D'un côté, des annonces, de l'autre, des décisions : quelle crédibilité pourrions-nous accorder à votre projet ? Notre collègue nous demande de faire confiance aux chefs d'établissement. Venez dans ma circonscription : ils vous diront que vous êtes en train de casser l'école en la privant de moyens. Alors qu'ils accueillent des élèves d'origines très diverses, socialement défavorisés, ils ne sont plus en mesure de faire fonctionner l'école de la République, de la réussite et de l'intégration ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste) M. le Ministre - Que d'interventions, tout à coup, pour combattre un amendement qui, pour la première fois, vise à programmer des moyens ! Pendant vingt ans, les ministres de l'éducation nationale de gauche ont essayé d'obtenir une loi de programmation. Ils n'y sont jamais parvenus. Je dois reconnaître que moi-même, j'ai rencontré des difficultés, mais grâce à votre rapporteur et à la majorité, voici que vous pouvez introduire dans ce texte des éléments de programmation qui constituent un engagement pour les budgets des années 2006, 2007 et 2008. Il y a ceux qui parlent de programmation depuis vingt ans sans rien faire et il y a ceux qui agissent... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, protestations sur les bancs du groupe socialiste) M. Henri Emmanuelli - C'est une non-réponse que vous venez de faire en nous renvoyant explicitement aux budgets pour 2006, 2007 et 2008. Compte tenu de ce qu'est devenue la longévité ministérielle dans ce pays, vous aurez sans doute changé de fonctions d'ici là, mais le plus important, c'est que vous venez d'avouer que vous n'avez pas un sou vaillant pour l'année en cours. A la tribune, vous avez annoncé 2 milliards d'euros et décrit toutes les actions qui doivent être lancées. Quand ? En 2006, en 2007, en 2008 ? Vous semblez ignorer le principe de l'annualité budgétaire. Comme si vous connaissiez le déficit et le taux de croissance des années à venir ! En réalité, vous rasez gratis ! Il aurait été plus courageux de votre part de dire que, compte tenu des moyens réduits qui vous sont impartis, des priorités doivent être définies. Or, vous imitez votre collègue M. Borloo, qui nous annonce tous les huit jours des milliards d'euros pour les décennies à venir. Il doit 480 millions aux départements, mais il ne répond pas quand on lui écrit. A la quatrième lettre, il vous dirige vers le ministre des finances qui, lui non plus, ne répond pas. Vos crédits fantômes, on ne les verra pas dans le collectif, ni dans la loi de finances pour 2006, mais François Fillon, entre-temps, aura annoncé son plan pour l'éducation ! Quant à vos allusions incessantes au passé, dois-je vous rappeler que vous êtes un ministre de la République en exercice ? Ce qui est attendu de vous, ce sont des perspectives d'avenir. Vous semblez obsédé par Lionel jospin. A vous entendre, on croirait qu'il gouverne toujours la France ! Je regrette que ce ne soit pas le cas, mais vous ne pouvez vous en tenir à de tels arguments. Comment allez-vous financer tout ce que vous annoncez ? M. Jean-Marie Le Guen - Je souhaite que le ministre, qui annonce des moyens nouveaux, décide de rouvrir les classes dont j'ai parlé. Comment puis-je dire à mes électeurs qu'il y a 2 milliards de crédits supplémentaires mais qu'on ferme huit classes dans le XIIIe arrondissement ? Comment pourrais-je demander aux parents d'attendre 2006, 2007 ou 2008 ? Vos promesses sont un peu irréelles. Je dis « un peu » par souci de modération, parce que d'autres vont plus loin que vous dans ce domaine. En réalité, vous vous laissez entraîner par vos collègues MM. Borloo et Douste-Blazy, lesquels annoncent tous les mois des plans de plusieurs milliards qui ne seront jamais financés. Je comprends qu'à votre tour, vous soyez tenté d'user du procédé. Mais que fait-on à la rentrée ? Va-t-on fermer huit classes dans le XIIIe arrondissement ? Voilà du concret. L'amendement 66, 2e rectification, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Henri Emmanuelli - Voilà des gens qui veulent réformer l'école et qui ne viennent pas assez nombreux pour voter leurs amendements ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles - Je demande une suspension de séance. La séance, suspendue à 11 heures 55, est reprise à midi. M. Jean-Pierre Blazy - Nous constatons, Monsieur le ministre, que vous n'êtes pas soutenu par votre majorité et que celle-ci aurait besoin d'un programme personnalisé pour apprendre à compter - n'est-ce pas, Monsieur Geoffroy ? Le socle commun parlementaire exige de savoir dénombrer les députés en séance. Vous avez tout à l'heure reproché à la gauche, Monsieur le ministre, de n'avoir pas fait de loi de programmation. Mais nous, nous avions des budgets et des moyens ! Vous vous contentez pour votre part d'une fausse loi de programmation, qui démarrerait à partir de 2006, c'est-à-dire en fait à la rentrée 2006-2007. Tout cela relève de la grande illusion ! J'en viens à notre amendement 398, qui tend à supprimer le cinquante-neuvième alinéa du I du rapport annexé, relatif au redoublement. Le redoublement n'est pas une mesure valorisante pour l'enfant. Si l'on veut vraiment la réussite de tous, il faut soutenir les élèves qui en ont besoin, pas de façon virtuelle ou avec des heures supplémentaires, mais bien dans la classe, avec le secours de la pédagogie. Il convient donc d'intégrer dans le code de l'éducation les conditions très précises qui justifient le recours au redoublement : maladie longue de l'enfant, drame familial par exemple. M. le Rapporteur - Rejet. Quand un enfant est à la traîne, il souffre. Il n'y a pas de cancre heureux. Le redoublement peut permettre à un élève de reprendre pied. Il n'intervient de toute façon qu'en ultime recours et s'il est bien expliqué à la famille et à l'enfant, et bien compris par eux, il peut constituer une véritable deuxième chance. M. le Ministre - La philosophie générale du redoublement reste la même. Il est tout à fait faux de dire qu'il redeviendrait possible en cours de cycle puisqu'il l'a toujours été et que la loi de 1989 n'a rien changé à cet égard. Elle prévoyait simplement qu'un redoublement à l'intérieur d'un cycle soit soumis à l'accord des familles. Nous pensons quant à nous que c'est bien à l'équipe éducative de proposer, après concertation avec la famille, la solution la plus adaptée aux difficultés de l'élève. M. Patrick Roy - C'est quand même bien un point essentiel de la politique des cycles que vous remettez en cause ! Jusqu'ici, en effet, on ne pouvait obliger à un redoublement qu'en fin de cycle. L'amendement 398, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Yves Durand - Rappel au Règlement. Nous avons vécu tout à l'heure un événement peu banal, puisque l'amendement sur la programmation a été repoussé. Nous voilà donc face à un projet qui perd de la substance d'heure en heure : plus de réforme du bac, plus de programmation ! Il faudrait s'arrêter rapidement et le retirer avant qu'il se vide davantage ! Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas eu de réponse à notre question : où prenez-vous Monsieur le ministre, ces 2 milliards d'euros ? C'est pourquoi je demande une nouvelle suspension de séance. La séance, suspendue à 12 heures 10, est reprise à 12 heures 20. Mme Martine Billard - Compte tenu des conséquences contre-productives du redoublement, dénoncées dans la plupart des études disponibles, notre amendement 159 vise à ne l'autoriser qu'à la fin de chaque cycle. Les innovations que le texte tend à introduire ne nous semblent pas opportunes et n'ont en tout cas rien à faire dans la rubrique « restaurer l'autorité des enseignants ». Soit le redoublement est bon pour l'élève et il peut être envisagé, soit il ne l'est pas et il n'y a pas lieu de le décider arbitrairement. Le Gouvernement parle beaucoup de souplesse, mais là, c'est plutôt : « rigueur, rigueur, rigueur » ! Il n'y a pas lieu de revenir sur l'acquis, issu de la loi d'orientation de 1989 et de remettre au goût du jour les redoublements répétés. L'amendement 159, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Rapporteur - Les amendements 60 et 61 sont de cohérence. Les amendements 60 et 61, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés. M. Jean-Pierre Blazy - Notre amendement 505 a également trait au redoublement, et nous le défendons avec d'autant plus de force que nous n'avons pas obtenu de réponse claire. Au reste, si le ministre entend s'inscrire dans la continuité de la loi de 1989, qu'apporte le présent texte ? Et surtout, avant de faire redoubler les élèves, ne faut-il pas d'abord s'efforcer de les faire réussir en détectant les difficultés d'apprentissage le plus tôt possible ? Or les moyens continuent de diminuer et ce ne sont pas les « programmes personnalisés » qui vont inverser la tendance. Monsieur le ministre, je vous le demande à nouveau solennellement : allez-vous revenir sur les révisions de la carte scolaire qui, dans ma commune notamment, vont entraîner des suppressions de classe dès la rentrée prochaine, y compris dans les ZEP ? L'amendement 505, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Rapporteur - L'amendement 62 rectifié est de cohérence. L'amendement 62 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. Mme Hélène Mignon - Par notre amendement 376, nous souhaitons de revenir sur le dispositif de bourses au mérite que vous entendez instituer. Actuellement, les bourses sont attribuées sur critères sociaux à ceux qui en ont le plus besoin compte tenu du revenu de leurs parents. La généralisation du critère de mérite risque de pénaliser injustement les étudiants contraints de travailler pour financer leurs études, car leurs résultats sont généralement moins bons que ceux de leurs camarades qui peuvent se consacrer à plein temps à leur formation. M. le Rapporteur - Avis défavorable. Les compléments d'aides prévus au profit des étudiants les plus méritants - sous réserve qu'ils remplissent certains critères sociaux - sont tout à fait conformes à l'esprit qui inspire le texte : permettre à un maximum de jeunes de poursuivre leurs études. M. le Ministre - Même avis. Mme Martine Billard - La diffusion du critère du mérite nous apparaît de plus en plus comme une fausse bonne idée. Alors que les bourses attribuées sur critères sociaux atteignent au plus 400 €, il semble que les bourses au mérite pourraient être comprises entre 700 et 1 000 €. Un tel écart serait injuste. D'autre part, le dispositif laisserait de côté les élèves qui sont orientés en lycée professionnel. Il est en effet statistiquement établi qu'ils obtiennent moins de mentions « bien » et « très bien » au brevet que les autres... M. Guy Geoffroy - Mais non ! Il y a les séries professionnelles du brevet ! Mme Martine Billard - Au final, il y a fort à parier que les bourses au mérite se concentrent sur les lycées d'enseignement général et que ceux que frappe déjà la stigmatisation scolaire soient mis encore plus en difficulté sur le plan matériel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) M. Bernard Accoyer - Nous sommes particulièrement surpris et déçus par les arguments avancés pour la défense de cet amendement. Comment peut-on s'opposer au triplement des moyens destinés à encourager et soutenir ceux qui en ont le plus besoin ? Mme Martine Billard - Nous sommes pour l'augmentation des bourses ! M. Bernard Accoyer - Qui peut se déclarer contre la récompense de l'effort, du mérite, des résultats ? Comment pouvez-vous vous renier à ce point ! C'est l'un des personnages emblématiques du parti socialiste, Jack Lang, qui a créé les bourses au mérite ! Faire de l'opposition, passe encore ! Mais, vous n'avez pas le droit de faire de la politique au détriment de notre jeunesse ! Plusieurs députés socialistes - Ça sent les grandes manœuvres ! M. Bernard Accoyer - Monsieur le président, compte tenu de l'importance des enjeux et de l'attitude de l'opposition, je vous demande, en vertu de l'alinéa 2 de l'article 61 du Règlement de l'Assemblée, de faire vérifier le quorum ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) M. Jean-Marie Le Guen - Parce qu'ils sont battus, ils font de l'obstruction ! M. Jean-Marc Ayrault - J'ai dû m'absenter quelques instants (Protestations sur les bancs du groupe UMP) pour débattre, y compris avec l'un des membres du groupe UMP, de l'éducation. Monsieur Accoyer, votre groupe a été mis en minorité... M. Bernard Accoyer - Partage des voix ! M. Jean-Marc Ayrault - En minorité, c'est un fait : le groupe UMP compte 362 députés, c'est très largement plus qu'il n'en fallait pour imposer le vote d'un amendement. Monsieur Accoyer, en tant que président de groupe, vous avez compétence de demander la vérification du quorum mais nous protestons contre les conditions dans lesquelles se déroule ce débat sur l'avenir de l'école. Le Premier ministre déclare l'urgence au cours du débat parlementaire alors qu'en 1989, cela avait été fait dès l'adoption du projet en conseil des ministres. Les manifestations et le mécontentement de la communauté éducative vous poussent à accélérer le calendrier parlementaire pour passer en force au détriment d'un débat de qualité ! Le groupe socialiste souhaite donc que nous arrêtions la discussion de ce texte ce soir pour la reprendre, après la semaine d'interruption de nos travaux. Le nombre relativement peu élevé de nos amendements, trois cents, et leur qualité prouvent que nous n'avons pas cherché à faire de l'obstruction. Cependant, nous venons tout juste d'apprendre par une dépêche de l'AFP que l'ordre du jour de l'Assemblée est encore bousculé par la convocation du Congrès à Versailles le 28 février ! Cette réunion d'importance doit permettre d'adopter le projet de révision constitutionnelle permettant l'organisation du référendum sur la Constitution européenne, mais il paraît que nous devrons également voter le projet de charte de l'environnement ! Le projet de modification du titre XV de la Constitution a été voté dans les mêmes termes par le Sénat, il est donc logique de le présenter au Congrès mais il n'en va pas de même de cette charte qu'on ajoute à l'ordre du jour sans laisser le temps aux groupes parlementaires de se réunir pour en débattre. Quel manque de respect pour toute notre institution ! Monsieur le Président, je vous demande donc une suspension de séance afin que nous puissions nous entretenir de la suite des travaux et nous entendre pour reprendre ce débat dans la dignité, après la semaine d'interruption. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. le Président - Monsieur Ayrault, je suis saisi par le président du groupe UMP d'une demande de vérification du quorum en application de l'article 61 du Règlement. Le quorum n'étant pas atteint, le vote est reporté à la prochaine séance, conformément à l'alinéa 3 de l'article 61. Vous m'avez demandé une suspension de séance, elle est de droit. Avant de vous l'accorder, je vous indique que, si les informations données par la presse étaient avérées, mon intention est de réunir le Congrès à partir de 14 heures pour laisser aux différents groupes politiques la possibilité de se réunir auparavant. Quand je recevrai la confirmation officielle de cette information... M. Christian Bataille - Le président de l'Assemblée n'est pas informé ! M. le Président - Utilisez un autre ton ! Je peux aussi convoquer le Congrès le matin ! M. Jean-Marie Le Guen - Faites-le donc ! M. Henri Emmanuelli - Vous serez dans la ligne du Président de la République ! M. le Président - Je réunirai le Congrès pour une première séance à partir de 14 heures, la seconde débutant éventuellement vers 17 heures 30, et ce dans l'intérêt des groupes et du bon déroulement de ces travaux ! La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures. La séance est levée à 12 heures 40. |