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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 54ème jour de séance, 124ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 25 JANVIER 2006

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

TAUX RÉDUITS DE TVA
ET NÉGOCIATION EUROPÉENNE 2

CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE 3

CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE 4

CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE 4

PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE 6

SÉPARATION DE L'ÉGLISE ET DE L'ÉTAT 8

CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE 8

RÉPARTITION DE L'OFFRE MÉDICALE 9

POLITIQUE DU TOURISME 10

CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE 10

VIE ASSOCIATIVE 11

TAUX RÉDUIT DE LA TVA 12

RAPPEL AU RÈGLEMENT 13

ENGAGEMENT NATIONAL
POUR LE LOGEMENT (suite) 13

ART. 7 TER 14

APRÈS L'ART. 7 TER 14

ART. 7 QUATER 15

APRÈS L'ART. 7 QUATER 17

AVANT L'ART. 7 QUINQUIES 18

ART. 7 QUINQUIES 18

ART. 7 SEXIES 18

ART. 7 SEPTIES 18

APRÈS L'ART. 7 SEPTIES 18

ART. 8 25

APRÈS L'ART. 8 28

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

TAUX RÉDUITS DE TVA ET NÉGOCIATION EUROPÉENNE

M. Philippe Folliot - Monsieur le ministre de l'économie, les tractations actuelles entre les vingt-cinq pays membres de l'Union européenne sur l'application des taux réduits de TVA révèlent le blocage des mécanismes de décision communautaires. Non seulement il n'est plus question d'obtenir le taux réduit pour le secteur de la restauration mais il semble que certains pays veuillent également bloquer son application dans le secteur du bâtiment. La première leçon à tirer de ces tristes négociations est qu'il faut revoir le principe du vote à l'unanimité sur les questions fiscales. Il n'est pas possible, dans une Europe à 25, qu'un seul pays puisse aller seul contre la volonté de tous les autres quand il s'agit d'abaisser un taux de TVA alors qu'une décision d'augmentation peut être prise unilatéralement. La seconde leçon est qu'il faut également revoir la sixième directive sur la TVA qui date de 1977. Dès lors qu'un pays propose d'instituer un taux réduit dans un secteur spécifique qui ne fausse pas la concurrence et n'a pas de répercussion directe sur l'économie de ses partenaires, il devrait pouvoir prendre seul cette décision. Ce serait là une application sage du principe de subsidiarité car qui peut sérieusement penser qu'un habitant de Castres ou de Lacaune ira déjeuner à Stuttgart ou à Münich, ou d'ailleurs à l'inverse un Allemand dans le Tarn, au motif que la TVA sur la restauration y serait moindre ?

Quelles initiatives va donc prendre la France pour d'une part, pérenniser l'application du taux réduit de TVA dans le secteur du bâtiment, d'autre part convaincre ses partenaires du bien-fondé d'un taux réduit dans celui de la restauration ? En un mot, comment sortir des blocages actuels ? Proposera-t-elle la rédaction d'une nouvelle directive respectant davantage le principe de subsidiarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales - A l'heure actuelle, la négociation se poursuit. Trois pays, la Pologne, la République tchèque et Chypre, ont réservé leur position. S'agissant du secteur du bâtiment, un accord est en passe d'être trouvé, qui lui permettrait de bénéficier du taux réduit de TVA jusqu'en 2010. C'est un pas important, car jusque là, l'Allemagne n'y était pas favorable. Il faut mettre cette évolution au crédit de la diplomatie française, qui s'est montrée particulièrement déterminée sur ce dossier (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). S'agissant du secteur de la restauration, alors que l'Allemagne considérait jusque là le sujet clos, une porte s'est ouverte (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). La Commission européenne mènera ainsi jusqu'à la mi-2007 une étude sur les bienfaits de l'adaptation du taux de TVA dans les secteurs à haute intensité de main-d'œuvre, à la suite de quoi, nous l'espérons, le dossier pourra être rouvert. Pour le reste, vous avez raison, Monsieur le député, nous avons des progrès à faire en Europe pour que des questions si étroitement liées à l'intérêt national puissent être réglées dans le respect du principe de subsidiarité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE

M. Jean-Claude Sandrier - Monsieur le Premier Ministre, une fois n'est pas coutume, nous allons vous adresser nos félicitations... pour avoir réussi, en moins de vingt-quatre heures, à réaliser contre vous et votre Gouvernement l'unité du mouvement syndical et des mouvements lycéen et étudiant (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Votre tentative de faire avaliser en force et dans la précipitation vos emplois jetables pour les jeunes est un échec. Pour en arriver à bafouer ainsi le dialogue social et passer outre la représentation nationale, en refusant ce matin tout examen sérieux de vos propositions en commission, faut-il que les quatre années d'échecs de votre majorité en matière d'emploi et de justice sociale vous aient rendu fébrile ? Après avoir mis en place un contrat nouvelles embauches pour remplacer les chômeurs pauvres par des travailleurs pauvres, voilà que vous étendez le procédé aux jeunes avec le contrat première embauche. Quelle fuite en avant dans la casse du droit social ! Quel recul social, de plus d'un siècle ! Alors que du fait du papy-boom, plus de 600 000 emplois vont se libérer tous les ans pendant cinq ans, votre souci n'est pas de créer des emplois dignes de ce nom, mais d'offrir au Medef, avec de l'argent public, une main-d'œuvre sous-payée, sans droits, jetable à tout moment et sans motif (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Loin de favoriser l'emploi, vous le rendez plus précaire et le dévalorisez. Votre obsession d'abaisser le coût du travail n'a pas de sens, car c'est la rémunération des actionnaires qui coûte cher à la société. Ce sont d'ailleurs en Europe les pays aux coûts salariaux les plus élevés qui gagnent aujourd'hui des parts de marché. Les milliards d'euros de cadeaux fiscaux, d'allègements de charges, de profits aujourd'hui non réinvestis devraient servir à ce que le groupe communiste propose depuis longtemps, à savoir une sécurité emploi-formation tout au long de la vie professionnelle. Monsieur le Premier Ministre, retirez votre projet rétrograde de l'ordre du jour de notre Assemblée et rétablissez l'examen du projet de loi sur la recherche, car les chercheurs n'ont pas mérité un tel traitement (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes - C'est aujourd'hui que les jeunes ne se voient offrir que des emplois jetables, eux qui depuis vingt-cinq ans subissent un taux de chômage plus de deux fois supérieur à la moyenne nationale. Car 70% d'entre eux commencent par travailler en CDD ou en intérim, la moitié des CDD durant moins d'un mois, et la moitié des missions d'intérim moins de quinze jours. Du fait de cette galère, moins de 42% des jeunes ont droit à l'assurance chômage ; ils ne peuvent accéder à un logement ou à un crédit à la consommation (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Le vrai péril aujourd'hui serait de laisser perdurer cette situation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste où des députés s'écrient « Quatre ans ! Quatre ans que vous êtes au pouvoir ! »). Dois-je vous rappeler qu'il y a quatre ans, le taux de chômage des jeunes était égal à 2,2 fois le taux moyen ?

Que proposons-nous aujourd'hui ? D'encadrer et d'indemniser les stages au-delà du troisième mois - ce que vous n'avez jamais fait. De valoriser l'alternance, seule à même de sécuriser les parcours professionnels, en imposant aux grandes entreprises d'employer 1% à 3% de jeunes en alternance dans les trois années à venir. Enfin, de créer un véritable contrat à durée indéterminée prenant en compte dans le parcours d'emploi les CDD, les missions d'intérim, les stages et les périodes de formation en alternance, ouvrant droit à une garantie pour le logement, à une formation dès le premier mois et à une allocation spécifique cessation de contrat à partir du quatrième mois. Voilà la réalité, et voilà pourquoi la majorité des jeunes comprennent que nous voulons faciliter leur accès à l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE

M. Laurent Hénart - Monsieur le ministre de l'Emploi, la semaine prochaine, l'Assemblée discutera de l'égalité des chances. C'est un apport de la République que de considérer que l'égalité des droits à la naissance ne suffit pas et que des actions volontaires sont nécessaires pour rétablir l'égalité des chances.

Pour ce qui est des jeunes, vingt ans de chômage de masse ont montré qu'ils subissent une forte discrimination à l'emploi. Neuf jeunes sur dix entrent dans la vie active par un CDD ou un stage, et l'âge moyen d'obtention d'un CDI est de 33 ans. De ce fait, ils sont pénalisés au quotidien pour l'accès au crédit ou au logement.

Vous proposez d'intégrer dans le projet le contrat première embauche, qui est un CDI. Il comporte une période de consolidation de deux ans pendant laquelle - c'est sur ce point que je souhaite vous entendre détailler la position du Gouvernement - vous essayez de renforcer les droits en ce qui concerne le chômage et la formation. Je souhaite que vous confirmiez votre volonté de donner aux jeunes plus de chances d'avoir un emploi, et surtout plus de chances qu'il se termine par un CDI. Quels sont les mécanismes concrets pour que cette chance supplémentaire se transforme en emploi stable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Monsieur Hénart, je vais vous donner un chiffre qui vous fera plaisir, à vous qui avez contribué au plan de relance de l'apprentissage dans notre pays - aide de 1 600 euros pour le recrutement d'un apprenti, et de 2 200 euros dans les quartiers difficiles, fonds de modernisation de l'apprentissage négocié avec chaque région, et d'autres aides. Grâce à cela, le nombre d'apprentis a augmenté de 8,9% cette année, et nous passerons de 350 000 à 500 000 apprentis dans les délais prévus (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF).

M. Bernard Roman - Alors pourquoi vous l'avez viré du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Revenons au contrat première embauche. De même que nous avons un problème pour les seniors et que, sur la proposition des partenaires sociaux, a été mis en place le CDD senior, pour la première embauche des jeunes il fallait une réponse spécifique. J'entends parler de précarité (Oui ! sur les bancs du groupe socialiste). Mais quand le choix est entre un stage, un CDD de quelques mois, l'intérim et ce CDI, quel père ou quelle mère de famille ne dira pas à son enfant : prends ce contrat première embauche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) A certains moments, les choses fondamentales dans la vie s'imposent, tout simplement. Pas un parent ne dira le contraire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE

M. François Hollande - Monsieur le Premier ministre, depuis quatre ans le chômage des jeunes ne cesse de progresser (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et votre politique en est responsable. C'est vous qui avez supprimé les emplois jeunes, c'est vous qui avez abandonné le programme Trace, vous qui avez multiplié les exonérations de cotisations sociales sans aucune contrepartie de la part des employeurs.

Aujourd'hui, avec le contrat première embauche, vous généralisez le contrat nouvelles embauches. Pour tout jeune, si ce texte est adopté, ce sera désormais la seule façon d'entrer sur le marché du travail (Non ! sur les bancs du groupe UMP). Il pourra être interrompu par l'employeur à tout moment, sans aucun motif et sans aucun recours. Il sera révocable à chaque instant.

M. Guy Geoffroy - Caricature !

M. François Hollande - C'est la précarité organisée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Vous dites que c'est un progrès. Mais laissez-moi vous poser trois questions.

D'abord, si vous étiez sûr de vous, pourquoi n'avez-vous pas engagé la concertation avec les partenaires sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains) La loi Fillon, votée par votre propre majorité, prévoit d'ailleurs que toute législation sur le droit du travail doit être précédée d'une concertation. Elle n'a pas eu lieu. Et pourquoi ? Parce que tous les syndicats - entre lesquels il n'est pas si facile de faire l'unanimité - sont hostiles à ce démantèlement du droit du travail.

Ensuite, si vous étiez si sûr de vous, est-ce que vous auriez pris une mesure d'urgence et agi par amendement gouvernemental ? Auriez-vous organisé le débat parlementaire de façon à ce qu'il coïncide avec les vacances scolaires et universitaires ? Vous avez peur de la jeunesse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Enfin, pourquoi avez-vous renoncé à votre engagement, pris ici même, de ne pas généraliser le contrat nouvelles embauches avant d'avoir procédé à son évaluation ? Où est cette évaluation ? Vous allez généraliser le contrat nouvelles embauches à tous les jeunes de moins de 26 ans. Qu'on ne s'y trompe pas : cette mesure discriminatoire prépare la généralisation de ce contrat à tous les salariés. Où est le progrès ? Avec vous, c'est la précarité pour les jeunes aujourd'hui, pour tous demain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et certains bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Je ne suis pas là pour me faire plaisir et, Monsieur Hollande, la politique ce n'est pas la rhétorique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, protestations sur les bancs du groupe socialiste). C'est pour cela que je vous invite, pendant quelques minutes, à regarder ensemble la réalité de notre pays,...

Mme Martine David - Répondez aux questions !

M. le Premier ministre - ...Et la situation des jeunes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Glavany - Les jeunes, on les reçoit tous les jours dans nos permanences ! Pas vous !

M. le Premier ministre - La politique a toujours pour point de départ la réalité. Leur réalité, c'est un enchaînement de stages, de CDD, dont la majorité sont de moins d'un mois, ...

M. Jean-Louis Idiart et M. Christian Bataille - Quatre ans de pouvoir !

M. le Premier ministre - ...de longues périodes d`inactivité. C'est cela qui est inacceptable (« Vous avez eu quatre ans ! » sur les bancs du groupe socialiste). Et cela non pendant un ou deux ans, mais entre huit et onze ans ! Cela signifie qu'un jeune dans notre pays ne rentre véritablement dans la vie professionnelle qu'après l'âge de trente ans.

M. Henri Emmanuelli - Vous avez connu ça, vous !

M. le Premier ministre - Et cela fait vingt ans que cela dure. C'est cela la précarité.

C'est une réalité qui nous concerne tous, nous, responsables politiques, et qui concerne toute la nation. Face à cette réalité, allons-nous rester les bras croisés ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Le dialogue social, je l'ai engagé dès le premier jour de mon arrivée au Gouvernement et depuis, je n'ai pas cessé de le pratiquer : dialogue direct et officiel, rencontres informelles, tout le temps ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) C'est la règle que je me suis fixée, car à chaque difficulté de nos compatriotes, je veux apporter une solution ! Cela nous change des idéologies et des politiques qui sont les vôtres ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Le jeune qui arrive sur le marché du travail se voit d'abord proposer des stages. C'est la réalité. Eh bien, ces stages, nous les encadrons, nous les rémunérons au-delà de trois mois et nous les intégrons dans le cursus universitaire. Partout en Europe, nous constatons que l'alternance change la vie du jeune et lui permet d'entrer dans le travail. Nous allons donc la développer ! Et nous allons amener les entreprises à recruter davantage d'apprentis (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Comme ce n'est pas suffisant, nous avons décidé de créer un contrat spécifique, un contrat anti-précarité ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Un contrat qui consolide l'emploi sur deux ans et qui comporte des garanties qui n'ont jamais été apportées aux jeunes et auxquelles vous n'avez jamais pensé ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Vous n'y avez pas plus pensé que vous ne faites aujourd'hui des propositions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Je vous ai rencontré à plusieurs reprises dans mon bureau, François Hollande : m'avez-vous fait une seule proposition sur les jeunes ?

M. François Hollande - Oui.

M. le Premier ministre - Jamais !

Nous apportons une garantie concernant la formation dès la fin du premier mois...

Mme Martine David - Ce n'est pas vrai.

M. le Premier ministre - Avec ce droit à la formation ouvert dès le premier mois, le jeune pourra développer son apprentissage des langues étrangères et de l'informatique. Cela n'avait jamais été fait auparavant. Nous ouvrons aussi un droit à une indemnité chômage dès le quatrième mois, pour deux mois. Cela non plus n'avait jamais existé ! Et parce que nous avons les deux pieds sur terre et que nous nous préoccupons de la vie quotidienne, nous apportons une réponse aux jeunes en ce qui concerne l'accès au crédit et au logement. La Fédération bancaire française reconnaît le Contrat Nouvelles Embauches ainsi que le Contrat Première Embauche comme de vrais CDI.

Vous me demandez si ce nouveau contrat va être généralisé. Toutes les garanties dont je viens de parler sont apportées spécifiquement aux jeunes, compte tenu de la réalité de leur situation.

M. François Hollande - Ce n'est pas ce qui est écrit dans le journal.

M. le Premier ministre - Vous avez vite fait de généraliser ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) La vérité, c'est que toutes ces questions vous ont peu occupés ces dernières années et qu'il serait temps de regarder la réalité en face ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste)

Nous avons rendez-vous...

Plusieurs députés socialistes - En 2007 !

M. le Premier ministre - Pas seulement en 2007 ! Nous avons rendez-vous tous les mois avec les chiffres du chômage. Je prends donc rendez-vous avec vous à la fin du mois et de tous les autres mois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE

M. Michel Diefenbacher - Quand une faute est commise, elle doit être sanctionnée. Et tant qu'elle n'est pas commise, il faut évidemment tout faire pour éviter qu'elle le soit. C'est tout l'enjeu de la politique de prévention, qui depuis vingt-cinq ans a largement échoué, il faut le reconnaître. Sans doute parce qu'elle a trop longtemps manqué de clarté, de cohérence et d'ambition. Éviter que, pendant les vacances, les jeunes des cités restent désoeuvrés au pied des tours et les attirer dans des centres de loisirs animés par la police nationale, afin qu'ils aient un autre regard sur cette institution, c'est évidemment très bien, mais si le reste de l'année, ces mêmes jeunes peuvent manquer l'école, bousculer leurs professeurs et prendre le bus sans payer, tout cela sans que personne ne leur dise rien, ils n'auront pas plus de repères demain qu'hier.

La prévention nécessite donc une action globale, qui s'applique à tous les actes de la vie et qui soit mise en œuvre de la même manière par tous les services publics, de la police aux travailleurs sociaux, de l'Éducation nationale aux sociétés de transports en commun ou aux organismes de logement social. Il faut se féliciter de toutes les initiatives prises en ce sens depuis le début de la mandature, Monsieur le ministre de l'intérieur, et soutenir activement les travaux engagés par le Gouvernement dans le cadre du comité interministériel qui s'est réuni la semaine dernière. Mais quel sera le calendrier ? Il est question de propositions avant l'été, mais l'été, c'est encore loin...Peut-on aller plus vite ? L'autre interrogation porte sur la méthode. On entend parler d'une loi, voire de plusieurs, mais aussi de textes réglementaires. Pouvez-vous donc nous en dire plus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - Sur tous les bancs de l'Assemblée, on a toujours parlé de la nécessité d'une politique de prévention, mais force est de reconnaître que tous les gouvernements, quels qu'ils soient, ont eu du mal à la mettre en place. Pourquoi ? Parce qu'il est difficile de faire la différence entre une politique sociale et une politique de prévention. Ensuite parce que cette politique exige un pilote, mais qu'il s'agit d'une action profondément interministérielle. Enfin, parce que sa pertinence est toujours très difficile à évaluer.

Le Premier ministre a mis en place la semaine dernière un comité pour préparer cette action de prévention et a bien voulu m'en confier la coordination. Il nous a demandé de prendre tout de suite les mesures qui n'ont pas besoin d'être législatives et de présenter fin février, début mars le volet législatif.

Prenons l'exemple de l'absentéisme scolaire. Un enfant qui ne va pas à l'école risque d'évoluer vers la délinquance. Comment faire pour éviter cela ? Il y a un acteur clé qui est le maire, mais on peut aussi décider - et ce n'est pas du législatif, cela peut se faire tout de suite - que la règle qui veut que l'on doive produire un certificat de scolarité pour percevoir les allocations familiales soit désormais réellement appliquée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Il y a des sujets plus délicats, sur lesquels nous réfléchissons avec le Garde des Sceaux. La délinquance des mineurs, par exemple. Un mineur a besoin, plus qu'un adulte, d'une réponse immédiate de la justice. 80 % des mineurs auxquels il a été apporté une réponse judiciaire dès le premier acte de délinquance ne récidivent pas. Nous sommes donc en train de travailler sur un processus qui permettrait de généraliser la comparution immédiate, ou un système parallèle, pour que les mineurs aient une réponse.

Il faut aussi diversifier les réponses et comprendre que les admonestations faites à des mineurs multirécidivistes qui s'en moquent complètement ne servent qu'à perdre le temps de l'État ! Enfin, Jean-Louis Borloo et moi sommes en train de travailler sur le secret professionnel des travailleurs sociaux. Lorsque des enfants meurent et qu'on se rend compte qu'ils étaient suivis par six ou sept personnes qui ne se sont jamais parlé, ça vaut le coup de réfléchir à la question du secret professionnel et de la coordination des travailleurs sociaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Voilà ce à quoi nous sommes en train de travailler. Cela ne sera pas facile et il faudra du temps, mais la politique de prévention sera présentée au Parlement au début du mois de mars. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

SÉPARATION DE L'ÉGLISE ET DE L'ÉTAT

M. Pierre Lasbordes - Le centième anniversaire de la loi de séparation des Églises et de l'État a rappelé que le principe de laïcité était une valeur fondatrice de notre République et de la cohésion nationale, un principe sur lequel a été édifiée l'école de la République et que nous devons aujourd'hui préserver contre la montée des particularismes et des replis identitaires. La loi du 15 mars 2004 sur les signes religieux à l'école a été un acte fort, qui a permis de régler la presque totalité des litiges, mais la réponse aux dérives ne saurait être exclusivement d'ordre législatif. Il faut apprendre aux élèves l'importance de la laïcité pour l'intégration et l'égalité de tous et leur faire prendre conscience des enjeux qu'elle représente pour notre société. Quelles initiatives entendez-vous prendre pour réaffirmer l'attachement aux principes de 1905 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - C'est un travail cinématographique remarquable qu'a accompli François Hanss : grâce à vous, Monsieur le président, aux archives de l'Assemblée et au Journal officiel, il a pu restituer les débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle en 1905. Ce film montre avec un réalisme magnifique l'une des valeurs essentielles de la République : la tolérance et le respect de l'autre, quelles que soient ses croyances, y compris s'il n'en a pas. Mais ce film n'est pas qu'une restitution historique : il est aussi plein d'enseignements pour l'avenir. Quatre classes d'éducation prioritaire sont en ce moment même au ministère, avec lesquelles je vais débattre pour rappeler l'utilité de la loi de 1905 et de celle du 15 mars 2004 - une loi qui a été comprise et est de mieux en mieux appliquée : il y a eu 1 400 cas problématiques à la rentrée 2003, la moitié en 2004 et seulement douze à la rentrée 2005 ! Le film va être envoyé à tous les lycées et collèges de France, publics et sous contrat, et donnera lieu à des débats sur ce grand principe qu'est le respect des autres (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE

M. Arnaud Montebourg - Il y a plusieurs mois, Monsieur le Premier ministre, vous avez créé le contrat nouvelles embauches qui place les salariés sur un siège éjectable pendant deux ans (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et assure encore moins leur protection que le CDD ou même l'intérim. Vous l'avez créé en plein mois d'août, par ordonnance, en enjambant la représentation nationale, en refusant la discussion parlementaire et en contournant les organisations syndicales (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Pour apaiser les protestations, vous aviez promis une évaluation avant de prendre le risque d'étendre le CNE : où en est-on ? Vous avez beau penser qu'elle est devenue inutile, une enquête montre que 80 % des CNE remplacent purement et simplement des contrats à durée indéterminée ! C'est donc la fin du CDI, la fin des protections du droit du travail pour des millions de salariés (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP) qui est en train de se jouer.

Vous avez méthodiquement organisé la précarité là où elle n'existait pas, Monsieur de Villepin. Vous exposez désormais la jeunesse de notre pays à la destruction du CDI (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP). Vous le faites par la voie d'un amendement quasi clandestin, surgi en quelques heures et discuté à la va-vite en commission hier, avec un ministre refusant de répondre aux questions de l'opposition. Ces méthodes brutales violent votre propre loi sur le dialogue social (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), par laquelle vous vous obligiez à discuter avant de réformer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Tout à l'heure, vous avez dit que vous discutiez tout le temps avec les syndicats... sauf qu'ils ne connaissaient pas plus votre projet que nous hier après-midi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) A l'injure faite à la jeunesse, vous ajoutez le mépris pour votre propre loi, pour le Parlement de la République.

M. le Président - Monsieur Montebourg, vous avez une question à poser...

M. Arnaud Montebourg - Vous invoquez l'urgence à organiser soudain la précarité générale pour des millions de salariés. Curieuse urgence, qui vous apparaît quatre ans après votre arrivée aux affaires ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés UMP - La question !

M. Arnaud Montebourg - Avez-vous peur à ce point, que vous utilisiez la force ? Retirez votre projet, respectez les institutions, sans quoi, hélas, tout est possible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Respectons aussi le Règlement. La parole est à M. Larcher (Huées sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes - La pire précarité, c'est le chômage ! C'est que plus de la moitié des jeunes de moins de 26 ans vivent avec des CDD de moins d'un mois et des contrats d'intérim de moins de quinze jours ! La pire des précarités, c'est d'être incapable d'obtenir une caution pour pouvoir se loger et entrer dans la vie ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Nous avons décidé de rompre avec une double précarité. D'abord, les hommes et les femmes de plus de cinquante ans ne doivent plus être les variables d'ajustement des plans sociaux : ils ont décidément trop d'importance pour la vie économique et sociale de notre pays ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Ensuite, il faut faciliter et accompagner l'entrée des jeunes dans la vie professionnelle. C'est ce que nous entreprenons. La meilleure des évaluations, car nous évaluerons bien sûr le CNE, sera de savoir si, enfin, le chômage des jeunes diminue aussi vite que la moyenne du chômage ! La lutte contre le chômage des jeunes est notre priorité, et il me semble qu'elle devrait nous rassembler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RÉPARTITION DE L'OFFRE MÉDICALE

M. Richard Mallié - La démographie médicale fait peser une menace sur notre système de santé. En effet, l'offre de soins n'est pas la même selon que l'on se trouve en Mayenne ou dans les Alpes-Maritimes. Outre les infirmières, les sages-femmes et les kinésithérapeutes, le problème concerne particulièrement les médecins, qui sont en moyenne 340 pour 100 000 habitants, mais seulement 256 pour 100 000 en Picardie, par exemple.

M. Maxime Gremetz - C'est vrai : nous sommes les derniers !

M. Richard Mallié - Cette menace est d'autant plus inquiétante que les départs en retraite se multiplient. Or, la gauche est restée inerte - on sait pourtant qu'il faut entre sept et dix ans pour former un médecin !

Plusieurs députés socialistes - C'est faux !

M. Richard Mallié - L'augmentation du numerus clausus a été insuffisante entre 1997 et 2002, et aucune mesure incitant les médecins à s'installer n'a été prise. Le rapport publié en 2003 par le groupe d'études sur les professions de santé, que j'ai l'honneur de présider, identifiait non seulement un problème quantitatif, mais aussi une mauvaise répartition des professionnels de santé. Quelles mesures prendrez-vous pour améliorer l'offre de soins et éliminer les déserts médicaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - Notre pays est confronté à un paradoxe : jamais il n'y a eu autant de médecins - 203 000 - mais jamais les disparités régionales n'ont été aussi marquées - face à la Picardie, l'Île-de-France a 426 médecins pour 100 000 habitants. C'est donc maintenant qu'il faut agir : nous avons fait le choix de l'incitation et du relèvement du nombre de médecins. En quatre ans, le numerus clausus a augmenté de 50 % ; il est fixé à 7 000 pour 2006, et sera maintenu à ce niveau minimum jusqu'en 2010. Pour encourager les médecins qui souhaitent prendre leur retraite à rester en activité, il faut les dispenser de garde à partir de 60 ans et encourager le cumul entre retraite et activité à partir de 65 ans.

Enfin, il faut lever un tabou : pour qu'ils soient plus nombreux dans les zones sous-médicalisées, les médecins seront payés 20 % de plus - à dépense égale pour le patient - s'ils exercent dans un cabinet de groupe. Ceux qui ne peuvent pas se regrouper bénéficieront de la même valorisation lorsqu'ils prennent un remplaçant. C'est avec de telles mesures concertées que nous relèverons le défi de la démographie médicale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

POLITIQUE DU TOURISME

Mme Arlette Franco - Le tourisme, activité économique transversale, est souvent sous-estimé, bien qu'il représente 6,4 % du PIB. En 2005, 75 millions de touristes ont visité la France - première destination au monde - et y ont dépensé 34 milliards d'euros. Outre le patrimoine, ce secteur dépend également de la qualité des prestations et de la sécurité. Or, l'agitation inhabituelle de certaines banlieues à l'automne a desservi l'image de marque de notre pays. Pour en pallier les effets, vous avez confié une campagne de prévention et de communication dotée d'un million d'euros à Maison de la France, qui a aussitôt mené des actions adaptées - notamment en ligne - en direction des professionnels et du grand public, en tenant compte de la sensibilité des clientèles étrangères.

Quel est le bilan de la politique du tourisme pour 2005, et comment s'insère-t-elle dans la politique gouvernementale de lutte contre le chômage et d'égalité des chances ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme - Vous avez raison : Maison de la France a lancé, à ma demande, une campagne rapide, exceptionnelle et réactive dotée d'un million d'euros. Au moment où je vous parle, une grande bâche publicitaire est déployée sur l'avenue centrale de Pékin.

En 2005, la France a connu une légère hausse de fréquentation - 75,2 millions - et surtout des recettes - de l'ordre de 3,5 %. Le retour des clientèles américaine et japonaise est confirmé, ainsi que l'arrivée de la clientèle chinoise. Le tourisme concerne 200 000 entreprises, dont 90 % de PME. C'est l'un des principaux pourvoyeurs d'emplois - un million d'emplois directs, autant d'emplois indirects, 22 000 recrutements dans le seul secteur de la restauration pour les neuf premiers mois de 2005.

Face à la montée de la concurrence, il faut fidéliser la clientèle : pour cela, nous faisons le pari de la qualité. Depuis trois ans, la politique du tourisme encourage les démarches des professionnels visant à offrir des prestations conformes aux nouvelles exigences de la clientèle. La qualité, richesse de notre territoire, est aussi un axe de développement pour l'outre-mer, qui sort du modèle monobalnéaire. Le tourisme, enfin, est un instrument de lutte contre la fracture territoriale - à cet égard, les pôles d'excellence rurale vont dynamiser la filière. Voilà pourquoi il est au cœur des priorités du Gouvernement et de notre ambition pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE

M. Jean Glavany - Monsieur le Premier ministre, vous parlez du chômage des jeunes en termes bien abstraits et technocratiques. Permettez-moi de vous rappeler les chiffres du chômage fournis par l'INSEE (L'orateur brandit une pancarte montrant un graphique), cela vous intéressera peut-être.

Plusieurs députés socialistes - Ça ne l'intéresse pas !

M. Jean Glavany - Ils n'ont cessé de baisser sous le gouvernement Jospin, et n'ont cessé d'augmenter depuis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, protestations sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés UMP - C'est faux ! Menteur !

M. Jean Glavany - Ils ont baissé sous notre majorité alors que nous avions renforcé le droit du travail ; ils ont augmenté sous la vôtre alors que vous l'avez démantelé ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) Et vous persévérez !

En effet, le CPE est plus précarisant que le CDD : tous les salariés embauchés en CPE pourront être licenciés du jour au lendemain et sans motif ! Ce n'est pas le cas du CDD, et vous le savez bien (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ! Votre approche théo... (Sourires ; l'orateur se reprend) technocratique - et d'ailleurs théocratique à bien des égards - ne fait pas de distinction entre les jeunes.

M. Claude Goasguen - C'est absurde !

M. Jean Glavany - Les jeunes diplômés, qui trouvent aujourd'hui souvent des CDI, vont être précarisés par votre mesure. Celle-ci n'apporte en revanche aucune réponse aux jeunes des cités et des banlieues, à ceux qui sortent du système scolaire sans qualification, et qui ont crié leur colère il y a quelques semaines (Huées sur les bancs du groupe UMP). Aucun dispositif n'est aujourd'hui adapté à leur situation !

Ma question est donc simple : si vous êtes si sûrs de vous, pourquoi ne pas accepter de reporter le débat sur le CPE afin de permettre la négociation qu'attend l'ensemble des partenaires sociaux ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Quelle évolution idéologique chez nos collègues socialistes ! (Mêmes mouvements) Il y a quelques minutes déjà, M. Hollande vantait les CDD. J'avais cru mal comprendre, mais voilà que M. Montebourg fait l'éloge de l'intérim ! Allez maintenant au bout de votre logique, et soutenez les stages ! (Mêmes mouvements)

Vous savez bien, Monsieur Glavany, que le contrat nouvelles embauches répond à un besoin. Le chômage a commencé à augmenter plus d'un an avant le départ de M. Jospin, car la croissance avait été cassée. Et il a fallu s'en passer pendant deux ans ! Après la dépression et au terme de trois plans d'urgence pour l'emploi, la machine est enfin relancée depuis huit mois.

Ce qui vous gêne, ce n'est pas seulement l'apprentissage, les contrats de professionnalisation, le CIVIS, bref toutes ces mains que nous tendons vers les jeunes ; c'est que la bataille pour l'emploi est en passe d'être gagnée (Mêmes mouvements), comme celle du logement social, que vous aviez pourtant abandonnée ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

VIE ASSOCIATIVE

Mme Claude Greff - Lundi dernier s'est tenue, sous la présidence de M. Dominique de Villepin, la première conférence de la vie associative. Le Gouvernement y a exprimé sa volonté de créer un nouveau partenariat entre l'Etat et les associations, et a rendu hommage au travail extraordinaire que celles-ci fournissent.

Il s'agit d'une nouvelle étape dans l'affirmation d'une politique dynamique envers le monde associatif, qu'illustrait déjà en 2004 la prise en charge de la vie associative par un ministre, M. Lamour - et c'était une première. C'est à titre que vous avez présenté, Monsieur le ministre, un projet de loi relatif au volontariat associatif, qui a été adopté en première lecture le 17 janvier dernier, et qui crée une nouvelle forme d'engagement dans la vie associative.

Vous avez également souhaité valoriser le bénévolat, socle du monde associatif, et c'est dans ce but que vous avez mis en place trois groupes de travail, qui vous ont remis un rapport en juin dernier.

Pouvez-vous donc nous indiquer, Monsieur le ministre, les principales mesures présentées par le Gouvernement lors de cette conférence, mesures qui devraient permettre de mieux reconnaître la vie associative et de favoriser son développement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative - Lors de cette conférence, le Gouvernement a rappelé sa volonté de faire participer durablement et de manière plus efficace le mouvement associatif au dialogue civil, les associations étant devenues de véritables partenaires des collectivités locales, du Gouvernement et des forces vives de notre pays.

En votre qualité de présidente d'un des groupes de travail, vous avez participé, Madame Greff, à la préparation de cette conférence, aux côtés d'autres collègues, comme M. Decool ou Mme Marland-Militello, qui se sont également engagés dans le développement de la vie associative en France.

Le Premier ministre a présenté vingt-cinq propositions, que M. Jacques Henrard, nouveau président de la Conférence permanente des coordinations associatives, s'est résolument engagé à appliquer, en particulier en matière de lutte contre le chômage. Le million d'associations qui existent en France emploient en effet trois millions de bénévoles et 1,5 million de salariés.

Trois orientations principales se dégagent de ces vingt-cinq propositions. Il s'agit tout d'abord de renforcer la place des associations dans le dialogue civil, en les consultant avant tout texte législatif ou réglementaire, en augmentant leur représentation au sein du Conseil économique et social et des conseils économiques et sociaux régionaux, et en créant un répertoire national des associations. Les relations contractuelles entre l'Etat et les associations seront également consolidées grâce à des conventions pluriannuelles d'objectifs, qui rendront plus visible l'action de l'Etat - 6,2 milliards d'euros de subventions par an ! Si les objectifs prévus sont réalisés, le Premier ministre s'est engagé ainsi à verser 50 % de l'aide apportée aux associations avant la fin du premier trimestre. Enfin les bénévoles seront mieux reconnus et mieux accompagnés dans leurs tâches grâce à un cadre juridique renforcé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

TAUX RÉDUIT DE LA TVA

M. Axel Poniatowski - A l'issue du Conseil Ecofin qui s'est tenu hier à Bruxelles, vous avez déclaré, Monsieur le ministre des PME, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales, qu'il était envisageable d'ouvrir à nouveau le dossier de la TVA réduite dans la restauration au milieu de l'année 2007 - et je m'en félicite, car j'espère que nous pourrons enfin aboutir.

La situation actuelle est en effet injuste et injustifiée, car la restauration n'est évidemment pas une activité de nature à fausser la concurrence intérieure. Dans sa proposition de directive du 23 juillet 2003 relative aux taux réduits de TVA, la Commission avait d'ailleurs proposé de placer la restauration sur le même plan que le logement et la fourniture d'énergie. Elle s'était toutefois heurtée à l'opposition d'anciens États membres, qui refusent la remise en cause des taux réduits, et à celle de nouveaux membres, dont les taux réduits doivent être supprimés en 2007 selon les traités d'adhésion.

Ne pensez-vous pas, Monsieur le ministre, que nous pourrions sortir de cette situation en remettant à plat l'ensemble des règles applicables en la matière, et en harmonisant les taux en vigueur dans toute l'Union, par souci d'équité ? Définissons donc une liste de produits et de services pouvant bénéficier de taux réduits dans tous les États membres sur la base de deux critères : la haute intensité de main-d'œuvre et l'absence de distorsion de concurrence.

J'aimerais savoir, Monsieur le ministre, comment le Gouvernement entend faire aboutir les discussions en cours depuis maintenant trois ans sur cette directive, que le dernier Conseil Ecofin n'est pas parvenu à conclure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales - Le Premier ministre a réuni hier l'ensemble des représentants de la filière hôtellerie-restauration. Il leur a dit aussi que le combat de la France n'était pas catégoriel, mais un combat de justice, destiné à créer des emplois. Il leur a dit aussi que notre pays continuerait de se battre pour obtenir ce taux réduit de TVA. Grâce à la diplomatie française, la porte reste ouverte, nous aurions pu connaître une situation pire (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Nous ne devons pas laisser ces professionnels à leur déception, mais continuer de nous battre à leurs côtés. Avec Léon Bertrand, nous allons dès aujourd'hui examiner avec eux le détail de leurs difficultés. Il savent ce que nous avons déjà fait en matière de code du travail, d'apprentissage, de charges sociales, de transmission d'entreprise. Ils ont vu leur environnement changer en trois ans et nous font confiance pour les accompagner dans leur modernisation.

Nous serons attentifs également à la situation de chaque secteur car il ne convient pas de comparer un groupe coté au CAC 40 et les 55 000 indépendants employant moins de deux salariés. Dans un mois, nous nous retrouverons sous l'autorité du Premier ministre pour une réunion de travail à laquelle vous ne manquerez pas d'être associé, Monsieur le député. Ainsi les restaurateurs français pourront-ils, dès aujourd'hui et non pas dans deux ans, entreprendre leur modernisation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20 sous la présidence de M. Warsmann.

PRÉSIDENCE de M. Jean-Luc WARSMANN

vice-président

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Alain Bocquet - Je souhaite faire ici un rappel au Règlement pour protester contre les conditions d'examen inacceptables du projet de loi relatif à l'égalité des chances. En effet, le Gouvernement y a introduit ce matin en commission un amendement de cinq pages qui constitue, à lui seul, un projet de loi. Or, la demande de suspension formulée par les commissaires socialistes et communistes, pour le moins légitime, afin d'examiner un texte de cette importance, a été refusée. En agissant ainsi, c'est au fonctionnement démocratique même de notre institution que l'on porte atteinte. Qu'on est loin du discours tenu par le Président Debré lors de la présentation des vœux de l'Assemblée au Président de la République, sur la revalorisation du rôle du Parlement ! Je demande donc que le Bureau de l'Assemblée et la Conférence des présidents reviennent sur le nouvel ordre du jour. Ce coup de force du Gouvernement est inacceptable.

ENGAGEMENT NATIONAL POUR LE LOGEMENT (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant engagement national pour le logement.

M. Jean-Pierre Brard - Rappel au Règlement. De l'abbé Pierre qui était hier présent dans nos tribunes, je souhaiterais lire l'appel qu'il a lancé au Président de la République : « Monsieur le Président, faites pression sur les députés qui ont la tentation de réduire les soutiens apportés aux petits, faites pression sur eux pour que le quota exigé de logements sociaux soit respecté, faites pression pour qu'aucun de ceux qui vous écoutent et vous ont élu ne s'abaisse à réduire le pourcentage de logements banals exigé dans chaque commune. » Traitant de logements banals, ce dernier appel pourrait concerner le président de la commission des affaires économiques...

Ce Gouvernement, qui a l'habitude de tenir des séminaires, serait bien inspiré de faire retraite avec sa majorité pour réfléchir à cet appel de l'abbé Pierre avant que nous n'entrions plus avant dans notre débat.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Je ne peux pas ne pas réagir aux propos de M. Brard. J'ai eu la chance hier de pouvoir m'entretenir dix minutes avec l'abbé Pierre et je sais ce que nous nous sommes dit. Ni le Président de la République ni Jean-Louis Borloo n'ont la moindre intention de remettre en cause l'article 55 de la loi SRU imposant 20% de logements sociaux dans chaque commune. Contrairement à ce que la presse et certains ont pu dire, les amendements en question, même si certains ont été adoptés par la commission des finances, saisie pour avis, ont tous été repoussés par la commission des affaires économiques. N'essayez donc pas de tromper nos concitoyens et de leur faire prendre des vessies pour des lanternes ! Je tenais, avant que nous n'engagions le débat, à rétablir la vérité.

M. Jean-Pierre Brard - Nous allons vous faire gravir le calvaire station après station !

M. François Brottes - Rappel au Règlement. Malgré tout le respect que je porte au président Ollier, je pense qu'en l'espèce c'est lui, et non pas M. Brard, qui essaie de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Nous allons bel et bien examiner tout à l'heure des amendements, dont certains sont cosignés par M. Ollier, et qui tendent à modifier l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, c'est-à-dire l'article 55 de la loi SRU. Que certains s'apprêtent à détourner cet article de son sens initial est donc vrai. Je crains que le président de la commission ne soit démenti par lui-même dans la suite du débat...

M. le Président de la commission - Je me suis expliqué hier sur ce point, et vous êtes trop familier du débat parlementaire, Monsieur Brottes, pour ne pas comprendre. Je dis et je maintiens, et le ministre le confirmera le moment venu, que nous n'entendons nullement toucher à l'article L. 302- 5. Simplement...

M. Jean-Pierre Brard - C'est le début de la confession !

M. le Président de la commission - ...dès lors que cette accession sociale à la propriété est organisée selon les mêmes critères de revenu que ceux utilisés pour la location sociale, il s'agit de logements tout aussi sociaux que ceux qui sont pris en compte dans l'article 55, mais, dans la mesure où il s'agit d'une mesure nouvelle, ils doivent naturellement être ajoutés à la liste. Nous ne remettons pas en cause l'article 55, nous tenons compte de quelque chose que la loi ne pouvait englober puisque cela n'existait pas quand elle a été votée. Il faut d'ailleurs rendre hommage au Gouvernement de permettre à des personnes qui n'en auraient, sinon, pas les moyens de devenir propriétaires.

M. Richard Mallié - Eh oui !

ART. 7 TER

M. Gérard Hamel, rapporteur de la commission des affaires économiques - Mon amendement 242 est rédactionnel.

L'amendement 242, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 7 ter ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 7 TER

M. François Brottes - Notre amendement 324 rectifié vise à favoriser la remise sur le marché du logement social d'habitations rurales ou de corps de ferme abandonnés. Il devrait faire l'unanimité.

M. le Rapporteur - On en comprend mal la rationalité économique. S'il s'agit de corps de ferme abandonnés et de faible valeur, à quoi bon accorder une incitation fiscale ?

M. Jean-Pierre Brard - Faible valeur, c'est vous qui le dites !

M. le Rapporteur - Non, c'est ce qui figure dans l'exposé des motifs.

De plus, cette incitation consisterait à abaisser les droits de succession au-delà du quatrième degré de parenté. Or, ils ont déjà été réduits dans ce cas. C'est donc de très peu d'intérêt pour le logement social. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Même avis.

M. François Brottes - La spéculation touche assez souvent ces corps de ferme abandonnés.

Mme Muguette Jacquaint - En effet !

M. François Brottes - D'autre part, il semble vous avoir échappé, Monsieur le rapporteur, que cette incitation est accordée sous réserve d'un engagement de l'acquéreur à destiner le bien à l'usage de logement locatif social au sens de l'article L. 302-5. La disposition aidera les collectivités à atteindre le pourcentage de 20 % de logements sociaux exigé dans la version de la loi chère au président Chirac, à l'abbé Pierre, et à ceux de nos collègues pour qui le logement social est bien du locatif. C'est l'inverse de l'avantage Robien à cet égard ! Avec une telle mesure, bon nombre de bâtiments qui sont abandonnés ou livrés à la spéculation pourraient revenir sur le marché de l'habitat social, qui en a bien besoin.

L'amendement 324 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - Notre amendement 124 rectifié vise à clarifier les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales en matière de logement. Il pose, pour les logements non sociaux, le principe de l'exemption temporaire de deux ans des nouvelles constructions, la charge - faible - étant supportée par le budget de l'État.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre  - J'ai beaucoup de mal à comprendre cet amendement : il vise, dans une loi sur le logement, à instituer une exonération concernant des bâtiments qui ne seraient pas destinés au logement ! Avis défavorable.

L'amendement 124 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 7 QUATER

M. le Rapporteur - Mon amendement 243 rectifié est rédactionnel.

L'amendement 243 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard - Il est prévu qu'au moment de l'extinction de l'usufruit, le bailleur social propose au locataire qui doit quitter les lieux un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités. Notre amendement 259 demande qu'il fasse au moins trois offres, afin que le locataire ait plus de chances de trouver un logement en rapport avec ses ressources ou avec ses besoins de transport, par exemple.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable : le projet offre déjà des garanties de relogement adapté aux besoins et aux possibilités du locataire.

M. le Ministre  - Défavorable.

M. Jean-Pierre Brard - Dès qu'il faut prendre une mesure, si minime soit-elle, en faveur des gens en difficulté, le ministre est incapable de brancher son sonotone ! En revanche, il prête toujours une oreille attentive aux redevables de l'ISF ! Il est vrai que quand on aime, on ne compte pas...

Décidément avec ceux qui sont taillables et corvéables à merci, le gouvernement est intraitable : dur comme le marbre ! Il laisse les gens dans leurs souffrances. Car on sait avec quel mépris procèdent certains bailleurs : « prenez ce qu'on vous offre, ou vous n'aurez rien ! » Trois offres, c'est une chance d'être un peu mieux traité. Chacun aura remarqué, Monsieur le rapporteur, Monsieur le ministre, votre insensibilité.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Au-delà de ces pertinentes observations, je rappelle les nombreux contentieux que nous avons connus à propos de l'exercice du droit de reprise pour les logements soumis à la loi de 1948. Les locataires contestaient que le logement proposé fût équivalent à celui qu'ils quittaient, pour la localisation ou pour le niveau du loyer. Demander trois propositions, ce n'est quand même pas attenter au droit de propriété ! Mais c'est une mesure sociale et il est dommage que la majorité soutienne aussi résolument ceux qui nient les droits des locataires.

L'amendement 259, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Notre amendement 260 précise que les offres de relogement soumises à l'extinction de l'usufruit doivent être faites dans les mêmes conditions que lors de l'attribution du logement par le bailleur - lequel, je le souligne, est une personne morale, et non un petit propriétaire qui aurait besoin de récupérer son logement en urgence. On sait combien il est difficile actuellement de retrouver un logement à louer. Mme Robin Rodrigo m'a par ailleurs rappelé que, dans les opérations de renouvellement urbain, on fait bien trois offres de relogement aux locataires - or, ici, puisque vous en avez décidé ainsi, il n'y en aura qu'une. Pourquoi ce qui est considéré comme juste dans certains cas ne le serait-il plus dans d'autres ? Si on ne prévoit pas plusieurs offres, les gens n'auront pas d'autre choix que d'accepter la seule qui leur sera faite, même si elle ne leur convient évidemment pas, comme ce septième sans ascenseur, avec WC sur le palier, qui a été récemment proposé à une personne de plus de cinquante-cinq ans !

M. le Rapporteur - Avis défavorable, car, au terme de la convention d'usufruit, soit le locataire a des revenus inférieurs au plafond et il a le droit à un relogement dans le parc HLM, soit il a des revenus supérieurs audit plafond, et alors rien ne justifie qu'il soit relogé dans le parc social.

M. le ministre - Même avis, évidemment. Dans une vie, les situations évoluent, et parfois en bien...

M. Jean-Pierre Brard - Pas toujours !

M. le ministre - Oui, mais nous sommes par hypothèse dans ce cas-là ! Si la personne a des revenus supérieurs au plafond, on ne voit pas pourquoi elle bénéficierait d'un passe-droit, alors qu'il y a des listes d'attente très longues ! J'ajoute que nous sommes là sur des baux très longs et que les personnes sont donc prévenues très à l'avance.

Le cadre des opérations de renouvellement urbain est différent : tout y est plus bref, plus traumatique, et les populations concernées sont généralement au-dessous du plafond de ressources requis. Il est normal que le nombre d'offres qui leur sont faites soit plus élevé.

Mme Muguette Jacquaint - S'il n'y a qu'une offre de relogement, la personne peut se retrouver dans une situation dramatique, c'est-à-dire obligée d'accepter, compte tenu de la crise actuelle, un logement qui n'aura pas du tout le même confort que celui qu'elle quitte. Je peux vous citer le cas d'une femme de 75 ans à qui on n'a proposé qu'un cinquième sans ascenseur !

Mme Chantal Robin Rodrigo - J'ai bien entendu votre réponse, Monsieur le ministre, s'agissant des opérations de renouvellement urbain, que vous voulez exemplaires. Mais pourquoi faudrait-il qu'il y ait deux sortes de locataires : ceux auxquels on fait trois offres de relogement et ceux qui n'ont droit qu'à une ? Ce qui est bon pour les concitoyens de nos quartiers l'est pour tous !

M. le Rapporteur - L'alinéa 17 dispose que le bailleur proposera au locataire un logement « correspondant à ses besoins et à ses possibilités ». Mme Jacquaint a donc satisfaction (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-Pierre Brard - Le ministre nous dit que les listes d'attente sont très longues et qu'il faut donc veiller à ne pas réduire l'offre destinée aux gens à revenus modestes...

M. le Rapporteur - C'est ce que l'on fait.

M. Jean-Pierre Brard - Ah bon ! Quand on brade 4 500 logements sociaux dans les Hauts-de-Seine, c'est ce que l'on fait ?

M. le Rapporteur - Les Hauts-de-Seine ne sont pas toute la France !

M. Jean-Pierre Brard - Oui, mais le président du Conseil général s'appelle Nicolas Sarkozy et il prétend présider aux destinées de la France. Que faites-vous pour vous opposer à ce bradage, Monsieur le ministre ? Le Gouvernement serait plus convaincant s'il mettait ses actes en accord avec ses discours !

L'amendement 260, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Notre amendement 261 rectifié vise à ce que le respect de la trêve hivernale s'applique aussi dans le cas de l'extinction de la convention d'usufruit, et à ce qu'il ne soit donc pas possible d'expulser un locataire de bonne foi, qui a cherché à se reloger mais n'a rien trouvé.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, car la trêve hivernale ne s'applique qu'aux décisions d'expulsion non encore suivies d'effet, et le congé, disposition stipulée dans le bail, ne saurait être assimilé à une expulsion.

M. le Ministre - Même avis. Nous étions tous d'accord pour ouvrir des logements vacants grâce à de l'usufruit confié à des bailleurs sociaux et il s'agit bien là d'un dispositif de libération des espaces ! Cet usufruit dure quinze ans. Si, au bout de ce temps, les ressources de la personne occupant le logement n'ont pas évolué, il faut lui proposer la même chose. En tout état de cause, cette durée de quinze ans est connue à l'avance. Un an avant le terme, l'intéressé est prévenu. Six mois avant, une proposition de relogement lui est faite. Adopter l'amendement reviendrait à suspendre tous les contrats, quels qu'ils soient, pendant la période d'hiver !

Mme Martine Billard - Le fait que les personnes soient prévenues longtemps à l'avance n'empêche pas qu'elles se retrouvent dans l'impossibilité, parfois, de retrouver un logement, en particulier en Île-de-France. Avec cet amendement, notre objectif est simplement d'empêcher qu'un locataire de bonne foi, qui a fait des démarches pour trouver un logement comparable mais n'y est pas parvenu en raison de la pénurie de logements sociaux, ne soit mis dehors dans le froid !

J'aimerais que le ministre prenne l'engagement de réfléchir aux moyens d'éviter à ces locataires l'angoisse de devoir passer devant la justice et de leur permettre de rester dans leur logement pendant cette période. Cela n'apporte aucune solution pour la suite, mais au moins il ne se retrouvera pas à la rue l'hiver !

M. le Ministre - Le droit en matière d'expulsion répond à votre souci ! Mais il ne faut pas confondre ce droit d'expulsion et le terme naturel de contrats passés entre personnes responsables. Quant au comportement moral des offices, il me semble que les conventions ont été suffisamment améliorées pour qu'il soit irréprochable, mais si vous avez le moindre doute, je saisirai l'USL.

L'amendement 261 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 7 quater modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 7 QUATER

M. le Rapporteur - L'amendement 54 tend à exonérer de droits de succession les héritiers qui s'engageraient à maintenir pendant neuf ans l'usage locatif des logements.

M. le Ministre - Avis défavorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Par pure curiosité, j'aimerais comprendre l'objectif de cet amendement : lorsqu'un immeuble locatif occupé est transmis après un décès, il me semble que le maintien des locataires est garanti par la loi ! Je ne vois pas ce qui pourrait remettre leur bail en cause hormis une opération de type vente à la découpe - mais dès que le Gouvernement aura bien voulu provoquer la deuxième lecture au Sénat du texte traitant de ces opérations, les locataires pourront bénéficier d'un droit de préemption. S'agirait-il donc seulement d'inventer de nouvelles exonérations ?

L'amendement 54, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Richard Mallié - Par l'amendement 217 rectifié, je propose que les immeubles d'habitation mis à disposition, à titre gracieux ou non, d'organismes sans but lucratif contribuant à favoriser le logement de personnes en difficulté n'entrent pas dans l'assiette de l'ISF de leur propriétaire.

Plusieurs députés socialistes - Et voilà !

M. Richard Mallié - Vous êtes toujours très gênés lorsque nous proposons une mesure sociale ! Exonérer des propriétaires qui mettent des logements à la disposition des défavorisés, il me semble que c'est l'art et la manière de « booster » le logement !

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Ce n'est pas le lieu ni le moment de réformer l'ISF.

M. le Ministre - Même avis.

Mme Muguette Jacquaint - Alors que la crise du logement sévit depuis des années, il est tout de même curieux que certains propriétaires, se découvrent soudain une âme charitable et veuillent favoriser le logement social ! Ils n'y avaient pas pensé jusqu'ici, mais dès lors qu'on propose de les exonérer d'impôt sur la fortune... Il ne faudrait tout de même pas exagérer !

M. Richard Mallié - Je suis effaré. Ce sont des riches, et alors ? Est-ce ce qui vous dérange ? Vous ne voulez pas qu'ils puissent proposer des logements à des personnes qui en ont besoin ? Mais j'ai compris, et je renonce.

L'amendement 217 rectifié est retiré.

AVANT L'ART. 7 QUINQUIES

M. le Rapporteur - L'amendement 509 rectifié est rédactionnel.

L'amendement 509 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

ART. 7 QUINQUIES

L'article 7 quinquies, mis aux voix, est adopté.

ART. 7 SEXIES

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Cet article élargit les possibilités de non-renouvellement d'un bail commercial à des circonstances telles que la construction, la reconstruction, la surélévation d'immeubles ou la réalisation de certains travaux. L'amendement 676 complète ce dispositif en mentionnant l'hypothèse de la démolition d'un immeuble, dans le cadre d'un projet de renouvellement urbain.

M. le Rapporteur - Avis favorable. La commission ne refuse pas systématiquement les bonnes propositions sous prétexte qu'elles viendraient de l'opposition !

M. le Ministre - Avis favorable. Cette proposition a l'air de peu de chose, mais elle est d'une importance technique essentielle pour les opérations de renouvellement urbain.

L'amendement 676, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A l'unanimité !

M. le Rapporteur - L'amendement 510 est de précision.

L'amendement 510, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je retire l'amendement 511 rectifié.

L'article 7 sexies modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 7 SEPTIES

M. le Rapporteur - Les amendements 555 et 687 rectifié sont rédactionnels.

M. le Ministre - Avis favorable.

Les amendements 555 et 687 rectifié, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 7 septies modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 7 SEPTIES

M. Michel Piron - Dans certains contextes d'extrême rareté de l'offre de logements, les capacités qu'ont les communes d'intervenir sur les logements vacants, et qui vont en principe de l'incitation à l'expropriation, sont en fait très limitées. L'amendement 681 rectifié tendrait à y remédier.

M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Le code général des collectivités territoriales ouvre certes des possibilités d'expropriation en cas d'abandon manifeste d'un immeuble, mais l'idée avancée dans cet amendement me paraît très bonne. La rédaction serait toutefois à revoir et je demande donc le retrait de cette proposition contre l'engagement d'y retravailler d'ici à la deuxième lecture.

M. le Ministre - Même avis.

M. Michel Piron - Je pense me faire l'interprète de l'auteur de l'amendement en acceptant de retirer celui-ci... bien qu'il ait été mûrement réfléchi.

M. François Brottes - Je reprends l'amendement ! Il importe en effet de se mobiliser afin de remettre en location trop d'habitations inoccupées, que leurs propriétaires ont abandonnées. De nombreuses communes sont impuissantes...

M. le Président - Le ministre a fait montre d'ouverture pour la deuxième lecture. Je ne suis pas sûr qu'on augmente les chances de cet amendement en le reprenant !

M. François Brottes - Il ne vous aura pas échappé qu'on peut retravailler les bonnes propositions lorsqu'elles figurent dans le texte adopté en première lecture et que, lorsque ce n'est pas le cas, les amendements ont tendance à disparaître !

L'amendement 681 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Simon - Après avoir épuisé toutes les possibilités offertes par les PLA, les PLA-TS, les OPAH, etc., on constate qu'il existe toujours un reliquat parfois important - 10 à 15 % dans ma région - de logements vacants depuis longtemps, sur lesquels les collectivités ne perçoivent plus de taxe d'habitation. Or, il s'agit souvent d'un bâti traditionnel de qualité, qu'il ne faut pas laisser se dégrader. L'amendement 410 vise donc à remettre la taxe d'habitation à la charge du propriétaire au bout de cinq ans de vacances, et à la majorer de 50 % au bout de dix ans.

M. le Rapporteur - Avis défavorable : l'esprit de ce projet est d'inciter plutôt que de réprimer. D'autre part, l'article 7 septies crée déjà une incitation fiscale à la remise sur le marché d'un logement vacant.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ce n'est pas la même chose !

M. le Ministre - Je comprends le souci qui inspire cet amendement , mais il est trop général : la taxe s'appliquerait aussi dans des zones de dépression démographique. D'autre part, on ne peut pas mélanger taxe d'habitation et taxe sur les logements vacants, même si l'on peut réfléchir à une augmentation de cette dernière - à ce titre, je rappelle l'effort considérable approuvé hier par l'Assemblée. Le dispositif incitatif me paraît donc préférable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Elu de banlieue, je me ferai néanmoins le défenseur des territoires ruraux et montagnards, car il est essentiel de remettre sur le marché les logements vacants, notamment dans les communes qui se diversifient.

En outre, la taxe d'habitation se distingue des taxes sur le logement vacant en ce qu'elle est perçue par la commune, qui assure notamment l'entretien des rues et des réseaux. Dès lors, n'est-il pas légitime de la rétablir au bout de cinq ans ? (Approbations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Simon - Je me félicite du caractère incitatif de la loi que nous examinons. Néanmoins, autour d'un logement vacant, les services et les réseaux sont en effet à la charge de la commune. Si l'incitation n'a eu aucun effet au bout de cinq ans, c'est qu'il y a un problème : le propriétaire doit alors se demander s'il conserve le logement - les solutions de déprise sont nombreuses. Voilà dix-sept ans que je suis élu, et que j'entends le même discours sur le logement vacant : il est temps d'agir ! (Approbations sur certains bancs du groupe socialiste)

L'amendement 410, mis aux voix, est adopté.

M. le Président de la commission - Les vacances de logements participent à la dévitalisation des zones rurales et montagnardes, mais elles posent également problème au cœur de nos villes. Il nous faut, avant la fin de la navette, trouver la réponse adaptée à cette question. Incitation ou sanction ? La solution ne serait-elle pas plutôt de marier les deux ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - J'ajoute qu'il existe un vide juridique concernant la reprise par les communes des biens vacants et sans maître. Si un seul maire a été capable de mener une telle opération à bien depuis que l'Etat s'en est déchargé sur eux, qu'il en informe les quelque 36 000 autres ! En effet, les procédures sont en pratique inapplicables ; j'en saisirai bientôt le ministre.

M. Etienne Pinte - Le problème de déshérence naît de la longueur des procédures entre services départementaux et services centraux - par lesquels, hélas, il faut souvent passer. Il faut donc trouver le moyen d'accélérer le mouvement.

Quant à la remise sur le marché des biens vacants, voici trois ans que quinze villes, dont la mienne, ont expérimenté avec l'ANAH une procédure qui comprend la réhabilitation du logement. Le bilan n'est pas satisfaisant : nous espérions remettre 300 logements sur le marché et nous étions prêts à financer ces opérations, mais n'avons réussi que pour une quarantaine. Pourquoi un résultat si décevant ? Parce que les procédures de l'ANAH sont longues et technocratiques, notamment dans les cœurs de ville où l'agence ne prend pas en compte le fait que les coûts de réhabilitation augmentent de 30 à 40 % en secteur sauvegardé. L'insuffisance des subventions dans de tels cas de figure a découragé de nombreux propriétaires. C'est certes une bonne chose de modifier le statut de l'ANAH ; encore faut-il qu'elle soit plus réactive qu'auparavant.

M. Michel Piron - Nous nous trouvons à la frontière entre incitation et contrainte. Lorsqu'un logement est vacant depuis plus de cinq ans, il y a en effet un problème ; mais le ministre a raison de s'interroger sur la pertinence d'une réponse uniforme. Opter pour une faculté, plutôt que pour une obligation, permettrait de mieux distinguer entre zones de déprise et zones de forte tension. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une véritable question d'intérêt général, ce qui conduit à s'interroger sur un certain laxisme particulier...

M. le Ministre - Il existe actuellement une procédure un peu lourde, mais imparable, en cas d'abandon manifeste. Dans les secteurs sauvegardés, ce n'est pas la procédure de l'ANAH qui pose problème, mais le coût supplémentaire de l'opération, qui en réduit la rentabilité. Dans les cas de non-location, nous avons mis au point un dispositif incitatif que vous souhaitez renforcer par une taxe - au passage, je précise que, si la taxe d'habitation est perçue par les communes, la taxe sur les logements vacants est perçue par l'ANAH, et non par l'Etat. Nous allons réunir l'ensemble de ces dispositifs en écartant naturellement les zones de déprise. C'est un amendement d'appel, qui exige une réponse, et je me réjouis pour une fois qu'il y ait deux lectures.

M. le Président - Je précise qu'il faudra le faire en tenant compte de la nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel et de ce qu'on a baptisé la théorie « de l'entonnoir » : les amendements sur des dispositions nouvelles ne sont plus recevables en deuxième lecture.

M. Yves Simon - Pour revenir sur les actions susceptibles d'être menées contre les vacances de logements, certaines structures intercommunales ont utilisé leurs compétences pour intervenir sur des petits logements inexploités et dégradés, qui sont condamnés à être rasés quand ils ne sont pas réhabilités au profit de personnes âgées, d'apprentis ou de jeunes couples sans enfants. Or, ces opérations prennent près de trois ans, du fait de la disparition des propriétaires et des contrôles de la tutelle ! Il faut donc beaucoup de courage pour s'engager dans cette voie, et tout ce qui peut être fait pour aider les collectivités mériterait donc de l'être.

Mme Annick Lepetit - L'amendement 421 tend à supprimer un dispositif adopté avec la loi de cohésion sociale, qui permet de déroger à l'interdiction de louer des logements de moins de 9 mètres carrés lorsque la location se fait par l'intermédiaire d'une association d'insertion par le logement ou d'un CROUS.

Sous couvert de lutter contre les problèmes de logement, le Gouvernement avait en effet cédé à la pression de certains propriétaires privés, désireux de mettre en location des chambres de service non conformes aux critères du logement décent tels que les pose la loi SRU, et ainsi de s'enrichir au détriment des populations les plus fragiles, avec la bénédiction et le financement de l'Etat via les aides personnelles au logement.

N'oublions pas que cette mesure résulte d'un amendement déposé à la faveur de la nuit par Françoise de Panafieu, qui avait déjà demandé dans une question écrite de juillet 2003 une telle dérogation en tirant prétexte de la crise du logement.

M. le Président - Mme de Panafieu n'est pas là pour vous répondre !

Mme Annick Lepetit - Le ministre du logement lui avait alors répondu qu'il réfléchissait à une évolution afin que ces chambres ne restent pas exclues du marché du logement, mais sans ouvrir pour autant la porte à des bailleurs indélicats. Il était alors question de faire intervenir des associations agrées, notamment les CROUS s'agissant des étudiants.

Mme de Panafieu a donc suivi ce conseil en déposant son amendement, qui a été adopté par notre assemblée ; puis, le 25 mai 2005, M. Borloo a annoncé en Conseil des ministres son intention d'autoriser la location des logements de moins de 9 mètres carrés à des étudiants ou à des apprentis. Mais quel sens y avait-il à proposer une disposition qui avait déjà été votée ?

La question a perdu de sa pertinence lorsque, le 15 juin 2005, le Gouvernement a renoncé à cette mesure, visiblement sous la pression des associations qui oeuvrent en faveur du logement et des personnes les plus défavorisées. Elles estimaient en effet, à juste titre, que la crise du logement ne justifie pas de créer des logements insalubres et indécents !

Cela étant, l'article 116 de la loi de cohésion sociale demeure en vigueur, alors même qu'aucun décret d'application n'a été pris. Il faut donc que nous sachions où nous en sommes et que nous sortions des demi-mesures !

Cet article permettrait en effet de remettre sur le marché des logements insalubres, que les associations d'insertion par le logement et les CROUS ne pourraient guère contrôler, faute de moyens suffisants. Les marchands de sommeil risquent donc d'être un jour confortés, et la crise du logement exploitée pour réaliser d'obscurs desseins !

M. le Rapporteur - Avis défavorable, car cet article a été abrogé par la loi relative au développement des territoires ruraux, de février 2005.

M. le Ministre - Sans revenir sur le tableau inexact que vient de dresser Mme Lepetit, cette disposition n'existe plus, en effet.

M. le Président - Retirez-vous votre amendement, Madame Lepetit ?

Mme Annick Lepetit - Je pourrais vous faire confiance, mais les évènements récents ne m'y incitent guère. L'amendement est donc maintenu.

M. le Président de la commission - C'est incroyable !

L'amendement 421, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 412, 55, 2e rectification, le sous-amendement 143, 2e rectification, et l'amendement 416 peuvent être mis en discussion commune.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je précise que l'amendement 412, que je défends au nom de mon groupe, a été déposé à l'instigation de Mme Guigou en particulier.

Lorsqu'un locataire habite un logement non conforme aux normes, il lui revient aujourd'hui de faire constater la situation, puis de faire trancher le différend éventuel par le juge. Les dispositifs existants, notamment le décret de janvier 2002, concernent en effet l'action du locataire contre le bailleur.

A l'inverse, un permis de louer, comme celui qui existe déjà en Belgique, aurait le mérite d'obliger le bailleur à déclarer au maire un logement de petite taille ou qui n'était pas jusqu'ici affecté à la location. D'une investigation menée alors par les services d'hygiène et de salubrité pourrait dépendre la validation du dossier.

Un tel dispositif d'anticipation permettra de mettre un terme aux activités des marchands du sommeil, qui exploitent la crise du logement et la situation des personnes défavorisées, voire des étrangers en situation irrégulière, pour imposer des conditions de logement inacceptables. Il ne s'agit pas de décider si un propriétaire peut ou non jouir de son bien, mais de vérifier la conformité de celui-ci avant la location.

M. le Rapporteur - Le certificat de mise en location prévu par l'amendement 55, 2e rectification, a le même objet que le permis de louer que vous proposez, Monsieur Le Bouillonnec. Je vous demanderai donc de vous rallier à la proposition adoptée par la commission des affaires économiques.

M. Jean-Pierre Brard - Le sous-amendement 143, 2e rectification, vise à compléter l'amendement de la commission, dont l'application serait en effet trop limitée.

Tous les élus locaux, sauf peut-être ceux des communes les plus huppées, constatent que des propriétaires sans scrupules proposent, souvent à des prix exorbitants, des locaux situés dans des immeubles très dégradés, locaux qu'ils osent appeler « logements ». La situation actuelle pose non seulement des problèmes de conditions de logement, mais aussi d'hygiène, de santé publique et de sécurité physique des occupants. A Montreuil ont ainsi été louées des caves sans fenêtres, avec des fils pendant du plafond. Et cet immeuble n'est pas situé dans une ZUS !

J'ajoute qu'il y a du plomb dans les peintures de ces habitations vétustes, ce qui expose les enfants à des risques graves, pouvant aller jusqu'à des lésions au cerveau ! Les enfants sont également les premières victimes des affections qui résultent d'une forte humidité et d'un chauffage défaillant, quand il n'est pas inexistant. Et nul n'a oublié les incendies mortels qui ont ravagé certains immeubles vétustes à Paris au cours des derniers mois.

Pour toutes ces raisons, instituer un certificat délivré à l'issue de contrôles préalables me semble une initiative louable et j'adhère donc à la proposition de la commission, car elle est de nature à combattre les propriétaires voyous qui exploitent la misère humaine, et à les mettre face à leurs responsabilités. Notre devoir est de lutter contre de tels comportements !

Cela étant, le cadre d'application géographique de cet amendement nous paraît bien limité : pourquoi le restreindre aux seules ZUS ? Nous proposons de supprimer cette réserve tout en conservant les autres critères proposés. Personne ne comprendrait en effet que des centaines de familles soient exclues du bénéfice de cette mesure alors que des marchands de sommeil et des propriétaires négriers mettent en péril la sécurité sanitaire de leurs enfants.

M. Francis Vercamer - L'amendement 416 tend également à créer un certificat de mise en location, qui permettra une véritable prévention. Alors que les textes en vigueur ne prévoient que des poursuites, qui ne peuvent être engagées qu'une fois le mal commis, un logement ne pourrait désormais plus être mis en location qu'à condition d'être décent, ce qui représente une avancée considérable pour les locataires - et éviterait par exemple les intoxications par monoxyde de carbone.

M. le Rapporteur - La commission a émis des avis défavorables à l'amendement 412 et au sous-amendement 143, 2ème rectification. Toutefois, à titre personnel, j'estime que les arguments de M. Brard sont justes et je serais favorable à son sous-amendement. Enfin, la commission demande le retrait de l'amendement 416 au profit de l'amendement 55, 2ème rectification.

M. le Président de la commission - Nous devons, avant la fin de ces débats et dans le cadre de la navette, démontrer que nous avons l'intention de résoudre ce problème, qui ne peut nous laisser insensibles. Les propos de M. Brard sont fondés : ce ne sont pas seulement les maires administrant des ZUS qui sont confrontés à ce problème et sans pouvoir le résoudre. Je vis moi-même des situations semblables dans ma commune de Rueil-Malmaison. Monsieur le ministre, je pense qu'il serait utile d'avancer dans ce sens et de donner aux maires la possibilité de dire que de tels logements sont inacceptables.

M. le Ministre - Force est de constater que la loi SRU a une efficacité réduite dans ce domaine, car elle fait reposer sur le locataire la responsabilité de l'action en justice. Le Gouvernement est ouvert à l'idée que l'autorité publique locale puisse intervenir, notamment par le biais d'un certificat préalable. Reste à surmonter les difficultés d'application : nous sommes inquiets de l'engorgement que pourrait provoquer une telle disposition. Réfléchissons donc à une solution proche de celle que propose la commission, qui laisserait par exemple les communes libres de prendre cette responsabilité, ou qui imposerait celle-ci à titre expérimental dans un bassin.

Ma seule préoccupation est de lutter contre les marchands de sommeil sans avoir à employer cette arme atomique qu'est le texte condamnant à cinq ans d'emprisonnement - texte inapplicable d'ailleurs puisque les locataires ne peuvent mettre en mouvement l'action publique et que les moyens de contrôle sont insuffisants. Si vous en êtes d'accord, je propose donc à l'Assemblée d'adopter l'amendement de la commission en tant qu'amendement d'appel, pour pouvoir retravailler cette disposition en vue de la rendre pleinement opérationnelle. Nous devons en particulier prendre garde à ne pas créer un sentiment de défiance chez les propriétaires, ce qui freinerait la production de logements privés.

M. le Président de la commission - Merci, Monsieur le ministre.

Mme Muguette Jacquaint - Il est nécessaire de lutter contre le logement indigne et contre ces propriétaires qu'il est convenu d'appeler « marchands de sommeil », mais aussi d'étendre cette disposition au-delà des ZUS. Ma commune compte 600 logements dans un état scandaleux, ce hors ZUS : le maire a fait murer certains d'entre eux, diligenté les services de l'hygiène et envoyé les dossiers à la justice. Mais, comme l'a rappelé le ministre, les procédures sont longues et les maires se trouvent en fait dans l'impossibilité d'agir.

Certes, ils peuvent reloger certaines familles, mais ce sont 400 autres qui se présentent en faisant valoir qu'elles sont dans la même situation. En outre, les logements libérés sont reloués dans la semaine qui suit par les propriétaires peu scrupuleux... à des tarifs atteignant 80 euros la nuit pour une chambre ! Nous devons faire quelque chose pour armer les maires face à ce phénomène.

M. Daniel Boisserie - Ces amendements s'attaquent à un vrai problème, qui n'est pas seulement du fait des propriétaires sans scrupules. Il m'est arrivé, après avoir visité un logement dont le plafond présentait une fissure, de prendre un arrêté de péril. Quinze jours plus tard, l'immeuble s'effondrait ! Les véhicules sont vérifiés régulièrement, il devrait en être de même pour les logements, et pas forcément lors de l'entrée de nouveaux locataires. Par ailleurs, il ne faut pas seulement contrôler les installations thermiques et électriques, mais aussi la structure. Des diagnostics ont été imposés par la loi Carrez, pourquoi ne pas adopter ici une disposition semblable, simple et efficace, et qui n'alourdirait pas outre mesure la tâche des services communaux ?

M. François Brottes - M. le rapporteur nous a demandé de retirer l'amendement 412 au profit de l'amendement de la commission. Comme nous sommes en passe d'écrire une belle page sur la dignité humaine, en proposant non pas une mesure curative, mais préventive, nous sommes disposés à accéder à sa demande, à condition toutefois, que le sous-amendement 143, 2ème rectification, soit accepté car il ne convient pas de stigmatiser les ZUS, qui ne sont pas les seules concernées par ce problème.

M. Jean-Pierre Brard - Au moins le débat parlementaire est-il utile, ce dont nous n'avons pas toujours l'impression. Voici un exemple concret : une femme seule et ses cinq enfants occupaient une pièce pour 1 200 euros par mois ; eh bien, c'est le propriétaire qui a engagé les poursuites ! Les locataires, eux, ne disposent pas d'argent pour attaquer en justice, et ils sont souvent arrêtés par la peur de n'avoir plus de toit.

Nous sommes sur le point de trouver un consensus pour sauvegarder la dignité humaine et punir les propriétaires délinquants. Monsieur le Président, vous avez fait référence à la jurisprudence du Conseil constitutionnel : si j'ai bien compris, nous ne pourrons pas revenir sur ce sujet si l'amendement n'est pas adopté...

M. le Président - Votre sous-amendement pourra toujours être présenté. Mais si aucun article additionnel n'est créé en première lecture, il ne sera plus possible d'en créer en seconde lecture.

M. le Président de la commission - En revanche, si l'amendement est adopté, nous aurons l'occasion de le modifier ultérieurement.

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur le ministre, qu'est-ce qui vous empêche d'accepter mon sous-amendement, puisqu'il peut être retravaillé par la suite ? Nombre de nos collègues maires pensent comme moi.

Pour une fois qu'un accord semble se dessiner entre nous dans ce débat, le Gouvernement ne pourrait-il pas faire un geste, étant entendu qu'il serait toujours possible d'améliorer ma proposition lors de la navette, si elle soulève des difficultés juridiques ?

M. Francis Vercamer - Même si la commission en a repris l'idée, c'est tout de même de mon amendement qu'il est question ! Si j'avais initialement limité le périmètre concerné aux zones urbaines sensibles, c'était, sachant que l'amendement risquait d'être très discuté, pour qu'on se concentre sur les zones où les problèmes sociaux sont les plus importants. Mais je comprends parfaitement le sens de l'intervention de M. Brard et je n'ai aucune objection à ce qu'on sous-amende comme il le souhaite. L'important est de voter aujourd'hui l'amendement, de façon à pouvoir en retravailler le texte.

M. Étienne Pinte - Je ne doute pas que le texte puisse être amélioré lors de la navette. Mais nous avons absolument besoin du sous-amendement défendu par notre collègue Brard. Il existe dans nos cœurs de ville, notamment en secteur sauvegardé, des immeubles insalubres où des familles vivent dans des conditions indignes. Il a, fallu, hélas, les drames survenus à Paris l'été dernier pour qu'après les avoir recensés dans ma commune, je puisse prendre, en accord avec le préfet, des arrêtés de fermeture et reloger les occupants. Nous avons besoin d'outils juridiques garantissant la sécurité des procédures employées. Je souhaite donc vivement que ce sous-amendement soit adopté, quitte à ce qu'il soit réécrit au cours de la navette, s'il en est besoin.

M. François Scellier, rapporteur pour avis de la commission des finances - Dans la ville dont j'ai été maire, et qui comportait une ZUS, je puis témoigner que les immeubles insalubres loués par des marchands de sommeil étaient tous situés à l'extérieur de la ZUS. Il serait donc dommage que le dispositif ne s'applique pas en-dehors des ZUS. L'important est d'éviter les lourdeurs bureaucratiques, qui sont toujours une source de frais supplémentaires pour la collectivité.

M. le Ministre - Vous connaissez la fable de la grenouille et du scorpion, Monsieur Le Bouillonnec... (Sourires)

Je suis vraiment embarrassé. Il est clair que les procédures prévues par la loi SRU ne sont pas assez efficaces. Il l'est tout autant que l'on ne peut reporter les responsabilités sur les locataires. Mais je m'interroge aussi sur la validité juridique d'un permis préalable de louer par rapport aux pouvoirs de police du maire.

M. Jean-Pierre Brard - Donnez-moi le pouvoir, j'en ferai bon usage !

M. le Ministre - Outre que la délivrance de ces permis aurait un coût pour les communes, la situation des logements évolue et l'appréciation dont ils font l'objet varie elle-même en fonction des occupants - un logement acceptable pour un ménage sans enfants peut ne plus l'être en présence d'enfants. A dire vrai, j'hésite entre donner un véritable pouvoir d'intervention au maire, lequel n'existe pas aujourd'hui, et prévoir la délivrance d'un certificat préalable, lourd à mettre en place. Peut-être faut-il expérimenter les deux.

Bien que l'on n'ait pas pris en réunion interministérielle le chemin que vous souhaitez, je suis prêt à assumer mes responsabilités politiques. Mais le sujet est complexe. La Chancellerie a aussi son avis. Tout cela mérite d'être retravaillé. Pour mon propre confort politique, je préférerais que l'on retienne pour l'heure l'amendement de la commission, même si je conviens que cela n'a pas intellectuellement grand sens de limiter le dispositif aux ZUS.

M. le Président de la commission - Le rapporteur et moi-même faisons entière confiance au ministre pour trouver la bonne solution au cours de la navette. Ne le gênons pas en votant un texte qui pourrait créer des problèmes avec les administrations concernées. Dès lors qu'il a clairement fixé un cap, je souhaite, pour lui faciliter la tâche, que l'amendement 412 et le sous-amendement 143, 2ème rectification, soient repoussés et que soit seul adopté le 55, 2ème rectification, de la commission.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous aurions volontiers retiré l'amendement 412 s'il avait été parfaitement clair qu'au cours de la navette serait bien exclue la condition de territorialité, ce dont l'adoption du sous-amendement de notre collègue Brard eût été un gage.

M. Jean-Pierre Brard - Ce débat me rappelle celui de 1998 sur le projet de loi relatif à la lutte contre l'exclusion où Louis Besson qui occupait votre place, Monsieur le ministre, avait refusé mon amendement concernant le saturnisme, avec des arguments très proches des vôtres aujourd'hui. C'est encore une fois, la Chancellerie qui était derrière tout cela... Mais l'Assemblée avait finalement adopté ma proposition, dont le texte avait ensuite été retravaillé. Pourquoi n'en serait-il pas de même aujourd'hui ?

L'amendement 412, mis aux voix, n'est pas adopté.

Le sous-amendement 143, 2ème rectification, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 55, 2ème rectification, mis aux voix, est adopté.

ART. 8

M. Pierre-André Périssol - J'interviens sur cet article pour éclairer le débat sur un amendement du Gouvernement portant article additionnel après celui-ci. Les sociétés anonymes de crédit immobilier constituent un outil décentralisé dédié principalement à l'accession sociale à la propriété, indispensable à la mixité de l'habitat. Certains prétendent que ces sociétés ne rempliraient pas de missions sociales dans la mesure où elles exercent leurs activités dans le cadre de filiales concurrentielles. Mais comment pourrait-il en être autrement, dès lors que les outils de l'accession à la propriété, notamment le prêt à taux zéro, ont été banalisés ?

Les SACI prêtent à des ménages aux revenus modestes, lesquels ne constituent pas le cœur de cible des établissements de crédit traditionnels, et elles le font avec un incontestable savoir-faire - le taux de créances douteuses dont elles ont à connaître est le plus faible de la place. Mais elles ont pour cela besoin de ressources qui ne peuvent provenir que des résultats de leurs filiales. Or, le Gouvernement envisage un prélèvement sur l'ensemble de ces sociétés, afin de financer diverses actions dans le domaine du logement. Des experts indépendants ont évalué à 300 millions d'euros la somme maximale dont elles pouvaient amputer leurs fonds propres sans se condamner. Au-delà, quelles que soient les modalités du prélèvement, leur avenir serait gravement hypothéqué.

Puisque nous sommes tous d'accord sur la nécessité de faciliter l'accession sociale à la propriété, ne commençons pas par diminuer les moyens des sociétés qui s'y consacrent. Sinon, nous prendrions de lourdes responsabilités pour le jour où les prix de l'immobilier régresseront, où le coût du crédit se renchérira, et où les banques traditionnelles se désintéresseront des crédits immobiliers, tout particulièrement au profit des ménages modestes. Il faut absolument parvenir à un consensus entre le Gouvernement et le Crédit immobilier de France. Tout passage en force hypothéquerait l'avenir de celui-ci, dont chacun s'accorde à reconnaître la bonne gestion et le rôle essentiel.

M. Jean-Louis Dumont - Tout à fait.

M. François Brottes - Rappel au Règlement. Notre collègue Périssol vient d'intervenir sur l'amendement 277 du Gouvernement, qui porte article additionnel après l'article 8. Pour examiner en détail cet amendement - qui vient encore d'être rectifié -, je demande une suspension de séance d'un quart d'heure.

M. le Président - Ne pourrions-nous entendre auparavant les orateurs inscrits sur l'article ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Non, justement.

M. le Président - La suspension est de droit.

La séance, suspendue à 18 heures 15, est reprise à 18 heures 40.

M. François Brottes - Après sa réunion, notre groupe propose de dissocier clairement la discussion sur l'article 8, notamment sur le transformation des offices HLM, et celle sur l'amendement 277 après l'article. Si cette proposition vous convient, Monsieur le Président, nous aurons deux orateurs sur l'article et deux orateurs sur l'amendement.

M. le Président - J'en suis d'accord. Nous commençons donc par les inscrits sur le seul article 8.

M. Jean-Louis Dumont - Le mouvement HLM, et particulièrement les offices, ressent depuis longtemps le besoin de se moderniser. Des discussions d'ordre technique et politique ont eu lieu. Procéder par ordonnance, comme le prévoit cet article, le surprend. Cela étant, la partie technique est lourde et elle demandera un énorme travail. Si les négociations préalables débouchent sur un travail en partenariat entre les intéressés et l'administration, sous la conduite de votre cabinet, cela peut être très utile pour toiletter les statuts et adapter des règles de la gouvernance. Mais comment demander à tel partenaire d'apporter une aide à la pierre sans participer à la gestion de l'organise concerné ? Tenir compte de l'intercommunalité, institutionnaliser la participation des résidents, cela devient une nécessité. Les organismes s'en rendent compte. C'est surtout là où il manque de logements locatifs, et particulièrement en Île-de-France, qu'ils s'interrogent. Si le ministre pouvait prendre un engagement politique fort sur cette démarche de partenariat, l'ensemble du mouvement HLM serait rassuré. Montrez-lui que le recours aux ordonnances ne prépare pas de mauvais coups. Vous affichez une ambition pour le logement locatif, en qualité comme en quantité. Pour la réaliser, vous aurez besoin d'outils. Au cours du tour de France que j'ai effectué, j'ai constaté que l'ensemble des organismes étaient mobilisés pour des missions d'intérêt économique général, pour une mission de service public. Ils travaillent d'arrache-pied en vue de dépasser les objectifs fixés sur cinq ans. Encore faut-il leur en donner les moyens.

Enfin, il faudra que la gestion des organismes soit clarifiée, afin par exemple qu'elle puisse tenir compte du besoin de métiers nouveaux comme la médiation et qu'elle puisse être évaluée en termes de qualité des services rendus aux résidents. Tout cela demande des précautions et de la confiance. Votre réponse, Monsieur le ministre, devra nous rassurer sur tous ces points.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il est tout de même singulier qu'au terme des discussions qui ont eu lieu entre le mouvement HLM et le ministère, les parlementaires soient les seuls qui ne puissent pas s'exprimer ! C'est d'autant moins compréhensible que les discussions avaient abouti et que l'on ne voit donc pas ce qui empêche le Gouvernement de présenter son projet. Nous pouvons penser qu'il va se conformer à ce qui a été décidé avec la Fédération des offices HLM, mais nous n'en savons rien et nous n'avons pas connaissance du contenu de la réforme. C'est une faute politique que de nous priver ainsi de débat. Cela se comprend d'autant moins que tout le monde était d'accord pour qu'une réforme ait lieu.

Maintenant, les collectivités de rattachement - villes et départements - s'inquiètent. Les personnels aussi. La plupart des OPAC ont des personnels sous statut privé, mais les offices HLM ont des personnels sous le statut de la fonction publique territoriale. Le maintien de ce statut n'étant pas garanti, leurs organisations représentatives s'opposent à la réforme.

Comment légiférer par ordonnance sur un sujet comme celui-ci ? Les offices HLM font partie du patrimoine national et ils sont au premier rang de l'action publique ! Comment le Parlement pourrait-il accepter de se dessaisir d'un tel objet ? Parce que nous contestons la méthode suivie par le Gouvernement, nous proposons par l'amendement 472 la suppression de l'article. Nous défendrons ensuite des amendements tendant à ce que les personnels ayant le statut de fonctionnaires territoriaux puissent le garder.

Une modernisation des offices HLM qui aurait eu le soutien du Parlement et qui aurait bénéficié de l'engagement des collectivités de rattachement était possible. Le Gouvernement a gâché cette occasion.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La réforme a fait l'objet de nombreuses discussions avec la fédération des HLM, laquelle a parlé de consensus lors de son audition. Les personnels pourront choisir de conserver leur statut. Je ne vois pas ce qui pourrait être ajouté à ce que les partenaires sociaux ont mis en place depuis de nombreux mois.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Les parlementaires ne font-ils plus la loi ?

M. Jean-Louis Dumont - Nous demandons des engagements précis.

M. le Ministre - Il s'agit ici d'un sujet technique assez complexe, qui réclame des ajustements précis. Le projet d'ordonnance est souhaité par la famille HLM concernée. Il a fait l'objet d'une présentation détaillée et d'un vote lors de son assemblée générale du 19 mai dernier, il a été adressé à la commission...

M. Jean-Louis Dumont - Nous ne l'avons pas eu.

M. le Ministre - Quant au personnel, il aura le choix entre les différents statuts. Cet amendement de suppression ne se justifie donc pas.

Mme Muguette Jacquaint - Certes, il y a eu concertation, mais les parlementaires ont tout de même leur mot à dire sur un sujet aussi important ! Les offices publics HLM et les OPAC emploient quelque 60 000 agents et gèrent des millions de logements !

En réalité, cet article, qui habilite le Gouvernement à modifier par voie d'ordonnance les règles de fonctionnement des bailleurs sociaux publics, et par conséquent les conditions statutaires de leurs agents, n'a rien à voir avec l'objet du projet de loi, sinon qu'il se rapporte au logement. Il aurait pu tout aussi bien être introduit dans la loi de finances, lors de l'examen des crédits du logement.

Une fois de plus, le Parlement est placé devant le fait accompli. Nous commençons à en avoir l'habitude, mais cela fait beaucoup de mal à la démocratie, à la politique et aux élus. Une modernisation était sans doute nécessaire, mais il aurait fallu que la discussion ait aussi lieu au Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Si réussi que le débat entre la fédération et le Gouvernement ait pu être, il ne donnait pas à ces interlocuteurs le pouvoir de faire la loi. Je rappelle que c'est la loi qui a créé les offices.

Par ailleurs, nous ne connaissons pas l'ordonnance. Je sais quel a été le contenu des discussions entre la fédération des offices et le ministère, mais je ne connais pas celui de l'ordonnance.

Vous modifiez la participation des collectivités de rattachement, mais leur avez-vous demandé quelque chose ? L'association des maires de France ou celles des présidents de conseils généraux ou départementaux - bref, les acteurs du processus -, ont-ils donné leur avis ? Nous ne contestons pas le fait que le débat entre la fédération et le ministère ait été limité, mais le débat législatif ne doit pas l'être.

Enfin, je rappelle que les offices publics sont les premiers acteurs en matière de logement locatif social. Ce projet de loi va élargir leurs compétences, ce qui est loin de me déplaire. Le débat porte bel et bien sur les instruments des collectivités territoriales et je ne vois pas comment on peut priver le législateur d'y participer. Nous vous avons demandé en commission de nous fournir le texte de l'ordonnance : vous avez le droit de refuser, mais il reste que le législateur ne peut fonder sa décision. Il est regrettable d'avoir usé d'une telle méthode pour une réforme qui aurait pu emporter l'accord, n'était ce problème des fonctionnaires, de tous.

M. le Rapporteur - Monsieur Le Bouillonnec, je suis déçu : je m'étais imaginé que vous liriez le rapport. L'ordonnance y figure ! Elle a été discutée avec l'union des HLM et nous a été communiquée.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Par qui ?

M. le Rapporteur - J'en ai fait largement état dans le rapport, et vous pouvez en avoir connaissance de l'ordonnance quand vous le voudrez.

M. le Président de la commission - Sans aucun problème !

M. Michel Piron - Il me semble qu'il y a surtout un manque d'information...

M. Jean-Louis Dumont - De l'ostracisme !

M. Michel Piron - Comment pourriez-vous d'ailleurs vous opposer quand tous les partenaires ont exprimé leur accord ? Les collectivités locales ont émis des points de vue très favorables...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Qui ? Comment ?

M. Michel Piron - ... et nous pouvons nous féliciter qu'un si large dialogue avec les organismes ait débouché sur un accord. Pourquoi vouloir à tout prix compliquer ce qui a fait l'objet d'un tel consensus, sauf à exprimer sa méfiance à l'encontre du dialogue social ? Je suis sûr que les informations qui viennent de vous être données vous inciteront à revenir sur votre position.

L'amendement 472, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 56 rectifié est rédactionnel.

L'amendement 56 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 8, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 8

M. le Ministre - L'amendement 277 rectifié autorise le Gouvernement a réformer par ordonnance le régime juridique des sociétés anonymes de crédit immobilier. Le sujet est complexe...

M. Jean-Louis Dumont - Et délicat !

M. le Ministre - Une concertation approfondie, à tout le moins, est nécessaire. Pour entamer les choses, nous avons besoin que le Parlement nous autorise à prendre une ordonnance.

Avec le temps, le dispositif des SACI a évolué vers une banalisation de la distribution des prêts populaires, et la faculté de proposition a été ouverte à l'ensemble des organismes de crédit. Le crédit immobilier a toutefois deux caractéristiques : c'est un dispositif de proximité, ancré sur un territoire, et il a une vocation sociale qu'on souhaiterait voir renforcée.

Des discussions ont eu lieu avec la chambre syndicale et les SACI sur deux points. D'abord, et puisque, au fond, l'essentiel du métier est fait - plus ou moins bien - par le réseau bancaire, est-il indispensable d'immobiliser des fonds propres massifs ? Peut-on considérer la propriété d'une participation de crédit immobilier comme non liquide et les liquidités peuvent-elles être affectées au logement social ou à l'accession sociale à la propriété ? Ce schéma aurait l'avantage de dégager des moyens importants pour le logement. L'inconvénient est que nous avons un outil opérationnel et qui a, en son temps, été plus efficace que d'autres...

M. Jean-Louis Dumont - C'est bien de le reconnaître !

M. le Ministre - L'hypothèse de l'adossement semblait donc de bons sens, mais elle n'a pas été retenue par le Gouvernement.

M. Jean-Louis Dumont - Réfléchissez bien !

M. le Ministre - À partir de là, il fallait s'interroger sur cette immobilisation : est-il possible de la détendre un peu, de la rendre en partie liquide ? Peut-on avancer sur le terrain des dividendes sociaux et de la vocation sociale de ces organismes ? Nous avons travaillé sur ce point avec la chambre syndicale et avec les dirigeants, qui ont fait preuve d'un état d'esprit très constructif, tant à propos d'une contribution significative au logement de la part des SACI que sur l'augmentation du dividende social et la réorientation de leur activité, notamment au profit de l'accession sociale à la propriété, et donc sur une réforme des statuts et des modes de gouvernance. Le président de la chambre syndicale m'a fait part de ses propositions, qui restent à expertiser, mais nous avons un a priori favorable.

C'est un dossier complexe. Tout n'est pas bouclé et il y a d'autres acteurs à entendre pour l'envisager dans son ensemble. Contrairement à ce qui avait été évoqué, l'ordonnance ne prévoira donc pas l'adossement du Crédit immobilier à un autre organisme. Par ailleurs, le dispositif final ne pourra être que le fruit de la négociation : ce n'est pas possible autrement. L'amendement 277 rectifié me paraît assurer un équilibre subtil mais utile entre la nécessité de recentrage demandée par tous et des évolutions législatives demandées par les SACI sur les points de blocage qu'elles connaissent. Cet amendement est un pacte de confiance : il n'a de sens que pour autant que tout le monde travaille dans le même état d'esprit. Je proposerai donc, s'il est adopté, que les présidents des commissions, rapporteurs et anciens ministres du logement conduisent une mission d'expertise...

M. le Président de la commission - Un comité des sages !

M. le Ministre - ...avant la deuxième lecture, afin que l'accord puisse être bouclé dans de bonnes conditions - et reçoive peut-être, d'ailleurs, une traduction législative différente.

Je sais qu'un sous-amendement fait débat, s'agissant du 5°, mais je souhaite que nous conservions toutes nos marges de manœuvre, ne serait-ce que parce qu'on ne sait toujours pas comment serait versée la contribution en cas d'accord. La position du Gouvernement a changé, mais je pense qu'il a raison de ne pas procéder à l'adossement. Il appartient désormais à chacun, dans le cadre de ses responsabilités, de trouver le compromis le plus efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, saisie pour avis - J'ai apprécié le jugement nuancé du ministre, autant que sa correction de trajectoire ! Nous avons également apprécié le travail des SACI, même si les résultats peuvent être différents selon les régions. C'est un excellent outil en faveur de l'accession sociale à la propriété et nous ne voudrions pas que la réussite financière soit sanctionnée alors que d'autres, comme le Crédit foncier ou le Comptoir des entrepreneurs, ont fait appel pour des masses financières énormes au contribuable national.

M. Jean-Louis Dumont et Mme Robin-Rodrigo - Très bien !

M. le Président de la commission pour avis - Il y avait deux options. On pouvait laisser le temps à la réflexion et traiter le sujet en seconde lecture. On pouvait aussi se rendre aux engagements précis du ministre. Pour ma part, je trouvais que l'amendement était imprécis sur l'avenir des SACI et sur les missions sociales que le Gouvernement voulait développer, et encore plus sur l'affectation des fonds propres de leurs activités concurrentielles.

M. Jean-Louis Dumont - Très bien !

M. le Président de la commission pour avis - Je remercie le ministre d'avoir pris en compte nos inquiétudes. Je lui fais donc confiance et suivrai sa proposition, tout en restant très vigilant sur l'application.

J'ajoute que nous avons souvent eu le soutien des SACI et des crédits immobiliers pour développer l'accession sociale, voire très sociale à la propriété - la priorité de bon nombre d'entre nous - grâce au prêt social locatif accession (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; « Très bien » sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. le Président de la commission - Les propos du ministre montrent combien le débat parlementaire permet de faire évoluer les choses. Je ne mets pas en doute sa bonne foi, et nous sommes tous d'accord sur la qualité du travail des SACI et des crédits immobiliers. Il existe toutefois une difficulté d'appréciation par rapport au texte antérieur...

M. Jean-Louis Dumont - Tout n'est pas réglé !

M. le Président de la commission - L'accord en cours d'élaboration porte sur des points d'ordre statutaire, et sur d'autres d'ordre financier. Le ministre s'est engagé sur ces derniers, ainsi que sur la vocation et l'avenir de ces organismes : il n'y a donc pas de doute quant à l'objectif visé. Je lui donne d'ailleurs acte de son effort pour trouver un consensus, même si l'on ne peut se permettre, dans une telle discussion, de faire un travail de commission.

Quoi qu'il en soit, je souscris à votre pacte de confiance. Le travail juridique à accomplir est précis...

M. Jean-Louis Dumont - C'est de l'improvisation législative !

M. le Président de la commission - ... et doit prendre en compte l'ensemble des propositions.

M. Jean-Louis Dumont - Deux milliards d'euros en jeu !

M. le Président de la commission - Vous parlez finances, Monsieur Dumont. Puis-je finir ? L'effort du ministre favorise l'accession sociale à la propriété. J'accepte de participer au comité de suivi, mais si, lors des navettes, nous ne pouvons apporter la patte législative nécessaire, la commission se ressaisira du texte. C'est une construction difficile, et il ne faut pas gêner l'effort gouvernemental, mais la commission prendra, le cas échéant, ses responsabilités pour faire respecter ce pacte.

M. François Brottes - Et si le Sénat vote conforme ?

M. le Rapporteur - Le réseau des SACI était très bien placé pour répondre à la volonté politique du Gouvernement d'encourager l'accession sociale à la propriété. Mais était-il le mieux adapté dans ses structures actuelles ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Oui !

M. le Rapporteur - Pas forcément : l'objet de notre discussion est précisément d'adapter les SACI aux besoins exprimés par le ministre. Cet amendement rectifié doit donc susciter, au cours des navettes, des discussions permettant de répondre à toutes les questions que pose la modification d'un réseau aussi important que celui des SACI.

La commission avait émis un avis favorable à la première version de l'amendement : elle approuve a fortiori la seconde, qui permet de se réunir avec les responsables des SACI pour envisager les meilleures solutions en vue d'une mise en œuvre efficace du projet gouvernemental.

M. François Brottes - Rappel au règlement : contrairement à ce qu'a laissé entendre M. Ollier, si le Sénat vote le texte en l'état, nous n'aurons plus à en rediscuter.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Permettez-moi de monter à la tribune, car l'instant pour moi est solennel. Je suis une ancienne directrice de crédit immobilier, et je connais ces organismes depuis trente ans.

M. Jacques Myard - Vous êtes députée de la nation !

Mme Chantal Robin-Rodrigo - En tant qu'élue de la nation, précisément, je n'accepte pas l'amendement du ministre, puisque le texte initial, tel qu'il fut déposé au Sénat, ne faisait aucune mention des sociétés de crédit immobilier. Or, l'amendement du Gouvernement n'a qu'un seul et unique objectif : capter les fonds propres de celles-ci. Vous venez de nous assurer du contraire, et je vous fais confiance, Monsieur le ministre. Chacun reconnaît les qualités des crédits immobiliers, ces outils d'accession sociale à la propriété dont M. Périssol a exposé les résultats. Comment pourrait-on se couper d'un instrument qui a rendu tant de services, tout en étant bien géré et en suscitant un minimum de contentieux ?

Vous nous proposez, Monsieur le ministre, de ne pas adosser les crédits immobiliers à un autre organisme : j'en prends acte, mais cela reste insuffisant. Le conseil syndical des crédits immobiliers vous fait des suggestions concrètes depuis longtemps...

M. Jean-Louis Dumont - Depuis dix ans !

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Or, toutes sont restées lettre morte : pourquoi, alors que le Trésor, les finances et le logement ont donné leur accord ? Je souhaite que cet amendement soit retiré pour l'instant, même si les crédits immobiliers doivent en effet avoir des missions précises et définies. Nous en avons besoin pour le logement d'urgence, les territoires ruraux ou encore le logement saisonnier ; de grâce, laissez-lui les moyens financiers de mener à bien ces missions ! Il serait utile que la commission travaille sur ce dossier, et que nous y revenions en seconde lecture. Tel est le souhait que je formule au nom des 6 000 salariés et des 1 000 administrateurs des crédits immobiliers (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, protestations sur les bancs du groupe UMP).

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Vous ne représentez pas ici une catégorie professionnelle !

M. Jean-Louis Dumont - On peut comprendre qu'un orateur prenne à cœur tout ce qui fit une vie de travail et de solidarité (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) ! Votre charivari est bien inutile, d'autant plus que c'est la réussite d'un organisme - que le ministre lui-même a reconnue - qui est en jeu ! Or, certains collègues de la majorité semblent aujourd'hui contrariés par cette réussite.

Les crédits immobiliers ont rempli leurs missions : conservons-les, élargissons-les même, comme on le fit en 1991 en les adossant au statut bancaire, tout en sachant qu'il faudrait donner une vie législative à cette architecture si réussie - appartenance au mouvement HLM, lien avec l'accession sociale à la propriété mais utilisation des excédents annuels au bénéfice d'un dividende social destiné aux plus fragiles.

Les négociations de toutes sortes qui ont lieu avec le ministère depuis de nombreuses années le montrent : 2,7 milliards, c'est quand même tentant lorsqu'on s'appelle M. Breton et que l'on doit régler des problèmes à Bercy ! Mais vous allez tuer un outil qui fonctionne en lui retirant ses capacités financières - comme si 300 ou 350 millions, voire un milliard, ne suffisaient pas - et ainsi ruiner nos ambitions en matière d'accession à la propriété. Chacun les a pourtant défendues, avec passion parfois, comme l'a fait le président de la commission des affaires économiques !

Laissons plutôt ces crédits entre les mains du mouvement HLM, dont les missions seraient à élargir ! On peut éventuellement accepter des partenaires nouveaux, mais attention aux prédateurs, et à ne pas ponctionner les résultats des SACI au profit d'un Etat impécunieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Muguette Jacquaint - Les orateurs n'ont fait que vanter les mérites du Crédit immobilier de France, et à juste titre ! Vous avez fait allusion, Monsieur Ollier, à la lettre du président de la chambre syndicale des SACI. Or, que demande-t-elle ? Le retrait pur et simple de cet amendement ! Il faudrait reprendre les discussions avec les SACI, qui n'ont pas été jusqu'à leur terme.

Les SACI ont proposé que leur intervention en matière d'accession très sociale à la propriété prenne la forme d'une compétence propre, exercée en étroite liaison avec les élus locaux. Elles souhaitent en outre intervenir en matière d'adaptation au handicap, de lutte contre l'habitat insalubre, de sédentarisation des gens du voyage et de renouvellement urbain et de mixité sociale, actions auxquelles elles envisagent de consacrer des fonds provenant des résultats qu'elles distribuent au titre de leurs participations - pour un montant de cinquante millions d'euros, qui permettrait de générer un volume d'opérations cinq fois plus important. Les SACI ont à cet effet suggéré plusieurs versions d'un texte de loi qui redéfinirait leurs objectifs et leur gouvernance, sans obtenir la moindre réponse.

Comme mes collègues, je vois bien que leur manne financière vous intéresse beaucoup, Monsieur le ministre, mais que le Gouvernement se refuse à dialoguer avec des partenaires donc chacun vante pourtant les mérites, et dont nous devrions chercher à conforter l'efficacité.

A mon tour, je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, Monsieur le ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Michel Piron - Une première observation sur la forme : la confusion des rôles que vous avez entretenue, Madame Robin-Rodrigo, ne nous paraît pas compatible avec la fonction de représentante de la nation. Nous ne sommes pas là pour exprimer les intérêts de corporations, et je souhaiterais que les propos que vous tenez ne prêtent pas à ambiguïté ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Je le dis paisiblement, mais je ne pouvais pas ne pas le signaler !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - C'est une mise en cause personnelle personnelle !

M. François Brottes - C'est inacceptable !

Mme Muguette Jacquaint - Si quelqu'un, ici, défend des intérêts particuliers, ce n'est pas de notre côté.

M. Michel Piron - Sur le fond, j'ai apprécié l'intervention nuancée du ministre sur cette question complexe, à la fois sociale, juridique et financière. Vous avez tenu compte de nos questions, et vous avez ouvert la porte à une évolution du texte entre la première et la seconde lecture, et le groupe UMP soutient cette position pleine de sagesse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Brottes - On a mis en cause notre collègue, en oubliant que certains, médecins ou agriculteurs, n'hésitent pas à faire souvent référence à leurs activités au cours de nos débats. Compte tenu de ce climat, je demande au nom de mon groupe une suspension de séance.

La séance, suspendue à 19 heures 40 est reprise à 19 heures 45.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Cela fait dix ans que je ne suis plus directrice d'un crédit immobilier, et je ne m'exprimais pas à ce titre. Mais j'ai voulu souligner l'inquiétude légitime des six mille salariés de cet organisme, et celle de ses mille administrateurs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - J'étais président de la société de crédit immobilier de mon département quand j'ai été élu, et je le suis d'ailleurs toujours, le Bureau de l'Assemblée m'ayant assuré que cette fonction n'était pas incompatible avec celle de représentant de la nation, puisqu'elles sont exercées à titre gratuit.

Connaissant donc bien ce sujet, j'ai été très choqué quand j'ai découvert l'amendement du Gouvernement. J'appartiens en effet à la droite modérée, et j'ai toujours pensé que l'accession à la propriété jouait un rôle positif pour l'équilibre social, la qualité des logements et la paix dans les quartiers. J'ajoute que la mixité sociale me semble impossible sans mixité entre propriétaires et locataires.

Or, la première version de l'amendement gouvernemental posait de très graves problèmes de forme et de fond. Sur la forme, c'est un nouveau manque de respect à l'égard du Parlement - et je vous renvoie à la déclaration du Président de l'Assemblée nationale lors de ses vœux. L'amendement a en effet été déposé le 16 janvier, après le dépôt du rapport, et l'avant-veille de l'ouverture du débat en séance publique, ce qui empêchait un examen approfondi en commission. Quant à la version rectifiée, elle vient de nous arriver. Pourquoi une telle précipitation, alors que la réforme des SACI est en question depuis dix ans, qu'elle a fait l'objet de négociations avec le mouvement des crédits immobiliers et les gouvernements successifs, et a suscité de nombreux avant-projets de loi ? Enfin, l'amendement reflétait la position du ministère des finances, et en particulier, celle de la direction du Trésor, sensiblement différente du propos tenu à l'instant par M. Borloo.

Sur le fond, cet amendement, dans sa version initiale, pose quatre grandes questions. D'abord, il est probablement anticonstitutionnel : la procédure utilisée paraît contraire à l'article 38 de la Constitution, puisqu'elle court-circuite le Conseil des ministres et instaure, pour la première fois, un recours à une ordonnance par voie d'amendement.

Par ailleurs, les dispositions du 6° - devenu 5° dans la version rectifiée - paraissent contraire à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, relatif au respect du droit de propriété. En effet, les capitaux propres des SACI, qui s'élèvent à 2,8 milliards, sont des fonds privés, dont la majeure partie provient d'activités concurrentielles en matière de promotion et de construction, et en matière bancaire, pour des bénéfices annuels de l'ordre de 150 millions. Si l'État s'approprie une partie de ces fonds, il doit indemniser les actionnaires. Ces derniers seraient également en droit de demander le remboursement de leur prêt, si le prélèvement des garanties que constituent les fonds propres aboutissait à une chute des ratios de solvabilité. L'État est-il disposé à garantir ces prêts ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

En outre, cet amendement est contraire à l'article 4 de la Déclaration, relatif à la liberté. Les SACI sont des sociétés anonymes de droit privé, dans lesquelles l'État ne détient aucune participation. La transformation de l'objet social d'une SA constituant un changement fondamental de la convention qui unit les actionnaires, doit s'accompagner de garanties, notamment en matière de respect des situations légalement acquises. D'aucuns semblent ignorer que les actionnaires sont extrêmement divers : ce sont des personnes physiques, des entreprises, des collectivités territoriales, des caisses d'épargne, le mouvement du 1 %.

Enfin, il est contraire à l'article 72 de la Constitution, relatif à la libre administration des collectivités territoriales, puisque celles-ci peuvent être actionnaires des SACI.

Cet amendement est aussi moralement indéfendable, dans sa première version. Lorsque l'État a décidé de supprimer les PAP en 1995, et de ce fait les commissions versées aux SACI - qui, soit dit en passant, ne suffisaient même pas à couvrir les frais -, celles-ci se sont réorganisées, procédant à des licenciements. Or, le Comptoir des entrepreneurs, lui aussi en difficulté, a bénéficié de près de 2 milliards d'apports publics et le Crédit foncier a été remis à flots par ses actionnaires privés. Une nouvelle fois, l'État récompense les mauvais gestionnaires et sanctionne les bons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

En outre, cet amendement, dans sa première version, est dangereux économiquement. Si vous ponctionnez des sommes considérables, comment la structure bancaire respectera-t-elle les règles de solvabilité ? La direction du Trésor souhaitait l'adossement ; je remercie le ministre d'y avoir renoncé. Mais je veux souligner ici que le 6° devenu 5° est un impôt : on autorise par voie d'ordonnances à prélever une somme. Il vous faudra donc expliquer quelle est la contrepartie et fixer le montant de la somme.

Enfin, cet amendement est socialement injuste. Les SACI comptent 1 000 administrateurs bénévoles et 6 000 salariés, qui vous ont tous fait part de leurs inquiétudes. Chers collègues, plusieurs solutions s'offrent à nous : soit nous repoussons cet amendement, soit nous demandons au ministre de le retirer afin de reprendre la concertation, soit le Gouvernement dépose plusieurs sous-amendements afin de rendre l'amendement conforme au droit constitutionnel et aux déclarations du ministre.

Monsieur le ministre, vous avez amélioré sensiblement le texte, s'agissant de l'objet social. Vous avez supprimé les dispositions - totalement anticonstitutionnelles - concernant les filiales. Mais trois problèmes demeurent.

Quel sera le statut des SACI ? Des coopératives comme le propose la chambre syndicale ?

Il faut fixer dans la loi le montant du prélèvement : la chambre syndicale propose 300 millions en 2006, 200 millions en 2007, puis 50 millions les années suivantes, soit le tiers des bénéfices des SACI.

S'agissant du maintien de l'intégrité des structures existantes, vous nous avez donné satisfaction, mais encore faut-il l'inscrire dans la loi.

La balle est dans votre camp : si vous maintenez en l'état un tel amendement, vous allez droit vers son annulation par le Conseil constitutionnel (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Président - Vous avez aussi défendu les sous amendements 689 et 690.

M. Jean-Louis Dumont - C'est une démonstration implacable !

M. Pierre-André Périssol - Permettez-moi, Monsieur le ministre, de rendre hommage à votre réactivité et de vous féliciter d'avoir renoncé à la première hypothèse. Vous avez sagement accepté de préserver l'utilité sociale du crédit immobilier de France, qu'aucun orateur n'a remise en cause. Cette mission sociale consiste à prêter aux ménages modestes. Or, depuis dix ans, on ne peut le faire que dans le cadre des filiales. Il convient donc de maintenir ce système.

Je me permets, d'autre part, de vous demander l'engagement que l'objet des SACI permettra de couvrir l'ensemble du champ de l'accession sociale, de maintenir l'intégrité de ce groupe et de préserver le seul outil permettant une offre globale en matière d'accession à la propriété.

Le groupe doit se refinancer, afin d'obtenir l'argent qu'il prêtera. Le prélèvement sur fonds propres ne peut être que librement consenti par les sociétés, et 300 millions constituent un maximum, si l'on ne veut pas trop dégrader la signature. Le Crédit immobilier de France s'engage à verser 300 millions d'euros et à affecter le tiers de ses résultats, et en tout état de cause au moins 50 millions d'euros, à ses missions très sociales comme le doublement du PTZ dans certains cas ou l'accord d'une caution à des intérimaires qui, autrement, ne pourraient accéder au crédit - toutes missions qu'il ne peut aujourd'hui financer que par les résultats de filiales concurrentielles -, étant par ailleurs entendu qu'en 2006 des actions seront menées avec l'ANAH.

Monsieur le ministre, acceptez-vous ces propositions et vous engagez-vous à ne prendre demain aucune décision qui hypothéquerait l'avenir de cette institution, au point d'entraîner sa mort par asphyxie financière ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Très bien !

M. Pierre-André Périssol - Tel n'est pas, je le sais, votre souhait, Monsieur le ministre.

Mon sous-amendement 691 vise à supprimer l'alinéa relatif aux « conditions dans lesquelles les fonds propres des nouvelles sociétés qui ne sont pas nécessaires à l'accomplissement de leur objet reçoivent une affectation conforme à l'intérêt général. »

M. le Rapporteur - Avis favorable aux sous-amendements 689 et 690, et défavorable au 691.

M. le Ministre - Monsieur de Courson, vous vous êtes longuement exprimé sur un amendement qui n'est plus celui proposé puisqu'il a été rectifié.

On peut estimer que le Crédit immobilier de France est un très bon outil, sans ignorer qu'il ne distribue que 8 % des prêts d'accession sociale. Ce n'est faire là grief à personne, non plus que se poser la question de son adossement n'est agresser quiconque, qu'il s'agisse d'un remarquable administrateur bénévole des SACI ou d'une ancienne salariée du Crédit immobilier. Mais nous avons des arbitrages à faire dans les sommes que nous souhaitons affecter au logement social.

Pour ce qui est des compétences de l'organisme, et en dépit des vôtres, immenses et partout reconnues, Monsieur de Courson, le Conseil d'État, dans le rapport qu'il a remis au Gouvernement le 17 janvier, ne partage pas l'essentiel de vos analyses. Le Gouvernement a essayé de faire appel aux meilleurs experts juridiques. Nul ne sait d'ailleurs quel aurait été l'avis du Conseil constitutionnel.

Je n'ai en rien occulté le débat, expliquant clairement qu'il existait deux hypothèses. On aurait en effet pu imaginer un adossement, total ou partiel, du Crédit immobilier de France. Après débat, tel n'a pas été le choix du Gouvernement.

Monsieur Périssol, nous ne sommes pas dans une course à l'échalote. En contrepartie du non-adossement, il a été proposé qu'un tiers des résultats soit consacré aux missions sociales ou très sociales, avec un minimum de 50 millions par an et une contribution à l'ANAH en 2006.

Un autre point concerne le fonctionnement général du Crédit immobilier de France, sur lequel a été réuni un comité des sages. Je vous confirme que l'intégrité du groupe sera conservée - je m'y engage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Avis favorable aux sous-amendements 689 et 690, et défavorable au 691 dont je préférerais d'ailleurs qu'il soit retiré, si M. Périssol veut bien me faire confiance.

M. Pierre-André Périssol - Ma confiance vous est acquise, Monsieur le ministre. Dès lors que vous vous êtes engagé sur le montant et les modalités du prélèvement, ainsi que sur le maintien de l'intégrité du groupe, j'accepte de retirer mon sous-amendement.

Le sous-amendement 691 est retiré.

Les sous-amendements 689 et 690, successivement mis aux voix, sont adoptés.

A la majorité de 47 voix contre 16 sur 66 votants et 63 suffrages exprimés, l'amendement 277 rectifié est adopté.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 10.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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