Session ordinaire de 2005-2006 - 51ème jour de séance, 117ème séance 2ème SÉANCE DU MERCREDI 18 JANVIER 2006 PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON vice-présidente
Sommaire La séance est ouverte à vingt et une heures trente. ENGAGEMENT NATIONAL POUR LE LOGEMENT (suite)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant engagement national pour le logement. Mme la Présidente - La discussion générale est ouverte. M. Michel Piron - Le projet qui nous est soumis complète la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine et la loi de cohésion sociale. Le Sénat l'a déjà étoffé d'une cinquantaine d'articles supplémentaires au risque, comme certains s'en sont émus, de lui enlever en clarté politique ce qu'il lui ajoutait en précision technique. Ce vieux débat entre champ législatif et champ réglementaire justifie que l'on rappelle les défis majeurs et souligne les réponses que doit y apporter notre « engagement national pour le logement ». Notre premier défi, c'est de résorber un déficit global de près de 400 000 logements. Cette crise de l'offre, qui s'est développée entre 1990 et 2003 et à laquelle entendait répondre la loi de Robien, est due à l'insuffisance des prévisions - on a notamment sous-estimé les effets de l'éclatement des structures familiales -, au recul des opérations d'aménagement - les ZAC ne produisent plus qu'un logement sur quatre aujourd'hui, contre trois sur quatre il y a dix ans - et au manque de moyens financiers. Ensuite, ce déficit se fait le plus cruellement sentir dans le secteur du logement à loyer modéré, où la production est tombée à moins de 40 000 unités par an dès 1998, quand il en aurait fallu plus de 80 000. La loi du 18 janvier 2005 nous offre désormais des outils et des moyens efficaces : à preuve, on a comptabilisé en 2005 80 000 logements sociaux achevés, soit deux fois plus qu'en 2002, 400 000 mises en chantier et plus de 500 000 permis de construire délivrés. Il faut remonter vingt-cinq ans en arrière pour retrouver de tels chiffres ! M. Jean-Pierre Brard - C'est de l'archéologie ! M. Michel Piron - Toutefois, il faudra cinq ans de programmation pour résorber les retards accumulés. Enfin, nous devons relever le défi de la mixité sociale, et tout faire pour développer une offre foncière maîtrisée, en encourageant les maires bâtisseurs à diversifier l'habitat et c'est par là, Monsieur le ministre, que votre projet commence, à juste titre. Le paradoxe de la crise foncière qui affecte notre pays, dont la densité est pourtant l'une des plus faibles d'Europe, est bien connu. Certes, la libération de terrains publics mobilisés pour construire 20 000 logements dans les trois ans est un signal fort, mais les raisons qui rendent le foncier rare ou indisponible demeurent nombreuses. C'est d'abord la concentration de la demande dans certaines régions et métropoles, qui justifie les mesures spécifiques consacrées à l'Ile-de-France, mesures qui pourraient d'ailleurs être étendues à d'autres - Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur - où la situation sera tendue vers 2030. C'est ensuite, la complexité des textes règlementaires, à quoi répond votre volonté de faciliter l'adaptation des documents d'urbanisme, de rationaliser l'approche intercommunale des PLH et de sécuriser les autorisations de construire. Faut-il rappeler qu'en moins de quinze ans, les délais pour la réalisation d'opérations concertées sont passés de trois à sept ans, du fait de contraintes qui sont autant de sources de contentieux ? On voit même souvent, par un curieux renversement des principes, les intérêts particuliers s'associer contre l'intérêt général. M. Jean-Pierre Brard - La remarque est fort juste ! M. Michel Piron - A ce titre, l'article 3 quater qui autorise l'annulation partielle des permis est un excellent exemple de ce que permet une hiérarchisation des normes, dont je rêve parfois qu'elle puisse aussi s'appliquer aux procédures de DUP et autres schémas... M. Jean-Pierre Brard - Rêvez, rêvez... M. Michel Piron - De telles dispositions favorisent l'implication d'acteurs locaux et de constructeurs divers : le chapitre VI du titre premier mérite donc toute notre attention. En matière de financement du locatif intermédiaire et d'accession sociale à la propriété, vous prolongez l'effort déjà considérable consenti dans le budget - 6,53 milliards d'euros ! De nombreuses mesures, telles que la réduction du taux de TVA en zone de rénovation urbaine, l'élargissement des compétences de l'ANAH ou la reconfiguration du dispositif de Robien permettent de mieux orienter l'offre en direction des plus modestes - lesquels gagneraient également, je tiens à le redire, au rétablissement du versement de l'APL lorsque le montant de celle-ci est inférieur à 24 euros par mois. D'autre part, la construction de 5 000 logements d'urgence, la création de 5 000 places en résidence hôtelière dans les deux ans et la requalification de l'habitat indigne sont de nature à hâter la fin d'une situation socialement inacceptable et économiquement dangereuse. Cependant, le succès de votre entreprise, Monsieur le ministre, tient aussi à deux autres conditions. Premièrement, une politique nationale de l'habitat doit s'appuyer sur des politiques territoriales : il faut sortir du conflit permanent qui oppose la diversité des lieux à l'unicité des règles. D'autre part, il faut assumer le temps d'une telle politique : le temps médiatique de l'annonce ne peut être celui de la politique, qui se mesure en années. On entrevoit aujourd'hui les premiers résultats de mesures prises il y a trois ans, et ce projet de loi s'inscrit de même forcément dans la programmation quinquennale que nous avons votée. Vous avez eu, Monsieur le ministre, le courage de vous engager dans la durée, et cela justifie notre soutien à un véritable engagement national pour le logement. Mme Annick Lepetit - Annoncé depuis trois ans par autant de ministres du logement, l'étrange projet de loi que nous examinons aujourd'hui s'est d'abord appelé « Propriété pour tous », puis « Habitat pour tous » et enfin « Engagement national pour le logement », et son contenu a changé selon les circonstances. Dans l'état où il nous arrive, il est clair cependant qu'il ne constitue pas une réponse à la crise nationale du logement. Vous y multipliez les dispositifs de soutien à la propriété et à l'investissement locatif privés, alors qu'il faudrait avant tout développer le logement social, seul accessible au plus grand nombre. Le maintien ou la création de dispositifs coûteux et inefficaces, les attaques contre l'article 55 de la loi SRU, l'affaiblissement de l'Etat et l'absence de réforme de l'APL - donc de prise en compte des locataires - illustrent la politique que vous menez depuis quatre ans : laborieuse et cafouilleuse ! Contrairement à ce que M. Borloo annonçait en 2005, vous maintenez le dispositif fiscal « de Robien » qui a pourtant entraîné la production de logements privés à loyers souvent très élevés et alimenté la flambée des prix et des loyers. Vous le maintenez alors même qu'il offre un effet d'aubaine aux investisseurs - qui paient moins d'impôt sans contrepartie sociale -, qu'il coûte cher à l'Etat et qu'il ne répond pas aux besoins de nos concitoyens. Il vaudrait mieux promouvoir le logement accessible au plus grand nombre et réguler le marché. M. Hamel lui-même dénonce les dérives de ce dispositif, relevant dans son rapport que, dans certaines régions, les constructions réalisées dans ce cadre se révèlent inadaptées aux besoins locaux et notant que certains investisseurs ont recherché le gain fiscal sans s'intéresser aux caractéristiques du logement. Malgré ce constat, vous persistez dans la passivité devant la dérive des prix et, non content de maintenir le « de Robien », vous créez, avec l'amortissement Borloo, un dispositif tout aussi pervers... M. Jean-Pierre Brard - A ce stade, c'est du masochisme ! Mais il est vrai que M. Borloo commence à être bien amorti ! Mme Annick Lepetit - Comme vous avez tout de même un peu de mal à justifier ce choix, voilà qu'il devient le « Borloo populaire » ! M. Jean-Pierre Brard - Sans doute a-t-on été inspiré par le 70ème anniversaire du Front populaire ! Mme Annick Lepetit - Mais il faut s'entendre sur le sens des mots : avec des loyers de sortie de 17 % supérieurs à ceux des PLI, on est loin de l'idée que nous nous faisons du logement populaire et nous ne pouvons en aucun cas souscrire à l'idée selon laquelle l'offre de logements intermédiaires supérieurs permettrait de couvrir l'essentiel des besoins, sachant que le revenu des deux tiers des demandeurs de logements sociaux se situe en dessous des plafonds PLUS ou PLA-I. Dans le même esprit, vous refusez de promouvoir la construction de logements sociaux sur l'ensemble du territoire, en tentant de remettre en cause par tous les moyens l'application de l'article 55 de la loi SRU. C'est ainsi que les députés de la majorité ont attaqué le dispositif en faisant entrer dans le quota des 20 % les logements sociaux ayant fait l'objet d'une opération d'accession à la propriété... M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - D'accession sociale, soyez précise car notre proposition devient alors tout à fait logique. Mme Annick Lepetit - Vous prétendez aussi faire entrer dans le champ de l'article 55 les logements sociaux résultant d'une opération de construction en vue d'accession à la propriété - soit les constructions neuves comprenant une part de programmes en accession - et, cerise sur le gâteau, les aires d'accueil destinées aux gens du voyage ! Pourquoi ne pas comptabiliser aussi les campings ? De qui se moque-t-on ? Comme vous n'osez pas réduire par la loi le seuil de 20 %, vous usez de toutes les ficelles possibles et imaginables pour le contourner. Et pour comble d'hypocrisie, vous vous présentez comme les premiers défenseurs de l'accession sociale à la propriété alors que nous en serions les fossoyeurs ! La vérité, c'est que nous sommes évidemment favorables à l'accession sociale mais que celle-ci ne doit pas se développer au détriment du logement locatif social... M. Michel Piron - Nous sommes d'accord. Mme Annick Lepetit - J'en doute, puisque votre première préoccupation semble être plutôt de mettre les communes que vous dirigez en conformité formelle avec la loi sans proposer pour autant à la population le type de logements sociaux dont elle a besoin ! Vos basses manœuvres pour échapper aux justes prescriptions de la loi SRU sont simplement lamentables et les litanies de chiffres égrenés par M. Borloo ne peuvent masquer la réalité : depuis 2002, l'Etat consacre moins de moyens à la construction des programmes vraiment sociaux que sont les PLA-I et les PLUS. Pis, certains maires se croient autorisés à se constituer en collectifs pour refuser d'appliquer la loi ! Et comme de juste, tous nos amendements tendant à renforcer l'article 55 de la loi SRU ont été repoussés en commission. Nous espérons encore - sans grande illusion - que le sens de l'intérêt général l'emportera en séance publique. Nous demandons aussi la suppression de l'article 9 du présent texte, lequel transfère aux EPCI délégataires des aides à la pierre les modalités d'attribution des logements sociaux aux personnes en difficultés, les règlements départementaux d'attribution s'en trouvant supprimés. Dans un tel système, il y a tout lieu de craindre que les EPCI ne se tournent vers ceux qui ont en fait le moins besoin d'être accompagnés ! Dans la même logique que celle qui a abouti à la délégation du contingent préfectoral aux maires - ou aux présidents d'EPCI -, cet article affaiblit le rôle de l'Etat, garant de l'intérêt général. Au reste, nous demandons aussi la suppression de l'article 60 de la loi de décentralisation de 2004 qui a organisé ce dernier transfert. Dans les deux cas, nous sommes résolus à combattre cette forme de désengagement de l'Etat qui compromet l'équilibre de nos territoires et la mixité sociale de nos quartiers. J'en viens pour conclure à la grande absente de ce texte : l'aide personnalisée au logement, et, plus globalement, toutes les aides au logement, ce qui constitue tout de même un sujet d'étonnement sachant que ces dispositifs profitent à plus de six millions de ménages locataires dans notre pays ! Mais cet étonnement s'atténuera si l'on se rappelle que, depuis 2002, les crédits budgétaires alloués aux aides à la personne ont constamment baissé, cependant que 200 000 bénéficiaires en étaient exclus en 2004. Non contents de ne pas revaloriser ces aides, vous ne les versez plus lorsque leur montant est inférieur à 24 euros mensuels, ce qui revient à priver nombre de ménages modestes d'une aide de 288 euros qu'ils n'avaient pourtant certainement aucun mal à dépenser alors que loyers et charges continuent d'augmenter rapidement. Nous avons déposé plusieurs amendements visant à redonner leur vraie valeur aux aides à la personne, leur vocation première étant de rendre les locataires solvables. A cet égard, il me semble utile de lever un malentendu sur notre amendement tendant à supprimer le mois de carence : s'il a été adopté en commission, les règles relatives à la recevabilité des amendements à incidence budgétaire qui s'appliquent dans notre assemblée devraient faire obstacle à sa discussion en séance publique ! Aussi, la décision à cet égard se trouve-t-elle dans les seules mains du Gouvernement, comme l'a du reste reconnu M. Borloo lors de son audition en commission des affaires économiques le 14 décembre dernier. Alors, Monsieur le ministre, allez-vous entériner l'amendement socialiste adopté en commission ? Etes-vous enfin décidé à autoriser le versement des aides à la personne quel qu'en soit le montant ? Allez-vous au moins ramener le seuil de non-versement de 24 à 15 euros ? Vous aviez pris des engagements à l'occasion de la discussion du PLF pour 2006 et la question ne serait plus d'actualité si vous les aviez tenus ! Mais il est patent que vous ne voulez rien faire pour les six millions de ménages qui ont besoin d'aides pour payer leur loyer. Las, du fait de votre politique, il seront demain plus nombreux encore ! Monsieur le ministre, les socialistes voteront contre votre projet, ne serait-ce que parce que son titre est mensonger : il ne traduit en effet en aucune façon un engagement national pour le logement digne de ce nom (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Jean-Pierre Brard - Il est à ranger au rayon des farces et attrapes ! M. Jean-Pierre Abelin - Notre pays connaît une crise profonde du logement et les Français sont affectés par cette situation. La crise s'est traduite par une explosion sans précédent du prix du foncier - l'augmentation est de plus de 40 % en cinq ans - et par une progression galopante du prix du mètre carré et des loyers, ce qui a conduit nombre de nos concitoyens à se voir exclus tant du marché de la location que de celui de l'accession. Pour l'essentiel, cette crise est liée à l'insuffisance de l'offre qui découle d'une production largement insuffisante au cours des dix dernières années, le creux historique de la production de logements sociaux se situant - n'en déplaise à M. Le Bouillonnec - dans les années 2000-2001. Elle est aussi due à la pauvreté du stock du foncier disponible et aux réticences de certains propriétaires ou de certains élus. Enfin, elle tient aux conditions peu attrayantes pour la construction faites aux décideurs locaux et à la difficulté de trouver des professionnels qualifiés, même si nous ressentons les premiers effets, sinon d'un retournement du marché, du moins d'une stabilisation dans un certain nombre de villes. Cette stabilisation est liée au niveau excessivement élevé atteint par les prix, à un début de rééquilibrage de l'offre, au nombre record d'ouvertures de chantiers - 400 000 logements et 80 000 logements sociaux en 2005 - et aux incertitudes sur l'évolution des taux d'intérêt et sur le maintien du taux réduit de TVA . Après la loi de 2003 sur la rénovation urbaine et la loi de programmation pour la cohésion sociale, le présent texte vise notamment à lever les freins à la construction et à soutenir les collectivités locales qui bâtissent : il est donc particulièrement attendu ! S'agissant du foncier, le groupe UDF approuve sans réserve les mesures permettant aux communes de prévoir, dans leur PLU, des zones devant comporter un pourcentage minimum de logements sociaux, de même que l'obligation faite aux intercommunalités de définir un programme local pour l'habitat. Nous saluons également votre volonté de dynamiser les cessions de foncier appartenant à l'Etat, par l'application d'une décote de 25 % sur le prix de vente, dès lors que les terrains considérés seront affectés à des programmes sociaux. Nous craignons cependant que, pris entre sa volonté de se désendetter et celle de donner la priorité au logement social, l'Etat ne préfère vendre au plus offrant. Il est important que, pour montrer l'exemple, une part non négligeable de ces cessions soit consacrée au logement social, en particulier dans les zones où le marché est le plus tendu, l'Etat trouvant ainsi une occasion de jouer son rôle de régulateur. M. Jean-Pierre Brard - Très bien. M. Jean-Pierre Abelin - Qu'il me soit aussi permis d'évoquer les sites pollués devenus orphelins à la suite de faillites d'entreprises et qui constituent aujourd'hui de véritables friches. Nous proposons la création d'un fonds spécifique national et le lancement d'une réflexion nouvelle sur un sujet qui concerne toutes les régions touchées par les restructurations industrielles. Nous proposons aussi que, dans les régions et les départements qui se dotent d'établissements publics fonciers multiples pour un même territoire, le contribuable - ou le redevable - ne soit pas doublement sollicité alors même qu'une grande partie de ces zones à marchés détendus ne se sentent pas directement concernées. Votre stratégie de mobilisation dans la durée passe aussi par un soutien marqué aux collectivités qui bâtissent. A ce titre, vous avez prévu ou accepté des mesures intéressantes, notamment pour ce qui concerne la compensation intégrale, pendant toute la durée de la loi de programmation, des pertes de recettes liées aux exonérations de taxes foncières sur les logements locatifs sociaux réalisés au moyen de PLA-I, de PLUS, et de PLUS CD. Il s'agit d'une avancée importante et nous souhaitons qu'elle puisse être élargie aux logements construits à l'aide de prêts locatifs sociaux, que vous comptabilisez dans les statistiques du logement social. Il y aurait là une vraie cohérence, même si la mesure a certes un coût. Pour renforcer encore l'incitation à construire, pourquoi ne pas envisager, dans le cadre de la réforme de la DGF, de majorer la dotation des communes proportionnellement à la part de logements sociaux nouveaux construits dans les cinq années précédentes ? Concernant l'accession à la propriété, la commission a retenu certains de nos amendements visant à supprimer le délai de carence d'un mois pour le versement des aides au logement et à rétablir le versement trimestriel de ces aides lorsqu'elles ne dépassent pas 24 euros par mois. Que le Gouvernement ne nous oppose pas que ces mesures relèvent du domaine règlementaire ! Le médiateur de République a fourni des arguments contraires et le groupe UDF soutiendra les efforts du rapporteur pour rétablir ces mesures dans le texte. L'UDF propose également la révision annuelle du barème de l'APL en fonction du nouvel indice de référence des loyers. Ce ne serait que justice quand de nombreuses familles peinent à payer leurs loyers et leurs charges locatives. En ce qui concerne l'article 55 de la Loi SRU, nous réaffirmons très clairement que le logement est l'affaire de tous et de toutes les communes. Nous demandons donc une application juste et ferme de ces dispositions. Une application juste, en ce sens que nous sommes favorables à ce que soient pris en compte, dans le décompte des 20% de logements sociaux obligatoires, les PLAI - nous savons combien cet outil est sous-utilisé -, les places d'aires permanentes destinées aux gens du voyage, ainsi que, à titre provisoire, les ventes de logements sociaux. Une application ferme, ce serait l'obligation d'atteindre au moins 25% de logements sociaux dans toutes les opérations immobilières nouvelles réalisées dans les communes concernées. Cette disposition contraignante obligerait les communes qui se contentent de payer des pénalités à construire réellement des logements. M. Jean-Pierre Brard - Très bien ! Ces élus devraient être frappés d'inéligibilité ! M. Jean-Pierre Abelin - Enfin, nous souhaitons une évaluation régulière de la politique du logement. Les deux amendements que j'avais déposés en ce sens - l'un portant sur l'évaluation de la politique de cession des actifs fonciers de l'Etat et l'autre sur l'appréciation de l'efficacité des mesures d'aides financières et fiscales au logement - ont été repoussés, mais j'espère que le Gouvernement aura à cœur de faire toute transparence sur ces questions. Le temps me manque pour aborder les difficultés des foyers logements, les suites à donner au rapport Pelletier concernant la modernisation des charges récupérables, les propositions en faveur du logement en milieu rural, l'accession sociale ou la négociation d'un véritable contrat d'objectif de ventes de logements par le mouvement HLM - problème dont la solution n'est sans doute pas celle choisie par un précédent ministre, consistant à inscrire dans la loi d'un objectif annuel de ventes... M. Jean-Pierre Brard - Si l'on vend les HLM, où logera-t-on les demandeurs de logement ? M. Jean-Pierre Abelin - L'argent de la vente sert à la construction de nouveaux logements ! Mme Muguette Jacquaint - Vraiment ? M. Jean-Pierre Abelin - En tant que président d'un office public départemental HLM, je peux vous le confirmer. Pour conclure, l'UDF souhaite poursuivre le travail d'amélioration de ce texte engagé au Sénat, afin de répondre concrètement aux problèmes de logement de nos concitoyens et de rétablir la cohésion sociale aujourd'hui mise à mal (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Mme Muguette Jacquaint - Les tragiques incendies de l'hôtel « Paris Opéra » et de l'immeuble du boulevard Vincent-Auriol, de même que les mesures d'expulsion brutales - par exemple, celle qui a touché les habitants de l'immeuble de la rue de la Fraternité, présentés comme sans-droits à renfort de campagne médiatique - ont choqué nombre de nos concitoyens l'an dernier. Ces drames ont montré l'incapacité du Gouvernement à proposer des réponses à la détresse sociale : il a préféré à la mise en œuvre d'un véritable droit au logement une approche répressive. Bien avant ces drames, nous avons interrogé le Gouvernement sur les mesures qu'il comptait prendre pour remédier à la crise du logement, dont la révolte des jeunes des quartiers populaires à l'automne fut un nouveau symptôme. Des millions de familles, abandonnées à la loi du marché, subissent de plein fouet toutes les discriminations et vivent dans des conditions de logement précaires : plus de 3,5 millions de personnes habitent des logements surpeuplés et plus de 800 000 sont hébergées chez des tiers. C'est dire l'immensité des problèmes ! Le Gouvernement nous avait promis d'y répondre par un projet de loi, dénommé « Habitat pour tous ». Or, ce texte, très attendu, se révèle pour le moins décevant. M. Borloo le reconnaît lui-même. De son propre aveu, ce texte n'a « rien de génial ». Quel euphémisme ! Devons-nous en conclure que le Gouvernement n'a pas la volonté politique de prendre un véritable engagement national en faveur du logement ? Dois-je rappeler le décret d'annulation du 3 novembre dernier, consacrant la suppression de 55 millions destinés à la construction et à la réhabilitation du parc locatif social, ou la diminution du budget ville et logement de 130 millions ? Ce texte, forme avortée de l'ancien projet « Habitat pour tous », permettra-t-il de répondre à la demande de logements sociaux ? Si la construction de logements progresse,... M. Michel Piron - Ce qui est une bonne chose ! Mme Muguette Jacquaint - ...la demande de logements n'a pas diminué et le nombre de logements sociaux demeure très insuffisant : à peine 40% de l'habitat construit actuellement, contre 70% en 2001. M. Michel Piron - Peut-être, mais nous construisons deux fois plus qu'il y a cinq ans ! Mme Muguette Jacquaint - De plus, sur les 70 000 HLM produites l'an dernier, très peu sont réservées aux personnes ayant de faibles revenus. A ce stade, il me semble utile de rappeler la genèse de ce projet de loi. En 2003, étaient promulguées deux lois : l'une, portant orientation et programmation pour la ville et la rénovation urbaine, créait l'ANRU ; l'autre, portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction, tendait à lancer un nouveau produit fiscal d'investissement locatif, le « de Robien ». Plus de 110 000 logements ont été construits cette année sous ce régime « de Robien », fort coûteux pour l'Etat, mais seulement 54 000 logements sociaux... En 2003, lors du débat sur la décentralisation, nous avons également voté des dispositions sur l'utilisation des enveloppes publiques d'aides à la pierre et sur la gestion des attributions de logement. Ces engagements financiers n'ont pas été respectés, ou ont été grignotés au fil des budgets successifs. Est-ce dès lors un hasard si le présent texte ne prévoit pas de nouveaux engagements financiers et leur substitue des mesures fiscales visant pour l'essentiel à alléger les feuilles d'imposition des investisseurs ? Pensez-vous vous montrer ainsi à la hauteur des enjeux ? J'ose espérer que vous êtes assez lucide pour ne pas voir dans ces mesures un début de réponse à l'urgence sociale. Bien des carences existent en matière d'attribution de logements. L'article 9 prétend corriger certaines dérives en permettant de définir des règlements locaux et de recourir à l'arbitrage du préfet en dernière instance. Mais ces procédures ne résoudront rien et ne permettront pas aux demandeurs de faire valoir, dans des délais suffisamment courts, leur droit à disposer d'un toit. Devront-ils attendre encore des années ? Le présent projet - au titre séduisant - reste en deçà des attentes, comme ne cessent de le montrer l'inquiétude et la révolte grandissante des quartiers populaires. Dans les opérations de rénovation urbaine, la concertation est parfois escamotée ; les objectifs de la loi de programmation ne sont pas atteints pour ce qui est des logements sociaux neufs ; certains élus persistent à refuser, par égoïsme, d'appliquer la loi sur la solidarité urbaine ; les dérives du marché en matière de loyers se poursuivent : tout montre qu'il faudrait une loi de plus grande ampleur, et vous le savez. Ce texte n'est qu'un ensemble de mesures qui, dans l'immédiat, accompagnent la mise en œuvre des politiques définies ces dernières années, et déjà financées. Il ne contient aucune mesure nouvelle qui fasse de la réalisation de logements sociaux à loyers accessibles l'une des priorités de l'Etat et des collectivités territoriales. Si le Sénat lui a apporté quelques améliorations, laissez-moi penser que son titre est quelque peu usurpé. La pénurie demeure et de nouvelles difficultés se préparent. Une programmation urgente s'impose pour créer un parc vraiment social. Nous formulons donc pour notre part un certain nombre de propositions - bien plus audacieuses - que nous tirons du vécu des demandeurs de logement, des observations dont nous ont fait part les associations et les acteurs du droit au logement. Nous sommes également convaincus qu'il est nécessaire de mettre en œuvre, comme le soulignait ma collègue Janine Jambu, auteure d'une proposition de loi en ce sens, un véritable service public du logement. Parmi ces propositions, relevons l'allégement des contraintes de financement, le renforcement de la qualité et de l'efficacité des aides personnelles au logement, ou encore la mise à disposition gratuite des terrains cédés par l'Etat pour la réalisation de programmes locatifs sociaux. Comme pour les familles qui ont droit à une APL inférieure à 24 euros par mois et qui ne peuvent la toucher, il faut faire appliquer la loi ! 742 communes - qui regrettent d'être désignées publiquement - ne respectent pas la règle des 20 % de logements sociaux. Nous estimons qu'il est temps de les pénaliser plus sévèrement en augmentant le montant du prélèvement sur leurs recettes et en envisageant l'inéligibilité des élus concernés. Sauf à ce que la discussion du présent projet fasse droit aux inquiétudes de nos concitoyens et à leurs espérances, il va sans dire que nous ne pourrons voter ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Mme Christine Boutin - Alors que l'on ne peut plus parler de logement sans prononcer le terme de crise, il nous faut reconnaître que le droit au logement est aujourd'hui en panne. Selon le rapport 2005 de la fondation Abbé Pierre, 86 500 personnes sont sans domicile fixe et plus de deux millions vivent dans des conditions déplorables. Les incendies qui ont ravagé cet été des logements insalubres ont suscité une vive et légitime émotion. Nous convenons tous que cette situation, qui prive les personnes de leur besoin le plus élémentaire - un abri -, est profondément injuste. Le logement est la condition sine qua non de l'insertion et le dernier rempart contre l'exclusion. Nous devrions tous être d'accord sur ces bancs pour affirmer que l'État comme la société sont tenus de procurer aux citoyens les conditions de vie sans lesquelles il leur est impossible de se réaliser en tant que personne. Je salue le précieux travail des associations qui œuvrent sans relâche pour que ce droit au logement, affirmé dans la Déclaration des droits de l'homme et repris maintes fois dans notre législation, cesse d'être une abstraction. Je salue aussi l'important chantier ouvert par le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, et je souhaite que ce pacte puisse atteindre des objectifs. Cela exige de se doter de nouveaux leviers. Je suis surprise que les « chalets de l'espoir », dont l'installation avait été proposée après les incendies de cet été, soient restés au stade du projet. Pourtant, la crise n'est pas une fatalité. Mais elle persistera tant que nous n'aurons pas établi un bouclier efficace. Le droit au logement doit être protégé par une obligation de résultat, et non plus seulement de moyens. Il est grand temps, Monsieur le ministre, de mettre en œuvre un droit au logement opposable. Ce serait donner à ce droit la même force que le droit à l'éducation ou le droit à l'accès aux soins, consacrés à la fin du XIXe siècle et que personne ne songerait aujourd'hui à contester. Mobilisons-nous pour que, d'ici à 2010, avoir un logement conforme à ses besoins ne soit plus un luxe, mais un droit effectif ! Ce nouveau droit opposable peut être mis en place par étapes, dans le cadre d'une stratégie aussi bien nationale que locale. Dans une première étape, l'Etat affirmerait qu'il est garant de ce droit fondamental. Ensuite, compte tenu de la décentralisation, ce droit, tout en continuant d'être garanti par l'Etat, deviendrait du ressort des différents bassins de logement. Dans une troisième étape, les actions seraient définies dans des contrats d'objectifs, passés avec les collectivités territoriales assortis d'une obligation de résultats à terme. C'est alors qu'il serait possible, dans une dernière étape, d'autoriser à toute personne dont le droit au logement ne serait pas respecté à se retourner contre l'Etat. Le droit au logement opposable, qui existe dans d'autres pays, n'est pas une utopie. Il n'est pas la marque de l'ingérence de l'Etat dans la propriété privée, et pas davantage une potion magique contre l'exclusion et les inégalités. Mais il est l'expression d'une volonté politique forte. Ce que le XIXe siècle a su faire pour l'éducation, le XXIe doit le faire pour le logement ! Je regrette que dans cet « engagement national pour le logement » vous n'ayez pas pris cette option, que vous manquiez à nouveau ce rendez-vous, alors que les majorités successives se lamentent depuis vingt ans sur la pénurie de logements sociaux et que l'exclusion et la précarité se développent. Quel signal fort nous aurions pu donner aujourd'hui ! L'article 40 a été opposé à l'amendement instituant ce droit opposable. Il est encore temps, Monsieur le ministre, de lever le gage, d'autant que ce droit ne sera effectif que dans quelques années : quelle espérance vous feriez alors naître ! Mme Marylise Lebranchu - Monsieur Borloo, comme vous, j'en ai marre ! M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - D'avoir réduit de moitié la construction de logements sociaux ? Mme Marylise Lebranchu - J'ai donc cherché à regarder en face la réalité des choses. Le logement social, dès notre arrivée au pouvoir, s'est avéré être une question difficile. Il a fallu, et Monsieur Périssol peut en témoigner, rajouter à l'époque un milliard d'euros pour financer son plan. 260 000 ouvertures de chantiers de logements étaient programmées. Nous sommes passés à 300 000. Malgré cette augmentation, nous avons pris acte de la faiblesse du nombre de logements sociaux et nous en avons cherché les raisons. Nous avons alors découvert des constructeurs tétanisés par les difficultés qui pouvaient naître, par exemple, des impayés de loyers ou de la vente éventuelle des logements. Ainsi, alors que nous étions en mesure de financer 80 000 constructions par an, seuls 40 000 logements ont été réalisés. Nous avons donc reconnu que nous n'y parvenions pas. D'où le plan de relance engagé en janvier-février 2001, avec l'objectif de 20% de logements sociaux par commune. A ceux qui le contestent encore, j'indique que ce pourcentage de 20% n'a pas été fixé arbitrairement, mais en référence à la moyenne de logements sociaux sur l'ensemble du territoire en 1990, qui s'établissait à 23%. Pour autant, je m'en entretenais tout à l'heure avec Louis Besson, dans une ville comme Chambéry, même si l'objectif de 20% était respecté, 2 800 demandeurs de logement social resteraient sur liste d'attente, et ce, mutations non comprises. Il faudrait que le pourcentage atteigne 29% pour que toutes les demandes puissent être satisfaites. Avec l'obligation posée par la loi SRU, il fallait réinventer le financement du logement social. C'est ce que nous avons fait avec les PLA comme avec les prêts sur cinquante ans pour l'achat de terrains ou d'immeubles anciens, mesure qui a permis de construire du logement social dans des endroits où la situation était devenue insoutenable. N'oublions jamais que le coût du foncier a aussi très fortement entravé la construction de logements sociaux. Lorsque nous proposons aujourd'hui de créer des établissements publics fonciers régionaux, c'est que certaines collectivités n'arrivent tout simplement plus à acheter de foncier. Vous pensez, Monsieur Borloo, que tout va être réglé avec l'ANRU. Pour la Bretagne, l'enveloppe sera de 150 millions d'euros, mais à enveloppe constante, vous nous avez demandé d'ajouter Vannes et Saint-Malo... M. le Ministre de l'emploi - Nous ne vous avons rien demandé du tout. Ce sont les maires de ces communes qui l'ont souhaité... Mme Marylise Lebranchu - Toujours est-il qu'il n'y aura aucun crédit d'Etat en plus - la préfète de région l'a confirmé -, et que vous sollicitez le conseil régional. Nous, à l'époque, ne demandions rien aux régions. L'idée d'un guichet unique est excellente, mais cela ne résout pas tous les problèmes. Dès lors que le nombre de chômeurs, de travailleurs précaires, de Rmistes augmente, nécessairement les files d'attente de demandeurs de logement s'allongent. Et les financements de l'ANRU seront insuffisants. Les crédits de l'ANAH, essentiels pour les opérations de réhabilitation, ont eux aussi diminué : ce sont autant de moyens en moins, et des petites communes qui pouvaient grâce à cela réaliser quelques logements ne le peuvent plus. Dans le dispositif Besson, l'avantage fiscal était clairement lié à un engagement social, les bailleurs privés ne pouvant plus y prétendre dès lors que le loyer au mètre carré dépassait un certain seuil. Or, aujourd'hui, l'avantage fiscal a été déplafonné, ce qui constitue non pas une erreur, mais une faute. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) M. Rodolphe Thomas - Nous voilà appelés pour la troisième fois en trois ans à examiner un projet de loi visant à apporter des solutions à la crise du logement. Son objectif est triple : libérer le foncier, développer l'offre de logements et en favoriser l'accès, améliorer les conditions d'habitat. Nous approuvons bien entendu ces objectifs et les mesures qui en découlent. La construction de logements a pris beaucoup de retard dans notre pays ces dix dernières années, alors même que la demande ne cesse de croître. Le logement est, avec l'emploi et l'éducation, l'une des piliers de notre société. Etudiants, jeunes couples, familles mais aussi retraités qui ne peuvent plus, avec leur faible pension, se loger dans le privé, tous souhaiteraient bénéficier d'un logement à loyer modéré. La flambée du prix des terrains à bâtir a nourri la spéculation et entraîné une rétention foncière, ce qui freine la construction de logements sociaux, et ampute le pouvoir d'achat des ménages, confrontés à une hausse permanente des loyers. Il convient donc de saluer dans ce texte les dispositions visant à favoriser l'accession à la propriété. La France est en effet l'un des pays européens où le taux de propriétaires est le plus bas, avec 56% seulement contre 74% en Grèce, 78% en Irlande et même 83% en Espagne. Face à ce retard, vous avez su amorcer un mouvement inverse salutaire, qui devra se poursuivre. Nous nous félicitons de l'objectif de réaliser 500 000 logements sociaux sur cinq ans, d'en conventionner 200 000 à loyer maîtrisé et d'en remettre sur le marché 100 000, aujourd'hui vacants. Le cap des 400 000 logements mis en chantier a été franchi fin novembre, ce qui contribue d'ailleurs à la croissance du secteur du bâtiment, où 25 000 emplois ont été créés. Les mesures par ailleurs prises en faveur de l'emploi devraient conforter cette tendance. Le logement est un facteur majeur de cohésion sociale. Qui ne sait aujourd'hui que sans emploi, pas de logement, mais tout aussi bien sans logement, pas d'emploi ? La pénurie de terrains constructibles a fait flamber les prix. Il faut donc aider à libérer le foncier disponible, de l'Etat comme des communes, et inciter les propriétaires de terrains non bâtis à les vendre. Il faut aussi améliorer le financement du logement social et traiter d'urgence le problème des mal-logés. La loi SRU incite déjà les propriétaires de logements insalubres à y effectuer les travaux indispensables. Il faut aller plus loin encore car trop de logements en mauvais état sont encore loués à n'importe quel prix, le plus souvent à des personnes en situation précaire. Les maires devraient avoir le pouvoir d'autoriser ou non la mise en location de tout immeuble de plus de trente ans, selon qu'il répond ou non aux exigences de décence et de salubrité. Il est inacceptable que l'APL ne soit pas versée lorsqu'elle est inférieure à 24 euros par mois. Ainsi quelque 200 000 familles se trouvent arbitrairement privées de 300 euros par an, soit l'équivalent d'un loyer. L'allocation devrait être versée au moins à échéance trimestrielle. Autre point-clé pour les élus locaux que nous sommes aussi : la longueur des délais de jugement en cas de recours contre un permis de construire. Même si la réforme intervenue par ordonnance en 2005 a permis des améliorations, ces délais restent trop longs, entravant les programmes de construction, y compris d'habitat social. Il faudrait également revaloriser l'image du logement social, trop souvent perçu comme réservé aux familles cumulant les difficultés et donc synonyme d'insécurité. Rappelons que 70% de la population française pourrait prétendre à un logement social ! La clé de la réussite dans le secteur du logement repose sur l'engagement et le volontarisme des élus locaux, mais aussi des bailleurs sociaux et privés, j'en suis convaincu. Nous approuvons la plupart des propositions de ce projet de loi. Nous attendons beaucoup de son examen, espérant qu'il permettra de l'enrichir de façon substantielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Alfred Marie-Jeanne - Il serait mensonger de prétendre que la situation du logement en Martinique ne s'est pas améliorée depuis quelques décennies. Grâce à la mobilisation de tous les acteurs, au premier rang desquels les communes qui ont apporté le foncier, un parc HLM de 25 000 logements a pu être constitué. Pour autant, la situation n'en demeure pas moins préoccupante et se loger reste pour les Martiniquais un parcours du combattant. L'un des problèmes tient au millefeuille institutionnel, que n'allège d'ailleurs pas ce projet de loi. En effet, la délégation de compétence n'est pas expressément précisée au départ, ce qui présente un double risque : celui de relations plus tendues entre les structures intercommunales et le conseil général, auquel revenait auparavant cette délégation, et celui d'un éparpillement des décisions, préjudiciable à l'efficacité. Le foncier disponible est de plus en plus rare sur notre île à cause de l'exiguïté du territoire, de son relief accidenté, de l'extension des zones non constructibles compte tenu des risques naturels - nos 34 communes sont toutes couvertes par un plan de prévention des risques naturels ! Le temps n'est-il donc pas venu de construire plus en hauteur en prévoyant une enveloppe spécifique « risques naturels » afin de répondre aux nouvelles normes exigées, notamment parasismiques ? La spéculation a considérablement renchéri le foncier, mais la défiscalisation contribue elle aussi à cette envolée des prix, qui rend la propriété inaccessible aux plus modestes. Comment stimuler la construction et faciliter l'accession, sans moyens substantiels ni mesures d'encadrement appropriées ? Aujourd'hui, le retard s'amplifie dans la réalisation des programmes, en raison de la diminution drastique des crédits de la ligne budgétaire unique. Ainsi, 1 500 attributaires ont un dossier en cours, pour lequel ils ont versé leur apport personnel et commencé de rembourser leur prêt, alors que la construction ne peut pas démarrer, faute des crédits nécessaires. Plus de 10 000 demandes de logement demeurent insatisfaites depuis des années. Et ce nombre ira croissant, sous l'effet de la décohabitation et du vieillissement ! D'autre part, plus de 80% des plus de 60 ans possèdent leur logement dans un parc privé qui compte 75 000 unités. La plupart accèdent difficilement au crédit. Le marché de la réhabilitation s'est donc développé. Déjà 50% de la ligne budgétaire unique y est consacrée, avec 400 entreprises, 2 100 salariés et 20% de la masse salariale du BTP. Ne faudrait-il pas donner un coup d'accélérateur pour réhabiliter 5 000 logements ? Malgré les annonces, les crédits de la LBU pour le logement social en Martinique sont insuffisants et ont baissé ces dernières années, y compris en crédits de paiement. Les opérateurs du logement social avancent des fonds pour l'Etat et ne les retrouvent pas intégralement en fin d'opération. M. Jean-Louis Dumont - L'Etat fait sa trésorerie. M. Alfred Marie-Jeanne - A la fin de 2005, il restera 15 millions d'impayés pour l'ensemble du logement social. A chaque région sa réalité propre, donc un programme adapté et un financement approprié. Mais partout, le logement décent renforce le lien social ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Jacques Le Guen - Avec ce projet, l'ANAH devient l'Agence nationale de l'habitat, avec la mission plus large de promouvoir le développement et d'améliorer la qualité du parc privé de logement. Il est en effet impératif de veiller à ce que chacun dispose d'un logement, et d'un logement de qualité. Or, de ce point de vue, la situation des riverains des aérodromes militaires n'est pas suffisamment prise en considération, alors qu'il subissent une gêne indéniable. En effet, le plan national d'action contre le bruit, qui a renforcé les dispositifs d'aide à l'isolation phonique, s'applique aux seuls riverains des aéroports civils. Comme s'il y avait un bruit civil et un bruit militaire... Certes, le projet n'a pas pour objet de régler cette question. Mais j'espère en une intervention accrue de l'Agence dans la lutte contre le bruit en général et pour les riverains des aérodromes militaires en particulier. J'en ai déjà parlé avec ses responsables. Une possibilité est d'accorder des dérogations au cas par cas pour le montant des travaux. Une autre est de créer un guichet unique pour les aides de l'Agence et pour celles attribuées dans le cadre du programme national d'actions contre le bruit. Je souhaite également qu'on augmente les subventions. Développer les missions de l'agence comme le fait ce projet est une première étape, que j'approuve. Il faudra ensuite réellement aider les riverains des aérodromes militaires à isoler leur logement du bruit, et, sur un problème aussi particulier, l'emplacement du logement doit être un critère au moins aussi important que le revenu. En ce qui concerne l'application de l'article 55 de la loi SRU, et sans remettre en cause le principe de la mixité sociale, il faudrait tenir compte des contraintes foncières. Je vous ai saisi, comme votre prédécesseur, de la situation de la commune du Relecq-Kerhuon. Sur un territoire exigu de 643 hectares pour 11 500 habitants, près du littoral, d'une voie ferrée, de deux voies express et avec un bâtiment de pyrotechnie militaire et des espaces boisés, les possibilités de construire encore sont minimes. Pour de telles communes, des aménagements sont nécessaires. J'espère que cette discussion ainsi que le bilan triennal d'application de la loi SRU y contribueront (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Philippe Pemezec - Aujourd'hui, 80% des gens vivent en ville ou en périphérie, la plupart ont des revenus modestes, et les prix des logements augmentent car l'offre ne suit pas une demande qui continuera à croître en raison du vieillissement, de la décohabitation, de la taille plus grande des habitations. Il y a pénurie. Il faut donc construire. On n'a jamais construit autant, c'est vrai, mais il faut poursuivre l'effort. Cependant je mets en garde ceux qui, sous la pression de la loi SRU, pensent que le logement social offre une solution miracle : attention à ne pas élargir le fossé entre parc privé d'une part, parc social de l'autre ! 47% des gens modestes vivent dans des logements privés locatifs... M. Jean-Louis Dumont - C'est du logement social de fait. M. Philippe Pemezec - ...mais ils ne peuvent suivre un parcours résidentiel, et les personnes à revenus moyens ne pourront ni devenir propriétaires ni locataires dans le parc privé, en raison d'un écart de loyers trop important. M. Michel Piron - C'est un vrai problème. M. Philippe Pemezec - Il faut donc sortir des sentiers battus. Pour améliorer l'offre de logements, nous pouvons agir sur le foncier, la mobilité et l'accession, ce sans opposer parc privé et parc social car la crise du logement est globale - mais on peut la régler si on en a la détermination, ce qui est le cas du Gouvernement. Il faut d'abord libérer du foncier. Chaque année, 90 000 familles ne peuvent plus devenir propriétaires en raison de l'augmentation du prix des terrains. Nous devons nous donner les moyens de réguler le prix de l'immobilier. Il faut aussi inciter les maires à redevenir des bâtisseurs. L'Etat, premier propriétaire foncier de France, doit prendre des mesures fermes pour libérer des terrains. Le projet aborde ce sujet, mais il faut être plus volontaire et rendre aux maires leur place centrale. Si l'on veut qu'ils construisent du logement social, il faut leur donner une meilleure maîtrise des attributions, compenser totalement les pertes de taxe foncière dans ce cas, et mieux protéger les procédures contre les recours. Il faut aussi accepter une certaine densification, qui n'est pas un mal : les quartiers de tours et de barres qui se sont enflammés à la fin de l'année dernière sont bien moins denses que les centres villes, où l'on vit mieux. Simplement, il faut mieux organiser cette densité, recréer des rues et une urbanité, une capacité à vivre ensemble alors qu'un urbanisme froid, en créant le vide autour des tours, a aussi créé la désespérance. Il faut d'autre part encourager la mobilité des ménages, baisser les droits de mutation pour fluidifier le marché, prendre en charge les frais de déménagement, permettre à ceux qui occupent un logement trop grand de retrouver d'autres conditions dans le même quartier, sans payer un loyer plus élevé. Ne peut-on imaginer des baux à trois, six et neuf ans dans lesquels, au bout de trois ans, si les revenus n'ont pas évolué il y a maintien dans les lieux, s'ils ont évolué un peu, il y a un surloyer, et s'ils ont évolué fortement, on incite la personne à aller vers l'accession ? Enfin, il faut tout faire pour permettre d'accéder à cette propriété dont les Français rêvent. Les plus modestes et les classes moyennes se constitueront ainsi une retraite, et le parcours résidentiel en sera facilité. Ces mesures pragmatiques, justes et durables amélioreront la situation du logement public et du logement privé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Jean-Louis Dumont - D'abord, mettons-nous d'accord sur les chiffres. Qu'entend-on par production de logements ? Parle-t-on des autorisations de programmes inscrites à un budget prévisionnel, des autorisations de financement signées par le trésorier-payeur général, des mises en chantier, des logements finis ou des VFA, c'est-à-dire des ventes ? M. le Ministre de l'emploi - Si vous voulez être précis, les VFA ne sont pas les ventes ! M. Jean-Louis Dumont - C'est vrai ! Reste que la clarification que vous avez demandée avec les opérateurs reste la bienvenue. Le texte que nous examinons ce soir l'est aussi. Annoncé à coups de trompe, promis par trois ministres qui ont changé le titre, ajouté au texte ou élagué, il se présente finalement comme un support à la disposition du Parlement, puisque l'urgence n'a pas été déclarée. Pour une fois, le Gouvernement laisse le travail parlementaire s'exécuter correctement. M. Michel Piron - Ah ! M. Jean-Louis Dumont - Mais c'est une nouveauté ! Depuis quelques années, nous n'y étions pas habitués ! Pour construire, il faut du terrain à bâtir, et donc du foncier disponible. En 1996, j'avais présenté au Conseil économique et social un rapport sur le foncier. Dix ans plus tard, ces propositions, qui émanaient de l'ensemble des acteurs économiques, sociaux et culturels représentés au Conseil, vont entrer en ligne de compte. J'entends certains collègues dire que l'Etat doit mobiliser son foncier, mais qu'a fait le patron de RFF à l'époque où c'était un préfet de la République ? Il s'est tourné vers des promoteurs privés ! Où étaient le logement social, le logement conventionné, la réponse aux besoins des populations ? Monsieur le ministre, accepteriez-vous que les régions Alsace-Lorraine ou Champagne-Ardenne, par exemple, discutent avec RFF pour vous présenter un projet, dans le cadre du plan de relance de la construction ? Voilà qui serait du bon travail ! Je suis prêt à relever ce défi, mais je vous rappelle que, dans la loi de finances rectificative, vous avez déjà mis la main sur le pactole ! A propos de pactole, un amendement gouvernemental s'intéresse au crédit immobilier. Nous étions un certain nombre à croire, naïvement, que la négociation avait été menée à terme. Le prix du ticket d'entrée doit ainsi passer de 300 à 800 millions ! Et vous faites état, quelque part, des « actionnaires de sociétés anonymes de crédit immobilier qui souhaitent céder leurs titres »... Mais à qui ? Quel est le futur actionnaire ? Le connaissez-vous déjà ? On suppute ! On craint ! Jusqu'à présent, vous ou vos prédécesseurs, y compris de gauche, discutaient, négociaient et finalisaient quelque chose qui était mis plus tard dans un projet de loi ou un règlement. Aujourd'hui, vous négociez, et vous lancez l'opération ! Manifestement, de nombreuses craintes se sont exprimées : voudrait-on faire disparaître un opérateur ? L'accession sociale à la propriété : les crédits immobiliers y ont, modestement, contribué, ainsi qu'à la fluidité des patrimoines. Cette accession s'effectue, dans la plupart des organismes, après avoir établi un plan stratégique de patrimoine, négocié avec le maire et obtenu l'autorisation du préfet de la République, ce qui n'est pas rien... J'ai pu mesurer ce que représente la mobilisation des acteurs et l'importance de l'allégement d'un certain nombre de contraintes, mais votre gouvernement, qui se targue de faire des économies et d'alléger, vient de créer une nouvelle délégation interministérielle à la production du logement locatif ! Depuis que je suis militant pour le logement social... Mme la Présidente - Monsieur Dumont, il faut conclure. M. Jean-Louis Dumont - ...je pensais que c'était du ressort de la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction ! Alors pourquoi inventer un autre zinzin ? Sur le terrain, on se plaint beaucoup d'un manque d'écoute : ne compliquez pas encore les choses ! Je vous ferai remarquer... Mme la Présidente - Merci, Monsieur Dumont... M. Jean-Louis Dumont - Madame la présidente, le temps autorisé pour la défense des motions a été réduit, il faut bien dire certaines choses du haut de cette tribune ! Mme la Présidente - Monsieur Dumont, tout le monde connaît les règles qui s'appliquent. M. Jean-Louis Dumont - Je vais conclure. Ce projet de loi, qui peut devenir un outil à la disposition de l'ensemble des opérateurs, publics et privés, doit aussi être un signe de confiance envers ceux qui se mobilisent depuis des décennies pour répondre à la demande, plutôt qu'un casus belli pour régler quelques comptes ici ou là ! La subvention de l'Etat dans une opération représente, aujourd'hui, entre 1,7 et 3 %. Ce n'est donc pas le plus important ! Il faut surtout que la délégation de l'aide à la pierre s'accompagne d'une confiance : contrôlez, certes, après, mais n'empêchez pas ! Il faudra expliquer à la Milos, la mission interministérielle d'inspection du logement social... Mme la Présidente - Monsieur Dumont, ne repartez pas sur un nouveau thème... M. Jean-Louis Dumont - La Milos dit à certains acteurs du logement social que la vente n'est pas leur métier. Pourquoi, alors, ne pas l'intégrer dans l'article L. 411 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Pierre-André Périssol - Monsieur le ministre, vous présentez ce projet de loi, qui comporte de nombreuses dispositions techniques positives, après avoir obtenu un rythme de construction sans précédent et lancé une politique de la ville ambitieuse et novatrice tant dans son contenu que dans les moyens déployés, politique dont on a vu récemment combien elle était indispensable. Vous disposez donc d'atouts certains. Nos concitoyens attendent de nous qu'avant la fin de cette législature, leur accès au logement ait été facilité, qu'il s'agisse de louer ou d'acheter, en particulier dans les zones qui connaissent de grandes tensions immobilières. Le bilan du Gouvernement sera mesuré à ses résultats concrets sur le terrain. Ainsi, il faut satisfaire les besoins là où ils sont les plus pressants. Construire des logements est très bien, mais les choses ne changeront que si ces logements, tant sociaux que privés, se trouvent là où sont les vrais besoins - d'où l'importance du volet foncier du projet de loi. Ensuite, dans les zones tendues, la primo-accession, qui concerne surtout les jeunes ménages, n'est plus possible. Ce n'est pas acceptable. Des dispositifs de portage du foncier doivent être mis sur pied. Ils doivent être efficaces, encouragés et abondés pour être réellement efficaces. Enfin, il faut redéfinir le périmètre du logement social. Aujourd'hui les plafonds de revenus des logements PLUS sont tels qu'ils sont accessibles aux deux tiers de la population. Il faut donc définir les catégories de logements qui ont une véritable utilité sociale et vocation à bénéficier à des ménages. Si les réponses que vous apportez à ces questions sont bonnes, serait-il possible d'obtenir des résultats tangibles d'ici à la fin de cette législature ? Je pense que, si on le veut, on le peut. Dans le domaine de l'hébergement d'urgence par exemple, vous avez pris l'engagement de réaliser 5 000 logements. C'est possible, même s'il faut être conscient des difficultés, que je mesure au vu des efforts que nous avons dû faire en 1995 et 1996 pour réaliser 20 400 logements d'urgence et d'insertion en 18 mois. M. Jean-Louis Dumont - On s'en souvient ! M. Pierre-André Périssol - En ce qui concerne l'offre de logements locatifs HLM, le succès du prêt à taux zéro, lancé en 1996, a permis de multiplier par deux et demi en 1997 le nombre de places offertes en HLM. Troisième exemple : l'amortissement pour l'investissement locatif privé a permis de disposer de 140 000 logements nouveaux en deux ans, dont surtout des logements étudiants ou des grands logements dans des zones qui en manquaient cruellement. Pour que les choses changent dans les faits, il faut une volonté politique forte et un engagement complet. Vous avez l'une et l'autre et je suis donc pleinement confiant dans le fait que vos engagements seront tenus en fin de législature ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Pierre Grand - Nos rencontres avec nos concitoyens font toujours ressortir les deux mêmes préoccupations principales : un emploi ou un logement pour soi, ses enfants ou ses petits-enfants. Le problème de l'emploi, et en particulier de celui des jeunes, a été pris à bras-le-corps par le Gouvernement. A présent, la majorité veut agir en faveur du logement pour tous. Chaque mois, 1 500 habitants s'installent dans l'Hérault : je suis témoin des difficultés qu'ils rencontrent pour trouver un logement ou accéder à la propriété. Un travail et un toit : n'est-ce pas la première des libertés à garantir à nos concitoyens ? Cette loi atténue les problèmes que pose aux maires de mon département la progression exponentielle des coûts du foncier à bâtir. Nous souhaitons répondre à l'appel du Président de la République en faveur d'un logement décent pour tous. Comme bien d'autres maires, j'ai la ferme volonté de satisfaire au plus vite à l'obligation légale des 20% de logements sociaux. Pourtant, toutes les villes qui sont dans ce cas ne sont pas forcément privilégiées : dans ma commune par exemple, les logements privés des « barres » regroupent un grand nombre de familles modestes, et ces logements sociaux de fait sont aussi nombreux que ceux qui sont labellisés. Même s'ils ne sont pas pris en compte par la loi SRU, nous mettrons tout en œuvre pour atteindre le quota : je me suis engagé, dans le PLU en cours de révision, à ce que tout programme immobilier comprenne au moins 27% de logements sociaux. Comme pour le logement social locatif, la demande d'accession à la propriété est croissante, venant notamment de jeunes couples - les primo-accédants - qui disposent de revenus modestes mais stables. Il serait juste de faciliter leur parcours par des programmes identiques à ceux des logements sociaux locatifs et que l'on comptabiliserait au titre de la loi SRU. Afin d'éviter toute dérive, cette prise en compte pourrait être limitée à dix ans et au quart du parc social. Cet engagement en faveur de nos concitoyens les plus modestes et les plus jeunes correspond à votre politique d'égalité des chances pour tous, qui est aussi la nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) La séance, suspendue à 23 heures 20, est reprise à 23 heures 25. Mme Chantal Robin-Rodrigo - Cette crise du logement sans précédent exige un effort de la nation comparable à celui des années 1950. Dans la plupart des agglomérations, le marché est saturé, les loyers ont augmenté au point de devenir inaccessibles pour les ménages modestes et le prix du foncier s'est envolé. Les files d'attente pour le logement social s'allongent. Faute de pouvoir trouver un toit à leur portée, certains de nos concitoyens sont contraints de camper dans leurs voitures ou de retourner dans leurs familles. Les zones rurales ne sont pas épargnées : malgré la volonté de certains élus d'attirer de nouveaux ménages dans leurs communes, la disparition des services publics entrave la construction de nouveaux logements. Malgré l'objectif affiché de 400 000 nouveaux logements pour 2006, la part consacrée à l'accroissement du parc reste insuffisante et le texte ne répond pas à la gravité de la situation. Il faut prendre des mesures fortes pour répondre à l'érosion du pouvoir d'achat des locataires, pour étendre la construction de logements sociaux à l'ensemble du territoire et pour développer la mixité sociale. Depuis 2002, vos choix budgétaires ont aggravé la situation en dérégulant le marché et en créant un déséquilibre entre l'offre et la demande : vous n'avez accordé que deux revalorisations bien insuffisantes aux aides d'accès au logement - qui bénéficient à plus de six millions d'allocataires. Vous avez relevé le seuil de non versement de l'allocation-logement de 15 à 24 euros - ce qui a privé 120 000 ménages de cette prestation - et vous avez orchestré le désengagement de l'Etat, dont témoigne notamment le transfert du FSL aux départements. Enfin, s'agissant de l'offre de logement, vous avez privilégié la montée en charge de logements intermédiaires au détriment des PLUS et des PLA-I, destinés à loger les personnes à faible revenu. Les PLA-I représentaient 12% de la production en 2000. Aujourd'hui, ils ne constituent que 9,5%. Du total. Par contre, la production de logements sociaux intermédiaires a triplé depuis 2000, passant de 9,5% à 33,7% des mises en chantier. Parallèlement, vous avez privilégié les aides fiscales à l'investissement privé. Le dispositif de Robien n'a fait qu'encourager la spéculation immobilière, en accordant sans contreparties sociales des avantages fiscaux aux ménages aisés. Dans les faits, vous avez insufflé une politique du logement qui ne répond pas à la demande sociale, et ce ne sont pas les propositions du jour qui vont inverser la situation ! Il y a un décalage entre le besoin et l'offre : l'Etat, garant de la solidarité et de la cohésion sociale, doit consacrer le budget nécessaire à la relance du logement. Assez de déclarations de bonnes intentions : les Français attendent des actes. Vous dites que l'intérêt majeur du projet de loi consiste à lever les principaux freins à la réalisation de logements. Pourtant, le texte est muet quant à l'attitude des élus qui refusent de se conformer à l'article 55 de la loi SRU, lequel impose 20% de logements sociaux. Quelle valeur donner à la notion de cohésion sociale lorsque la solidarité nationale est menacée par ceux qui amalgament logement social, pauvreté, immigration et insécurité ? Comment parler de respect des lois de la République lorsque certains élus s'affranchissent de leurs obligations tout en prétendant, dans le même temps, donner des leçons de civisme aux jeunes de nos quartiers ? Las, votre projet ne prévoit rien pour contraindre les élus qui ne jouent pas le jeu. Oui, il est du devoir de l'Etat de faire respecter la volonté du législateur et je vois au moins trois leviers qu'il serait urgent d'actionner. D'abord, les dispositifs fiscaux doivent être revus dans le sens d'une plus grande efficacité de la dépense publique. Ils doivent surtout s'accompagner d'un certain nombre d'obligations en matière de plafonnement des loyers, en vue d'éviter toute spéculation. On ne peut consentir de nouveaux avantages fiscaux sans exiger de réelles contreparties sociales. Ensuite, l'enrichissement de l'offre commande de relancer la production de logements très sociaux, car c'est dans ce secteur que l'insuffisance est la plus criante. La mixité sociale doit être le moteur de la politique du logement. Elle passe par le développement d'une offre diversifiée sur l'ensemble du territoire. Enfin, il est nécessaire de garantir le pouvoir solvabilisateur des aides à la personne en revalorisant chaque année les prestations au logement sur la base des indices fixant le taux d'augmentation des loyers. Le Gouvernement a également déposé un amendement tendant à obliger les SA de crédit immobilier à céder leurs participations dans des conditions inacceptables, le produit de la vente étant capté par l'Etat : c'est un véritable hold-up qui se prépare, son butin pouvant être estimé à 2,8 milliards. Cette opération met en péril l'emploi des 6 000 collaborateurs des sociétés de crédit immobilier, et ce projet scandaleux va à l'encontre de toutes vos déclarations d'intention. Le Crédit immobilier de France est l'organisme HLM de l'accession sociale à la propriété et il détient en la matière un savoir-faire incomparable. Plutôt que de le fragiliser, il convient de l'aider à poursuivre sa mission sociale. J'espère sincèrement que vous reviendrez sur votre décision... M. Augustin Bonrepaux - N'y comptez pas ! Ils en sont réduits à faire les fonds de tiroirs ! Mme Chantal Robin-Rodrigo - J'attendais de ce texte qu'il permette de mieux réaliser le droit au logement auquel aspirent légitimement nos concitoyens. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Mme la Présidente - La parole est à M. Raoult... Plusieurs députés socialistes - Des excuses ! M. Éric Raoult - Oh ! Des excuses, certains ici seraient fondés à en présenter pendant des années, tant leur bilan est peu glorieux ! Depuis plusieurs années, le droit au logement est venu théoriser - ou plutôt dissimuler - les échecs du devoir de loger. Avec ce texte, vous avez, Monsieur le ministre, le mérite de faire passer la pratique avant l'idéologie facile de ceux, qui, pendant des années, ont manié le slogan plutôt que le ciment. Le logement est en crise, et les drames de l'été nous ont tous interpellés, car chaque élu connaît le dossier des mal logés. Vous prenez le parti d'un nouvel engagement volontariste, qui dépasse le parti pris de ceux qui n'ont guère réussi, et qui doivent parler fort parce qu'ils ont la truelle modeste ! Votre engagement avait déjà trouvé à se concrétiser dans la loi de programme pour la rénovation urbaine de 2003, laquelle a permis de réhabiliter nombre de logements dans les quartiers en difficulté. Dans le plan de cohésion sociale de juin 2004, vous avez ensuite fixé des objectifs ambitieux en terme de production de logements. Ces actions complètent le mécanisme d'aide à l'investissement locatif privé « de Robien » qui a été créé antérieurement et qui a fortement contribué au développement de l'offre nouvelle. Continuité et bon sens sont donc les deux qualificatifs qui résument le mieux le texte dont nous débattons aujourd'hui. Continuité, car le projet de loi portant engagement national pour le logement était très attendu depuis les événements tragiques de ces derniers mois. Il témoigne du pragmatisme et de la mobilisation des gouvernements successifs de notre majorité en faveur du logement. Continuité encore, car ce projet de loi répond aussi aux engagements du Président de la République, déclinés en trois axes essentiels : un plan ambitieux de démolition-reconstruction ; une action déterminée contre les logements et les copropriétés dégradés ; un programme de construction de nouveaux logements sociaux. Objectifs tenus : en 2005, environ 400 000 logements ont été mis en chantier, ce qui représente un niveau de production jamais atteint depuis vingt ans. Parallèlement, 75 000 logements sociaux locatifs ont été financés en 2004 contre seulement 42 000 en 2000. L'objectif est d'en produire 500 000 en cinq ans. Moins d'un an après la tenue de son premier conseil d'administration, l'ANRU - si critiquée ce soir - a validé près de 15 milliards de travaux ; 230 quartiers, où résident près d'un million et demi d'habitants, sont déjà bénéficiaires d'un dispositif qui engage plus de 57 000 constructions, 110 000 réhabilitations et plus de 110 000 opérations de résidentialisation. Au total, le programme représentera 35 milliards de travaux : un tel engagement n'avait jamais été pris. Mais, si l'ampleur de la crise exige d'accroître le nombre de nouveaux logements, nous devons également tenir compte de la spécificité urbaine de certaines villes. Dans la région parisienne, l'offre foncière est très restreinte. Or, on ne construit pas sur du discours virtuel, mais bien sur des terrains réels ! Mme Chantal Robin-Rodrigo - Il faut faire preuve de volonté ! M. Éric Raoult - Nous n'en manquons pas ! Les maires sont responsables du présent de leur action, pas de l'histoire de leurs prédécesseurs. Dans ma ville du Raincy, ancien château du duc d'Orléans, le prix du mètre carré de terrain est 3,5 fois plus élevé qu'à Bobigny. Dans la commune de Livry-Gargan, gérée par le parti socialiste depuis trente-cinq ans, le prix du mètre carré de terrain est 2,5 fois plus élevé qu'à Bobigny... M. Jean-Claude Lefort - C'est déjà moins cher ! (Sourires) M. Éric Raoult - Peut-être, mais on n'y dénombre toujours pas 20% de logements sociaux. Dans un tel contexte, les aides de l'Etat pour le surcoût foncier ne compensent pas la différence. La réalité, c'est que l'article 55 de la loi SRU tend à instruire un véritable procès en sorcellerie contre les élus, sans doute pour redonner des vitamines au parti socialiste ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Vous ne prenez pas en compte la réalité historique et la situation financière de certaines villes. Au-delà des pénalités, des inéligibilités, des caricatures, des oukases, il faut sortir de l'affrontement et obtenir l'apaisement. Il faut aider les élus à construire plutôt que les stigmatiser... M. François Brottes - Vous êtes orfèvre ! M. Éric Raoult - Il y a quelques années, Roger Quilliot avait eu cette belle formule : « un logement social réussi, c'est un logement social invisible ». A cet égard, Monsieur le ministre, votre texte va dans le bon sens, celui de la concertation plutôt que la menace de sanctions. En effet, vous proposez de mettre en place un groupe de travail sur les établissements publics fonciers locaux, et un autre sur le logement social au regard de l'article 55 de la loi SRU. Sur ce dernier point, l'objectif d'analyser toutes les sources de difficultés et les situations particulières des villes va dans le bon sens. Chers collègues, nous sommes tous élus dans des circonscriptions différentes. Sur les six communes que compte la mienne, quatre sont concernées par la loi SRU et deux par la politique de la ville. Les difficultés de chacune d'entre elles sont spécifiques et il faut arrêter de montrer du doigt les maires présentés comme hors la loi... Mme Chantal Robin-Rodrigo - Doit-on tolérer que le législateur n'applique pas la loi ? M. Éric Raoult - et donner plutôt la main aux collègues qui ont besoin de l'appui des départements et des régions. Pour refuser l'indifférence, il faut respecter les différences qui façonnent le visage de la France. C'est pourquoi les décisions du département de la Seine-Maritime et de la région Ile-de-France de supprimer les aides financières aux villes concernées par l'article 55 de la loi SRU sont aussi sectaires qu'inadmissibles ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Monsieur le ministre, vous souhaitez également libérer du foncier et aider au financement du logement en baissant de 0,15% le taux des nouveaux prêts de la Caisse des dépôts aux bailleurs sociaux, ainsi qu'en créant des prêts dédiés à l'acquisition de terrains par la Caisse des dépôts. Tout cela va dans le bon sens ! Vous encouragez les maires à construire, en ajustant les coefficients d'occupation des sols qui pourront être dépassés pour la construction de logements sociaux dans les zones déficitaires. C'est encore du bon sens ! Je comprends la gêne de l'actuelle opposition : comme vous n'avez pas réussi grand-chose, il faut bien que vous haussiez le ton, et c'est ce que vous faites ce soir. Il convient cependant d'avoir sur ces sujets des échanges constructifs, dépassionnés et, je l'espère, non idéologiques. M. François Brottes - On compte sur vous ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste) M. Éric Raoult - Monsieur le ministre, ce pragmatisme est votre ligne de conduite depuis de nombreuses années. Après avoir écouté tous les maires, désormais vous agissez. En tant que député, et comme maire d'une ville dont on a beaucoup parlé - comme du reste de la ville voisine, qui est très différente -, je suis à vos côtés pour relever le défi de la diversité urbaine. Votre texte représente un espoir pour nos villes et pour le pays tout entier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. François Brottes - Attention, un logement invisible n'est pas forcément un logement social réussi ! (Sourires) M. Jean-Pierre Nicolas - Oui, le logement vaut bien un engagement national. Avec l'emploi, la sécurité et la santé, il constitue l'une des priorités de nos concitoyens. Le droit au logement pour tous est, du reste, consacré à l'article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Alors que l'emploi devient aléatoire, c'est le logement qui remplit la fonction d'insertion dans la société, et c'est par lui que l'individu accède à la reconnaissance sociale. Bien que tout le monde s'accorde sur ce constat, force est de reconnaître que, jusqu'à ce projet de loi, la volonté d'équilibrer l'offre et la demande a fait défaut. Ceux qui voudraient s'arroger le monopole du cœur n'ont jamais engagé ce vaste chantier. En vingt ans, la population française a augmenté de 300 000 personnes par an tandis que le nombre de logements construits ne dépassait pas 270 000. Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que le taux de logements vacants soit revenu à celui des années 1960, moins de 7%. A l'évidence, le marché est tendu. Il était indispensable de casser cette dérive à la hausse. En 2005, la politique du Gouvernement a déjà porté ses fruits avec la construction de plus de 400 000 logements, dont 80 000 logements sociaux, soit le double des résultats obtenus lors de la dernière année du gouvernement Jospin. On n'avait pas vu cela depuis très longtemps ! M. Pierre Cohen - La crise du logement est aussi sans précédent ! M. Jean-Pierre Nicolas - Le logement, ce n'est pas une question de droite ou de gauche. Je me réjouis donc que ce projet de loi lutte constitue à enrayer la formation d'une société duale. Le logement, c'est un amortisseur social. M. Jean-Claude Lefort - C'est un besoin ! M. Jean-Pierre Nicolas - Bien que technique, ce texte est empreint de pragmatisme : pour construire, il faut des terrains et donc rompre avec la spirale à la hausse du foncier. C'est le pilier de votre projet de loi, l'Etat incitant les collectivités locales à suivre son exemple par le biais des PLU et des POS. M. Michel Piron - Tout à fait ! M. Jean-Pierre Nicolas - Au-delà, je suggère que l'on donne réellement la possibilité aux organismes HLM de se porter acquéreurs d'un immeuble en vente en futur état d'achèvement par un maître d'ouvrage privé. Ce dispositif permettra l'adaptation des dispositions de l'article 55 de la loi SRU aux réalités du terrain (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). Par ailleurs, les Français ne veulent pas rester locataires à vie, mais ils souhaitent devenir propriétaires de leur habitation. Je me réjouis donc de la mesure de taux réduit de TVA, qui constituera, en outre, un levier économique important, puisque 22% de notre PIB proviennent du secteur du logement. Bref, Monsieur le ministre, votre projet de loi sera un correcteur du marché du logement, et partant, un réducteur d'inégalités sociales. C'est votre combat, c'est notre combat, gagnons-le ensemble ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Mme Martine Lignières-Cassou - Je soulignerai deux failles de ce projet de loi. Premièrement, on ne peut prétendre à un engagement national pour le logement si la très grande majorité des communes, près de 90 %, échappent à l'obligation de compter 20% de logements sociaux. L'effort pour le logement doit être partagé. Le seuil de 3 500 habitants, fixé dans la loi SRU, est-il encore pertinent ? Des études récentes ont montré que les habitants des petites communes souffrent également de problèmes de logement, en particulier dans les communes rurales en périphérie des grandes villes. La petite taille ne constitue pas un obstacle puisque nombre de communes sont aujourd'hui regroupées dans des EPCI ou dans des communautés de communes qui ont la capacité de construire du logement social. Dans le même ordre d'idées, pourquoi ne pas avoir rendu obligatoire la réalisation des PLU et des schémas de cohérence territoriale sur tout le territoire ? Enfin, pour tenir compte des évolutions de la population, il serait bon de se référer aux recensements intermédiaires, et non au seul référendum général organisé tous les neuf ans. Cela permettrait de mieux lisser l'effort de construction et de conventionnement de logements. Second point, la possibilité pour les propriétaires de conventionner des logements sans y effectuer de travaux. Cette procédure relèvera de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, rebaptisée pour l'occasion, agence nationale de l'habitat. Pour inciter les propriétaires à s'engager dans une telle procédure, vous leur accordez une déduction de 30 % de leurs revenus fonciers sans que la future ANH soit en mesure de contrôler quoi que ce soit. L'élargissement de l'offre ne doit pas se faire au détriment de la qualité des logements. Les récents drames liés à l'insalubrité des logements auraient dû vous inciter à plus de prudence. Ce projet de loi comporte encore bien d'autres insuffisances, sur lesquelles mes collègues reviendront (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). M. Bernard Debré - Je comprends que la priorité soit donnée aux mal logés, aux SDF et aux ménages à revenus modestes. Pour autant, il ne faut pas oublier les classes moyennes, qui sont vitales pour l'équilibre de notre société et de nos quartiers. Or, dans les grandes agglomérations, elles sont les premières victimes de la pénurie de logements locatifs et de logements sociaux. Et sur ce point, Paris est malheureusement exemplaire. Du fait de l'insuffisance de l'offre en logement social, elles se retournent vers le secteur libre dont les loyers sont élevés, notamment en raison du désengagement des investisseurs institutionnels du logement locatif, phénomène sans précédent. La vente par lots du patrimoine des institutionnels réduit à une peau de chagrin le parc destiné aux classes moyennes. Les infirmières de l'APHP habitent souvent très loin de leur lieu de travail alors que l'APHP disposent de nombreux appartements. Pourquoi ne pas les mettre à leur disposition, moyennant un loyer adapté durant quelques années ? Aujourd'hui, le marché locatif est dominé à 94% par les investisseurs. Pourquoi leur concéder tant d'aides fiscales quand le Gouvernement pourrait élaborer un cadre dans lequel les institutionnels auraient intérêt à réinvestir dans le secteur locatif privé à loyers libres et intermédiaire ? En attendant, il serait utile de favoriser le développement de l'offre de logements intermédiaires dans les grandes agglomérations, notamment en comptabilisant les logements financés avec des prêts PLAI, quitte à pondérer leur part à 0,5 dans le décompte des 20% de logements sociaux. Ensuite, je me réjouis que vous encouragiez l'accession à la propriété - c'est une grande cause nationale - en accélérant la vente des appartements du parc HLM à leurs locataires. Tout ce qui facilite la constitution d'un patrimoine immobilier par les ménages va dans le bon sens. C'est dans le parc social existant - le privé pratique des tarifs trop élevés - que l'accession à la propriété peut connaître son essor le plus rapide. L'amendement de la commission autorisant l'organisme propriétaire à pratiquer une décote ou une surcote de 35% par rapport au prix des domaines est une excellente mesure. Jusqu'à présent, la mise en œuvre d'une politique d'accession sociale d'envergure s'est toujours heurtée à la réticence et parfois à l'hostilité farouche des organismes propriétaires. Les textes sur la vente des logements HLM, adoptés depuis des décennies, sont restés lettre morte. M. Jean-Louis Dumont - Ne dites pas n'importe quoi ! M. Jean-Louis Debré - Aujourd'hui, sur un parc de plus de 4 millions de logements sociaux, seuls quelques milliers sont acquis chaque année par les occupants, soit un pourcentage minuscule, ne correspondant même pas à une respiration normale. Sans incitation plus contraignante, je crains que nos souhaits ne trouvent guère d'écho. Il faut donc reconnaître aux locataires sociaux un véritable droit à acheter leur logement ou un logement équivalent dans le parc social. M. Jean-Louis Dumont - Cela est déjà inscrit dans la loi ! M. Bernard Debré - Je demande que les recettes de ces ventes soient réinvesties par les organismes dans la construction de logements sociaux ou dans la réhabilitation d'immeubles dégradés, ce qui démontrerait que l'accession sociale est le complément structurel du locatif social. Le devenir du parc HLM est de la responsabilité de la nation et non des organismes, outils légitimes de production et de gestion. Il revient en définitive à la représentation nationale et aux élus de déterminer les règles d'emploi du parc social financé par l'argent public. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Etienne Pinte - Plusieurs millions de personnes sont exclues du droit à un logement décent que, pourtant, la France proclame depuis plus de vingt ans. Je souhaiterais d'abord souligner certaines erreurs à éviter, afin de ne pas entraver les efforts entrepris pour redresser une situation que nous avions pourtant bien analysée il y a dix ans : la fracture sociale. Dix ans de perdus, dix ans à rattraper. La première erreur est de changer constamment les règles du jeu. En 1990, avec la loi d'orientation sur la ville, ma commune comptait plus de 20 % de logements sociaux. En 1996, une première modification de la définition du logement social faisait passer ce taux à 18,5 %, puis en 2000, un nouveau changement nous a fait passer sous la barre des 15 %. Ces pratiques sont insupportables, dans un domaine où nous avons pourtant besoin de lisibilité sur le moyen et le long terme. La deuxième erreur consiste à croire qu'une annonce est rapidement suivie d'effet. Ainsi, la décision de M. de Robien, alors ministre de l'équipement, de céder des terrains appartenant à l'Etat avait été accueillie très favorablement. Mais, en ce qui concerne ma commune, la cession envisagée pour l'Equipement est remise aux calendes grecques, sous prétexte que les responsabilités entre l'etat et le département ne sont pas réparties. M. Jean-Louis Dumont - Voilà ! M. Étienne Pinte - Autre exemple, la cession d'un terrain de soixante hectares, appartenant au ministère de la défense, promise de longue date à Satory, n'est toujours pas opérée car personne ne sait qui financera le coût de la dépollution. M. François Brottes - C'est pareil pour AZF ! M. Étienne Pinte - Enfin, il a fallu plus de six ans pour mettre d'accord la SNCF et RFF, afin de déterminer qui était le propriétaire d'un terrain qui devait nous être cédé. M. Jean-Louis Dumont - Voilà la réalité du terrain ! M. Etienne Pinte - La troisième erreur est de ne pas offrir aux décideurs les incitations nécessaires pour qu'ils adhèrent aux nouvelles mesures. Monsieur le ministre, comment voulez-vous que j'incite les bailleurs sociaux à céder une partie de leur patrimoine, sachant que celui-ci sortira du quota de logements sociaux ? Comment voulez-vous que nous nous lancions dans la construction de maisons à 100 000 euros si elles n'entrent pas dans ce fameux quota ? La quatrième erreur est de ne prendre en compte que le coût du foncier dans le calcul de l'aide de l'Etat. Chaque ville a pourtant sa spécificité et ses contraintes, qui grèvent la réalisation de logements sociaux. Une centaine de villes possèdent par exemple d'importants secteurs sauvegardés, dans lesquels le coût de la construction est de 30 à 40 % plus élevé. Enfin, il faut éviter de mettre en place des procédures au nom de la mixité sociale, qui risqueraient de réduire la quantité de logements sociaux. En effet, l'arrivée d'une nouvelle population dans un quartier ne doit pas faire fuir celle qui y réside déjà. Vous avez écarté la notion de droit au logement opposable. Le droit au logement doit être protégé, non seulement par une obligation de moyens, mais aussi de résultats. Nous devons concilier le souci de ne pas densifier ou étendre inconsidérément notre ville, et celui de permettre le logement de tous. L'article 55 de la loi SRU relève de l'obligation de moyens, mais elle est insuffisante. Les pouvoirs publics doivent être en mesure de faire prévaloir l'intérêt collectif et l'obligation de résultat s'impose. C'est pourquoi le Haut comité au logement des personnes défavorisées propose d'user de la méthode britannique, douce, et ciblée sur certaines populations, avant de passer à la mode écossaise, plus contraignante. Je souhaite, Monsieur le ministre, que vous preniez en considération un certain nombre, et pourquoi pas toutes les propositions de ce haut comité. Ce serait le gage de réussite, dans le domaine du logement, de votre plan de cohésion sociale. (Applaudissements plusieurs bancs du groupe socialiste) M. Jean-Louis Dumont - Ce sont là des applaudissements républicains. M. Pierre Cohen - Le logement connaît aujourd'hui une crise semblable à celle de l'après-guerre, alors même que notre patrimoine immobilier n'a pas été détruit. Nous nous trouvons dans une situation de décalage entre les politiques publiques et les comportements des ménages. L'offre n'est plus adaptée à la recomposition des familles, à la mobilité, au vieillissement de la population ou encore au prolongement des études, et l'on continue à produire du logement comme si les ménages gardaient un comportement linéaire. Le logement est un facteur discriminant, et il participe à la crise sociale. Certains le considèrent comme un investissement rentable, mais pour d'autres, il est devenu une charge lourde - et comme l'ont montré les événements de novembre, il peut stigmatiser et marginaliser. Le logement doit donc être traité comme un élément structurant de la dignité de l'homme. Ce projet de loi répond-il à tous les problèmes ? Ce sujet doit être abordé avec une grande honnêteté intellectuelle. Or, Monsieur le ministre, vous répétez à l'envi que le gouvernement Jospin a failli, tandis que vous apportez les solutions. Mais il y a lieu de s'interroger, puisque vous êtes au pouvoir depuis quatre ans et que la crise s'est aggravée ! Vous aviez pourtant promis que la création de l'ANRU supprimerait tous les obstacles... M. le Ministre de l'emploi - Les villes socialistes demandent bien des subventions à l'ANRU ! M. Pierre Cohen - Mais les besoins restent nombreux et les constructions de logements sociaux n'évoluent guère. Les destructions/reconstructions stagnent, l'offre manquant d'ambition. Reconnaissez que si les choses ont évolué ces dernières années, c'est bien grâce à la gauche et aux effets de la loi SRU ! Vous faites l'erreur de croire que l'accession, fût-elle sociale, constitue la réponse à la crise. M. le Ministre de l'emploi - Ça, vous n'en voulez pas ! M. Pierre Cohen - Elle ne peut qu'y répondre partiellement et ce sont bien toutes les formes de logement social qu'il faut favoriser. Or, contrairement à ce que vous déclarez, les financements se portent essentiellement sur les logements de type « Robien », sans contrepartie sociale. Ainsi, l'Etat a-t-il versé 1 170 millions d'Euros pour 53 000 logements PLU et 5 000 logements PLAI, alors qu'il a abondé à hauteur de 1 350 millions d'euros la construction de 60 000 logements de type « Robien ». Mme Chantal Robin-Rodrigo - Toujours les mêmes ! M. le Ministre de l'emploi - Mais vous avez réduit de moitié le logement social ! M. Pierre Cohen - Ces statistiques sont inquiétantes, d'autant que ces logements restent vacants dans certaines petites villes ! Cette loi apporte-t-elle le souffle nécessaire ? Elle produit la même logique en renforçant les dispositifs d'accession sociale, avec des annonces illusoires de maisons à 100 000 euros. Mais vous ne pourrez réussir ce défi que si les collectivités locales payent le terrain et le viabilisent. M. le Ministre de l'emploi- Et la TVA ? M. Pierre Cohen - En se déchargeant une fois de plus sur le secteur privé et sur le marché, le service public du logement est réduit à sa portion congrue. Les nouvelles missions conférées à l'ANAH, qui l'autorisent à conventionner des logements privés, en est une démonstration ! Enfin, vous ne parvenez pas à lever les obstacles à la construction. Cela aurait pu passer par une forte augmentation de la taxation des communes qui n'atteignent pas les 20 % de logements sociaux ; par le transfert d'une partie des aides en direction des logements de type « Robien » vers les PLUS et les PLA-I ; par l'obligation pour tout nouveau programme de plus de vingt logements, dans les communes en deçà des 20%, de garantir au moins 30% de logements sociaux ; par l'interdiction faite à l'etat de réaliser un profit sur les opérations foncières à destination du logement social. Nous attendions un projet de loi ambitieux qui réponde le plus vite possible au défi qu'est le droit au logement de chacun. Mais il ne nous sera pas donné les moyens d'avoir une telle loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Claude Goasguen - Ma foi, nous soutiendrons ce texte parce qu'il s'inscrit dans une démarche globalement positive (Rires sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Il n'en reste pas moins que certains points ne nous satisfont pas, comme l'article 55. Des avancées ont eu lieu en commission. Je souhaite qu'elles soient confirmées en séance publique, notamment pour ce qui touche à l'accession à la propriété. M. Pierre Cohen - Cela signifie-t-il qu'il y aura une offensive ? M. Claude Goasguen - J'aurais aimé aussi que les classes moyennes, victimes dans les grandes agglomérations de l'augmentation du foncier et des loyers, soient elles aussi considérées comme dignes d'intérêt sur le plan social par le Gouvernement. Nous y reviendrons. Ce texte est globalement positif parce qu'il tend à relancer la construction de logements et à corriger les effets pervers des mesures prises sous les gouvernements précédents. Je limiterai ici mon propos à la situation en Ile-de-France. Si en 2005, plus de 400 000 logements ont été mis en chantier et plus de 500 000 demandes de permis de construire déposées en France, cette embellie n'a pas concerné l'Ile-de-France, et encore moins Paris qui souffre depuis cinq ans d'une politique municipale malthusienne, préjudiciable à sa place dans la compétition avec les autres grandes métropoles européennes. Quand j'entends les Verts - d'ailleurs absents ce soir - réclamer ici la construction de logements sociaux et demander au Conseil de Paris que l'on ne construise surtout pas davantage, je m'interroge sur la cohérence de leurs positions. Je m'interroge de même, quand nos collègues socialistes vantent ici les mérites du logement social et que je vois la politique menée en ce domaine à Paris. En 2005, on a construit mille logements neufs à Paris, dont 700 au titre du logement aidé et 300 au titre du secteur privé. Je rappelle pour mémoire que la Ville de Paris en avait construit 5 500 en 2000, sans l'aide ni de la région ni de l'Etat. Un autre signe ne trompe pas. Alors que jusqu'en 2000, on créait environ cinquante ZAC par an en Ile-de-France, ce nombre est tombé à dix depuis l'adoption de la loi SRU. La situation est encore plus grave à Paris où aucune ZAC n'a été créée depuis 2001, à l'exception de celle des Batignolles, voulue par l'Etat et liée à la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2012. Cela est à mettre en regard de la politique ambitieuse menée par les maires précédents, pour qui les ZAC constituaient un outil d'urbanisme indispensable. M. Michel Piron - Tout à fait. M. Claude Goasguen - Ce triste résultat de la politique délibérée de la municipalité socialiste de Paris devrait inspirer au Gouvernement certaines mesures. Il faudrait notamment simplifier les procédures du code de l'urbanisme, en particulier celles prévues au livre III pour les ZAC, auxquelles devrait se substituer la délivrance d'un permis de construire valant division. Il faudrait aussi que soit publié un guide d'application de la loi SRU à l'intention des maires. M. Pierre Ducout - Cela a été fait en son temps ! M. Claude Goasguen - Enfin, je souhaiterais, Monsieur le ministre, qu'à côté des trois opérations d'intérêt national que vous avez annoncées cet après-midi pour l'Ile-de-France, une autre puisse concerner Paris, où existent encore d'importantes emprises foncières que le maire refuse de libérer, notamment dans les arrondissements du Nord-Est. Je vous demande instamment de mettre à l'étude le lancement d'une opération d'intérêt national à cheval sur les XVIIIe et XIXe arrondissements où cent hectares au moins sont urbanisables. Paris ne peut pas demeurer l'endroit où l'on construit le moins de logements de toute la France ! (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Michel Piron - Il fallait que cela soit dit. M. Philippe-Armand Martin - Le logement constitue, avec l'emploi, l'une des principales préoccupations de nos concitoyens. En effet, disposer d'un toit est un vecteur d'intégration sociale et d'accomplissement familial. Or, les difficultés sont nombreuses en ce domaine : rareté et cherté du foncier, manque de logements sociaux... Je salue donc votre volonté, Monsieur le ministre, de mettre un terme à cette situation. Plus que jamais, il faut relancer la construction de logements et permettre que soit respecté le droit au logement. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Le nombre de mises en chantier annuelles est tombé de 400 000 en 1980 à 303 000 en 2001. Pour ce qui est des logements sociaux, 80 000 étaient financés en 2004 contre 38 000 en 2000. Contrairement à ce que prétendent les socialistes, d'importants retards ont donc bien été accumulés sous la précédente législature. Ce projet de loi vise un triple objectif : libérer le foncier, développer l'offre de logements et en faciliter l'accès, améliorer les conditions d'habitat. La crise du logement ne se limite pas au secteur du logement social, elle touche également celui du logement intermédiaire. D'où l'intérêt de ce texte qui, tout en relançant les constructions, permettra aussi de les diversifier. L'application du taux réduit de TVA aux opérations d'accession sociale à la propriété dans les quartiers ayant signé une convention avec l'ANRU est particulièrement opportune. J'y attache une importance particulière puisque, lors de sa venue dans ma circonscription, votre collègue, Mme Vautrin, m'a indiqué que ce dispositif serait appliqué lors de l'opération de renouvellement urbain qui va être engagée dans le quartier de Bernon à Epernay. Je suis convaincu que les personnes ainsi devenues propriétaires de leur logement seront bien plus respectueuses de leur cadre de vie. L'arrivée de nouveaux habitants contribuera aussi à renforcer la mixité sociale du quartier. Ne nous trompons pas d'enjeu, ce projet de loi n'a pas vocation à s'appliquer dans dix ou quinze ans. Il vise à répondre efficacement à la crise actuelle du logement et sera appliqué dès le lendemain de son adoption. Il marquera notre volonté de mettre en œuvre une politique du logement ambitieuse, à la fois dans le secteur social et dans le secteur privé, au service de tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Pierre Ducout - Pour un très grand nombre de nos concitoyens, le logement constitue le premier problème, au même titre que l'emploi. Beaucoup vivent dans des logements inconfortables, surpeuplés, parfois insalubres. Des jeunes, qui ne peuvent obtenir un logement social, doivent cohabiter avec leurs parents, alors même qu'ils ont déjà des enfants. L'envolée des loyers donne une part croissante aux dépenses de logement dans le budget des ménages, qui ne peuvent parfois plus les assumer, avec les conséquences que l'on sait en matière d'expulsions. Enfin, la crise du logement nuit à la mixité sociale, les quartiers sensibles concentrant les populations en difficulté. Votre gouvernement, loin de s'atteler à régler ces problèmes, a pris des mesures qui ont adressé un bien fâcheux signal. Comme l'ont fort bien souligné les sénateurs Braye et Repentin dans leur rapport sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement, largement approuvé sur les bancs de la Haute Assemblée, le dispositif de Robien a constitué un effet d'aubaine puisqu'il accorde un avantage fiscal sans aucune contrepartie sociale, et a contribué à la flambée des prix. M. le Ministre de l'emploi - Le rapport ne dit pas cela. M. Pierre Ducout - Par ailleurs, jusqu'en 2005, votre Gouvernement a laissé accroire que les dispositions posées par la loi SRU en matière de logement social ne seraient pas appliquées, si bien que des communes ont pu se targuer ouvertement de braver la loi... Ce sont seulement les très graves incidents de novembre dans les banlieues qui ont poussé le Président de la République à dire que cette loi devait être appliquée. M. le Ministre de l'emploi - C'est de l'amalgame ! M. Pierre Ducout - Et c'est à ce moment que le président de la commission a convenu que les maires qui ne font aucun effort doivent être sanctionnés. Certains amendements déposés par la droite nous font douter de la volonté réelle de maintenir les contraintes indispensables pour appliquer l'article 55 de la loi SRU. Dans ce projet, je voudrais souligner deux points. En premier lieu, s'agissant de l'urbanisme, qui est pour une large part du ressort du maire, il est possible de se retrouver sur un certain nombre de sujets. Nous voulons tous mobiliser la ressource foncière, et sécuriser les zones d'urbanisme. Nous sommes d'accord sur l'échéancier des zones à urbaniser, la prolongation de la date limite pour la révision simplifiée des POS jusqu'au 1er janvier 2010, notamment pour proposer des terrains pour les logements locatifs sociaux. J'ai présenté un amendement sur les schémas de cohérence territoriaux, qui sont de bons outils d'aménagement. Il faut effectivement encourager les maires bâtisseurs. J'ai participé au groupe réuni autour de M. Beysson, délégué interministériel au logement. Je dis oui à la compensation de l'Etat pour le foncier bâti, à la possibilité de majorer les COS jusqu'à 50 % pour réaliser du logement locatif social, à l'obligation de tenir compte du locatif social dans la dotation de solidarité communautaire, à l'application du droit de préemption urbain pour les parts de SCI, souvent utilisées pour se soustraire à la préemption. Oui enfin au partage des plus-values entre la commune et le propriétaire lors du reclassement de terrains en zone constructible - mais le taux retenu par Bercy n'est pas sérieux ; en discutant avec les propriétaires, les maires obtiennent souvent beaucoup plus ; ce pourrait être 30%, avec engagement de réalisation de logements sociaux. En second lieu, nous sommes pour la mixité sociale. Mais après avoir sanctionné la ville du ministre de l'Intérieur, il faudrait appliquer la deuxième étape prévue par la loi, et que le représentant de l'Etat se substitue au maire pour faire réaliser les logements locatifs sociaux nécessaires. En tant que député et président du groupe urbanisme de l'association des maires de France, j'ai participé à un groupe de travail de l'ANRU sur l'efficacité des pouvoirs des préfets sur la construction de logements sociaux et je serai très vigilant sur ce sujet. Il y a donc les discours, mais nous verrons quel texte sera voté et quels actes suivront. Nous userons de toutes les possibilités pour infléchir réellement la politique du logement en faveur de ceux qui en ont le plus besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Gilbert Meyer - Le Gouvernement a décidé d'amplifier les efforts pour le logement entrepris avec succès dans le cadre du plan de cohésion sociale. Il faut cependant maintenir les moyens consacrés à la réhabilitation du parc existant. D'autre part, il faut aussi donner des moyens aux particuliers pour participer à ce développement du parc de logements. Ainsi, le partenariat entre les OPAC et le secteur privé devrait se traduire par un élargissement aux SCI familiales des dispositions de l'article L. 442-2 du code de la construction et de l'habitation, issu de la loi Meyer du 19 février 1998. Dans le même esprit, la réduction de la durée préalable de la vacance de deux à un an favoriserait les possibilités de logement, en particulier dans les centres des villes. Ce serait un signe fort de la volonté d'agir pour la mixité sociale en tous lieux du territoire. J'ai déposé un amendement en ce sens. En outre, les priorités du rapport Pelletier de juin 2003 n'étant pas appliquées, certains organismes ont de grandes difficultés de gestion. Par exemple l'OPAC de Colmar qui gère environ 6 500 logements, a ramassé, en 2005, 5 700 m3 d'encombrants, laissés par des locataires indélicats. Le coût, qui en a résulté, 142 000 €, correspond à une majoration de loyer de 0,84% pour l'ensemble des locataires. L'équité voudrait que ces coûts soient directement facturés aux responsables de ces dépôts sauvages. Sur ce point également, j'ai déposé un amendement, Par ailleurs, seule la stabilité législative et réglementaire permettra une action efficace et pérenne. La surenchère des textes ne peut que freiner l'efficacité. Vos résultats de 2005 laissent espérer des résultats encore meilleurs en 2006. Je suis très confiant et vous félicite pour le dynamisme de votre action. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Patrick Beaudouin - Ce projet a été adopté par le Sénat au terme d'un débat à la fois constructif et mouvementé : le Sénat a ajouté 52 articles additionnels au projet initial qui n'en comptait que 11. Je souhaite que l'Assemblée puisse, elle aussi, enrichir ce texte qui est la traduction législative d'une plan global ambitieux, puisqu'il joue sur l'urbanisme, la mobilisation du foncier, la relance de l'offre de logement, l'accession à la propriété, et la prise en compte des plus défavorisés. Mais les sénateurs ont souhaité signifier au Gouvernement leur désappointement face au maintien en l'état d'une procédure dont les principes relèvent de l'idéologie plus que d'une logique de concertation. Beaucoup font du taux de 20% la ligne entre le bien et le mal en matière d'urbanisme, et d'aucuns ostracisent les maires qui ne l'ont pas franchie. Mais l'anathème n'a jamais fait construire un mètre carré de logement. Il existe en fait trois catégories de communes : celles qui sont au-delà des 20%, celles qui peuvent atteindre les 20% mais qui ne le veulent pas, et celles qui veulent atteindre les 20% mais qui ne le peuvent pas. Saint-Mandé, dont je suis maire, Vincennes dont je suis le député, appartiennent à cette dernière catégorie. Saint-Mandé, avec seulement 92 hectares, soit près de 21 000 habitants au km2, Vincennes, avec 45 000 habitants vivant sur 2 km2, sont des villes arrivées à maturité, ne disposant plus de réserves foncières. En outre, plusieurs établissements publics occupent près de 35% du territoire : en réalité à Saint-Mandé 21 000 habitants vivent sur 68 hectares, soit une densité de 29 000 au km2. Dès lors, comment atteindre l'objectif des 20%, s'il est interprété de manière stricte et rigide ? A Saint-Mandé, cependant, j'ai l'intime conviction de promouvoir la mixité sociale, avec l'accord de la population, lorsque nous signons un premier plan local de l'habitat, que nous le réalisons, et que nous en engageons un second ; lorsque qu'avec un prix du foncier nu à près de 2 000 euros le m2, nous arrivons à convaincre de construire du logement social sur les rares terrains qui se libèrent ; lorsque nous reversons entièrement la taxe PLD, en plus de la surcharge foncière, pour provoquer de telles opérations de mixité sociale. Le directeur général de l'OPAC du Val-de-Marne a déclaré qu'il s'agissait là d'un mode de financement exemplaire ; lorsque Saint-Mandé rachète les droits d'attribution de ces opérations pour loger des habitants défavorisés ; lorsque Saint-Mandé établit des partenariats avec les villes voisines ; lorsque Saint-Mandé réussit à racheter des immeubles à rénover ; lorsque nous construisons des logements pour personnes âgées, pour étudiants ou pour jeunes travailleurs débutants ; lorsque nous proposons des logements d'insertion et adaptés aux personnes handicapées - plus de 30 la semaine dernière ; lorsque nous réalisons une Opération programmée de l'amélioration de l'habitat. En respectant l'histoire et l'équilibre de la ville, en mobilisant tous les acteurs, en assurant une vraie concertation, on peut donc conduire une politique du logement adaptée à chaque commune. Ainsi, avons-nous, en 8 ans, réalisé 504 logements, dont 143 logements sociaux répondant aux critères de la loi Gayssot, soit une proportion de près de 30 %. Mais la loi SRU présente des incohérences, et d'abord sur le plan de l'urbanisme : même si la totalité des faibles disponibilités foncières d'une commune comme la mienne étaient affectées à de nouveaux logements, où trouverait-on la place pour construire les équipements publics indispensables à la qualité de vie des nouveaux arrivants ? Ensuite, comment expliquer que des logements accueillant des fonctionnaires de police entrent dans l'assiette de la loi SRU, alors que les mêmes logements pour ceux de la justice, 200 mètres plus loin, n'y entrent pas ? De même, celui qui travaille à l'Hôpital Bégin, s'il est logé à l'intérieur, n'est pas comptabilisé dans l'assiette ; logé à l'extérieur, dans la cité Pasteur, il y entre. Et il s'agit là de 610 logements, tous financés avec l'argent public ! En troisième lieu, la loi SRU présente une incohérence comptable : malgré tous ces efforts, ma ville a été sanctionnée. Mais le montant de la surcharge foncière, versée par la commune pour la construction de logements sociaux, éponge cette sanction ! Que dans le même temps une société d'HLM investisse 13,5 millions pour racheter un immeuble de 62 appartements avec un prix de location qui tourne autour de 25 euros au mètre carré, contre 8 euros en prêt locatif social, est-ce une réponse acceptable et équilibrée à nos problèmes ? Quelle démagogie, et quelle gabegie ! Puis, confondre le moyen, le logement social, avec la fin, une mixité urbaine et sociale assumée, sans arbitraire, est aussi incohérent. Il faut changer de philosophie. Qui mieux que le préfet est à même d'analyser et de pondérer des situations, en vue d'établir un constat partagé ? Il nous faut retrouver l'esprit de la loi d'orientation sur la ville, votée sous M. Rocard, basée sur la contractualisation et le respect des contraintes locales. Il est temps de raisonner en flux et non plus en stock, avec un contrat d'objectif et de moyens, dont le non-respect conduirait à des sanctions financières. Il est nécessaire également de reconsidérer la question du logement intermédiaire, trop souvent délaissé, pour favoriser une rotation des locataires. Enfin, il faut absolument favoriser l'accès à la propriété, hélas bien moins répandue que chez nombre de nos voisins. Si le bon sens est la chose du monde la mieux partagée, il doit conduire au retour de la saine et efficace logique de la contractualisation. Je vous fais confiance, Monsieur le ministre. Les premiers résultats témoignent du réalisme, du pragmatisme, de l'efficacité de votre politique, qui permet de résorber peu à peu la crise, d'assurer, sans diviser les Français, la cohésion sociale et de rattraper l'inertie des gouvernements de gauche dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Augustin Bonrepaux - Votre politique oublie les zones rurales, où pourtant, selon l'INSEE, la population augmente. Après la création de l'ANRU, vous les avez privées de crédits PALULOS, car ceux-ci diminuent. M. le Ministre de l'emploi - C'est faux. M. Augustin Bonrepaux - Ça vous dérange, lorsqu'on ne dit pas la même chose que vous, mais les PALULOS sont passés de 150 000 en 1998 à 45 000 en 2005, et il n'y en pas du tout dans les zones rurales ou pour la rénovation des logements de l'OPAC ! M. le Ministre de l'emploi - Je vous répondrai ! M. Augustin Bonrepaux - Depuis que vous êtes là, nous n'avons plus de crédits PALULOS ! Vous nous conseillez d'aller voir à la DDE, ou à ce qu'il en reste, mais il n'y a pas plus de crédits qu'ailleurs ! Ne le niez pas ! Pour financer l'ANRU, vous avez prélevé 50 000 euros sur l'OPAC et deux millions et demi sur le CIL, dans mon département, alors que celui-ci ne bénéficie pas des crédits de l'ANRU ! Je comprends que cela vous gêne de l'entendre, mais c'est la réalité ! Vous paraissez bien mal connaître le problème des zones de montagne ou rurales. M. le Ministre de l'emploi - Heureusement que voilà un grand expert ! M. Augustin Bonrepaux - Savez-vous que, pour construire des logements sociaux en Ariège, il faut que la commune apporte le terrain, que l'OPAC y consacre 12 000 euros sur ses fonds propres... M. le Ministre de l'emploi - C'est son boulot ! M. Augustin Bonrepaux - ...et que le département, qui n'en a pas la compétence - c'est l'une des rares qu'on ne lui a pas transférée - dégage 4 000 euros par logement ? L'Ariège y consacre près de 500 000 euros par an ! M. le Ministre - Ce n'est vraiment pas beaucoup ! Je comprends vos difficultés ! M. Augustin Bonrepaux - Il se trouve que nous devons déjà financer les nouvelles compétences ! Depuis que votre gouvernement a transféré le RMI, l'Etat doit 2,5 millions au département de l'Ariège ! M. le Ministre de l'emploi - Parlez-moi de logement ! M. Augustin Bonrepaux - Dans ces conditions, comment voulez-vous que nous fassions plus pour le logement ? Sans compter que vous avez aussi plafonné nos recettes ! Lorsque nous augmentons les impôts, ce sont les ménages qui subissent ! Nous ne demandons qu'à agir, mais vous nous transférez les charges et nous enlevez les recettes ! M. le Rapporteur - Vous ne l'avez pas fait, vous ? M. Augustin Bonrepaux - C'est votre politique, défendez-la ! Construire des logements neufs ne suffit d'ailleurs pas : il faut aussi se soucier de rénovation. Lorsqu'il s'agit de l'OPAC, les crédits PALULOS sont indispensables. Allez-vous rétablir ce dont nous disposions en 2001 ? M. le Ministre - Il ne s'agit pas de crédits PALULOS, mais de l'ANAH ! Apprenez un peu comment fonctionne le logement ! M. Augustin Bonrepaux - Je vous assure que mon département y travaille beaucoup et que pour rénover des logements sociaux, il faut des crédits PALULOS. Ou alors, dites-moi comment faire autrement ! Jusqu'en 2003, nous avions encore des crédits du gouvernement précédent, mais depuis, plus rien. Quant à la rénovation des logements privés, il faudrait augmenter les moyens de l'ANAH, mais les crédits ont diminué de moitié depuis 2000 ! Vous voulez faire plus avec moins de crédits ! M. le Ministre de l'emploi - Vous, vous avez fait moins avec plus ! M. Augustin Bonrepaux - Si vous voulez mener une véritable politique du logement, écoutez donc les conseils du groupe socialiste (Rires sur les bancs du groupe UMP). Il est indispensable d'augmenter les moyens de la rénovation, en particulier dans le privé, et de renforcer les mesures réglementaires et les contrôles en matière de logements indécents. Les crédits dévolus à l'ANAH doivent permettre d'inciter les propriétaires à rénover leur logement. D'un autre côté, il faut mieux appliquer la loi SRU et responsabiliser davantage les propriétaires. Enfin, Monsieur le ministre, vous nous présentez un projet, mais sans lui donner de moyens... M. Jean-Louis Dumont - Les moyens affichés ne sont pas les moyens consommés, Monsieur le ministre ! M. Augustin Bonrepaux - Et à qui s'adressent les logements de la loi de Robien ? Croyez-vous que les loyers appliqués soient accessibles aux nécessiteux ? Et puis, comme vous manquez de moyens, vous avez eu une idée lumineuse : vous accaparez les fonds propres des sociétés de crédit immobilier. C'est un véritable hold-up ! Vous avez commencé par utiliser les cagnottes que vous avaient laissées vos prédécesseurs et vous faites maintenant les fonds de tiroirs, mais il n'y aura bientôt plus rien ! Mme la Présidente - Monsieur Bonrepaux, il faut terminer. M. Augustin Bonrepaux - Le crédit immobilier joue un rôle important, tant pour l'accession à la propriété que pour l'amélioration de l'habitat insalubre. M. le Ministre de l'emploi - En Ariège ! M. Augustin Bonrepaux - Monsieur le ministre, écoutez-moi plutôt que de me tourner en ridicule ! Si vous êtes un tant soit peu sérieux... M. le Ministre de l'emploi - Ne parlez pas de sérieux, on connaît vos courbes en matière de logement ! M. Augustin Bonrepaux - Le crédit immobilier participe à l'achat et à la rénovation des logements, même en Ariège. Si vous opérez un prélèvement sur ses fonds propres, les moyens du logement social dans mon département seront encore réduits, mais vous viendrez quand même nous dire que vous faites une grande loi pour le logement ! Après vos déclarations d'intention, nous retournerons à la pénurie. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 19 janvier, à 9 heures trente. La séance est levée à 0 heure 55.
ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 19 JANVIER 2006 NEUF HEURES TRENTE : 1RE SÉANCE PUBLIQUE Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 2709 rectifié), portant engagement national pour le logement. Rapport (n° 2771) de M. Gérard HAMEL, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Avis (n° 2765) de M. François SCELLIER, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. QUINZE HEURES : 2E SÉANCE PUBLIQUE Suite de l'ordre du jour de la première séance. VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3E SÉANCE PUBLIQUE Suite de l'ordre du jour de la première séance. Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance. Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance. www.assemblee-nationale.fr
|