Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2005-2006) |
Assemblée nationale
COMPTE
RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL
Session ordinaire de 2005-2006 - 7ème jour de séance, 16ème séance 1ère SÉANCE DU MERCREDI 12 OCTOBRE 2005 PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ Sommaire SOUHAITS DE BIENVENUE QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2 LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ 2 POLITIQUE DE L'IMMIGRATION 3 TVA DANS LE SECTEUR DU BÂTIMENT 4 CENTRE DE LOISIRS DU CARMAUSIN 4 TREMBLEMENT DE TERRE AU CACHEMIRE 5 ÉNERGIES NON RENOUVELABLES 5 PROGRAMME PÉTROLE CONTRE NOURRITURE 6 CHÈQUE-EMPLOI ACCIDENT DE LA RAFFINERIE TOTAL DE LA MÈDE 7 INONDATIONS DANS LE GARD 8 EMPLOI DES SENIORS 9 POLITIQUE FAMILIALE 9 RAPPEL AU RÈGLEMENT 10 RÉCIDIVE DES INFRACTIONS PÉNALES (deuxième lecture) 11 EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 18 QUESTION PRÉALABLE 26 La séance est ouverte à quinze heures. SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE M. le Président - Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à la délégation parlementaire, conduite par Mme Jozefina TOPALLI, Présidente du Kuvendi albanais (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent). L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. M. Jacques Brunhes - Monsieur le Premier ministre, Coluche fondait, il y a vingt ans, les Restos du Cœur et installait son premier point d'accueil dans ma commune de Gennevilliers. Il s'agissait, dans son esprit, d'une action provisoire. Or, les inégalités n'ont pas cessé de se creuser, laissant toujours plus de laissés-pour-compte sur le bord du chemin : leurs rangs se grossissent désormais de jeunes, de femmes seules et de retraités déshérités. Les associations caritatives qui s'emploient à réparer les dégâts sont donc de plus en plus débordées. Cela fait vingt ans que le nombre de leurs bénéficiaires augmente, mais cette croissance a pris un tour exponentiel depuis votre arrivée. (« Ah ! » sur divers bancs) Au cours du second trimestre 2005, le nombre d'allocataires du RMI a progressé et 80 % d'entre eux vivent dans des ménages dont le revenu est inférieur au seuil de la pauvreté. La pauvreté constitue aujourd'hui un phénomène de masse. Dans le même temps, le CAC 40 s'envole de près de 35 % et les salaires des grands patrons explosent. Comment ne pas être révolté par l'indécence de tels écarts ? M. Bernard Arnault, qui possède plus de 14 milliards d'euros, n'hésite pas à étaler ses richesses. Je pense par exemple à une cérémonie largement médiatisée à laquelle six de vos ministres ont participé. Certes, je ne vous demande pas comment vous comptez corriger ces inégalités, car ce n'est pas votre ambition. M. le Président - Veuillez poser votre question. M. Jacques Brunhes - Mais comment allez-vous poursuivre l'aide d'urgence, alors que Bruxelles réduit ses subventions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Il s'agit d'une politique publique essentielle. Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Comme le Premier ministre le rappelait le 7 septembre dernier, lors du conseil national de lutte contre l'exclusion, il s'agit là d'une priorité du Gouvernement. Concernant l'aide d'urgence, les montants accordés en 2002 représentaient 4 millions d'euros, contre 17 millions aujourd'hui (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Vous voyez que nous consacrons des moyens importants pour aider ces associations qui font un travail remarquable, et que je tiens à remercier au nom du Gouvernement. Je voudrais également souligner le travail accompli avec Dominique Bussereau sur les programmes européens d'aide alimentaire. Le Premier ministre a en effet souhaité que nous puissions obtenir un important complément financier pour la campagne d'hiver. Mais nous agissons également contre les trappes à pauvreté. Le nombre de logements construits est ainsi passé de 39 000 en 2000 à 75 000 en 2004. En outre, un engagement national pour le logement, porté par Jean-Louis Borloo, vous sera très prochainement présenté. Mais la seule vraie réponse, c'est l'emploi. Or les chiffres du chômage baissent pour le cinquième mois consécutif (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) et le Gouvernement est tout entier mobilisé sur ce sujet. Voilà des actes concrets, grâce auxquels nous parviendrons tous ensemble à changer la situation. M. Jacques Myard - Monsieur le ministre de l'intérieur, ma question concerne l'ensemble du Gouvernement, tant elle est complexe. Il y a quelques jours, nous avons tous vu ces images montrant des Africains partant à l'assaut des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Comment ne pas songer au roman prémonitoire de Jean Raspail, Le Temps des saints, qui décrivait cet assaut des habitants du tiers monde contre la forteresse Europe ? Le gouvernement socialiste espagnol a sans doute joué aux apprentis sorciers en régularisant des centaines de milliers d'immigrés clandestins, suscitant ainsi un formidable espoir pour toutes ces populations qui souhaitent une vie meilleure, mais la rupture démographique qui sépare désormais le Nord du Sud est la principale responsable. Si nous voulons que les populations du tiers monde demeurent chez elles, il n'y a pas d'autre moyen que de favoriser leur développement économique. Toutefois une politique d'immigration ferme demeure nécessaire : gardons-nous de tout angélisme et de toute utopie. A ce sujet, les accords de Schengen, qui créent une zone de totale libre circulation, ouvrent une faille regrettable : plusieurs contrôles vaudront toujours mieux qu'un seul. Quel jugement portez-vous sur cette situation, Monsieur le ministre, et quelles mesures prendrez-vous pour ne pas subir l'immigration clandestine ? M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - Vous avez raison, en régularisant 500 000 personnes, le gouvernement espagnol n'a rien résolu ; il a créé, bien au contraire, un appel d'air. Mais notre pays n'a aucune leçon à donner car il s'est laissé aller à des régularisations massives sous le gouvernement socialiste. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Face à ce problème, nous devons faire preuve de fermeté. 24 000 expulsions de sans-papiers auront lieu cette année, soit quatre fois plus que sous nos prédécesseurs. Ce n'est sans doute pas suffisant, mais on ne peut pas traiter de la même façon des gens qui ont des papiers, et d'autres qui n'en ont pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nous devons en outre sanctionner les employeurs qui recourent au travail clandestin... M. Maxime Gremetz - Là-dessus, vous ne faites guère d'efforts ! M. le Ministre d'Etat - Il n'y a aucune raison que les immigrés en situation irrégulière soient les seules victimes des contrôles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Enfin, les évacuations systématiques des squats indignes seront poursuivies car les immigrés clandestins sont des êtres humains : on ne peut les laisser vivre dans des conditions indignes ! Laisser des personnes vivre dans des squats indignes, c'est irresponsable. Deuxièmement, il faut de l'humanité, c'est-à-dire améliorer le confort des centres de rétention et traiter les individus dignement. Il faut enfin de la justice : il ne sera pas possible d'endiguer le flot des clandestins sans une ambitieuse politique de développement des pays du Sud, comme la France l'a d'ailleurs demandé. Telle est la seule solution à long terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Fermeté, justice, humanité, voilà le triptyque de la politique d'immigration de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF) TVA DANS LE SECTEUR DU BÂTIMENT M. Pierre Cohen - Les effets positifs de la baisse de la TVA à 5,5 % dans le secteur du bâtiment sont aujourd'hui reconnus de tous. C'est le gouvernement de Lionel Jospin qui, en l'instaurant en 1999, avait voulu agir sur la demande, favoriser les prestations pour faciliter l'accession au logement et relancer l'emploi. Le marché intérieur était ainsi stimulé et la situation de l'emploi nettement améliorée avec la création de 53 000 emplois alors que le secteur du bâtiment s'était initialement engagé à hauteur de 30 000 à 35 000 emplois. Deux milliards de travaux supplémentaires ont été enregistrés chaque année et la rénovation des logements a augmenté en moyenne de 7 %. La baisse de la TVA a également profité aux secteurs du commerce et des transports. Ce dispositif a ainsi contribué à la relance de la consommation et donc de la croissance. Or, sa reconduction pour 2006 n'est toujours pas confirmée et il reste peu de temps pour qu'il soit prolongé. Au regard de la crise que subit le secteur du logement, l'indifférence - ou, pire, le laisser-faire - que vous manifestez conforteraient le « mal logement », voire le non-logement que tous les Français dénoncent. De plus, votre gouvernement ne semble pas se mobiliser au sein des instances européennes alors que 66 000 emplois seraient directement menacés. Vous ne pouvez pas, comme vous en avez l'habitude, vous défausser sur l'Europe. Monsieur le ministre de l'Economie et des finances, nous vous demandons de vous exprimer sur les engagements que votre gouvernement entend prendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. François Loos, ministre délégué à l'industrie - Il s'agit là d'une mesure gagnant-gagnant. Baisser la TVA dans le bâtiment, c'est aider les artisans à avoir plus de travail et ce sont 50 000 emplois supplémentaires. Le Premier ministre nous a demandé de pérenniser cette mesure et de l'inscrire tout de suite dans le budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Il a également décidé de donner dès aujourd'hui à nos artisans la possibilité de préparer les devis dans cette perspective. Nous devons certes recevoir formellement le feu vert de l'Union européenne, et nous l'aurons au mois de novembre lors de la prochaine réunion de l'Ecofin. Nous demandons que tous tiennent compte de ce qui est d'ores et déjà inscrit dans le budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) CENTRE DE LOISIRS DU CARMAUSIN M. Philippe Folliot - « Incroyable mais vrai », « Qui veut gâcher des millions ? », « Le jeu de la non-vérité » : ce ne sont pas les titres d'émissions de télé-réalité mais la triste situation du Carmausin. Creuser un déficit de 8,2 millions en deux ans d'exercice, avoir des recettes qui couvrent à peine 20 % des dépenses, accueillir dix fois moins de visiteurs que prévu, le parc européen de la glisse promis par M. Quilès a singulièrement dérapé. Alors que l'UDF et votre serviteur avaient dès le début tiré le signal d'alarme, le scandale « Cap découverte », comme l'a si justement qualifié un sénateur socialiste du Tarn, conjugue mégalomanie, incompétence et gaspillage à grande échelle. Peut-on faire confiance à de tels gestionnaires pour s'occuper demain des affaires du PS ou de la France ? L'heure des comptes a sonné et l'addition est très lourde. Au moment où nombre de nos concitoyens ont du mal à joindre les deux bouts, l'argent public ne mérite-t-il pas d'être mieux utilisé ? Le chiffre avancé de un milliard pour creuser depuis 1981 cette mine de charbon à ciel ouvert qui n'a pratiquement pas été exploitée est-il justifié ? Alors que nous connaissons la situation calamiteuse des finances publiques, l'Etat n'a-t-il pas mieux à faire que de donner aux communes concernées une prime à la mauvaise gestion de 1,4 million pour éponger les déficits ? En bref : comment arrêter les frais et sortir de cette impasse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP) M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales - Vous m'avez interpellé à plusieurs reprises sur ce sujet, comme d'ailleurs votre collègue Bernard Carayon. Oui, vous avez raison, l'Etat a décidé de débloquer une aide de 1,4 million pour les communes du Carmausin qui ont créé ce centre de loisirs à la suite des fermetures des mines de Carmaux en 1997. Il faut tout d'abord noter que l'ensemble des parcs de loisirs de notre pays rencontrent des difficultés. Concernant « Cap découverte », je ne souhaite pas relancer de polémique mais sans doute y a-t-il eu des erreurs de gestion ou des choix inappropriés. Ne rien faire, c'était néanmoins imposer à des familles particulièrement modestes une hausse de près de 60 % des impôts et des taxes. Cet engagement de l'Etat n'est possible qu'à deux conditions : que les autres collectivités l'accompagnent - c'est le cas du conseil général et du conseil régional ; que ce centre de loisirs respecte le plan d'apurement décidé par le préfet en liaison avec la chambre régionale des comptes. Oui, c'est l'honneur de l'Etat de se montrer responsable et solidaire, mais c'est aussi le devoir de l'Etat de ne pas combler toujours et partout les tonneaux des Danaïdes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) TREMBLEMENT DE TERRE AU CACHEMIRE M. Philippe Vitel - Il y a quatre jours, un violent séisme d'une magnitude de 7,6 sur l'échelle de Richter répandait la mort et la désolation au Pakistan et dans le nord de l'Inde. On dénombre aujourd'hui plus de 23 000 victimes et 51 000 blessés. Ce bilan n'est malheureusement pas définitif. On parle de deux millions et demi de sans abris. Les images d'horreur des décombres des deux écoles de la vallée de Balakot, dans lesquelles 850 enfants ont été ensevelis, resteront à jamais dans nos mémoires. Immédiatement, la solidarité internationale s'est mobilisée. La France a été un des premiers pays à proposer son aide. Hier, la Banque mondiale a doublé son aide initiale qui était de 20 millions de dollars. Les Nations unies ont lancé un appel de fonds visant à réunir 272 millions de dollars. L'Union européenne et l'OTAN se sont également engagés. Monsieur le ministre des Affaires étrangères, pouvez-vous faire état des moyens français actuellement sur place et préciser le type d'aide humanitaire d'urgence que nous allons déployer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères - Selon un bilan encore provisoire, le séisme qui a frappé le Cachemire aurait fait plus de 25 000 morts et 50 000 blessés au Pakistan, ainsi que 1 300 morts et plus de 3 000 blessés en Inde. La France a proposé son aide, avec l'accord des autorités pakistanaises. Dès le jour du séisme, samedi, une équipe de la protection civile composée de 25 personnes spécialisées dans la prévision est partie au Pakistan. Lundi, après accord entre le ministère de la Santé et celui de la Défense, deux avions sont partis vers le Pakistan, le premier emmenant 45 urgentistes du SAMU et du service de santé des armées avec du matériel chirurgical ; et le second emportant 90 tonnes de fret d'aide humanitaire provenant des stocks du ministère des Affaires étrangères, de la Croix Rouge et d'autres ONG. Depuis mardi matin, au ministère de la Santé une cellule fonctionne 24 heures sur 24 - c'est une première - pour réguler les professionnels de santé sur place. Au moment où je vous parle, il n'y a aucune victime française à déplorer. La France continuera à agir pour venir en aide au Pakistan durement touché. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jacques Godfrain - Avec le réveil de pays comptant plus d'un milliard d'habitants, la demande mondiale en énergie doit s'accroître de 60 % au moins dans le prochain quart de siècle. Les réserves de pétrole y suffiront-elles ? Quand bien même on en découvrirait de nouvelles, les minéraux fossiles ne sont-ils pas en partie responsables de la destruction de la couche d'ozone ? La question n'est plus de savoir ce que sera « l'après-pétrole », mais quand il commencera. Gouverner, c'est prévoir. Une politique de recherche adéquate est donc indispensable. Modérer la consommation ne suffira pas, et, aujourd'hui, l'économie ne peut se passer de pétrole. Mais il faudra que, pour demain, la recherche trouve des alternatives. Pouvez-vous nous indiquer ce qu'elles peuvent être ? M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - En effet, il est temps d'anticiper car les énergies fossiles sont de plus en plus rares, elles seront donc chères. En outre notre planète souffre des activités humaines qui utilisent ces énergies. La France anticipe. Pour 2005, près d'un milliard est consacré à la recherche sur les énergies de substitution au pétrole. J'en vois au moins trois. Ce sont d'abord les bio-énergies, objet de recherche principal du pôle de compétitivité Agroressources Picardie-Champagne- Ardennes... M. Maxime Gremetz - Et voilà ! M. le Ministre - Cela conduira bientôt à l'installation de « raffineries vertes ». C'est ensuite l'hydrogène et les piles à combustible (M. Yves Cochet s'exclame) J'ai pu mesurer, en tant que ministre des transports, combien les constructeurs automobiles français sont mobilisés sur ce sujet. D'ici une dizaine années probablement, nous disposerons de ce type de véhicules. Enfin, à plus long terme, l'énergie des étoiles, abondante, propre, sans effet sur le climat, sera accessible grâce à ITER. M. Yves Cochet - On peut rêver ! M. le Ministre - Demain, la nouvelle agence nationale de la recherche désignera les lauréats qui bénéficieront des 60 millions de crédits destinés à cette recherche sur les énergies de substitution et en particulier sur le stockage du carbone. Au-delà de ces pistes et des découvertes qui seront faites sur le court ou le long terme, nous devons faire preuve de pédagogie pour modifier les attitudes et les cultures. Demain, par exemple, dans le cadre de la fête de la science, j'emmènerai une quarantaine de collégiens au CEA à Saclay pour leur montrer ce que seront les énergies du futur, grâce auxquelles ils pourront se chauffer, se déplacer et développer l'activité économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) PROGRAMME PÉTROLE CONTRE NOURRITURE M. Bernard Derosier - Monsieur le Premier ministre, lorsque fut institué le programme « pétrole contre nourriture », la France a soutenu l'ONU dans cette démarche. Puis les initiatives de l'ONU en Irak ont été contestées, critiquées par l'administration Bush. Aujourd'hui, la presse de notre pays nous informe de la mise en examen de plusieurs personnes ayant exercé des responsabilité politiques et diplomatiques au motif de malversations liées à ce programme. Les représentants de la nation et les Français ont besoin d'en savoir plus que ce qu'ils apprennent par les médias. Vous avez été ministre des Affaires étrangères, puis ministre de l'Intérieur, avant de diriger le Gouvernement. Avez-vous eu connaissance à un moment ou à un autre de ces malversations, et si oui, qu'avez-vous fait ? On ne peut mettre en avant le secret de l'instruction, car il s'agit d'abord d'un problème politique, et de la mise en cause de hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères. C'est la presse irakienne qui a révélé ces malversations il y a quelques semaines ; or dans ce pays, les Etats-Unis font la loi. Aujourd'hui, la presse mondiale en fait état et apporte chaque jour de nouvelles révélations. Monsieur le Premier ministre, nous attendons de vous des explications claires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur certains bancs du groupe des députés communistes et républicains) M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice - Cette question d'une dérive possible du programme « pétrole contre nourriture » nous trouble tous. Vous avez évoqué deux hauts diplomates, mais ils ont été mis en cause après leur départ en retraite. De ce fait, aujourd'hui, rien n'est connu de personne, sauf sans doute du juge d'instruction. Vous comprendrez donc que, dans ces conditions, ni moi-même, Garde des Sceaux, ni personne, ne puisse vous dire ce qui relève de l'instruction en cours. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Comme vous, je souhaite que dans cette affaire toute la lumière soit faite et que l'aide internationale conserve toute sa crédibilité, dans le monde entier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) CHÈQUE-EMPLOI POUR LES TRÈS PETITES ENTREPRISES M. Louis Giscard d'Estaing - Des formalités administratives de toute nature pèsent sur l'emploi. Les commerçants, artisans, responsables de très petites entreprises, ou leurs conjoints, doivent souvent satisfaire eux-mêmes à ces obligations, au préjudice de leur activité. Leur complexité constitue également un frein à l'embauche. Dans le cadre du plan d'urgence pour l'emploi, le Gouvernement a voulu répondre aux besoins de ces catégories, qui représentent un important gisement d'emploi, notamment avec le chèque-emploi très petite entreprise qui rend plus simple, plus abordable, le recrutement d'un salarié. Le chèque vaut donc déclaration d'embauche, contrat de travail et bulletin de salaire avec calcul des cotisations sociales. Nous nous félicitons que ce dispositif existe depuis le 1er septembre. Dans quelles conditions a-t-il été mis en place, et comment prévoyez-vous, Monsieur le ministre, de le développer ? M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales - Il y a deux millions de très petites entreprises en France, dont un million sans salariés : le concours qu'elles pourraient apporter à la lutte contre le chômage est évident. Jusqu'à présent, on leur imposait des contraintes disproportionnées. Le Plan d'urgence pour l'emploi les a levées avec le contrat nouvelle embauche, mais aussi avec le chèque emploi TPE, disponible depuis le 1er septembre sous forme papier ou électronique. Pour la première fois, tous les acteurs se sont mobilisés : les experts-comptables comme les banques qui, par des conventions, mettent cet outil simple à la disposition du plus grand nombre. Une campagne d'information a été lancée aux frais des artisans et des commerçants eux-mêmes - signe de leur intérêt. Alors qu'elles étaient jusqu'à présent soumises au même droit que les grandes entreprises, les très petites entreprises ont désormais un outil propre, que je vous invite tous à faire connaître dans vos circonscriptions, car vous pouvez compter sur son succès ! ACCIDENT DE LA RAFFINERIE TOTAL DE LA MÈDE M. Eric Diard - Le 7 août dernier à 16 heures 46, à la raffinerie Total de La Mède, plus de dix tonnes d'hydrocarbures sont projetées dans l'atmosphère. Le mistral les entraîne très vite vers la commune de Sausset-les-Pins, sur laquelle s'abat une pluie de gazole. Le rapport de la DRIRE est accablant. Entre autres infractions, la raffinerie n'a pas respecté un arrêté préfectoral, un arrêté ministériel et un décret du code de l'environnement. M. Maxime Gremetz - Elle ne respecte rien ! M. Eric Diard - Nous sommes passés tout près d'une catastrophe majeure ! Sans mistral, le nuage serait retombé sur la torche de la raffinerie - où une explosion a déjà causé la mort de six personnes en 1992. Les communes de gauche qui perçoivent la taxe professionnelle de la pétrochimie sont restées bien silencieuses ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Pourtant, la défense de la sécurité dans les raffineries ne protège pas seulement l'environnement, mais aussi l'emploi ! Le 19 septembre dernier, Madame la ministre, vous vous êtes rendue sur le site et avez affirmé votre intransigeance absolue en matière de normes de sécurité. Qu'avez-vous prévu pour renforcer les procédures de contrôle dans les installations classées Seveso ? Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable - Vous évoquez un événement très sérieux. Je me suis rendue sur le site en septembre (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Non, je n'étais pas en vacances ! Les élus et riverains m'ont fait part de leur légitime inquiétude, surtout eu égard au manque d'information et de transparence. J'ai incité le responsable mondial des raffineries Total à prendre toutes les mesures nécessaires afin que ce genre d'incident ne se reproduise plus. L'ensemble des raffineries est concerné, et j'ai prescrit un cahier des charges très serré pour lequel j'attends une réponse sous un mois. Aucune raffinerie n'est exempte des procédures conseillées par les DRIRE et recommandées par les préfets. Je serai particulièrement intransigeante en matière de sécurité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) La France peut s'honorer d'être le seul pays au monde à avoir un plan de prévention des risques technologiques. Nous proposerons un dispositif novateur pour 622 établissements. Cette démarche a été unanimement appréciée. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupes des députés communistes et républicains). Ce n'est pas votre cas ? La critique est facile, quand on n'a rien fait ! M. William Dumas - Un mois après les inondations catastrophiques dans le Gard, l'Etat et les collectivités locales doivent définir les moyens nécessaires à la reconstruction. Grâce à leur financement, à hauteur de 80 %, du coût des inondations de 2002 et 2003 - de 192 et 39 millions d'euros respectivement - le Gard avait pu faire face. Or, on estime les dégâts des intempéries des 6 et 8 septembre 2005 à plus de 35 millions d'euros. Nîmes et le sud du département sont touchés. Le guichet unique est en place, mais les collectivités et les sinistrés attendent de connaître la part de l'Etat et du Fonds européen dans le financement de la reconstruction. Les intempéries en Languedoc-Roussillon sont trop récurrentes pour qu'on les considère encore comme exceptionnelles. Les départements méditerranéens ont besoin d'un système d'alerte spécifique tenant compte de la situation hydrique et de la climatologie régionales, sur le modèle de l'alerte aux cyclones dans les DOM-TOM par exemple. Sans aides de l'Etat, les collectivités territoriales ne pourront pas répondre aux besoins de prévention et de traitement des inondations. Les habitants du Gard ne se contentent plus de visites ministérielles de compassion sous le regard des médias. Nous exigeons des mesures concrètes ! Nous attendons encore la parution au Journal Officiel de l'arrêté de catastrophe naturelle. Aucune souplesse fiscale n'a été proposée aux sinistrés. Monsieur le ministre, que proposez-vous pour garantir le succès de la reconstruction ? M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - Je vous trouve particulièrement injuste. De graves inondations ont eu lieu entre le 5 et le 9 septembre. Je suis venu le 9. J'ajoute que personne ne s'est plaint de la façon dont l'Etat a géré les conséquences des inondations de 2002 et 2003. Cette fois-ci, il n'y a eu, fort heureusement, aucune victime. D'abord parce que des investissements ont été réalisés, ensuite parce que le travail avec Météo France s'est beaucoup amélioré, enfin parce que les élus ont créé des conditions d'alerte qui permettent de bien prévenir la population. Je rends d'ailleurs hommage au conseil général du Gard, qui a bien travaillé avec l'Etat. Il est vrai que la région est sinistrée, mais il serait injuste de dire que rien n'a été fait. Je mets cette outrance sur le compte de la colère ou de la peur rétrospective. J'avais promis qu'avant la fin du mois suivant, l'état de catastrophe naturelle serait décrété. La commission venant de se réunir, 209 communes seront déclarées en état de catastrophe naturelle, dont 83 dans votre département. L'arrêté sera publié dans deux ou trois jours. La procédure consiste ensuite à ce qu'une mission interministérielle sur les calamités intervienne pour aider les collectivités qui ne pourraient pas faire face à la réparation de toutes les infrastructures emportées par les inondations. Le niveau de subvention varie alors entre 20 et 70 % selon la gravité des dégâts. Je ne vois pas comment le ministre de l'intérieur pourrait déterminer la gravité des dégâts avant que la mission se soit rendue sur place ! C'est ce qu'elle fera dans quelques jours. Le mieux que vous puissiez faire, Monsieur le député, c'est donc d'être solidaire de l'Etat, d'être responsable et raisonnable. En tout cas, nous, nous ferons notre travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. Gérard Dubrac - Le Gouvernement a engagé une lutte sans merci contre le chômage, comme en témoignent entre autres le plan de développement des services à la personne, la création des maisons de l'emploi, la redynamisation de l'apprentissage, le contrat nouvelles embauches ou les conventions de reclassement personnalisé. Dans ce contexte, la question de l'emploi des seniors se pose de plus en plus, dans le public comme dans le privé. Les seniors doivent être considérés comme des forces vives et des énergies utiles à la société. Or, beaucoup d'entre eux se retrouvent, en pleine force de l'âge, sans activité et avec le sentiment de ne plus être utiles. Le plan de cohésion sociale que nous avons adopté il y a quelques mois comportait un volet spécifique sur le sujet et prévoyait le lancement de négociations avec les partenaires sociaux. Où en est le Gouvernement sur ce dossier et comment entend-il favoriser l'activité de nos aînés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes - Notre pays est avec l'Autriche, l'Italie et le Luxembourg l'un de ceux où le taux d'activité des seniors est le plus bas. Pourquoi ? Parce qu'une sorte de consensus national - entreprises, syndicats, Etat - a fait que l'âge est longtemps apparu comme la variable d'ajustement des plans sociaux. Nous avions tendance à penser que lorsqu'un senior s'en allait, un jeune prenait sa place. Mais la Suède et la Finlande nous montrent qu'il est possible de réduire le chômage tout en ayant un taux élevé d'activité des seniors. Dans la loi d'août 2003 sur les retraites, celle de mai 2004 sur la formation tout au long de la vie et dans le plan de cohésion sociale, le Gouvernement a donc mis en place des outils, dont les partenaires sociaux pourront se servir. Ils vont d'ailleurs se réunir ce soir pour leur septième séance de négociation sur ce dossier. A la suite de l'accord qu'ils nous proposeront, je l'espère, M. Borloo, M. Bertrand, M. Bas et moi-même vous présenterons un plan national d'action qui s'articulera autour de plusieurs idées : maintenir les seniors dans l'emploi, avec ce que cela suppose en termes de formation ; les faire revenir dans l'emploi, grâce aux contrats aidés du plan de cohésion sociale mais aussi grâce au contrat de progrès qui sera signé entre l'Etat et l'ANPE ; aménager les fins de carrière, via notamment le temps partiel de fin de carrière. Il nous faudra aussi et surtout faire évoluer les esprits pour que chacun comprenne que les seniors sont, en cette période de retournement démographique, une chance pour notre pays. Nous devons en quelque sorte faire la révolution culturelle ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. Patrick Delnatte - Le 22 septembre dernier a eu lieu la Conférence de la famille, pendant laquelle le Gouvernement a pu réaffirmer son attachement à la famille et aux valeurs de solidarité, de fraternité et d'épanouissement qui y sont attachées. Dans la poursuite de la politique menée depuis 2002, après un long travail de concertation avec les associations familiales et les partenaires socioprofessionnels, l'accent a été mis sur deux objectifs. Le premier est de donner aux parents le libre choix de travailler ou de se consacrer à l'éducation des enfants. Le groupe UMP est très attaché à tout ce qui permet de concilier vie familiale et professionnelle. Trois mesures ont été retenues pour soutenir cette politique familiale dynamique que nous voulons mener : un congé parental à la carte ; une aide renforcée à l'accueil de la petite enfance ; une carte famille nombreuse généraliste. Le second objectif est d'accompagner les familles dans l'usage des nouvelles technologies, internet en particulier. La protection des enfants dans ce cadre passe par une responsabilisation des parents et des acteurs du Net. Pouvez-vous nous dire, Monsieur le ministre délégué à la famille, quels seront le calendrier d'entrée en vigueur de ces mesures et les ressources financières qui y seront consacrées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - En réduisant de 25 % le déficit de la sécurité sociale en 2006, nous dégageons les moyens nécessaires pour aller de l'avant sur d'autres politiques, et en particulier la politique familiale. Les mesures annoncées par le Premier ministre au cours de la Conférence de la famille pourront ainsi être mises en œuvre dès le début de l'année prochaine. La famille est essentielle pour le développement de l'enfant, bien sûr, mais aussi pour l'apprentissage de la citoyenneté et du civisme, pour la solidarité et pour le développement de l'économie. Avec les nouvelles marges que nous dégageons en réduisant le déficit de la sécurité sociale... M. Jean Glavany - On rêve ! M. le Ministre délégué - ...nous voulons permettre aux familles d'avoir et d'élever le nombre d'enfants qu'elles souhaitent. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous vous présenterons dans quelques jours contiendra ainsi les principales mesures issues de la Conférence de la famille : la construction de 72 000 crèches entre 2002 et 2008, avec une augmentation des crédits d'action sociale des caisses d'allocations familiales de 7,5 % pendant quatre ans, l'extension progressive du bénéfice de la prestation d'accueil du jeune enfant à 250 000 familles, au lieu des 200 000 prévues, la carte famille nombreuse généraliste, la protection des mineurs sur l'internet et enfin le congé d'un an rémunéré 750 euros par mois pour les mères et les pères qui s'arrêtent de travailler, cette dernière mesure étant beaucoup plus propice à un retour sur le marché du travail que le congé actuel de trois ans. Le principe de notre politique familiale est simple : faciliter le choix majoritaire des Français, celui d'avoir deux revenus, principale condition aujourd'hui, bien plus que le quotient familial ou les allocations, de l'essor de la famille (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). La séance, suspendue à 15 h 50, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Raoult. PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT vice-président M. Paul Quilès - Lors de la séance de questions d'actualité, notre collègue Philippe Folliot m'a mis en cause d'une façon profondément choquante. Sur la forme tout d'abord. En effet, il n'est pas de mise dans notre assemblée de mettre un collègue en cause, en citant des chiffres faux, en tenant des propos fielleux à son égard, sans qu'il puisse répondre. Les règlements de comptes locaux n'ont pas leur place dans cet hémicycle. Sur le fond ensuite. La manière dont M. Folliot s'en est pris à l'Etat relève d'une curieuse conception de la solidarité. Mais sans doute enrage-t-il de voir que, grâce aux efforts conjoints de l'Etat, de la région Midi-Pyrénées, du département du Tarn et des communes, les difficultés qu'a connues le parc Cap découverte à son démarrage, sont en voie de règlement. Comme l'a fort justement rappelé le ministre, tous les grands parcs de loisirs, qu'il s'agisse de Vulcania, de Micropolis, de la Cité de l'espace, connaissent des difficultés. En l'espèce, le travail responsable des différents partenaires a permis d'y faire face. Nul doute que les communes minières du bassin de Carmaux apprécieront le peu de cas qu'un député du Tarn fait de leur sort. Plutôt que de le dénigrer, M. Folliot ferait mieux de promouvoir cet équipement régional qui a déjà contribué à améliorer notablement la situation de l'emploi dans cette région, ce qui était bien notre objectif. M. le Président - Il est pris acte de votre rappel au Règlement. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la récidive des infractions pénales. M. Gérard Léonard, rapporteur de la commission des lois - Ouvrant ce débat, je rappellerai quelques dates. Avril 2004 : création de la mission d`information sur le traitement de la récidive des infractions pénales. Juillet 2004 : après plus de trois mois de travaux et vingt-cinq auditions, dépôt du rapport de la mission, dont les conclusions ont été adoptées, je le rappelle aux oublieux, à la quasi-unanimité, le groupe socialiste ayant fait état d'une « abstention constructive ». Décembre 2004, adoption en première lecture par notre assemblée de la proposition de loi directement issue des travaux de la mission et mettant fidèlement en œuvre ses recommandations de nature législative. Février 2005, examen du texte en première lecture par le Sénat. Octobre 2005, examen par notre assemblée, en deuxième lecture, du texte revenant du Sénat, quelque dix-neuf mois donc après la création de la mission. Ces dates parlent d'elles-mêmes. La proposition de loi est le fruit d'une réflexion approfondie fondée sur un diagnostic solide et incontesté. Ce n'est pas une initiative hâtive, prise sous le coup de l'émotion. Avec 31 % de récidivistes, qui pourrait nier les difficultés de notre appareil répressif ? Cela explique l'exaspération de nos concitoyens qui s'interrogent sur les causes de ces dysfonctionnements et s'inquiètent du sentiment d'impunité qui peut en résulter chez les délinquants. La situation est d'autant plus paradoxale que, depuis deux ans, grâce à l'action déterminée du Gouvernement, sous l'impulsion notamment de Nicolas Sarkozy, la délinquance ne cesse de diminuer. Mme Elisabeth Guigou - Pas les agressions contre les personnes ! M. le Rapporteur - Aborder la question de la récidive, c'est engager le second acte de la lutte contre l'insécurité en s'attaquant au noyau dur de la délinquance. C'est aussi faire accéder au débat public un phénomène mal connu - si ce n'est des magistrats, des policiers ou des criminologues - et donc faire œuvre de pédagogie démocratique. Notre commission des lois s'honore d'en avoir été à l'origine. Son diagnostic est à la fois simple et précis. La récidive est une réalité insuffisamment prise en compte aujourd'hui, et ce à tous les stades de la chaîne pénale. C'est forte de ce constat que l'Assemblée avait adopté une proposition de loi dont l'objectif était double : réprimer plus sévèrement les récidivistes, prévenir plus efficacement la récidive grâce à un meilleur suivi des condamnés les plus dangereux. Or, le Sénat en a profondément modifié le texte, n'adoptant que quatre articles sans modification, en supprimant onze et en insérant six nouveaux. Je le déplore, vu l'important travail préparatoire dont ce texte avait fait l'objet. La Haute Assemblée a adopté conforme l'article premier qui élargit les catégories de « délits assimilés ». Désormais, toute infraction de violence volontaire, ou commise avec la circonstance aggravante de violence, constitue une même infraction au sens de la récidive, qu'elle ait eu lieu contre les personnes ou contre les biens. Le Sénat a également adopté conforme l'article 3, qui limite à deux le nombre des condamnations assorties de SME pouvant être prononcées à l'encontre d'un prévenu en situation de récidive, ce nombre étant abaissé à un seul lorsqu'il s'agit d'une récidive en matière d'agression sexuelle. Il s'agit de rétablir la crédibilité de la sanction pénale. En revanche, le Sénat a supprimé l'article 5 qui limitait le crédit de réduction de peine accordé aux récidivistes, ainsi que les articles 7 à 12 organisant la mise en œuvre du placement sous surveillance électronique mobile des criminels sexuels les plus dangereux sur l'ensemble du territoire national. L'article 7 introduisait une nouvelle section dans le code pénal permettant à la juridiction de jugement de prononcer, « à titre de mesure de sûreté », le placement sous surveillance électronique mobile des personnes condamnées à une peine supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement pour un crime ou un délit sexuel. L'article 8 prévoyait que l'évaluation faite par le juge de l'application des peines devait débuter au moins deux ans avant la levée d'écrou et que le placement sous surveillance électronique était ordonné par le tribunal de l'application des peines à titre de mesure de sûreté. Le PSEM ayant un intérêt dans le cadre du suivi socio-judiciaire, l'article 12 en faisait une des modalités de l'exécution de ce suivi. C'est parce qu'il a jugé « prématuré, compte tenu des incertitudes techniques et juridiques soulevées par le PSEM de fixer, d'ores et déjà, dans notre droit pénal, un cadre juridique spécifique pour ce dispositif », que le Sénat a supprimé ces dispositions. Toutefois, et cela peut sembler paradoxal, la Haute Assemblée a prévu dans un article 8 bis A nouveau, le recours au bracelet GPS dans le cadre de la libération conditionnelle assortie d'un suivi socio-judiciaire. Cela me laisse perplexe : ce qui est considéré comme prématuré venant de l'Assemblée nationale ne l'est plus venant du Sénat... Cela me fait penser à la phrase de Pascal : « Vérité au-delà des Pyrénées, erreur en deçà. » J'ose exprimer le vœu que, sur un tel sujet, les massifs du jardin du Luxembourg ne se transforment pas en chaîne montagneuse pour séparer nos deux assemblées. Sur le fond, le dispositif proposé par le Sénat diffère notablement de celui que nous avions retenu. Ce dernier tendait à placer sous surveillance électronique mobile les délinquants sexuels les plus dangereux qui refuseraient de se plier aux mesures de contrôle et d'assistance prévues dans le cadre de la libération conditionnelle. Prévoir le placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre de la libération conditionnelle présente un intérêt, et nous en acceptons le principe, même si cette disposition est étrangère à l'objectif que nous poursuivons. Excipant d'une inconstitutionnalité discutable, le Sénat a également supprimé l'article 16, qui permettait de placer sous surveillance électronique les délinquants sexuels dont la condamnation est définitive au moment de la publication de la proposition de loi. Un certain nombre de dispositions ont par ailleurs été modifiées par le Sénat : l'article 2, qui définissait à droit constant la réitération d'infractions, le rapporteur de la commission des lois craignant une dérive du droit pénal « vers un système à l'américaine » ; et l'article 4, qui prévoyait l'incarcération, dès le prononcé de la peine des personnes en état de récidive légale en matière sexuelle ou pour des faits de violence quel que soit le quantum de peine prononcé, le Sénat ouvrant seulement au juge la faculté, et non l'obligation, de décerner un mandat de dépôt. Enfin, le Sénat a souhaité, par des articles nouveaux, d'une part organiser le PSEM dans le cadre de la libération conditionnelle assortie du suivi socio-judiciaire (article 8 bis A) d'autre part autoriser le médecin traitant agréé à prescrire des médicaments réduisant la libido du condamné, avec l'accord de ce dernier (article 13 bis). Face au nombre et à la portée des différences séparant les deux Assemblées, le pragmatisme et la détermination s'imposent. Avec pragmatisme, adoptons certaines dispositions nouvelles ou modifiées qui sont autant de propositions constructives. Tel est le cas des dispositions relatives à la libération conditionnelle assortie du suivi socio-judiciaire et à la prescription de médicaments inhibant la libido. En revanche, il ne saurait être question d'abandonner notre objectif d'améliorer l'évaluation de la dangerosité des condamnés afin de renforcer leur suivi. C'est pourquoi la majeure partie des dispositions adoptées en première lecture par l'Assemblée doivent être rétablies, qu'il s'agisse de la limitation du crédit de réduction de peine pour les récidivistes, ou de l'incarcération dès le prononcé de la peine des récidivistes violents ou sexuels, sauf décision contraire du juge. Comme l'a montré l'excellent rapport de M. Fenech, le PSEM ne sera pleinement efficace que grâce à un encadrement et à un suivi renforcés. Ainsi que l'Assemblée l'avait proposé, mais de façon incomplète, différentes mesures de contrôle et d'assistance permettront de s'assurer du suivi des condamnés les plus dangereux à leur sortie de prison. Compte tenu du caractère restrictif du champ d'application du suivi socio-judiciaire, ce dernier doit en outre être élargi aux auteurs de meurtre, d'assassinat, de séquestration et d'enlèvement, ainsi qu'à tous les multirécidivistes, comme l'a proposé la commission des lois à l'initiative de son président. La commission a par ailleurs enrichi le texte de nouvelles dispositions tendant, notamment, à étendre le champ d'application du SME et la durée de mise à l'épreuve, à supprimer l'obligation de motivation spéciale des jugements prononçant une peine d'emprisonnement ferme correctionnelle ou encore à offrir la possibilité pour la cour d'assises de porter à vingt-cinq ans la durée de la période de sûreté. Enfin, il ne semble pas responsable d'exclure la possibilité d'assujettir au PSEM tous les condamnés sexuels dont le jugement sera définitif au moment de la publication de la présente loi. N'oublions pas en effet que près de 40 % des détenus entrant en détention sont des délinquants sexuels, et que plus de 5 000 condamnés incarcérés sont des violeurs. Sans suivi, certains d'entre eux sont de « véritables à bombardement » car ils récidiveront. Il n'est certes pas de réponse aisée face à ce problème, mais il est de notre devoir de rechercher une solution. Le PSEM, en exerçant une contrainte psychologique sur les condamnés, préviendra ainsi certains passages à l'acte. Notons d'ailleurs qu'il ne s'agit pas d'une peine, mais d'une mesure de sûreté visant à prévenir la récidive et à faciliter l'indentification de ses auteurs. Le PSEM peut donc être assimilé à une mesure de police, à laquelle le principe de non-rétroactivité de la loi n'est pas opposable : le Conseil constitutionnel a en effet admis la création du fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles - FIJAIS - qui emporte lui aussi des obligations nouvelles pour des personnes dont la condamnation était définitive ou exécutée au moment de l'entrée en vigueur de la loi. Un autre élément de réponse est apporté par la proposition du Gouvernement de mettre en place une « surveillance judiciaire ». Peu importe quelle solution sera finalement retenue ; ce qui doit nous guider, c'est avant tout l'efficacité la plus grande possible au service des victimes passées et le souci absolu d'en éviter de nouvelles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice - L'importance du texte aujourd'hui examiné n'échappe à personne, car la lutte contre la récidive, spécialement pour les crimes les plus graves, constitue une mission essentielle de l'institution judiciaire, qui doit protéger la société contre les criminels. Cette question présente évidemment à mes yeux une importance particulière. Dans mes précédentes fonctions de président de votre commission des lois j'ai en effet été à l'origine de la création de la mission d'information sur le traitement de la récidive et de l'élaboration de cette proposition de loi. J'ai la responsabilité de la suivre aujourd'hui, au nom du Gouvernement, en tant que Garde des Sceaux. Je voudrais commencer par examiner l'état du texte qui résulte des premières lectures à l'Assemblée et au Sénat. Sur de nombreux points, des dispositions de nature à améliorer le traitement de la récidive ont été adoptées, en tout ou partie, en des termes conformes par les deux chambres, et il convient de s'en féliciter. Je pense tout d'abord à l'extension des délits assimilés au regard de la récidive : traite des êtres humains et proxénétisme, violences et délits avec la circonstance aggravante de violences. Une personne condamnée pour vol avec violences qui commet ensuite des violences volontaires sera donc considérée comme récidiviste, ce qui n'est pas le cas actuellement. Mais je pense également à la limitation du nombre des sursis avec mise à l'épreuve pouvant être accordés à un récidiviste. Ainsi, un récidiviste ayant déjà bénéficié d'un sursis avec mise à l'épreuve ne pourra à nouveau bénéficier de cette mesure qu'une seule fois. S'il s'agit de faits de violences, il ne pourra pas avoir droit à nouveau au SME. Je me félicite aussi de la possibilité donnée au tribunal de relever d'office l'état de récidive, à condition que le prévenu puisse, en présence de son avocat, s'expliquer sur cette circonstance aggravante. Actuellement, si le parquet n'a pas visé la récidive dans l'acte de poursuite, il est en pratique impossible d'en tenir compte lors de l'audience. Il convient enfin de citer les diverses améliorations concernant le suivi socio-judiciaire, qui ont déjà fait l'objet d'un vote conforme. Un accord est ainsi intervenu sur la reconnaissance du rôle des psychologues, l'extension du suivi socio-judiciaire à d'autres infractions, comme les tortures et actes de barbarie ainsi que sur la consécration législative des traitements chimiques inhibant la libido, qui sont actuellement insuffisamment employés faute d'être expressément autorisés par la loi. Mais cette deuxième lecture sera également l'occasion de renforcer la lutte contre la récidive en améliorant le texte sur de nombreux autres points. La commission des lois a ainsi adopté un certain nombre d'amendements qui reçoivent dans leur principe l'accord du Gouvernement, car ils reprennent des dispositions qui figuraient dans le texte initial, ou bien qui le complètent utilement. Il s'agit notamment des amendements relatifs aux peines ou à leur prononcé, prévoyant l'obligation de décerner un mandat de dépôt à l'audience pour les récidivistes violents, sauf décision motivée de la juridiction ; à la diminution du crédit de réduction de peine pour les récidivistes ; à l'inscription dans le code pénal des objectifs de la peine, et notamment celui de prévenir la récidive ou la réitération ; à la consécration du principe de prise en compte des précédentes condamnations pour apprécier la sévérité de la sanction ; et enfin à la possibilité d'allonger la durée des emprisonnements assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve, ainsi que la durée de l'épreuve, lorsqu'il s'agit d'un récidiviste. J'ai pour ma part déposé plusieurs amendements, adoptés par votre commission des lois, afin de renforcer l'efficacité et la cohérence de la lutte contre la récidive. Il s'agit de la prise en compte pour la récidive des condamnations étrangères prononcées dans les Etats de l'Union européenne ; de l'obligation d'une expertise tous les six mois des condamnés ayant bénéficié d'une suspension de peine pour raisons médicales en matière criminelle ; de l'augmentation du délai d'épreuve de la libération conditionnelle pour les récidivistes condamnés à trente ans de réclusion criminelle ou à la réclusion à perpétuité ; de la possibilité pour l'avocat de la partie civile d'intervenir devant le tribunal de l'application des peines, notamment en cas de demande de libération conditionnelle ; de l'extension des dispositions relatives au fichier des auteurs d'infractions sexuelles aux auteurs de tortures, ou aux auteurs de meurtre ou assassinat commis en récidive, cette extension devant renforcer l'efficacité de ce fichier, qui fonctionne depuis le mois de juin dernier ; et enfin de la consécration législative des fichiers d'analyse criminelle utilisés par la police judiciaire pour identifier les criminels en série. J'en viens maintenant aux dispositions les plus novatrices de la proposition. Le placement sous surveillance électronique permettra de localiser un condamné à sa sortie de prison. A la différence du bracelet électronique actuel, le bracelet électronique mobile n'interdira pas au condamné de se déplacer mais il alertera les autorités si la personne se rend dans un endroit qui lui est interdit. Si un crime est commis quelque part, il permettra de savoir si la personne se trouvait sur les lieux. C'est donc dans son principe un instrument de lutte contre la récidive dont l'efficacité a été soulignée par les différents experts. Vous savez que certaines dispositions adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture n'ont pas été retenues par le Sénat. Celui-ci n'a accepté le bracelet électronique mobile que comme une modalité de la libération conditionnelle. Mon prédécesseur Dominique Perben avait confié à M. Fenech une mission de réflexion sur cette question délicate. Les conclusions de son rapport, dont je souligne la grande qualité, ont en partie inspiré votre rapporteur et votre commission. Il est désormais proposé que le placement sous surveillance électronique mobile constitue une mesure de sûreté prononçable dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire. Cette solution me paraît tout à fait pertinente et doit être approuvée, de même que les modalités pratiques d'octroi ou de mise en œuvre du bracelet électronique mobile. En particulier, la mesure de placement sous surveillance électronique ne pourra être ordonnée que si la personne a été condamnée à cinq ans d'emprisonnement au moins et si sa dangerosité a été constatée par une expertise. Elle ne pourra durer que trois ans en matière délictuelle et cinq ans matière criminelle, renouvelable une fois, la durée et le renouvellement de la mesure étant décidés par le juge de l'application des peines après expertise et avis d'une commission pluridisciplinaire. Enfin, le placement sous surveillance électronique mobile pourra également être ordonné dans le cadre d'une libération conditionnelle, comme le prévoyait le Sénat. La proposition la plus importante de votre commission étant l'inscription de la surveillance électronique mobile dans le cadre du suivi socio-judiciaire, il me semble nécessaire de revenir sur cette mesure qui constitue l'un des outils juridiques les plus adaptés pour lutter contre la récidive en matière d'infractions sexuelles ou d'infractions qui supposent que leurs auteurs présentent des troubles de la personnalité susceptibles de faire l'objet d'un traitement médical. C'est d'ailleurs pour cela que je propose d'étendre le suivi socio-judiciaire aux auteurs d'incendies volontaires. M. Guy Geoffroy - Très bien. M. le Garde des Sceaux - J'en profite pour rendre hommage à mes deux prédécesseurs qui sont à l'origine de cette mesure : Jacques Toubon, qui avait déposé en 1997 un projet de loi instituant le suivi médico-social, et Elisabeth Guigou, qui a repris, précisé et mené à bien cette réforme dans sa loi du 17 juin 1998. Vous savez toutefois que depuis sa création, le suivi socio-judiciaire se heurte à des difficultés d'application. C'est pourquoi la proposition de loi permet aux médecins coordonnateurs de désigner des psychologues, et non plus seulement des psychiatres, pour suivre les condamnés. C'est également la raison pour laquelle un groupe de travail pluridisciplinaire a été mis en place depuis dix-huit mois au ministère de la justice. Après avoir procédé à une évaluation de la situation, ce groupe est en train d'achever un guide méthodologique qui sera diffusé au début de l'année 2006 afin de servir de support à la formation de l'ensemble des acteurs du dispositif. J'ai par ailleurs demandé le 28 septembre dernier à mon collègue Xavier Bertrand de renforcer le nombre de médecins coordonnateurs en revalorisant les indemnités qui leur sont dues et en augmentant de 15 à 30 le nombre de dossiers qu'ils sont habilités à suivre. L'amélioration des conditions de mise en œuvre du suivi socio-judiciaire qui résultera ainsi de l'action du Gouvernement renforcera la cohérence des modifications législatives opérées par la présente proposition. Je crois qu'il existe un consensus sur l'objectif à atteindre : il est nécessaire de permettre un contrôle, après leur libération, des personnes condamnées pour des crimes particulièrement atroces et qui présentent toujours un fort risque de récidive. Or la libération conditionnelle est par nature inenvisageable en l'espèce et le suivi socio-judiciaire n'a souvent pas été prononcé, notamment lorsque les faits ont été commis avant 1998. Ce contrôle après la sortie de prison doit, le cas échéant, pouvoir consister en un placement sous surveillance électronique mobile, mais également comporter d'autres obligations comme celles de suivre un traitement médical ou de ne pas fréquenter certains lieux. Ce contrôle doit pouvoir s'appliquer à des personnes condamnées avant l'entrée en vigueur de la proposition de loi dans la mesure où il respecte les exigences constitutionnelles. Pour atteindre cet objectif, votre commission a proposé en juillet dernier une solution similaire à ce qui avait été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale. Cette solution donne au juge de l'application des peines la possibilité de prononcer une mesure de placement sous surveillance électronique des personnes condamnées pour des faits commis avant la nouvelle loi. Cette proposition n'était valable, constitutionnellement, que parce qu'il s'agissait d'une mesure de sûreté, et non d'une peine, comme l'ont reconnu d'éminents juristes. Mais soucieux de lever tout doute constitutionnel, j'ai voulu présenter un dispositif plus complet qui insère le bracelet électronique dans une mesure globale de surveillance judiciaire. M. Guy Geoffroy - Très bien. M. le Garde des Sceaux - Je propose ainsi de créer une nouvelle modalité d'application d'une peine déjà prononcée permettant de surveiller un condamné à sa sortie de prison et pour une durée égale aux réductions de peine dont il aura bénéficié. Le juge de l'application des peines pourra, exprès expertise médicale et aux seules fins de prévenir la récidive, ordonner le placement sous surveillance judiciaire d'une personne condamnée à dix ans ou plus d'emprisonnement qui s'apprête à sortir de prison. Outre le bracelet électronique, les obligations imposées aux condamnées pourront consister en l'obligation de se soigner ou en l'interdiction de fréquenter certains lieux. En cas de non-respect de ces obligations, le juge pourra ordonner le retrait des réductions de peine, ce qui conduira à l'incarcération de la personne suivie. Il est alors clairement constitutionnel de prévoir l'application immédiate du placement sous surveillance judiciaire aux condamnations en cours d'exécution dans la mesure où il ne s'agit pas d'une peine, mais d'une modalité d'application d'une peine, et parce que les obligations imposées au condamné ne présenteront pas un caractère de sanction mais sont uniquement destinées à prévenir la récidive. Le placement sous surveillance électronique mobile n'excédant pas la durée initiale de la condamnation, il ne pourra donc pas être assimilé à une peine supplémentaire. Certes, la loi ne pourra jamais empêcher toute récidive mais nous devons faire le maximum pour les éviter dans les limites d'un Etat de droit soucieux de respecter la dignité de la personne et les libertés individuelles. Nous devons cela aux justiciables et aux victimes dont la défense des intérêts doit rester un des soucis constants du législateur et du Gouvernement. Cela suppose que la justice fasse preuve de la fermeté nécessaire à l'égard des récidivistes et qu'à l'égard des primo-délinquants - comme de ceux qui ont déjà récidivé - elle prenne, dès lors qu'un risque de récidive est avéré, les mesures de surveillance et de contrôle appropriées après la libération des personnes en utilisant pleinement les progrès de la science, tant au plan médical qu'au plan technique. C'est très précisément ce qu'a fait la loi du 17 juin 1998 avec le suivi socio-judiciaire et l'injonction de soins. C'est très précisément ce que poursuit la présente proposition avec notamment le placement sous surveillance électronique mobile et le placement sous surveillance judiciaire. Je vous demande donc, avec conviction et fermeté, d'adopter ce texte avec les amendements de votre commission des lois et du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Philippe Houillon, président de la commission des lois - La responsabilité du législateur n'est jamais aussi grande que lorsqu'il doit légiférer pour protéger la vie et assurer le respect de l'intégrité de la personne humaine. Il doit apporter les réponses attendues et adaptées sans céder aux passions et aux émotions. Alors que de récentes affaires ont dramatiquement attiré l'attention sur la récidive des infractions pénales, et plus spécialement des délinquants sexuels, il lui appartenait tout d'abord de prendre la mesure de ce phénomène insupportable. Si le nombre de détenus condamnés pour un crime ou un délit sexuel a doublé en dix ans, la récidive en ce domaine est en moyenne d'environ 2 %. Le risque de voir des violeurs récidiver est donc certain mais le nombre de récidivistes potentiels n'est pas tel qu'il empêche de trouver les moyens législatifs nécessaires pour tenter de le réduire à néant, ou à tout le moins de le réduire très substantiellement, le risque zéro n'étant jamais définitivement acquis. Face à un texte profondément modifié par le Sénat, nous avons, au mois de juillet dernier, examiné à nouveau avec attention l'ensemble du dossier. A cette occasion, nous avons évidemment réétudié la question du placement sous surveillance électronique mobile - le fameux bracelet électronique. Celui-ci est intégré dans le cadre du suivi socio-judiciaire mis en place depuis 1998 : le recours à cette mesure est possible pour les auteurs de crime ou délit sexuel lorsque la juridiction a prononcé un suivi socio-judiciaire. Le PSEM est alors ordonné, dans ce cadre, « à titre de mesure de sûreté », et non pas de peine. Encore faut-il préciser qu'il n'est applicable qu'à l'encontre d'une personne condamnée à une importante peine d'emprisonnement - au moins cinq ans -, dont une expertise médicale a constaté le risque de récidive et lorsque cette mesure semble indispensable pour la prévenir. Pour compléter le dispositif et afin d'en assurer l'efficacité, nous avons prévu, à titre transitoire, la possibilité de placer sous surveillance électronique mobile des criminels et délinquants sexuels dont la condamnation est définitive. Comme le Conseil constitutionnel l'a admis pour le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, le FIJAIS, nous avons estimé que le placement sous surveillance électronique n'était pas une peine ni une sanction mais une simple mesure de sûreté destinée à prévenir le renouvellement d'infractions. Dès lors, le principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale ne lui est pas applicable. Un professeur de droit constitutionnel, observateur avisé mais peu suspect de complaisance à l'égard de la majorité, a fait la même analyse. Prolongeant les initiatives de la commission tendant à renforcer le contrôle des condamnés les plus dangereux, le Gouvernement nous propose un nouveau dispositif de « surveillance judiciaire ». Il concerne les personnes condamnées à plus de dix ans d'emprisonnement pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, à savoir les délinquants sexuels ou les criminels violents. Le juge de l'application des peines pourrait leur imposer, outre le port du bracelet, comme le proposait la commission, un suivi médical ou l'interdiction de se rendre dans certains lieux ou encore de rencontrer la victime. Ce dispositif s'appliquerait pour la période entre la libération du condamné grâce aux réductions de peine et la fin de la peine initiale. L'idée n'est pas nouvelle : l'article 721-2 du code de procédure pénale, introduit par la loi du 9 mars 2004, autorise déjà le juge de l'application des peines à interdire au condamné libéré de rencontrer la partie civile pendant une durée qui ne peut excéder le total des réductions de peine dont il a bénéficié ou encore à lui imposer d'indemniser la partie civile. Or le Conseil constitutionnel n'a émis aucune réserve sur ce point. L'amendement du Gouvernement sur la « surveillance judiciaire » s'inscrit dans cette logique, dont s'inspire également l'amendement 66 de M. Caresche qui offre au juge de l'application des peines la faculté d'enjoindre au condamné libéré grâce aux différentes réductions de peine de suivre un traitement médical ou psychologique. Ces modifications législatives sont possibles car, si la réduction de peine ordinaire est accordée à chaque condamné incarcéré et calculée sur la durée de sa condamnation, elle n'a pas le statut d'un droit acquis sans condition et accordé indéfiniment. Elle peut en effet être révoquée dans plusieurs cas, notamment lorsque le condamné libéré ne respecte pas, pendant la période équivalent à la durée de la réduction de peine, les obligations qui lui ont été imposées par le juge de l'application des peines. C'est parce que le crédit de réduction de peine ordinaire est un droit sous condition, que le législateur peut en modifier ou compléter les modalités juridiques, dès lors qu'il le fait pour une durée n'excédant pas celle de la peine initiale. D'ailleurs, allant au-delà de ce que prévoit le texte, le législateur peut imposer à des condamnés ayant définitivement exécuté leur peine des mesures de contrôle nouvelles, dès lors que ces dernières ne sont « pas une sanction mais une mesure de police destinée à prévenir le renouvellement d'infractions et à faciliter l'identification de leurs auteurs », aux termes du considérant 91 de la décision du Conseil constitutionnel du 2 mars 2004, concernant le FIJAIS. Et dans le cas présent, il s'agit bien de prévenir de nouvelles infractions sexuelles par les personnes condamnées pour de tels faits en connaissant leur lieu de résidence et en les obligeant à venir régulièrement « pointer » au commissariat. A cet égard, et comme l'a déclaré hier le procureur général de Paris dans la presse, entre le fichier automatisé et le placement sous surveillance électronique mobile, il y a une différence de degré et non de nature. Je vous propose donc d'adopter les amendements du Gouvernement, pour parvenir à un texte qui devrait être consensuel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement. M. Christophe Caresche - La récidive est un sujet grave, qu'il faut traiter de façon responsable, pour y apporter des réponses, mais sans tromper les Français. L'autorité publique doit bien sûr lutter contre la récidive en adaptant la législation et en adoptant de nouveaux dispositifs comme la surveillance électronique mobile. A ce sujet, nous n'avons pas de divergence et nous-même avions d'ailleurs créé le suivi socio-judiciaire et le fichier des auteurs d'infractions sexuelles dont tous reconnaissent la pertinence, et fait voter en 1997 la loi sur la surveillance électronique. Mais il faut aussi dire aux Français que le risque zéro de récidive n'existe pas et qu'aucun juge, aucun médecin ne peut le conjurer totalement ; que la prison n`est pas la solution miracle. Sauf à y maintenir à vie les délinquants - peut-être certains y songent-ils ? -, ils finissent par sortir. La vraie question est de savoir avec quelles possibilités de réinsertion et avec quel accompagnement. On le sait, la récidive se joue à ce moment charnière où le détenu sorti de prison se trouve livré à lui-même. Le vrai scandale qu'il faut dénoncer, ce n'est pas qu'un détenu sorte avant la fin de sa peine, c'est qu'il n'ait bénéficié d'aucun suivi en prison ou à sa sortie. Force est de constater que cette approche n'a pas été celle du Gouvernement au cours de l'examen, chaotique, de cette proposition. Depuis la création de la mission d'information sur la récidive, nous avons en effet le sentiment que s'est produit une fuite en avant législative. La mission avait bien travaillé, posant un diagnostic objectif : si les taux de récidive sont importants - autour de 30 % - pour la petite délinquance, ils restent mesurés pour la criminalité, à moins de 5 %. Donc, si trop de criminels récidivent, la plupart ne récidivent pas. La mission avait également souligné les carences quant aux moyens des services de suivi en prison et après, des services de probation, et des personnels et magistrats d'application des peines, qui restent les parents pauvres du système judiciaire. A partir de ces constats, on pouvait élaborer une politique sérieuse. Or le processus législatif s'est emballé, sous la pression des événements, et aussi du ministre de l'Intérieur, qui fut d'ailleurs à l'origine de la création de la mission, suite à une proposition déposée par les députés de l'UMP à sa demande sur la problématique des peines plancher M. Jean-Luc Warsmann - Par des députés de l'UMP. M. Christophe Caresche - Par des députés de l'UMP, nombreux. D'ailleurs, Monsieur le Garde des Sceaux, et je vous en donne acte, vous avez rejeté cette problématique, pour des raisons d'inconstitutionnalité et de nécessaire individualisation des peines. Ce qui prouve qu'il faut toujours respecter la Constitution. M. le Garde des Sceaux - C'est bien mon avis. M. Christophe Caresche - D'abord, donc, en première lecture, on introduisit le bracelet électronique mobile dans une totale improvisation - ce qui explique qu'après le vote du Sénat, le projet ne contienne plus de mesure de sûreté s'ajoutant à la peine au-delà de la durée initialement prévue. M. le Rapporteur - Attendez les amendements. M. Christophe Caresche - Puis en juillet dernier, après qu'un délinquant libéré sous condition a récidivé, le ministre de l'Intérieur a mis en cause le magistrat et on a déposé une série d'amendements visant à rendre plus difficile l'obtention de la libération conditionnelle, alors même que la mission avait jugé qu'on recourait insuffisamment à ce bon dispositif. Avec les amendements déposés par le Gouvernement et par des parlementaires de l'UMP, nous avons l'impression d'avoir affaire à un nouveau texte. En réalité, vous n'avez cessé de fluctuer, et ce maelström législatif est loin d'être terminé. En effet, le Sénat vous a infligé un désaveu cinglant en première lecture. Rarement un texte y aura connu un tel échec, y compris avec une majorité de gauche à l'Assemblée nationale. Sur les 18 articles du texte du rapporteur, le Sénat n'en a adopté que quatre ; il en a supprimé onze et en a voté six nouveaux. Il a repris l'essentiel des critiques que nous avions formulées en première lecture. M. Guy Geoffroy - C'est merveilleux ! M. Christophe Caresche - C'est la réalité ! Il a supprimé le dispositif de surveillance électronique que vous aviez conçu. Il a jugé excessives et inadaptées plusieurs mesures d'alourdissement des sanctions pour les récidivistes. Ce travail, mené dans le consensus au Sénat, aurait pu constituer une base de discussion susceptible de réunir les deux assemblées. Nous étions prêts à voter le texte amendé par le Sénat. M. Guy Geoffroy - Caresche au Sénat ! M. Christophe Caresche - Mais vous avez balayé les objections du Sénat et rétabli presque toutes les dispositions qu'il avait rejetées. M. Guy Geoffroy - C'est très bien ainsi ! M. Christophe Caresche - Cela entraînera d'autres lectures. En outre, plusieurs amendements émanant de la majorité et du Gouvernement portent sur des sujets qui n'ont jamais été évoqués par la mission d'information ou en première lecture, et qui sont contraires aux recommandations sénatoriales. Quelles sont donc vos intentions réelles ? Souhaitez-vous parvenir à un accord rapide avec le Sénat, permettant l'application du texte dans les prochaines semaines afin de répondre à l'urgence de la situation - qui justifie à vos yeux l'adoption de lois rétroactives ? Renoncez alors aux dispositions que le Sénat rejettera, au risque de ne plus pouvoir vous prévaloir de l'insuffisance de la loi ou de l'irresponsabilité des juges. Nous avons été aussi choqués que vous par les crimes récemment perpétrés, et notamment par la récidive d'un auteur de viols dont les victimes nous avaient déjà, il y a quelques mois, signalé la dangerosité. C'est votre gouvernement qui était en place ! Avant d'imaginer de nouveaux dispositifs, appliquez donc ceux qui existent. Dans certaines juridictions, l'absence de médecin coordonnateur empêche le suivi socio-juridique. Dans certaines prisons, les délinquants sexuels ne voient jamais un psychiatre ou un médecin. La plupart des détenus sortent d'ailleurs de prison sans accompagnement ni suivi. Vous le savez, puisque M. Warsmann lui-même vous l'a dit et a demandé un plan d'urgence pour l'application des peines. Où en est-il ? J'en viens aux motifs de cette exception d'irrecevabilité. M. Guy Geoffroy - Il est temps ! M. Christophe Caresche - C'est le respect de la constitution et des principes fondamentaux qui permet à la justice de s'exercer. Le journal Libération se demandait hier comment on peut condamner le meurtre ou le viol d'un enfant si, dans le même temps, on remet en question le texte même qui permet leur condamnation. D'autre part, à supposer que les parlementaires ne soulèvent pas l'inconstitutionnalité d'un texte, le juge pourra s'en charger. C'est un point discutable, mais plusieurs constitutionnalistes reconnus considèrent que le juge peut apprécier la constitutionnalité d'une loi et choisir de l'appliquer ou non en l'espèce. Ainsi, il pourrait prononcer des exceptions d'inconstitutionnalité comme il le fait en matière d'inconventionnalité et d'illégalité. Ne dites pas, Monsieur le ministre, que l'absence de saisine du Conseil constitutionnel par les parlementaires permet l'adoption de dispositions rétroactives, car tôt ou tard, leur application deviendra problématique et le législateur s'en ressaisira. Dans cet esprit, je doute de la pertinence constitutionnelle de votre dispositif de surveillance judiciaire. Nous ne récusons pas le bracelet électronique mobile, car nous sommes favorables à toute avancée technologique ouvrant une voie alternative à la prison - nous l'étions déjà lors de son adoption en 1997. Toutefois, ce dispositif contraignant doit être utilisé dans le respect des libertés individuelles et de manière proportionnée. C'est pourquoi nous avons rejeté, en première lecture, votre proposition excessive et improvisée de créer avec ce bracelet une mesure de sûreté après la peine pouvant durer jusqu'à trente ans. Le Garde des Sceaux de l'époque partageait certainement notre avis, puisqu'il a confié, le jour même de la séance, une mission d'étude à M. Fenech sur le sujet. Le Sénat a rejeté l'utilisation du bracelet électronique mobile comme mesure de sûreté mais l'a adoptée, assortie d'un suivi judiciaire, dans le cadre de la libération conditionnelle. M. le rapporteur a repris cette proposition en y ajoutant la possibilité d'utiliser le bracelet électronique mobile comme mesure supplémentaire du suivi socio-judiciaire. Nous soutenons ces deux propositions. Après tant d'atermoiements, elles définissent clairement le bracelet électronique comme peine, et non comme mesure de sûreté. En revanche, nous sommes plus réservés sur vos propositions concernant les condamnés qui n'ont pas bénéficié d'un suivi socio-judiciaire mais qui préfèrent une sortie de prison sans contraintes à une libération conditionnelle. A ce titre, nous avons déposé un amendement tendant à assortir la sortie de prison - même après réduction de peine - d'un suivi médical contraignant pour les délinquants sexuels condamnés à de longues peines. Tout condamné, notamment en matière de délinquance sexuelle, devrait bénéficier, pendant et après sa peine, d'un suivi médico-psychologique. M. le Garde des Sceaux - Très bien ! M. Christophe Caresche - Ce n'est certes pas une panacée - n'attendons pas tout du médecin - mais le traitement de la dimension pathologique de la délinquance sexuelle limite la récidive. Vous proposez un suivi socio-judiciaire assorti du bracelet électronique mobile dans le cadre des réductions de peine. L'objectif est compréhensible, mais vous en connaissez les objections : le suivi socio-judiciaire est assimilé à une peine, et prononcé avec la condamnation. S'il est utilisé après une réduction de peine, il devient lui-même une peine supplémentaire. C'est certainement ce qui vous a poussé à revoir la terminologie et à employer l'expression de « surveillance judiciaire ». La même objection vaut pour le bracelet électronique mobile : est-ce une peine ? M. Fenech tranche la question à la page 54 du rapport de la mission d'information : la surveillance électronique mobile restreint fortement la liberté d'aller et de venir et a un impact sur la vie de famille ; au regard des droits français et européen, c'est donc une peine. M. Fenech propose donc de limiter à deux ans le port du bracelet électronique mobile, et préconise le consentement de l'intéressé. Ce n'est pas ce dispositif que vous défendez. Le bracelet électronique de première génération n'a pas connu le développement escompté à ses débuts, en 1997. Dix ans plus tard, moins de 800 condamnés en bénéficient. L'administration pénitentiaire a du mal à le généraliser, et l'utilisation du bracelet électronique mobile, plus sophistiqué, qui réclame un suivi plus important, ne permettra vraisemblablement pas de surmonter les difficultés. Il faudra plusieurs années pour développer ce dispositif de manière efficace... M. Guy Geoffroy - Voilà pourquoi il faut le mettre en place tout de suite ! M. Christophe Caresche - ...et il faudra aussi des moyens. Tels sont les éléments que je voulais soumettre à notre discussion. Je crois avoir soulevé un certain nombre d'objections. Mais l'important est surtout que davantage de moyens soient donnés aux personnels chargés du suivi des condamnés, car la récidive est surtout liée aux conditions d'emprisonnement et de sortie des détenus. Or, en la matière, on ne peut que regretter votre immobilisme, Monsieur le Garde des Sceaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. le Garde des Sceaux - Sur ces questions juridiques, il faut être précis. Je commencerai par quelques chiffres, que je trouve pour ma part plutôt encourageants. En 2004, 18 000 mesures d'aménagement de peines ont été prises, contre 15 000 les années précédentes. Et nous pensons que l'on arrivera à un total de 20 000 en 2005. Quant aux bracelets électroniques - je parle des fixes, pas des mobiles - qui, je le rappelle, se substituent à la prison, on en dénombre 1 000... M. Hervé Morin - C'est une mesure de substitution de peine. M. le Garde des Sceaux - Non, justement. Quand le bracelet se substitue à la peine, il est lui-même une peine. Mais quand le bracelet électronique mobile n'est pas décidé par la juridiction de jugement mais constitue une modalité d'application de la peine, il est une mesure de sûreté et le problème de la rétroactivité ne se pose alors pas. La mesure peut être d'application immédiate. Il convient donc de bien distinguer le bracelet qui constitue une peine et celui qui n'est qu'une modalité d'application de la peine. Dans le premier cas, la rétroactivité de la loi pénale la plus dure n'est évidemment pas possible. Dans le second, nous voyons bien que le bracelet électronique se substitue à l'emprisonnement, ou plutôt en l'occurrence à la réduction de peine - qui n'est pas un droit pour le détenu. Prenons l'exemple de quelqu'un qui est condamné à vingt ans de détention et qui, par hypothèse, bénéficie de trois ans de réduction de peine : diverses modalités d'applications de peine sont alors possibles, parmi lesquelles le port du bracelet pendant la durée de cette réduction de peine, à savoir trois ans. S'il advenait que cette personne ne se conforme pas à ses obligations, elle serait remise en prison pour achever la durée maximale initiale à laquelle elle avait été condamnée. Voilà ce qui est proposé. Je vous promets que c'est constitutionnel, même si c'est ardu. Je reconnais avec M. Caresche que les premières propositions de la commission des lois n'étaient pas complètement abouties, mais je pense que maintenant tous les doutes sont levés. M. Hyest, qui est l'homologue de M. Houillon au Sénat, et M. Mercier, qui est le président du groupe UDF au Sénat, m'ont d'ailleurs dit qu'ils étaient désormais totalement convaincus de la constitutionnalité du nouveau dispositif. C'est pourquoi j'invite l'Assemblée à repousser cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. le Rapporteur - J'ai été frappé par le ton modéré de M. Caresche, qui tranchait agréablement avec les condamnations sommaires que nous avons entendues parfois. Il a ainsi reconnu que l'esprit de la proposition de loi que M. Clément et moi avions déposée était tout à fait conforme aux conclusions de la mission d'information dont j'ai été le rapporteur et dont M. Caresche faisait partie. Mais il nous reproche d'avoir évolué, alors qu'il me paraît tout à fait normal que les modalités du texte évoluent entre deux lectures, et alors que lui-même a évolué. M. Caresche dit que nous avons changé de monture en raccrochant le bracelet électronique mobile au suivi socio-judiciaire. Non, nous en faisions dès le début une modalité du suivi socio-judiciaire et dans notre esprit, il était clair que cet outil devait s'accompagner d'un suivi. Je note que le Sénat a lui aussi évolué, puisque, après avoir considéré le PSEM comme prématuré, il l'a tout de même retenu pour la libération conditionnelle. Je pense qu'il peut encore évoluer. Nous avons quant à nous tenu compte de sa réflexion sur ce dernier point. C'est cela, le travail parlementaire ! M. Caresche nous reproche aussi d'avoir changé d'idée en laissant de côté le cas des personnes déjà condamnées et qui ne sont pas sous le régime du suivi socio-judiciaire. Mais je note qu'il a déposé un amendement qui est bon et qui montre que nous poursuivons le même objectif : tenir compte du potentiel de récidive de ces personnes. En somme, M. Caresche n'est pas contre le bracelet électronique mobile, mais il ne veut pas l'appliquer ! Ce qui nous sépare, ce sont les modalités. J'apprécie le long chemin que vous avez déjà fait et j'espère qu'il se poursuivra afin que nous arrivions à un consensus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Georges Fenech - Comme le rapporteur, j'ai le sentiment que M. Caresche a soulevé cette exception d'irrecevabilité du bout des lèvres. Il a d'ailleurs rappelé avec beaucoup d'honnêteté l'intérêt qu'il portait au bracelet électronique. Ne parlons pas pour autant à son propos de « mesure phare », ce n'est qu'un outil parmi d'autres. M. Caresche a parlé de processus législatif chaotique. C'est son propos qui le devient quand il se déclare pour le bracelet électronique mobile et pour la prévention de la récidive tout en s'opposant à ce texte, alors que celui-ci n'appelle plus les critiques qu'initialement il pouvait susciter. M. Caresche essaie d'opposer le Sénat et l'Assemblée. Mais il est tout à fait normal que le Sénat ait préféré attendre les conclusions de la mission que le Garde des Sceaux m'avait confiée sur le bracelet électronique avant d'adopter certains articles. Il a en quelque sorte suspendu son jugement. Ce n'est pas de l'antagonisme, mais de la cohérence. Vous avez par ailleurs laissé entendre que le juge était juge de la constitutionnalité des lois. M. Christophe Caresche - Je n'ai pas tout à fait dit ça ! M. Georges Fenech - Il est juge de la conventionalité et peut examiner des exceptions d'illégalité, mais le tribunal n'est pas le lieu où l'on soulève la question de la constitutionnalité des lois. Parlant toujours du bout des lèvres, vous avez exposé votre « doute » sur la constitutionnalité de la mesure. C'est ce même doute qui a poussé le Gouvernement à l'encadrer le plus strictement possible. Il ne s'agit, au final, que d'une modalité d'exécution d'une peine complémentaire ou d'une réduction de peine. M. le Garde des Sceaux - Non ! Plusieurs députés socialistes - Quel aveu ! M. Georges Fenech - Une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire ! Le bracelet électronique n'est pas une peine complémentaire, mais une modalité d'exécution ! Mais le garde des Sceaux l'a expliqué tout à l'heure beaucoup mieux que moi... Une chose est sûre, c'est que cette surveillance judiciaire paraît très bénéfique. Il me reste à saluer la sagesse des deux commissions des lois et à dire que nous rejetterons unanimement cette exception d'irrecevabilité pour pouvoir examiner ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Mme Elisabeth Guigou - Nous souhaitons tous améliorer l'efficacité de la lutte contre la récidive et pensons tous en premier lieu aux victimes, telles Mme Crémel, la petite Julie ou les victimes de Patrick Trémeau. Le problème est aussi très douloureux pour la société, qui n'a pas réussi à apporter de réponse certaine et à éviter de nouveaux crimes. Mais le sujet est complexe. Il implique une multitude de d'interventions, d'instruments et d'acteurs de la société pour réduire le plus possible la récidive, tout en sachant qu'elle ne sera jamais totalement exclue. Il demande donc également des moyens considérables, ainsi qu'une approche résolue de vérité : parce que le problème est si douloureux, il est hors de question de tromper la société. C'est à ces exigences que nous jugeons votre proposition et si, comme Christophe Caresche l'a souligné tout à l'heure avec l'honnêteté qui le caractérise, vous lui avez apporté des améliorations, elle ne répond pas à ces exigences d'efficacité et de vérité. Nous n'avons rien contre le bracelet électronique : c'est nous qui l'avons institué ! Il peut être un instrument utile, surtout pour localiser des personnes qui n'ont par le droit de s'approcher de lieux précis, mais doit être utilisé dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire - et M. Fenech a eu l'honnêteté, lui aussi, de reconnaître qu'il s'agissait d'une peine, même si vous avez tenté d'embrouiller les choses. Il serait donc absurde de se priver du bracelet électronique, tout comme il le serait de le considérer comme le remède miracle. En quoi le bracelet électronique, même mobile, pourrait-il empêcher un violeur qui se promène sur les quais de la Seine de céder à une pulsion ? Conscients de cet écueil, vous proposez d'étendre et d'améliorer le suivi socio-judiciaire : nous nous en réjouissons. Nous avons d'ailleurs proposé de systématiser le suivi médical, social et judiciaire des délinquants, sexuels notamment. Mais nous savons que le suivi médical ne peut être efficace qu'avec l'adhésion de la personne concernée : le premier organe sexuel, c'est le cerveau ! Pour lutter contre des pulsions, il faut que la personne s'implique dans son traitement. Par ailleurs, il est indispensable que ce suivi commence dès le séjour en prison. Quoi qu'il en soit, rien ne se fera sans des moyens considérables. Ce qui me choque, indépendamment de la question de la constitutionnalité, c'est que vous nous présentiez un texte sur un sujet aussi grave sans le moindre commencement d'indication sur les moyens qui lui sont consacrés ! On sait que la loi de 1998 - je vous remercie de l'avoir citée - n'est pas appliquée faute de moyens. Nous n'avons pas assez de psychiatres, de conseillers d'insertion et de probation ni de juges d'application des peines, et une loi sans moyens ne fait qu'aggraver le problème parce qu'on a l'illusion de l'avoir traité. Le dernier budget que nous avons eu l'honneur de faire voter à l'Assemblée nationale, en 2002, prévoyait 2 750 créations d'emplois au ministère de la justice. Pour 2005, nous sommes tombés à 1 170 créations, et 500 pour l'année prochaine ! De qui se moque-t-on ? L'an prochain, les crédits servant, entre autres, aux prélèvements génétiques qui alimenteront le fichier d'empreintes génétiques vont être diminués de moitié ! Il devrait exister une règle d'éthique, de morale politique qui interdirait de présenter une loi dans cet hémicycle qui ne soit assortie des moyens de son application. Plusieurs députés UMP - Vous êtes bien placée pour en parler ! Mme Elisabeth Guigou - Votre proposition n'est donc qu'un écran de fumée. Vous ne vous attaquez pas à la racine du problème. Votre conception de l'action judiciaire se limite, hélas, à la sanction, alors que la mission de la justice, y compris de la pénitentiaire, inclut la prévention et la réinsertion. Vous vous focalisez sur l'action judiciaire alors qu'il faudrait utiliser une palette beaucoup plus large. Nous vous reprochons le manque de moyens de ce texte, nous avons un doute profond sur sa constitutionnalité, hélas renforcé par vos explications embrouillées - qui n'ont même pas convaincu M. Fenech - et nous voterons donc l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. le Garde des Sceaux - Je ne souhaite pas polémiquer, surtout avec un récent Garde des Sceaux, mais je m'étonne que Mme Guigou estime que la démocratie exige qu'on se donne immédiatement les moyens des mesures qu'on veut faire voter. Pourquoi le suivi socio-judiciaire marche-t-il si mal ? Parce que vous n'avez pas dégagé un sou en sa faveur lorsque vous avez fait voter cette loi si judicieuse ! Je vous en supplie, ayons un peu de respect les uns pour les autres ! Nous avons la chance, chacun à notre tour, de pouvoir faire passer de bonnes lois. Si je ne présentais pas ce texte aujourd'hui, croyez-vous que l'argent pour le bracelet électronique me tomberait du ciel l'année prochaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Quand nous, députés de la commission des lois, avions étudié le sujet, nous avions demandé l'avis de beaucoup de gens, dont de nombreux psychiatres. Pas un seul ne nous a dit que le violeur n'obéissait qu'à des pulsions irrépressibles : il s'agit plutôt d'un homme intelligent, qui s'arrête dès qu'il est dérangé ! S'il porte un bracelet, il sait que s'il récidive, il sera repris. D'après les psychiatres, c'est une chance très sérieuse d'empêcher les récidives. J'ai bien mis les Français en garde : ce n'est pas une solution miracle. Mais nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir, en tenant compte des progrès techniques, pour empêcher la récidive. Le reste ne nous appartient plus. Quant à l'exception d'irrecevabilité... Soutenez-la, ça m'arrange ! J'aimerais que la question soit clairement tranchée par le Conseil constitutionnel, ce qui officialisera cette mesure qui, j'en suis convaincu, aura des effets bénéfiques (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Mme Elisabeth Guigou - J'aimerais répondre. M. le Président - Chaque groupe n'a qu'un orateur, nous ne sommes pas entrés dans le débat. Mme Elisabeth Guigou - Alors je voudrais faire un rappel au Règlement. M. le Président - Vous le pourrez après les explications de vote. M. Hervé Morin - Je voudrais d'abord rappeler la gravité du sujet : le fait, pour les victimes, que la société et la République n'aient pas été en mesure d'éviter la récidive est totalement insupportable. Il faut donc mettre en œuvre tous les moyens possible, en sachant, tout le monde le reconnaît, que le risque zéro n'existe pas. Le bracelet électronique mobile doit-il faire partie des moyens du suivi socio-judiciaire ? Incontestablement, oui, mais de là à prétendre, comme l'ont fait certains, qu'il serait l'alpha et l'oméga de la lutte contre la délinquance... M. le Rapporteur - Personne n'a dit cela. M. Hervé Morin - Nous avons tous compris ce que je veux dire. Certains déclarent de même que la castration chimique serait la panacée de la lutte contre les infractions sexuelles... Le laisser croire, c'est mentir à nos concitoyens. Le port du bracelet électronique n'a de sens qu'intégré dans un dispositif plus large incluant un suivi psychiatrique et psychothérapeutique des délinquants, en prison comme à leur sortie, et une généralisation des libérations conditionnelles, à l'issue desquelles, chacun le sait, le taux de récidive est beaucoup plus faible. Ne pas avoir le courage de dire la vérité, c'est s'exposer à ce que les tenants de la castration chimique par exemple viennent dans quelque temps, après un nouveau fait divers tragique, nous reprocher de n'avoir rien fait... Le véritable problème, et je ne cherche pas à en imputer la responsabilité à tel ou tel, est que nous ne disposons pas actuellement dans notre pays des moyens nécessaires pour assurer un suivi socio-judiciaire convenable de l'ensemble des délinquants, notamment des plus dangereux d'entre eux. Ainsi, à Alençon, dans un centre de détention qui compte 600 détenus, le juge d'application des peines n'a pas un seul bracelet électronique fixe à sa disposition et il n'y a dans l'Orne que deux travailleurs sociaux pour suivre l'ensemble des personnes faisant l'objet de mesures en milieu ouvert. On compte autant de travailleurs sociaux dans la seule agglomération du Grand Londres que dans toute la France ! S'agissant de la constitutionnalité du dispositif prévu par la commission des lois, astucieusement modifié pour devenir une modalité de l'application des peines, vous avez raison, Monsieur le Garde des Sceaux : il serait bon que le juge constitutionnel, qui s'est déjà prononcé au sujet du FIJAIS, soit saisi et tranche la question, vu les débats suscités ces dernières semaines. J'en viens aux moyens. Quand en effet le bracelet électronique mobile, dont nous allons voter ce soir la mise en place, sera-t-il concrètement opérationnel ? Aucune expérimentation n'a encore été lancée et d'après l'administration elle-même, aucun bracelet ne devrait être posé avant plusieurs années. Son port revient par ailleurs à 50 ou 60 euros par jour et par personne - coût supérieur à celui d'une journée de détention. Sachant que cet équipement pourrait concerner de 600 à 6 000 individus, la mesure pourrait coûter plusieurs centaines de millions d'euros. Quand et où trouvera-t-on les crédits nécessaires ? Enfin, la question du stock de détenus d'avant 1998 potentiellement concernés se sera quasiment résolue d'elle-même, puisque la plus grande partie d'entre eux aura été libérée avant que le dispositif ne soit opérationnel, ce qui prendra, je l'ai dit, plusieurs années. Je crains donc qu'une nouvelle fois, hélas, on fasse croire aux Français, sous le coup de l'émotion, qu'on a réglé un problème, alors qu'il n'en est rien. Cela étant, nous ne voterons pas l'exception d'irrecevabilité. M. Michel Vaxès - Pour ma part, je la voterai avec conviction. L'argumentation, d'ailleurs assez embrouillée, du Garde des Sceaux, du rapporteur, du président de la commission ou encore de M. Fenech montrent bien que le problème de fond demeure quant à la rétroactivité du dispositif. Votre recul aujourd'hui, Monsieur le Garde des Sceaux, ne change en rien votre intention première. Certains de vos propos, tenus antérieurement à ce débat, vous ont valu des remarques quelque peu désobligeantes de la part du président du Conseil constitutionnel et ce n'est aujourd'hui que pour éviter la censure du juge constitutionnel que vous vous efforcez de présenter différemment les choses. Votre texte contrevient par ailleurs à plusieurs articles de la convention internationale des droits de l'enfant. Tout d'abord, son article 40 qui reconnaît aux enfants le droit de bénéficier d'une justice spécifique et de faire l'objet de procédures adaptées à leur âge, afin de favoriser leur réinsertion ; son article 37 ensuite qui demande aux Etats de veiller à ce que l'emprisonnement demeure une mesure de dernier ressort pour les mineurs. Il ne respecte pas non plus les principes rappelés par le Conseil constitutionnel lui-même dans une décision du 29 août 2002, rappelant notamment qu'il fallait tenir compte, dans le traitement de la délinquance des mineurs, de leur âge qui atténue leur responsabilité pénale et impose des obligations particulières de réinsertion à leur égard. Pour toutes ces raisons, je voterai sans hésitation cette exception d'irrecevabilité. L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée. Mme Elisabeth Guigou - Je souhaiterais maintenant répondre au Garde des Sceaux au sujet de l'application des lois. La loi de 1998 exigeait des procureurs qu'ils prononcent des injonctions de soins. De 1999 à 2002, plusieurs circulaires ont été adressées aux procureurs généraux leur demandant de requérir en ce sens. Depuis, plus rien ! Pour ce qui est des moyens, si nous n'avons, hélas, pas réussi à rattraper le retard considérable de notre pays par rapport aux autres pays européens, nous avons, nous, augmenté chaque année les crédits de la justice alors que depuis 2002, ses moyens en personnel ne cessent de diminuer et que les objectifs de la loi de programmation n'ont, à un an du terme prévu, été atteints que pour moitié. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) M. le Président - J'ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement. M. André Vallini - Cette proposition de loi se justifie, de manière plus ou moins avouée, par un prétendu laxisme judiciaire, totalement imaginaire, comme en témoignent à la fois l'augmentation importante du nombre des détenus - 62 000 au 1er juillet 2005 - et l'allongement des peines. Aujourd'hui, un tiers des condamnés à perpétuité libérés ont fait plus que vingt ans de détention, alors qu'il y a vingt ans, cette situation était exceptionnelle. Et en matière d'infractions sexuelles, les peines prononcées sont plus sévères en France que dans les autres pays européens. C'est également en France que les peines sont les plus longues. Ce texte ne répond ni à l'exigence de vérité ni à l'impératif d'efficacité. Il va à l'encontre de l'individualisation des peines, marquant ainsi une défiance à l'égard des juges. Les possibilités d'individualisation seront en effet réduites par la limitation des possibilités de mise à l'épreuve. De fait, ce texte consacre la suprématie de la solution carcérale, d'autant qu'il aboutira à un allongement des peines. Ainsi le crédit de réduction de peine serait réduit pour les récidivistes et le délai d'épreuve avant une libération conditionnelle passerait de quinze à dix-huit ans, voire vingt ou vingt-deux ans selon les cas, les cours d'assises pouvant imposer une période de sûreté de vingt-cinq ans. Or, si la peine, déjà, ne permet pas la réinsertion, pourquoi une peine plus longue serait-elle plus efficace ? Allonger le délai d'épreuve est en tout cas un mauvais signal adressé aux juridictions. Comme vous le savez, l'emprisonnement n'est en aucun cas l'outil le plus efficace pour prévenir la récidive. Les délinquants qui ont effectué leur peine sans autre aménagement que le bénéfice des grâces présidentielles et des remises de peine automatiques sont même ceux qui récidivent le plus. A l'inverse, ceux qui ont fait l'objet d'une libération conditionnelle ont un taux de récidive inférieur de moitié. Toutes les recommandations européennes prônent d'ailleurs cette solution qui a partout fait preuve de son efficacité. S'il en va de même des mesures d'accompagnement en milieu ouvert, les services pénitentiaires d'insertion et de probation manquent cruellement de moyens pour les mettre en œuvre. Alors que le rapport Warsmann préconise la création de 3 000 postes de personnels de probation, seulement 330 postes de conseillers d'insertion et de probation ont été créés depuis l'entrée en vigueur de la LOPJU et 200 postes créés en 2005. Fin 2004, seulement 40 % des dossiers étaient suivis par les juges d'application des peines, chargés théoriquement de 1 200 dossiers chacun. L'immense majorité des mesures de mises à l'épreuve ne reçoit donc même pas de début d'exécution. Ajoutons que moins de 10 % des agents de l'administration pénitentiaire sont employés dans le milieu ouvert, et qu'il n'y a actuellement, en France, que 2 500 agents au sein des services pénitentiaires d'insertion et de probation pour suivre environ 130 000 personnes. Quant à la loi de 1998 qui propose une prise en charge psychiatrique et thérapeutique, censée débuter en prison et se poursuivre à la sortie par la mise en place du suivi socio-judiciaire avec injonction de soins, elle est totalement sous-utilisée, alors que chacun s'accorde à reconnaître son intérêt. Certains juges d'application demandent même aux tribunaux de ne pas prononcer de mesures de suivi socio-judiciaire faute de moyens, de psychiatres, et de travailleurs sociaux. Au lieu de remédier à cette pénurie, vous choisissez la fuite en avant législative en proposant un nouveau texte. Celui-ci prévoit le placement sous surveillance mobile, qui est évidemment la mesure la plus médiatisée. Mais rien ne permet d'affirmer qu'il s'agit vraiment du remède miracle qu'on présente à l'opinion. Aucune étude d'expérimentation ou de faisabilité n'est en effet disponible et les quelques rares pays qui sont intéressés par le PSEM en sont encore au stade de l'expérimentation : en Grande-Bretagne les résultats sont attendus fin 2005 et le gouvernement espagnol s'interroge sur la fiabilité du système, notamment en ce qui concerne le déclenchement d'alarmes intempestives. En tout cas, il est certain que la localisation manque encore de précision et que ce bracelet permet surtout de déclencher une alerte s'il y a violation d'une interdiction. Il s'agit donc seulement d'un outil complémentaire d'enquête qui n'empêchera pas forcément le passage à l'acte. Qui pourrait en effet affirmer que le meurtrier de Nelly Cremel n'aurait pas cédé à ses pulsions s'il avait été équipé d'un bracelet? Si la certitude d'être repris peut dissuader certains criminels sexuels, le bracelet permet seulement de déterminer où se trouvait quelqu'un à un moment précis. Il permet donc de dégager une probabilité de culpabilité et de faciliter l'enquête, rien de plus. Il faudra d'autre part attendre trois ans avant l'arrivée du premier bracelet, qui coûtera au moins 70 euros par personne et par jour, soit 153 millions d'euros par an pour 7 000 condamnés. Concernant le traitement médical, l'étude de l'INSERM annoncée en novembre 2004 par votre prédécesseur n'a pas toujours été lancée faute de volontaires. Mais vous feignez surtout d'ignorer que l'efficacité du traitement dépend de la relation patient-médecin : c'est ce dernier qui peut seul décider d'un traitement, en vertu de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades et du code de déontologie de la médecine, et les médicaments diminuant la libido ne peuvent être efficaces que sur des patients volontaires. En Suède, des patients ayant subi une castration chirurgicale ont ainsi pu récidiver en prenant de la testostérone à haute dose. Les experts estiment même qu'entre 20 % et 50 % des hommes castrés reprendront une vie sexuelle active. La principale lacune de votre proposition de loi est d'ignorer les raisons de la récidive : une population carcérale qui atteint des records historiques et qui empêche toute politique de réinsertion, une individualisation insuffisante des peines et une sous-utilisation des mesures qui ont pourtant fait leurs preuves, comme le suivi socio-judiciaire et les mesures en milieu ouvert. Pour éviter que les prisons françaises ne soient la première machine à fabriquer de la récidive, chaque détenu devrait enfin pouvoir y trouver des repères : se lever le matin, se former et travailler pour que la peine retrouve du sens. Il faudrait également soigner et suivre les 15 % de détenus souffrant de troubles psychiatriques ou de dépendances toxicomaniaques, ce qui suppose des dossiers de personnalité et des expertises psychologique ou psychiatrique dès l'incarcération. En outre, il est inconcevable de continuer à permettre des sorties sèches. Selon Mme Anne Bordier, victime du violeur récidiviste Patrick Trémeau, il est ainsi nécessaire de prévoir un examen médical avant la sortie des détenus ainsi qu'une préparation sur mesure des libérations. Quant à Brahim, braqueur récidiviste de 23 ans, il préconise de « commencer par remettre des éducateurs dans les cités et aider les détenus à réussir leur sortie. » S'il ne s'agit pas de choisir entre répression et assistance éducative ou thérapeutique, la première option doit être enrichie par la seconde. Comme le Conseil constitutionnel l'a souvent rappelé, les peines privatives de liberté ont également pour but de favoriser l'amendement du condamné et de préparer sa réinsertion. Comment ne pas évoquer enfin le dérapage qui vous a valu un rappel à l'ordre du président du Conseil constitutionnel, M. Mazeaud, et du président de l'Assemblée, M. Debré ? Si le principe de non-rétroactivité des lois pénales peut sembler bien froid et bien abstrait face à la souffrance des victimes, quelle source de droit restera-t-il, une fois la Constitution écartée ? Je tremble devant les dérives auxquelles pourrait conduire une telle démagogie pénale, transgressant les règles de l'Etat de droit et s'appuyant sur la peur, la haine et l'esprit de vengeance. Pour conclure, quelle aurait été, à votre avis, la réaction du côté de l'hémicycle où vous siégez, si les horribles affaires criminelles récentes s'étaient produites entre 1997 et 2002 ? Sur un sujet aussi complexe que la récidive, nous préférons pour notre part faire preuve de responsabilité, et rechercher l'efficacité. Reconnaissons que le risque zéro n'existe pas, à moins de rétablir la peine capitale. Remédions plutôt à l'insuffisance des moyens de la justice pénale, dont la carence est la cause de toutes les récidives, même sexuelles. Comme le disait M. Warsmann : « La priorité n'est pas d'inventer de nouvelles peines, mais de se donner les moyens d'appliquer les actes de justice. » Sous la pression démagogique exercée par le ministre de l'intérieur vous choisissez à l'inverse de faire une loi de plus, et de faire la « course à l'affichage d'une plus grande sévérité", selon l'expression de Michel Hunault. Hervé Morin, a pour sa part dénoncé hier votre volonté de « flatter l'opinion dans le sens du poil ». Monsieur le Garde des Sceaux, vous avez annoncé, avant-hier, la création d'une « commission d'analyse et de suivi de la récidive » qui aura pour mission d'évaluer l'ampleur de ce « phénomène mal connu ». La commission, précise un communiqué de la Chancellerie, s'attachera à déterminer les outils fiables pour mesurer la récidive - ce qui signifie que vous n'en disposez pas. Elle s'attachera également à analyser son évolution - ce qui signifie que vous n'en avez pas idée. Elle devra, enfin, s'attacher à formuler des préconisations pour la combattre - ce qui signifie que vous continuez à tâtonner. Vous avez eu raison d'installer cette commission, Monsieur le Garde des Sceaux, car la question de la récidive mérite moins d'improvisation et plus de sérénité. C'est pourquoi j'invite mes collègues à adopter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. le Garde des Sceaux - Je souhaite vous donner quelques informations qui, même si elles ne sont pas encore absolument certaines, me semblent fort utiles. J'ai ici un bracelet électronique : son prix est de 18 euros, et non 60. Vous le voyez, les prix baissent tous les jours (Sourires). J'ajoute que d'ici l'application effective de la loi, nous disposerons probablement d'un modèle miniaturisé. Des appels d'offres auront lieu : deux fabricants se partagent aujourd'hui le marché, l'un en Israël, l'autre aux Etats-Unis. Il y aura sans doute demain un fabricant français et vous verrez que les prix baisseront encore. Le nombre maximal de criminels sexuels ayant purgé plus de dix ans de détention et qui seraient libérés chaque année serait de l'ordre de 700. Il est probable que 10 % d'entre eux seront considérés comme potentiellement dangereux, ce qui représenterait donc 70 bracelets par an. Cela donne une idée des proportions. J'ajoute qu'il me semble très hasardeux de comparer le nombre de bracelets avec le nombre des conseillers d'insertion ou de probation, d'autant que l'on ne peut mettre un conseiller derrière chaque détenu libéré et que le rôle d'un conseiller n'est évidemment pas comparable à l'efficacité qu'on peut attendre d'un bracelet. Je rappelle que le récidiviste présumé qu'évoquait tout à l'heure un député socialiste était en fin de peine et comme il avait été condamné avant 1998, on ne pouvait pas prendre de mesure à son encontre avec l'actuelle législation. Enfin, je suis frappé par le fait que vous ayez proposé un excellent amendement en vous appuyant sur une argumentation qui vaudrait parfaitement pour le bracelet électronique mais que vous appliquez à l'injonction de soins. Nous sommes finalement très proches les uns des autres et l'important est que nous avancions ensemble et que nous répondions à ce qui est un vrai problème de société en votant ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. le Président de la commission - J'ai écouté M. Vallini avec beaucoup d'attention. Nous débattons, a-t-il dit, d'un problème grave et difficile : nous en sommes tous d'accord. M. Vallini a également affirmé que le bracelet était dissuasif. M. André Vallini - Qu'il peut l'être. M. le Président de la commission - Il a par ailleurs dit qu'il ne suffirait peut-être pas. Cela signifie donc qu'il faudrait envisager ultérieurement... M. le Garde des Sceaux - En même temps ! M. le Président de la commission - ...et en même temps d'autres dispositifs. M. Vallini n'a ainsi en rien démontré l'inefficacité de ce bracelet. Je ne comprends pas qu'il arrive à une conclusion qui contredit radicalement son argumentation. Quant à la méthode de travail, j'ai entendu parler d'improvisation et de pression. On ne peut laisser dire cela. Voilà à peu près deux ans que la commission, dans le cadre d'un débat pluraliste et après un vote d'abstention « constructive » du groupe socialiste, travaille sur ce sujet. M. Christophe Caresche - C'est quand même un travail improvisé. M. le Président de la commission - Que depuis lors des événements dramatiques soient survenus et nous aient rappelé l'importance de légiférer rapidement et aussi complètement que possible, c'est vrai, mais ce travail était engagé auparavant. Enfin, votre groupe a exprimé un doute quant à la constitutionnalité de ce texte et a déclaré à plusieurs reprises qu'il saisirait le Conseil constitutionnel. Il est sain que ceux qui doutent et qui donc n'avancent pas saisissent le juge constitutionnel et que le juge constitutionnel se prononce. Ainsi, les esprits seront apaisés. Je vous invite à ne pas voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Guy Geoffroy - N'étaient leurs conclusions, nous pourrions tous adhérer aux propos de M. Vallini. Je remarque tout d'abord qu'après une exception d'irrecevabilité un peu légère, nous avons eu droit à une question préalable dont la brièveté témoigne de l'embarras de nos collègues socialistes. Cet embarras, je le comprends d'ailleurs car nous sommes au fond tous d'accord sur l'objectif à atteindre. M. Vallini nous reproche de donner la suprématie à la solution carcérale et de pratiquer la « démagogie pénale ». Qui d'entre nous oserait prétendre que le « tout carcéral » serait la panacée ? C'est l'inverse ! Une politique pénale équilibrée repose sur une juste articulation entre la prévention et la répression. M. Vallini se demande si l'allongement des peines est un outil efficace contre la récidive. M. André Vallini - J'ai affirmé l'inverse. M. Guy Geoffroy - Vous ne l'avez pas prouvé. Un délinquant ne réfléchira-t-il pas à deux fois avant de récidiver s'il sait qu'il risque une peine plus importante ? Nous ne prétendons pas non plus que l'allongement des peines soit la panacée mais c'est un des éléments qui, peut-être, contribueront à améliorer la situation. Au demeurant, le juge reste évidemment libre d'appliquer la peine qu'il veut selon la personnalité du prévenu. M. Vallini stigmatise la sous utilisation du suivi socio judiciaire. Ce constat nous accable tous. Convenons toutefois que ce qui a été décidé en la matière en 1998 n'a jamais véritablement marché faute de moyens jusqu'en 2002. M. André Vallini - Cela fait trois ans que vous êtes au gouvernement ! Vous avez présenté trois budgets ! M. Guy Geoffroy - Nous avons précisément commencé à augmenter les moyens dans le cadre de la loi d'orientation et nous poursuivrons. Nous n'avons pas prétendu que la surveillance judiciaire constituait une mesure miracle. Ce qu'il faut, c'est tout tenter pour que les « sorties sèches » soient éliminées autant que possible et que le détenu, en sortant, soit accompagné. En comparant les moyens des services pénitentiaires d'insertion et de probation et ceux de la surveillance judiciaire, vous opposez une fois de plus artificiellement la prévention et ce que vous considérez comme étant de la répression. C'est un mauvais débat que nous devons dépasser tous ensemble. Vous nous interrogez sur les raisons profondes de la récidive. Vous savez qu'elles sont nombreuses et complexes, mais parmi elles, il y en a une que tout le monde connaît : le sentiment d'impunité. Il faut le combattre. M. Christophe Caresche - Vous êtes au pouvoir depuis trois ans ! M. Guy Geoffroy - En fait, votre jugement sur les solutions proposées dépend de ceux qui les proposent. Lorsque nous disons qu'il faut créer des juges de proximité, vous dites que ce n'est pas bien, mais lorsque c'est vous qui le proposez, alors, c'est très bien. Créer des centres éducatifs fermés ? Ce n'est pas bien, sauf si c'est vous qui le proposez. Instaurer le bracelet électronique mobile ? Ce n'est pas bien, mais si vous étiez en mesure de le faire, vous le feriez. M. Christophe Caresche - Ce n'est pas cela que nous avons dit. M. Guy Geoffroy - Voter la question préalable, c'est refuser de débattre. Après deux ans de travail pragmatique - et humble -, sans démagogie mais déterminé, pour traiter le moins mal possible de la récidive, nous voulons aller au fond. Le groupe UMP ne votera pas cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Michel Vaxès - Le groupe communiste et républicain la votera. A l'occasion de cette explication de vote, je voudrais soulever le point particulier du sort réservé aux victimes. Selon l'auteur de la proposition, désormais Garde des Sceaux, il serait au centre de ses préoccupations. Nous serions plus enclins à le croire s'il proposait dans ce texte un traitement efficace des délinquants pour enrayer la récidive. Mais il y est simplement question d'emprisonner plus longtemps les délinquants, pour les tenir à l'écart, sans leur proposer pendant ce temps d'isolement éducation, soins, prévention. Pourtant , un jour le détenu sortira, n'en déplaise au Garde des Sceaux qui fut, en son temps, un des porte-parole du vote contre l'abolition de la peine de mort - ceci éclairant peut-être cela -... M. Jacques Remiller - C'était il y a 25 ans ! M. Michel Vaxès - Comment faire croire aux victimes potentielles qu'elles seront protégées par de telles dispositions ? En réalité, elles seront exposées demain à des individus plus dangereux encore, parce qu'ils n'auront pas été pris en charge lors de leur détention. Ce n'est pas en prolongeant les peines, en prononçant plus de peines d'emprisonnement ferme, que l'on réduira la récidive. La sévérité, pour nécessaire qu'elle soit, sera inutile sans suivi éducatif, social, psychologique de grande qualité. Mais rien n'est prévu dans ce sens, et le budget 2006 ne dégage pas les moyens nécessaires. La victime est simplement un instrument, elle est abandonnée, dans votre politique pénale. M. le Rapporteur - Ce n'est pas sérieux. M. Michel Vaxès - C'est bien le cas avec vos réformes récentes, comme la procédure du plaider coupable. Comme le dit un magistrat, Denis Salas, dans un article récent, cette politique abandonne le travail auprès du délinquant pour privilégier la réparation due à la victime, mais par des réponses manipulatrices, frappées au sceau du populisme et d'une dérive émotionnelle. Les associations de victimes le savent, et réclament la mise en place d'une politique de lutte efficace contre la récidive, c'est-à-dire qui suive les détenus et leur donne les moyens de leur réinsertion. La prison seule ne peut rien résoudre. Les lois d'affichage ne résistent pas aux faits. Mais les victimes à venir en feront les frais. C'est pourquoi nous voterons cette motion. M. Hervé Morin - Ce projet a fait l'objet d'une surenchère au sein du Gouvernement, en raison de la rivalité entre le ministre de l'Intérieur et le Premier ministre. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Nous aurions aimé en traiter non dans la précipitation, mais dans la sérénité, et en abordant la problématique dans son ensemble... M. le Rapporteur - Lisez les rapports. M. Hervé Morin - Je les ai. S'en tenir à l'augmentation des peines et au bracelet électronique mobile, c'est tromper les Français. Qui croira que la peur d'une peine plus sévère aurait dissuadé Bodin ou Fourniret de récidiver ? Pour les grands psychopathes , la peine n'a pratiquement pas d'effet dissuasif. Traiter la récidive passe par une série de mesures, dont le bracelet électronique fait partie, mais qui commencent par l'obligation d'activité en prison - obliger le détenu à se lever le matin, à travailler, lire, écrire -cela passe par la limitation des sorties « sèches » et par le recours le plus large possible aux mises en liberté conditionnelles, par le suivi socio-judiciaire et l'obligation de soins. C'est ainsi qu'il fallait aborder la question, et non par l'augmentation des peines, à moins de considérer - mais qu'on le dise publiquement - que la solution est la mise à l'écart physique de ceux qu'on estime trop dangereux pour la société, sans espoir de rédemption. Dans ce cas, il faut aller au bout de la logique du cumul des peines, et condamner les individus à 100 ou 150 ans d'emprisonnement, comme aux Etats-Unis, voire rétablir la peine de mort. Seulement, si ce système était efficace, on le saurait depuis longtemps. En fait, aux Etats-Unis, le taux d'incarcération est sept fois supérieur au nôtre, mais le taux de criminalité cinq fois supérieur. Le tout répressif ne règle rien. M. Guy Geoffroy - C'est un ensemble de mesures. M. Hervé Morin - D'autre part, j'ai été en contact avec Michel Mercier, qui préside le groupe UDF au Sénat. Il m'a indiqué ne pas vous avoir eu au téléphone.... M. le Garde des Sceaux - Je l'ai vu en tête-à-tête ! (Murmures ) M. Hervé Morin - Bien, je le rappellerai... En tout cas, puisque l'on introduit le bracelet électronique mobile pour ceux qui bénéficient d'une réduction de peine, c'est ce dernier système qu'il faudrait revoir, car il empêche dans bien des cas de mettre en place une libération conditionnelle, le délai entre une sortie sèche et cette libération conditionnelle devenant très court. Enfin, on ne saurait aborder ce sujet sans parler aussi des moyens de la justice, et malheureusement, il n'y a pas de crédits pour mettre en application ces dispositions. M. Christophe Caresche - Si on laisse de côté le bracelet électronique, l'essentiel de la proposition consiste à durcir les peines pour les récidivistes.. M. Guy Geoffroy - Ce n'est probablement pas inutile. M. Christophe Caresche - ...et c'est l'objet de la plupart de vos amendements. Bref, vous choisissez une logique carcérale plutôt que l'accompagnement, le suivi des détenus et les alternatives à l'emprisonnement. Malheureusement aggraver les peines est non seulement inefficace, mais cela coûte cher. Les crédits que vous consacrez à l'administration pénitentiaire et à la construction de nouvelles places de prisons feront défaut pour améliorer le suivi socio-judiciaire, que les juges ne prononcent pas suffisamment faute de moyens pour l'appliquer. Ce choix, vous ne voulez pas le faire car, au fond, le débat se déroule dans vos propres rangs, entre ceux qui sont pour les peines plancher, les peines automatiques, le cumul de peines, comme aux Etats-Unis, et ceux - mais ils sont moins nombreux - qui, comme M. Warsmann, pensent que c'est dans l'application et le suivi des peines que se trouvent les solutions. Votre proposition de loi est le résultat de cette contradiction. Nous voulons plus de moyens pour l'accompagnement et le suivi ; vous voulez plus de prison. La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée. La séance, suspendue à 19 heures, est reprise à 19 heures 15. M. Georges Fenech - L'immense émotion suscitée ces dernières années dans l'opinion publique par des crimes impliquant des récidivistes récemment libérés a ravivé un débat récurrent sur l'action à mener pour éviter de tels drames. C'est dans ce contexte que l'Assemblée nationale doit renforcer les moyens juridiques permettant aux tribunaux de sanctionner plus fermement la récidive, et répondre à l'attente légitime de nos concitoyens. Errare humanum est, perseverare diabolicum : voilà qui doit guider l'approche du législateur. A l'escalade de la délinquance violente, il doit opposer l'aggravation de la sanction et du contrôle. Je tiens à rendre à M. Léonard, rapporteur de la mission d'information dont le texte est issu, un hommage particulier... M. Guy Geoffroy - Et mérité ! M. Georges Fenech - ...pour la qualité de son travail et la sérénité inébranlable dont il a fait preuve face aux nombreuses tentatives de désinformation. La présente proposition de loi reprend l'essentiel des recommandations de son rapport, notamment la plus novatrice d'entre elles : le placement sous surveillance électronique mobile, au sujet duquel j'ai remis un rapport à votre prédécesseur, Monsieur le Garde des Sceaux, en avril 2005. Nous arrivons ainsi au terme d'un processus parlementaire de plus de dix-huit mois, qui a beaucoup mobilisé la commission des lois. Un travail en profondeur a été mené, auquel l'opposition a apporté son « abstention constructive ». Nous devons répondre à la récidive de façon ferme, humaine et équilibrée. Il s'agit de punir plus fermement les délinquants les plus endurcis sans pour autant hypothéquer leurs chances de réinsertion. C'est autour des deux finalités essentielles de la sanction, à savoir la dissuasion et la réinsertion, que nous devons agir. La dissuasion, d'abord. Je reste convaincu, sans doute par mon expérience professionnelle, que la meilleure des préventions reste encore la certitude de la peine. Le candidat à la délinquance d'habitude doit savoir qu'en cas de récidive, il ne bénéficiera pas du même traitement qu'un primo-délinquant. Les avertissements sans frais et à répétition ne servent à rien et peuvent même constituer une forme d'encouragement à persévérer dans la voie de la délinquance. Je me félicite donc des mesures dissuasives que contient ce texte, à commencer par l'élargissement des catégories des délits assimilés au sens de la récidive. Il nous est ainsi proposé d'assimiler toutes les infractions volontaires de violences contre les personnes, notamment lorsque la violence constitue une circonstance aggravante du fait principal. La prise en compte pour la récidive des condamnations étrangères prononcées dans les Etats de l'Union européenne est aussi une mesure très opportune. Ainsi, tout en restant attaché au principe de la « récidive spéciale et temporaire » appliquée en matière délictuelle, le juge pourra mieux réprimer des comportements dangereux qui en définitive relèvent bien d'une même et unique attitude de transgression violente de la loi et d'atteinte aux personnes. Deuxième mesure novatrice : la limitation à deux du nombre de sursis avec mise à l'épreuve pouvant bénéficier à un délinquant récidiviste et à un quand il y a eu récidive en matière de violence et d'agression sexuelle. Le sursis probatoire doit avoir un sens pour le condamné qui saura qu'en cas de nouvelle récidive, c'est l'emprisonnement ferme qui s'appliquera de plein droit. Troisième mesure fortement dissuasive : à l'audience de jugement, le mandat de dépôt est appliqué de plein droit lorsque le condamné est en état de récidive légale pour les délits de violence ou d'agression sexuelle, sauf à ce que la juridiction prenne une décision spécialement motivée. Cette disposition responsabilisera davantage le juge répressif face à la délinquance répétitive. Quatrième mesure dissuasive : la limitation du crédit de réduction de peine pour les récidivistes. Il parait en effet logique qu'un récidiviste endurci ne bénéficie pas de la même bienveillance au stade de l'exécution de la peine qu'un délinquant primaire. Il s'agit là d'une simple mesure d'équité et de bon sens. Cinquième mesure importante : s'agissant des peines criminelles, le relèvement du seuil pour l'octroi d'une libération conditionnelle. Ce texte équilibré intègre parfaitement la deuxième finalité assignée à la peine : la réinsertion, étant entendu que celle-ci doit s'accompagner de la préoccupation permanente de protéger la société et qu'il ne faut pas qu'un condamné ayant purgé sa peine mais dont on peut craindre qu'il récidive en raison de sa personnalité particulière, de ses troubles de comportement, voire d'une pathologie, soit relâché dans la nature sans un contrôle strict, qui relève à la fois de la médecine, de la police et de la justice. Rappelons à cet égard que la loi du 17 juin 1998 votée sous la précédente législature, a créé la peine complémentaire du suivi socio-judiciaire. C'est incontestablement un bon moyen de contrôle des individus potentiellement dangereux qui ont purgé leur peine. Une fois libre, ils peuvent être astreints à un suivi médical, interdits de paraître dans certains lieux ou de rencontrer certaines personnes. Et c'est bien là que le placement sous surveillance électronique trouve toute son utilité. Je n'imagine pas que l'opposition le critique alors que c'est une loi de décembre 1997, sous le ministère de Mme GUIGOU, qui a institué la surveillance électronique statique et alors que le bracelet électronique mobile n'est que le prolongement technologique - plus performant - du bracelet fixe. Le bracelet électronique représente une atteinte limitée à la liberté individuelle, puisqu'il ne fait pas totalement obstacle à la liberté d'aller et venir. Il ne fait pas obstacle à la poursuite d'une vie normale et ne contrevient pas au principe de nécessité et de proportionnalité des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. La surveillance électronique ne réglera pas d'un coup de baguette magique la question de la récidive sexuelle, mais pourquoi se priverait-on d'un procédé qui assure un contrôle accru des individus les plus dangereux et qui est déjà en vigueur dans d'autres pays tels que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Espagne ? Quelques sceptiques s'interrogent sur son efficacité face à des criminels soumis à des pulsions irrésistibles qui les situent à la frontière du psychiatrique et du judiciaire. La critique n'est pas sans fondement - d'où la nécessité d'améliorer l'évaluation de la dangerosité avant de décider d'une telle mesure - mais on peut leur répondre qu'à la première récidive, l'auteur sera identifié et mis hors d'état de nuire. Un des enseignements que j'ai tirés lors de mon voyage d'étude aux Etats-Unis est que dans l'Etat de Floride, le pourcentage de révocation à la suite de la commission d'une nouvelle infraction a été, pour la période du 1er juillet 2002 au 30 juin 2003, de 0,5 % pour les condamnés sous surveillance électronique, alors qu'il s'établissait à 5,2 % pour les condamnés sous contrôle judiciaire classique. M. le Rapporteur - C'est éloquent. M. Georges Fenech - Par ailleurs, le bracelet électronique peut, parallèlement à ses vertus intrinsèques contre la récidive, devenir un outil complémentaire d'enquête, puisqu'il est possible, lorsqu'une infraction a été commise, de localiser de façon précise les personnes porteuses d'un bracelet électronique au moment de la commission de l'infraction. La surveillance électronique mobile est en adéquation avec notre temps dans la mesure où elle est davantage tournée vers une logique de prévention et de protection de la victime que de répression. C'est un procédé moderne, moralement et politiquement acceptable. Avec lui, on pourra contrôler, à cinq mètres près, le respect par le condamné d'un programme délimité par l'autorité judiciaire en fonction des faits commis. Ce programme définit des zones d'inclusion avec par exemple l'assignation à domicile à certains horaires et des zones d'exclusion telles que des lieux accueillant des enfants, des lieux fréquentés par la victime, des lieux criminogènes. Son coût pourrait se rapprocher du coût journalier de détention, voire lui être inférieur, selon le degré d'externalisation choisi. Dans mon rapport, j'avais proposé que le bracelet électronique mobile, à l'instar du bracelet électronique fixe, s'inscrive dans le cadre juridique du suivi socio-judiciaire. Je me félicite que cette proposition ait été retenue par la commission des lois. Dans cette affaire, c'est la voie de la sagesse qui l'a emporté, puisque vous nous proposez, Monsieur le Garde des Sceaux, d'abandonner le principe de la rétroactivité, qui présentait un risque d'inconstitutionnalité, tout en assortissant le crédit de réduction de peines de la possibilité d'un placement sous surveillance électronique. Pouvant s'analyser comme une mesure de sûreté, ce dispositif doit pouvoir s'appliquer immédiatement. Les Français attendent ce texte, ils nous font confiance. Ne les décevons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Philippe Tourtelier - La récidive, et plus largement la criminalité, la justice pénale, la prison, la sanction, les droits des victimes, sont des sujets graves, qui préoccupent fortement les Français et sur lesquels il faudra bien sortir du discours démagogique et électoraliste dans lequel certains se complaisent. Nous devons traiter le problème, sérieusement, efficacement, sans bafouer les droits fondamentaux de la personne garantis par la Constitution. Il serait irresponsable d'oublier les leçons de l'histoire alors que la lutte contre la récidive a été en France un sujet permanent de débats depuis deux siècles, voire une obsession. Cette histoire est marquée par une longue suite d'échecs des solutions purement répressives. Or, notre code pénal aboutit à un système dont le régime a été constamment durci : doublement des peines encourues, fortes restrictions dans l'octroi de la libération conditionnelle, réduction des aménagements de peine. Dans la pratique, les peines appliquées par les juges aux récidivistes sont beaucoup plus sévères qu'à l'encontre des primo-délinquants, sévérité qui contribue d'ailleurs grandement à la surpopulation pénitentiaire actuelle. Il n'y a donc aucune urgence particulière à légiférer, aucune crise particulière à juguler, aucune aggravation à stopper. Et il serait possible d'améliorer le système en appliquant déjà les lois existantes plutôt qu'en en votant de nouvelles. Nous regrettons donc cette nouvelle réforme législative entreprise dans la précipitation et dans un climat malsain entretenu par la démagogie et les propositions outrancières d'un ministre de l'intérieur distributeur de recettes miracles. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Tous les professionnels demandent une pause. Nous aussi. Il est temps de mobiliser l'intelligence et non la peur. Il y a plusieurs types de récidives, très différentes les unes des autres et qui appellent des réponses adaptées. Rien de comparable par exemple entre les récidives motivées par des addictions fortes comme l'alcoolisme ou la toxicomanie, celles découlant de la participation à des activités de délinquance organisée, celles liées à des perversions sexuelles, celles dépendant de pathologies psychiatriques ou celles imposées par la précarité - un étranger en situation irrégulière récidive dès sa sortie de prison. Il faut pour chacun de ces types de récidive des réponses spécifiques et veiller à ce que les solutions acceptables pour les uns ne soient pas, par un regrettable effet de porosité, généralisées aux autres. La récidive est un phénomène globalement en baisse ces dernières années. Le nombre de personnes ayant des antécédents condamnées chaque année est ainsi passé de 105 625 en 1996 à 100 977 en 2003. En matière criminelle, on est passé sur la même période de 133 condamnations de personnes ayant des antécédents criminels à 57. Et les récidivistes sont déjà très sévèrement punis. Dans 80% des cas, la justice les envoie en prison. Est-ce efficace ? Peut-on être plus sévère encore? Faut-il regretter les 20% qui représentent la part de liberté du juge face à des situations très diverses ? Veut-on imposer l'emprisonnement systématique ? L'emprisonnement reste la référence centrale des sanctions pénales. Pourtant, il ressort de toutes les études menées depuis des dizaines d'années que les personnes qui bénéficient d'une libération conditionnelle récidivent moins que celles qui purgent la totalité de leur peine. La liberté aide à reconstruire la responsabilité. Le système actuel de libération conditionnelle et d'aménagement des peines doit donc être renforcé. Seul, il permet de réduire de façon certaine le risque de récidive. Il faut donc faire un effort historique en la matière, et en particulier en faveur du milieu ouvert. Personne ne songe, évidemment, à supprimer la prison, mais celle-ci doit préserver la dignité du détenu et préparer sa réinsertion dans la société. C'est actuellement totalement impossible : le taux d'occupation des prisons est de 130 %, voire de 200 ou 300 % outre-mer. En découlent la promiscuité, des zones de non-droit où règnent les caïds, la force physique ou l'argent, les persécutions et les humiliations, le repli sur soi, les restrictions du droit de visite... bref, une perte d'humanité. Comment espérer une réinsertion dans ces conditions ? Sans compter les « double peines» que représentent la toxicomanie, le viol, la séropositivité ou la torture morale... Je ne rappellerai pas non plus le noir bilan que M. Gil-Robles, le commissaire européen aux droits de l'homme, vient de dresser dans son rapport sur 32 pays d'Europe, précisant au passage que le seul ministre de l'intérieur qui ne l'ait pas reçu est le nôtre... Et la situation est encore aggravée par la forte proportion de détenus présentant des troubles psychiatriques importants, nécessitant parfois des traitements lourds. Le rapport souligne les carences dans leur prise en charge. Dans ces conditions, l'urgence, pour le législateur, n'est-elle pas de limiter le recours à l'incarcération ? Chaque année, un tiers environ du budget de la justice est absorbé par la construction de nouvelles places de prison, mais il ne s'ensuit aucun renouvellement du parc pénitentiaire ! Votre politique vous oblige à garder ouvertes des prisons qui devraient être fermées pour des raison de salubrité, de sécurité et de dignité... Là encore, la raison exige une pause. Vous-mêmes, dans la majorité, en êtes convaincus. Vous savez que la prison, faute de suivi, social autant que judiciaire, génère la récidive. Le suivi socio-judiciaire institué par la loi du 17 juin 1998 n'a malheureusement pas pu porter tous ses fruits, faute de moyens. La loi Perben 2 prévoyait des mesures nouvelles telles que la procédure d'aménagement des peines, la généralisation des enquêtes sociales rapides avant comparution immédiate et la saisine directe des services d'insertion et de probation à l'audience... Faute de moyens, elle n'est pas appliquée et l'incapacité des SPIP à remplir véritablement leur mission a été soulignée plusieurs fois. Alors, tant pis pour les bénéfices que la société dans son ensemble pouvait en escompter... mais ne soyez pas surpris par la récidive ! Je n'ose envisager que votre but soit en fait de fournir des marchés aux groupes privés qui construisent les prisons... Et pourtant, votre système est un tonneau des Danaïdes ! La prison génère de plus en plus de délinquants, qu'il faut emprisonner de nouveau... Il faudra bien que cesse cet engrenage absurde ! Nos concitoyens sont prêts à le comprendre et accepter un discours juste, mesuré et clair qui explique ce changement de cap. Les experts le disent : il faut d'abord rehausser le niveau de qualité de la justice pénale pour que le récidiviste potentiel puisse être détecté à temps. Or, cette qualité a été sacrifiée au profit de la nécessité d'apporter à la délinquance « une réponse en temps réel ». L'accroissement des procédures rapides laisse la personnalité des prévenus méconnue. On les condamne aveuglément à des peines fermes, même s'ils auraient vraiment mérité autre chose. D'où le nombre croissant de personnes présentant des pathologies psychiques ou des dépendances toxicomaniaques lourdes en prison... C'est pourquoi il faut tenter de donner son sens à la peine, en expliquant ses raisons et son but. Or, les tribunaux ne motivent pas toujours leur peine, contrairement à l'obligation que leur fait la loi. Les délinquants comme leurs victimes en sont pour leur frais. Un magistrat, Serge Portelli, écrit que prévenir la récidive, c'est aussi investir dans des structures permettant de connaître la véritable personnalité du délinquant. Faut-il une loi pour cela ? Ne suffirait-il pas de fournir les crédits nécessaires aux enquêteurs et de payer décemment les experts missionnés par la justice ? Pour lui, prévenir la récidive, c'est aussi apprendre au juge à être curieux, à considérer dès l'école de la magistrature la personne des justiciables comme primordiale. Pour lutter efficacement contre la récidive, il faut dégager des moyens autrement importants que ceux du budget de la justice, qui privilégie, comme ce texte même, les mesures coercitives. Je comprends que les chiffres cités tout à l'heure par Elisabeth Guigou vous embarrassent : en 2002, il y avait 2 700 créations d'emplois pour le ministère, et 500 pour 2006 ! Voilà pourquoi nos prisons continueront à fabriquer des récidivistes. Ce texte, qui a connu de multiples avatars, au gré des effets d'annonce teintés de chantage à la responsabilité du législateur, ne va pas dans le bon sens. Il ne peut qu'aggraver la situation. En surfant sur l'émotionnel, en jouant avec les peurs, on feint de se préoccuper des victimes, mais on ne fait que du populisme (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Mme Nadine Morano - Les victimes apprécieront ! M. Guy Geoffroy - Le sujet mérite mieux ! M. Philippe Tourtelier - Telles qu'elles fonctionnent actuellement, les prisons sont une école de la récidive. Au lieu de voter cette loi illusoire, prenons le mal à la racine ! Ne nous laissons pas aller vers le tout-enfermement ! Augmentons les moyens pour le suivi des détenus et leur réinsertion : ce sera aussi la meilleure façon de lutter contre la surpopulation carcérale et d'éviter au moins que les prisons ne créent la récidive ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Michel Hunault - La préparation de ce texte sur la récidive a été marquée par un climat passionné. De tragiques événements ont en effet soulevé l'indignation de l'opinion publique, suscitant une surenchère et des déclarations étonnantes : un jour, un membre du Gouvernement met en cause les magistrats, un autre, vous-même, Monsieur le Garde des Sceaux, suscitez la polémique et même une réaction du président du Conseil constitutionnel... Il est temps de retrouver la sérénité sur ce sujet particulièrement difficile, et nous avons noté la prudence dont vous avez fait preuve cet après midi. Ce sont les victimes qui doivent rester au cœur de nos préoccupations. M. Guy Geoffroy - Très bien ! M. Michel Hunault - La question de la récidive a pris une dimension tragique lors de récentes affaires et l'opinion publique s'est, à juste raison, étonnée de notre incapacité à protéger la société et les victimes. Mais nous devons réaffirmer les principes de séparation des pouvoirs et de respect du droit, et donc condamner toute mise en cause de magistrats et raisonner dans le respect de la Constitution. La démarche que vous proposez est-elle la bonne ? On peut s'interroger car, une nouvelle fois, nous allons légiférer sans bilan précis sur les textes déjà votés et sans aucune assurance quant aux moyens humains et financiers accompagnant les mesures proposées. Ce texte n'est qu'un affichage de mesures : allongement des peines, limitation des sursis avec mises à l'épreuve, comparution immédiate pour les récidivistes, extension de la définition de la récidive, bracelet électronique... Je défendrai plusieurs amendements, visant notamment à créer un Observatoire de la récidive et à interdire toutes les sorties sèches de prison. Nous devons aussi veiller à ce que les peines prononcées soient réellement effectuées. Il n'est pas superflu de s'interroger sur les conditions des remises de peines, qui restent automatiques, et sur les conditions des libérations conditionnelles, qui doivent être appliquées en tenant compte de la situation de chacun et en particulier de la dangerosité du détenu. Lors de la première lecture, alors que vous étiez, Monsieur le Garde des Sceaux, président de la commission des lois, j'avais soulevé cette question. Il est indispensable que les remises de peines et les libérations conditionnelles soient, pour les récidivistes, assorties d'un examen et d'un suivi pour les plus dangereux. L'imperfection du suivi socio-judiciaire de 1998, faute de moyens et de véritable dispositif, constitue un écueil pour la réinsertion des délinquants, et plus particulièrement des délinquants sexuels. Tout est une question de moyens, tant financiers qu'humains. Or, le budget de la justice nous prive de tout espoir de donner aux différents acteurs de la justice les moyens nécessaires pour assurer au moins l'application des dispositions existantes. Nous voulons tous lutter contre la récidive avec fermeté, mais également humanité. Il ne s'agit pas de flatter l'opinion, mais d'être efficace et d'éviter de nouveaux cas tragiques. Vous ne pouvez pas, dans ce débat, éviter de poser la question des moyens de l'institution judiciaire : magistrats débordés, juges sans réels moyens, psychologues et psychiatres en nombre très insuffisant, sans compter la situation des prisons françaises, qui est une véritable honte. L'inflation législative a eu des répercussions sur l'ensemble de la chaîne pénale, accroissant à la fois la pénalisation, la durée des peines et la surpopulation carcérale. La situation est aujourd'hui désastreuse : le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, M. Gil-Robles, l'a relevé, comme tant d'autres rapports parlementaires. La prison, élément essentiel dans la réhabilitation des détenus, est devenue l'école du crime. Sur tous les bancs, on dénonce cette situation. Alors, à quand une grande loi pénitentiaire ? Elle pourrait s'appuyer sur les travaux du Conseil de l'Europe... et s'inspirer de nos voisins européens quant à l'importance des moyens à prévoir. Aucun moyen n'a réellement été dégagé pour le suivi socio-judiciaire des détenus institué par la loi de 1998. Il faut à ce propos rendre hommage à tous les auxiliaires du droit, aux magistrats et à tous les intervenants qui travaillent pour la réhabilitation des détenus. Une fois de plus, on semble ne répondre à leurs efforts qu'en légiférant, sans se donner de réels moyens. En ce qui concerne le dispositif même du texte, il faut d'abord noter que la mission d'information de l'Assemblée nationale avait proposé de lancer un vaste débat sur le sujet, associant tous les acteurs de la question. Nous n'avons eu ni débat, ni étude d'impact. Le bracelet électronique, s'il a le mérite de permettre au délinquant de mener une vie quasi normale, et donc de favoriser sa réinsertion, ne remplace aucunement un traitement médical. Il doit être utilisé dans un suivi socio-judiciaire et constituer en aucun cas une peine complémentaire. Il ne peut être installé à l'issue de l'exécution d'une peine déjà prononcée, car il deviendrait une nouvelle condamnation. L'UDF défendra des amendements. Il s'agira notamment de créer un observatoire de la récidive capable de recueillir et de rendre publiques les données statistiques, mais aussi d'étudier les conditions et les conséquences de la récidive afin d'orienter les politiques pénales. Nous souhaitons également l'aménagement de peines qui permettent au détenu de bénéficier d'un sas de sortie et sont un frein à la récidive, et tenons à ce que les détenus aient obligatoirement une activité en prison. Tous les experts, juges et travailleurs sociaux, s'accordent à reconnaître que la sortie sèche constitue le premier facteur de récidive. Le groupe UDF souhaite donc que l'on renforce les mesures d'accompagnement éducatif en milieu ouvert, premier outil de la prévention de la récidive, d'autant que la plupart des personnes concernées figurent parmi les moins insérées socialement. Il est toujours difficile aujourd'hui de recruter des médecins coordonnateurs et d'assurer la prise en charge psychologique des personnes ayant fait l'objet d'une injonction de soins. La mise en place du bracelet électronique ne saurait pourtant se substituer à un réel accompagnement humain. Nous réserverons notre vote sur le texte jusqu'à la fin du débat. A notre sens, le traitement de la récidive, sujet qu'il conviendrait d'aborder dans la sérénité, exige d'abord de dégager les moyens humains et financiers nécessaires à l'application des dispositions existantes. M. Michel Vaxès - Dix mois se sont écoulés depuis l'examen en première lecture de cette proposition de loi. Depuis lors, son auteur est devenu Garde des Sceaux, le texte en a été profondément modifié par le Sénat, enfin, plusieurs faits divers tragiques ont rouvert le débat sur la récidive. Autant d'événements qui éclairent le débat d'aujourd'hui. Il était hautement improbable que le Garde des Sceaux n'intervienne pas pour faire prévaloir le point de vue de l'auteur du texte. Ainsi le Gouvernement a-t-il soumis sept amendements à la commission, qui les a bien sûr adoptés, et ignoré, pour l'essentiel, les critiques du Sénat. Comment aurait-il pu en être autrement alors que, dès le mois d'avril, les présidents des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat étaient convenus d'un compromis ? Est-ce là une nouvelle façon d'élaborer les lois ? J'en reste convaincu, l'article 16 présente un risque certain d'inconstitutionnalité. Mais qu'à cela ne tienne, le Garde des Sceaux demande aux parlementaires de ne pas exercer leur droit de saisine du juge constitutionnel - ce qui lui a d'ailleurs valu une sévère admonestation du président du Conseil constitutionnel ! Qu'importe : les faits divers tragiques sont habilement exploités pour envisager le traitement de la récidive sous le seul angle de la répression. Tant pis si cela est inefficace ! La méthode du Gouvernement est établie : un problème, une loi ; un drame, une nouvelle loi. Comme si la loi pouvait être la réponse à tous les maux de notre société ! Qui oserait aujourd'hui prétendre, hormis le Gouvernement, que notre politique pénale est inefficace faute de lois ? Elle l'est d'abord en raison du manque criant de moyens. Il faudrait dégager les moyens nécessaires pour recruter du personnel supplémentaire dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation, des magistrats afin de résorber le retard dans le jugement des affaires, des personnels chargés de la prévention des délits chez les mineurs ou bien encore du suivi médico-psychologique des détenus... Bref, les moyens d'une véritable politique de réinsertion. Autant de domaines où le Gouvernement refuse pourtant de faire les efforts nécessaires, comme en atteste le budget de la justice pour 2006. Nous avions déjà regretté en première lecture que le texte ne comporte que des mesures d'aggravation et de multiplication des peines de prison ferme. Vous n'avez, Monsieur le Garde des Sceaux, fait que bien peu de cas des conclusions de la mission d'information qui a pourtant bien montré le caractère désocialisant et criminogène de la prison. Le texte adopté par la commission en juillet dernier va même au-delà de celui voté ici en première lecture. Je donnerai un seul exemple des incohérences auxquelles conduit votre politique. Un amendement gouvernemental prévoit un allongement du délai d'épreuve durant lequel il ne peut être accordé d'aménagement de peine tel qu'une libération conditionnelle. Pourtant, comme le révèle une étude récente de deux spécialistes, le taux de récidive n'est que de 9 % pour ceux qui ont bénéficié d'une libération conditionnelle contre 17 % pour ceux qui ne sont sortis qu'en fin de peine. Preuve supplémentaire, s'il en était besoin, que votre texte n'est qu'une gesticulation de plus, hélas néfaste pour notre politique pénale. Les conclusions de l'étude précitée sont formelles : quel que soit le cas de figure, un condamné ayant purgé toute sa peine de prison a toujours plus de risques de récidiver que le bénéficiaire d'une mesure alternative à l'incarcération - c'est d'ailleurs pourquoi le Conseil de l'Europe recommande le développement des peines alternatives. Les ministères de l'intérieur et de la justice ont certes préféré ne pas communiquer sur cette étude, et pour cause ! Ils ont préféré exploiter des faits divers tragiques pour dénoncer un prétendu laxisme judiciaire, lequel est totalement imaginaire. En effet, le nombre de détenus ne cesse d'augmenter dans notre pays et les peines tendent à s'allonger, notamment en matière d'infractions sexuelles. Mais qu'importent les faits et les statistiques ! S'ils militent contre votre thèse ou la relativisent, vous les ignorez ! Outre par le recours accru à des peines de prison ferme, votre texte prétend prévenir la récidive par la mise en place d'une surveillance électronique mobile pour des criminels ayant déjà purgé leur peine. Le Sénat l'avait exclu, ne retenant cette possibilité que dans le cadre d'une libération conditionnelle assortie d'un suivi médico-judiciaire. La commission des lois de notre assemblée a souhaité que cette surveillance soit possible, y compris après que le condamné sera sorti de prison. Malgré vos habiles manœuvres de recul, je maintiens que cette disposition soulève un grave problème juridique. Je souhaite rappeler ici les termes exacts du chantage exercé par le Garde des Sceaux : « Il y a un risque d'inconstitutionnalité et tous les parlementaires pourront le courir avec moi. Mais il suffira pour eux de ne pas saisir le Conseil constitutionnel. Ceux qui le saisiront en prendront la responsabilité politique et humaine. » Au-delà de la méthode, proprement scandaleuse, comment un ministre, qui devrait être respectueux de la République et donc de sa Constitution, peut-il demander aux parlementaires de violer celle-ci délibérément ? Quoi que vous en disiez, ces propos étaient en eux-mêmes un aveu d'inconstitutionnalité. Et pour notre part, nous nous associerons au recours qui sera déposé car, comme l'a rappelé le président du Conseil constitutionnel, le respect de la Constitution n'est pas un risque, mais un devoir. Il est par ailleurs faux, donc irresponsable, de faire croire aux victimes que le port du bracelet électronique mobile pourra limiter les risques de récidive. Il permettra au mieux de localiser le lieu de commission d'une infraction, nullement de l'empêcher. Les auteurs d'infractions sexuelles agissent sous l'empire de pulsions qui ne peuvent être jugulées que par des soins. Or, leur suivi médico-psychiatrique est aujourd'hui notoirement insuffisant, tant en prison qu'à l'extérieur. Le premier des respects dû aux victimes impose de leur dire la vérité, à savoir que la surveillance électronique mobile n'empêchera pas la récidive. En ce domaine, le risque zéro n'existe pas. Il est de notre devoir, au risque de déplaire, de le rappeler plutôt que de laisser accroire, comme s'y emploie le Gouvernement, que le problème sera résolu par davantage de prison et quelques innovations technologiques, qui n'ont d'ailleurs pas encore fait leurs preuves. La lutte contre la récidive est une question trop sérieuse pour laisser place aux calculs politiciens et à la démagogie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Elle exige courage et détermination dans la mise en œuvre d'une véritable politique de réinsertion qui suppose des moyens matériels et humains pour éduquer, suivre, prévenir et soigner. Nous attendons que vous disiez lesquels vous êtes prêts à dégager. Nous voterons résolument contre un texte qui nous mène droit à l'échec dans la lutte contre la récidive. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Mme Nadine Morano - Dois-je rappeler aux orateurs de l'opposition que nous avons été élus en 2002 parce que nous avions donné la priorité à la lutte contre l'insécurité, alors principale préoccupation de nos concitoyens ? La délinquance progressait alors de manière exponentielle... Mme Jacqueline Fraysse - Et cela continue ! Mme Nadine Morano - Dès son arrivée au pouvoir, Nicolas Sarkozy a pris la mesure du problème, a décidé de le prendre à-bras-le-corps, s'est rendu sur le terrain (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), fait voter la loi de sécurité intérieure et mis le doigt sur le problème de la récidive. L'une des victimes de Patrick Trémeau assiste à nos débats dans les tribunes. Elle pourrait vous dire, Monsieur Tourtelier, à quel point la récidive en matière d'infractions sexuelles a des conséquences tragiques... M. Philippe Tourtelier - Ai-je dit le contraire ? Mme Nadine Morano - C'est en pensant aux victimes de ces criminels que 185 parlementaires de l'UMP ont cosigné cette proposition de loi, remarquablement rapportée par Gérard Léonard, dont nul n'ignore la compétence particulière sur le sujet de la récidive. Nos concitoyens souhaitent vivre en sécurité tout en permettant à ceux qui ont payé leur dû à la société de retrouver la liberté. Ils souhaitent également que la dangerosité des criminels puisse être mieux évaluée - il est à ce sujet envisagé de mettre en place une commission pluridisciplinaire de suivi des délinquants. La surveillance électronique mobile répond à leurs aspirations. Tout en permettant un suivi des anciens détenus, le bracelet électronique aura un impact psychologique dissuasif. Et je me réjouis que vous proposiez d'autres obligations, tel que le suivi médical, qui correspond effectivement aux attentes des associations de victimes. Mais je voudrais soulever un point que tous les parlementaires connaissent bien : quand une loi est adoptée, il faut que les décrets d'application soient publiés pour qu'elle soit appliquée. Je demande donc solennellement au Garde des Sceaux de bien vouloir faire le nécessaire, et le plus vite possible. Vous vous êtes également engagé, Monsieur le Ministre, à donner les moyens nécessaires à ce suivi. Votre budget a d'ailleurs été augmenté de 4,8 %, ce qui n'est pas rien. Mais pourquoi ne pas nommer un délégué interministériel chargé de coordonner l'ensemble de la question, qui recouvre des aspects aussi bien judiciaires que médicaux et éducatifs ? Pour conclure, ce texte nous permet de remplir notre devoir à l'égard des victimes, mais aussi de répondre aux attentes de l'ensemble de nos concitoyens. La récidive n'est plus acceptable, et en élus responsables, nous devons mettre en œuvre pour la combattre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 22 heures. La séance est levée à 20 heures 5. La Directrice du service |
© Assemblée nationale