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L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins.
M. Jean-Pierre Giran, rapporteur de la commission mixte paritaire - La commission mixte paritaire s'est réunie le 21 février. Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des dispositions, mais j'en rappellerai brièvement l'esprit et les finalités. En réformant la loi du 22 juillet 1960 pour l'adapter à la décentralisation et à la création de parcs outre-mer, ce projet de loi conforte la conception française des parcs nationaux, où protection de la nature et maintien sur place des populations sont intimement liés.
Ce projet renforce la cohésion territoriale des parcs en unifiant leur périmètre autour d'un projet commun, matérialisé par une charte, et démocratise leur fonctionnement en associant davantage les acteurs locaux à leur gestion. Les parcs nationaux comporteront désormais, au-delà de leur cur - zone centrale réglementée - une aire d'adhésion dans laquelle sera menée une politique de développement durable, sur la base d'une démarche volontaire.
Quant à l'autre axe, la création de parcs naturels marins, notre assemblée, suivie en cela par le Sénat, a souhaité lui conférer un caractère plus ambitieux, en l'inscrivant dans la constitution d'un réseau national d'aires marines protégées et en élargissant à cette fin les missions de l'agence.
Le nombre réduit d'articles adoptés conformes – cinq – ne doit pas troubler notre assemblée. Les points d’accords sont en effet nombreux sur les sujets importants : composition du conseil d'administration ; affirmation du rôle du président de l'établissement public du parc national ; création d'un établissement public « Parcs nationaux de France » ; précisions apportées au contenu de la charte et aux modalités d'adhésion. Les amendements du Sénat sont de précision et les travaux de la CMP ont porté sur un nombre réduit de dispositions.
La CMP a validé la faculté pour l'établissement public du parc national de conclure des conventions avec des partenaires extérieurs pour la mise en uvre de la charte, mais a souhaité distinguer la nature des relations contractuelles selon le caractère de droit public ou privé des organismes concernés.
Le conseil scientifique – dont le rôle a été renforcé par notre assemblée – devra être consulté en formation plénière pour les travaux ou les activités ayant un impact notable sur le cur du parc national. Le CMP a estimé que la présence d’un parlementaire membre de droit du conseil d’administration des parcs nationaux n’était pas souhaitable, celle-ci pouvant avoir une traduction politique. La CMP a également voulu établir une distinction entre la limite d'âge, qui doit rester celle de droit commun, et la possibilité pour les présidents en exercice d’achever leur mandat.
A l'article 9, la réglementation de la pêche et la circulation en mer dans le cur d'un parc national ont fait l'objet de vifs débats et c'est à l'issue d'un vote extrêmement serré que la CMP a opté pour un pouvoir de proposition du directeur de l'établissement public aux autorités de l'Etat. Je regrette, pour ma part, que la commission n'ait pas voulu aller plus loin car, sur le terrain, il peut être nécessaire de disposer de pouvoirs de police afin de faire respecter la réglementation à plusieurs centaines de milliers de personnes.
M. François Rochebloine - Cela est valable dans tous les domaines !
M. le Rapporteur de la commission mixte paritaire – En outre, la commission a clarifié les dispositions relatives à la charte dans les départements d'outre-mer et réaffirmé l'obligation de compatibilité avec le schéma d'aménagement régional, ce qui était nécessaire pour répondre aux interrogations des acteurs locaux et indispensable pour le projet de parc des Hauts de la Réunion.
Les dispositions particulières au parc amazonien en Guyane font désormais l'objet d'un chapitre distinct, prenant en considération le rôle des autorités coutumières et les droits d'usage collectifs. S'agissant de la prévention du « biopiratage », la commission a modifié la procédure prévue pour l'accès aux ressources génétiques, afin de mieux partager les responsabilités entre conseil régional et conseil général.
Compte tenu de vos engagements, Madame la ministre, sur la préservation des rares espaces naturels en milieu urbain, la CMP a maintenu la suppression de l'article 11 ter. Elle a confirmé dans le même temps les dispositions relatives aux parcs naturels régionaux introduites par le Sénat, qu'il s'agisse de la faculté de proroger la validité de la charte, du régime indemnitaire applicable aux syndicats mixtes de gestion ou de la possibilité de confier à ces derniers l'élaboration d'un SCOT. La commission a en conséquence étendu l'intitulé du projet de loi aux parcs naturels régionaux, même si cela ne doit pas occulter la dimension emblématique des parcs nationaux.
Enfin, la commission a souligné son attachement au maintien d'une procédure nationale de recrutement des gardes-moniteurs, tout en reconnaissant la nécessité de mieux valoriser les connaissances des populations locales.
Ce projet assure un équilibre entre le renforcement de la protection des parcs nationaux et la démocratisation de leur fonctionnement. Je souhaiterais que le caractère consensuel des débats en première lecture puisse prévaloir aujourd’hui encore. Cela donnerait force et légitimité à ceux qui, demain, sur le terrain, appliqueront cette réforme. Un vote unanime célébrerait ainsi l’un des éléments les plus emblématiques de notre Nation, ses territoires d'exception (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).
M. Patrick Ollier, président de la commission mixte paritaire – Un consensus s’est fait jour au Parlement et il y a eu, sur tous les bancs de cette assemblée, une volonté d’aboutir à un texte équilibré. L’accord a été très facilement trouvé en commission mixte paritaire et je tiens à remercier l’ensemble des groupes politiques pour leur attitude responsable. Ils se sont en cela inscrits dans la droite ligne que vous avez montrée, Madame la ministre, avec beaucoup de courage et de clairvoyance, afin de régler une affaire en suspens depuis quatorze ans.
Celle-ci a eu pour point de départ une expérimentation que j’avais lancée lorsque j’étais président du parc national des Écrins. Nous avons ensuite essayé de surmonter les obstacles dressés par une administration têtue – M. Giran, président du parc de Port-Cros, peut en témoigner. Je tiens à remercier vos collaborateurs, Madame la ministre, qui ont fait preuve d’ouverture, d’objectivité et de responsabilité. Ils nous ont aidés à trouver les voies d’un accord permettant d’adapter les parcs nationaux à la décentralisation, de tenir compte avec davantage de réalisme des problèmes de terrain, et d’accéder à une mise en réseau international, grâce à la création des « Parcs nationaux de France ». M. le rapporteur Giran, avec son expérience à la tête du prestigieux parc de Port-Cros a, pour sa part, apporté sa note personnelle, avec beaucoup de compétence et de pugnacité.
Le statut des parcs nationaux date de 1960 et il était temps de l’actualiser. La logique de fonctionnement était beaucoup trop administrative. Nous avons fait en sorte de répondre à l’aspiration légitime des populations concernées, sans lesquelles le parc ne pourrait pas prospérer. Il leur appartient aujourd’hui de s’adapter aux temps nouveaux et de faire en sorte que grâce à des partenariats – rendus possibles par les chartes – ces parcs ne soient plus imposés de Paris, mais bien acceptés sur le terrain. C’est là toute l’ambition de ce texte.
D’autre part, chacun connaissant les problèmes d’entrée en vigueur des lois que nous votons, j’espère que vous aurez à cur, Madame la ministre, de publier rapidement les décrets d’application, qui sont d’une importance cruciale pour l’avancement des projets de la Réunion et de la Guyane, mais aussi des Calanques, parc d’un nouveau type défendu par notre collègue Guy Teissier.
Par mon amendement sur les parcs urbains, j’avais souhaité lancer un signal : il existe dans certaines villes une volonté de protéger les espaces naturels par des prescriptions particulières, différentes des documents d’urbanisme traditionnel, et destinées à sensibiliser les populations à la nécessité de sauvegarder notre patrimoine. Je n’ai pas souhaité réintroduire cet amendement en ma qualité de président de la CMP, car il me semble que mon message a été entendu. Un groupe de travail devrait être très rapidement constitué, et j’ai toute confiance en votre action, Madame la ministre.
Un mot enfin sur l’emploi : nous nous sommes tous battus pour que puisse être prise en considération l’expérience de terrain des candidats à la fonction de moniteurs gardes. Ce point me semblait important, car nous devons faire en finir avec les règles rigides imposées depuis Paris sans prise en considération des spécificités locales.
M. François Rochebloine - Très bien !
M. le Président de la commission mixte paritaire – J’ajoute que ces dispositions ouvriront des perspectives aux jeunes qui souhaitent rester « au pays », malgré la désertification qui touche nos vallées de montagne.
M. François Rochebloine - Très bien !
M. le Président de la commission mixte paritaire – Enfin, je vous remercie, Madame la ministre, d’avoir fait de ce projet sur les parcs naturels une réalité concrète et moderne, à la plus grande satisfaction de notre Assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable – Je me réjouis que la commission mixte paritaire ait parfaitement complété le travail d’une très grande qualité, mais aussi particulièrement serein et constructif, qui fut mené à l'Assemblée nationale les 30 novembre et 1er décembre 2005, puis au Sénat à la fin du mois de janvier.
Dès mon discours de présentation, j'avais appelé de mes vux un tel climat de travail, rappelant que les parcs nationaux touchent à un patrimoine qui nous est commun, au-delà des clivages politiques, et que ce qui nous rassemble au service de la préservation et de la gestion de ces espaces exceptionnels doit être plus fort que ce qui nous divise. Si chacun doit défendre avec passion sa propre vision dans un tel débat, je souhaitais que ce soit aussi avec mesure et respect. J’avais en outre précisé que je serais attentive à tout ce qui pouvait nous unir en améliorant le projet présenté par le Gouvernement.
Vous avez devant vous une ministre satisfaite, car le débat a parfaitement répondu à ses vux. Vous avez démontré qu'un débat parlementaire serein et constructif peut enrichir et conforter un projet du gouvernement, lui-même issu d'un excellent rapport rédigé par un parlementaire en mission. La qualité des contributions et des échanges, ainsi que leur hauteur de vue, ont largement participé à ce succès.
Je tiens à remercier tout particulièrement le rapporteur, Jean-Pierre Giran, qui a fait preuve d’une passion communicative, alliée à une vision claire et exigeante, et assise sur une grande expertise, fruit de ses investigations de parlementaire en mission et de son expérience en tant que président du conseil d'administration du parc national de Port-Cros et de président du collège des présidents de conseil d'administration de parc national. Je sais que M. Giran regrette de n'avoir pas été suivi par le gouvernement sur la question des pouvoirs réglementaires en mer, mais je tiens à le rassurer : les représentants de l'Etat en mer, qui se sont montrés extrêmement attentifs à ce débat et ont bien compris le niveau d'exigence, apporteront leur entier concours à l'ambition d'excellence du parc national de Port-Cros.
Saluons également le Président de la commission, Patrick Ollier, qui nous a fait bénéficier de ses intuitions, de son expérience et de ses convictions d’ancien président du parc national des Ecrins et d'ancien président du collège des présidents de conseil d'administration. J’ajoute que nos débats ont également profité de ses incontestables talents de président de commission et d'orateur. Si sa proposition de parc naturel urbain n’a pas été suivie par le Gouvernement, sans doute est-ce le propre des visionnaires que de se heurter au temps nécessaire pour réaliser toutes les expertises et convaincre les différents partenaires. Qu'il soit toutefois assuré que je n'oublie pas sa suggestion, et que je suis prête à me laisser convaincre.
Je veux également remercier l'ensemble des auteurs d'amendements et des orateurs qui se sont exprimés, confrontant leurs analyses de façon sereine et constructive, pour dégager ensuite une ligne politique claire, prospective et ambitieuse, que le gouvernement aura à cur de traduire dans la vie des parcs nationaux, des parcs naturels marins et des parcs naturels régionaux.
Nous avons abouti à un texte de grande qualité, dont je me réjouis qu'il puisse être entériné aujourd'hui. Si je le texte issu de la commission mixte paritaire n’a pas pu être adopté très vite, et je le regrette autant que vous, je tiens à vous assurer que le Gouvernement entend publier les décrets d'application avec la plus grande célérité. A ma demande, mes services ont d'ores et déjà élaboré des projets de décret sur lesquels les réunions de consultation avec les divers partenaires concernés ont déjà commencé.
La première réunion de travail, d'ailleurs positive, sur le projet de décret d'application sur les parcs nationaux a eu lieu le 8 mars 2006 avec le comité français de l'Union internationale pour la conservation de la nature – il importe en effet vérifier l'adéquation du projet de décret sur les parcs nationaux français avec les règles et standards internationaux. Je suis particulièrement heureuse de vous informer que les deux projets de décret sur les parcs nationaux et sur les parcs naturels marins ont été examinés le 13 mars, lors d'une première réunion avec l'ensemble des ministères concernés, et le 23 mars par le conseil national de protection de la nature. Monsieur Jean-Pierre Giran, qui siège de droit dans ce dernier conseil en tant que représentant des parcs nationaux, a pu constater à cette occasion que l'esprit de consensus qui a prévalu lors de vos débats s'étendait aux discussions sur les projets de décret. Par ailleurs, une première version du projet de décret sur les parcs naturels régionaux a été soumise à la concertation dès le 24 mars.
Ce calendrier serré doit permettre au Gouvernement de publier les décrets d'application de cette loi au tout début du mois de juillet, et de donner ainsi une base juridique ferme et stabilisée aux enquêtes publiques sur les projets de parc national des Hauts de la Réunion et de Parc Amazonien en Guyane.
Je suis enfin heureuse de vous informer que l'arrêté de prise en considération du parc amazonien en Guyane a été publié le 14 mars au journal officiel.
Une fois encore, je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de vos contributions à ce texte et du climat serein dont vos débats ont été empreints (Applaudissements sur divers bancs).
M. François Rochebloine - Je tiens à saluer mon ami et collègue Jean Lassalle, qui fut le brillant porte-parole de l’UDF sur ce texte.
M. le Président de la commission mixte paritaire – Et ancien président du Parc régional des Pyrénées !
M. François Rochebloine – Avec la même passion et le même courage, il défend aujourd’hui une autre cause, tout aussi juste - la survie de sa magnifique vallée, au péril de sa propre vie. Espérons qu’une solution sera rapidement trouvée.
Comment ne pas faire le lien entre ce combat et son travail sur ce texte ? Il s’agit dans les deux cas de défendre la vie de ce qu’il appelle son « coin », ainsi que celle des populations qui l’habitent et le façonnent. Les règles applicables doivent en effet tendre à la sauvegarde de leur patrimoine si fragile et de leur mode de vie si particulier.
C’est pourquoi je voudrais saluer le travail du Gouvernement : nombreuses sont les dispositions de ce texte qui visent à la préservation et à la mise en valeur des parcs, soit par la fixation d’objectifs à atteindre, soit par la réglementation des travaux et des activités. J’ajoute que les efforts déployés doivent tout naturellement être tournés vers la zone protégée, qui est le cur du parc.
Grâce à de telles mesures, les mentalités évoluent peu à peu, et les habitants peuvent recréer ou renforcer leurs liens avec leur environnement. Quand on parle de parc national, on pense à la nature sauvage, aux paysages magnifiques de la Prisonnière du désert, mais il ne faudrait pas oublier les hommes qui vivent dans ces territoires et qui concourent à l'existence, au développement et à l'enrichissement de cet environnement qui nous fait rêver.
Le groupe UDF a eu l’occasion de rappeler combien il était important de prendre en considération le plan local, même pour un parc national, et ce d'un point de vue environnemental, démographique et économique. C'était d'ailleurs l'une des raisons d'être de ce projet : les élus et la population se sentent souvent dépossédés de leur territoire par une organisation actuelle des parcs qui ne leur laisse que peu de place alors même qu'ils sont les principaux acteurs de leur gestion. Il s'agissait donc de toiletter les dispositions législatives de 1960 sur lesquelles repose l'organisation de ces parcs. On entend souvent parler des hommes qui salissent, gâchent, détruisent, mais les hommes savent aussi créer, mettre en valeur et protéger. Il faut faire confiance aux populations locales. Le groupe UDF, et plus particulièrement Jean Lassalle, ont défendu trois idées qui vont dans ce sens.
Tout d'abord, les parcs créés doivent rester à taille humaine. Permettre la création de parcs trop grands impliquerait en effet des arbitrages entre des intérêts trop divergents ce qui entraînerait une moindre efficacité. L'identification au territoire protégé est une variable primordiale dans sa défense et sa promotion. Nous nous réjouissons donc que l'amendement sénatorial prenant en compte la « continuité géographique » des communes pour leur participation à l'aire d'adhésion ait été retenu. Bien que son utilité diffère de celle du cur du parc, cette zone d’adhésion doit être intégralement tournée vers lui et doit donc regrouper des populations conscientes de ses besoins.
La vie des populations locales doit également être prise en considération. La création de ces parcs implique le maintien de la présence active de l'homme en assurant des conditions de vie décentes aux populations. Ces parcs peuvent ainsi être des outils au service d'un plus grand dynamisme économique ; ils ne doivent pas être des sanctuaires sous peine de contribuer à l'exode des populations - au contraire, ils doivent permettre la création d'emplois directs et indirects. La représentation des habitants au sein du conseil d'administration des parcs est donc une bonne chose.
Enfin, le rôle des élus locaux doit être vivement conforté car ils sont avec les habitants, les mieux à même de prendre les bonnes décisions et d'apporter des solutions efficaces et utiles pour les populations qu'ils administrent et l'environnement qu'ils protègent. Il convient donc de renforcer leur rôle et notamment l'initiative dont disposent les collectivités locales dans la conclusion de contrats avec les entreprises des communes et visant à les associer à la mise en uvre des orientations de la charte, en particulier si ces collectivités se sont organisées dans le but de développer des partenariats avec les parcs. Nous avions déposé des amendements en ce sens qui allaient un peu plus loin que le texte mais ils n'ont pas été retenus et nous le regrettons. Ce projet, néanmoins, va dans le bon sens, et nous le soutiendrons (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).
M. Jacques Desallangre - II y bientôt trois semaines vous annonciez, Madame la ministre, la réintroduction de cinq plantigrades slovènes dans les Pyrénées. Cette décision suscita l’hostilité d’une large partie des habitants des vallées concernées, à commencer par celle des bergers, légitimement inquiets pour leurs troupeaux. Ce débat est assez significatif de la façon dont, après deux siècles de développement économique particulièrement dévastateur pour notre environnement, nous cherchons à concilier respect de l’environnement – notamment la protection volontariste de la biodiversité – et développement des activités humaines.
Les parcs nationaux ont été créés en 1960 et recouvrent aujourd'hui à peine 0,01 % du territoire, essentiellement dans des zones montagneuses exceptionnelles par la richesse de leur faune et de leur flore, leur beauté, leur histoire et leur originalité. Incontestablement, ces parcs ont rempli leur mission et ils ont été préservées du bétonnage ou des dégradations diverses qui les menaçaient. Tout aussi évidemment, le cadre législatif de 1960 n’est plus adapté aux réalités d'aujourd'hui. D'autres régions, en effet, souhaiteraient créer des parcs nationaux et ces projets sont aujourd'hui bloqués. En outre, la loi de 1960 n'est pas exempte de certains travers. Elle a ainsi occulté la dimension culturelle des territoires protégés et elle a parfois contribué à ce que les parcs nationaux soient construits sous la seule impulsion de l'État, en méconnaissant les revendications des habitants et des élus. Si, avec le temps, la greffe a pris, il faut réduire les réactions de rejet qui surviennent parfois. Nous ne contestons donc pas l'opportunité de ce projet. Au cours de la discussion parlementaire, une de nos principales interrogations a d’ailleurs été levée : la distinction entre le cur des parcs et l’aire d'adhésion a bien été précisée. Nous approuvons évidemment la création de chartes de parcs nationaux qui favoriseront l'implication des élus dans la vie du parc et la prise en considération de leurs revendications. Mais parce que le cur des parcs sera bien soumis à autre logique juridique, les chartes ne pourront pas dénaturer l'esprit initial des parcs : la préservation d'un environnement exceptionnel.
Notre principale interrogation porte sur la composition des conseils d'administration des parcs nationaux. Cette question fondamentale est renvoyée en partie à l'article 6 et aux décrets de création de ces parcs. La loi précise simplement que les administrateurs représentant les collectivités territoriales et ceux choisis pour leur compétence locale détiennent la moitié au moins des sièges. Cette décentralisation tacite n'est pas sans danger : le renforcement du poids des élus locaux dans le conseil d'administration des parcs ne risque-t-il pas de fragiliser la dimension nationale de ces espaces ? N’existe-t-il pas en outre un risque de déclassement de ces parcs dans l'échelle de classement de l'UICN ? Enfin, en donnant aux représentants des intérêts locaux la majorité, ne risque-t-on pas, peu à peu, de fragiliser l'objectif premier de ces parcs : la protection d'espaces naturels exceptionnels ? N'oublions pas, en effet, combien les pressions sont parfois fortes pour remettre en cause ce patrimoine : les grands parcs nationaux sont souvent proches de grands massifs, donc de grands domaines skiables potentiels... Cette lourde responsabilité donnée aux élus locaux doit également être mise en perspective avec la politique de rationnement budgétaire des parcs poursuivie par le Gouvernement. Cette décentralisation n'est-elle pas aussi la conséquence de votre désengagement financier ? C'est parce que cet aspect du projet nous inquiète que nous, députés communistes et républicains, nous abstiendrons.
M. Jérôme Bignon – L’enjeu de ce débat était important et notre dialogue fut particulièrement constructif. Sans doute le devons-nous à la qualité du texte et des hommes qui ont participé à son élaboration mais aussi à la grande expérience de M. le rapporteur et de M. le président de la commission quant à la gestion des parcs nationaux.
Le texte de 1960 a certes permis de constituer un réseau de parcs important mais les nouvelles créations, depuis, n’ont guère été nombreuses. Le monde, évidemment, a beaucoup changé : la décentralisation a modifié notre manière d’appréhender la gestion de la vie locale, la gouvernance a également changé puisque la démocratie participative vient peu à peu compléter la démocratie représentative à laquelle nous sommes accoutumés ; la conservation écologique de la biodiversité a aussi suscité progressivement des prises de conscience nouvelles, et, enfin, il importe de mieux prendre en considération les besoins de l’outre-mer en matière de parcs nationaux. Ce projet, largement consensuel, tient compte de tous ces nouveaux aspects. Gageons que les décrets d’application sortiront vite et que nos efforts permettront la mise en place de nouveaux parcs, éléments essentiels de notre patrimoine.
Enfin la création d’un établissement des « Parcs nationaux de France » permettra de fédérer les politiques et de participer aux réseaux internationaux où la France, pays de la charte de l’environnement, a un message universel à diffuser.
J’insiste sur la deuxième partie du texte, car la France n’a pas une culture maritime. L’infini de la mer nous parle moins que la diversité des montagnes. La création de parcs naturels maritimes est donc très pertinente. Mieux encore, le Gouvernement a accepté d’instaurer, sur le modèle de l’établissement public des parcs nationaux, une agence des aires maritimes protégées. Avec 11 millions de kilomètres carrés d’espaces maritimes, soit vingt fois la superficie de la métropole, et un patrimoine colossal qui recouvre 60 % de la biodiversité, notre pays est la deuxième puissance maritime au monde. Il n’était que normal qu’il se dote d’un outil permettant de mettre en cohérence les politiques de protection de cet espace, qui ne concernent pour l’instant qu’une infime partie de sa superficie. Nous pourrons ainsi mieux gérer ce patrimoine, satisfaire à nos engagements internationaux et participer au réseau international des aires maritimes protégées.
Si mes informations sont bonnes, un projet de décret est en cours d’élaboration, et une commission nationale de concertation travaille déjà intensément, pour que ce décret sorte au plus vite. C’est donc avec une grande satisfaction que, après un travail positif, le groupe UMP votera cette loi. Il se tiendra à vos côtés et aux côtés de l’administration pour que son application soit un nouveau succès pour le Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).
M. Jean-Paul Chanteguet – Au moment où nous nous retrouvons pour adopter les conclusions de la CMP, il faut rappeler qu’en déposant ce projet le 26 mai 2005, le Gouvernement a déclaré l’urgence. Le Sénat examina le texte deux mois après l’Assemblée, il fallut encore trois semaines pour réunir la CMP, et le texte nous revient quatre mois après notre première délibération. C’est relativement long. La procédure d’urgence était-elle nécessaire ? Elle nous a pourtant, et c’est ce que je dénonce, privé des possibilités de débattre et d’amender en deuxième lecture.
Mais je me félicite du climat serein dans lequel nous avons travaillé, notamment grâce au rapporteur Jean-Pierre Giran, soucieux d’associer l’opposition à l’élaboration de cette loi. En outre, les craintes initiales de nombreux élus et protecteurs de la nature ont été en grande partie levées.
Ainsi les populations locales de l’aire d’adhésion pourront s’approprier le parc, grâce à une charte qui traduira un vrai projet de territoire. Désormais le conseil scientifique devra être consulté sur les travaux importants dans les parcs nationaux. La composition du conseil d’administration sera plus équilibrée, puisqu’aux côtés des représentants de l’Etat et des collectivités, siègeront des membres choisis pour leur compétence locale ou nationale, dont des représentants d’associations, des professionnels et des usagers. Le directeur sera aussi choisi de façon plus démocratique, puisque le ministre le désignera sur une liste de trois propositions établie par un comité de sélection paritaire sous l’autorité du président du conseil d’administration, lequel donnera son avis. Enfin, le Sénat a prévu que le recrutement des agents des parcs nationaux se fera aussi en fonction de l’expérience et des connaissances du patrimoine.
Grâce à la compréhension des deux rapporteurs, figure désormais dans le texte un chapitre consacré aux parcs naturels régionaux. Il précise le contenu de la charte de parc naturel, dont la validité passe de dix à douze ans. L’organisme de gestion d’un parc naturel régional émettra un avis sur l’élaboration ou la révision des documents d’aménagement et de gestion des ressources naturelles qui le concernent. Sont également fixées les conditions dans lesquelles le syndicat mixte d’un parc naturel régional exercera ses compétences dans l’élaboration, le suivi et la révision d’un schéma de cohérence territoriale.
Lors de votre de communication au conseil des ministres du 25 novembre dernier sur la protection de la biodiversité, vous avez, Madame la ministre, annoncé que deux mesures fiscales valables pour les sites Natura 2000 seraient étendues aux zones centrales des parcs nationaux, réserves naturelles, sites classés et espaces naturels remarquables du littoral. Il s’agit de la déduction des revenus fonciers des dépenses de restauration et de gros entretien à visée écologique et paysagère, et de l’exonération de trois quarts des droits de mutation sur les successions et donations entre vifs concourant à préserver la biodiversité.
S’agissant des parcs naturels marins, je ne peux que réitérer mes réticences. A quoi bon créer ce nouvel outil, alors qu’il existe déjà les zones de protection écologiques, les zones de cantonnement, les arrêtés de biotopes marins, les réserves naturelles marines, et les parcs nationaux ? Instrument réglementaire et centralisé, il sera difficile à utiliser. Il s’agit surtout à nos yeux d’une mesure d’affichage, et il est à craindre qu’il ne faille attendre bien longtemps avant que le premier ne soit créé.
A titre personnel, je me félicite de ce que le Sénat, dans sa grande sagesse, ait supprimé le chapitre sur les parcs naturels urbains.
M. le Président de la commission – Eh bien, merci, Monsieur Chanteguet !
M. Jean-Paul Chanteguet - Les espaces verts urbains ont avant tout une vocation récréative. Le collectivités ont déjà les moyens de les protéger dans les PLU et les SCOT. Certaines adoptent aussi des Agenda 21 qui permettent d’ajouter la protection de la nature et la conservation de la biodiversité aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager. Trop étendre l’appellation de parc naturel fait courir le risque de confusion – n’entend-on pas déjà parler de « parcs naturels nationaux » ?
Mais nous reconnaissons tous que ce texte comporte de nombreuses avancées. Ainsi, plusieurs projets de parcs nationaux vont pouvoir aboutir, comme ceux de Guyane et des Hauts de la Réunion. Il importe néanmoins que le décret d’application permette le maintien du classement des parcs nationaux français en catégorie II de l’UICN.
Je note d’ailleurs avec satisfaction qu’un projet de décret a déjà été soumis pour avis au comité français de l’union mondiale de la nature.
Pour autant, et comme les associations de protection de la nature, nous ne pouvons considérer que ce texte soit l’instrument d’une politique ambitieuse. Il manque à la France une véritable politique en faveur de la biodiversité. Bien sûr, Mme Bachelot a lancé une démarche stratégique en faveur de la diversité biologique et vous avez vous-même présenté les sept plans d’action sectoriels destinés à l’appliquer, mais est-il bien normal que la représentation nationale n’ait pas à débattre de la disparition de la biodiversité, la plus grande problématique environnementale après le réchauffement climatique ? En outre, l’évolution des crédits de la gestion des milieux et de la biodiversité est telle – diminution de 17% sur trois ans pour les parcs nationaux et de 19,6% pour les crédits de paiement des parcs naturels régionaux, stagnation des crédits pour les réserves naturelles après la baisse de 2004 – que l’objectif de dépasser les 0,05 % du budget est bien loin.
Le groupe socialiste, reconnaissant les progrès contenus dans ce texte mais tenant à dénoncer le manque de mobilisation et d’ambition de nos responsables politiques face à l’érosion de la biodiversité, s’abstiendra.
La Directrice du service
du compte rendu analytique,
Catherine MANCY
NEUF HEURES TRENTE : 1RE SÉANCE PUBLIQUE
Questions orales sans débat.
QUINZE HEURES : 2E SÉANCE PUBLIQUE
1. Questions au Gouvernement.
2. Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programme pour la recherche.
Rapport (n° 2945) de M. Jean-Michel DUBERNARD.
3. Discussion du projet de loi (n° 2154) autorisant l’adhésion au protocole modifiant la convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes.
Rapport (n° 2301) de M. Guy LENGAGNE, au nom de la commission des affaires étrangères.
4. Discussion du projet de loi (n° 2155) autorisant l’approbation du traité sur le droit des marques.
Rapport (n° 2362) de M. Jacques REMILLER, au nom de la commission des affaires étrangères.
5. Discussion du projet de loi (n° 2605) autorisant l’approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.
Rapport (n° 2875) de M. Bruno BOURG-BROC, au nom de la commission des affaires étrangères.
6. Discussion du projet de loi (n° 2785) autorisant l’approbation d’accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire.
Rapport (n° 2874) de M. Roland BLUM, au nom de la commission des affaires étrangères.
VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3E SÉANCE PUBLIQUE
Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 2870) modifiant la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.
Rapport (n° 2920) de M. Jean-Louis LÉONARD, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.
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