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Assemblée nationale
COMPTE
RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL
Session ordinaire de 2005-2006 - 58ème jour de séance, 134ème séance 2ème SÉANCE DU JEUDI 2 FÉVRIER 2006 PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT vice-président Sommaire ÉGALITÉ DES CHANCES (SUITE) 2 AVANT L'ARTICLE PREMIER (suite) La séance est ouverte à quinze heures. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi pour l'égalité des chances. M. le Président - Ce matin, le vote sur l'amendement 371 a été reporté, en application de l'article 61, alinéa 3 du Règlement. Plusieurs voix - Un scrutin public a été demandé ! La séance, suspendue à 15 heures 5, est reprise aussitôt. M. le Président - La demande de scrutin public a bien été annoncée. A la majorité de 63 voix contre 12 sur 77 votants et 75 suffrages exprimés, l'amendement 371 n'est pas adopté. M. Yves Durand - Vous n'êtes pour rien, Monsieur le Président, dans la confusion qui règne en ce début de séance, mais je voudrais faire un rappel au Règlement. Une dépêche de l'AFP nous a en effet appris ce matin même qu'au cours d'une réunion avec les principaux des collèges de son département, le ministre de l'intérieur, M. Sarkozy, abordera les mesures de lutte contre la violence scolaire. Or, le ministre de l'éducation nationale, ici présent, en a fait l'une des priorités de son action : pourrait-il nous informer sur ce point, puisque cela n'a pas encore été fait ? M. Maurice Giro - Hors sujet ! M. le Président - C'est un rappel à l'AFP plus qu'au Règlement... M. Alain Vidalies - Je ferai à mon tour un rappel au Règlement. L'opposition a maintes fois réclamé que le Premier ministre vienne s'exprimer devant la représentation nationale sur ce projet important, qui n'a fait l'objet d'aucune négociation avec les partenaires sociaux. Saisie par voie d'amendement sur un texte préexistant, l'Assemblée est déconsidérée et privée d'information. Le Premier ministre invite les Français à dialoguer en ligne avec lui ce soir à 18h 30. Ne serait-il pas souhaitable de suspendre nos travaux à ce moment précis, afin que les députés saisissent eux aussi cette occasion de nouer avec le Premier ministre le dialogue républicain qu'il leur refuse ici ? M. le Président - Après ce rappel au chat, M. Durand a la parole pour défendre l'amendement 372. M. Yves Durand - J'ai posé une question précise concernant un sujet que tout le monde considère comme essentiel. Nombre d'établissements sont touchés, en particulier dans les zones dites sensibles, comme hier encore en Seine-Saint-Denis. La question des conditions de travail se pose, et pour les élèves, et pour les enseignants, et donc celle de la véritable égalité des chances. Nous sommes au cœur de notre sujet ! Tous les orateurs ont à un moment ou à un autre abordé le problème de la violence scolaire. Nous venons d'apprendre par une dépêche que M. le ministre de l'intérieur réunit les chefs d'établissement pour évoquer ce sujet... M. le Président - Monsieur Durand... M. Yves Durand - ... et M. le ministre de l'Éducation nationale étant présent parmi nous depuis ce matin, ce dont je me félicite... M. le Président - Monsieur Durand, ceci n'est pas un rappel au Règlement. M. Yves Durand - ... il est normal qu'il s'exprime. M. le Président - Le groupe socialiste ayant déposé un grand nombre d'amendements, vous aurez l'occasion d'aborder ce problème à l'occasion de leur discussion. Ne bloquons pas le début de cette séance par des rappels au Règlement qui n'en sont pas ! M. Yves Durand - M. Accoyer est intervenu en fin de matinée en nous accusant de faire de l'obstruction alors que lui-même a joué de la procédure pendant plus d'un quart d'heure. Constatant que le Gouvernement ne veut pas nous répondre, je demande une suspension de séance (Protestations sur les bancs du groupe UMP). M. le Président - Cette demande est de droit et vous sera donc accordée, mais il me semble qu'après, nous pourrons commencer le débat.... M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles - Ils ne le veulent pas ! M. le Président - ...d'autant que les nombreux amendements que votre groupe a déposés vous donneront l'occasion d'intervenir très largement sur les sujets qui nous préoccupent. M. le rapporteur et M. le ministre pourront alors vous répondre. Nous ne sommes pas dans une séance de questions au Gouvernement . M. Alain Vidalies - Ils refusent de répondre ! M. le Président - Je vais à mon tour faire un rappel au Règlement : si vous présentez l'amendement 372, qui est un amendement de fond, la commission et le Gouvernement seront obligés de vous répondre. M. François Brottes - Quel talent ! M. le Président - J'ai également été dans l'opposition ! Je sais très bien, en l'occurrence, que vos rappels au Règlement sont inutiles. M. Alain Vidalies - C'est à nous d'en juger. M. le Président - Certes ! Je suspends la séance pendant cinq minutes de façon à ce que les esprits s'apaisent. La séance, suspendue à 15 heures 20, est reprise à 15 heures 25. M. Yves Durand - Nous sommes tout à fait d'accord pour poursuivre le débat de fond inauguré mardi car ce projet aborde des sujets essentiels concernant au premier chef notre pacte républicain. Nous voulons tous construire une véritable égalité des chances, mais encore faut-il que nous puissions travailler sérieusement et donc dialoguer avec le Gouvernement. Les travaux en commission ayant été bâclés, nous sommes d'autant plus fondés à demander que l'on prenne le temps d'aborder ces graves questions. Si l'on nous dit chaque fois que nous faisons de l'obstruction, il n'y a plus de démocratie possible : il est normal de poser des questions au Gouvernement et d'obtenir des réponses. Ce projet doit affirmer que la laïcité est une valeur fondamentale de la République : tel est le sens de l'amendement 372. Je redoute déjà votre réponse : vous allez me dire que la Constitution affirme déjà que la France est une République laïque, que la laïcité est affirmée dans le code de l'éducation, et que nous avons eu l'occasion de le rappeler lors de l'examen des lois sur l'avenir de l'école et l'interdiction des signes religieux dans les établissements scolaires. Mais nous discutons en l'occurrence d'une loi contre les discriminations. Or, de quelle arme plus spécifique et plus forte disposons-nous, en France, pour lutter contre elles ? Au moment où, en dépit de notre arsenal législatif avec notamment la loi de 1905 relative à la séparation des Églises et de l'État et celle de 2004 sur les signes religieux à l'école, resurgissent des mouvements qui, opérant des discriminations à partir de critères religieux ou ethniques, pourraient engager notre République dans le communautarisme, dont on sait le poison mortel qu'il constitue, il me paraît essentiel de rappeler le principe de laïcité. Celui-ci garantit à chacun de voir respectée sa liberté de conscience, quelles que soient ses croyances. Il ne saurait y avoir de lutte contre les discriminations et pour l'égalité des chances sans rappel préalable de ce principe de laïcité. Lors de l'examen de la loi sur l'interdiction des signes religieux à l'école, votée ici à l'unanimité après un débat de très grande qualité, presque philosophique, nous avions dit qu'un complément serait nécessaire, car nous n'avions là abordé qu'un volet de la laïcité et qu'il ne fallait pas réduire cette grande valeur de liberté à des aspects répressifs. Nous avons aujourd'hui l'opportunité d'en mettre en exergue l'autre volet, en rappelant au début de ce texte qu'elle est au fondement même de l'idéal républicain d'égalité des chances. Voilà pourquoi, contrairement à ce que vont certainement me répondre le rapporteur et le ministre, cet amendement n'est pas redondant. Il est au contraire indispensable si, comme vous le dites, vous souhaitez instaurer une véritable égalité des chances. Voilà pourquoi je l'ai défendu avec une certaine solennité, mais je suis sûr que l'ensemble de la représentation nationale partage mon avis, et je souhaiterais qu'il recueille le même vote unanime que la loi sur les signes religieux à l'école. M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - M. Durand a-t-il décidé de mener le débat à lui seul, faisant à la fois les questions et les réponses ? Le livre premier du code de l'éducation consacre un titre entier à la laïcité dans les enseignements publics, dont les premiers principes ont été posés en 1882, régulièrement enrichis depuis, et encore en mars 2004, de manière unanime par la représentation nationale. Si la loi ne fait qu'énoncer de grands principes, on peut en effet se contenter de les réécrire toujours à l'identique, au risque de laisser accroire à nos concitoyens que légiférer n'améliore rien. Telle n'est pas ma conception du travail législatif, dont je pense qu'il doit permettre des progrès. En matière de lutte contre les discriminations et de combat pour l'égalité des chances, beaucoup reste à faire. Je souhaite que nous fassions tous preuve d'esprit d'ouverture et que nous cherchions à dépasser les clivages face à des mesures nouvelles destinées à modifier en profondeur notre arsenal juridique, des mesures aussi novatrices que celles touchant à la diversité dans l'audiovisuel ou renforçant les pouvoirs de la HALDE. Soucieuse de conserver au titre IV du code de l'éducation toute sa portée et d'éviter que la loi ne soit bavarde, la commission est défavorable à cet amendement. M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Concernant l'amendement 371, je me suis limité à dire ce matin qu'il était redondant avec des dispositions actuelles du code de l'éducation. Je vous ferai la même réponse concernant le 372. La laïcité de l'enseignement est en effet garantie par l'article L.141-1 du code de l'éducation, et le préambule de la Constitution de 1946, confirmé par celle de 1958, dispose que « la nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation et à la culture. L'organisation de l'enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État. » A ces principes constitutionnels, l'amendement Durand n'ajouterait rien. M. Yves Durand - Je n'ai pas cette prétention. M. Gilles de Robien, ministre - Il ne ferait qu'alourdir la loi, sans renforcer en rien l'idéal républicain que nous partageons sur tous ces bancs. C'est pourquoi le Gouvernement y est défavorable. Cela étant dit, j'ai compris que vous souhaitiez une réponse plus large sur les missions de l'Education nationale, et c'est bien volontiers que je répondrai à vos inquiétudes. Vous avez évoqué les moyens. Réclamer toujours, par réflexe presque, des moyens supplémentaires, c'est éviter de réfléchir aux moyens d'optimiser ceux qui existent. L'Éducation nationale représente déjà le plus gros budget de la nation, avec 7,1 % de la richesse nationale, et le budget que nous consacrons à l'enseignement secondaire est le plus important au monde, à l'exception de celui des Etats-Unis et peut-être de la Grande-Bretagne. D'immenses progrès ont été réalisés depuis quinze ans, il n'est pas question de les nier : 63 % d'une classe d'âge parvient désormais au niveau du baccalauréat et les lycéens sont de plus en plus nombreux à accéder à l'enseignement supérieur - encore qu'il faille ici regarder les statistiques de manière plus fine car si 80 % des enfants de cadre y accèdent, seuls 20 % à 30 % des enfants d'ouvriers y parviennent, et sans doute ce pourcentage tombe-t-il entre 5 % et 0 % pour les enfants de chômeurs et de érémistes. M. Yves Durand - Sur le constat, nous sommes d'accord. M.Gilles de Robien, ministre - Les démocrates et républicains que nous sommes ne peuvent se satisfaire de tels chiffres. Nous ne pouvons non plus accepter que 7 % à 8 % des élèves sortent aujourd'hui sans aucune qualification du système éducatif. Avec les seuls moyens existants, nous avons déjà des marges de progrès considérables. J'en veux pour seule preuve que certaines classes de 35 élèves réussissent mieux que d'autres qui n'en ont que 15. Demandons-nous pourquoi. Nous avons des progrès considérables à accomplir en matière de démocratisation de notre enseignement et d'insertion professionnelle car si le taux moyen du chômage des jeunes tourne dans notre pays autour de 23%, il dépasse 50% dans certaines ZEP et certaines ZUS, ce qui n'est pas acceptable. M. Alain Vidalies - C'est pourquoi il faut des réponses ciblées. M.Gilles de Robien, ministre - J'ai pris diverses initiatives, dont certaines figuraient dans la loi d'orientation qu'avait fait adopter mon éminent prédécesseur, puis d'autres que j'ai estimées indispensables et dont je pense qu'elles auraient pu être prises bien plus tôt. Je n'en citerai que quelques-unes sur le plan pédagogique. Le collège unique doit devenir le collège pour tous, avec un enseignement plus personnalisé et des formations plus diversifiées pour mieux tenir compte de l'hétérogénéité des élèves. Nous parlerons tout à l'heure de l'apprentissage junior, lequel n'est pas si éloigné de bonnes initiatives que vous aviez prises vous-mêmes, mais que vous dénoncez parce que cette mesure est aujourd'hui proposée par un gouvernement que vous ne soutenez pas. M. Yves Durand - Si nous ne sommes pas d'accord sur les solutions, nous sommes d'accord sur le constat. M. Gilles de Robien, ministre - Pourquoi avez-vous voté contre les programmes de réussite éducative mis en place à la dernière rentrée, si efficaces pour rattraper sans attendre les retards détectés en début de CE1 ? S'agissant de l'apprentissage de la lecture, vous avez beaucoup ironisé sur mes propos concernant les méthodes globale, semi-globale et assimilées. Mais s'il n'y avait eu aucun problème, pourquoi tout cela aurait-il fait tant de bruit ? M. Yves Durand - C'est vous qui avez fait du bruit autour de cela. M. Gilles de Robien, ministre - J'ai demandé que l'on abandonne ces méthodes et que l'on revienne aux phonèmes et aux graphèmes, bref, au B-A BA pour apprendre à lire. J'ai publié une circulaire en ce sens le 3 janvier dernier, convaincu que ce faisant, nous rendions un vrai service à nos enfants. On va en effet diminuer ainsi la proportion de jeunes qui ne savent pas lire à l'entrée en sixième. Nous voulons la réussite de tous les élèves, c'est-à-dire améliorer la qualification de chacun. Mais nous ne sommes pas tous pareils et n'avons pas tous les mêmes façons d'apprendre: certains se dirigent avec bonheur et facilité vers des études théoriques et conceptuelles, d'autres aiment voir, toucher, pratiquer. L'apprentissage junior est une réponse à cette diversité. La découverte professionnelle que nous avons mise en place dans un grand nombre de collèges en est une autre. Elle sera généralisée à la rentrée 2006 à tous les collèges. On a longtemps dit que l'éducation nationale n'était pas assez ouverte sur le monde de l'entreprise, et réciproquement. Eh bien, avec ces trois heures par semaine de découverte professionnelle pour les classes de troisième - et de quatrième, pour les collèges « ambition réussite » -, c'est de plus en plus faux ! Elles consistent à faire venir dans la classe un journaliste, un contremaître, un artisan, ou à emmener les élèves sur un chantier, dans un bureau, à la rencontre de la vie concrète, afin qu'ils découvrent la diversité des professions. Cette découverte peut faire naître des vocations. Je peux vous dire en tout cas que cette expérience marche très bien, dans les collèges comme dans les lycées. Autre problème : l'orientation des élèves. Notre pays souffre beaucoup de tout ce qui n'a pas été fait en ce domaine. Certes, il y a des orienteurs, mais dispersés. C'est pourquoi le Premier ministre m'a demandé de lui proposer très rapidement un schéma national d'orientation. Est-il admissible que des jeunes qui s'inscrivent dans le supérieur ne reçoivent pas d'information sur les débouchés auxquels ils peuvent s'attendre, le nombre de postes, le nombre de chômeurs aussi ? Je ne le pense pas et le schéma national d'orientation y pourvoira. Faire réussir tous les élèves, cela signifie aussi aider davantage ceux qui ont le plus de difficultés. Vous avez créé l'éducation prioritaire, bravo, mais force est de constater que depuis vingt-cinq ans, cette notion s'est étiolée et que les moyens ont manqué. C'est pourquoi je relance l'éducation prioritaire... M. Yves Durand - Nous en reparlerons. Mme Martine David - C'est faux. Nous avons des tas d'exemples de classes que vous fermez ! M. Gilles de Robien, ministre - Il y a des collèges qui ont besoin de plus d'attention que d'autres, ceux par exemple qui ont des élèves issus pour 80 à 90 % d'entre eux de familles au RMI ou ceux dont les classes de sixième ont une forte proportion d'élèves avec deux ans de retard ou plus. Sur ces collèges, il faut, passez-moi l'expression, mettre le paquet. C'est pourquoi j'ai décidé d'y nommer 1 000 professeurs expérimentés, qui pourront aider tous ces jeunes professeurs, passionnés, mais qui, au bout de trois ou quatre ans en zone d'éducation prioritaire, n'en peuvent plus. A côté de ces 1 000 professeurs expérimentés qui seront nommés dans 200 à 250 collèges « ambition réussite », nous allons recruter 3 000 assistants pédagogiques, qui aideront les élèves de ces collèges à réviser leurs leçons après la classe. Nous savons en effet que beaucoup d'élèves n'ont pas l'environnement qui leur permettrait de le faire seuls, ils n'ont parfois pas même un coin de table pour travailler, ou s'ils l'ont, la télévision est allumée à côté. Nous prévoyons donc des études obligatoires quatre fois par semaine. Cette communauté pédagogique formée par les écoles et les collèges « ambition réussite », avec les 1 000 professeurs expérimentés, les 3 000 assistants pédagogique et 200 infirmières, aura un comité exécutif, qui pourra organiser le réseau. Une des clés de la réussite des enfants pour les décennies à venir réside bien sûr dans la formation des maîtres. C'est pourquoi nous avons prévu, dans une loi que vous avez refusé de voter, de renforcer la formation pédagogique dispensée en IUFM. Tous les professeurs que j'ai rencontrés - et j'en ai rencontré beaucoup, individuellement ou en groupes de travail - me l'ont confirmé : en IUFM, on apprend bien la discipline que l'on va ensuite enseigner, mais l'on n'apprend pas suffisamment à apprendre. Nous travaillons donc sur le cahier des charges des IUFM afin que les futurs enseignants soient mieux à même de transmettre leur savoir, dans la sérénité. Voilà quelques-uns des chantiers sur lesquels nous travaillons et dont je suis heureux de parler avec vous, Monsieur Durand, car comme vous, je suis passionné (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Mme Muguette Jacquaint - Aucun parlementaire ne trouvera rien à redire au constat que vous faites, Monsieur le ministre, mais c'est sur les réponses à y apporter que notre approche diffère. Je pourrais par exemple vous citer le cas de ces enfants auxquels le maire d'une ville dont, par gentillesse, je tairai le nom a refusé l'inscription à l'école, au motif que leurs parents, qui n'avaient pas réussi à trouver un toit, n'étaient qu'hébergés par de la famille ou des amis. Pourtant, tout enfant a le droit d'être scolarisé ! Mais les faits sont là ! Que répondez-vous à cela, Monsieur le ministre ? Je pourrais vous donner d'autres exemples d'un droit à l'éducation bafoué dans les faits. Que l'on ne s'étonne pas ensuite de ce qui s'est passé dans les banlieues ! Je ne cherche pas d'excuses à ceux qui ont mis le feu à des établissements scolaires, mais toutes les réactions sont possibles quand on refuse à des enfants le droit d'aller à l'école. M. Yves Durand - Vous avez fait un constat qu'hélas, nous partageons, Monsieur le ministre. Les inégalités n'ont pas cessé de se renforcer à l'école depuis quatre ans, de même que les violences scolaires. Et pourtant, c'est vous qui en aviez fait votre thème favori lors de la campagne de 2002, jusqu'à y consacrer toutes les questions au Gouvernement posées par votre groupe. Sur ce sujet comme sur tant d'autres, vous avez malheureusement échoué. Comme je l'ai rappelé hier soir sous les huées et les quolibets, les inégalités scolaires sont pour une large part le fruit des inégalités sociales et économiques. Voilà le problème auquel vous devriez vous atteler ! Vous avez certes avancé des idées généreuses, Monsieur de Robien, mais votre politique et le contenu du texte que nous examinons ne trompent personne. Nos amendements de fond reviendront donc, point par point, sur ce qu'implique l'égalité des chances. Il est vrai que les moyens ne sont pas tout ; mais un budget de l'Éducation nationale ne devrait pas se juger au nombre de postes que l'on supprime. Hélas, les suppressions de postes n'ont pas cessé depuis 2002... M. Henri Emmanuelli - A commencer par les surveillants ! M. Yves Durand - ... en dépit de l'augmentation du nombre d'élèves constatée aujourd'hui à l'école primaire, et demain dans le secondaire - à moins, bien sûr, que vous n'éjectiez des élèves sur la voie de l'apprentissage ! Vous avez ainsi supprimé des postes d'aides éducateurs et d'enseignants, et vous n'avez pas non plus poursuivi nos efforts de recrutement de médecins scolaires, d'assistantes sociales et de psychologues. M. Henri Emmanuelli - Ils ont tout simplement disparu ! M. Yves Durand - Vous dites mettre le paquet sur les ZEP, mais augmenter les moyens alloués aux deux cents établissements les plus en difficulté ne doit pas conduire à en retirer aux autres (Signes de dénégations de M. de Robien). Il a fallu toute la mobilisation des enseignants de Seine-Saint-Denis pour que vous renonciez à vos projets ! M. Gilles de Robien, ministre - C'est faux ! M. Yves Durand - Vous n'arriverez à rien tant que vous aurez un budget à moyens constants ! M. le Ministre - C'est encore faux ! M. Yves Durand - Et quelle a été la première conséquence de la réduction des postes ? La mise en cause de l'école maternelle, sacrifiée depuis 2002 ! Dans mon académie, par exemple, les efforts consentis sous les gouvernements précédents, de droite comme de gauche, avaient permis de porter à 60 % le taux de scolarisation des enfants âgés de deux à trois ans. Faute de moyens suffisants, ce taux vient hélas de chuter à moins de 50 %, et le recteur a déclaré que nous devions désormais revenir aux normes nationales. Nul ne peut contester que l'école soit un outil de promotion de l'égalité des chances et de lutte contre les handicaps et les inégalités sociales. Et pourtant, vos actes contredisent systématiquement les beaux discours que vous tenez ! Force est de constater que les inégalités s'accroissent, mais reconnaissez aussi que c'est en grande partie le fruit de votre politique ! Si vos propos sont généreux, vos actes sont contraires à ce principe fondamental, inscrit dans notre Constitution : l'égalité de tous devant l'éducation. L'amendement 372, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Henri Emmanuelli - Et voilà, une fois encore, la différence entre vos paroles et vos actes ! M. Pierre Cardo - La critique est facile ! Mme Martine David - Comme les amendements précédents et ceux qui viendront bientôt en discussion, l'amendement 391 est inspiré par la crainte que suscite votre texte, même si on nous affirme qu'il ne fait que reprendre le code de l'éducation. Il est vrai que le terme d'« apprentissage junior » sonne bien, mais il n'a rien de rassurant. Si nous sommes tous d'accord sur le constat qu'a dressé le ministre de l'éducation, ses paroles généreuses ne coïncident ni avec son budget, ni avec la réalité sur le terrain - je viens encore de découvrir, en consultant la carte scolaire, qu'une classe allait fermer en ZEP dans ma circonscription ! Sans vous faire de procès d'intention, Monsieur le ministre, il faudrait que les moyens suivent... Notre amendement tend donc à réaffirmer certains principes fondamentaux, en précisant notamment que pour assurer l'égalité et la réussite de tous, l'enseignement doit être adapté à la diversité de chaque élève tout au long de sa scolarité. J'ajoute que nous devons réaffirmer le droit à l'éducation jusqu'à l'âge de seize ans, que remet en cause votre proposition d' « apprentissage junior ». En effet, on ne me fera pas croire qu'un jeune qui sortira ainsi du collège pourra y revenir facilement. Il ne doit pas y avoir d'interruption précoce de la scolarité, ni de sortie du système conseillée ou quasiment contrainte dès l'âge de quatorze ans. Nous pouvons d'ailleurs craindre que cet âge soit encore abaissé dans quelques mois. La scolarité obligatoire jusqu'à seize ans est un des socles de notre éducation, elle doit le demeurer, et si nous insistons autant sur ce point, c'est que nous craignons fortement que vous n'en soyez pas aussi convaincus que nous. Pour ces raisons, nous souhaitons que cet amendement et les suivants soient retenus. M. le Rapporteur - J'ai bien compris que l'inquiétude poussait Mme David à vouloir répéter les choses, mais permettez-moi de vous lire quelques passages de l'article L.111-1 du code de l'éducation que vous souhaitez compléter. Il dispose en son alinéa 1er, que l'éducation nationale est la première priorité nationale, que le service public de l'éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants et qu'il contribue à l'égalité des chances, et au 5ème alinéa que pour garantir ce droit dans le respect de l'égalité des chances, des aides sont attribuées aux élèves et aux étudiants selon leurs ressources et leurs mérites, et que la répartition des moyens du service public de l'éducation tient compte des différences de situation, notamment en matière économique et sociale. Cet article me semble satisfaire complètement votre amendement. M. Henri Emmanuelli - Et l'engagement budgétaire ? M. le Rapporteur - Il est vrai que sa formulation résulte essentiellement de la loi d'orientation sur l'école que vous n'avez pas votée. Je considère donc que vous proposez un amendement de contrition tardive, néanmoins surabondant. Avis défavorable. M. Gilles de Robien, ministre - Cet amendement n'est pas si mal que cela. Vous souhaitez que l'enseignement soit adapté à la diversité des élèves : c'est justement l'objectif que nous poursuivons en mettant en place l'apprentissage junior, qui permettra de tenir compte des particularités de chaque élève. Seulement, cet amendement est déjà satisfait par l'article 111-2 du code de l'éducation qui dispose que pour favoriser l'égalité des chances, des dispositions appropriées rendent possible l'accès de chacun, en fonction de ses aptitudes et de ses besoins particuliers, aux différents types ou niveaux de la formation scolaire. Avis défavorable. M. Yves Durand - A l'intérieur du collège et de l'Éducation nationale, ce qui n'est pas votre projet ! M. Alain Joyandet - Cet amendement, en effet, est déjà satisfait par le code de l'éducation, mais depuis le début des débats, vous ne faites que réaffirmer de grands principes et demander qu'on les réécrive, alors qu'ils figurent déjà dans les textes ! Vous disiez à l'instant, Madame, que vous étiez d'accord pour constater avec nous qu'il y avait des problèmes, mais vous en tirez pour seule conclusion qu'il est urgent de ne rien faire ! Mme Martine David - C'est un procès d'intention ! M. Alain Joyandet - C'est vous qui faites des procès d'intention au Gouvernement alors qu'il essaie, par des dispositifs innovants, d'améliorer la situation et que de votre côté, vous n'avez aucune proposition à nous soumettre ! Depuis des heures et des heures, vous rabâchez les mêmes grands principes. Vous êtes restés de longues années aux affaires, mais qu'avez-vous fait pour l'Éducation nationale ? Je propose que toutes les deux heures environ, l'on vous interroge pour savoir s'il vous vient des propositions ! Une chose est sûre, si l'on ne fait rien, rien ne changera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Claude Bartolone - Nos différentes interventions n'avaient d'autre objet que de rendre la loi utile. Depuis quelques temps, en effet, l'on ne peut que déplorer le terrible décalage entre les textes proposés par le Gouvernement et la réalité du terrain. Pourquoi insistons-nous tant sur ces points ? C'est que dans les quartiers populaires, les jeunes n'ont plus besoin de mots d'amour, mais de preuves d'amour ! En Seine-Saint-Denis, les textes se multiplient sur l'égalité des chances, les ministres, depuis les derniers événements, se pressent dans ce département que vous connaissez bien, Monsieur le Président, pour s'apitoyer sur la situation des habitants, mais au final, s'agissant du nombre d'enseignants, nous allons nous retrouver au même point qu'avant le plan de rattrapage qui visait ce département ! Les établissements scolaires, qui sont bien souvent le dernier service public à permettre aux parents d'espérer pour leurs enfants l'égalité républicaine, voient, mois après mois, depuis que vous êtes aux affaires, leurs moyens reculer, et ils ne peuvent plus assurer la mixité sociale dont on parle tant sur ces bancs, car vous pensez bien que les familles qui en ont les moyens s'empressent de retirer leurs enfants de ces établissements où la sécurité ne semble pas régner. Au moment où l'on parle de combattre les ghettos, de donner une chance à ces zones urbaines en difficulté, l'école manque de moyens, de personnels, et se dégrade. Voilà pourquoi le groupe socialiste s'acharne à faire entendre le contenu de ces amendements. Non, Monsieur le ministre, quoi qu'en disent le Gouvernement et sa majorité, l'école de la République ne s'améliore pas, au contraire ! Elle impose plus de difficultés aux personnels et aux élèves et offre moins d'espoir aux habitants de ces quartiers populaires qui en ont pourtant tellement besoin ! Nous reviendrons sur ces amendements par lesquels nous souhaitons définir ce que nous attendons de l'école et le rôle qu'elle doit jouer dans notre pays. Je sais bien que nous ne pourrons tout régler d'un coup de baguette magique, mais nombre d'adultes sont prêts à consentir de nouveaux sacrifices, à condition que ces sacrifices ne soient pas le seul héritage qu'ils lègueront à leurs enfants. Malheureusement beaucoup de ces adultes craignent aujourd'hui que la vie de leurs enfants ne soit encore pire que la leur. Vous devez donner à l'école de la République les moyens d'être l'école de l'égalité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Pierre Cardo - Je ne dirai pas que la gauche n'a rien fait pendant des années, au contraire, elle a tenté beaucoup de réformes, et si nous essayons de notre côté de nouveaux dispositifs, c'est que la France n'a toujours pas réussi son pari éducatif. Dans ces conditions, doit-on continuer avec les formules classiques qui ont non pas échoué - certaines choses fonctionnent, même dans les quartiers difficiles - mais montré leurs limites, ou explorer de nouvelles pistes, comme nous l'avons fait avec la loi Fillon ou la loi Borloo ? Ces dispositifs, à qui il faut encore donner du temps, commencent à porter leurs fruits. Malheureusement, il existe aussi des gamins, qui ont entre quatorze et seize ans, quasiment déscolarisés, à la rue ou pratiquant le nomadisme scolaire, et qui sont confrontés à des problèmes auxquels le système scolaire ne peut pas forcément répondre. Ce projet propose une solution, l'apprentissage junior, et il me semble que l'on peut être réticent sans pour autant refuser systématiquement l'expérimentation, car je ne crois pas que proposer ce type d'apprentissage à des élèves qui n'ont pas su profiter du système scolaire revienne à leur fermer des portes. Expérimentons, évaluons, et nous verrons bien, mais pour l'instant, rien de mieux n'a été proposé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Mme Janine Jambu - La réponse du ministre me pousse à intervenir, car nous aurons des problèmes si nous persistons dans cette voie. Les contrats juniors, les CPE, plutôt que de répondre à la misère, l'institutionnalisent et la généralisent. Alors que ces familles sont en pleine détresse économique, morale, sociale, vous proposez de revoir les ZEP, mais j'aimerais bien savoir ce que vous voulez dire ! Les contrats juniors, c'est une manière de jeter des enfants hors du système scolaire, avant qu'ils ne maîtrisent les bases indispensables pour trouver leur place dans la société. Avec les CPE, c'est la même chose : sous prétexte que les jeunes ne trouvent pas de travail, vous leur demandez d'accepter n'importe quoi ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Et sous la pression de la misère, certains le feront... Il ne faut pas jouer à ce jeu-là, Monsieur le ministre. M. Pierre Cardo - Le seul jeu, pour l'instant, c'est l'obstruction... L'amendement 391, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Danièle Hoffman-Rispal - Je défends l'amendement 373. Notre conviction profonde est qu'il faut garantir le droit à l'éducation à chaque jeune, et ce jusqu'à seize ans. Peut-être un enfant de quatorze ans peut-il avoir envie de travailler, Monsieur Cardo, par exemple lorsqu'il appartient à une famille monoparentale qui a de faibles ressources ; mais il risque de le regretter après avoir un peu mûri... Les enfants de quatorze ans n'ont pas les moyens de préjuger de leur vie future. M. Pierre Cardo - Vous n'avez pas grande estime pour eux... Mme Danièle Hoffman-Rispal - Je n'ai pas l'habitude d'évoquer mon cas personnel, mais sachez que si au lieu de l'ordonnance de 1959 prolongeant la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans, la législation en vigueur avait été celle que vous proposez, je ne serais pas aujourd'hui parmi vous. Ma maman m'élevait toute seule, et elle rêvait que je parte travailler pour l'aider à joindre les deux bouts. M. Pierre Cardo - Il y a aussi des mamans qui rêvent que leurs gamins de quatorze ans ne soient pas dans la rue... Mme Danièle Hoffman-Rispal - Faire des études ouvre des perspectives pour l'avenir. M. Pierre Cardo - Parce que nous empêchons les jeunes de faire des études ? M. Alain Vidalies - Un peu de respect, Monsieur Cardo ! Cessez d'interrompre ! M. Pierre Cardo - Ce n'est rien par rapport à vos interruptions d'hier, consultez les comptes rendus ! Le misérabilisme, ça suffit ! M. le Président - Chers collègues, je vous demande, d'un côté comme de l'autre, de ne pas vous prendre à partie. Mme Danièle Hoffman-Rispal - Pour ma part, je reste très courtoise. Mais encore une fois, je ne veux pas qu'on prive les jeunes d'une culture générale susceptible de leur ouvrir des perspectives pour le restant de leur vie. M. le Rapporteur - Avis défavorable, l'alinéa 6 de l'article L.111-1 du code de l'éducation satisfaisant l'amendement - mais nous venons de parler de tout autre chose... M. Gilles de Robien, ministre - Cet amendement vise à insérer un alinéa ainsi rédigé : « Le droit à l'éducation est garanti à chaque jeune sur l'ensemble du territoire » - point. Or il est déjà écrit dans le code de l'éducation que « le droit à l'éducation est garanti à chacun ». L'amendement est donc déjà satisfait. En revanche, je n'ai pas encore entendu une seule proposition en faveur des jeunes depuis le début de la discussion... Cela devient un peu gênant, pour vous surtout (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Yves Durand - Je vous remercie de lire nos amendements, Monsieur le ministre, mais les mots « sur l'ensemble du territoire » sont importants. Or vous avez reconnu vous-même qu'il existe de profondes inégalités non seulement entre les individus, mais entre les territoires. Celles-ci s'accroissent, et nous faisons des propositions, contrairement à ce que vous dites, pour corriger cette situation. Déjà, en 1982, sous l'autorité d'Alain Savary, qui fut un grand ministre de l'éducation nationale, la gauche avait institué les zones d'éducation prioritaire ; en effet l'égalité des chances ne se décrète pas, elle se conquiert sur la réalité de l'inégalité, grâce à un traitement inégalitaire. J'ai ainsi esquissé dans la motion que j'ai défendue mardi soir cette idée d'un traitement inégalitaire sur tout le territoire - ce qui d'ailleurs implique une restructuration de la gestion de l'éducation nationale, notamment en ce qui concerne la carte scolaire. Il ne s'agit pas de distribuer des moyens avec une règle à calculs, mais de prendre en compte les difficultés de chaque réseau d'établissements sur un territoire donné. S'agissant de l'éducation prioritaire, Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous éclairiez sur votre position. M. Pierre Cardo - Cela n'a rien à voir avec l'amendement ! M. Yves Durand - Mais si, puisqu'il s'agit d'assurer l'égalité des chances « sur l'ensemble du territoire » ! M. Pierre Cardo - L'amendement porte sur le « droit à l'éducation », non sur l'égalité des chances. M. Yves Durand - Monsieur le ministre, en présentant 33 mesures sur les ZEP le 13 décembre dernier, vous avez dit que 100 à 150 collèges avaient vocation à sortir du dispositif d'éducation prioritaire d'ici trois ans. Et puis hier, devant des enseignants et des chefs d'établissement de Seine-Saint-Denis, vous avez déclaré qu'il n'y aurait pas dans ce département de suppression de ZEP, et vous avez ajouté qu'il y aurait davantage de ZEP en 2006 qu'en 2005. Quelle est donc la réalité de vos intentions ? Faut-il croire ce que vous disiez le 13 décembre, ou ce que vous disiez hier ? Et dans le second cas, avec quels moyens financera-t-on les ZEP supplémentaires ? M. Jean-Pierre Soisson - Je voudrais poser une question de forme. Quelle est la différence entre l'amendement 371 et l'amendement 373 ? Je suis le fils de ma mère, de ma mère je suis le fils... On peut décliner la même chose de cent façons ! De plus, quelle est la différence entre vos amendements et le code de l'éducation, que vous déclinez mot pour mot ? Pour le reste, vos amendements, au moins pour 80 %, relèvent du domaine réglementaire. Vous êtes donc en train de nous faire perdre notre temps. Nous avons compris que vous ne vouliez pas de notre texte, mais nous ne voulons pas de votre bavardage ! L'amendement 373, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Yves Durand - Rappel au règlement : restons courtois. Nous nous accordons tous ici - sauf un - à dire que nous avons engagé une discussion de fond sur le système éducatif. L'intervention inopportune de M. Soisson - qui assiste assidûment à nos débats depuis le début... - m'oblige à réagir : on ne peut pas parler de bavardage alors que nous traitons d'un sujet aussi important que l'école, et que nous discutons des amendements de fond ! C'est insulter les orateurs et l'ensemble de la représentation nationale ! Pour rétablir un peu de calme, je propose une courte suspension de séance. M. Alain Joyandet - Certes, un débat de fond a été engagé, mais en déposant des amendement répétitifs, vous avez atteint votre principal objectif : le CPE ne sera pas examiné aujourd'hui. M. Alain Vidalies - Il le sera à la rentrée, ou mieux, en avril ! M. Alain Joyandet - Si vous souhaitez que le débat reste courtois, limitez les redites et évitez de faire ce dont vous nous accusez. Pour que personne ne s'énerve, avançons ! La séance, suspendue à 16 heures 50, est reprise à 17 heures. M. Claude Bartolone - En défendant les amendements qui vont suivre, nous essaierons de vous démontrer la cohérence de notre raisonnement et de vous en convaincre, Monsieur le ministre. La dimension territoriale est en effet au cœur de l'éducation nationale : certes, l'égalité républicaine doit s'exercer sur tout le territoire, mais l'éducation relève également d'une responsabilité partagée. Outre le magnifique travail d'instruction accompli par les enseignants, il faut en effet prendre en compte les familles et leurs besoins - notamment ceux des familles monoparentales -, les différentes modalités de l'accueil préscolaire, le monde associatif. Nous constatons aujourd'hui que l'ensemble de ce processus éducatif est malmené. Quel sens donner à ce texte lorsque les moyens accordés aux associations dans le cadre de la politique de la ville diminuent, alors qu'elles sont souvent le dernier service public qui demeure dans les quartiers ? Quid des bénévoles et des permanents qui essaient d'apporter l'indispensable complément éducatif à ces jeunes ? Nous savons fort bien que la valorisation sportive ou culturelle d'un enfant a des répercussions positives sur son travail scolaire. L'amendement 380 dispose que quel que soit le rôle des collectivités territoriales ou des associations, la compétence de la définition des programmes ainsi que leur mise en œuvre demeurent du domaine de l'État. On voit notre cohérence : l'amendement précédent soulignait la dimension territoriale, celui-ci rappelle en contrepoint, pour éviter toute confusion, la nécessaire universalité des programmes. M. le Rapporteur - Avis défavorable car cet amendement est satisfait par l'article L.211-1 du code de l'éducation qui, explicitement, confie à l'Éducation nationale et à l'État l'élaboration des programmes, ce que confirme d'ailleurs une disposition de la loi d'orientation sur l'école qui place en face de la liberté pédagogique de l'enseignant uniquement et seulement les programmes définis par l'État et nullement les initiatives des collectivités locales et des associations. Le dispositif législatif actuel est équilibré et votre amendement le déstabiliserait. M. Gilles de Robien, ministre - Votre beau discours théorique, Monsieur Bartolone, n'a guère de rapport avec l'amendement 380, qui est déjà satisfait par le code de l'éducation. Que voulez-vous de plus ? Vous ne proposez rien d'autre ! M. Claude Bartolone - Si ! M. Gilles de Robien, ministre - Voulez-vous ou non remettre en cause le code de l'éducation ? M. Yves Durand - C'est vous qui le remettez en question ! M. Gilles de Robien, ministre - Les principes que vous venez d'énoncer avec brio sont très exactement ceux du code de l'éducation : définition des voies de formation, fixation des programmes nationaux, organisation et contenus des enseignements relèvent bien de l'État. Avis défavorable. Mme Muguette Jacquaint - Voilà sept ou huit ans, nous avions obtenu en Seine-Saint-Denis 3 000 enseignants supplémentaires compte tenu des difficultés spécifiques de ce département. Et c'est précisément au moment où nous commencions à obtenir des résultats que nous avons vu diminuer le nombre des postes d'enseignants, d'infirmières, de médecins scolaires et de psychologues. Nous ne sommes pas pour autant restés inactifs. Dans le cadre des contrats de ville, nous avons en particulier développé avec les associations l'aide aux devoirs ainsi que des cours d'alphabétisation. Or, aujourd'hui, celles-ci ont de moins en moins de moyens. Contrairement à ce que vous avez l'air de prétendre, nous ne faisons pas du rabâchage : nous affirmons simplement que la situation s'est dégradée. M. Pierre Cardo - Ce n'est pas en réécrivant des principes qui sont déjà inscrits dans la loi que cela changera. Mme Muguette Jacquaint - Les ZEP disposent certes aujourd'hui d'un peu plus de moyens, mais comme vous déshabillez Pierre pour habiller Paul, certains quartiers qui ne sont pas en ZEP se retrouvent désormais dans une situation comparable à celle de ces zones. Voilà ce qui s'est passé ces dernières années ! Je ne crois pas que la crise que venons de traverser soit réglée, au contraire. Le monde éducatif a besoin de temps et de moyens, comme les assises de l'éducation nationale, qui ont réuni à La Courneuve plus de cinq cents personnes, l'ont montré. Si la loi était respectée, nous n'aurions pas à y revenir. Mme Marylise Lebranchu - Ces amendements se justifient car nous sommes inquiets, Monsieur le ministre. Je ne prétends certes pas que, lorsque nous étions au gouvernement, nous avons réglé tous les problèmes, mais aujourd'hui, c'est la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans qui est en question ! Combien parmi ceux qui sont partis en apprentissage à treize ou quatorze ans nous disent que nous avons eu de la chance de rester à l'école plus longtemps ! Lorsque j'avais des responsabilités gouvernementales, certains artisans, dans le cadre des chambres des métiers, m'avaient proposé de revoir notre système car des adolescents qui arrivent en apprentissage à l'âge de seize ans n'apprennent pas un métier par choix mais parce qu'ils sont en échec scolaire. Selon ces professionnels, leur permettre de connaître plus tôt différents métiers aurait peut-être amélioré leur situation mais à notre avis, il fallait au contraire renforcer la scolarité obligatoire. Nous savons certes qu'entre quatorze et seize ans, des enfants s'ennuient à l'école, mais il ne faut pas pour autant les en faire sortir car ils conserveront toute leur vie un sentiment d'échec. Le manque de culture générale demeure un handicap. D'une manière générale, ce que nous reprochent les artisans, c'est le faible niveau d'éducation et de culture générale des apprentis. Un maître d'apprentissage se plaignait ainsi que certaines jeunes ne soient même pas capables de comprendre les quelques notions fondamentales de chimie indispensables en pâtisserie. J'ai toujours en mémoire la Chambre des métiers d'Agen, qui, disposant certes de moyens particuliers mais souhaitant renforcer la culture générale des apprentis, avait inclus dans leur programme théorique des séances de cinéma, des représentations théâtrales, des concerts classiques et modernes... C'est plutôt en ce sens qu'il faudrait aller. Je crains en outre que, dans certains départements comme le mien, le Finistère, la géographie elle-même rende impossible que le jeune puisse aller découvrir différents métiers avant d'effectuer son choix. Un élève de quatorze ans habitant les Monts d'Arrée, où il n'a le choix qu'entre deux filières d'apprentissage, pourra-t-il se déplacer jusqu'à Quimper, Morlaix, Brest ou ailleurs ? Qui organisera et prendra en charge ses déplacements et son hébergement ? Nous sommes tous d'accord sur le constat, il n'est pas question de laisser sortir du système éducatif autant de jeunes sans qualification. Mais plutôt que chercher les moyens de les en exclure au plus vite, réfléchissons aux moyens de les y intéresser, comme cela a été fait avec succès à Pézenas par exemple, grâce à l'outil informatique. Tous nos artisans souhaitent que l'apprentissage soit une voie d'excellence mais il n'est quasiment pas un seul parent d'élève prêt à faire ce choix en première intention pour son enfant. Prenons garde à ne pas prendre de mesures jugées suffisantes pour les enfants dont on ne sait plus quoi faire, toujours ceux des autres bien sûr, mais dont on ne voudrait pas pour les siens ! Nous ne pouvons pas accepter la réponse défaitiste que vous nous proposez et j'espère sincèrement que le Gouvernement va se reprendre. Je ne crois pas un seul instant que ces enfants partis en apprentissage dès l'âge de quatorze ans, reviendront ensuite, s'ils le souhaitent, au collège. Il existe bien sûr des cas de telles réussites, mais ils sont extrêmement rares. En tout cas, c'est toujours très difficile de revenir à dix-neuf ans dans une classe où les autres ont quinze ans ! C'est difficile pour les élèves, pour les enseignants et pour les parents. Et ne me faites pas croire que les enfants entrés en apprentissage à quatorze ans auront autant de chances que n'importe quel autre de devenir ingénieur, car cela n'est pas vrai. M. Michel Charzat - Très bien ! L'amendement 380, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Yves Durand - L'amendement 374 introduirait au début de l'article L.121-1 du code de l'éducation, un alinéa ainsi rédigé : « les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur participent à la mise en œuvre du droit à l'éducation et à la formation tout au long de la vie. » On m'objectera sans doute que nous ne faisons que répéter ce qui figure déjà dans le code de l'éducation... M. Pierre Cardo - Ce serait fondé ! M. Yves Durand - ...mais si nous prenons cette précaution, c'est tout simplement que nous craignons la remise en cause de ce code, tout comme le code du travail va se trouver remis en cause par le CPE. En réalité, le Gouvernement est favorable à ce que la scolarité ne soit plus obligatoire jusqu'à seize ans (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) mais n'ose pas le dire. Je suis, pour ma part, de ceux qui pensent que la scolarité obligatoire devrait au contraire être allongée. J'avais d'ailleurs proposé lors de la loi sur l'avenir de l'école qu'elle le devienne à partir de trois ans. Contrairement à ce que vous prétendez, il ne saurait y avoir de formation tout au long de la vie, de formation professionnelle solide et réussie sans formation initiale longue et approfondie. Et ce n'est pas là une idée de la gauche. La scolarité obligatoire jusqu'à seize ans a en effet été instaurée en 1959 sous de Gaulle et un gouvernement dirigé par Michel Debré. Le fil rouge de toute l'évolution de notre système éducatif a été l'allongement de la scolarité obligatoire, dans un double souci. Le premier est de rassembler dans un même établissement des élèves de milieux différents. Vous avez fait tout à l'heure, Monsieur le ministre, un constat juste concernant les inégalités scolaires découlant des inégalités sociales. Mais comment les combattrez-vous en excluant encore plus tôt de l'école les élèves en difficulté ? Au lieu de se dire qu'ils ne sont pas faits pour l'école et d'en tenir pour preuve qu'ils s'y ennuient, ne faudrait-il pas plutôt se demander pourquoi ils s'y ennuient et chercher à y remédier ? Ce n'est pas par idéologie que nous défendons l'allongement de la scolarité obligatoire (« Si ! » sur certains bancs du groupe UMP) mais parce que c'est une nécessité pour mieux assurer l'égalité des chances - le collège unique fut institué dans cette perspective en 1975 - et élever le niveau général de qualification de la population. La loi sur l'avenir de l'école a fixé pour objectif que la moitié d'une classe d'âge obtienne un diplôme de l'enseignement supérieur. Ce n'est pas en contraignant les élèves en difficulté à quitter le collège en fin de 5ème, pour n'y plus revenir, car, comme l'a très bien dit Mme Lebranchu, les retours demeureront exceptionnels, que vous l'atteindrez ! M. le Rapporteur - Les articles L.111, L.122-5, L.122-3 et L.122-6 du code de l'éducation répondent déjà aux préoccupations exprimées dans cet amendement. Toutes les obligations qu'ils posent ont de surcroît été reprises dans la loi sur la formation professionnelle tout au long de la vie, que vous connaissez... au moins pour ne l'avoir pas votée. M. Gilles de Robien, ministre - Si ce n'est qu'il a permis à ses auteurs de s'exprimer sur tout autre chose que son contenu, cet amendement n'apporte rien de nouveau. Il est satisfait par les dispositions actuelles du code de l'éducation. Avis défavorable donc. M. François Brottes - L'amendement est peut-être satisfait, mais par une disposition qui reste largement, hélas, un vœu pieux, car le texte sur la validation des acquis de l'expérience a bien du mal à s'appliquer et toutes les personnes qui entreprennent des démarches dans ce cadre nous disent que c'est la croix et la bannière pour y arriver ! L'amendement 374, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jean-Pierre Blazy - Notre amendement 375... M. Jean-Pierre Soisson - D'ordre réglementaire ! M. Jean-Pierre Blazy - ...dit que la formation dispensée par les écoles, les collèges, les lycées et les établissements supérieurs doit comprendre l'apprentissage de l'usage et des enjeux des technologies de la communication et de l'information. Ce n'est pas en étant prématurément évincés du système éducatif pour être orientés vers l'apprentissage junior que les jeunes pourront acquérir ces connaissances indispensables pour la vie économique comme pour celle de citoyen. L'amendement n'est pas d'ordre réglementaire, Monsieur Soisson, car cette précision doit être intégrée dans le code de l'éducation. M. le Rapporteur - Votre groupe n'a pas été sympathique avec vous, Monsieur Blazy, en ne « ripolinant » pas ses anciens amendements à la loi d'orientation sur l'école. L'article L.121-1-1 que vous proposez de créer y existe en effet déjà et dit que le socle commun de connaissances comprend la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication. Votre amendement aurait donc été utile avant l'adoption de la loi sur l'école, que vous n'avez pas votée. Avis défavorable. M. Gilles de Robien, ministre - Je termine de rassurer M. Blazy en lui citant l'article L.312-9, qui pose que tous les élèves sont initiés à l'informatique. M. Yves Durand - Nous avions passé beaucoup de temps à essayer de définir le socle commun de connaissances et il y avait eu auparavant une mission sur le sujet, présidée par M. Périssol. Le ministre de l'époque n'avait d'ailleurs absolument pas tenu compte du travail qu'elle avait effectué pendant des mois. Quoi qu'il en soit, nous sommes tous d'accord pour dire que l'acquisition de ces technologies doit faire partie du socle commun de connaissances, mais le présent projet rend précisément cette acquisition impossible pour les élèves qui partiront en apprentissage junior. Ces élèves, qui sont déjà les plus en difficulté... M. Pierre Cardo - Non, pourquoi ? M. Yves Durand - ...vont sortir du collège, passer un an en découverte professionnelle puis, à partir de quinze ans, se retrouver sous contrat d'apprentissage. Et vous leur dites, Monsieur le ministre : « ne vous en faites pas, pendant ce temps, vous allez continuer à acquérir comme les autres, comme ceux qui sont restés au collège, le socle commun de connaissances » ! Quelle entourloupe ! Vous savez bien en effet que ce n'est pas possible, car on ne peut pas demander à des élèves qui ont déjà des difficultés, voire tendance à couler, d'en faire finalement plus que les autres ! L'acquisition du socle commun ne sera pas possible pour certains élèves et le socle ne sera donc plus commun. Avec ce projet, Monsieur le ministre, vous êtes en contradiction avec vos propres lois, de même que les discours du Gouvernement sont en contradiction avec ses actes. L'amendement 375, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme Hélène Mignon - Beaucoup de jeunes ont du mal à remplir des formulaires et à accomplir des démarches de la vie quotidienne. Nous proposons donc, dans notre amendement 376, que cet apprentissage fasse partie du socle commun. Si nous arrivions à mettre en place un tel enseignement, il y aurait ensuite moins d'adultes qui se tromperaient en remplissant leurs dossiers, par exemple auprès des CAF, et le Gouvernement parlerait moins de tous ceux qu'il appelle les « tricheurs ». M. le Rapporteur - Vous soulevez un problème concret et réel, mais là encore, l'amendement est satisfait par l'article L.122-1-1, qui mentionne cet objectif d'autonomie dans la vie quotidienne et l'inscrit dans notre droit positif. M. Gilles de Robien, ministre - Même avis. J'en profite pour dire à M. Blazy, à propos de l'amendement précédent, que les jeunes en apprentissage auront un an de plus pour acquérir les nouvelles technologies et seront certainement en ce domaine beaucoup plus compétents que bien des adultes ! L'amendement 376, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jean-Pierre Blazy - Avec ce projet indûment appelé « Égalité des chances », le Gouvernement va en réalité aggraver les inégalités des jeunes devant l'avenir, car certains d'entre eux seront prématurément éjectés du système éducatif. A la base de l'échec scolaire, il y a les inégalités territoriales. C'est pourquoi il faut que l'établissement de la carte scolaire continue de relever de la mission de l'État et se fasse, au niveau de chaque académie, sous l'autorité du recteur. Il faut redéfinir la conception de cette carte, mais aussi s'assurer qu'elle reste une compétence de l'État, et pour cela l'inscrire dans le code de l'éducation. Tel est l'objet de notre amendement 381. M. le Rapporteur - Avis défavorable, cette proposition ne me semblant guère judicieuse. M. Gilles de Robien, ministre - Même avis, car le Gouvernement ne souhaite pas remettre en cause la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités locales, dont nous avons longuement débattu en 2004. M. Yves Durand - Nous touchons à l'une des principales difficultés d'application de l'égalité des chances. La carte scolaire répartit en effet les moyens selon une arithmétique compliquée, qui ne prend en considération ni les disparités entre les territoires, ni leurs particularités sociales, économiques et urbaines, à l'inverse de l'inspiration des ZEP qui tendent à donner davantage à ceux qui ont les plus grands besoins. Ce que nous reprochons, entre autres, à ce projet de loi, c'est son manque d'imagination. Rien d'étonnant à cela, puisqu'il ne fait que concrétiser les déclarations faites par le Premier ministre à la suite des événements de novembre dernier. Or, celles-ci n'évoquaient nullement l'éducation. Elles faisaient certes mention de l'apprentissage « junior », mais laissaient totalement de côté et la carte scolaire et la pénurie de moyens. Alors qu'une répartition différenciée serait nécessaire pour assurer l'égalité des chances, il n'en a même pas été question ! Et à aucun moment, il n'y a eu de réflexion et de concertation sur l'éducation prioritaire, malgré notre demande de créer une mission parlementaire, qui aurait permis de dresser un bilan et de tracer des voies d'avenir. Je regrette, Monsieur le ministre, que vous manquiez à ce point d'ambition pour notre école, et c'est ce qui explique vos variations : tantôt vous supprimez des ZEP, tantôt vous les réintroduisez ! La répartition des moyens, c'est-à-dire la carte scolaire, voilà la clef de l'égalité entre les territoires ! Il est vrai qu'il faudrait commencer par avoir des moyens à répartir (Sourires) : au cours des vacances de Noël, nous avons appris que vous alliez au contraire supprimer 30 % des postes offerts au CAPES et à l'agrégation, sacrifiant ainsi le vivier de demain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Alain Joyandet - Il faut bien qu'un membre de la majorité intervienne de temps en temps (Sourires). On risquerait de croire, à la lecture du compte-rendu, que nous souscrivons à vos propos (M. le Président de la commission applaudit). Notre silence ne vaut pas approbation ! En effet, comment pouvez-vous dire que nous manquons d'imagination ? C'est la clinique qui se moque de l'hôpital ! Les jeunes des quartiers en difficulté ont bien vu quelle était votre valeur ajoutée à la tête de l'éducation nationale. C'est vous qui nous avez légué les problèmes actuels ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) M. Yves Durand - Et que faites-vous du « Kärcher » ? Et de la « racaille » ? M. Alain Joyandet - Si nous nous mettions à hurler, nous aussi, à chaque fois que vous vous exprimez, où irions-nous ? Il faut bien qu'une fois toutes les deux heures nous puissions rétablir quelques vérités. Mme Royal, alors en charge de l'éducation nationale, venait périodiquement faire du tourisme ministériel dans ma circonscription, avant d'y supprimer des postes, y compris en ZEP, dès qu'elle pénétrait dans son avion. Cessez donc de vous ériger en donneurs de leçons, comme si vous étiez les champions de l'éducation nationale ! Reconnaissez que le Gouvernement fait des propositions innovantes. Plusieurs députés socialistes - Elles sont ringardes ! M. Alain Joyandet - Nous allons continuer à vous écouter patiemment pendant des heures, mais nous rappellerons périodiquement notre soutien au Gouvernement et notre rejet de vos litanies. Sachez que je regrette profondément votre attitude : vous ne cherchez qu'à retarder nos débats, dans l'attente des manifestations de la semaine prochaine, sans rien proposer de neuf (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Mme Muguette Jacquaint - Rappel au Règlement. La majorité a parfaitement le droit de vouloir soutenir le Gouvernement, mais je doute que les jeunes puissent se satisfaire d'une telle attitude compte tenu de la situation actuelle. Nous avons besoin de solutions, et non de complaisance à l'égard du Gouvernement ! On nous dit sans cesse : « Vous avez vos banlieues et vos pauvres : gardez-les puisque vous les avez voulus ! » (Protestations sur les bancs du groupe UMP) C'est inacceptable ! Reconnaissez qu'il y a de plus en plus de érémistes, de chômeurs et de familles sans logement dans notre pays ! J'ajoute que si nous sommes ici, c'est précisément pour interroger le Gouvernement sur ses choix politiques, et pour que cela change. M. Yves Durand - Rappel au Règlement. M. le Président - Sans doute sur le fondement de l'article 58, alinéa 2 (Sourires). M. Yves Durand - Nos collègues de la majorité ont tort de réagir ainsi. Certes, nous n'hésitons pas à marteler des principes, mais nous faisons aussi des propositions et posons des questions précises. Or, elles restent sans réponse ! Quand j'ai demandé que l'on scolarise les enfants dès trois ans, on ne m'a rien répondu. Et quand j'ai souhaité que le ministre précise ses déclarations contradictoires sur les ZEP, pas plus de réponse. M. le Président - Ce n'est pas un rappel au règlement ! M. Pierre Cardo - Ce n'était pas davantage une défense d'amendements ! M. Yves Durand - Mais le problème du déroulement de nos travaux se pose, car on nous accuse à tort de faire de l'obstruction, de prendre à témoin les personnes qui sont dans les tribunes et de ne rien proposer alors que vous ne tenez jamais compte de nos questions ou de nos suggestions ! L'amendement 381, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Victorin Lurel - Rappel au règlement ! Votre majorité domine l'Assemblée et le Sénat, et vous avez quelques représentants bien placés au Conseil constitutionnel. A part les régions, que nous reste-t-il pour faire entendre notre voix sinon le règlement de cette assemblée ? Alors que vous n'avez consulté ni les syndicats, ni les commissions, ni les régions, ni les territoires l'outre-mer, nous devrions aujourd'hui nous taire, et ne pas recourir à toutes les ressources de notre règlement pour nous opposer à votre politique inique et inefficace qui démantèle le code du travail ? Dites-le si nous ne sommes plus en République ! Sinon, souffrez que nous défendions nos points de vue ! M. Jean-Pierre Blazy - Monsieur Joyandet, vous soutenez le Gouvernement en nous accusant de vouloir faire durer les débats jusqu'à mardi prochain, jour de manifestations. Mais il y en a eu aujourd'hui aussi ! Le ministre de l'Education nationale a jeté dans les rues de toutes nos régions des étudiants, notamment en STAPS, mécontents de la décision, brutalement prise avant Noël, de réduire le nombre de postes offerts au concours de recrutement dans le secondaire, contrairement à l'engagement de M. Fillon. Cette décision intervient alors même que les départs à la retraite augmentent, et qu'il est de plus en plus nécessaire de développer dans nos régions, et sans doute aussi dans la vôtre, Monsieur Joyandet, un enseignement secondaire de qualité. Mais libre à vous de soutenir le Gouvernement ! L'amendement 384 tend à préciser dans le code de l'éducation que les parents d'élèves doivent être étroitement associés au travail des enseignants. Cette ambition, qui fut l'un des honneurs de la gauche, n'est malheureusement pas la vôtre. M. le Président de la commission - Je souhaiterais que l'on arrive enfin à l'article premier ! Moi aussi, je pourrais parler des heures de la réforme des études de médecine ou de la formation des talonneurs de rugby ! M. Jean-Pierre Blazy - Ce n'est pas le sujet ! M. le Président de la commission - Cela intéresse aussi les jeunes, et ce n'est pas plus hors sujet que vos propos ! Pour la dignité de notre assemblée, je vous demande de redevenir sérieux, de ne pas dire n'importe quoi, et d'aborder au plus vite le texte du projet. Nous pourrons ensuite rester des heures sur l'article premier si vous le souhaitez. M. Jean-Pierre Blazy - Vous ne serez pas déçu ! M. le Président de la commission - Et surtout, ne prenez pas à partie M. Joyandet, qui a tout fait pour ramener le calme, et qui s'est contenté de dire quelques mots au bout de deux heures, pour exprimer sa lassitude, comme je le fais à présent au nom de mes collègues de la majorité, au risque de sortir de ma neutralité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. le Rapporteur - Avis défavorable, car cet amendement est satisfait 42 fois, par les 42 articles du code de l'éducation qui traitent des relations des parents d'élèves avec le système scolaire. M. Jean-Pierre Blazy - Pourquoi tant de fois ? M. Gilles de Robien, ministre - L'article L.111-4 dispose que les parents sont membres de la communauté éducative, ce qui est autrement plus fort que votre formulation. Avis défavorable. L'amendement 384, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Yves Durand - On me répondra très certainement que l'amendement 385 est également satisfait par le code de l'éducation, mais nous tenons à réaffirmer des principes dans ce code que le projet ne cesse de détricoter. Cela étant, M. Dubernard n'a pas tout à fait tort... M. le Président de la commission - La grâce m'atteint ! M. Yves Durand - ...et nous irons plus vite sur ces amendements, pour engager un débat plus complet à l'article premier (« Très bien!» sur les bancs du groupe UMP). Il ne s'agit pas de répéter le code de l'éducation... M. Gilles de Robien, ministre - Mais si ! M. Yves Durand - ...mais de rappeler que l'école ne peut pas tout faire et qu'il faut donner aux parents les moyens pédagogiques de travailler avec les enseignants. N'oublions pas non plus les collectivités locales, car l'élève passe bien plus de temps en dehors de l'école qu'à l'intérieur, et il ne faudrait pas que tout le travail des enseignants soit ruiné faute qu'on se soit préoccupé du temps libre des élèves. Afin d'assurer l'égalité des chances, nous devons donner les moyens aux collectivités locales de tenir ce rôle, notamment par le biais de contrats. Nous avions mis en place des contrats éducatifs locaux, complètement abandonnés faute de moyens, comme c'est le cas dans ma commune. M. le Rapporteur - Cet amendement est déjà satisfait. Avis défavorable. M. Gilles de Robien, ministre - Je ne rappellerai pas que cet amendement est déjà satisfait par le code, puisque cela semble vous énerver, mais je relève que les relations avec les collectivités locales sont nombreuses et fructueuses. Des contrats éducatifs locaux existent ainsi chez moi, et ils fonctionnent. Dans le cadre du plan de cohésion sociale de M. Borloo, les collectivités locales ont à leur disposition les parcours de réussite éducative, et l'on arrive à mettre en place d'excellents supports de réussite éducative hors du temps scolaire. Je vous invite à vous pencher sur les textes, et surtout sur les moyens. M. Pierre Cardo - Ma commune a passé des contrats éducatifs locaux, et ils fonctionnent ! Quant à la loi de cohésion sociale, elle a permis de débloquer plusieurs dizaines de millions qui servent. Si le système fonctionne chez moi, il n'y a pas de raison qu'il n'en soit pas de même ailleurs. M. Jean-Pierre Blazy - Monsieur le ministre, votre réponse est un peu courte en comparaison de l'engagement de votre ministère auprès des collectivités locales. Il n'est pas vrai que les contrats éducatifs locaux fonctionnent bien. Tout d'abord, ils ne relèvent pas du ministère de l'éducation nationale, mais de celui de la jeunesse et des sports, alors que les parcours éducatifs relèvent du ministère de la ville. M. Pierre Cardo - Tout ne dépend pas de l'école. M. Jean-Pierre Blazy - Nous utilisons bien évidemment ces dispositifs, car il faut souvent compenser les déficiences de l'Education nationale. Vous avez encore, cette année, à la veille de Noël, réduit cyniquement le nombre de postes offerts aux concours de recrutement d'enseignants du secondaire. L'amendement 385, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jean-Pierre Blazy - Le système éducatif doit rassembler des partenaires. A cet égard, le décalage est patent entre le code de l'éducation et la réalité de la politique de ce gouvernement, notamment à l'égard des associations. Par l'amendement 386, nous voulons donc rappeler qu'il convient de développer les liens entre les établissements d'enseignement et les associations, qu'elles soient de parents d'élèves ou de jeunesse. M. le Rapporteur - Cet amendement est lui aussi satisfait par le code de l'éducation. M. Jean-Pierre Blazy - Mais il ne l'est pas dans la réalité ! M. Gilles de Robien, ministre - Ce n'est pas votre amendement qui va changer la réalité, Monsieur Blazy ! Les textes existent, il faut les appliquer. M. François Brottes - Force est de constater la complexification considérable des relations entre l'école et le monde associatif, du fait de l'empilement des circulaires. De plus, bon nombre d'associations d'éducation populaire se plaignent d'avoir été privées de tout financement. Incontestablement, il y a un décalage entre les textes et la réalité de votre politique. L'amendement 386, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Yves Durand - L'amendement 387 est défendu. L'amendement 387, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Yves Durand - L'amendement 388 est défendu. M. le Rapporteur - Avis défavorable. M. Gilles de Robien, ministre - De même : les activités périscolaires existent déjà. L'amendement 388, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Yves Durand - Notre amendement 377 touche au problème essentiel de l'orientation. Il rappelle que l'orientation scolaire des jeunes fait partie des missions éducatives de l'État ; on va certainement nous répondre une nouvelle fois que c'est déjà dans le code de l'éducation, mais ce projet ouvre la porte à une véritable dérive. En effet nous avons entendu tout à l'heure un plaidoyer enthousiaste en faveur de l'entreprise, considérée comme la mieux placée pour effectuer cette orientation, ce qui est totalement contraire au code de l'éducation. Et le fait d'intégrer les jeunes dans le monde du travail dès quinze ans par un contrat d'apprentissage, revient bel et bien à réaliser cette orientation à l'extérieur du collège : ce projet dit donc subrepticement le contraire de ce qui est écrit dans le code de l'éducation - de même qu'il dit subrepticement, nous le verrons la semaine prochaine à propos du CPE, le contraire de ce qui est écrit dans le code du travail. Notre amendement ajoute - cela aurait d'ailleurs pu faire l'objet d'un amendement séparé - que « l'équipe éducative accompagne le jeune dans son choix d'orientation ». C'est en effet le rôle essentiel de l'équipe éducative ; mais comment pourrait-elle suivre un jeune apprenti junior qui a physiquement quitté le collège à quatorze ans, même s'il y demeure administrativement rattaché ? Ce ne sera plus l'État, mais l'employeur, qui jouera ce rôle d'orientation. M. le Rapporteur - Les stages de découverte professionnelle au collège, les lycées des métiers, l'ouverture de CFA dans les établissements publics d'enseignement sont antérieurs à ce projet, de même que le contrat d'apprentissage à quinze ans... M. Yves Durand - Par dérogation ! M. le Rapporteur - Dérogation fréquemment accordée par les services de l'éducation nationale, et pas seulement depuis 2002... L'article L.313-1 du code de l'éducation, rend inutile cet amendement, comme d'ailleurs les quatre suivants. M. Gilles de Robien, ministre - Monsieur Durand, si vous avez à mes yeux trop accablé cette grande maison qu'est l'Éducation nationale, en matière d'orientation je conviens avec vous qu'il y a une véritable insuffisance. Nous devons aux jeunes plus d'informations, pour qu'ils soient mieux à même de choisir. Au collège, les classes de découverte professionnelle vont les y aider. A l'université, il faut leur faire connaître les débouchés de chaque diplôme. Enfin, il faut mieux coordonner l'orientation et utiliser les moyens de communication modernes, comme internet. M. Francis Vercamer - L'orientation des jeunes est une question d'autant plus importante que des centaines de milliers d'emplois restent non pourvus, faute de preneurs. Dès lors, comment peut-on dire qu'elle est du seul ressort de l'éducation et que l'entreprise ne doit pas y participer ? C'est pourtant l'entreprise qui fournit l'emploi ! Si l'orientation n'amène pas vers l'emploi, les jeunes, même bien formés, en resteront privés. Il est donc important que l'entreprise participe à l'orientation. Il existe par exemple des maisons de l'emploi au sein desquelles l'éducation nationale pourrait intervenir afin d'orienter les jeunes dans des bassins d'emploi où leurs compétences sont demandées. Mme Muguette Jacquaint - En matière d'orientation, les jeunes sont souvent perdus. Néanmoins, on n'a pas attendu votre projet de loi pour rapprocher l'école et l'entreprise - chaque année, les bourses des métiers l'illustrent. Mais attention : nous parlons bien d'éducation nationale ! Or, ce ne sont pas les entreprises qui font à sa place le choix de la formation que doivent recevoir les jeunes ! M. Maurice Giro - Mais si ! Mme Muguette Jacquaint - Sans crier haro sur les entreprises, qui doivent en effet se rapprocher de l'école, de mauvaises expériences passées imposent des garanties. Il ne faut pas qu'un jeune parti en entreprise se retrouve dans la nature à quinze ans ! M. Gilles de Robien, ministre - Nous verrons cela à l'article premier. L'amendement 377, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Yves Durand - Les amendements 378 et 382 sont défendus. Les amendements 378 et 382, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Yves Durand - Monsieur le ministre, je n'accable pas l'éducation nationale, que j'ai servie pendant vingt-cinq ans. Mais j'y suis trop attaché pour ne pas vouloir corriger ses insuffisances et relever le défi qui apporte la seule vraie réponse aux émeutes de l'automne : la démocratisation de l'enseignement. Nous avons déjà réussi sa massification - sur laquelle vous revenez. Il faut désormais garantir sa démocratisation et lui permettre ainsi d'être à la hauteur de sa mission, en lui en donnant non seulement les moyens financiers et intellectuels, mais aussi la reconnaissance qu'il mérite. Après avoir ouvert l'école à tous, donnons à tous les mêmes chances de réussite. M. le rapporteur évoquait tout à l'heure les CPA, les CLIPA et les classes d'insertion : pourquoi les supprimer, alors qu'elles permettent de faire un véritable choix ? Vous, vous imposez à un élève, dès quinze ans, un contrat d'apprentissage avec un seul employeur : la route est alors tracée, sans possibilité de retour ! Les unions d'artisans - notamment l'UPA - et le mouvement des maisons familiales et rurales sont très réservés à l'égard de cette disposition. Voilà pourquoi l'amendement 383 vise à ce que l'orientation se fasse le plus tard possible : après l'acquisition du socle commun, et pas avant la fin du collège. L'autoriser dès quinze ans, c'est empêcher qu'elle se fasse au même moment pour tous : où est alors l'égalité des chances ? En outre, c'est une aberration économique : les entreprises ont besoin d'une main d'œuvre de plus en plus qualifiée et capable de changer de filière au cours d'une carrière, car le temps où l'on trouvait « un bon métier » est révolu. Les pays où le taux de chômage des jeunes est le plus bas sont d'ailleurs ceux où l'orientation se fait tard : l'ensemble des jeunes y acquiert une culture générale et professionnelle qui en fait des travailleurs capables de s'adapter aux changements technologiques. Je me doute néanmoins que vous allez me répondre en évoquant le code de l'éducation. M. le Rapporteur - Avis défavorable. M. Gilles de Robien, ministre - Je ne vous ferai pas la réponse que vous attendez, Monsieur Durand : preuve que vous pouvez aussi vous tromper. L'orientation interviendra à la fin du collège, pas avant. Mais la pire des orientations, c'est de choisir sans être informé. La découverte professionnelle commencera en quatrième dans les collèges « Ambition-réussite », en troisième dans les autres. Aujourd'hui, 40 000 élèves de troisième ont déjà choisi par eux-mêmes de suivre ces trois heures de découverte professionnelle hebdomadaire. Le choix de l'apprentissage junior ne se fera ni à quatorze ans ni à quinze, mais à seize ! Avant cela, ils auront suivi des stages en entreprise, signé un contrat d'apprentissage à quinze ans et pu revenir à tout moment dans le collège où ils seront restés inscrits. M. Yves Durand - Tout cela serait bel et bon si ces propositions étaient réalisables... Mais il s'agit d'un faux volontariat, car la nécessité économique ne laissera pas aux jeunes concernés la liberté de choisir ! Le retour au collège, c'est un mythe - un leurre, même ! Toute l'argumentation du ministre tombe, comme nous le démontrerons à propos de l'examen de l'article premier. Quant à la découverte professionnelle, à laquelle nous sommes favorables, elle doit s'adresser à tous, et non aux seuls élèves en difficulté ! M. Gilles de Robien, ministre - C'est le cas ! M. Yves Durand - Non, pas dans la nouvelle troisième confirmée par la loi d'orientation. M. Gilles de Robien, ministre - Si, elle est ouverte à tout le monde. M. Alain Joyandet - On a beaucoup dit que l'apprentissage avait été dévalorisé dans notre pays et que cela n'était pas sans lien avec la pénurie de professionnels que connaissent certains secteurs. Prenons garde à la façon dont nous parlons de l'apprentissage ! Ne donnons pas le sentiment de dévaloriser un peu plus ces carrières quand il faut au contraire les encourager. L'INSEE a d'ailleurs montré combien notre système d'apprentissage était performant. Les jeunes qui s'y engageraient doivent savoir qu'il s'agit d'une voie d'excellence et non d'une voie de garage. M. Gilles de Robien, ministre - Vous avez raison. M. Alain Joyandet - Nous pouvons certes discuter des modalités d'application de l'apprentissage, mais nous devons avant tout le revaloriser et donner aux jeunes l'envie de s'y engager. L'amendement 383, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Yves Durand - L'amendement 379 est défendu. L'amendement 379, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté. M. Yves Durand - L'amendement 390 dispose que l'objectif principal du système éducatif est la réussite de tous les élèves et de chacun. La mission de l'école est d'amener chaque élève, quel qu'il soit et grâce à une égalité des chances effective, à un même degré d'excellence. Ce ne sera pas possible si, dès quatorze ou quinze ans, certains sont orientés dans une voie dont, quoi que vous prétendiez, Monsieur le ministre, ils ne pourront plus sortir. Comment un gamin, qui plus est en difficulté, pourrait-il savoir quel métier il voudra exercer alors que d'autres enfants auront tout le temps de choisir ? M. Pierre Cardo - Pour celui qui est dans la rue, le choix est simple. M. Yves Durand - C'est-là une inégalité essentielle. M. le Rapporteur - Avis défavorable. M. Gilles de Robien, ministre - Le Conseil constitutionnel en a déjà délibéré et il ne s'agit pas de revenir à un texte qui a été annulé. Avis défavorable. Mme Muguette Jacquaint - A quatorze ans, on est encore un enfant. Comment pourrait-on avoir un avis sur son avenir professionnel ? L'orientation précoce que vous préconisez est également autoritaire. Les familles les plus défavorisées, contrairement à ce que pensent certains, ont peur que leurs enfants restent dans la rue et seront tentées d'accepter la première proposition qui leur sera faite. M. Pierre Cardo - Cela ne se passe pas ainsi ! Ne caricaturez pas ! Mme Muguette Jacquaint - M. le ministre assure qu'un jeune en apprentissage pourra toujours revenir au collège, mais nous savons comment les choses se passent déjà aujourd'hui : si une orientation ne convient pas, le jeune est réorienté vers une autre filière professionnelle et il devra se débrouiller pour trouver un autre point de chute. C'est souvent comme cela que des jeunes abandonnent le système scolaire sans aucune formation. M. Pierre Cardo - L'Éducation nationale agirait ainsi ? Mme Muguette Jacquaint - Ne parlez donc pas d'automaticité, Monsieur le ministre ! Je n'y crois pas. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas votre texte qui permettra de revaloriser l'apprentissage. L'amendement 390, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Francis Vercamer - L'égalité des chances, c'est aussi la lutte contre l'échec scolaire. Or, il est souvent difficile de détecter un élève dont la situation est difficile. L'amendement 431 rectifié vise donc à annualiser l'évaluation prévue à l'article 122-1-1 du code de l'éducation afin de pouvoir rapidement mettre en place les dispositifs d'accompagnement du jeune en difficulté. M. le Rapporteur - Avis défavorable : il ne nous semble pas nécessaire de revenir sur un article aussi récent. M. Gilles de Robien, ministre - D'autant que l'article 17 de la loi d'orientation prévoit en effet un tel dispositif. M. Yves Durand - « C'est dans la loi ! », voilà votre unique réponse ! Mais donnez-vous les moyens de l'appliquer, alors ! Nous ne serons pas ainsi obligés de la réécrire pour en acter une fois de plus les dispositions. La lutte contre l'échec scolaire implique une véritable pédagogie individualisée. Il conviendrait en particulier que les ZEP disposent de classes de dix élèves au plus, et de moyens radicalement différents par rapport aux autres établissements. Dans les pays scandinaves, ces zones défavorisées bénéficient de 50 % de moyens en plus par rapport aux autres établissements contre moins de 20 % pour nos ZEP. Il faudrait que dans certains quartiers, et particulièrement dans les écoles élémentaires, où tout se joue, l'on compte plus d'enseignants qu'il n'y a de classes de manière à constituer des groupes de niveaux. Je regrette que depuis quatre ans, toutes les expériences pédagogiques aient été supprimées... M. Gilles de Robien, ministre - C'est faux. M. Yves Durand - ... par idéologie ou faute de moyens : le centre national de recherche pédagogique a été démantelé et envoyé dans le Poitou pour faire plaisir à M. Raffarin. Les classes APAC, ont été supprimées dans les faits. Un certain nombre de dispositions figurent peut-être dans la loi d'orientation ou dans le code de l'éducation, mais pas dans la réalité. Ce texte ne vise qu'à institutionnaliser ce manque : la loi entérine les échecs de votre politique éducative depuis quatre ans ! M. Jean-Pierre Blazy - C'est exactement cela. M. Pierre Cardo - Je remercie M. le ministre pour sa réponse, mais je souhaiterais savoir si les maires pourraient bénéficier chaque année d'éléments statistiques précis issus de cette évaluation ? Comme nous devons mettre en place des contrats éducatifs locaux et que la loi de cohésion sociale nous incite à mettre en œuvre un travail en réseaux, l'évolution générale de la réussite scolaire sur une commune ne peut que nous intéresser. M. Gilles de Robien, ministre - Je puis vous rassurer. Cette évaluation présente un double intérêt, pour l'équipe pédagogique bien sûr, qui doit adapter ses méthodes en conséquence, mais aussi pour les collectivités et les associations, auxquelles ses résultats seront bien sûr communiqués. L'amendement 431 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Yves Durand - La majorité nous demande des propositions. Eh ! bien, en voilà une ! Par notre amendement 389, nous demandons que tous les parents qui le souhaitent puissent scolariser leur enfant dès trois ans. Alors que la lutte contre les inégalités devrait commencer le plus tôt possible, il est regrettable que, comme je l'ai observé dans mon académie, non seulement les moyens de l'école maternelle régressent, mais aussi la qualité de ce qui y est fait. La compétence des enseignants n'est pas en cause, mais les classes sont si surchargées que leur travail ne peut que s'en ressentir. Dans ma commune, certaines classes de maternelle comptent plus de 35 élèves.. Mme Geneviève Levy - Et alors ? M. Yves Durand - Dans de telles conditions, la maternelle ne peut pas être un outil d'égalité des chances. C'est hélas toujours le même schéma : on commence par dégrader les conditions de travail, afin d'étayer des rapports prétendant que l'école maternelle massacre les enfants et peut même entraîner chez eux des troubles. Cela est faux, sauf à avoir laissé se créer les conditions d'une école totalement inadaptée à des enfants de trois ans. Dans le cadre d'un projet de loi sur l'égalité des chances, le Gouvernement aurait dû faire preuve d'une grande ambition pour l'école maternelle, et réfléchir à la mise en place d'un véritable espace public de la petite enfance, en liaison avec les collectivités pour permettre une transition harmonieuse entre la crèche et la maternelle. Le principe de la scolarisation dès trois ans figurait dans la loi d'orientation de 1989, votée alors que M. Jospin était ministre de l'Éducation nationale. Il a, hélas, disparu de la récente loi sur l'avenir de l'école. M. le Rapporteur - Le droit à scolarisation dès l'âge de trois ans existe déjà dans notre droit positif. Avis défavorable. M. Gilles de Robien, ministre - Une nouvelle fois, vous vous trompez, Monsieur Durand. Le principe de la scolarisation à trois ans figure toujours dans la loi d'orientation votée l'an passé. Dois-je vous lire l'article L.113-1 du code de l'éducation ? Avis défavorable. M. Maurice Giro - Les maternelles sont de la compétence des communes... M. Yves Durand - Pas pour ce qui est des postes ! M. Maurice Giro - Si vous voulez scolariser tous les gamins de trois ans de votre commune, commencez par construire les écoles et créer les postes d'ASEM nécessaires, les postes d'enseignants, vous les aurez ensuite ! Jamais l'Education nationale n'a refusé de poste quand les classes ont été ouvertes. Je peux comprendre que les socialistes veuillent rendre l'école obligatoire à partir de trois ans - même si les parents qui le souhaitent ont parfaitement le droit d'éduquer leur enfant jusqu'à cinq ou six ans -, mais je ne peux laisser dire que les enfants ne sont pas scolarisés à trois ans dans notre pays. Mme Muguette Jacquaint - En dépit de son manque criant de moyens, notre école maternelle est l'une des grandes richesses de notre pays. Tant d'autres pays européens n'en ont pas ! On l'a constaté lors de la dernière Conférence de la famille, chacun s'accorde à reconnaître l'importance de la maternelle pour les jeunes enfants, non seulement pour l'acquisition des savoirs mais aussi pour la socialisation. Mais il n'est pas si facile, contrairement à ce que prétend notre collègue, d'obtenir des postes. Il ne suffit pas de construire des écoles et ouvrir des classes... On nous dit que les écoles sont de la compétence des communes. Cela ne nous avait pas échappé, mais si l'on veut que la France continue d'avoir à la fois le plus fort taux de femmes qui travaillent et l'un des plus forts taux de natalité en Europe, l'État doit aussi y mettre les moyens. Car ce double succès n'est possible que grâce aux crèches et aux maternelles. On ne peut pas d'un côté vanter les mérites de l'école maternelle et de l'autre tenir un tout autre discours quand les communes réclament des crédits. M. Alain Vidalies - Le développement de l'école maternelle, attendu des parents, peut contribuer à la lutte contre les inégalités de départ. Sa responsabilité incomberait, nous dit-on, d'abord aux communes. Mais que je sache, la France n'est pas un pays fédéral mais une République décentralisée. Si l'on pense que la scolarité doit être obligatoire dès l'âge de trois ans, la loi doit en poser le principe, de façon que la mesure s'applique de la même façon sur l'ensemble du territoire. A notre collègue qui nous explique qu'il suffit de construire des écoles et de pourvoir les postes d'ASEM nécessaires pour que l'État soit alors obligé de créer les postes d'enseignants, je réponds chiche. Inscrivons cela dans la loi, ce serait une avancée considérable. M. Pierre Cardo - Je ne voterai pas pas cet amendement... M. Jean-Pierre Blazy - C'est dommage. M. Pierre Cardo - ...car je ne suis pas persuadé que la maternelle soit la meilleure solution à trois ans. M. Yves Durand - Nous avons parlé d'espace public de la petite enfance. M. Pierre Cardo - Je préfère ce concept. Dans les quartiers en difficulté, mais pas là seulement d'ailleurs, l'évolution de la société, avec un nombre croissant de femmes qui travaillent et de familles monoparentales, entraîne de nouveaux besoins d'accueil des jeunes enfants. Il faudrait des structures de garde novatrices, aux horaires d'ouverture beaucoup plus larges - pourquoi pas sept jours sur sept - et accueillant les enfants avant trois ans. Au-delà de la maternelle, c'est en réalité tout le dispositif d'accueil de la petite enfance, de la naissance à quatre ou cinq ans, qu'il faudrait complètement revoir. Mais actuellement, les CAF sont au contraire en train de réduire leurs financements... M. Jean-Pierre Blazy - C'est vrai. M. Pierre Cardo - ...et les conseils généraux ne se sentent pas assez concernés par le sujet. L'amendement 389, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Yves Durand - Notre amendement 392 rappelle que la scolarité doit garantir l'acquisition d'un socle commun. On me répondra que c'est déjà dans le code de l'éducation. Je n'en crois pas moins nécessaire de le redire, car précisément, le projet remet en cause cet objectif en disposant qu'un élève pourra partir en apprentissage junior à la fin de la cinquième ou de la quatrième, alors que c'est seulement à la fin de la troisième, c'est-à-dire à la fin de la scolarité obligatoire, que cette acquisition est censée complète. Vous ne me ferez pas croire qu'un élève qui quitte le collège à quinze ans pour entrer en contrat d'apprentissage pourra continuer à acquérir les connaissances et compétences contenues dans ledit socle ! En réalité, ce gosse sera prisonnier de la voie dans laquelle il aura été mis précocement, prisonnier du premier employeur dans les mains duquel il aura été placé dès quinze ans. Quelle régression ! M. Claude Bartolone - Très bien ! M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement pour la raison qu'a lui-même donnée M. Durand. M. Gilles de Robien, ministre - Je me réjouis tout d'abord de votre conversion au socle commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Vous étiez contre, comme vous étiez contre l'ensemble de la loi, et vous en êtes aujourd'hui devenu un ardent défenseur. Mais c'est à seize ans que les jeunes qui entreront en contrat d'apprentissage devront l'avoir acquis, pas avant, et les Centres de formation des apprentis auront à assurer cette transmission du savoir. M. Pierre Cardo - Sinon, les jeunes n'auront pas le CAP. M. Alain Joyandet - Ne dites pas, Monsieur Durand, que le jeune sera « prisonnier ». Ce n'est pas vrai puisqu'il aura la possibilité de revenir au collège s'il le souhaite. Et le terme est inapproprié dès lors que le départ en contrat d'apprentissage se fait sur la base du volontariat. M. Yves Durand - Je retire le terme. L'amendement 392, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jean-Pierre Blazy - Lors de l'examen de la loi Fillon sur l'éducation, nous souhaitions évidemment que soit défini un socle commun, mais nous n'étions pas d'accord sur le contenu que le ministre voulait lui donner. C'est ce qui nous a amenés à voter contre la loi. Mais vous êtes aujourd'hui en train de la défaire, Monsieur le ministre, puisque, avec l'apprentissage junior, vous voulez faire sortir des jeunes du système éducatif avant la fin de la période d'acquisition de ce socle. Nous rappelons donc dans l'amendement 398 que le brevet atteste la maîtrise du socle commun à l'issue de la scolarité obligatoire. Croyez-vous que les CFA vont préparer les jeunes apprentis au brevet, Monsieur le ministre ? M. le Rapporteur - Le sophisme doit faire partie du socle commun de connaissances de votre groupe, puisque vous défendez aujourd'hui une loi que vous avez naguère refusé de voter ! Je vous renvoie à l'article L.332-6 du code qui dit la même chose que votre amendement, en plus complet et en plus exigeant. Avis défavorable. M. Gilles de Robien, ministre- Le brevet atteste d'une maîtrise allant au-delà du bagage indispensable que représente le socle commun. Avis défavorable. M. Jean-Pierre Blazy - Comment les apprentis juniors y seront-ils préparés ? M. Yves Durand - Vous parlez de bagage indispensable, mais comment un jeune en contrat d'apprentissage pourra-t-il, avec l'emploi du temps très chargé qui sera le sien, continuer à acquérir le contenu d'un socle qu'il avait déjà du mal à assimiler en n'étant qu'un simple collégien ? Comment pourrait-il assumer toutes ces contraintes ? Vous êtes sans doute de bonne foi, Monsieur le ministre, quand vous assurez qu'à seize ans, tout le monde devra avoir acquis ce socle, mais cette prétention est irréaliste et, au fond, le reproche le plus sérieux que nous sommes en droit de vous adresser, c'est de ne pas assumer vos choix. De même que vous ne reconnaissez pas que le CPE est une façon d'en finir avec le code du travail, vous n'assumez pas le fait que l'apprentissage junior est une façon d'en finir avec la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans ! Voilà la réalité ! A vous de l'assumer ! L'amendement 398, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Président - L'amendement 400 a été déclaré irrecevable. M. Yves Durand - L'amendement 396 est défendu. L'amendement 396, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Yves Durand - L'amendement 397 tend à consacrer la continuité éducative, qui est un principe essentiel, défendu par de nombreuses organisations enseignantes et appliqué dans bien des pays d'Europe, en particulier ceux où le niveau de qualification est le plus élevé, comme les pays scandinaves. Je rappelle qu'en Allemagne, dont M. Borloo nous a parlé lors de sa brève apparition en commission, l'orientation précoce des jeunes et l'apprentissage sont en voie d'être remis en cause à la suite de l'enquête PISA, qui a classé l'Allemagne parmi les pays les moins performants en matière éducative. L'enseignement obligatoire forme aujourd'hui en France un bloc d'un seul tenant, de six à seize ans, et nous devons le préserver en évitant toute relégation de certains élèves dans d'autres filières. Il ne s'agit pas de faire acte d'idéologie, ni de remettre en cause la séparation entre le CM2 et la 6e, même si certains élèves la vivent douloureusement. Nous refusons tout simplement l'instauration d'une coupure au sein du collège, qui serait un retour vers l'ancien « palier d'orientation » à la fin de la cinquième. M. le Rapporteur - Comme l'a très bien expliqué M. Durand, il s'agit là d'un débat pédagogique (Dénégations de M. Yves Durand), et ce n'est naturellement pas à la loi de trancher une telle question. M. Gilles de Robien, ministre - Même avis. L'amendement 397, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jean-Pierre Blazy - L'amendement 403 vise à exclure toute orientation précoce des élèves. Quel est en effet le message que vous adressez aux jeunes après la crise des banlieues ? Vous allez préparer leur avenir en les évinçant du système scolaire. Beau paradoxe ! M. Gilles de Robien, ministre - C'est faux ! M. Pierre Cardo - Il n'est question ni d'obligation ni de dévalorisation ! M. Jean-Pierre Blazy - Avec l'apprentissage « junior », vous comptez en effet réaliser ce que vous n'aviez pas osé entreprendre dans la loi Fillon ! Le Code de l'éducation doit au contraire préciser que l'orientation n'intervient qu'à la fin de la 3e : si nous devons agir contre l'échec scolaire, ce n'est pas en excluant des jeunes que nous y parviendrons. J'ajoute que c'est vous qui adoptez des positions idéologiques, à l'image de votre rejet de la méthode globale. Développons plutôt le soutien au collège et la réduction des effectifs dans les ZEP, en limitant le nombre d'élèves à quinze par classe, au lieu de diminuer le nombre de postes offerts aux concours. Notre pays a besoin d'une autre politique d'éducation ! M. Henri Emmanuelli - Très bien. M. le Rapporteur - Le seul but de cet amendement étant de priver de sa substance le débat sur l'article premier, débat qui n'a pas encore eu lieu, la commission l'a repoussé. M. Gilles de Robien, ministre - M. Blazy n'a pas compris que les apprentis « juniors » demeureront au sein de notre système scolaire. Si vous vouliez bien entendre raison sur ce point, toutes vos préventions contre ce dispositif, qui jouit déjà d'une popularité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), tomberaient du même coup. Par ailleurs, votre proposition entre dans le domaine réglementaire. M. Henri Emmanuelli - L'apprentissage « junior » est sans doute un label de marketing réussi, mais vous n'avez rien inventé : l'apprentissage, de même que les dérogations au travail en alternance, existent déjà. Qu'en est-il maintenant de la popularité de votre mesure ? Toutes les chambres de métiers y sont défavorables, et vous aurez beau tirer de votre chapeau une assemblée permanente des chambres de métiers, personne n'est dupe. Chacun voit bien que c'est une sous-catégorie d'apprentis que vous créez. Si vous n'êtes pas avare de grands principes et de belles paroles, Monsieur le ministre, il n'y a pas non plus trace du moindre engagement budgétaire dans votre projet. Une fois de plus, le ministère du budget viendra contredire vos grandes déclarations. Ne dites pas que nous sommes opposés par principe à l'apprentissage, car c'est la gauche qui a créé l'alternance, loin de découvrir subitement ses charmes, comme vous venez de le faire. Assurément, votre subite intention de favoriser le travail manuel n'est pas mauvaise, mais évitez de le stigmatiser en créant une sous-catégorie qui séparera demain ceux qui seront sortis de l'école à quatorze ans, et ceux qui ont commencé leur apprentissage à seize ans. Depuis le début, vous faites semblant d'inverser les positions, en prétendant dépasser l'opposition entre travail manuel et travail intellectuel, mais vous oubliez que ceux qui travaillent de leurs mains ont tout autant besoin de culture générale et d'éducation que les autres ! Ne les sortez donc pas du système scolaire avant seize ans ! Enfin, vous avez rappelé que nous n'avons pas voté la loi Fillon, qui imposait la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans : voilà qui est exact, mais vous oubliez que, de votre côté, vous vous proposez de ne pas appliquer cette même loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Mme Muguette Jacquaint - Comment peut-on affirmer que ce dispositif orienterait les jeunes vers une filière coupée de l'enseignement général ? Je ne peux pas non plus laisser dire que nous serions contre l'apprentissage, puisque nous avons toujours essayé de revaloriser les filières technologiques et manuelles au cours de nos débats. Une chose est sûre, ce n'est pas en stigmatisant les jeunes en difficulté que vous allez encourager les jeunes à se tourner vers ce type de métier. J'ajoute que chacun a besoin d'un bagage éducatif suffisant pour devenir un citoyen à part entière. L'amendement 403, mis aux voix, n'est pas adopté. M. François Brottes - L'amendement 402 tend à abroger l'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux responsabilités locales, qui semble poser le principe que les uns auraient juste le droit de payer parce que les autres auraient le droit de choisir. Il ne s'agit pas d'opposer le public au privé mais de considérer qu'une commune qui a fait l'effort d'investir pour accueillir tous ses enfants dans son école publique, n'a pas à financer le fonctionnement de l'école de la commune voisine, sous prétexte que, sans son accord, certains de ses habitants auraient choisi d'y inscrire leur enfant. Si cet article, dont la rédaction n'est pas claire, ne s'entend pas ainsi, tant mieux, mais que le ministre lève les ambiguïtés dont se servent beaucoup de parents pour faire pression sur leur commune. M. le Rapporteur - Vous défendez François Fillon, et nous défendons le sénateur Charasse, aussi la commission a-t-elle rendu un avis défavorable (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). M. Jean-Pierre Blazy et M. François Brottes - C'est trop facile ! Expliquez-vous davantage ! M. Gilles de Robien, ministre - Nous nous sommes beaucoup concertés avec l'AMF sur ce sujet, et la nouvelle rédaction de l'article 89 donne vraiment au préfet le pouvoir d'intervenir en cas de conflit entre les communes, et de fixer leurs contributions respectives. L'article 89 permet d'abord de résoudre les éventuels conflits. Je rappelle que le périmètre des dépenses des communes n'est pas modifié, et que le principe de l'accord entre les communes demeure. Avis défavorable. M. François Brottes - Cette explication n'est pas claire. Je suis maire d'une commune, et il reste de la place dans mon école publique. Si des parents choisissent d'inscrire leurs enfants dans l'école, publique ou privée, d'une autre commune, sans mon accord, le préfet peut-il m'obliger à financer cette scolarisation ? M. Pierre Cardo - Si le maire n'a pas donné son accord, il n'est pas obligé de payer. M. Jean-Pierre Blazy - Monsieur le rapporteur, vous citez M. Charasse, mais je vous rappelle que, lors des débats sur la loi Fillon, nous avions déjà défendu un amendement analogue. Nous sommes d'autant plus cohérents que, depuis cette loi, une circulaire du ministre de l'Éducation nationale, publiée au Journal officiel du 2 décembre dernier, ne manquera pas d'avoir des conséquences financières pour les maires s'ils n'arrivent pas à s'entendre avec leur préfet, car la liste des frais à prendre en charge est longue ! Quand on sait que le coût moyen actuel des élèves du premier degré est évalué par l'association nationale des directeurs d'éducation des villes à 450 euros par an, uniquement pour les fournitures, on n'ose imaginer la charge qui pourrait peser sur les communes amenées à financer les choix de certains parents ! C'est inacceptable, car nous devons par ailleurs consentir de gros efforts pour nos écoles publiques, d'autant plus que nous sommes souvent maires de communes confrontées à l'échec scolaire. Cette circulaire ne fait qu'aggraver les dispositions antérieures. Je rappelle que, s'agissant des écoles publiques, la participation de la commune de résidence pour un élève scolarisé hors de son territoire, dans une école publique, n'est obligatoire qu'en l'absence de place disponible dans les écoles de la commune, ou pour des motifs particuliers. Je peux vous assurer que vous aurez du mal à faire accepter votre circulaire par les maires ! M. Maurice Giro - Si une commune manque de classes, il est normal que le maire qui n'a pas voulu équiper sa ville finance la scolarité des enfants en dehors de son territoire. Dans le Vaucluse, une association des maires du département, en concertation avec le préfet, a décidé que, chaque fois qu'un élève serait scolarisé dans une autre ville sans avoir obtenu l'autorisation de son maire, il n'y aurait rien à payer. En revanche, en cas d'accord, le maire devra payer. M. le Président de la commission - C'est le bon sens. M. Jean-Pierre Blazy - Mais les maires subiront des pressions ! L'amendement 402, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jean-Pierre Blazy - L'amendement 393 est défendu. L'amendement 393, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté. M. Jean-Pierre Blazy - Il s'agit, par l'amendement 394, de favoriser la réussite des élèves, et de permettre la mise en place de dispositifs de veille éducative, sans limitation et de manière pérenne, sur tout le territoire, et en priorité dans les ZEP. Nous devons vraiment donner ces moyens, et pas seulement sur cinq années comme vous l'avez prévu. M. le Rapporteur - Avis défavorable. M. Gilles de Robien, ministre - Même avis, cette disposition est d'ordre règlementaire. L'amendement 394, mis aux voix, n'est pas adopté. M. Jean-Pierre Blazy - Les amendements 395 et 399 sont identiques. Les amendements 395 et 399, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés. M. Yves Durand - L'amendement 401 est défendu. L'amendement 401, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30. La séance est levée à 20 heures. La Directrice du service Le Compte rendu analytique Préalablement,
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