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L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de programme relatif à la gestion des matières et des déchets radioactifs.
M. François Loos, ministre délégué à l’industrie - L’énergie nucléaire est utilisée à des fins aussi variées que l’industrie ou la médecine nucléaires. Comme les autres activités, celles-ci produisent des déchets, qu’il convient de gérer avec la plus grande rigueur.
Pour 85 % de ces déchets, des solutions définitives existent : ils sont stockés en surface sur des sites exploités par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, dans les départements de la Manche – où le site, recouvert, est entré en phase de surveillance – et de l’Aube – où les sites sont actuellement exploités.
Les 15 % restants, qui concentrent 99 % de la radioactivité, sont entreposés de façon sûre dans des installations de surface à La Hague, Marcoule et Cadarache. Celles-ci, toutefois, n’ont pas été conçues pour stocker définitivement ces déchets, dont la radioactivité peut durer des centaines de milliers d’années.
La recherche de solutions de gestion à long terme est nécessaire, quelle que soit la place qu’occupera le nucléaire en France : il nous appartient de gérer les déchets produits depuis quarante ans. Les mêmes questions se sont posées aux Etats-Unis, en Finlande, en Suède, en Allemagne et les mêmes types de démarches ont été engagés.
Pour définir des solutions de gestion à long terme des déchets à vie longue, la loi du 30 décembre 1991 – dont je salue le rapporteur, Christian Bataille – a fixé les trois seuls axes possibles de recherche, écartant l'envoi dans l'espace, trop hasardeux, et l'injection dans les failles de subduction sous-marine, exclue par les conventions internationales.
Le premier axe vise à réduire le volume et la toxicité des déchets en séparant les produits et en transformant les éléments radioactifs à durée de vie longue en éléments radioactifs à durée de vie plus courte dans de nouveaux réacteurs nucléaires. Il suppose de développer une nouvelle génération d'usines de traitement et une nouvelle génération de réacteurs nucléaires. Cet axe – appelé séparation–transmutation – est étudié à Marcoule.
Le deuxième axe, l’étude du stockage, irréversible ou réversible, des déchets en couche géologique profonde, est exploré notamment par le laboratoire de Bure, à la frontière de la Meuse et de la Haute-Marne, dans une couche géologique vieille de 150 millions d'années, profonde et stable.
Le troisième axe – également étudié à Marcoule – qui concerne l'étude de procédés de conditionnement et d'entreposage de longue durée des déchets, vise à développer des installations capables de conserver les déchets en surface de façon sûre pendant 100 à 300 ans, contre 50 à 100 ans actuellement. L’entreposage n’est toutefois pas définitif et au terme de sa durée de fonctionnement, les déchets doivent être retirés.
La loi Bataille avait prévu que le Gouvernement présenterait un nouveau projet de loi pour tirer le bilan de ces recherches avant le 30 décembre 2006. Grâce à l'implication exemplaire des établissements de recherche et de leurs évaluateurs, nous sommes au rendez-vous. Nous nous sommes fondés sur les résultats des recherches, mais aussi sur les rapports des établissements de recherche, ainsi que sur les avis rendus par les organismes indépendants, comme le Commissariat à l'énergie atomique et l'ANDRA. Ces derniers ont coordonné les recherches, auxquelles ont contribué de nombreuses équipes scientifiques françaises et étrangères, et m’ont remis le 30 juin 2005 les rapports de synthèse.
Ces recherches ont été soumises à la Commission nationale d'évaluation, créée par la loi de 1991, et leurs résultats confrontés aux meilleures connaissances internationales : deux revues ont ainsi été organisées sous l'égide de l'OCDE. L’Autorité de sûreté nucléaire a, quant à elle, émis un avis. Je veux souligner l'apport précieux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, notamment au travers du rapport de MM. Birraux et Bataille, adopté en mars 2005.
Un débat, organisé de façon remarquable par la Commission nationale du débat public au dernier trimestre 2005…
M. Jean-Louis Dumont - Excellent Georges Mercadal !
M. le Ministre délégué - …a permis à nos concitoyens de s'informer et d'exprimer leurs préoccupations, et a contribué à éclairer le Gouvernement. Enfin, nous avons reçu l'avis du Conseil économique et social.
En premier lieu, ce projet de loi institue un plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs, qui inclura non seulement les déchets de haute activité et à vie longue mais aussi toutes les autres substances radioactives issues des activités nucléaires : sources scellées utilisées dans la radiographie, déchets issus des activités militaires ou anciens paratonnerres au radium. La commission propose de le compléter encore en y ajoutant les résidus miniers et les déchets graphites issus des centrales de première génération, ce dont je me félicite.
Ce projet fixe trois principes essentiels qui fonderont ce plan. Tout d’abord, afin de rechercher la réduction de la quantité et de la nocivité des déchets, les combustibles nucléaires usés issus des centrales électriques seront traités pour être recyclés dans des centrales. Ensuite, les déchets qui ne peuvent être recyclés seront conditionnés dans des matrices robustes et stables et entreposés temporairement en surface. Enfin, après entreposage, les déchets ultimes qui ne peuvent pas être stockés définitivement en surface ou en faible profondeur seront placés dans un stockage en couche géologique profonde qui devra être réversible pendant au moins cent ans.
Notre génération, qui bénéficie de l’énergie nucléaire, a le devoir de définir des solutions sûres et de long terme pour tous les déchets radioactifs. Avec le traitement des combustibles usés, le conditionnement et l’entreposage en surface pour refroidissement des déchets et, enfin, leur stockage géologique réversible, nous choisissons une solution sûre.
Autre grand principe : le projet confirme l’interdiction de stocker en France des déchets étrangers et renforce la législation en la matière. Il prévoit que le traitement des combustibles usés en provenance de l’étranger sera encadré par des accords intergouvernementaux qui fixeront des délais limités pour l’entreposage de ces matières et des déchets qui en sont issus après traitement. Ces délais seront fixés au cas par cas en fonction des contraintes techniques liées au traitement et au transport de ces substances. Le projet crée un régime de contrôle et de sanctions qui n’avait pas été prévu en 1991. La commission propose que les accords intergouvernementaux soient publiés au Journal officiel : c’est une exigence de transparence qui s’impose.
En second lieu, le projet fixe un programme de recherches et de travaux, assorti d'un calendrier, pour mettre en uvre ce plan national de gestion des matières et déchets radioactifs. Les recherches seront poursuivies sur les trois axes, selon leur degré de maturité respectif : l’entreposage est déjà une réalité industrielle mais on peut encore l’améliorer pour concevoir des installations dont on pourrait garantir des durées de fonctionnement plus longues. Le stockage dans la couche géologique a été reconnu par les évaluateurs scientifiques que vous aviez désignés en 1991 comme la solution technique de référence. L’ANDRA a d’ailleurs démontré sa faisabilité et cette démonstration a été vérifiée par les expertises nationales et internationales. L’Agence aura néanmoins besoin de quelques années pour conforter les études, tester des maquettes à l’échelle 1, choisir un site précis et déposer une demande d’autorisation de construction. La transmutation, quant à elle, reste un objectif à plus long terme puisqu’il faut développer une nouvelle génération de réacteur nucléaire pour pouvoir aller encore plus loin dans le recyclage des combustibles et la réduction des déchets ultimes. Un prototype de réacteur de quatrième génération sera mis en service vers 2020. Les trois axes sont complémentaires et il n’y a pas lieu de les opposer. Chacun a son utilité, mais pas au même moment ou pour les mêmes déchets. La loi tire ainsi un bilan des quinze années de recherches scientifiques et fixe des orientations pour la poursuite des recherches et études jusqu’à la réalisation d’installations. La commission, partageant ce souci de complémentarité, propose de préciser la date à laquelle de nouvelles capacités d'entreposage de longue durée devront être créées, ce qui me paraît opportun.
En troisième lieu, le projet renforce l'évaluation indépendante des recherches, l'information du public et la concertation. L’indépendance de la commission nationale d'évaluation est réaffirmée, sa composition élargie et ses prérogatives renforcées. Elle continuera de rendre chaque année un rapport public sur le programme de recherche. Le comité local d'information et de suivi est maintenu mais devra s'adresser davantage au grand public : sa mission est précisée, sa présidence confiée au président du conseil général et son financement devient indépendant des producteurs de déchets. Le projet prévoit que le stockage pourra être autorisé par décret après avis de l'Autorité de sûreté nucléaire, débat et enquête publics et avis des collectivités locales concernées. Aucune installation industrielle ne fait l'objet d'une procédure aussi complète. La décision effective de construction d'un centre de stockage ne pourra intervenir que lorsque toutes les conditions de sûreté et de consultation prévues auront été remplies. D'ici là, des entreposages sûrs continueront d'accueillir les déchets. Dans le cas où les études menées dans les prochaines années mettraient en évidence une difficulté technique, ce que je n'ai aujourd'hui aucune raison de penser, ces entreposages continueront de jouer ce rôle pendant le temps nécessaire. Nous continuerons et renforcerons les évaluations indépendantes, l'information et la concertation pour permettre à chacun de se faire son opinion et de s'assurer de la sûreté des solutions proposées. Dans cet esprit, j'ai souhaité que le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs ainsi que l'inventaire national de ces substances soient régulièrement mis à jour, transmis au Parlement et rendus public. Conformément à nos institutions, la décision individuelle d'autorisation de création d'un stockage géologique réversible devra revenir au Gouvernement. La discussion nous donnera l'occasion d'approfondir ce point. Le projet prévoit que cette autorisation de création devra fixer une période de réversibilité qui devra être au moins de cent ans. Le stockage réversible offrira aux générations suivantes le choix de laisser définitivement les déchets dans le stockage, ce qui est la vocation générale d’un stockage, ou de les en retirer si des révolutions scientifiques leur permettaient de concevoir de nouvelles solutions de gestion. Le stockage réversible, c’est à la fois la pérennité et la réversibilité.
En inscrivant ce programme de recherches, d’études et de réalisations dans un calendrier d’objectifs, nous avançons dans la mise en uvre de gestions sûres et pérennes pour chaque type de déchet radioactif et ce de façon contrôlée aux plans technique, administratif et financier. Face à des durées si longues, nous devons éviter deux écueils : la précipitation et l’indécision. En décidant cette feuille de route, nous nous gardons de l’attitude facile consistant à toujours poursuivre les recherches sans jamais en faire le bilan ; en inscrivant le programme dans la durée, nous nous gardons d’aller trop vite.
En dernier lieu, le projet apporte les outils nécessaires pour financer la gestion des déchets et le démantèlement des installations nucléaires. Deux taxes additionnelles sur les exploitants d'installations nucléaires financeront les recherches sur la gestion des déchets radioactifs et les actions de développement économique dans les départements concernés. Jusqu'à présent, elles étaient financées par des conventions volontaires signées par les industriels. À l'avenir, ces moyens seront financés par les mêmes industriels mais au travers d'une taxe dont le niveau sera déterminé par la loi de finances. L'accompagnement économique avait été introduit par la loi de 1991 pour marquer la reconnaissance de la nation à l'égard de ces départements. Il devra être poursuivi dans la transparence et dans l'efficacité mais sans ostentation. Aux yeux de nos concitoyens, c’est évidemment la protection de leur santé et de l'environnement qui priment. Le débat public a montré que l'accompagnement économique venait après dans leurs préoccupations mais qu'il restait néanmoins très attendu. Cela ne doit pas nous surprendre : même rassuré sur la sûreté des solutions proposées, on peut encore naturellement préférer que le stockage soit réalisé chez le voisin plutôt que chez soi et demander un accompagnement économique. Au-delà des coûts de la recherche, le projet contient un dispositif de sécurisation du financement des charges de démantèlement et de gestion industrielle des déchets. En raison des montants en jeu – plus de 30 milliards d'euros provisionnés dans les comptes d'EDF, d'AREVA et du CEA selon un rapport de la Cour des comptes – et de l'éloignement de certaines dépenses, cette sécurisation est primordiale. Le coût du stockage lui-même est estimé à environ quinze milliards en valeur brute et quatre milliards en valeur actualisée. Les industriels du nucléaire devront non seulement évaluer périodiquement et prudemment l'ensemble de leurs charges nucléaires – et constituer les provisions correspondantes – mais également disposer d'actifs financiers pour couvrir intégralement ces provisions. Ces actifs seront affectés exclusivement à la couverture des frais de démantèlement et de gestion des déchets, ce qui signifie qu'ils ne pourront être utilisés pour aucun autre objet par les exploitants et ne pourront faire l'objet d'une quelconque revendication par un créancier. Par ailleurs, ces actifs devront avoir un degré de sécurité, de diversification et de liquidité suffisant. Le contrôle de ces dispositions sera assuré par les pouvoirs publics.
Certains amendements tendent à transférer à l'État la responsabilité des déchets et du même coup à créer un fonds externe pour gérer les fonds nécessaires. Je ne doute pas qu’ils procèdent d'une bonne intention en visant non pas à reporter sur l'État les risques financiers qui pèsent sur les industriels mais à sécuriser les fonds nécessaires, quelle que soit la fortune réservée aux industriels. La discussion me permettra de vous démontrer que le projet apporte toutes les sécurités nécessaires au financement du démantèlement et de la gestion des déchets tout en évitant de reporter sur l'État le risque financier inhérent à des projets de si grande ampleur. La commission propose de renforcer encore ces sécurités en créant une nouvelle commission indépendante pour l'évaluation du dispositif de financement des charges nucléaires mis en place. Le coût prévisionnel de la gestion des déchets est déjà dans le prix de l'électricité. Sur la facture moyenne d'électricité d'un foyer, le coût de la gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs représente 5 % du coût de production, soit 10 euros par an. Bien gérées, les sommes ainsi collectées pourront financer, le moment venu, les charges de long terme. Si le coût final devait être revu par rapport aux prévisions, ce serait encore aux producteurs de déchets de payer la différence, non à l'État. C'est l'avantage du fonds interne.
Avec ce projet, le Gouvernement vous propose d'apporter une solution définitive, pour reprendre les termes de l'amendement n° 3, au problème des déchets radioactifs, mais de prendre le temps nécessaire pour la mettre en oeuvre. Nous vous proposons de fixer le cadre, les étapes et les moyens de la gestion de ces déchets en suivant les trois axes de recherche fixés par la loi de 1991. Quatre jours pleins ont été réservés pour l'examen de ce texte par votre assemblée. Je souhaite que nous disposions de tout le temps nécessaire.
M. Jean-Louis Dumont - Très bien.
M. le Ministre délégué - Notre objectif est clair, et je crois qu'il est partagé par grand nombre d'entre vous : le texte doit être voté avant la fin de la session.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Très bien.
M. le Ministre délégué - L'industrie nucléaire procure des avantages importants à notre pays en réduisant notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles importées, en produisant 80 % de notre électricité à un coût compétitif et en participant à la maîtrise de nos émissions de gaz à effet de serre. Grâce à cela, nous émettons par habitant 40 % de CO2 de moins que nos voisins allemands ou danois, dont certains vantent le modèle énergétique. Elle occupe une place importante dans notre politique énergétique à côté des énergies renouvelables et des économies d'énergie, qui bénéficient sous ce gouvernement d'un soutien sans précédent : près de 1 milliard par an. Avec cette loi, ce gouvernement vous propose de prendre nos responsabilités. L'énergie, sous forme de carburants, de chaleur ou d'électricité, irrigue toutes les activités économiques et sociales. L'électricité est essentielle pour nos entreprises comme pour nos concitoyens. Nous devons en gérer toutes les conséquences sans reporter les questions sur les générations futures. C'est aussi cela le développement durable. C'est dans cet esprit de responsabilité que nous vous proposons cette loi. C'est aux scientifiques de trouver des solutions sûres, aux experts indépendants de les évaluer et à l'État de prendre les décisions. Avec ce projet, c'est ce que le Gouvernement vous propose de faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. Jean-Louis Dumont - Intéressant !
M. Claude Birraux, rapporteur de la commission des affaires économiques - Quinze ans après le vote à la quasi unanimité de la loi sur la gestion des déchets radioactifs de haute activité, nous sommes fidèles au rendez-vous fixé. Il est vrai qu’un investissement considérable de près de 2,5 milliards a été effectué entre 1992 et 2004, financé principalement par les producteurs de déchets.
Jamais une loi n’a fait l’objet d’autant de discussions, de contributions scientifiques et d’évaluations d’origine différente. Le Parlement, en l’occurrence, a joué un rôle prépondérant. D’abord à travers la loi de 1991, inspirée du rapport de Christian Bataille adopté en 1990 par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. De 1992 à 2001, l’Office parlementaire a produit six rapports puis un dernier, adopté en mars 2005, qui a contribué à préparer ce projet. La commission nationale d’évaluation a joué, au long de ces quinze années, un rôle d’aiguillon en toute indépendance et je tiens à rendre hommage à son président, Monsieur Tissot, et à ses membres. La commission particulière du débat public a organisé utilement le débat qui a révélé les attentes de nos concitoyens. Les organismes de recherche ont mis à la disposition du Gouvernement tous les rapports nécessaires pour qu’il prenne ses décisions, et je rends hommage à tous les scientifiques qui ont participé avec enthousiasme à cette aventure, pour ce travail qui s’est traduit par une centaine de publications dans de grandes revues internationales et 40 thèses.
La loi de 1991 prévoyait d’avancer sur trois axes de recherche qui semblaient s’exclure l’un l’autre, le stockage géologique, probablement irréversible, apparaissant comme la solution à retenir. Aujourd’hui, nous proposons, au vu des résultats, de continuer la recherche sur les trois axes, qui sont désormais complémentaires, et cette fois avec un souci de convergence industrielle. La commission a adopté des amendements pour fixer des objectifs, des étapes et des dates de rendez-vous à ce propos.
Pour reprendre les axes de recherche, en ce qui concerne la séparation, les travaux ont beaucoup avancé et il est important de pouvoir transmuter les actinides mineurs en radioéléments dont la période radioactive est beaucoup plus courte. Ensuite, il a été démontré scientifiquement que la transmutation est possible, ce que l’on ne savait pas en 1991. Il faudra pour cela des installations spécifiques et la loi d’orientation pour l’énergie en tient compte. Le Président de la République a lui-même déclaré que les générateurs de génération IV devaient voir le jour à partir de 2020 ; ils pourraient servir à la transmutation, qui est possible également dans des réacteurs pilotés par accélérateur. Enfin, sur le stockage réversible en couche géologique profonde, nous avons obtenu des résultats considérables grâce aux travaux menés au laboratoire de Bure et à ceux de l’ANDRA en Suisse, en Belgique et en Finlande. Il est donc démontré que l’on peut pratiquer un entreposage pour au moins cent ans. Quant aux déchets radioactifs, qui proviennent en premier lieu de l’exploitation nucléaire, mais sont aussi des déchets « orphelins » d’activités médicale, industrielle ou de recherche, le plan national que valide le projet permettra de les gérer par filière de façon exhaustive et transparente.
Je voudrais souligner que le Parlement, qui a joué un rôle clé dans l’élaboration de la loi de 1991, a continué depuis lors à le jouer pour le contrôle et l’évaluation. Des amendements votés, ou encore à voter, par la commission, consacrent ce rôle dans le processus démocratique en particulier en ce qui concerne les garanties sur la réversibilité et sur le contrôle de l’évaluation des fonds dédiés.
En second lieu, les départements qui ont accueilli le laboratoire et accueilleront peut-être le centre de stockage, doivent bénéficier de la solidarité nationale au travers des groupements d’intérêt public.
M. Jean-Louis Dumont - Oui, et le respect de la nation !
M. le Rapporteur – Mais cela ne suffit pas. Les industriels du nucléaire doivent aussi contribuer au développement économique de la Haute-Marne et de la Meuse, et nous avons voté une obligation de transparence à ce sujet. Nous avons aussi trouvé des pistes pour valoriser les résultats de la recherche à Bure, comme ce fut le cas à Marcoule, dans une sorte de vitrine technologique et scientifique dont les habitants pourront être fiers.
Enfin, je remercie le Président Ollier et les membres de la commission dont les contributions permettront d’aboutir à un texte équilibré sur les trois axes définis par la loi de 1991, et qui sont désormais complémentaires. La loi de 2006 vise à poursuivre la recherche mais fixe aussi, cette fois, des objectifs de convergence industrielle, avec des rendez-vous précis.
En dernier lieu, je souligne que notre démarche est éthique. Elle l’est grâce à la recherche, qui seule permet d’appliquer le principe de progrès continu. Elle l’est ensuite grâce au fonds dédié, le Parlement assurant le contrôle de son évaluation dans la transparence. Nous avions proposé un fonds dédié externe. Selon la Cour des comptes, ce n’est pas possible dans la comptabilité des entreprises. Je me suis donc rangé à la proposition du Gouvernement de créer un fonds dédié interne. Je propose même d’en créer un second pour la construction et le fonctionnement des installations d’entreposage, avec une commission d’évaluation financière qui donnera un rôle central au Parlement.
M. Jean-Louis Dumont - Très bien !
M. Claude Gatignol - Il est important que le Parlement soit présent.
M. le Rapporteur – Enfin, notre démarche est éthique car le Parlement garantira la réversibilité pour laisser aux générations futures la possibilité de prendre d’autres choix.
La commission demande à l’Assemblée d’adopter ce projet. Elle exprimera ainsi sa confiance dans l’avenir, dans le progrès de la science et sa foi inébranlable dans le rôle l’institution parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur certains bancs du groupe socialiste)
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Dans ce débat de société essentiel, nous faisons confiance à ceux qui ont toujours approché ce sujet avec prudence sur le plan scientifique, ceux qui dans cet hémicycle en ont toujours traité dans un climat consensuel : le projet que nous examinons succède à la loi « Bataille » de 1991, et M. Bataille siège aujourd’hui sur les bancs de l’opposition. Je souhaite que, sur un sujet de cette importance, le débat reste consensuel.
Le texte prévoit la mise en service, à l’horizon 2025, d’installations de stockage qui fonctionneront pendant environ un siècle. C’est un temps qui ne nous appartient pas. Il s’agit pour nous de faire uvre de pédagogie, d’informer et de rassurer les citoyens. Il ne faut pas donner l’impression de vouloir aller vite. Dès lors, pourquoi avoir déclaré l’urgence sur ce texte ? Au nom de la commission, je vous demande de laisser le temps au débat …
M. Jean-Louis Dumont - Très bien !
M. le Président de la commission - …et si le consensus se confirme, de le laisser se poursuivre, sans réunir la CMP.
M. Jean-Louis Dumont - C’est nécessaire !
M. le Président de la commission - Mais nous laisserons le ministre répondre.
M. Jean-Louis Dumont - Il va vous entendre !
M. le Président de la commission - Ce projet s’inscrit dans le prolongement de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique, qui confirme le maintien de la filière nucléaire, et du projet relatif à la transparence et à la sécurité nucléaire que nous avons adopté en première lecture le 29 mars. Ainsi, au cours de cette législature, nous aurons défini nos objectifs, et créé un cadre juridique d’ensemble régissant les activités nucléaires, y compris pour l’aval du cycle. Il s’agit également d’une avancée démocratique majeure.
Je tiens à souligner le travail remarquable accompli sur cette longue période par M. Birraux, en équipe avec M. Bataille ou M. Le Déaut, pour pousser, avec la pugnacité que nous lui connaissons, le Gouvernement à aller vers la transparence que nous souhaitons tous.
Je reviens sur les questions posées en commission pour essayer de trouver les voies du consensus. D’abord, avant d’autoriser la création d’un centre de stockage en couche géologique profonde, vers 2015, il est nécessaire de fixer un nouveau rendez-vous parlementaire et la commission considère qu’il doit figurer dans le texte – nous faisons pour cela confiance au rapporteur – afin d’apaiser toutes les inquiétudes. Je reconnais qu'il est difficile de l’organiser, eu égard à nos règles constitutionnelles ; je fais confiance au ministre et au rapporteur pour éviter toute inconstitutionnalité.
En ce qui concerne l'accompagnement économique et social, vous avez dit en commission, Monsieur Bataille, qu'il convenait de choisir la formule la plus favorable aux territoires concernés. Nous sommes d'accord, sous réserve, bien entendu, que l'objectif soit de créer de l'activité et de l'emploi dans ces territoires, comme le demandent leurs élus, et non simplement d'y distribuer de l'argent.
S’agissant enfin du financement des charges de démantèlement et d'aval du cycle, nous sommes aussi tous d'accord sur l'objectif, même si nous divergeons sur les moyens : ces charges, que les consommateurs d'électricité financent déjà à travers les tarifs qu'ils paient, ne doivent en aucun cas revenir à l'État – donc aux contribuables. Le projet de loi le garantit, grâce à un système d'actifs dédiés, qui existe déjà en Allemagne ou au Royaume-Uni ; soyez-en remercié, Monsieur le ministre. Je suis sûr que le débat nous permettra d’aboutir sur ce sujet à un accord général.
Ce projet réjouit ceux qui, comme moi, sont favorables à l’industrie nucléaire car il va contribuer à notre indépendance énergétique, à la maîtrise du coût de notre énergie et au respect de nos engagements internationaux sur les émissions de gaz à effet de serre. Mais, je le dis sans esprit polémique, chacun peut constater qu’il gêne profondément les adversaires idéologiques du nucléaire : je suis consterné par l’absence de nos collègues Verts, qui se sont déjà fort peu montrés lors de la discussion du projet sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire. Aucun d’entre eux n’a participé à nos travaux en commission, et aucun n’est présent ce matin. Il y a loin du discours dans les meetings politiques aux actes…
M. Guy Geoffroy - Courage, fuyons ! C’est de l’abandon de poste !
M. le Président de la commission - Personne ici ne refuse le débat. Au contraire, nous le revendiquons.
M. Jean-Louis Dumont - Dans le temps…
M. le Président de la commission – Certes, Monsieur Dumont, dans le temps, afin de parvenir au plus large consensus possible, même si nous ne pouvons pas être d’accord sur tout. Seul le débat permet d’affronter les arguments et d’enrichir la réflexion. Si donc M. Mamère nous interpelle avec force sur le caractère antidémocratique de notre démarche, je m’interroge pour ma part sur la conception que se font de la démocratie ceux qui refusent le débat…
Je veux en revanche rendre hommage à tous les groupes, de la majorité comme de l’opposition, pour le travail constructif qui s’est fait en commission. Vous avez, chers collègues, fait preuve de votre sens des responsabilités ; entrer dans un débat sérieux est plus difficile que de se livrer à des vindictes démagogiques… Je souhaite que nous poursuivions ce travail dans l’hémicycle. Une grande convergence de vues étant apparue en commission quant aux objectifs, les seuls désaccords qui subsistent sont de nature essentiellement technique.
Monsieur le ministre, je tiens à vous rendre hommage aussi, ainsi qu’à vos services, car en faisant preuve d’ouverture vous nous avez permis d’avoir ce débat apaisé.
Puisque les choses se passent ainsi, faut-il aller aujourd’hui au-delà de la discussion générale et de la motion de renvoi en commission ? Je suggère qu’après celle-ci, nous interrompions nos travaux pour n’aborder la discussion des articles que la semaine prochaine, car je me fie au sens des responsabilités dont chacun ici continuera de faire preuve dans la suite du débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. le Ministre délégué – En réponse à l’appel de M. Dumont, j’indique que je suis aujourd’hui exactement dans le même état d’esprit que lorsque vous m’avez auditionné en commission ; il n’est pas du tout dans mon intention d’user de la procédure d’urgence en provoquant rapidement la réunion d’une CMP. Sur un sujet qui engage ainsi l’avenir, je vous laisserai le temps d’un débat approfondi.
M. le Président de la commission - Merci, Monsieur le ministre.
M. le Ministre délégué – Néanmoins, la qualité de vos travaux devrait nous permettre d’aboutir à un texte définitif avant la fin de la session (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. Christian Bataille - Très bien !
M. le Président – Conformément à l’article 69 de la Constitution, le Conseil économique et social a désigné Mme Anne Duthilleul, rapporteure de la section des activités productives, de la recherche et de la technologie, pour exposer devant l’Assemblée l’avis du Conseil sur ce projet.
Mme Anne Dithilleul, rapporteure du Conseil économique et social - C’est bien sûr un grand honneur pour moi de présenter à cette tribune l’avis du Conseil économique et social, que le Gouvernement avait saisi de ce projet le 15 février dernier en lui demandant de fournir un avis avant la fin du mois de mars. Nous nous sommes efforcés de relever ce défi sans rien obérer de notre travail de réflexion.
Grâce aux travaux parlementaires menés depuis plus de quinze ans, ce projet a déjà une histoire, ce qui a facilité nos travaux. Sans reprendre le contenu détaillé de l’avis, j’en soulignerai les points essentiels, en signalant les changements déjà introduits par le Gouvernement dans le projet qui vous est soumis.
Le sujet, soigneusement encadré par la loi du 30 décembre 1991, dite loi Bataille, est technique, complexe et sensible. Il est clair pour nous que les mêmes principes doivent continuer à prévaloir : évaluation technique et scientifique, clarté et progressivité des travaux, contrôle démocratique exceptionnel.
Sur le plan technique et scientifique, vous êtes bien placés pour savoir que le développement des études et recherches s’est poursuivi pendant quinze ans sur les trois axes fixés par la loi de 1991 et a donné lieu à évaluation régulière et contradictoire par nombre d’instances ; l’objectif était d’éviter les choix précipités, et le résultat est probant. Le Conseil insiste sur la nécessité de poursuivre les recherches et études sur ces trois axes, en s’appuyant sur les compétences acquises, même si le rôle de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs est étendu en vue d’une meilleure coordination. En termes de programme, l’article premier du projet reste implicite sur ce point, mettant toutefois bien sur le même plan les différents axes de recherche et étude, dont aucun ne doit être abandonné à ce stade. La démarche d’évaluation sera renforcée par l’apport des sciences morales et politiques au sein de la Commission nationale d’évaluation.
Clarté et progressivité des opérations, ensuite. Ces sujets sont complexes à gérer et nécessitent toute une série de dispositions législatives ou réglementaires d’organisation et d’orientation. À cet égard, ce projet découle de la volonté politique de traiter les questions non encore tranchées à mesure que cela devient possible, par une démarche progressive, et de ne pas laisser cette charge aux générations suivantes – ce que nous approuvons. De ce point de vue, nous avons relevé bon nombre d’avancées et quelques imprécisions ou lacunes.
Au nombre des avancées figurent l’élargissement du champ de la loi à la gestion de toutes les matières radioactives, et non des seuls déchets radioactifs de haute activité et à vie longue, et la mise en place d’un plan national de gestion, présenté tous les trois ans au Parlement. D’autres avancées résident dans la clarification du principe de non-importation des déchets radioactifs étrangers sauf pour un délai nécessaire au traitement et à la recherche, le financement pérennisé des études et recherches d’une part et d’autre part du développement économique autour des sites de recherche et de stockage souterrain éventuels, l’approvisionnement et la couverture, par des actifs réservés et cantonnés en cas de faillite dans les comptes des opérateurs, des montants nécessaires à très long terme pour le démantèlement et la gestion des déchets des installations nucléaires actuelles. Ainsi, ce texte permet de répondre à de nombreuses questions laissées en suspens en 1991. Par ailleurs, les définitions introduites dans la loi sont utilement précisées de même que la notion de réversibilité du stockage géologique profond, auquel est assignée une durée longue d’au moins cent ans conformément à nos recommandations. En outre, la coordination des études sur l’entreposage est clairement confiée à l’ANDRA. La référence au plan national de gestion des matières et déchets radioactifs permettra de mieux traiter des sujets tels que le conditionnement et la réversibilité qui offrent des synergies entre les deux modes de dépôt des déchets ultimes sans préjuger des choix futurs.
Cependant, ce texte comporte quelques imprécisions et lacunes. Premièrement, quelle sera l’institution chargée d’élaborer le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs ? Pour le Conseil économique et social, ce pourrait être l’ANDRA sous l’autorité du ministre chargé de l’énergie, étant entendu que le plan serait adopté par décret interministériel, ce qui constituerait une avancée. Ensuite, pour le financement des investissements nécessaires à l’entreposage et au stockage, un bouclage avec l’ANDRA et les producteurs s’impose tant sur l’évaluation des devis et la mise en réserve des montants dédiés, sur laquelle nous avons proposé d’instituer un contrôle externe, que sur les modalités de transfert des fonds. Préfinancement et tarification en coût complet ou financement en régie, rien n’est prévu actuellement. Il faudra donc y revenir. Enfin, le contenu des études et recherches à mener est encore trop imprécis sur la notion de solution de référence pour le stockage – à nos yeux, il n’était pas sûr qu’elle soit retenue à terme alors que c’est ce qu’indique le projet de loi aujourd’hui – et le lien avec les nouvelles générations de réacteurs pour la transmutation pour lesquelles il nous semble prématuré de prévoir un prototype en 2020.
Enfin, je dirai un mot de la sensibilité du sujet et du contrôle démocratique. La loi de 1991 illustre l’intérêt d’une loi limitée dans la durée et assortie d’une véritable évaluation, le rendez-vous parlementaire fixé en 2006 ayant été tenu.
M. le Président de la commission – Très bien !
Mme la Rapporteure du Conseil économique et social - C’est pourquoi le Conseil économique et social propose d’inscrire clairement dans le projet de loi un autre rendez-vous en 2015. À cette date, trois plans triennaux auront déjà été mis en uvre, le premier étant attendu avant la fin de cette année. Par ailleurs, le débat public dont le Gouvernement a confié l’animation à M. Mercadal s’est révélé fort riche. Tous ceux qui y ont participé ont reconnu sa grande ouverture. Ce débat a permis de mettre en lumière trois vux.
Premièrement, que toutes les matières radioactives, et non pas seulement les déchets ultimes, soient gérées de manière cohérente et transparente depuis les inventaires des déchets actuels jusqu’au choix des futurs réacteurs, dont la capacité à réduire à la source ou transmuter après séparation les déchets les plus gênants devra être prise en compte. La prise en considération en amont des objectifs de développement durable dans la filière nucléaire, tout à fait exceptionnelle, pourrait faire l’objet d’une meilleure communication grâce à l’ouverture des plans nationaux de gestion à un pilotage réunissant toutes les parties prenantes autour de l’ANDRA. Le projet de loi tient compte en partie de cette demande.
Le deuxième vu est que la maîtrise technique aille de pair avec un processus de décision publique clair et participatif. Les Français veulent avoir des assurances, ils ne veulent pas être rassurés. La proposition de rendez-vous au Parlement en 2015 avec des rapports intermédiaires répondrait en partie à ce souhait.
Troisième vu : que les décisions ultérieures sur les déchets radioactifs à vie longue soient prises sans précipitation et en fonction des avancées scientifiques et techniques. Prévoir des dispositifs réversibles durant un temps très long tout en recherchant dès aujourd’hui la solution stable pendant des millénaires en effectuant les études et les financements nécessaires est la seule voie acceptable.
Ainsi, nos successeurs pourront choisir entre faire confiance à la société et faire confiance à la géologie pour maintenir les déchets ultimes en sécurité. C’est l’objectif que poursuit ce texte en instituant le stockage géologique profond comme solution de référence tout en finançant les études et recherches sur les trois axes à très long terme. Nous souscrivons à cette démarche de responsabilité envers les générations futures. Le Conseil économique et social préconise d’en prolonger le bénéfice en reproduisant ce modèle qui a bien fonctionné lors des prochaines échéances de 2015 en amont des décisions d’investissements sur un site de stockage éventuel.
Pour conclure, le Conseil économique et social a adopté à une très large majorité l’avis que je viens de présenter à grands traits et l’a conclu en rappelant que « l’État doit assurer tout particulièrement en cette matière une gestion éclairée par la science, transparente et démocratique ». Nous espérons que ce projet de loi satisfera à cette exigence ! (Applaudissements sur tous les bancs)
M. le Président - J’ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.
M. François Dosé – Habitant à proximité de Bure depuis mon enfance, conseiller général de la Meuse depuis 1976 et député depuis 1997, mon intervention s’appuiera sur quinze ans d’observations et de rencontres avec les populations à proximité du laboratoire et les responsables de celui-ci. La question du centre de stockage en couche géologique profonde est l’un des points les plus contestés de ce projet de loi.
Précision utile avant d’entrer dans le débat, je ne suis pas un antinucléaire. Certes, cette filière a ses inconvénients mais elle est promise à un bel avenir en ce siècle de réchauffement climatique et de raréfaction des énergies combustibles.
M. le Président de la commission et plusieurs députés UMP - Très bien !
M. François Dosé - Il est raisonnable et nécessaire de privilégier la lutte contre les gaspillages énergétiques, de promouvoir les énergies renouvelables, de réduire la part du nucléaire dans notre bouquet énergétique avant la programmation du renouvellement de notre parc nucléaire civil tout en améliorant l’efficacité énergétique de la filière et sa sécurité. Enfin, il faut traiter ce maillon faible qu’est la gestion des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue dans le respect des populations et des futures générations. Cette question n’est pas seulement l’affaire des experts, des scientifiques, des économistes et des financiers. Ce rendez-vous est politique et ce débat citoyen. Les opposants au nucléaire n’ont pas le monopole des appréhensions concernant le stockage en couche géologique profonde. Je ne suis pas ici le cheval de Troie des antinucléaires mais le porte-parole de tous ceux qui, tout en acceptant le nucléaire, s’opposent à ce que le stockage devienne la solution de référence et que le « fric » prime sur l’éthique et la sécurité. Permettez donc que je pose six questions.
Première question permettant de contester l’opportunité de l’examen de ce texte : respecte-t-il les obligations citoyennes et nos institutions ?
Dans le cadre de la mise en uvre de la loi du 30 décembre 1991, j’ai participé à deux rendez-vous importants, au conseil général de la Meuse, en 1993, puis à Matignon, à l’occasion d’une conférence de presse de décembre 1998. Lors de ces rencontres, tous les responsables politiques ont insisté sur la nécessité de prévoir plusieurs laboratoires, mettant en jeu, dans la mesure du possible, plusieurs roches différentes – argile, granit… En outre, les élus meusiens souhaitaient que d’autres sites d’expérimentation que celui de Bure soient lancés, et ils n’avaient, à cette époque, aucune raison de ne pas croire à la parole donnée. Las, la réalisation d’un seul laboratoire démontre que la loi n’a pas été respectée et le crédit des responsables politiques – nationaux et locaux – s’en trouve entamé.
Autre argument majeur, la charte de l’environnement est désormais adossée à notre Constitution. Lors du Congrès de février 2005 qui a consacré cette révision, je me suis d’ailleurs – une fois n’est pas coutume – désolidarisé de mon groupe pour l’approuver, car je considère les principes posés par la charte comme autant d’atouts pour les générations futures. L’affirmation du droit de chacun à un environnement de qualité et le respect – sous certaines conditions – du principe de précaution doivent nous permettre de réconcilier la communauté scientifique, les entrepreneurs et les responsables politiques avec l’opinion, l’esprit de ces principes étant moins de poser des interdictions que d’inciter au doute critique, à la vigilance et au souci de l’autre.
Compte tenu de ces différents éléments, je demande que soit résolument écartée, et pour les trois siècles à venir, toute hypothèse de stockage irréversible des déchets radioactifs à haute intensité, en sous-sol ou selon tout autre mode envisageable. Il est à mes yeux incohérent et – je l’espère ! – inconstitutionnel d’accepter toute idée d’irréversibilité pour une décision aussi incidente après que la valeur constitutionnelle de la charte de l’environnement a été reconnue. Obligation nous est faite, par contre, de mettre en sécurité le territoire national et donner des garanties aux générations futures.
L’article 3 de la loi Bataille de 1991 réservait au seul Parlement la faculté de donner une autorisation de stockage pour une durée illimitée. Je déplore par conséquent que le présent texte la transfère au Gouvernement, sur l’avis d’un collège d’experts plus ou moins émancipés de la filière nucléaire. C’est irrecevable : seuls les élus de la nation peuvent prendre de telles décisions. Le principe républicain élémentaire de la primauté du politique doit trouver à s’appliquer, même pour le nucléaire !
Abordant la nécessaire consultation des collectivités locales, le Conseil économique et social a reconnu, dans ses travaux des 14 et 15 mars derniers, que la question du traitement des déchets radioactifs était anxiogène et suscitait des réactions passionnelles dans la population. Voilà une appréciation pertinente, mais incomplète. Il serait en effet injuste de ne pas reconnaître que les acteurs institutionnels et les responsables politiques ont aussi contribué à l’instauration d’un climat de défiance, que l’accident de Tchernobyl a nécessairement amplifié. Tirons-en les leçons : quelle influence les acteurs locaux peuvent-ils exercer sur les décisions nationales ? À lire le présent projet, elle reste bien faible puisque le Gouvernement semble être resté sourd aux recommandations de la Commission nationale du débat public sur la gestion des déchets. Hier, c’était : « Tais-toi ! » ; aujourd’hui, c’est : « Cause toujours ! » Dès lors, l’on ne s’étonnera pas que l’Association nationale des commissions locales d’information des activités nucléaires – l’ANCLI – ait fait part de sa surprise et de sa désapprobation, les acteurs locaux étant réduits à suivre l’incidence sur l’environnement et le voisinage du laboratoire de traitement des déchets qui pourrait être implanté chez eux.
Cette première question sur le respect des institutions et des obligations démocratiques nous donne donc au moins quatre raisons de refuser d’examiner ce texte en l’état : la loi Bataille pour ce qui est de la pluralité des laboratoires n’est pas respectée ; le principe de précaution, inscrit dans la charte de l’environnement, n’est pas conciliable avec la réalisation de centres de stockage définitifs ; le Parlement se trouverait dessaisi au profit du Gouvernement et de l’autorité administrative censée éclairer ses décisions ; en violation de nos engagements internationaux, la participation aux décisions des citoyens directement concernés serait réduite à la portion congrue.
Deuxième question permettant de douter de l’opportunité de débattre de ce texte : respecte-t-il les échéances raisonnables ?
Comme l’a rappelé notre excellent rapporteur, la loi Bataille disposait que quinze ans seraient consacrés à la recherche sur les solutions de gestion à très long terme : 1991 plus 15, cela fait bien 2006, mais l’on peut s’étonner que le rendez-vous ait été avancé de huit mois, dans une République plutôt connue pour prendre son temps au-delà du raisonnable ! Plus fondamentalement, je rappelle que le Gouvernement n’a autorisé la réalisation du laboratoire de Bure qu’en août 1999 et que les travaux n’ont démarré qu’en janvier 2000, il y a seulement six ans et quatre mois. Et encore faut-il noter que l’activité du laboratoire a été stoppée pendant un semestre à la suite d’un accident mortel.
J’en viens aux échéances que fixe le présent projet de loi. Sans fuir nos obligations en matière de gestion raisonnable, nous devons prendre acte de trois données : à 250 ou 300 ans, la réversibilité est maîtrisée ; à environ un millénaire, nous sommes au stade où la radioactivité est piégée dans les colis vitrifiés ; à l’échelle de plusieurs centaines de milliers d’années, la nocivité des déchets à vie longue et de haute intensité ne peut pas être écartée. Sans baisser le moins du monde la garde, sans doute serions-nous bien inspirés de respecter l’une des conclusions de la Commission nationale du débat public en – je cite M. Mercadal – « prenant le temps de construire une solution progressive et de prévoir des rendez-vous réguliers pour avancer sans brûler les étapes, évaluer en toute indépendance et s’arrêter si nécessaire ».
Cette deuxième question relative au respect des échéances nous permet de constater que les quinze ans d’étude ne sont pas révolus, comme l’admettent du reste tous les acteurs du nucléaire.
Seules l’autorité de sûreté nucléaire et la CNE ne doutent de rien – rien du tout. Allez savoir pourquoi !
Le rendez-vous obligé de 2006 ne peut être, dans le respect de la loi de 1991, l’occasion de rédiger un projet sur la gestion des déchets. Il nous oblige à nous donner encore une décennie pour prolonger et préciser les investigations qui n’ont été commencées qu’en 2000. Selon ce mot de Claude Roy, qui est maintenant parti au pays des oiseaux, le problème n’est pas de gagner du temps, mais de savoir en perdre. Pourquoi ne pas prévoir, au cours de ces dix années d’études restantes, des rendez-vous réguliers permettant à la société civile et aux acteurs locaux de suivre le processus ?
Troisième question : avons-nous défini les justes périmètres, des territoires pertinents ? Il est question de préciser les modalités d’un principe de notre politique dans le domaine des déchets radioactifs : ni exporter nos déchets, ni accepter les déchets étrangers en France. Nous ne nous plaindrons pas de cette initiative. Mais dans la définition des territoires français concernés, il faut préciser les responsabilités, les partenariats, les obligations relevant ici des territoires administrés, notamment les conseils généraux de Meuse et de Marne, là des territoires vécus, notamment à proximité du laboratoire ou dans les bassins d’emplois limitrophes. La clarification est absolument nécessaire : il n’est pas vrai que les cohérences soient évidentes, les complémentarités harmonieuses et les attentes semblables. La compétition territoriale n’a pas que des vertus. Considérant enfin la zone de transposition, définir précisément son périmètre et le publier sont une obligation démocratique : les populations doivent connaître ces éléments. Mais il faut aussi les rassurer : aucun chantier ne saurait être autorisé sur cette zone avant validation par le Parlement de la création d’un site de stockage.
Dans ce troisième point, je ne relève pas de motif pour refuser d’examiner le texte. Mais j’attire votre attention sur la nécessité de clarifier ensemble la partition des périmètres – entre territoires administrés, territoires à proximité du laboratoire et territoire de transposition – et de rester vigilants face aux directives européennes suggérant une gestion mutualisée des déchets radioactifs dans l’espace communautaire. Je vous rappelle que Mme Loyola de Palacio avait esquissé un projet de directive tendant à favoriser l’enfouissement et le stockage dans des sites internationaux.
Quatrième question : prenons-nous en considération, dans ce débat, à la fois les procédés techniques éprouvés mais aussi ceux qui restent à vérifier, à la fois les recherches confirmées et celles qui sont en cours, les enjeux sociétaux acceptés et ceux qui ne le sont pas encore ? Le bilan de ces quinze années de recherche est mitigé. L'axe 1 sur la transmutation n'a pas abouti. L’axe 3 n’a pas été approfondi et l’axe 4, celui qui a connu les développements les plus avancés, bien que tardifs, reste incomplet. J’ajoute qu’actuellement, toutes les études, in situ ou pas, sont orientées vers la validation des techniques, des process et des matériaux. Elles sont indispensables, mais pas suffisantes. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une approche purement scientifique et faire l’impasse sur les sciences humaines. La Suède et la Canada, par exemple, n’esquivent jamais les investigations sociologiques, afin de connaître l’opinion des populations et le niveau d’acceptation des solutions envisagées. J’invite donc le Parlement à croiser les différentes approches : l’État, la nation et la communauté, aidés par les scientifiques, doivent ensemble concilier possibilité, nécessité, légalité et légitimité.
Pour nombre de nos concitoyens, un centre de stockage réversible n’est acceptable que si les autres solutions ne peuvent être envisagées. Ils ne l’admettent que comme une solution de repli. Affirmer, alors que les études sur les trois axes ne sont pas achevées, qu’il s’agit de la solution de référence est une provocation. Pierre Mendès-France écrivait que gouverner, c’est rendre possible ce qui est nécessaire. Encore faut-il prouver le caractère inéluctable de la proposition et témoigner, par les méthodes et les moyens employés, de son impartialité dans les choix. Cette quatrième question fait apparaître une des raisons majeures de s’élever contre l’inscription de ce projet à l’ordre du jour : il n’est pas vrai que toutes les investigations scientifiques nécessaires aient eu lieu dans le délai imparti par la loi de 1991.
Cinquième question : le projet prévoit-il des modalités de financement et un statut juridique aptes à assurer la sécurisation de l’aval de la filière nucléaire, civile ou militaire ? Dans ces domaines, la vigilance doit faire partie de la loi. Considérant le financement, l’État et les représentants de la nation doivent prendre des dispositions précises pour protéger absolument, dans le respect des solidarités générationnelles, les contributions versées aujourd’hui par les usagers. Ces provisions, indispensables pour la génération qui sera concernée par les démantèlements, ne sauraient être soumises à des aléas boursiers ou spéculatifs. Il s’agit d’une épargne populaire, de provisions pour des dépenses inéluctables, pas d’un matelas financier pour société en cours de privatisation. Quant au statut juridique des déchets radioactifs, il doit imposer que la gestion des déchets soit assumée par une société publique, sous la responsabilité de l’État, et empêcher que les exploitants de 2006 soient exposés à des offres, amiables ou hostiles, de quelconques sociétés internationales.
Ce cinquième point confirme nos appréhensions : l’affaiblissement des politiques publiques en France et la libéralisation des marchés européens dans le domaine énergétique aboutissent de fait à remettre en cause – ou pour le moins à lui donner un caractère aléatoire – une puissance publique qui ne maîtrise plus les flux financiers nécessaires aux obligations régaliennes de l’État.
Sixième question : le projet est-il respectueux des attentes exprimées par les responsables des populations et des territoires concernés du point de vue de l’accompagnement financier et économique ? Certes, il augmente les crédits mis à disposition des territoires concernés par le laboratoire : j’en prends acte, mais j’attire votre attention sur la répartition de ces dotations. En matière d’accompagnement économique en revanche, depuis 1994, aucune promesse n’a été tenue.
M. Jean-Louis Dumont - Hé oui !
M. François Dosé - C’est injuste et dramatique. Il est indispensable de contribuer au développement économique du territoire de proximité. C’est le seul moyen de parvenir à une « veille » démocratique. Si, en effet, au fil des ans, la population et les emplois diminuent, alors la conviction que ces déchets sont mortifères s'ancrera dans les esprits. On croira que si vous avez choisi un territoire en voie de désertification, c’est que le danger est immense !
M. Jean-Louis Dumont - Entendez, Monsieur le ministre !
M. François Dosé - La surveillance n'est pas le moyen de susciter l’acceptation de la société. Le développement économique et démographique de ce territoire est la seule solution.
Ce dernier point m’incite à formuler quelques observations : surtout, ne mésestimez pas les populations et les responsables ruraux ! Ils se méfient des mots – la devise de Bar-le-Duc, c’est « plus penser que dire » – et ils jugent aux actes. De dérobades en désengagements, de mensonges – parfois – en fausses promesses, de silences en sentences, la filière électronucléaire ne s’est pas grandie à la fin du siècle dernier. Mais au fil des ans, des améliorations ont eu lieu : ici, les répartitions financières, enfin identifiables dans un GIP, se sont moralisées ; là, l’accès à des informations diversifiées s’est amélioré. Mais nous n’avons su, ni les uns, ni les autres, développer une procédure locale d’information et de participation où la transparence s’imposerait et où l’articulation entre la phase de définition et la phase de décision au Parlement serait clarifiée. Parmi les 50 000 personnes qui exigent un référendum territorial, beaucoup connaissent la dualité entre l’intérêt général et l’intérêt territorial, mais elles cherchent à exprimer leur vécu alors que les outils de participation citoyenne sont insuffisants, parfois dérisoires.
Pour finir, Monsieur le ministre, pourquoi vous ? Pourquoi seulement le ministre de l’industrie et pas ceux qui sont concernés au premier chef, les ministres de la recherche, de l’environnement et de l’écologie ? Si votre réponse ne s’adosse pas aux exigences démocratiques, si la loi n’inspire pas confiance, alors la parole scientifique, la filière nucléaire et la démocratie en seront affaiblies. Prenons garde : si la théocratie et l’indifférence mettent en danger la démocratie, la défiance est aussi redoutable pour les équilibres républicains.
Voilà les raisons de ne pas inscrire ce texte, en l’état, à l’ordre du jour. L'Assemblée nationale s’honore de débattre du sujet, mais trop d’imprécisions et de non-dits sur la gestion des déchets, la démocratie participative et le développement de la filière persistent. Il y avait une huitième raison d’incompréhension, que vous avez heureusement levée, Monsieur le ministre : le choix de la procédure d’urgence, qui était une catastrophe. Nos travaux doivent se dérouler dans la sérénité. On ne peut couvrir en quelques semaines une problématique de centaines de milliers d’années.
Chers collègues, je vous demande donc d’adopter la question préalable.
M. Jean-Louis Dumont - Très bien !
M. le Ministre délégué – M. Dosé nous a interpellés sur de vraies questions, tant sur le nombre d’études que sur le zonage du territoire, sur le choix d’un seul laboratoire que sur la durée de la réversibilité. Monsieur le député, je vous ai écouté avec respect car je sais que ce que vous exprimez correspond aux attentes et aux craintes des habitants les plus proches d’un éventuel site de stockage.
Sachez toutefois que ce projet de loi apporte des réponses. Certes, les études n’ont commencé qu’après 1992, mais ce qui compte, c’est d’avoir obtenu des résultats sur lesquels fonder notre position. Nous disposons aujourd’hui d’un solide corpus scientifique : les évaluations indépendantes, aux niveaux national et international, l’ont validé, tout en soulignant la nécessité de poursuivre les recherches. De nombreuses études ont attesté les qualités du site en question, le Callovo-Oxfordien, et il était difficile d’en mener autant sur plusieurs sites à la fois. Par ailleurs, le caractère unique de cette formation géologique rendait difficile une comparaison internationale. Nous sommes donc aujourd’hui suffisamment avancés pour franchir une étape, tout en étant conscients que des études complémentaires seront nécessaires.
S’agissant du développement économique, vous affirmez que le territoire vécu ne correspond pas aux limites administratives : je suis à 150 % d’accord avec vous et, élu d’une circonscription rurale, je mesure et je partage l’émotion des députés concernés. Je vous remercie de la patience dont vous avez fait montre lors des débats et des rencontres liminaires, bien conscient du rôle extraordinaire que les élus ont eu et auront à jouer. Nous avons d’ailleurs créé un comité de haut niveau, pour mettre face à face les responsabilités des opérateurs et celles des élus.
J’entends, comme vous, ne pas confondre vitesse et précipitation. Cette démarche m’a guidé tout au long de ma réflexion et je crois nécessaire, comme Christian Bataille l’avait souhaité en 1991, de poser des jalons. Nous voulons en effet prendre, vis-à-vis des générations futures, nos responsabilités quant au stock de quarante ans de déchets, en renforçant les maillons faibles de la filière. Nous le faisons avec beaucoup de respect pour les préoccupations exprimées par nos concitoyens.
Enfin, Monsieur le député, nous aurons toujours une écoute bienveillante et nous sommes fermement décidés à apporter une réponse aux problèmes qui nous sont posés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
M. le Rapporteur – Avec le même respect et la même amitié, je complèterai les propos de M. le ministre délégué. Nous avons constaté, avec Christian Bataille, que le Comité local d’information et de suivi du laboratoire de Bure n’a pas fonctionné. C’est la raison pour laquelle je propose une modification, qui renforce le rôle des élus. À l’occasion des auditions de l’OPECST, nous avons invité les élus locaux, qui tous ont pu s’exprimer librement : quelle meilleure garantie du respect que le Parlement porte à leur fonction ?
Parmi les raisons que vous avez invoquées à l’appui de votre motion de procédure, Monsieur Dosé, figure la charte de l’environnement. Sachez que la recherche, qui permet le progrès, est présente à chaque étape du processus. J’ai en tête une citation du Dalaï-lama : « Doutez, car le doute incite à la recherche et la recherche est la voie qui conduit à la connaissance » ; cependant, nous devons avancer et cesser de nous poser éternellement des questions.
S’agissant du dessaisissement du Parlement, sachez que les amendements adoptés par la commission et ceux que nous adopterons dans le cadre de l’article 91 du Règlement prévoient un nouveau rendez-vous parlementaire avant toute autorisation de création d’un centre de stockage. Le Parlement est au cur du système et est garant de son achèvement. C’est la première fois, pour ainsi dire, qu’il encadre à ce point la technocratie.
En conséquence, je demande à mes collègues de rejeter cette question préalable (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).
M. Claude Gatignol - La position du groupe UMP est conforme à celle du rapporteur.
M. David Habib - Avec beaucoup de passion et de raison – que vous avez bien voulu reconnaître, Monsieur le ministre, et nous vous en sommes reconnaissants – François Dosé a resitué l’enjeu du texte, eu égard aux générations à venir, aux réalités territoriales et à la nécessité d’inscrire notre réflexion dans le cadre de la charte de l’environnement. Il a souhaité, avec force exemples, qu’une clarification scientifique soit effectuée dans les meilleurs délais et que la sécurité de l’aval soit assurée par un certain nombre de référencements dans ce texte.
Comme beaucoup de députés socialistes, il a rappelé que ce sont là les conditions d’un renforcement de la filière électronucléaire, afin que l’opinion publique puisse aborder avec confiance les étapes à venir. Le groupe socialiste se range à cette question préalable et demande à notre assemblée de l’adopter (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).
M. Daniel Paul - C’est parce que nous soutenons la filière nucléaire civile, vecteur de notre indépendance nationale, élément essentiel de la lutte contre l’effet de serre, outil de développement industriel et de qualification, que nous voulons être encore plus exigeants quant à son développement et à la gestion des déchets. Démocratie, transparence, association des populations à toutes les phases des opérations sont le corollaire nécessaire au développement de la recherche et à son financement. La loi Bataille a ouvert des perspectives qui n’ont pas toutes été explorées. Or, sur un tel sujet, nous devons être très vigilants si nous voulons être compris des populations. Certes, personne ne met en doute le sérieux et la qualité des études qui ont été menées, mais celles-ci ne permettent pas aujourd’hui de prendre des décisions.
Depuis la loi Bataille, le contexte a changé : alors qu’EDF était pratiquement la seule entreprise productrice de déchets nucléaires, l’ouverture de son capital modifie la donne. Nous avons pu constater en outre, lors de l’audition en commission de MM. Mestrallet et Sirelli, qu’un nouveau groupe nourrit des ambitions en matière nucléaire. Nous sommes donc confrontés à de nouveaux problèmes, et la responsabilité publique à l’endroit de la filière nucléaire est d’autant plus forte.
De surcroît, le stockage des déchets se situe à l’échelle géologique ; nul ne raisonne en terme de générations. Donnons donc du temps au temps afin de prendre les décisions les plus consensuelles possible ! En tant que député de Seine-Maritime, je sais ce que signifie la présence du nucléaire. La solidarité nationale doit être effective : on ne doit pas se contenter de donner de l’argent et de demander aux populations de se débrouiller. Nous partageons le triple objectif de recherches, mais à condition de l’accompagner d’un véritable plan de développement et de financement.
Enfin, nous ne sommes plus dans les années soixante-dix, où le programme de développement du nucléaire civile s’est imposé sans grandes difficultés. Désormais, les scientifiques comme le législateur doivent entendre les inquiétudes des populations.
Le groupe communiste et républicain votera donc cette question préalable.
La Directrice du service
du compte rendu analytique,
Catherine MANCY
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