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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du vendredi 22 septembre 2006

Séance de 9 heures 30
11ème jour de séance, 27ème séance

Présidence de M. Éric Raoult
Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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Énergie (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie.

M. François Brottes - Rappel au Règlement. Nous avons eu lors de notre dernière séance un débat franc – et difficile pour le ministre et le rapporteur – concernant l’avenir des concessions entre les collectivités territoriales et l’opérateur gazier. Nous avons compris que, d’un monopole public, nous passions à un monopole privé, qui sera éternel à en croire le rapporteur, et qui est d’autant plus intéressant en tout cas que ce marché est captif. Nous avons constaté par ailleurs que votre projet n’assujettissait le nouvel opérateur à aucune taxation ni préemption.

Or nous sommes extrêmement inquiets quant à l’avenir des concessions portées par les collectivités territoriales, car nous nous sommes avisés que l’arrêt Coname rendu le 21 juillet 2005 par la Cour de justice des communautés européennes mettait à mal votre argumentation. Cet arrêt, par lequel la CJCE a cassé le contrat de concession de son réseau passé par une ville italienne au motif qu’il n’y avait pas eu mise en concurrence, s’imposera en effet, forcément, à la France. Or, selon les informations dont nous disposons, Gazprom, qui fournit nos opérateurs en gaz, a l’intention, sur la base de cet arrêt, de faire casser le monopole privé que vous allez établir, en vue de récupérer les concessions qui l’intéressent ; et nous savons que cette société maîtrise bien mieux que GDF et que Suez les coûts d’approvisionnement, puisqu’elle extrait elle-même le gaz.

Je veux donc faire solennellement état de notre extrême inquiétude, au moment où va être privatisée la société gestionnaire des concessions. Monsieur le ministre, il vous appartient, au regard de ces éléments, de confirmer vos propos. L’histoire et la justice retiendront tout ce que vous verserez ainsi au débat.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie - L’arrêt Coname concerne l’Italie, où il n’existe rien d’équivalent à la loi française de 1946. Il n’est en effet prévu nulle part dans la législation italienne que le monopole de la concession puisse être accordé à un distributeur. L’originalité française étant par ailleurs reconnue par la Commission européenne, nous ne sommes nullement susceptibles de nous voir appliquer la jurisprudence Coname.

M. Jean Gaubert - Ce n’est pas de gaieté de cœur que nous évoquons ce dossier. Nous le faisons parce que l’arrêt Coname peut mettre à mal l’ensemble du système français. La France a un droit monopolistique des concessions dans le secteur de l’énergie ; or l’Europe lutte contre les monopoles – surtout contre les monopoles publics, d’ailleurs – et, dès lors, elle peut très bien s’attaquer au monopole créé par la loi de 1946. Cet arrêt fait froid dans le dos. Ce ne serait pas la première fois qu’une norme européenne serait considérée comme prévalant sur la loi française, quand bien même celle-ci serait antérieure.

Vous ouvrez une brèche dans le système gazier français, brèche dans laquelle Suez ne sera pas la seule à vouloir s’engouffrer. Ce sera le cas également des grands propriétaires de gisements gaziers, qui viendront bouleverser la donne. Un de nos collègues de l’UMP a dit que ce qui lui importait, c’était que le gaz soit moins cher. Gazprom ou d’autres sont en effet en position de faire des offres alléchantes, mais ce faisant, ils mettraient en pièces leurs acheteurs – nos groupes ! Ce n’est pas de la polémique politique : il y va de l’avenir de notre secteur gazier.

M. le Ministre délégué – Je suis content que le groupe socialiste soulève ces questions fondamentales, que nous avons dû nous poser au moment de préparer ce texte. Celui-ci crée justement le cadre législatif permettant les évolutions que nous jugeons nécessaires en France. Notre situation originale n’est pas contestée par la Commission européenne, car l’exercice du monopole a sa contrepartie dans de grandes obligations de service public ; et si nous avons intégré la transposition de la directive dans ce texte, c’est pour continuer à appliquer le tarif réglementé.

Il y a aujourd’hui quarante fournisseurs alternatifs en France, c’est-à-dire que sont autorisés à nous fournir du gaz quarante gaziers internationaux. Mais la question de la fourniture est différente de celle de la distribution. Quant à Gazprom, ce que vous dites n’est pas une surprise. Nous savons qu’il affiche effectivement des ambitions, non seulement en amont, mais également en aval, puisqu’il souhaite par exemple s’installer sur le marché américain, où il livrerait du GNL produit par d’autres partenaires.

C’est pour ces raisons que nous avons verrouillé les réseaux grâce à une action spécifique : nous sommes nous aussi attentifs aux questions posées par la distribution et nous leur avons apporté des réponses dans ce projet de loi.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - On nous reproche d’ouvrir un boulevard à Gazprom, qui viendrait inonder le territoire national, mais c’est possible depuis la directive de 1998 ! La menace de « l’ours russe » est déjà une réalité ! Nous ne lui ouvrons pas le territoire national, car c’est déjà fait !

M. François Brottes - Je comprends la gêne du rapporteur, et le ministre n’est pas parvenu à nous rassurer. Toute la difficulté vient du couplage entre la gestion du réseau et l’existence d’un marché captif – les clients au tarif réglementé. En effet, Gazprom est d’autant plus intéressé par la fourniture de gaz au tarif réglementé qu’il peut en livrer à un prix bien inférieur à celui de GDF, puisqu’il est lui-même un producteur de gaz ! Le lien entre tarif réglementé et gestion d’un réseau sera donc une aubaine considérable pour ce groupe, qui pourra conquérir de nouveaux marchés très rentables pour lui. C’est pourquoi j’aimerais bien que le ministre déclare explicitement que le monopole privé ne sera jamais cassé, quitte à ce qu’il en advienne autrement dans quelques mois !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - On nage en pleine science-fiction économique !

M. le Ministre délégué - Nos concitoyens seraient ravis que Gazprom se décide à livrer du gaz à vil prix en France !

M. François Brottes – Ça commence toujours comme ça !

M. le Ministre délégué – Pour avoir reçu très récemment de gros acheteurs de gaz, je peux vous dire qu’ils étaient déçus que Gazprom n’ait fait d’offres très avantageuses en réponse à leur appel d’offres. Ce que vous décrivez, Monsieur Brottes, n’est pas la réalité : vous ne faites que vous livrer à des suppositions !

Si les prix sont si élevés sur le marché du gaz, c’est parce que les vendeurs fixent des prix élevés : il n’y a pas aujourd’hui d’intermédiaire qui prélève une rente au passage !

M. François Brottes - Je ne vous ai pas entendu prononcer la phrase que je souhaitais !

M. Daniel Paul - Vous avez ouvert la boîte de Pandore en faisant coexister des contrats de long terme conclus avec certains fournisseurs et l’ouverture des marchés. En effet, il n’était pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que les producteurs n’allaient pas rester inertes et qu’ils allaient se montrer fort intéressés par la spéculation sur le prix du gaz. Que Gazprom ait de l’appétit pour nos marchés n’a rien d’étonnant !

Est-ce pour autant une menace ? Je le pense, car il n’y a pas que le prix qui compte : il y a aussi la sécurité des installations et celle des approvisionnements !

Je me réjouis donc que nous n’ayons pas accepté hier l’amendement qui tendait à ouvrir le capital de certains DNN, comme Gaz de Strasbourg : les parts aujourd’hui détenues par la ville auraient été livrées en pâture aux vautours ! Avec la privatisation, c’est dans un monde dangereux que vous nous faites entrer – un monde que vous ne maîtrisez pas intégralement.

Nous devons prendre conscience que l’électricité et le gaz ne sont pas des produits comme les autres : il faut en revenir à une plus grande maîtrise de l’État sur ces produits et à la définition de grandes orientations stratégiques. Ne nous abandonnons pas à la main invisible des marchés, qui n’agira que pour le seul bénéfice des actionnaires !

M. le Ministre délégué – Rappelons une évidence ! GDF n’est pas une entreprise productrice ! Notre gaz est fourni par des partenaires étrangers – la Norvège, Gazprom et Sonatrach pour respectivement 28 %, 21 % et 20 % de notre consommation. GDF doit donc négocier avec ces partenaires à la fois sur les prix, sur les quantités et sur la durée – cela ne date pas d’hier ! Voilà pourquoi GDF doit être fort !

M. Jean Gaubert – Sur tous les marchés, un fournisseur s’impose en commençant par baisser les prix avant de se rattraper une fois qu’il dispose d’une clientèle captive. Comment imaginer que Gazprom résistera à cette tentation, puisqu’il peut vendre beaucoup moins cher que GDF sans faire de pertes ! Au cycle de concurrence vive succède ainsi la constitution de monopoles privés qui font payer très cher les cadeaux qu’ils ont consentis dans un premier temps. J’ajoute que si le monopole est détenu par un groupe qui ne vient ni de notre pays ni de l’Union européenne, nous ne pourrons lui imposer aucune règle !

Le ministre nous répond que personne ne se plaindra si les prix sont moins élevés demain, mais il faut penser à après-demain…

M. le Ministre délégué – Nous l’avons fait !

M. Jean Gaubert – …lorsque le gaz sera plus cher encore qu’aujourd’hui ! Mais vous vous gardez bien de mentionner cette évidence-là, Monsieur le ministre.

S’agissant des concessions, comme vous l’avez indiqué vous-même, il n’existe pas d’obligation de desserte sur l’ensemble de notre territoire – mais peut-être que les théoriciens libéraux parviendront un jour à démontrer que c’est un avantage ! Nous savons très bien que vous allez en tirer parti pour remettre en cause la notion de concessionnaire unique. En privatisant GDF, vous ne cherchez qu’à vous donner un argument de plus ! En effet, vous pourrez alors soutenir d’une part, que l’on ne peut parler de monopole puisqu’il n’y a pas d’obligation de desservir tout le territoire et, d’autre part, qu’il s’agit d’une société privée comme toutes les autres, – ce qui justifierait qu’on ne lui accorde pas de monopole.

Au-delà, la réglementation européenne nous oblige à saucissonner nos groupes pendant qu’à nos portes, aux États-Unis ou en Russie, des mastodontes sont en train de se constituer qui n’obéissent pas du tout à ces règles et qui pourront venir chez nous quand il le voudront au nom de la sacro-sainte ouverture des marchés.

M. le Ministre délégué – Il faudrait rester entre Français ?

M. Jean Gaubert - On ne peut pas ne pas être inquiets. Je le répète : ce saucissonnage imposé est très dangereux pour l’indépendance énergétique de la France et de l’Europe.

M. le Président de la commission – Petit rappel au Règlement : je constate que nous n’avons toujours pas examiné le moindre amendement depuis l’ouverture de la séance !

Vos propos m’étonnent, Monsieur Gaubert, même si je ne mets pas en doute votre conviction. Vous nous exposez un scénario catastrophe.

M. Daniel Paul - Cela se passera ainsi.

M. le Président de la commission – Même traverser la rue est dangereux, Monsieur Paul ! On ne peut traiter d’un problème aussi sérieux en laissant penser que nous nous dirigeons vers une catastrophe. Si votre argumentation consiste à dire que la fusion rendra encore plus dangereuse la situation de l’approvisionnement de la France, vous avez tort.

M. Christian Bataille - C’est la privatisation qui le fera !

M. François Brottes - La privatisation-fusion !

M. le Président de la commission – La privatisation qui conduira à la fusion. Vous confondez les règles du marché avec les instruments qui permettent de s’y adapter. Ni la France ni l’Europe ne peuvent changer ces règles…

M. Christian Bataille - En l’occurrence, nous ne discutons pas d’un commerce comme les autres.

M. le Président de la commission – …mais il est possible de s’y adapter, précisément grâce aux directives et à la loi. On peut certes toujours parler de Gazprom, mais il ne s’agit pas de focaliser toute notre attention sur les oléoducs captifs alors que, demain matin, les robinets peuvent être coupés, même si on ne vote pas ce texte et si GDF n’est pas privatisée : regardez ce qui s’est passé en Ukraine ! La fusion avec Suez nous permet de nous adapter aux règles mondiales de la concurrence, de préserver notre indépendance et d’assurer la fourniture et la diversification des approvisionnements. Mieux, nous entrons ainsi dans une nouvelle ère : celle du gaz naturel liquide.

M. François Brottes - C’est anecdotique !

M. le Président de la commission – C’est ce que l’on disait du nucléaire, et je rends hommage, de ce point de vue, à la clairvoyance de Mendès France. La fusion nous permettra d’avoir l’une des premières flottes mondiales de méthaniers et la première usine mondiale de liquéfaction du gaz.

M. François Brottes - Gazprom rachètera tout !

M. le Président de la commission – Ou quelqu’un d’autre, Monsieur Brottes ! Pourquoi une telle fixation ? Le pire peut toujours se produire, certes…

M. François Brottes - Il faut protéger l’intérêt national !

M. le Président de la commission - …mais il ne faut pas se défausser ainsi de nos responsabilités et il relève précisément de notre responsabilité de nous doter des moyens qui permettent d’affronter le pire, lequel finira par arriver en effet si l’on en reste au statu quo.

Que l’on cesse également de nous expliquer que l’augmentation de volume d’activités du futur groupe, c’est marginal !

M. François Brottes - C’est marginal.

M. le Président de la commission – Est-ce rien que de passer de 66 milliards de mètres cubes de gaz à 106 milliards ? Plus 60 % !

M. François Brottes - Il faut être lucide !

M. le Président de la commission – On peut aussi être l’esprit qui toujours nie, Monsieur Brottes !

C’est tout cela qui nous permettra de tenir bon dans ce contexte difficile. Il faut bien se préparer pour faire face aux inquiétudes dont vous vous faites justement l’écho.

M. François Brottes - Il ne faut pas que l’État baisse la garde.

M. le Président de la commission – Je le répète : la fusion ne change rien aux règles du marché, mais elle permet de s’y adapter, telle est notre conviction ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Art. 6 (suite)

M. Daniel Paul – Les amendements 94186 à 94273 sont défendus.

Les amendements 94186 à 94273, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Nous en venons aux amendements identiques 93372 à 93393.

M. Michel Vaxès – M. le ministre et M. le rapporteur font preuve d’angélisme quant à l’avenir du secteur de l’énergie en France. Leur sérénité est déconcertante. Nous craignons quant à nous qu’au terme de votre projet, et notamment en raison des articles 6, 8, 9 et 12, la filialisation des gestionnaires de réseaux ne débouche sur le démantèlement du service public de distribution. Compte tenu des incidences fâcheuses de vos réformes sur les usagers et les salariés, en particulier si le gestionnaire de réseau est détenu par une entreprise privée, il nous semble souhaitable de prendre certaines précautions. Et puisque vous êtes si tranquilles, vous accueillerez certainement avec enthousiasme ces amendements qui visent à compléter l’alinéa 21 de cet article en précisant que le conseil d’administration ou de surveillance dudit gestionnaire comporte au moins trois représentants de l’État et trois représentants des salariés, dans l’esprit de la loi de démocratisation du service public de 1983. Cela permettrait l’exercice d’un certain contrôle public sur le service de distribution, ce qui est la moindre des choses pour s’assurer du respect des missions de service public mais également pour peser sur les décisions relatives aux investissements, à la qualité de service et à l’égalité de traitement des usagers.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Outre que cet amendement conduirait l’État à s’immiscer dans ces entreprises – mais vous êtes coutumiers du fait –le code de commerce dispose que le nombre des membres de conseils d’administration ou de surveillance est compris entre trois et dix-huit.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. Jean Gaubert – Cet alinéa 21 masque mal que seule EDF sera concernée dans quelques mois. On nous a dit hier soir qu’il fallait écrire la loi avant que la fusion ne soit effective, mais nous sommes en fait dans une situation transitoire visant à donner à certains quelques gages pendant quelques semaines.

Je remarque en outre l’étendue de la palette des appréciations dans la majorité. M. Breton explique que nous ne sommes pas là pour parler de la fusion avec Suez,…

M. le Président de la commission – C’est vous qui en parlez !

M. Jean Gaubert – …qu’il s’agit seulement de ramener la part de l’État dans le capital de GDF à 34 % – nous reviendrons sur ce point à l’article 10 car ces 34 % pourraient, après la fusion, ne plus représenter que 17 % de GDF. M. Breton assure donc que ce n’est pas le problème, que des alliances seront nouées, peut-être avec Suez mais peut-être aussi avec beaucoup d’autres. M. Loos est, quant à lui, moins affirmatif sur ce dernier point, puisqu’il laisse entendre que l’opération se fera avec Suez. M. Ollier, enfin, affirme qu’il n’y a aucun doute et que c’est bien cette fusion qui est préparée. Il faudrait faire preuve d’un peu plus de cohérence !

M. Michel Vaxès – Je ne peux me satisfaire de la réponse du rapporteur – que je pense d’ailleurs plus inquiet qu’il ne le prétend. Il ressort en effet de ses propos qu’il comprend, approuve et souhaite accompagner une évolution tendant à la privatisation du marché du gaz, mais qu’il est en revanche réticent à l’idée que cette évolution ne pourrait se faire sans être assortie d’un droit de regard de l’État et des salariés…

M. le Président de la commission – Vous exagérez !

M. Michel Vaxès - Mais non ! On peut privatiser GDF, mais on ne pourrait modifier le code du commerce ? En réalité, vous craignez qu’un droit de regard citoyen sur les modalités d’évolution du marché gazier révèle les dysfonctionnements du mécanisme. Voilà la raison de votre refus.

Les amendements 93372 à 93393, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Je suis saisi des amendements 94274 à 94405.

M. Daniel Paul – Nous souhaitons, par ces amendements, compléter l’alinéa 21 de l’article pour établir que les représentants de l’État désignés ne doivent pas détenir ou avoir détenu d’intérêt dans le secteur énergétique. La filialisation est une étape supplémentaire de la désintégration des entreprises publiques engagée par la loi de 2004. Il convient donc d’assurer l’indépendance des sociétés gestionnaires de réseaux de distribution, qui auront un conseil d’administration et un capital propres.

Pour en revenir au débat précédent, nous avons entendu le président de la commission exprimer sa foi inébranlable dans le marché…

M. le Président de la commission – Mais non !

M. Daniel Paul – Pourtant, on sait bien que le moteur du marché n’est pas l’intérêt général mais le profit maximal que quelques-uns peuvent en tirer. C’est tellement vrai que certaines entreprises se retirent du marché lorsqu’elles considèrent que les bénéfices sont devenus, non pas inexistants, mais simplement insuffisants. L’objectif d’un service public bien compris est tout autre, puisqu’il tend à satisfaire les besoins individuels et collectifs en ne prenant en compte que les coûts réels et en cherchant à les minimiser.

Le président de la commission nous a aussi vanté les mérites du GNL, une technique qui, outre qu’elle n’est pas tout à fait nouvelle…

M. le Président de la commission – Je n’ai pas dit qu’elle l’était !

M. Daniel Paul – …ne règle rien sur le fond. D’une part, ce qui est advenu récemment en Ukraine a montré qu’un pays malintentionné peut délibérément couper les vannes du gaz. Certes, les relations entre la Russie et la France ne sont pas les mêmes qu’entre la Russie et l’Ukraine, mais le risque existe. D’autre part, les méthaniers auront certes chargé des cargaisons de 150 000 mètres cubes de GNL à Boston ou à Zeebrugge, mais ces cargaisons pourront changer de destination en cours de voyage selon l’évolution de l’offre, comme c’est le cas pour les tankers chargés de pétrole. C’est ainsi que va le marché auquel vous faites confiance, et nous préférerions que les choses se passent différemment. Selon vous, le projet prévoit des garde-fous suffisants. Mais l’expérience montre que vos taquets et vos rivets seront d’une faible utilité face à de grosses sociétés internationales, et les exemples abondent de sociétés industrielles qui, uniquement préoccupées de leurs intérêts financiers, n’ont pas hésité à couper des branches estimées insuffisamment rentables. En vous remettant entre les mains invisibles du marché, vous vous remettez entre les mains de gens auxquels on ne peut faire confiance. Or, ce qui est en jeu ici, c’est l’intérêt supérieur de la nation. Nous souhaitons que la France conserve la maîtrise de ses intérêts, et donc de son approvisionnement énergétique. Le gaulliste que vous dites être, Monsieur Ollier…

M. le Président de la commission – Que je suis !

M. Daniel Paul - …devrait être sensible à mes arguments. Mais c’est que les gaullistes se sont laissés prendre au charme discret du marché…

M. le Rapporteur – Si nous devions, Monsieur Vaxès, modifier un code à chaque fois que vous proposez une disposition qui en excède le cadre, il nous faudrait siéger indéfiniment ! Quant aux amendements 94274 à 94405, ils traitent de l’éventualité d’un conflit d’intérêt, et bien peu de ce que nous a exposé M. Daniel Paul. La commission les a repoussés, car les articles 432-12 et 432-13 du code pénal répondent à la préoccupation exprimée, au demeurant légitime.

M. le Ministre délégué – J’ajoute qu’en son article 31, la loi du 6 février 1953 dispose qu’«il est interdit à tout administrateur représentant l’État dans une entreprise publique d’avoir, par lui-même ou par personne interposée et sous quelque dénomination que ce soit, dans une entreprise en relation avec cette entreprise publique, des intérêts de nature à compromettre son indépendance. » Les amendements sont donc satisfaits. Avis défavorable.

M. Christian Bataille – L’État doit être indépendant des lobbies et avoir une vision d’ensemble de la politique énergétique du pays. Le débat traduit les inquiétudes suscitées par l’insécurité des approvisionnements en gaz, que votre projet renforcera encore. D’évidence, une entreprise publique adossée à l’Etat est en bien meilleure situation pour négocier avec Gazprom, elle-même adossée à l’État russe, car en matière énergétique tout ne se réduit pas à des questions commerciales, et l’on ne peut feindre d’ignorer la dimension diplomatique des accords.

S’agissant de politique énergétique globale, on sait que les ressources de pétrole et de gaz sont finies, et que la production d’énergie d’origine hydroélectrique est à son maximum. Reste donc l’énergie d’origine nucléaire, bien sûr, mais cette production ne doit pas dispenser l’État d’une réflexion sur le retour à l’utilisation du charbon, énergie très répandue à l’étranger mais que la France considère comme désuète. Or, le rapport que M. Claude Birraux et moi-même avons rédigé pour l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques montre que des techniques nouvelles existent qui devraient être développées car, grâce à elles, le charbon n’est plus le combustible poussiéreux et toxique du XIXe siècle, et ses émissions de CO2 dans l’atmosphère sont limitées.

Certes, l’énergie la moins polluante reste le nucléaire. Mais l’État doit organiser la recherche sur les possibilités de retour au charbon pour diversifier nos fournisseurs, le gaz offrant de moins en moins de garanties. Or les outils publics pour cela ont disparu. Charbonnages de France s’est défait de son secteur « études et prospective » et ne fait plus guère que gérer le patrimoine immobilier qui lui reste. On parle beaucoup d’énergies renouvelables, parfois anecdotiques. Mais quels organismes étudient vraiment les alternatives au gaz, qui fera défaut demain ?

M. le Ministre délégué - Comment se présente la question charbonnière ? Nous importons 22 millions de tonnes, ce qui est beaucoup ; la moitié est nécessaire à la sidérurgie et l’autre moitié sert à fabriquer de l’électricité – 6 % exactement, ce qui n’est pas rien puisque l’hydroélectricité représente le même pourcentage contre, bien sûr, 80 % au nucléaire. Évidemment, nous sommes loin de l’époque où le charbon était notre première ressource énergétique.

Mais le charbon, quelle que soit la technique d’exploitation, produit des gaz à effet de serre. Il produit exactement 0,95 tonne de CO2 par mégawatheure, quantité qu’on peut réduire, avec les meilleures technologies dont on dispose, à 0,8 tonne. C’est moins que le lignite, mais deux fois plus que le gaz. Le captage de CO2 est une possibilité. Pour la recherche, nous disposons de l’IFP, très bien implanté dans une commune chère au président de la commission. Il n’expérimente pas les injections de CO2 en couches profondes à Rueil-Malmaison, mais participe à des expérimentations au Danemark. La technique existe, mais il faut se soucier du coût. De même, s’agissant de production de charbon en France, il faudrait couvrir le coût du captage de CO2 ou des quotas d’émission que nous devrions acheter en supplément du volume d’émissions de CO2 que nous venons de communiquer à Bruxelles.

M. Jean Gaubert - Il est dommage que le sort des amendements dépende surtout de leur provenance. En effet, je suis très surpris que le rapporteur s’oppose à l’amendement de nos collègues communistes. Nous cherchons tous à assurer le maximum de transparence et à éviter les conflits d’intérêt. Telle est la philosophie de l’Union européenne – en partie contestable d’ailleurs, dans la mesure où il faut tenir compte de l’intérêt national. Ce qu’on demande ici, c’est que les administrateurs de l’État dans les entreprises publiques ne puissent aucunement être suspectés. Dans le même esprit, un arrêt du Conseil constitutionnel de juillet dernier interdit à un parlementaire de diriger une société commerciale, même associative, qui est en relation avec le service public. C’est plutôt une bonne chose.

Pour ce qui est enfin du GNL transporté par bateau, qu’on nous présente comme la solution pour l’avenir, laissez-moi vous rappeler l’histoire de ces industriels bretons qui expédiaient leurs poulets, non encore vendus, par bateau vers les pays du Golfe. Après un certain temps, les acheteurs surent jouer de la date de péremption du produit pour faire leur prix. Mais le gaz n’ayant pas de date de péremption, ce sera l’inverse : les bateaux pourront rester à l’entrée du port jusqu’à ce que le vendeur ait imposé son prix à l’acheteur ! GNL par bateau ou par gazoduc, le problème est le même.

M. Daniel Paul - Notre amendement couvre tous les cas possibles puisque les représentants de l’État ne devraient pas détenir d’intérêt dans le secteur gazier ou électrique ni dans une entreprise œuvrant dans le secteur énergétique. Il y a quelques années, le commissaire du gouvernement a considéré que je ne pouvais pas siéger au conseil d’administration du port autonome du Havre en raison de ma qualité de parlementaire. La vigilance s’impose de même dans le secteur énergétique, si l’on veut, au-delà des textes répressifs que vous citez, que les décisions des représentants de l’État soient insoupçonnables.

M. le Président de la commission – Monsieur Paul, nous sommes parfaitement d’accord sur l’objectif. Mais les articles 432-12 et 432-13 du code pénal prévoient déjà des peines de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende pour les représentants de l’État qui se mettraient dans ce cas, et cela vaut aussi pour les élus locaux. L’amendement est satisfait ; vous devriez pouvoir le retirer.

Je tiens à apporter un élément de réponse de fond : non, Monsieur Paul, je n’ai pas une foi inébranlable dans les marchés et je suis convaincu que l’État doit disposer de moyens d’intervention pour prévenir, précisément, les excès des marchés. Vous avez bien voulu évoquer mon attachement au gaullisme, et, en effet, je ne suis pas un libéral échevelé ! Tout à l’heure, dans sa réponse, M. Loos a évoqué Charbonnages de France, comme ancien troisième pilier du service public de l’énergie, avec EDF et Gaz de France. Lorsque vous étiez au pouvoir, vous ne vous êtes pas opposés – et nous non plus, je n’accuse personne – aux fermetures de sites et à la fin des Charbonnages, car cela s’inscrivait dans une évolution inéluctable…

M. François Brottes - Je ne vois pas le rapport.

M. le Président de la commission – Il est pourtant direct. Lorsqu’une situation évolue de manière radicale – comme, aujourd’hui, celle du marché mondial du gaz et de l’électricité –, on n’a d’autre choix que de s’adapter en faisant en sorte de préserver au mieux ses intérêts. On le fait avec ses convictions, son imagination et sa sensibilité mais le principe de réalité s’impose. Et nous ne faisons pas autre chose en donnant à Gaz de France les moyens de devenir un champion européen du gaz… (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Préférerait-on qu’à terme, Gaz de France connaisse le sort des Charbonnages de France et que notre pays dépende de Gazprom pour tous ses approvisionnements ? Le ministre a indiqué que nous importions aujourd’hui 22 millions de tonnes de charbon par an : pourtant, Charbonnages de France a cessé son activité et nous ne vous le reprochons pas. Évitons de jeter la pierre pour des motifs purement idéologiques à ceux qui ont le courage de prendre des décisions pour accompagner les évolutions de fond.

J’en viens, Monsieur Paul, à votre image des méthaniers errants…

M. Daniel Paul - Je n’ai pas employé cette expression.

M. le Président de la commission – L’image correspond à l’idée que vous avez développée. Des méthaniers errants, donc, qui attendent qu’on les sollicite pour vendre aux enchères la ressource au plus offrant. Cela ne peut concerner que les surplus de production éventuels, dans la mesure où les sociétés sont liées par des contrats de fourniture très stricts, qui fixent des obligations réciproques parfaitement définies. Ne diffusez pas dans l’opinion des idées fausses qui pourraient alarmer inutilement nos concitoyens. Lorsqu’il est inscrit dans un contrat de fourniture qu’un méthanier doit livrer la ressource en un point précis, l’obligation est respectée et il n’y a pas d’enchères sauvages. Avis défavorable aux amendements.

Les amendements 94274 à 94405, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Nous en venons aux amendements identiques 137451 à 137482.

M. Jean Gaubert - Avant de les défendre, quelques observations pour répondre au président Ollier. S’agissant des méthaniers errants, je voudrais demander respectueusement au président de notre commission s’il a jamais eu l’occasion de visiter une société de planning, quelle que soit la marchandise transportée – blé, café, pétrole… Ces entreprises ne fonctionnent que sur un mode spéculatif, en fonction de l’offre et de la demande, et elles servent le plus offrant…

M. le Président de la commission – Mais cela ne concerne que la ressource disponible hors contrats…

M. Jean Gaubert - Oh, les contrats ! Ils sont mis à mal et votre ami Novelli voulait les faire sauter par un amendement donnant la priorité aux clauses non écrites !

M. le Président de la commission – Il l’a retiré à la demande de notre commission.

M. Jean Gaubert - Je vous en donne acte. Vous prétendez que ce texte concourt à l’organisation du marché. Mais lorsqu’on veut peser, il faut contrôler au moins un bout de la chaîne : s’agissant du gaz, il est exclu de contrôler la production ; dès lors, il est impératif de garder un peu de maîtrise sur la distribution et la fourniture. Si on laisse tomber l’aval, on ne dispose plus d’aucun levier.

Les amendements 137451 à 137482 visent à faire entrer au moins deux représentants des collectivités territoriales dans le conseil d’administration – ou de surveillance – des sociétés gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité et de gaz naturel. La loi de 1946 l’avait prévu pour EDF et Gaz de France et nous sommes plusieurs, ici, à avoir siégé dans ces instances. En 2005, un débat a eu lieu, ici même et au Sénat, pour savoir si l’on devait maintenir cette règle et le Gouvernement a alors fait valoir qu’il y avait un risque de conflit d’intérêts si les responsables des collectivités étaient amenés à mettre en concurrence divers opérateurs tout en restant administrateurs des opérateurs historiques. Nous avons été sensibles à l’argument et nous ne nous sommes pas battus là-dessus.

Il n’en va pas de même pour les sociétés gestionnaires de réseaux car elles n’ont évidemment pas vocation à vendre de l’énergie. Elles sont les partenaires obligés des collectivités et c’est au sein de leurs conseils que sont décidées les allocations financières : où investit-on ? Quel point du réseau sécurise-t-on ? Faut-il faire un effort en faveur des zones de montagne ou concentrer les investissements sur des zones industrielles high-tech aux portes des villes ? On voit bien que, compte tenu des problématiques abordées, la présence des collectivités territoriales est indispensable et je suis certain que nos amendements de bon sens feront l’objet d’un accord unanime.

M. François Brottes - Notre souci de renforcer la présence des collectivités au sein des conseils d’administration des gestionnaires de réseaux va de pair avec celui de sécuriser autant que possible le dispositif des concessions. Je reviens un instant sur l’arrêt Coname, Coname étant l’opérateur italien qui a formé un recours contre la collectivité concédante. Si on n’a pas le contrôle par le haut – soit le contrôle de la société qui distribue parce qu’elle est à majorité d’État –, il faut, au minimum, essayer de mettre en place des contrôles par le bas, et tel est l’objet de nos amendements. Il faut être conscient que vous avez encore fragilisé le dispositif. Pour faire plaisir, notamment, à Jean Dionis du Séjour, vous avez fait figurer le mot transparence en plusieurs points du texte…

M. Jean Dionis du Séjour - Tout à fait !

M. François Brottes - Or l’arrêt Coname porte précisément sur l’obligation de transparence : pas de publication d’avis de marché, pas d’appel d’offres, une concession directe et automatique avec une nouvelle société privée présente sur un autre périmètre ; on est là typiquement dans une jurisprudence tendant à fragiliser sensiblement les concessions. M. Breton, avec l’emphase qui lui est coutumière, …

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Merci, Monsieur Brottes !

M. François Brottes - …va sans doute nous dire : « Je suis certain que jamais au grand jamais ne seront remis en cause les monopoles privés liés à l’exercice des concessions de distribution de gaz ». S’il prononce cette phrase avec solennité, cela nous rassurera peut-être, mais ni M. Loos, ni notre rapporteur ne l’ont dit en ces termes. On retiendra que le Gouvernement est plein de certitudes. Cela ne nous empêchera pas de douter mais nous aurons au compte rendu des débats une digue de papier qui permettra de plaider la bonne foi ! Ces amendements visent en tout cas à nous doter d’un dispositif de contrôle public par le bas.

M. Alain Vidalies - La réponse que nous a faite tout à l’heure le ministre n’est pas satisfaisante. Dans son rapport d’information sur le financement des services d’intérêt général, qui date de 2005, la Délégation pour l’Union européenne pose le problème de la compatibilité de notre législation avec les exigences posées par la Cour de justice et la Commission européennes quant au respect des règles de concurrence ; elle évoque l’arrêt relatif à l’attribution par une commune italienne d’une concession de distribution de gaz, dans lequel la Cour de justice indique que la transparence fait partie du droit primaire européen, c’est-à-dire des règles dont on ne peut pas s’exonérer, sauf à encourir l’annulation. Pouvez-vous nous assurer qu’il n’y a aucun risque ? Nous avons été alertés sur les initiatives juridiques qui pourraient être prises, y compris par Gazprom… Ignorer le problème serait prendre une lourde responsabilité.

M. le Rapporteur – Monsieur Vidalies, je répète que ce projet ne modifie en rien le monopole des concessions d’électricité et de gaz : EDF garde le monopole pour l’électricité, Gaz de France pour le gaz. Le cas italien n’est absolument pas transposable chez nous, où le système est organisé par la loi de 1946.

M. François Brottes - Mais précisément vous la modifiez !

M. le Rapporteur – Quant au fond de cet amendement, il me surprend beaucoup. Parce que la collectivité signe en tant qu’autorité concédante un contrat avec un concessionnaire, vous voudriez qu’elle soit juge et partie ! Quand vous accueillez une entreprise sur le territoire de votre commune, allez-vous demander à faire partie de son conseil d’administration ?

MM. Jean Gaubert et François Brottes – Cela n’a rien à voir !

M. le Rapporteur – Il y a d’un côté la collectivité concédante, de l’autre le concessionnaire qui exécute la mission qui lui a été confiée ; je m’étonne de la confusion des genres que vous voulez entretenir.

M. le Ministre délégué – Je rejoins le rapporteur : on se demande si vos amendements n’ont pas pour but d’entretenir la confusion dans l’esprit de nos concitoyens… Pour notre part, nous essayons de dire qui fait quoi, de mettre de l’ordre dans les responsabilités. Il paraît évident que les communes n’ont pas leur place au conseil d’administration. Quant à l’arrêt Coname, il est fondé sur des traités européens qui ne s’appliquent pas dans notre matière puisque la loi de 1946 continue de s’appliquer. Pensez-vous que la Commission ne la connaisse pas et qu’elle ait été ignorée lors de l’élaboration des directives ?

M. Jean Gaubert – Monsieur le ministre, vous prenez une position inverse de celle que vous avez prise pour repousser l’amendement de Daniel Paul sur l’indépendance des administrateurs…

Il ne s’agit pas ici d’une société commerciale, mais d’un concessionnaire obligé ; il n’y a pas d’appel à la concurrence, donc il ne peut pas y avoir conflit d’intérêt. En revanche, les gestionnaires de réseaux procèdent à des arbitrages territoriaux et, s’ils sont pris par quelques fonctionnaires parisiens, nos territoires ont beaucoup à craindre, croyez-en mon expérience !

À moins que, plus grave, nos craintes soient complètement justifiées et que vous imaginiez, dans quelques mois ou quelques années, une mise en concurrence des concessions, auquel cas la présence d’élus territoriaux pourrait en effet virer au conflit d’intérêts ; sinon, je ne comprends pas votre argument, qui remet complètement en cause notre droit. Voyez les SEM : les collectivités y sont présentes et participent à leurs propres appels d’offres.

M. Alain Vidalies – Monsieur le ministre, le fait que Gaz de France devienne majoritairement détenue par des capitaux privés n’a-t-il aucune incidence sur l’application du droit européen ? Vous ne pouvez pas ignorer cette question. Je vous renvoie au rapport de la Délégation, dans lequel on peut lire : « Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice européenne, il est certain que, dans certaines circonstances, l’appel à la concurrence n’est pas obligatoire. C’est le cas notamment lorsqu’une autorité publique a la possibilité d’accomplir les tâches d’intérêt public qui lui incombent par ses propres moyens ; c’est aussi le cas lorsque l’autorité publique exerce sur le cocontractant, entité juridiquement distincte du pouvoir adjudicateur, un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services ».

La présence de l’État majoritaire justifiait un ordre juridique établi. Mais si l’opérateur devient majoritairement privé, le droit de la concurrence s’appliquera, et c’est sur la base de ce droit que la décision sera attaquée.

M. François Brottes - On est mal !

M. le Ministre délégué – M. Gaubert nous fait un procès d’intention qui n’est fondé en rien. En outre, pour répondre à M. Vidalies, disant que le monopole pourrait être remis en question dès lors qu’il ne s’agirait plus d’une entreprise publique, nous avons un avis du Conseil d’État qui précise bien que la Constitution, comme la loi de 1946, nous permettent de maintenir le monopole. Fort de la sécurité juridique que me donne cet avis, je répète qu’il n’y a pas lieu en France d’être inquiet par rapport à la jurisprudence Coname.

Les amendements 137451 à 137482, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Serge Poignant – Par l’amendement 137553, nous proposons que les distributeurs non nationalisés – DNN – desservant plus de 100 000 clients ne soient pas contraints de transférer dans les sociétés commerciales les clients ayant fait jouer leur éligibilité. La loi de 1946 le permet.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. François Brottes – Nous partageons la préoccupation de cet amendement, mais n’allez-vous pas fragiliser juridiquement le dispositif, avec un système dérogatoire pour les DNN ? Quelles assurances avez-vous que vous appliquez bien le droit européen en vigueur ? C’est une façon de faire sauter le seuil de 100 000 clients, ce à quoi nous ne sommes pas opposés, mais vous le faites de façon très fragile, car les autres opérateurs, contraints par le dispositif dont vous exemptez les DNN, porteront l’épée contre une telle dérogation.

M. le Rapporteur – Le sujet n’est pas le seuil de 100 000 clients. Il s’agit d’un problème de fourniture, auquel l’amendement apporte une solution pragmatique.

M. François Brottes – Ce sont bien les opérateurs ayant franchi la barre des 100 000 clients qui sont visés. Pourquoi dites-vous que ce n’est pas le sujet ?

M. Serge Poignant – Il s’agit en effet des opérateurs de plus de 100 000 clients, qui ont une obligation de séparation juridique, mais l’objectif est de permettre aux clients qui ont fait jouer leur éligibilité de rester dans les DNN.

M. le Ministre délégué – Lorsque les DNN, aujourd’hui, sortent de leurs zones de concession, elles ont l’obligation de créer une société commerciale, et les clients des zones d’origine doivent être transférés vers ces dernières. L’amendement prévoit qu’un tel transfert, qui complique la gestion de la clientèle, n’est pas nécessaire. Il ne change rien à la règle des 100 000 clients et n’est pas en contradiction avec le droit européen.

L'amendement 137553, mis aux voix, est adopté.
L'article 6 modifié est adopté.

M. François Brottes – Sur la base de l’article 58-3 du Règlement, je demande une suspension de séance technique.

La séance, suspendue à 11 heures 25, est reprise à 11 heures 40.

après l'Art. 6

M. Jean Dionis du Séjour - Je souhaiterais défendre conjointement les amendements 137561 et 137562, qui sont tous deux relatifs au statut des réseaux de transport du gaz naturel. Cette question n’a rien de négligeable, ces réseaux représentant 31559 kilomètres de gazoducs, 27 stations de compression et 280 millions d’euros d’investissement par an, et pourtant des choses bien étranges se sont produites en 2001 !

Alors que les réseaux de transport appartenaient jusqu’alors à l’État, qui les concédait aux différents opérateurs, l’article 81 de la loi de finances rectificative a remplacé le régime de concession en vigueur par un régime de distribution. L’État a donc vendu à GSO le réseau de transport que cette société utilisait et transféré à GDF le réseau qui correspondait à ses activités.

Il s’agissait alors de mettre notre système de transport du gaz en conformité avec le droit communautaire, au motif que le régime de concession était incompatible avec la directive du 22 juin 1998. Or, cette directive ne prévoit rien de tel ! Loin d’exiger la résiliation des concessions, elle reconnaît au contraire, dans son article 4, la validité du régime de concession, qu’elle assimile à des autorisations de construction ou d’exploitation d’installations de gaz naturel. Le véritable motif du changement de statut était donc ailleurs : le Gouvernement souhaitait simplement soulager les finances publiques en réalisant une bonne opération avec GSO et consolider le haut de bilan de GDF.

Une telle initiative ne fut, hélas, pas très heureuse – et c’est le moins qu’on puisse dire !

Notre indépendance énergétique et la maîtrise de l’État seraient aujourd’hui autrement mieux consolidées si le réseau de transport était toujours sous le régime de la concession. En sortir fut à tout le moins une grosse imprudence du gouvernement de M. Jospin, mais voilà, nous y sommes. Que faut-il donc faire, dans la perspective de la privatisation de GDF, pour préserver notre indépendance énergétique et pour que l’État demeure l’acteur principal, sur le long terme, de notre politique de l’énergie ? Il faut, selon nous, revenir au régime de concession, et pour ce faire, par l’amendement 137561 que j’ai cosigné avec M. de Courson, supprimer l’article 81 de la LFR de 2001 et, par notre amendement 137562, que le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport sur cette possibilité de retour avant le 1er juillet 2007.

M. le Rapporteur – Cette question est en effet importante car c’est le gouvernement de M. Jospin qui a privatisé le réseau de transport du Sud-Ouest. Pourquoi ? Ce n’est pas à moi de l’expliquer. Cet amendement n’a néanmoins aucune portée juridique, sauf à exprimer ce que l’on ne peut pas faire : une renationalisation du réseau de transport, qui contreviendrait à l’article 40 de notre Constitution. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué – Même avis. Un choix a été fait, et revenir en arrière serait très coûteux – peut-être plusieurs milliards.

M. François Brottes – Ce n’est pas la première fois que nous avons ce débat, et avec beaucoup de malice, M. le rapporteur essaie de repasser à d’autres la patate chaude. Prenez donc vos responsabilités ! Le choix stratégique du gouvernement Jospin consistait à maintenir et à développer de grands opérateurs publics de l’énergie. C’est d’ailleurs toujours ce que nous souhaitons. Non seulement nous n’avons jamais envisagé la privatisation de GDF mais nous avons essayé de « muscler » ce grand opérateur public en intégrant dans ses actifs les infrastructures de réseaux. Un opérateur public intégré doit en effet pouvoir gérer l’ensemble du dispositif, de l’amont à l’aval. C’est une autre majorité, laquelle a la privatisation chevillée au corps, qui a ensuite décidé de brader la totalité du dispositif, ce à quoi nous continuerons de nous opposer évidemment. C’est faire preuve d’un culot considérable que de prétendre que la loi de 1946 nous protège, alors que la privatisation de GDF ébranle jusqu’aux fondations mêmes de ce texte ! Non seulement vous démantelez cette entreprise nationale mais vous démantelez tout le dispositif juridique qui protégeait toutes les missions de service public. Si M. le rapporteur nous fait un mauvais procès, M. Dionis du Séjour, lui, est cohérent avec lui-même lorsqu’il considère que le réseau de transport doit être public, ce qui constitue d’ailleurs une solution de repli par rapport à ce que nous préconisons : deux grands opérateurs publics nationaux intégrés.

M. Jean Dionis du Séjour – La polémique sur les responsabilités ne nous concerne guère (Rires sur les bancs du groupe communiste et républicain). Le gouvernement, en 2001, a commis une grave imprudence et vous n’avez guère été vigilant en la matière, Monsieur Paul.

M. Daniel Paul - Relisez le compte rendu de nos débats et vous verrez.

M. Jean Dionis du Séjour – Bonne idée.

M. le ministre assure qu’un retour en arrière coûterait très cher.

M. le Ministre délégué – Des milliards, oui.

M. Jean Dionis du Séjour – Mais combien la vente du réseau à GSO a-t-elle rapportée à l’État ? Combien les revenus issus du droit de péage en cas de retour du réseau dans le giron de l’État rapporteraient-ils ? Serait-ce, sur le plan patrimonial, une bonne affaire ?

M. le Ministre délégué – Vaste question ! Je suis incapable, aujourd’hui, de préciser le montant de la transaction de 2001. Ce que je sais en revanche, c’est que l’action spécifique permettra de conserver le contrôle de l’ensemble des réseaux de transport : oui, l’État est en position d’exercer un contrôle ferme sur les réseaux. Quant à ce que rapporteraient les droits de péage, je ne peux vous répondre au pied levé. Non possumus !

M. Jean Dionis du Séjour - Je le comprends, mais on pourra en parler au Sénat.

M. François Brottes – M. le ministre délégué, qui répond toujours avec beaucoup d’honnêteté, évoque un contrôle ferme des infrastructures grâce à l’action spécifique, autrement dit, la golden share, mais quelles précisions a-t-il apportées au Commissaire européen chargé du marché intérieur qui, d’une part, n’est guère favorable au maintien de l’action spécifique – même s’il est prêt à accepter une dérogation – et, d’autre part, qui souhaiterait par exemple connaître le nombre de kilomètres de réseaux que vous souhaitez protéger ?

M. Jean Dionis du Séjour – Je salue également la qualité et l’honnêteté des réponses de M. Loos.

La réponse de M. le ministre, en l’occurrence, est double : l’action spécifique, dont nous parlerons sans doute lundi, et le non possumus. Le groupe UDF vous questionnera à nouveau au Sénat et en CMP sur les points que j’ai évoqués précédemment. Nous disposons d’ailleurs du rapport d’activité 2005 de GDF qui montre que le transport rapporte beaucoup !

M. Daniel Paul - C’est ce qui rapporte le plus !

M. Jean Dionis du Séjour – L’État ne ferait donc pas une mauvaise affaire s’il revenait dans son giron. Cette maîtrise par l’intermédiaire d’un régime de concession nous semble souhaitable afin de garantir notre sécurité d’approvisionnement.

M. François Brottes – La privatisation, c’est donc du vol !

M. Daniel Paul - Il s’agit de préserver un élément essentiel qui, autrefois, était constitutif de GDF. En commission, j’avais demandé à MM. Cirelli et Mestrallet s’ils avaient envisagé, dans le cadre du nouveau groupe ainsi créé, de conserver ou non la gestion des réseaux.

Et M. Mestrallet et M. Cirelli ont répondu que si le nouveau groupe perdait le réseau de transport, la fusion n’aurait plus aucun intérêt, ce qui se comprend fort bien puisque, comme l’a rappelé M. Dionis du Séjour, le réseau de transport de GDF est une pépite ! Mais c’est aussi un élément stratégique essentiel. Pour ces deux raisons, le retour du réseau de transport dans le giron de l’État se pose avec acuité.

L'amendement 137561, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. François Brottes - Je l’ai dit avec solennité, la privatisation de GDF malmène la Constitution et la loi de 1946. Voilà pourquoi, par les amendements 232 à 264, nous entendons réaffirmer le maintien du monopole de la distribution publique d’électricité et de gaz. Mais, au moment où le Gouvernement s’apprête à démanteler et à brader GDF, je ne me fais pas grande illusion sur le sort qui sera réservé à cette proposition.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Comme la séparation ne portera pas atteinte au monopole de la distribution, l’amendement est satisfait.

M. François Brottes - On en reparlera…

M. le Ministre délégué – Avis défavorable.

M. Jean Gaubert - Votre réponse est un peu courte, Monsieur le rapporteur, car, de fait, il n’y aura plus de distribution publique du gaz. Il vient un moment où il faut assumer ce que l’on fait ! Défendez l’idée d’un monopole privé si elle vous convient, mais ne prétendez pas que rien ne changera alors que c’est faux, et que les réseaux de gaz qui, pour l’instant, sont la propriété de la puissance publique, vont être donnés à un monopole privé !

Les amendements 232 à 264 identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Christian Bataille - Nous réaffirmons, par les amendements 6447 à 6479, que la gestion d’un réseau de distribution d’électricité doit être assurée par des entreprises ou des organismes à capitaux totalement publics. L’histoire est une suite de progrès et de reculs ; malheureusement, vos décisions induiront un recul considérable. Un mouvement cohérent s’était fait vers l’unification de nos réseaux de transport, qu’il s’agisse des réseaux de distribution du gaz et de l’électricité ou des lignes ferroviaires. Un terme avait ainsi été mis à l’époque, pas si lointaine, des concessions privées parcellisées, et le monopole public avait apporté une plus grande sécurité. Les pouvoirs publics doivent conserver la maîtrise des infrastructures de transport du gaz, souvent imbriquées dans les infrastructures de voiries. Qu’en sera-t-il de l’entretien de ces réseaux ? Veut-on reproduire en France l’exemple, irritant pour les libéraux, de ce qui s’est passé aux États-Unis, qui se sont voulu le laboratoire de la privatisation des services publics et qui y ont gagné des chaussées mal entretenues et des ponts fermés à la circulation car menacés d’écroulement ?

M. le Rapporteur – Au moins, en Corée du Nord, les infrastructures tiennent…

M. Christian Bataille - Quelle garantie a-t-on que Suez-GDF apportera le même soin méticuleux que le service public à l’entretien de ces réseaux ? La modernisation se fera-t-elle au rythme voulu ? Remplacera-t-on, comme il le faut, les fontes grises, ou négligera-t-on de le faire ?

M. Jean-Pierre Gorges - C’est fait !

M. Christian Bataille – Ces questions sans réponse expliquent l’attachement de notre groupe à la maîtrise publique des infrastructures et des réseaux de transport du gaz.

M. le Rapporteur – La commission a exprimé un avis défavorable. L’adoption des amendements conduirait en effet, pour mener à bien la renationalisation complète demandée, à racheter les actions de l’ensemble des actionnaires minoritaires, dont celles du personnel, ou à retirer à EDF la concession de la distribution d’électricité. Je rappelle d’autre part qu’en raison du cas particulier des SICAE, l’État n’a pas l’entier monopole de la distribution.

M. le Ministre délégué – Avis défavorable, pour les mêmes raisons, et pour les raisons exposées précédemment. Je précise par ailleurs que j’ai imposé la suppression des fontes grises pour le 31 décembre 2007 au plus tard, pour l’ensemble du réseau, suppression qui s’impose à tous les distributeurs sans exception.

Je puis à présent donner à M. Dionis du Séjour les chiffres qui l’intéressent, puisque j’ai maintenant sous les yeux l’évaluation, faite en 2001 par la commission Houri nommée par le gouvernement de M. Jospin, de la valeur des différents réseaux. À l’époque, le réseau de GDF avait été estimé à 5 milliards, celui de GSO à 500 millions et celui d’Elf Aquitaine à 22 millions. Mais le transfert aux opérateurs ayant conduit au versement d’indemnités pour résiliation anticipée des concessions, le solde, pour l’État, a été 109 millions pour GDF, 5 millions pour GSO et 0,6 million pour Elf Aquitaine, soit un montant total de 114,6 millions pour une valeurs estimée de 5,522 milliards…

Je vous donnerai des précisions sur les péages dès que j’en saurai davantage.

M. Jean Dionis du Séjour - Je vous remercie.

Les amendements 6447 à 6479 identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Bruno Le Roux – Par les amendements identiques 6480 à 6512, nous insistons, une fois encore, pour que la gestion du réseau de distribution de gaz naturel soit assurée par des entreprises ou des organismes à capitaux totalement publics. Il en va de l’intérêt national, puisque l’approvisionnement énergétique est en jeu, mais cette proposition s’inscrit dans le cadre plus large, que nous défendons depuis maintenant deux semaines, de la constitution d’un pôle public de l’énergie, seul en mesure de relever les défis à venir.

À l’instigation de GDF, je me suis rendu aux États-Unis il y a quelques années, pour me rendre compte sur place des conséquences de la privatisation des réseaux de distribution. Je ne parviens pas à comprendre comment, en si peu de temps, on est passé de missions tendant à constater les graves dérèglements induits par cette politique pour éviter de les répéter, à un projet qui tend à les reproduire en mettant à bas un système qui fonctionne bien.

Avec ces amendements, nous soulignons la gravité de ce qui se prépare.

M. le Rapporteur – Vous défendez la propriété publique des réseaux de distribution, après avoir, en 2001, privatisé les réseaux de transport. C’est peu cohérent.

D’autre part, vous avez répété que l’entreprise publique assurait la sécurité. Mais un certain nombre d’accidents, qu’on peut déplorer, n’en apportent pas la preuve.

Enfin, je serais heureux de connaître le rapport fait à la suite de visites aux États-Unis à l’invitation de GDF, car je découvre l’existence de ces initiatives.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. Jean Gaubert - Cessez de dire que nous avons privatisé les réseaux. Nous les avons transférés à une société publique…

M. le Rapporteur – Total était un groupe privé.

M. Jean Gaubert - Nous parlons de GDF. C’était un service public, que vous avez transformé ensuite en société anonyme, avant de la privatiser aujourd’hui. Le transfert à Total et d’autres n’a pas été une heureuse initiative, je le concède. Mais GDF représentait l’essentiel.

Pour les décotes, il serait intéressant de connaître les mécanismes de calcul. Une partie était liée aux investissements faits sur les réseaux par les entreprises concessionnaires, qu’on n’allait pas faire payer deux fois.

M. le Rapporteur – Je comprends la gêne de nos collègues socialistes. Mais encore une fois, en 2001, le gouvernement socialiste a privatisé le réseau de transport de gaz du sud-ouest.

M. François Brottes - C’est petit !

M. Daniel Paul - C’est un mensonge.

Les amendements identiques 6480 à 6512, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Nous en venons aux amendements identiques 94516 à 94537.

M. Michel Vaxès – L’article 3 de la directive de 2003, faisant référence à l’article 86 du traité, dispose que les États membres peuvent imposer aux entreprises du secteur de l’électricité des obligations de service public qui peuvent porter sur la sécurité, la régularité, la qualité et le prix de la fourniture et la protection de l’environnement. Il dispose également que les consommateurs nationaux doivent avoir un égal accès à l’approvisionnement et que les États membres peuvent mettre en œuvre une tarification à long terme.

Il faut conserver à l’esprit toute l’étendue de la notion de service public, alors qu’on modifie les règles du jeu. Or vous l’avez vidée de sa substance en contractualisant les missions de service public par la loi d’août 2004. Nous tenons à réaffirmer ces objectifs dans l’énergie, et les obligations qui incombent aux entreprises du secteur. Nous vous invitons à utiliser la latitude laissée aux États membres par la directive pour fixer quelques obligations de service aux opérateurs qui entreraient sur le marché. Nos amendements insistent en particulier sur leur participation à l’effort de recherche.

M. le Rapporteur – La commission a émis un avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Vous voulez que les entreprises du secteur énergétique fassent le maximum de recherche. Elles en font déjà beaucoup. Ainsi, EDF a dépensé 402 millions et Total, en France, 676 millions pour la recherche. Les entreprises participent aussi à des programmes de recherche dans les pôles de compétitivité par exemple, en liaison avec l’agence nationale de la recherche. L’incitation par cette dernière me semble la bonne méthode plutôt que l’obligation que vous voulez instituer. Je suis donc défavorable aux amendements.

M. Daniel Paul - Et les entrants sur le marché ?

Les amendements identiques 94516 à 94537, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean Dionis du Séjour - Le ministre a donné des chiffres sur la valeur des entreprises et nous en donnera sur les revenus de péage. Je l’en remercie et je retire l’amendement 137562.

Art. 7

M. Jean Dionis du Séjour - Cet article est très important sur le plan social, car il concerne 56 000 agents dans la distribution du gaz et de l’électricité. Nous devons être clairs et faire preuve de responsabilité à leur égard.

Il est confirmé que les entreprises spécialisées créées pour la distribution, l’une du gaz, l’autre de l’électricité, s’engagent à faire un GIE commun pour assurer la synergie des prestations, qui existe actuellement. Mais M. Gaubert a fait observer que, par exemple, Suez a des équipes spécialisées pour le relevé des compteurs d’eau. S’il y a fusion avec GDF, la synergie dans la nouvelle entité se fera plutôt pour relever le gaz avec l’eau qu’avec l’électricité. Si le projet aboutit, que deviendra le GIE ? Y aura-t-il dissociation progressive, mais avec le souci des personnels ? Alors il faut le dire. Dans son rapport d’activité pour 2005, GDF assure que, pour assurer la gestion directe en 2007, l’entreprise va se doter de ressources propres pour l’accueil de la clientèle, et, notamment, de 32 sites d’accueil et de gestion issus d’EDF-Gaz de France Distribution. On voit bien que chaque entreprise va, progressivement, sous l’effet de la concurrence et de la synergie nouvelle qui existera entre Suez et Gaz de France, entrer dans un processus de dissociation.

Dès lors, quel discours de vérité tient-on aux 56 000 agents d’EGD sur les évolutions de leur fiche de paie ou de leur environnement de travail, dans l’immédiat et à moyen terme ? J’ai reçu longuement les syndicalistes et l’encadrement et mes interlocuteurs ont fait preuve de beaucoup de responsabilité. Ils constatent que la dissociation est déjà engagée sur le terrain, et ils attendent un discours de vérité. L’encadrement constate que s’il reste une synergie de management, à l’avenir, la synergie entre les compteurs de gaz et d’électricité va être attaquée par celle entre les compteurs de gaz et d’eau.

La dissociation est en marche. Au-delà de l’affirmation sympathique de l’article 7 et de la construction juridique un peu exotique du GIE, dénué de la personnalité morale et qui n’est pas une filiale, que va-t-il advenir du vécu commun auquel sont attachés les 56 000 agents et énormément d’élus locaux ?

M. François Brottes – Je demande une brève suspension de séance.

La séance, suspendue à 12 heures 35, est reprise à 12 heures 38.

M. le Président de la commission – Compte tenu de l’heure et de quelques difficultés techniques pour réunir tous les documents utiles à la poursuite du débat, je souhaite, si cela est possible, que la séance soit levée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 12 heures 40.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
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