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L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
M. Jean-Marc Ayrault - Enfin, Monsieur le Premier ministre, vous avez consenti à dénouer la crise dans laquelle vous aviez enfermé le pays ! Enfin, vous avez daigné retirer le CPE. C’est un beau succès pour le mouvement syndical et pour celui de la jeunesse, des étudiants et des lycéens, pour ce mouvement puissant et unitaire qui a su, tout au long de l’épreuve, faire prévaloir le sens des responsabilités (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). C’est aussi une satisfaction pour les députés socialistes, qui, dès le 17 janvier, vous avaient mis en garde. Pourquoi a-t-il fallu trois mois de conflit pour que vous et vos amis compreniez que la France ne veut pas d’une précarité institutionnalisée ?
Vous êtes tous responsables, M. Sarkozy, président de l’UMP, comme vous-même, l’UMP comme le Gouvernement. Le CPE est une coproduction de la majorité. C’est donc ensemble que vous devez rendre compte de votre erreur devant le pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Et c’est ensemble que vous devez expliquer le délitement qui a régné au sommet de l’État ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Le Gouvernement n’a plus ni force, ni assise, ni confiance, et je crains que les douze mois qui lui restent soient sans utilité pour nos compatriotes.
Le CPE trépasse, la crise de régime demeure. La proposition de loi que vous allez présenter est un nécessaire compromis, mais elle ne peut faire oublier la crise sociale qui sévit depuis quatre ans ; elle ne peut faire oublier l’ensemble de votre politique, qui a mené à l’érosion du droit du travail, à l’extension de la précarité, au creusement des inégalités ; elle ne peut faire oublier la façon dont vous piétinez la négociation sociale. Toute la démocratie sociale est à réinventer.
Ce qui vient de se passer est le prélude du grand rendez-vous démocratique de 2007 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). D’ici là, Monsieur le Premier ministre, quels services vous et votre Gouvernement pouvez-vous encore rendre au pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)
M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Vos affirmations font partie des figures imposées de la politique, je dirais même des figures convenues. J’attendais mieux de vous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).
Il fallait sortir de la crise. Il y avait un risque pour la sécurité des jeunes, il y avait une menace pour la tenue des examens de fin d’année. Face au blocage, il nous appartenait de trouver la solution. Ensemble, avec le Président de la République, avec toute la majorité, avec l’aide de Bernard Accoyer, que je salue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et de M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires sociales, et avec Laurent Hénart, nous avons défini une solution. Elle permet de ramener le calme dans notre pays. Elle apporte une réponse aux jeunes qui sont le plus en difficulté, ceux qui n’ont pas de diplôme, ceux auxquels – faut-il vous le rappeler, vous qui tout au long de cette crise n’avez jamais rien proposé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) – on ne propose rien. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)
La mesure que nous proposons sera financée par redéploiement des crédits du ministère de l’emploi. La seule question qui compte à cette heure est la suivante : que fait-on pour lutter contre le chômage des jeunes dans notre pays ? Bien sûr, l’État continuera à jouer tout son rôle. Il faut des contrats aidés, simplifiés, allégés. Il faut améliorer le service public de l’emploi. C’est ce que nous faisons. Plus les jeunes seront accompagnés dans leur recherche d’un emploi, plus vite ils pourront retrouver un travail. Il faut développer la formation. C’est ce que nous faisons avec le droit universel à la formation, dont bénéficieront dès la rentrée prochaine les jeunes apprentis.
Mais nous avons besoin aussi que les entreprises embauchent. Et c’est là que nous avons une différence de taille. Vous, vous voulez diviser le travail, le partager comme autant de petites parts d’un petit gâteau (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous, nous voulons créer plus d’activité, plus d’emploi, plus de croissance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)
Vous souhaitez la suppression du Contrat nouvelles embauches. Est-ce cela, votre solution contre le chômage ? Supprimer un contrat qui a déjà été signé par 400 000 personnes dans notre pays ? Supprimer un contrat qui a créé plus d’un tiers d’emplois nouveaux et qui répond aux besoins des très petites entreprises ?
Le débat sur l’équilibre entre flexibilité et sécurité est un débat nécessaire. Il a été ouvert, nous ne le refermerons pas. Regardez ce qui se passe autour de nous (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), en Allemagne, en Espagne, en Italie, partout en Europe, et vous verrez que nous avons encore du chemin à faire.
Nous voulons bien sûr tirer les leçons de la crise. C’est bien pourquoi nous voulons répondre à l’anxiété sociale des Français, à leur inquiétude concernant l’avenir. Nous voulons y répondre patiemment, avec conviction et courage. Nous voulons y répondre pour tout ce qui touche à l’emploi. Nous travaillerons avec les partenaires sociaux…
Plusieurs députés socialistes – Il serait temps !
M. le Premier ministre - …sur la sécurisation des parcours professionnels et sur l’insertion professionnelle des jeunes. Nous voulons y répondre pour tout ce qui touche à la solidarité, à la lutte contre la précarité, pour tout ce qui touche à la sécurité. Nous examinerons prochainement le projet de loi sur la prévention de la délinquance et celui relatif à l’immigration. Nous voulons y répondre pour tout ce qui touche à la préparation de l’avenir. Nous ouvrirons dans les prochains jours un débat sur le renforcement des liens entre l’université et l’emploi, nous travaillerons aussi sur les conditions de la vie étudiante et sur les conditions de travail à l’université. Nous voulons également défendre la place de la France dans l’Europe et dans le monde.
Plusieurs députés socialistes – C’est un discours de politique générale !
M. le Premier ministre – Vous revendiquez cet après-midi la victoire pour votre camp, Monsieur Ayrault. Nous revendiquons le service de tous les Français. Nous revendiquons la lucidité et la détermination pour adapter notre pays, pour adapter notre modèle social et pour moderniser la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
Plusieurs députés socialistes – Applaudissez donc debout !
M. Jean-Christophe Lagarde - Monsieur le ministre de l’emploi, nous suivons chaque mois avec intérêt les statistiques de l’emploi. Pourtant, beaucoup critiquent la réalité de la baisse du chômage : catégories incompréhensibles, de ceux qui veulent un CDI à temps plein à ceux qui veulent un temps partiel, radiations et désinscriptions aux motifs flous, absence de comptage des bénéficiaires du RMI… Les statistiques sont trompeuses, et le chômage réel est malheureusement supérieur aux chiffres que les services nous donnent.
Cet habillage, tous les gouvernements l’ont pratiqué. Mais, au groupe UDF, nous pensons que notre pays gagnerait à savoir la vérité. On ne soigne bien que la maladie qu’on connaît. Comment conduire des politiques publiques sans information objective ? Le débat sur les chiffres finit par remplacer celui sur les causes et les remèdes.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire – sinon aujourd’hui, au moins dans quelques mois – quel est le chiffre réel des demandeurs d’emploi ? Comptez-vous simplifier, rendre plus lisibles et objectives les statistiques du chômage pour que le débat s’appuie sur des chiffres réels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement – Nous disposons de deux outils totalement indépendants l’un de l’autre. Les chiffres de l’ANPE reposent sur une base déclarative mensuelle. Lorsque la personne qui a retrouvé un emploi, a fait valoir ses droits à la retraite ou est partie à l’étranger, ne renvoie pas la déclaration – laquelle se fait désormais plutôt par téléphone ou sur internet – quelques jours plus tard l’Assedic envoie une relance pour s’assurer qu’il s’agit bien d’un de ces cas et non d’un oubli. C’est ainsi que fonctionne, pour 450 000 cas par an, ce qu’on appelle, d’ailleurs improprement, « l’absence à contrôle ». En fait, c’est le constat que la personne ne se déclare plus comme demanderesse d’emploi. En cas d’oubli, de déménagement, de départ en vacances, il y a une réinscription rétroactive. On peut vouloir faire évoluer cette méthode, mais elle n’a pas changé depuis quinze ans.
D’autre part, l’INSEE, en accord avec les chiffres du BIT, fournit des données mensuelles. Actuellement les deux sources concordent. Sur les douze derniers mois, l’une indique une diminution de 151 000 demandeurs d’emploi et l’autre de 149 000.
Par ailleurs, nous pouvons utiliser ce qu’on appelle « le chiffre ACOSS », c’est-à-dire les créations d’emplois qui relèvent du régime général de la sécurité sociale. Sur les douze derniers mois, il y a eu 143 000 emplois nouveaux de ce type.
Néanmoins, on peut, sans changer les méthodes, simplifier la présentation. Je vous ferai des propositions dans ce sens (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF).
M. Alain Bocquet - Monsieur le Premier ministre, douze semaines durant vous avez rejeté obstinément nos observations sur le danger du CPE. Mais vous n’avez pas eu raison de la forte mobilisation du monde du travail et de la jeunesse qui, unis dans l’action, viennent d’obtenir un grand succès. Vous avez dû vous incliner. Votre pouvoir UMP-Medef porte à l’évidence toute la responsabilité de cette crise. On ne gouverne pas contre le peuple. Déjà, le 29 mai dernier, alors que tous les groupes parlementaires sauf le nôtre appelaient à voter « oui », le peuple de France a voté « non » au projet de Constitution européenne ultra-libérale. Cette fois encore, c’est le libéralisme débridé qui est rejeté. Vous proposez de remplacer le CPE par des mesurettes qui s’inscrivent dans la même logique de précarité, de bas salaires, de dévalorisation du travail, de cadeaux supplémentaires au patronat, pour 300 millions de fonds publics en année pleine, alors que le CAC 40 offre des profits record ! Allez-vous revenir sur l’apprentissage à quatorze ans, sur le travail de nuit à quinze ans, sur le CNE, frère aîné dans la précarité du défunt CPE ?
M. Guy Teissier - C’est Germinal !
M. Alain Bocquet – Il faut mettre la richesse que produit le travail au service de la création d’emplois et de la formation. Le groupe des députés communistes et républicains vient de déposer trois propositions de loi : l’une pour assurer le remplacement des 500 000 départs en retraite prévus chaque année d’ici 2015 ; une autre pour résorber l’emploi précaire ; et une troisième pour requalifier en contrat de travail les stages abusifs. Ce ne sont pas des propositions à prendre ou à laisser.
M. Richard Mallié - La question !
M. Alain Bocquet - Êtes-vous prêt à ouvrir le débat sur ces propositions progressistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement - Dans le processus de discussion et de concertation qui a duré trois jours la semaine dernière, nous avons rencontré l’ensemble des partenaires sociaux ainsi que les organisations étudiantes et lycéennes. Aucun n’a contesté le fait que le Premier ministre avait eu raison (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) de vouloir s’attaquer au problème du chômage des jeunes. Il y avait peut-être un débat sur la méthode, mais pas sur l’objectif.
Qu’avons-nous voulu faire ? En premier lieu, je souhaite rendre hommage au président Accoyer, au président de Rohan, à M. Hénart et à M. Gournac (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous avons essayé d’aller à l’essentiel avec des mesures d’urgence souhaitées par tous. Nous avons décidé d’apporter rapidement une aide sur les contrats de professionnalisation, qui sont des contrats en alternance décidés par les partenaires sociaux. Pour le reste, il a été demandé à ces derniers, qui l’ont accepté, d’engager le débat sur l’insertion professionnelle des jeunes. Au vu de ce débat, le Gouvernement sera prêt à prendre ses responsabilités. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. François Vannson - Ma question s’adresse à madame la ministre de la défense. Le 4 avril dernier, le Parlement adoptait le projet de loi modifiant la loi du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire. C’était nécessaire, étant donné l’évolution du contexte international depuis le 11 septembre 2001.
La réforme a pour objectif de rationaliser l'organisation et d’améliorer la réactivité et la disponibilité de l'ensemble des réservistes, en période de crise comme de pré-crise. Elle vise aussi à renforcer le partenariat entre le ministère de la défense, les employeurs et les réservistes.
Les nouvelles dispositions ont notamment pour objet d'accentuer la distinction entre la réserve opérationnelle et la réserve citoyenne, de permettre d'employer des réservistes avec un préavis plus court que dans le droit commun, de faire passer la durée possible d'activité de 120 jours par an à 150, voire 210 dans certains cas, d'abaisser l'âge d'accès à la réserve opérationnelle, ou encore d'augmenter la limite d'âge des militaires du rang. Vous avez indiqué jeudi dernier que les projets de décrets d'application étaient déjà prêts ; pourriez-vous nous éclairer sur le calendrier de mise en uvre de cette réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - La réserve militaire permet aux Français qui le souhaitent de renforcer l’armée professionnelle, ainsi que de développer le lien entre la nation et sa défense. Je me réjouis profondément que ce texte ait été voté par les deux assemblées dans un consensus total.
Beaucoup de dispositions seront applicables dès la publication de la loi. En mai, le décret réformant le Conseil supérieur de la réserve militaire sera soumis aux parties, notamment les associations, puis à la concertation interministérielle, et il devrait être publié cet été. Le décret portant sur les conditions d'âge et sur l’accès des légionnaires à la réserve sera soumis au Conseil supérieur de la fonction militaire le 15 juin, puis aux différents ministères, et devrait également être publié très rapidement. Enfin, dès la publication de la loi, quatre projets de décrets clarifiant les statuts des réservistes agents des fonctions publiques, d’État et territoriale, seront soumis aux ministères de tutelle ; ils seront, je l’espère, publiés avant la fin de l’année (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
M. Jean-Luc Warsmann - Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
C’est le rôle de chaque député de faire remonter au Gouvernement les dysfonctionnements observés sur le terrain (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). C’est pourquoi je veux vous interroger, Monsieur le ministre, sur les abus constatés en matière de tarifs bancaires.
J’ai ainsi rencontré samedi dernier une famille dans laquelle le mari vient d’être mis au chômage et qui, comme cela arrive souvent, n’a pas pu suspendre les prélèvements automatiques sur son compte bancaire – électricité, gaz, logement, téléphone –, alors que pour ce mois d’avril elle n’a pour vivre que les 811 euros des Assedic. Or la banque a prélevé à huit reprises des frais de refus de prélèvement, et à deux reprises des frais d’envoi de lettre d’information. Résultat en un mois : 200 euros de frais bancaires prélevés, soit le quart du revenu de cette famille. La banque ayant en outre suspendu l’autorisation de découvert bancaire, celle-ci se retrouve sans rien pour vivre.
C’est comme cela que des personnes se trouvent précipitées dans les difficultés et l’exclusion. Beaucoup de députés, sur tous les bancs, pensent que les abus en matière de tarification bancaire deviennent trop fréquents dans notre pays (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP, du groupe UDF et du groupe socialiste). Monsieur le ministre, je veux vous dire notre exaspération devant cette situation ; je vous fais confiance pour assurer plus d’équité dans ce domaine (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie – Je vous remercie de votre confiance.
Les tarifs bancaires préoccupent à juste titre nombre de nos compatriotes. Grâce à la concurrence, ils ont néanmoins augmenté au cours des huit dernières années moins vite que l’inflation : 9,7 % contre 13,4 % (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe UMP).
La première des mesures concerne l’information des clients. C’est l’objet du décret que j’ai pris le 4 avril 2005 afin que les tarifs soient désormais affichés dans l’ensemble des agences bancaires (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).
Deuxièmement, j’ai dû prendre un décret pour que les tarifs figurent très précisément sur les relevés bancaires ; j’ai demandé à la DGCCRF à procéder à des contrôles, et je vous invite à lui écrire pour signaler les problèmes. L’année dernière, plus de 600 contrôles en agence ont été effectués dans 57 départements ; j’ai décidé de les augmenter encore cette année, afin de vérifier si les engagements pris sont tenus ou s’il y a des abus.
Quant au problème du droit au compte, il a été discuté à la demande du Premier ministre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Désormais, tous nos compatriotes ont le droit d’avoir un compte bancaire ; l’ensemble des réseaux bancaires et des agences ont le devoir d’ouvrir un compte dans un délai inférieur à deux jours (Même mouvement ; M. le ministre poursuit dans un brouhaha qui couvre sa voix). J’ai décidé de lancer une vaste campagne d’information pour que l’ensemble de nos compatriotes ait connaissance du nouveau dispositif.
M. Jean Bardet - Ma question s’adresse au ministre de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Pendant plusieurs semaines, de nombreuses universités et de nombreux lycées ont été bloqués ou fortement perturbés (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), souvent par une minorité d’étudiants ou de lycéens (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Une dépêche de l’AFP de la semaine dernière donne des chiffres pour Paris : ce sont 400 personnes qui ont bloqué 80 000 étudiants (Même mouvement). Or si aujourd’hui l’heure est à l’apaisement, il faut répondre aux inquiétudes, les blocages ayant empêché la majorité des étudiants et des lycéens de suivre normalement leurs cours.
Cette majorité silencieuse et travailleuse est inquiète. La période des examens est proche, les semaines perdues pèsent donc sur leur préparation et sur l’avenir des étudiants. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, que comptez-vous faire…
Plusieurs députés socialistes – Rien !
M. Jean Bardet - …que pouvez-vous dire…
Plusieurs députés socialistes – Rien !
M. Jean Bardet - …, notamment aux étudiants les plus modestes, qui ont le plus souffert de cette période, afin de les rassurer ? Pouvez-vous nous garantir…
Plusieurs députés socialistes – Non !
M. Jean Bardet - …que ces étudiants, qui ont travaillé toute l’année, pourront passer leurs examens normalement, quitte à repousser les dates de contrôle afin de pouvoir terminer les programmes sereinement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)
M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – Je puis vous rassurer : tout rentre dans l’ordre à peu près partout. Comme vous, nous sommes préoccupés par la qualité des examens et des diplômes délivrés. Les prochaines semaines seront donc cruciales.
Avec M. Goulard, j’ai demandé aux présidents d’universités de nous faire part des dispositions qu’ils comptent prendre pour que les diplômes délivrés soient d’excellentes qualité et que les examens intègrent l’enseignement complet des programmes. Dès demain, nous recevrons d’ailleurs le bureau de la conférence des présidents d’universités.
Concernant le baccalauréat, je fais confiance aux chefs d’établissements et aux enseignants, qui sauront faire le nécessaire pour que l’ensemble des programmes soit également enseigné. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)
M. Yves Durand – Par son obstination, le Gouvernement a déclenché un puissant mouvement de protestation dans les universités et dans de nombreux lycées, provoquant des grèves et des blocages. Ce mouvement n’est ni minoritaire, ni manipulé, comme certains ont tenté de le faire accroire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP). C'est bien votre volonté de passer en force pour imposer la précarité aux jeunes qui est à l'origine de leur révolte ! Il faut saluer la détermination et l'esprit de responsabilité des organisations lycéennes et étudiantes qui ont ainsi permis, en liaison avec les organisations syndicales, de mettre fin au CPE. Certes, bien des dispositions funestes de votre loi dite d’égalité des chances demeurent, comme l'apprentissage dès quatorze ans ou le travail de nuit dès quinze ans. Néanmoins, la mort du CPE est d'ores et déjà une victoire collective de l'ensemble de la jeunesse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) À cette victoire collective, il faut maintenant ajouter la réussite individuelle de chaque étudiant et de chaque lycéen : monsieur le ministre de l’éducation nationale, vous leur devez bien cela ! Il est désormais de votre responsabilité de réunir les conditions d'un retour à la sérénité dans les universités et dans tous les lycées – non pas à coup de circulaires ou de déclarations aussi provocatrices qu'inapplicables mais en organisant dès maintenant une véritable concertation avec les organisations d'enseignants, d'étudiants et de lycéens, mais également avec les présidents d'universités, de manière à organiser la bonne tenue des examens et à assurer la qualité de leur préparation. Monsieur le ministre, il vous appartient d'offrir à chaque étudiant et à chaque lycéen les mêmes chances de réussir un examen dont la valeur ne pourra être contestée. C'est aussi ce message-là que les jeunes vous adressent : allez vous enfin l'entendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)
M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – Nous sommes tous d’accord sur deux principes : les examens sont de nature nationale et doivent se dérouler dans des conditions optimales. Il importe donc que la totalité des programmes soit enseignée.
Les épreuves du baccalauréat sont établies depuis le mois de février et les dates – 12 juin pour l’épreuve de français en classe de première et 13 juin pour les terminales – ne sont pas modifiables. D’ici là, l’intégralité des programmes peut être enseignée. Je sais que les chefs d’établissements et les enseignants y travaillent depuis plusieurs jours et qu’ils réussiront. J’ai le devoir de faire en sorte qu’il en soit ainsi, et j’en prends l’engagement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. Jacques Le Guen - Au long de son histoire, la PAC a dû évoluer pour faire face à de nouveaux défis. S’il s’agissait dans un premier temps d'améliorer la productivité, d'assurer un niveau de vie équitable à la population agricole et de garantir la sécurité des approvisionnements à des prix raisonnables, il a fallu ensuite maîtriser des déséquilibres quantitatifs, satisfaire de nouveaux objectifs et répondre également à de nouvelles attentes, notamment environnementales. L'évolution du marché mondial agricole implique également une adaptation constante et l'élargissement de l'Union européenne a renforcé cette nécessaire capacité de mutation.
En juin 2003, la réforme de la PAC a notamment modifié les bases des aides directes à la production octroyées aux agriculteurs en les découplant partiellement ou totalement de la production. Cette réforme d'ampleur a introduit un nouveau critère d'éco-conditionnalité des aides qui reposent désormais sur des droits à paiement unique. Les agriculteurs devront donc s'adapter à ce nouveau système.
Monsieur le ministre de l’agriculture, pouvez vous nous confirmer que ce nouveau dispositif entré en vigueur depuis le 1er janvier 2005 permet de préserver les revenus des producteurs ? Comment nos agriculteurs perçoivent-ils ces nouvelles modalités d'aides ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche – Je rappelle tout d’abord que jusqu’en 2013, les paiements seront assurés selon le système actuel.
Je remercie les agriculteurs mais également les fonctionnaires de mon ministère car 95 % des dossiers concernant la mise en uvre des droits à paiement unique ont déjà été déposés et 170 000 clauses ont été signées. Les agriculteurs jouent donc le jeu de la réforme.
M. André Chassaigne – Ils n’ont pas le choix !
M. le Ministre - J’ajoute qu’une partie de ces droits sera affectée à la réserve nationale destinée aux jeunes agriculteurs ou à certaines productions et que dans chaque département, des programmes spécifiques seront mis en place afin d’adapter ces DPU, outils de consolidation et de solidarité.
Concernant la conditionnalité, nous avons uvré pour simplifier les contrôles. Tout le monde, là encore, joue le jeu. Nous avons mis en place une charte du droit des contrôleurs et une charte du droit des contrôlés et nous avons fait en sorte que ces contrôles se déroulent dans un esprit de concertation.
Enfin, les agriculteurs paient un impôt injuste, l’impôt « paperasse », lié à la superposition des procédures nationales et européennes. J’ai lancé une vaste opération de simplification de procédure, et des dizaines de milliers d’agriculteurs ont déjà répondu et présenté leurs propositions. Cette charge indue sur l’agriculture de notre pays sera donc progressivement supprimée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)
Mme Chantal Bourragué - La lutte contre le chômage des jeunes est une priorité du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Un étudiant sur deux effectue un stage au cours de sa scolarité, et cette pratique s’est beaucoup développée ces dernières années. C’est une étape nécessaire à toute formation, qui crée un lien entre les mondes trop éloignés de l’université et de l’entreprise. C’est un véritable marchepied vers la vie active qui offre à l’étudiant une approche concrète du monde du travail.
Cependant, le stagiaire ne doit pas remplacer le salarié, et le stage ne doit pas être un emploi déguisé. Des entreprises, des administrations même en abusent, et les conventions ne sont pas toujours assez contrôlées par les universités. Vous vous êtes engagé à résoudre ce problème, Monsieur le ministre, en annonçant la création prochaine d’une charte des stages. En outre, la loi sur l’égalité des chances prévoit une meilleure protection des stagiaires et leur rémunération. Où en est ce dossier si important pour les jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes – Les stages sont un outil d’orientation, de formation et surtout de professionnalisation. Chaque année, on en recense 160 000, et le conseil économique et social en a rappelé l’importance dans le cursus. Il faut donc les valoriser.
Il existe pourtant des abus, soit que les modalités de pré-embauche soient détournées, soit qu’il s’agisse en fait de contrats de travail déguisés, soit que les écoles ou universités en profitent pour organiser des stages occupationnels dans des filières sans débouchés. Il ne faut donc pas seulement les valoriser, mais les encadrer. C’est ce que fait la loi sur l’égalité des chances, en énonçant le principe de la convention, en en limitant la durée à six mois hors cursus pédagogique et en fixant une indemnisation dès la fin du troisième mois. M. Goulard et moi-même avons mis au point, avec l’ensemble des partenaires concernés, le principe d’une charte des stages qui définira le contenu pédagogique, la désignation des référents et les modalités d’évaluation et de suivi. Elle fera l’objet d’un décret d’application de force réglementaire. Voilà comment nous valorisons les stages ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)
M. François Brottes – Il y a désormais deux types de lois qui ne s’appliquent pas : celles qui sont adoptées en force et auxquelles on renonce après bien des hésitations, tant elles coûtent cher à la France et mobilisent l’ensemble des syndicats et de la jeunesse du pays, et celles que M. Sarkozy fait voter, la main sur le cur, lorsqu’il s’engage à ne pas privatiser EDF et GDF, et qui sont abrogées petit à petit. Crise d’autorité ou trahison de la parole donnée, qu’importe : votre majorité, Monsieur le Premier ministre, tient toujours à franchir la ligne jaune pour aboutir à l’irréversible (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).
Ici, vous anéantissez le code du travail et là, vous liquidez la propriété publique ! Alors que vous privatisez GDF, que gagnent les Français à votre petit monopoly idéologique ? Une baisse des tarifs ? Sûrement pas : ils auront bientôt fait la culbute sous votre gouvernement. Peut-être une augmentation en conséquence du salaire du président de GDF ? Je ne commenterai pas cette initiative cynique… Des créations d’emplois ? Pas davantage, bien au contraire, puisqu’il faut satisfaire la Bourse au détriment de la sécurité. L’amélioration du service ? Elle est également exclue, puisque la privatisation rend caduc le contrat de service public avec l’État. Une offre améliorée, des économies d’énergie ? C’est un leurre, puisque chacun recevra désormais deux factures : les services clientèle d’EDF et GDF vont se dédoubler pour mieux se déstabiliser !
Vous ne parviendrez pas à nous vendre cette opération au prétexte qu’il faut sauver le soldat Suez : les tractations entre les deux entreprises sont anciennes, antérieures même à la loi de 2004 qui garantit la propriété publique d’EDF et GDF. À l’époque déjà, nous n’étions pas dupes.
Allez-vous donc trahir l’engagement de M. Sarkozy de ne pas privatiser GDF, ou décider avec son soutien de faire progresser votre rouleau compresseur idéologique en espérant que les Français ne s’en rendront pas compte ? Vous avez, il est vrai, un certain talent pour aiguiser leur vigilance et susciter leur exaspération… Quoi que vous fassiez, vous pouvez compter sur les socialistes pour dénoncer chacune de vos manuvres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie – Vous souvenez-vous, lorsque vos amis étaient au pouvoir en 2000, que les prix du gaz augmentèrent de 30 % ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)
En réalité, il s’agit ici de deux opérateurs de taille moyenne qui souhaitent se rapprocher depuis plusieurs mois autour d’un véritable projet industriel, pour mieux peser sur leurs fournisseurs. Un marché de l’énergie ainsi consolidé permettra de garantir les approvisionnements mais aussi les prix, puisque la seule appartenance à l’État ne peut le faire, comme je viens de le rappeler.
Plusieurs députés socialistes – C’est faux !
M. le Ministre – Le Gouvernement soutiendra ce projet industriel. Une large concertation a déjà été engagée : plus de quinze réunions ont été tenues avec les organisations syndicales à Bercy.
M. Maxime Gremetz - Souvenez-vous d’Alcan et Péchiney !
M. le Ministre – Nous nous sommes engagés à répondre une par une à 71 des question qui y ont été posées. Il ne s’agira pas, ensuite, de passer en force : le Parlement sera saisi du projet…
Plusieurs députés socialistes – C’est ça ! Bien sûr !
M. le Ministre - …et vous déciderez, en votre âme et conscience, si ce projet vaut la peine d’être soutenu, dans l’intérêt des salariés, des clients, de la France et de l’Europe ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)
M. Bernard Brochand - La contrefaçon et la piraterie sont aujourd’hui un défi majeur pour notre économie, nos emplois, nos industries, nos valeurs culturelles et notre art de vivre. Du fait de la notoriété de ses marques et de sa créativité artistique, la France est particulièrement exposée. La contrefaçon s’est considérablement développée dans les cinq dernières années : le commerce des produits contrefaits représentait 5 % du commerce mondial en l’an 2000 ; il en représente aujourd’hui 10 %. Le nombre des saisies en France a augmenté de 60 % entre 2004 et 2005, passant de 3,5 à 5,6 millions d’articles saisis. Je salue d’ailleurs en notre nom à tous le remarquable travail des forces engagées dans la lutte contre ce fléau, en particulier les douanes. La contrefaçon ne concerne plus les seuls produits de luxe : elle s’étend désormais à tous les secteurs économiques – textile, habillement, jouets, médicaments, produits culturels, pièces détachées pour l’industrie automobile ou aéronautique.
M. Richard Mallié - Cigarettes !
M. Bernard Brochand - Elle est aujourd’hui le fait de filières criminelles, voire terroristes, de plus en plus sophistiquées, qui ont compris l’intérêt qu’elles pouvaient en tirer. Outre les dangers physiques auxquels les produits contrefaits exposent les consommateurs et les conditions inhumaines dans lesquelles ils sont produits, la contrefaçon constitue aussi un préjudice économique et social, estimé à la destruction de 30 000 emplois par an en France, et près de 200 000 en Europe.
Face à cette situation alarmante, les ministres des finances, du budget et de l’industrie, l’INPI et le Comité national anti-contrefaçon ont lancé une campagne nationale d’une ampleur inégalée. Pouvez-vous, Monsieur le ministre délégué à l’industrie, nous en dire plus sur cette mobilisation nécessaire et attendue ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)
M. François Loos, ministre délégué à l’industrie - Je confirme les chiffres que vous avez cités. Les produits contrefaits représentent actuellement 10 % du commerce international : c’est considérable. La contrefaçon est responsable de la disparition de 30 000 emplois par an en France, et le phénomène tend à s’aggraver. De plus, en achetant des produits contrefaits, nos concitoyens subventionnent sans le savoir des réseaux criminels – le lien est avéré. Notre action se déploie suivant trois axes. D’abord l’interception des produits contrefaits par les douanes. Les interceptions ont été multipliées par dix en dix ans. Les produits contrefaits sont donc de plus en plus nombreux, mais les douanes ont aussi bien travaillé, et je vous remercie de leur avoir adressé des félicitations. Nous menons ensuite une campagne de mobilisation qui s’adresse à l’ensemble des consommateurs, via des spots télévisés très concrets, qui s’accompagnent du slogan « Non merci à la contrefaçon ». Un site internet existe également. Enfin, avec Jean-François Copé, nous avons préparé un projet de loi tendant à améliorer la réparation du préjudice et à sanctionner ceux qui le causent. Ce texte renforcera également les moyens d’action des services de l’État compétents. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)
M. Bernard Deflesselles - Depuis vingt ans, la route ne cesse de gagner des parts de marché dans le transport terrestre de marchandises en France. En 2004, elle représentait plus de 80 % du trafic en tonnes kilomètre. A contrario, le fer a perdu plus de 14 points pour ne plus représenter que 12 % des transports terrestres. Quant au transport fluvial, il demeure très modeste, avec seulement 2 % du trafic global. Les conséquences sont claires : augmentation de la pollution atmosphérique, avec son lot de problèmes sanitaires, engorgement voire saturation de la majeure partie de notre réseau routier, qui renchérit de fait le coût d’acheminement de nos marchandises, accroissement des risques humains et matériels liés au transport de matières dangereuses.
Le Gouvernement vient d’en tirer toutes les conséquences : fin mars, il a présenté un plan en faveur de l’offre de transports complémentaires au transport routier de marchandises. À l’heure où les préfets de région entament des négociations sur les contrats de projet 2007-2013, quelles ambitions allez-vous poursuivre, Monsieur le ministre de l’aménagement du territoire, en matière de transports alternatifs, au plan national et dans un département qui nous est cher, les Bouches-du-Rhône ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire - Vous avez raison (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). Depuis quinze ans, la route ne cesse de gagner des parts de marché sur la voie fluviale, le rail et le transport maritime. C’est inacceptable. C’est pourquoi nous envisageons, avec Dominique Perben, un report du transport de marchandises sur des modes alternatifs. Nous ne pouvons donc que nous réjouir que Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), lors du dernier CIAT (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), dans le cadre du futur contrat de projet 2007-2013, aient décidé de consacrer un volet important à l’intermodalité, au ferroviaire et à tous les modes de transport alternatifs. Cela nous permettra de relever des défis importants pour l’attractivité de notre territoire et la protection de l’environnement. D’abord celui du transport fluvial, avec les projets entre Seine et Nord et entre la mer du Nord et la mer Méditerranée – avec deux études qui portent sur les liaisons entre la Saône et la Moselle et entre la Saône et le Rhin. Le deuxième défi est celui du rail. Une autoroute ferroviaire va ouvrir entre Perpignan et Bettembourg, au Luxembourg. Nous en envisageons une deuxième entre Fos-sur-Mer et Turin, par le col du Montcenis. Le troisième défi est celui des voies maritimes. Le Premier ministre a signé avec son homologue espagnol un accord sur l’ouverture d’une autoroute maritime entre Bilbao et l’Atlantique, voire la Manche et la mer du Nord ; nous en envisageons d’autres entre Fos-Marseille, Tanger, Barcelone, Rome et Gênes. Les Bouches-du-Rhône seront ainsi une véritable ouverture sur la Méditerranée, tandis que seront mis en place les pôles de compétitivité du Havre 2000 et de Fos-sur-Mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi de programme relatif à la gestion des matières et déchets radioactifs.
M. le Président – L’assemblée s’étant arrêtée, jeudi dernier, après le rejet de la motion de renvoi en commission, nous abordons maintenant l’examen des articles.
M. Claude Birraux, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire – Les amendements 3 rectifié et 77 rectifié étant identiques, je laisse à M. Bataille le soin de les défendre.
M. Christian Bataille – L’amendement 77 rectifié vise à définir les contours de la loi, en indiquant ce qu’est un déchet nucléaire et en affirmant notre devoir de protéger au mieux les populations. Il précise en outre que les intérêts des collectivités et des habitants intéressés doivent être pris en compte, et surtout que nous devons assumer nos responsabilités dès maintenant. L’argument relatif aux générations futures ne saurait nous conduire à repousser les décisions nécessaires, mais bien au contraire à les prendre dès aujourd’hui !
M. François Loos, ministre délégué à l’industrie - Avis favorable.
M. le Président – Espérons que le Conseil constitutionnel trouvera ces dispositions suffisamment normatives, en particulier le second alinéa !
M. Christian Bataille - L’article premier est essentiel, car il sert de trait d’union entre le texte dont nous débattons aujourd’hui, et celui adopté en 1991, qui était centré sur les recherches à mener en matière de déchets nucléaires. On ne peut en effet parler de « gestion » sans affirmer la nécessité de poursuivre les recherches, en respectant un équilibre entre trois axes : l’entreposage, le stockage souterrain profond…
M. Jean-Louis Dumont - Qui doit être réversible !
M. Christian Bataille - …et la séparation poussée ou la transmutation. Les travaux ne doivent en aucun cas se concentrer uniquement sur le stockage souterrain, comme on a parfois tendance à le croire.
L’article premier nous semble donc aller dans le bon sens, même si nous aurons à apporter des précisions par voie d’amendement.
M. Daniel Paul - Rappelons quelques données fondamentales : l’énergie nucléaire a l’avantage de ne pas produire de gaz à effet de serre, et c’est pourquoi notre pays a sans doute eu raison de privilégier cette filière (M. Yves Cochet proteste). Elle n’en produit pas moins des déchets dangereux : en volume, 85 % des substances produites ne sont certes pas nuisibles sur le long terme, mais le reste a une durée de vie très longue et une très haute toxicité.
La question du nucléaire ne peut donc être séparée de celle des déchets, dans lesquels l’opinion publique voit une menace. Les travaux conduits ces derniers mois par la Commission nationale du débat public ont toutefois montré que la filière ne faisait pas l’objet d’un rejet, car de nombreux arguments plaident en sa faveur. La hausse du prix du baril de pétrole, l’instabilité de nombreuses zones de production, mais aussi la crise de l’approvisionnement en gaz russe ont mis en lumière les dangers d’une dépendance énergétique, auxquels s’ajoutent naturellement les contraintes résultant du protocole de Kyoto.
L’énergie nucléaire produisant 80 % de notre électricité, notre indépendance énergétique est assurée, et notre pollution par l’ozone bien inférieure à celle engendrée par les pays ayant fait des choix énergétiques différents. Ce choix, que nous assumons, implique que nous prenions nos responsabilités en matière de déchets ici et maintenant, et que nous ayons une pleine conscience des décisions qui concernent également les générations futures.
Ainsi, nous devons répondre à nos besoins énergétiques, ce qui implique de conserver pour le moment la filière nucléaire, tout en adoptant des solutions pérennes et fiables pour traiter et stocker les déchets produits.
La loi Bataille a eu ceci de positif qu'elle faisait de la recherche une action pérenne dans une filière industrielle qui a à peine cinquante ans d'existence. Nous approuvons le processus qui a été mis en place en 1991, car le sujet nécessite des décisions mesurées, prises en connaissance de cause. Ce processus a permis de développer plusieurs axes de recherche publique, sans fermer aucune porte, alors que la plupart de nos voisins semblent avoir opté pour la solution du stockage.
S'il n’est pas question de nous démettre de nos responsabilités en nous en déchargeant sur les générations futures, il paraît hasardeux et prématuré de trancher en faveur d'une solution. En effet, la faisabilité du stockage en couche géologique profonde n'est pas entièrement acquise. Quant aux recherches sur la séparation transmutation, elles ne sont pas suffisamment abouties.
Nous approuvons donc les principes posés par l'article premier, qui maintient les trois axes de recherche.
Mais c’est l'intégralité de la filière qui est en jeu avec la question des déchets. Il faut donc réfléchir aux liens entre politique énergétique et production de déchets. Miser sur la fabrication de réacteurs de quatrième génération et investir dans des réacteurs nouveaux, plus performants, permettrait d'optimiser la gestion de ces derniers.
La filière nucléaire opérait jusqu’ici dans le cadre d'une maîtrise publique. Les grandes entreprises publiques, nationales et intégrées qu'étaient EDF ou AREVA évoluaient dans un environnement économique stable, sans se préoccuper de gains permanents de productivité et de parts de marché. Que deviendra cette filière intégrée quand le marché de l'énergie nucléaire sera ouvert à la concurrence ? Vous savez comme moi que les entreprises de l'énergie consacrent, dans un environnement hautement concurrentiel et capitalistique, des sommes considérables aux fusions-acquisitions, à la publicité et aux stratégies commerciales. Cette orientation est-elle compatible avec le maintien d'une filière nucléaire stable, investie dans la recherche ? Est-elle compatible avec une gestion sécurisée des déchets ? Avec un démantèlement sûr des centrales en fin de vie ?
M. Jean-Louis Dumont - Nous avons commencé le débat sur ce projet dans un état d’esprit positif. Vous avez levé l’urgence, Monsieur le ministre, et nous avons eu des échanges responsables et de qualité, si bien que j’étais reparti très optimiste sur les terres républicaines que je représente. Mais, pour des raisons que d’ailleurs nous comprenons, l’ordre du jour qui avait été fixé la semaine dernière en Conférence des présidents a été quelque peu modifié. N’étant pas sûr de pouvoir être présent jeudi, j’aimerais recevoir assez vite des assurances claires et précises concernant le développement économique de la Meuse. L’ANDRA, EDF et AREVA ont à cet égard une obligation de résultat.
Le conseil des ministres a pris mercredi dernier une orientation très forte sur la biomasse. Si celle-ci ne se décline pas dans la Meuse, et plus précisément dans le secteur de Bure, ce sera à désespérer des entreprises publiques.
Nous avons eu d’assez longues discussions sur la propriété des déchets. Il est évident que si l’on dit qu’EDF ou les filiales d’AREVA gardent la responsabilité de leurs déchets tout au long de la vie de ceux-ci, cela pourra constituer une barrière contre d’éventuelles tentatives de privatisation, car certains considéreront cette gestion d’un risque comme une trop grosse contrainte.
Le président du conseil général de la Meuse faisait remarquer qu’un pôle d’excellence pourrait être créé sur le thème de l’énergie – énergies nouvelles, économies d’énergie. Moi, je connais un patrimoine, géré par les bailleurs sociaux, qui pourrait utilement offrir un champ d’expérimentation dans ce domaine et devenir un outil pédagogique.
S’agissant des biocarburants et du diester, j’ai été un peu rassuré, car on me dit que les textes vont sortir. Mais beaucoup reste à faire.
Je termine en insistant une fois encore pour que des engagements clairs et précis soient pris avant la fin de nos discussions sur le développement économique de la Meuse. Nous devons être entendus, sans quoi nous nous ferions entendre.
M. le Rapporteur – Avec l’amendement 4 rectifié, la commission vous propose une rédaction globale de l’article premier. Son souci a été de préserver la continuité avec la loi Bataille et de hiérarchiser les priorités. À cette fin, nous consacrons un article spécifique aux recherches sur les déchets radioactifs de haute ou de moyenne activité à vie longue – qui représentent 99 % de la radioactivité totale. Nous maintenons la notion d’axe, qui figurait dans la loi Bataille, et l’ordre qui était celui de la loi de 1991. Enfin, nous soulignons le caractère complémentaire de ces trois axes.
M. Christian Bataille - Cet amendement, qui est une bonne synthèse des débats que nous avons eus en commission et qui reprend certains principes de la proposition de loi du groupe socialiste, a l’avantage sur le texte du Gouvernement de bien préciser les choses dès le début, de tirer la substantifique moelle de la loi de 1991 et de fixer des échéances.
Notre sous-amendement 82 substitue aux mots « en 2020 » les mots « avant le 31 décembre 2020 ». Le sous-amendement 79 rectifié ajoute : « au vu des résultats des études conduites. » Et le sous-amendement 80, plus important, prévoit, avant toute installation, une consultation du conseil général du territoire concerné, ainsi qu’un débat suivi d’un vote au Parlement. Nous avions déjà mis l’accent, dans la loi de 1991, sur le rôle des collectivités territoriales et sur le fait que le Gouvernement ne devait plus décider seul, en écoutant ses seuls conseillers techniques. Désormais, le Parlement est au cur du débat et nous entendons bien que cela continue.
M. Yves Cochet – Dans la nouvelle rédaction proposée pour l’article premier, certaines solutions qui figuraient dans le texte initial ont disparu. Il faut d’abord distinguer les déchets de l’ensemble des matières radioactives. Le choix du stockage géologique engage manifestement les générations futures en ce qu’il implique le maintien à long terme de l’option nucléaire et éventuellement l’emploi de réacteurs de la quatrième génération. Il faut d’ailleurs s’entendre sur le volume des déchets. Considère-t-on seulement les déchets ultimes, c’est-à-dire les produits vitrifiés contenant les produits de fission et les actinides mineurs, ou l’ensemble des combustibles usés et non retraités, tels que les mox et les oxydes d’uranium irradiés ?
Par le sous-amendement 145, nous réintroduisons ce qui figurait dans le projet initial pour conserver la possibilité de changer de politique énergétique, par exemple l’an prochain, et ainsi sortir du nucléaire.
M. le Rapporteur – La commission a adopté le sous-amendement 82, qui apporte une précision utile. Sur le sous-amendement 79 rectifié, je suis favorable à titre personnel ; la commission avait repoussé l’amendement avant qu’il ne soit rectifié. Le sous-amendement 80 est satisfait par un amendement que je propose avant l’article 8. Il est inutile d’anticiper sur ce débat, et la commission l’a repoussé. Enfin, le sous-amendement 145 n’a pas été défendu en commission. Bien évidemment, nous ne sommes pas favorables à la sortie du nucléaire qui est mentionnée dans l’exposé sommaire. L’alinéa figurait effectivement dans le projet initial, mais le fait même que M. Cochet puisse l’interpréter ainsi prouve que sa rédaction était beaucoup trop floue. De toute façon, la question est traitée dans le plan national de gestion des déchets radioactifs.
M. le Ministre délégué - Je suis favorable à l’amendement et aux sous-amendements 82 et 79 rectifié. En revanche, le sous-amendement 80 aborde un sujet qui sera discuté dans le cadre de l’article 8. Enfin, le sous-amendement 145 réintroduit une disposition qui figurait dans le texte initial, mais je ne partage pas l’exposé des motifs de M. Cochet. La préoccupation de celui-ci sera satisfaite, car je demanderai à l’ANDRA d’étudier toutes les hypothèses. Mais il n’est pas nécessaire de l’inscrire dans la loi.
M. Daniel Paul - L’amendement 4 rectifié faisant tomber tous les autres, je voudrais indiquer que, par notre amendement 185, nous voulons supprimer la référence à la mise en exploitation d’un centre de stockage en couche géologique profonde en 2025. Nous sommes d’accord pour poursuivre la recherche sur les trois solutions prévues en 1991, la transmutation, l’entreposage et le stockage. Qu’on prenne des dispositions sur l’entreposage avant 2020 peut se comprendre. Mais décider aujourd’hui de la création d’un centre de stockage en 2025 ôte tout sens au rendez-vous prévu pour 2015.
M. François Dosé - Je voudrais abonder en ce sens. Comment parler de recherche ouverte si, dès le début, on fixe une date pour l’achèvement de ce qui doit faire l’objet de l’étude ? En outre, la recherche devrait être comparative – mais il n’y a plus qu’un laboratoire. Comme je le disais en plaisantant, que tous ceux qui votent ce texte soient candidats pour l’installation d’un deuxième laboratoire dans leur circonscription !
D’autre part, il faut que le Parlement décide, et non qu’il donne un avis. Partant de rien, donner un avis est déjà un progrès, mais ce sont les élus du peuple qui doivent décider si l’on met en uvre cette solution, non un gouvernement dont on ne sait pas ce qu’il sera dans quinze ans.
M. François Cornut-Gentille - Je m’associe aux propos de M. Dumont sur le développement économique, simplement cela doit valoir pour la Haute-Marne comme pour la Meuse.
M. Jean-Louis Dumont - Faisons cause commune !
M. François Cornut-Gentille - Par mon amendement 113, qui risque de tomber, je voulais insister sur les recherches sur l’entreposage en surface et en faible profondeur. Le débat public a montré un consensus sur l’intérêt de cette piste, même si c’est pour conclure que le stockage vaut mieux.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Les membres de la commission – pas M. Cornut-Gentille qui n’y siège pas – sont bien au courant de ce que nous allons voter. D’abord, tous les amendements de forme qui vont tomber ont été déposés après le vote par la commission de l’amendement 4 rectifié. Mais, pour répondre à l’inquiétude exprimée par M. Dosé, un amendement du rapporteur avant l’article 8 fixe un rendez-vous pour que le Parlement se prononce avant la mise en exploitation d’un centre de stockage. Nous aurons le débat à ce moment.
M. Christian Bataille – Reste que le complément naturel de cet amendement 4 rectifié figure avant l’article 8. Pour éclairer notre vote, il faut nous en exposer le contenu. Sinon, nous sommes en parfaite cohérence avec la proposition de loi du groupe socialiste qui demande qu’au vu des résultats des études, la construction d’un centre de stockage réversible puisse être envisagée pour mise en service en 2025, après consultation du conseil général et rapport du Gouvernement au Parlement qui prendra la décision. Vous nous proposez la même chose, mais en deux morceaux, alors que nous considérons que cela forme un tout.
M. Daniel Paul - J’ai l’impression de me retrouver dans le débat d’il y a quelques jours sur le sens du mot « réversibilité »… S’agissant du stockage réversible en couche géologique profonde, l’amendement indique que « les études et recherches correspondantes sont conduites en vue de choisir un site et de concevoir un centre de stockage de sorte que la demande de son autorisation prévue à l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement puisse être instruite en 2015 et le centre mis en exploitation en 2025 » ; puisqu’il ne s’agit là que d’une éventualité, il serait plus cohérent d’introduire le mot « éventuellement ».
M. Yves Cochet - Pour une fois, je suis d’accord avec M. Paul, et j’ajoute que le calendrier indiqué paraît très optimiste : la Commission nationale d’évaluation, qui a dressé une liste des recherches qui restent à effectuer, parle de décennies de recherche ; il semble donc très prématuré de statuer aujourd’hui.
M. Jean-Louis Dumont - J’ai signé des amendements qui vont tomber, mais je tiens à souligner la nécessité d’ajouter le mot « réversible » chaque fois qu’il est question de stockage, afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté. Les engagements pris ne doivent pas pouvoir être contestés.
M. le Président de la commission - En accord avec le rapporteur et le ministre, je propose un sous-amendement de séance tendant à insérer, après les mots « instruite en 2015 et », les mots « , sous réserve de cette autorisation, ».
M. Jean-Louis Dumont - Correction utile !
M. le Ministre délégué - Avis favorable. Il est néanmoins normal, dans un article qui donne un objectif à des recherches, de fixer des délais. La Commission nationale d’évaluation dans son ensemble, Monsieur Cochet, considère que ceux-ci sont raisonnables, même si tel ou tel expert n’est pas du même avis.
M. Christian Bataille - Notre amendement 83 tend à préciser que « tout projet d’installation d’un laboratoire souterrain de recherche, d’un centre de stockage souterrain, d’un centre d’entreposage de longue durée en surface ou en sub-surface ou d’un réacteur expérimental de démonstration de la transmutation donne lieu, avant tout engagement de travaux de recherches préliminaires, à une concertation avec les élus et la population des sites concernés, dans les conditions fixées par décret ».
M. le Rapporteur – La commission partage le souci d’assurer une large concertation, mais c’est déjà le cas avec les dispositions existantes ; c’est pourquoi elle est défavorable à cet amendement.
M. le Ministre délégué – Même position.
M. François Dosé - Le dialogue ne suffit pas car la somme des intérêts territoriaux n’est pas l’intérêt général, et beaucoup de gens ont eu dans le passé le sentiment que ce dialogue consistait à leur dire « Cause toujours »…
M. Daniel Paul – Je suis pour le développement de la filière nucléaire, mais pour cette raison je souhaite qu’on rompe avec certaines pratiques. Il faut prendre le problème des déchets à bras-le-corps et trouver des formules pour aller au-delà de ce que permet le code de l’environnement avec la loi Barnier.
Dire qu’il faut compter avec la Commission nationale du débat public, le conseil général, les élus, c’est bien le minimum ! Il est bon que cet amendement fasse état de la nécessaire concertation avec les élus et la population des sites concernés. Il faut en effet faire en sorte que l’avis des populations soit mentionné dans le dossier remis aux autorités compétentes avant qu’elles ne prennent leur décision. J’ai été enseignant : je sais que les meilleures décisions sont toujours prises en commun. J’ai confiance en l’action de nos concitoyens. Allons au-delà des pratiques actuelles !
M. le Rapporteur – L’amendement 5 reprend, réorganise et complète les dispositions de l’article premier dans le cadre de ce qui a vocation à être un article premier bis. Nous proposons en particulier de prévoir la définition de solutions de stockage pour les déchets graphites et radifères et d’organiser la surveillance radiologique des centres de stockage de résidus miniers.
M. Claude Gatignol – Les sous-amendements 233 et 75 visent à améliorer la rédaction de cet amendement en précisant d’une part la date de mise en service du centre de stockage – 2013 – et, d’autre part, en remplaçant le mot « centres » par le mot « sites », terme utilisé habituellement dans le code minier.
M. Christian Bataille – Cet article complexe et normatif définit les différents types de déchets. Nous proposerons des amendements afin d’éviter la rédaction un peu provocatrice de l’alinéa 9 ainsi que les distinctions byzantines entre ces différentes catégories.
M. François Dosé – L’alinéa 9 est en effet provocant : si le stockage de déchets radioactifs est l'opération consistant à placer des substances que l'on n'a pas l'intention de récupérer dans une installation spécialement aménagée, ma contribution au débat s’arrête là – mais il est vrai que le travail de la commission devrait me rassurer.
M. le Rapporteur – L’amendement 148 est de coordination.
M. Yves Cochet – L’amendement 129 vise également à préciser la définition de certains termes. Celle que donne le texte du déchet nucléaire est contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation – arrêt du 7 décembre 2005 – et à celle de la Cour de justice des communautés européennes. En fait, la question de l'utilisation future – éventuelle ! – n'est qu'un indice auquel on recourt quand il y a doute sur la qualité des matières, mais le critère principal, c’est que le déchet est le résidu d'un processus industriel. Dès lors, ce que l’on en fait permet simplement de dire si l'on est en présence d'un déchet ou de ce que le droit français qualifie de « déchet ultime ». La définition proposée implique que l’on laisse à l'industrie, en fonction de ses propres prévisions, la liberté de trancher entre ce qui est un déchet et ce qui ne l’est pas, et donc de se soumettre ou non aux obligations qu’entraîne l’existence de déchets. Elle exclut des matières qui pourtant nécessitent un suivi et des voies de gestion sûres et pérennes.
M. Christian Bataille – L’amendement 84 vise à faire la synthèse des alinéas 6 et 7 qui distinguent d’une manière assez byzantine déchets radioactifs et déchets radioactifs ultimes. Nous proposons une rédaction simplifiée qui évitera des confusions.
M. le Rapporteur – Avis défavorable à l’amendement 129 qui propose une définition dérogatoire au droit commun des déchets. Un déchet, au sens du code de l’environnement, est une substance destinée à l’abandon. Le projet reprend cette logique pour le déchet radioactif en définissant celui-ci comme la substance dont aucune utilisation n’est prévue ou envisagée. Il me paraît préférable d’en rester là plutôt que d’adopter la définition proposée par M. Cochet qui, en définissant le combustible irradié et le plutonium comme déchet, conduirait à empêcher leur traitement. Cela reviendrait à interdire en matière nucléaire le tri et le recyclage que M. Cochet réclame par ailleurs…
M. Yves Cochet - Pas pour le nucléaire !
M. le Rapporteur - …dans tous les autres secteurs.
L’amendement 84 est quant à lui contradictoire puisqu’il serait d’une part dérogatoire au droit général des déchets et qu’il risquerait d’autre part de favoriser le stockage de déchets étrangers dans notre pays. Il suffirait en effet à un étranger de laisser en France des matières dont le traitement est possible et dont la définition n’entrerait pas dans celle que vous proposez.
M. le Ministre délégué – Même avis sur l’amendement 84. Avis défavorable également à l’amendement 129 mais je précise en outre que les définitions que nous proposons sont issues de la convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs adoptée à Vienne le 5 septembre 1997 et ratifiée par la France le 2 mars 2000 : « déchet radioactif s’entend des matières radioactives sous forme gazeuse, liquide ou solide pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n’est prévue par la partie contractante ou par une personne physique ou morale dont la décision est acceptée par la partie contractante », les parties contractantes désignant ici les États signataires de cette convention. Vous nous soupçonnez peut-être de vouloir restreindre la notion de déchet radioactif pour exclure des substances qui nécessiteraient des voies de gestion pérenne, mais le projet couvre toutes les substances radioactives, déchets et matières. Les définitions que nous avons retenues permettront à la Cour de cassation de se fonder sur le texte plutôt que de créer de la jurisprudence.
M. le Président de la commission – Très bien.
M. Jean-Louis Dumont – Certaines substances sont actuellement considérées comme des déchets voire des déchets ultimes. Or, nous savons que dans un siècle ou deux, ces déchets pourront peut-être constituer de nouvelles sources d’énergie. La séparation, au cours des dernières années, a beaucoup progressé. Par l’amendement 193, nous proposons donc de compléter l’alinéa 6 de l’article par les mots : « à l’aune des connaissances scientifiques actuelles. »
M. le Rapporteur – Avis défavorable. Cet amendement est satisfait par la définition donnée par le texte. En outre, comment envisager une utilisation impossible en l’état actuel des connaissances ?
M. Jean-Louis Dumont – Il s’agit de dire que la réversibilité sera utile.
M. le Ministre délégué – Avis défavorable.
M. Yves Cochet – Il faut certes considérer les connaissances scientifiques mais il convient également de rappeler quelques considérations politiques. Mon amendement 129 mentionnait le plutonium. Dans les années soixante-dix, selon le point de vue soviétique, cette substance ne constituait en rien un déchet car elle était fortement valorisable, notamment sur un plan militaire. Aux États-Unis, au contraire, il était considéré comme un déchet – le président Carter, ingénieur nucléaire, connaissait bien le problème – par crainte de la prolifération. La politique s’est donc imposée à la science, dans un contexte marqué par les négociations de non-prolifération. La France, d’ailleurs, n’a ratifié ce traité que plus tard, et certains ne l’ont pas encore fait, comme l’Inde, à qui l’on tente de vendre des centrales. Mais sans doute est-ce de la politique alors que nous parlons de science…
M. Yves Cochet - L’amendement 130 vise à supprimer les alinéas 8 et 9 de l’article. On y introduit la notion d’intention de récupération – ou non – des déchets. Or, dans le cadre de l’entreposage de longue durée, l’intention n’est pas de les récupérer, mais de les reconditionner. C’est ce même souci qui nous a poussés à introduire, dans la loi Bataille, la notion de réversibilité – qui ne justifie d’ailleurs pas que l’on entrepose en profondeur : la sub-surface suffirait.
Dans le cas du stockage géologique, la réversibilité exige que l’on puisse récupérer les déchets même si l’on n’en a pas l’intention. La distinction entre entreposage et stockage n’a pas lieu d’être : la définition du stockage suffit. Il doit être réversible quelle qu’en soit la profondeur, et nous devons conserver cet acquis ! D’ailleurs, nous ne souhaitons pas stocker définitivement, mais plutôt surveiller : c’est pourquoi la profondeur géologique ne se justifie pas.
M. le Rapporteur – Avis défavorable : le stockage et l’entreposage sont deux choses différentes. L’entreposage a vocation à être temporaire, alors que le stockage est envisagé pour une très longue durée. Quant à la réversibilité, que concerne l’article 8, nous y sommes très attachés.
M. le Ministre délégué – Même avis. Je comprends l’hostilité de M. Cochet au principe du stockage, mais ce n’est pas en en supprimant la définition que l’on fait disparaître un objet…
M. le Rapporteur – L’amendement 149 est rédactionnel.
M. Christian Bataille - L’amendement 85 est de précision. L’entreposage n’exclut pas la possibilité du stockage, mais il faut préciser la notion de sub-surface à l’alinéa 8 pour éviter toute confusion avec les centres souterrains.
M. François Cornut-Gentille - Le sous-amendement 230 vise à remplacer le terme « sub-surface » par l’expression « faible profondeur », plus précise et plus française.
M. le Rapporteur – Avis favorable à l’amendement 85 sous réserve de l’adoption du sous-amendement 230. Le remplacement des termes empruntés à l’anglais dans la loi, que ce soit « sub-surface » ou « implémentation », est en effet bienvenu.
M. le Président de la commission – Parlons enfin français dans cet hémicycle !
M. le Ministre délégué – Même avis.
M. le Rapporteur – L’amendement 150 est de coordination.
M. le Ministre délégué – Avis défavorable. Les mots ont leur importance, et nous avons un devoir de transparence à l’égard de nos concitoyens : le stockage géologique réversible est différent de l’entreposage, pas seulement en termes de matériaux utilisés, mais aussi en termes d’intention. Le stockage réversible offre un choix aux générations futures : ne pas récupérer les déchets, ou le faire si de nouvelles solutions scientifiques ont été trouvées pour leur utilisation. Il faut considérer l’avenir de l’évolution scientifique et ne pas s’en tenir à l’axe I, celui des déchets déjà produits. Au fond, le stockage réversible est un peu comme le mariage : on ne se marie jamais dans l’intention de divorcer, mais la possibilité en est acquise dès le départ (Sourires). La comparaison n’est pas romantique, je le concède, mais elle illustre la raison pour laquelle le Gouvernement préfère sa formulation, plus précise, à celle de la commission.
M. le Rapporteur – N’étant pas spécialiste des questions matrimoniales, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
M. Jean-Louis Dumont - La loi doit préciser la mission de l’ANDRA en matière de stockage réversible en couche profonde, dans le respect des principes que nous venons d’adopter à l’unanimité. Nous pouvons faire confiance à notre collègue et président du conseil d’administration de l’ANDRA, qui est maintenant à l’écoute. Cependant, parce que toute vie politique est aléatoire, la loi doit servir de référence. Certes, une loi peut ne pas être appliquée, même après sa promulgation…
J’ai défendu l’amendement 192.
M. le Rapporteur – Avis défavorable.
M. Jean-Louis Dumont - Nous travaillons à l’aveugle !
M. le Rapporteur – Alors que nous venons d’adopter une définition du stockage, voter cet amendement, ce serait comme légaliser la bigamie ou la polygamie.
M. François Dosé – L’amendement 86 vise à écrire que le stockage réversible des déchets radioactifs en couches géologiques profondes est l’opération consistant à placer des substances radioactives dans une installation souterraine. Il s’agit de remplacer un alinéa dont la rédaction est pour le moins surprenante !
M. Jean-Louis Dumont - Les auteurs de ces lignes sont toujours en poste !
M. le Rapporteur – Je souhaiterais que cet amendement soit retiré au profit de l’amendement 6 rectifié que la commission a adopté.
M. Christian Bataille – Soit. Nous le retirons.
L’amendement 6 rectifié tend à définir le stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs comme le stockage de ces substances dans une installation souterraine spécialement aménagée à cet effet, dans le respect du principe de réversibilité.
M. le Ministre délégué – Avis favorable. Le Gouvernement propose toutefois, par le sous-amendement 231 de substituer aux mots « dans le respect du principe de réversibilité », les mots « permettant, en application du principe de réversibilité, pendant une durée fixée, au moins égale à cent ans, de récupérer les déchets. » Soyons clairs : la réversibilité est une possibilité qui est donnée, mais ce n’est pas la seule. C’est pourquoi je souhaite rappeler que nous proposons une réversibilité pour au moins cent ans.
M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné ce sous-amendement, auquel je suis favorable à titre personnel.
M. Daniel Paul - Nous y allons tous de notre définition du stockage en couche géologique profonde. L’amendement 206 propose de maintenir purement et simplement l’expression « dans le respect du principe de réversibilité de cette opération », sans limitation de durée. Nous verrons cela en 2015, date charnière pour la mise en place de ce stockage. Pourquoi fixer dès aujourd’hui une durée limitée à la réversibilité ? J’ai bien aimé votre poésie sur le mariage, Monsieur le ministre – le nucléaire n’est pas si romantique. Mais n’en faisons pas trop : faisons-en suffisamment, en confirmant la loi de 1991, sans anticiper sur les décisions à prendre en 2015.
Le Journal du CNRS daté du mois d’avril livre un bon article sur les déchets nucléaires. « Une fois confinés dans des matrices, explique-t-il, les déchets sont coulés dans des conteneurs en acier, qui constituent une première barrière contre la dispersion. Dans un site de stockage en couche géologique profonde, ils seraient dispersés dans des galeries scellées par de la bentonite et du ciment, constituant la barrière dite ouvragée. La couche géologique dans laquelle seraient creusées ces galeries formerait une dernière barrière. » Il faut dire à la population, jusqu’en 2015, et j’espère après, qu’il ne s’agit pas d’enfouissement des déchets. C’est pourtant de cela qu’il est question, et c’est pourquoi j’ai utilisé à dessein, la semaine dernière, le mot « enfouissement ». Je fais confiance à la recherche pour trouver des solutions. Mais n’en disons pas plus qu’il ne faut aujourd’hui : nous serions en contradiction avec nous-mêmes.
M. le Rapporteur – La réflexion de M. Paul est intéressante. Le Gouvernement a raison de dire dès à présent que la durée de la réversibilité doit être supérieure à cent ans. Mais faut-il pour autant fixer les choses, alors qu’un rendez-vous parlementaire est prévu en 2015 et que la loi aura pour tâche de définir les conditions de la réversibilité ? À titre personnel, je serais donc d’avis de ne pas anticiper sur ce rendez-vous.
M. le Ministre délégué – Le Gouvernement est favorable à l’amendement 206, à condition que l’on ajoute, après les mots « dans le respect du principe de réversibilité de cette opération », les mots « pour au moins cent ans ».
M. le Président – Les amendements 6 rectifié et 206 sont en discussion commune : vous ne pouvez être favorable aux deux.
M. le Ministre délégué – J’ai donné un avis favorable à l’amendement 6 rectifié ; je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée sur le 206.
M. Jean-Louis Dumont – Peut-être l’auteur de l’alinéa 9 de l’article 3 s’est-il laissé aller à rêver sur les bourgeons qu’il voyait poindre par la fenêtre sur le forsythia… En tout cas, il ne s’est pas rendu compte de ce qu’il écrivait. C’est pourquoi nous avons proposé d’insérer de nouveaux alinéas après celui-ci. On nous opposera qu’ils sont redondants ; mais plus on écrira que le stockage est réversible, mieux cela vaudra !
Il importe d’autre part de dire que ce sont les colis qui pourront être retirés, et que ces colis contiennent des déchets ultimes, qui le seront peut-être moins dans quelques décennies. Dans notre imaginaire, nous nous disons tous qu’il faut ouvrir des perspectives, et non fermer le trou. (M. Cochet s’esclaffe) C’est bien ce que voulait dire notre collègue Paul en nous rappelant que le béton peut être « réactivé ».
L’amendement 191 reprend donc des termes qui deviennent incontournables. La loi de la République doit être comprise par tous, y compris par ceux qui vivront autour du laboratoire de Bure, en Meuse et en Haute-Marne. Lorsque la transmutation permettra de retravailler ces colis, une nouvelle industrie démarrera. Si le Parlement décidait alors de revenir sur la réversibilité, nul ne pourrait l’en empêcher. Disons au moins qu’en 2006, le Parlement souhaitait que cette réversibilité soit au cur de la recherche.
M. le Rapporteur – La commission a adopté l’amendement de M. Bataille et du groupe socialiste, devenu l’amendement 6 rectifié. Nous tenons à ce qu’il soit adopté (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP), ce qui nous amène à émettre un avis défavorable sur les autres amendements.
M. le Ministre délégué – Même avis. Pour faire bonne mesure, je retire mon sous-amendement. Je rappelle d’ailleurs que le texte que vous proposez de modifier découle de la convention de Vienne, signée en 1997 et ratifiée en 2000. Il reprend donc la définition qui est reconnue au niveau international.
M. Yves Cochet - Je ne sais si l’amendement 191 est retiré ou non, mais je ne puis y souscrire en l’état.
Vous précisez : « lorsque la science permettra la séparation ou la transmutation ». Or, c’est déjà fait en théorie, mais pas au plan industriel ! Il faut en effet utiliser, soit un émetteur de neutrons, soit un autre réacteur, ce qui produit plus de déchets que vous n’en traitez ! À l’échelle industrielle, une telle opération ne marchera sans doute jamais – même si le terme est un peu fort, reconnaissons-le.
M. le Président de la commission – Et surtout, il ne fait pas partie du vocabulaire législatif !
M. Yves Cochet - Je suis donc défavorable à l’amendement de M. Dumont.
M. Christian Bataille – Bien que vos services travaillent sur ce texte depuis des mois et que la commission se soit réunie à maintes reprises, vous déposez, à la dernière minute, un sous-amendement, Monsieur le ministre ! Comment ne pas s’élever vigoureusement contre un tel procédé ?
Vous écrivez par ailleurs que la durée sera « au moins égale à cent ans », mais je comprends : « au plus égale à cent ans » ! Alors que des techniciens obstinés voulaient réintroduire le principe d’irréversibilité en 1991, nous avions coupé la poire en deux, en ouvrant la possibilité et de la réversibilité et de l’irréversibilité. Je me félicite donc du retrait de ce sous-amendement, Monsieur le ministre : en réintroduisant – de façon hypocrite d’ailleurs – le principe d’irréversibilité, vous auriez radicalement changé l’appréciation que nous portons sur cette loi.
M. le Président – A l’unanimité. Les amendements 206 et 191 tombent, de même que le 63 et le 73.
M. Christian Bataille – L’établissement d’un plan national de gestion des déchets suppose que les pouvoirs publics jouent pleinement leur rôle, en adoptant une véritable vision d’un environnement où vont intervenir de plus en plus de partenaires privés, voire privatisés. Il faudrait en particulier que le Parlement définisse sa vision de ce secteur.
M. Daniel Paul - Cet article, qui définit des orientations stratégiques en matière de recherches et d’études, pose certes des principes généraux justes, et même généreux, mais il comporte également des manques fâcheux. Ainsi, différents pays, comme les États-Unis, l’Allemagne ou la Finlande se sont déjà engagés dans la voie du stockage, même s’il n’existe pas encore de sites exploités. Depuis les années 1970, de nombreuses études portant sur les sites granitiques ont été menées dans les pays scandinaves et au Canada, et plusieurs sites ont été sélectionnés, offrant des laboratoires d’observation qu’il conviendrait de suivre de près.
Par conséquent, il serait bon de prévoir dans ce texte une optimisation des recherches par le biais de coopérations internationales.
Autre manque : les orientations relatives à la séparation-transmutation. Chacun sait que c’est la filière électronucléaire qui produit le plus de matières hautement radioactives, et que les déchets à vie longue et hautement toxiques sont composés des produits de fission provenant des combustibles utilisés. La gestion des déchets étant conditionnée par leur nature et leur volume, il faut accorder la priorité au développement des réacteurs du futur.
L’utilisation des réacteurs de troisième génération, dits EPR, permettrait en effet de réduire les déchets de 15 % et il convient de promouvoir activement les recherches sur les réacteurs de la génération suivante. La possibilité de transmutation a en outre été démontrée sur des échantillons placés dans le cur à neutrons rapides du réacteur Phénix. Le développement de ce type de réacteur du futur devrait donc être mentionné dans l’article 4, d’autant que la décision d’arrêter la centrale Phénix a été prise sans qu’aucune solution précise de remplacement ait été présentée. Le rapport de la commission des affaires économiques mentionne la mise en exploitation d’un prototype d’un tel réacteur d’ici à 2020, mais le contenu de l’article est en deçà des attentes légitimes qui existent en matière de recherches et de débouchés économiques.
La poursuite de la recherche fondamentale sur la séparation-transmutation devrait également être abordée dans le plan national de gestion des déchets. Certains déchets, comme le neptunium, présents en petite quantité mais très nocifs et à longue durée de vie, peuvent en effet être séparés de l’uranium et du plutonium, qui sont recyclables. Un procédé développé par le CEA permet ainsi de récupérer 99 % du neptunium contenu dans les déchets des centrales EDF. Il est vrai que le coût de telles opérations reste très élevé et qu’il faudra sans doute poursuivre pendant des décennies les recherches pour passer du stade expérimental au stade industriel, mais le jeu en vaut la chandelle !
Certes, je reconnais que les amendements adoptés en commission apportent certaines améliorations, s’agissant de la responsabilité afférente aux combustibles radioactifs usagés, mais il faudrait que le plan national soit aussi complet que possible, comme le demande le rapport de la commission. Puissiez-vous donc vous montrer sensibles à l’amendement que nous allons présenter !
M. le Rapporteur – Je laisse à M. Bataille le soin de présenter l’amendement 60.
M. Christian Bataille – Il tend à supprimer l’alinéa 2 de l’article 4, qui prévoyait une déclaration de principes dépourvue de justification à cet endroit du texte.
M. le Ministre délégué – Avis favorable.
M. Jean-Louis Dumont - L’adoption de cet amendement ferait tomber mon amendement 212, qui précise la nature « financière » des charges. En effet, il n’est pas question du baudet de service ! Il existe dans ce texte des flous dangereux, et il faut espérer que la sagesse qui inspire aujourd’hui Christian Bataille et Claude Birraux garantira demain une véritable solidarité économique envers les départements.
M. Yves Cochet - Si l’amendement 60 n’était pas adopté, il faudrait remplacer « ou » par « et » après « en prévenant » dans l’alinéa 2 de l’article. Afin de limiter le plus possible les charges transmises aux générations futures, il convient en effet de réduire la production de déchets nucléaires à la source. Cela implique de sortir du nucléaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)
M. le Ministre délégué – Nous avons repris le texte exact de la Charte de l’environnement, Monsieur Cochet ; cela dit, il faut à l’évidence et prévenir et limiter les charges !
En réponse à M. Dumont, je lui rappelle qu’un amendement déjà adopté fait mention d’un « fardeau indu ». Le terme de « charges » employé ici est suffisamment clair.
M. le Président – Les amendements 131 et 212 tombent.
M. le Rapporteur – L’amendement 7 rectifié précise que la responsabilité des combustibles usés et des déchets radioactifs incombe à leur producteur, même s’ils n’en sont pas les détenteurs et s’ils les ont confiés à d’autres, en vue notamment d’assurer leur retraitement, leur conditionnement, leur entreposage, voire demain leur stockage.
M. Christian Bataille - L’amendement 213 est défendu.
M. le Rapporteur – Il ne faudrait pas que la question de la réversibilité revienne comme une litanie dans nos débats. Ce point ayant déjà été réglé, ne rouvrons pas le débat à chaque occurrence du mot « stockage » ! Ce que nous avons prévu s’applique à l’ensemble du texte.
M. le Ministre délégué – Défavorable, pour les mêmes raisons.
M. Christian Bataille - L’amendement 194 est défendu.
M. le Rapporteur – Le 151 est un amendement de coordination.
M. Christian Bataille - L’amendement 9, adopté par la commission, précise que le plan comportera en annexe une synthèse des recherches conduites dans les pays étrangers.
M. le Rapporteur – L’amendement 10 rectifié de la commission dit que seuls les éléments normatifs du plan doivent être publiés au Journal officiel.
M. le Ministre délégué – Tout à fait d’accord, moyennant un sous-amendement 164 qui remplace « le ministre chargé de l’énergie » par « le Gouvernement ». S’agissant d’un décret, c’est en effet cette formule qui s’impose.
M. le Rapporteur – D’accord.
M. Daniel Paul - Il ne faut pas exclure du plan national de gestion des déchets l’objectif de poursuite des recherches sur la voie de la séparation-transmutation. Elle n’est pas du tout mentionnée à l’article 4, alors qu’elle est un élément essentiel du dossier et qu’elle permettra sans doute de réduire considérablement le volume des déchets. Vous avez déclaré, Monsieur le ministre, qu’il faudrait des décennies de recherche avant de passer, dans cette voie, au stade industriel. Raison de plus pour prévoir des moyens ! Est-ce parce que vous êtes conscients de l’insuffisance des subventions données au CEA que le texte passe soudain sous silence cette voie de recherche, pourtant très prometteuse ? Nous souhaitons un engagement plus clair en sa faveur. Tel est le sens de notre amendement 207.
M. Yves Cochet – Je ne suis pas un spécialiste du nucléaire, mais je pense que pour faire de la séparation, il faut un flux de neutrons, donc une certaine somme d’énergie dans un générateur de neutrons. On peut alors se poser la question suivante : la quantité d’énergie nécessaire pour produire ce flux de neutrons n’est-elle pas supérieure à celle que l’on peut récupérer après séparation ? Pour faire de la transmutation, on peut aussi recourir à un réacteur nucléaire, mais dans ce cas, celui-ci va lui-même produire d’autres déchets ! C’est donc globalement qu’il faut évaluer l’intérêt thermodynamique ou nucléaire de l’ensemble de la chaîne séparation-transmutation. Je comprends que les gens du CEA croient en cette voie, Monsieur Paul, mais tel n’est pas mon cas et je me demande si on ne poursuit pas là le vieux rêve des alchimistes.
J’en arrive à mon amendement 132, qui reprend un grand principe « écolo », celui de la réduction à la source. Ce qui vaut pour les déchets en général doit aussi valoir pour les pires d’entre eux puisque les plus dangereux et les plus coûteux à traiter, à savoir les déchets radioactifs. Cette réduction à la source doit donc être un élément fondamental du plan national de gestion. Cela étant, si l’on veut réellement réduire la production de déchets radioactifs à la source, il faut sortir du nucléaire !
M. le Rapporteur – Nous sommes allés au-devant des désirs de M. Paul, puisque nous avons affirmé à l’article premier l’objectif de poursuite des recherches sur la transmutation et la séparation. Avis défavorable, donc, sur l’amendement 207. Nous sommes également défavorables à l’amendement 132, qui est satisfait…
M. Yves Cochet - Ah ?
M. le Rapporteur - …dans la mesure où le traitement et le retraitement réduisent très fortement le volume et la toxicité des déchets. À production d’électricité égale, les nouveaux réacteurs réduisent aussi leur volume.
M. le Ministre délégué – M. Paul a satisfaction, puisque l’article premier rappelle l’importance que nous attachons à la séparation-transmutation, axe I des recherches.
La séparation est une opération chimique, Monsieur Cochet, qui ne fait pas appel aux neutrons. C’est pour la transmutation qu’ils sont nécessaires.
Avis défavorable sur le 132, car nous ne partageons pas les prémisses du raisonnement de M. Cochet.
M. Christian Bataille - Si on ne poursuit pas activement les recherches fondamentales sur la séparation et la transmutation, la notion de réversibilité perd tout son sens ! Je soutiens donc l’amendement 207.
M. Daniel Paul - Si j’ai présenté cet amendement, c’est parce que nous avons depuis toujours le souci que la recherche continue d’être portée. Or, quand j’entends certains responsables, par exemple au CEA ou au CNRS, je sens une inquiétude à ce sujet, et ce précisément au moment où il faudrait au contraire donner un coup de collier.
En second lieu, alors que les trois voies de recherche sont concernées, je trouve dommage que dans ce III, consacré au plan national de gestion, le 1° soit en retrait sur les 2° et 3° qui parlent de stockage et d’entreposage dans des termes qui me conviennent. Je ne peux m’empêcher de mettre cela en rapport avec l’insuffisance des moyens de la recherche, les délais que vous envisagez, et le fait que les responsables de la recherche, pour l’essentiel, pensent que le délai fixé par le Président Chirac – avant 2020 – ne sera pas respecté.
M. le Ministre délégué – L’article premier traite de la recherche sur la séparation-transmutation. Il est ici question du plan de gestion, c’est autre chose. Mais je vous rassure, Monsieur Paul, nous augmentons les crédits de recherche sur ce premier axe, et nous ne sommes pas les seuls – même les États-Unis viennent de manifester leur intérêt le 6 février dernier.
M. Yves Cochet - Selon la Commission nationale d’évaluation, en 2006, nous n’avons aucun argument décisif permettant de prendre une décision sur la transmutation. Elle ne représente qu’un espoir pour le CEA, c’est-à-dire le lobby du nucléaire, mais un espoir qui repose sur des types de réacteurs qui ne sont encore qu’à l’état de concept.
M. le Rapporteur – L’amendement 11 est de précision, mais essentiel pour la réduction à la source.
M. Christian Bataille - L’amendement 196 est défendu.
M. Yves Cochet - C’est en nous inspirant de la Commission nationale d’évaluation et du débat public que nous voulons, par l’amendement 133, faire reconnaître l’entreposage pérenne comme une option plus abordable actuellement sur le plan technique – il n’y aura pas d’enfouissement profond avant des décennies, pour laisser les produits refroidir – et la seule compatible sur un plan ontologique si je puis dire, avec la réversibilité. Elle implique un suivi, mais il en va de même pour le stockage en couche géologique profonde, s’il est réversible. Si dans quelques millénaires, nos descendants voulaient refermer définitivement le trou, il faudrait que subsiste la mémoire de ce qui est enfoui. L’entreposage pérenne et réversible est une notion de référence préférable au stockage profond.
M. le Rapporteur – Tel qu’il est rédigé, l’amendement dit qu’après entreposage, il y aura… entreposage. D’autre part, nous avons bien dit que les trois axes mentionnés dans la loi de 1991 devaient être poursuivis, dans la continuité, y compris en ce qui concerne la recherche, et qu’ils sont complémentaires. Il n’y a pas de raison d’exclure le stockage profond, car la couche géologique est une barrière de sûreté supplémentaire. Avis défavorable.
M. le Ministre délégué – Même avis. Monsieur Cochet, dans la discussion générale, vous nous avez dit qu’il ne fallait pas parier sur l’angélisme de l’humanité. Prévoir un entreposage à renouveler tous les cent ans, c’est faire ce pari.
M. Yves Cochet - Vous préférez la géologie à la démocratie ! (sourires)
M. François Dosé - En réalité, cet alinéa 8 ne porte pas sur la recherche mais introduit un principe de gestion. Je ne veux pas diaboliser le stockage réversible avec suivi, mais je ne vois pas ce qui s’oppose à des entreposages successifs.
M. Christian Bataille – Les amendements identiques 88 et 214 sont défendus.
M. Yves Cochet - L’amendement 134 pose que chaque pays est responsable des déchets et substances radioactives qu’il produit et doit développer ses moyens de gestion. Il est donc interdit d’exporter des déchets radioactifs à l’étranger.
M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable. Mme Kosciusko-Moriset nous a appelés à la modestie. Contentons-nous donc de légiférer pour notre pays. Et il se trouve que la France n’exporte pas de déchets radioactifs. M Adamov, désormais dans les geôles russes, n’est plus en état de faire les propositions fantasques qu’il faisait quand il était au gouvernement !
M. le Rapporteur – Les amendements 12 rectifié et 152 sont de coordination.
M. le Rapporteur – Selon l’inventaire national réalisé par l’ANDRA, fin 2004, seulement 36 % des déchets de moyenne activité à vie longue étaient conditionnés. L’amendement 13 rectifié fixe comme objectif aux propriétaires responsables de ces déchets, de les conditionner avant 2025.
M. Claude Gatignol - Il subsiste en effet des déchets différents entre eux, et la Cogema a des programmes de reprise à La Hague et à Marcoule.
Pour simplifier les débats, je rectifie mon sous-amendement 72 en remplaçant les mots « au plus tard dans les quinze ans après la date de mise en service des centres de stockage en couche géologique profonde et d’entreposage destinés à la gestion de ces déchets » par les mots « au plus tard en 2030 », ce qui est parfaitement cohérent avec les articles précédents. Mon sous-amendement 76 est de repli.
M. le Rapporteur – Je proposais 2025, M. Gatignol nous amenait à 2040 dans la version initiale de son sous-amendement ; nous pouvons transiger à 2030…
M. le Ministre délégué – Je suis l’avis de la commission.
M. Daniel Paul - Nous avions convenu tout à l’heure qu’il fallait attendre, pour apporter ce genre de précisions, les décisions qui seront prises en 2015… Écrire cela aujourd’hui n’est pas sérieux.
M. Christian Bataille - On se souvient que, dans une période encore récente, des déchets en provenance de pays étrangers comme l’Allemagne ont été entreposés sur notre territoire national de manière presque clandestine. Cet article a pour objectif de clarifier la situation en matière de circulation des déchets nucléaires d’un pays à l’autre. L’idée est que chaque pays doit être responsable de ses propres déchets ; si des opérations de retraitement sont réalisées chez nous, il doit y avoir des clauses de retour. Cela figurait déjà dans la loi de 1991, mais forts d’une expérience de quinze ans nous souhaitons aller plus loin : nous examinerons tout à l’heure des amendements qui visent à mieux contrôler les déchets en provenance de l’étranger et à s’assurer de leur retour après traitement. Il convient d’être très clair sur ce sujet, auquel nos concitoyens sont extrêmement attentifs.
Dans cet esprit, notre amendement 90 reprend, en la développant et en la précisant, une disposition de la loi de 1991, qui concerne l’entreposage temporaire de combustibles irradiés destinés au retraitement et la réexpédition des déchets générés par le retraitement. Cela devrait éviter des dérapages et des polémiques.
M. Yves Cochet - Je proposais par mon amendement 135 une formulation proche de celle adoptée il y a quinze ans ; je me rallie à l’amendement de M. Bataille, qui est plus complet.
M. le Rapporteur – L’amendement 90 est satisfait par l’article 5 tel qu’il a été adopté par la commission – qui l’a enrichi d’amendements dont l’un a été adopté à l’initiative de Christian Bataille. En outre, la procédure qu’il tend à instituer, en imposant un décret pour chaque entrée de substances en France, est d’une lourdeur excessive. Le contrôle de la puissance publique sera assuré par la nécessité d’accords intergouvernementaux, dont la transparence sera totale puisque M. Bataille a proposé que leur publication soit systématique – ce que nous avons accepté. Avis défavorable, donc.
M. le Ministre délégué – Même position.
M. le Rapporteur – Les amendements 14 et 15 sont rédactionnels.
M. Yves Cochet - Mon amendement 136 vise à ne pas permettre l’introduction de déchets sur le territoire national à des fins de recherche car c’est ouvrir la porte à tous les abus – d’autant qu’aucune condition de retour n’est alors prévue…
M. Claude Gatignol - Mon amendement 74 tend à permettre le transit sur le territoire national de combustibles usés ou de déchets dans le cadre de transfert entre États étrangers. Ces opérations devront évidemment être conformes aux dispositions nationales, communautaires et internationales relatives au transport de matières radioactives.
M. le Rapporteur – Avis défavorable à l’amendement de M. Cochet car il ne faut pas bloquer la recherche ; avis favorable à celui de M. Gatignol.
M. le Ministre délégué – Même avis.
M. Yves Cochet – Je propose par mon amendement 225 une nouvelle rédaction de l’alinéa 5 de cet article, extrêmement favorable au lobby nucléaire puisqu’il permet à AREVA de faire ce qu’elle veut : importer des déchets ou combustibles usés à des fins de recherche, sans retour ; importer des déchets pour les traiter et les stocker pendant des années, puisque les délais de traitement ne relèvent plus de la loi mais d’accords intergouvernementaux… Cette loi va rendre légitimes des abus aujourd’hui condamnés par la justice !
M. le Rapporteur – Avis défavorable. Les dispositions proposées par M. Cochet, très floues, ne donneraient pas au juge de critères objectifs d’appréciation, alors que les accords intergouvernementaux affirmeront une décision claire des instances politiques.
M. le Ministre délégué – Même avis.
M. Christian Bataille - Mon amendement 16, qui a été adopté par la commission, prévoit la publication des accords intergouvernementaux au Journal officiel, afin d’assurer une totale transparence et d’éviter les polémiques.
M. François Dosé - L’amendement 215 de mon collègue Dumont concerne le nucléaire à usage militaire. La filière civile a été marquée au cours des dernières décennies par une certaine dose de confidentialité et un peu de confusion ; que dire de la filière militaire…
Il serait juste de faire en sorte que les accords dont nous venons de parler ne s’appliquent pas dans le domaine du nucléaire militaire en provenance de l’étranger. Nous savons de plus que les intérêts de notre pays et d’un autre État peuvent diverger. Enfin, le transport constitue l’un des maillons particulièrement fragiles de la chaîne nucléaire.
M. le Rapporteur – Avis défavorable. Les accords de désarmement START ont entraîné la déclassification de certaines matières nucléaires militaires et prévoient leur conversion dans des réacteurs civils. Ne nous interdisons pas de les utiliser à des fins civiles !
M. le Ministre délégué – Même avis.
M. Yves Cochet – Je soutiens cet amendement. J’ai en effet toujours considéré que les domaines nucléaires civil et militaire étaient consubstantiels, contrairement à ce que croit le parti communiste depuis cinquante ans, et peut-être M. Paul lui-même. Le CEA, ainsi, est une institution bicéphale. Si l’on a engagé des programmes de nucléaire civil en France, ce n’était pas pour produire de l’électricité mais pour des raisons stratégiques. S’il reste ici des Gaullistes…
M. le Président de la commission – Oui !
M. Yves Cochet - …ils savent que le général de Gaulle a raisonné ainsi car il est possible de produire de l’électricité de manière bien moins chère et moins dangereuse.
La France se pose aujourd’hui la question : une stratégie de défense européenne est-elle possible ?
M. le Président de la commission – Et la force de dissuasion, qu’en faites-vous ?
M. Yves Cochet - La France appelle de ses vux une telle politique parce qu’elle dispose de trop de stocks de plutonium militaire et qu’elle ne sait qu’en faire. Si l’Europe décide de se doter d’une force nucléaire, la France sera la première pourvoyeuse de plutonium de qualité militaire et l’amendement 215 mettrait à bas ce grandiose dessein ! Le général Gallois, à la fin des années soixante-dix, disait déjà que le surgénérateur était un bon projet puisque le plutonium produit pourrait être utilisé à des fins militaires !
M. Daniel Paul – Je renvoie M. Cochet aux nombreux textes de nos congrès faisant du désarmement et de la non-prolifération des armes nucléaires un objectif essentiel.
M. Yves Cochet - Mais vous êtes favorables au nucléaire civil !
M. Daniel Paul - Évidemment…
M. Yves Cochet - L’un ne va pas sans l’autre.
M. Daniel Paul - …car pour satisfaire nos besoins énergétiques, pour combattre l’effet de serre et remédier à la raréfaction des énergies fossiles, il convient de faire appel à toutes les sources d’énergie. Tant mieux si d’autres énergies peuvent un jour s’y substituer mais en attendant, sécurisons au maximum les installations civiles nucléaires existantes et soyons attentifs au point de vue de nos concitoyens. Qu’on ne les trompe pas, et le bon sens l’emportera !
La pédagogie a montré ses vertus tant le 29 mai que contre le CPE.
M. le Président de la commission – Je comprends le raisonnement de M. Cochet mais je ne l’accepte pas. Nous avons en effet soutenu l’action visionnaire du général de Gaulle : ce sont les recherches sur la force de frappe nucléaire qui ont ensuite permis de développer le nucléaire civil mais aussi le nucléaire médical ! Si le général de Gaulle a souhaité que la France se dote d’une force de dissuasion, c’est pour préserver son indépendance. C’est grâce à elle que notre voix est aujourd’hui entendue dans le monde et que la France a pu tenir, à propos de la guerre en Irak, un discours qui l’honore. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Pas une voix de la majorité ne manquera pour soutenir cette politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. Christian Bataille – Je précise que c’est Mendès-France qui, sous la IVe République, a été à l’origine du développement de la recherche nucléaire militaire.
M. Yves Cochet – Pour avoir une véritable visibilité sur les stocks de substances étrangères, il faut avoir une idée des calendriers de traitement et de retour des matières et déchets. C'est un facteur déterminant de contrôle du respect des délais. Tel est le sens de l’amendement 147. L’alinéa 6 de l’article 5 dispose que le rapport comporte des indications sur les prévisions relatives aux opérations de cette nature : a-t-on jamais lu phrase plus vague ?
M. le Rapporteur – Avis défavorable car cet amendement est en grande partie satisfait.
M. le Rapporteur – L’amendement 17 apporte une précision.
M. Daniel Paul – L’amendement 64 dispose que l’exportation de déchets produits sur le territoire national est interdite, comme le recommandait le Conseil économique et social. Il s’agit-là d’une simple réciprocité qui confortera notre crédibilité.
M. le Rapporteur – Avis défavorable : nous n’avons pas l’intention d’exporter des déchets nucléaires.
M. Daniel Paul - Écrivez-le dans la loi !
M. le Rapporteur – En outre, comme nous savons traiter des combustibles usagés en provenance de l’étranger, cet amendement ne nous permettrait pas de réexpédier le paquet cadeau !
M. Daniel Paul - Vous savez bien que ce n’est pas la question.
M. le Ministre délégué – Avis défavorable pour les mêmes raisons. J’ajoute que nous avons ratifié la convention internationale sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs qui exclut l’exportation de déchets radioactifs dans les pays en voie de développement.
M. François Dosé – Ce n’est pas parce que cette pratique n’a pas lieu aujourd’hui qu’elle ne sera pas adoptée par une future gouvernance, quelle que soit sa composition. Et l’hypothèse est d’ailleurs loin d’être dramatique ! Mme Loyola de Palacio avait esquissé un avant-projet, que Mme Fontaine, alors ministre, avait bloqué au nom de la France. Cela se justifiait d’ailleurs car, à l’époque, les pays baltes tout juste entrés dans l’Union n’avaient pas les ressources économiques et technologiques suffisantes, et il fallait les regrouper ; de ce fait, le principe s’appliquait à tous. Mais il n’est pas impossible que cela change, et il est donc souhaitable que la loi précise que nous ne toucherons à rien en la matière, et ce quelles que soient les directives européennes.
M. le Rapporteur – Les amendements 153, 19 et 20 sont rédactionnels ou de précision.
M. Christian Bataille - L’amendement 197 est d’autant plus défendu qu’il a été adopté en commission.
M. le Rapporteur – Avis favorable.
M. le Ministre délégué – Sagesse.
M. Yves Cochet - On a beaucoup parlé, ces derniers temps, de transparence et de démocratie. C’est à ce titre que l’amendement 137 vise à rajouter un alinéa à l’article pour permettre aux associations de former un recours juridique, actuellement impossible. Vu leur rôle dans notre société, on encouragerait ainsi la « contre-démocratie » dont parle M. Rosanvallon dans son cours au Collège de France.
M. le Rapporteur – Avis défavorable. Les infractions ne font pas l’objet de recours, mais de sanctions, déjà prévues dans la loi et pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
M. le Ministre délégué – Avis défavorable.
M. Christian Bataille - Cet article concerne la Commission nationale d’évaluation, innovation très utile de la loi de 1991 qui associe des experts dans plusieurs domaines et permet une réflexion annuelle dont j’ai été le témoin à l’office parlementaire. Il faut tirer les leçons de quinze années de fonctionnement ; c’est pourquoi le groupe socialiste a déposé un amendement concernant la composition de cette structure, afin de mieux la renouveler tout en lui conservant son caractère technique. Peut-être M. le ministre nous expliquera-t-il pourquoi il faudrait lui ajouter des membres de l’Académie des sciences morales et politiques, alors que le rapport qu’elle rend est de nature technique ? En outre, il est absurde de proposer la présence de quatre experts internationaux, au lieu de deux, alors que nous avons eu dans le passé de grandes difficultés à réunir des experts disponibles et parlant français.
La Commission nationale d’évaluation a bien fonctionné depuis quinze ans. Il faut en remercier les membres pour leur travail régulier. Toutefois, on peut l’améliorer, et je souhaite, à ce titre, que le Gouvernement prête attention à la contribution du groupe socialiste.
M. Daniel Paul - Nous avons également proposé un amendement pour faire une place au sein de la commission aux représentants des salariés.
Je me félicite que l’activité de cette commission porte sur l’état d’avancement de l’ensemble des recherches, et non seulement sur les déchets à vie longue. Néanmoins, s’agissant de sa composition, la question du respect de la déontologie n’est pas abordée. Il faut pourtant empêcher que l’un de ses membres soit également impliqué dans des missions de recherche : comment pourrait-il évaluer des travaux auxquels il a lui-même participé, et être ainsi juge et partie ? Cette remarque ne concerne en rien la qualité scientifique des personnes, mais le respect déontologique le plus élémentaire.
Il y a quinze jours, nous avons parlé de transparence nucléaire. L’indépendance des membres de la commission est indispensable ; il faut donc préciser la rédaction de l’article.
M. Christian Bataille – L’amendement 91 vise à détailler la composition de la Commission nationale d’évaluation, qui doit rassembler des personnalités choisies par le Parlement – cette méthode a bien fonctionné par le passé et renforce un lien nécessaire – ainsi que des personnalités et des experts choisis par le Gouvernement. La commission doit être renouvelée tous les quatre ans et le mandat de ses membres renouvelable une fois – c’est un rythme qui semble régulier et adapté. En outre, elle doit établir un rapport sur l’état du plan national de gestion et un rapport global d’évaluation à un rythme plus régulier, car sa compétence porte sur l’ensemble des déchets. Enfin, il serait bon de s’en tenir à la présence de deux experts internationaux.
M. le Rapporteur – Avis défavorable. Je propose à M. Bataille de retirer cet amendement, car l’amendement 154 rectifié, sur lequel nous avons travaillé ensemble en commission, est plus complet.
M. Christian Bataille - Je ne l’avais plus en mémoire. Mais vous ne m’avez pas répondu sur le nombre d’experts internationaux.
M. le Rapporteur – L’amendement 154 rectifié le ramène à trois.
M. Christian Bataille - Je retire donc l’amendement 91.
M. le Rapporteur – L’amendement 21 est de précision.
M. Luc-Marie Chatel – Plusieurs rapports font état des recherches menées dans d’autres pays développés. L’amendement 119, identique au 22 de la commission, vise à reprendre le dispositif prévu à l’article L. 542-3 du code de l’environnement pour que la Commission nationale d’évaluation fasse également état de ces recherches.
M. le Rapporteur – Afin de régler le problème du nombre d’experts étrangers siégeant à la CNE, l’amendement 177 supprime l’alinéa 5 de l’article.
M. le Rapporteur – L’amendement 178 prévoit qu’un expert étranger doit figurer parmi les personnalités désignées par le Gouvernement.
M. Daniel Paul - Les salariés du secteur nucléaire ont acquis peut-être plus que d’autres, par leur formation et leur expérience professionnelle, une connaissance de l’appareil de production et un savoir-faire inégalés. Les représentants des organisations syndicales portent la voix de ceux qui travaillent au quotidien sur les sites de traitement et dans les centres de recherche ; ils peuvent par là même détecter un certain nombre d’anomalies et de difficultés. L’amendement 169 rectifié vise donc à inclure des représentants des organisations syndicales dans la composition de la CNE.
M. le Rapporteur – La commission est défavorable à cet amendement. Je ne mets pas en cause la compétence scientifique des organisations syndicales, avec lesquelles j’entretiens des relations amicales dans le cadre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Mais la CNE est une instance purement scientifique, où ne siègent ni représentants des exploitants ou des centres de recherche, ni élus, ni représentants de l’État – et c’est fort bien ainsi. Autant nous avons tenu à renforcer le rôle des organisations syndicales, via le CHSCT, dans la loi sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire, autant il n’y a pas lieu de le faire ici.
M. Christian Bataille - L’amendement 154 rectifié, que j’ai cosigné avec M. le rapporteur et François Brottes, précise utilement les règles de fonctionnement de la CNE : renouvellement par moitié, modalités d’élection du président…
M. le Ministre délégué – Avis favorable.
M. François Brottes - Le rapporteur peut-il nous confirmer que la disposition selon laquelle les membres de la commission « ne peuvent détenir d’intérêt direct ou indirect dans les organismes auteurs des recherches et des études évaluées par eux » ne vise pas seulement la détention du capital, mais aussi les prestations de services ?
M. le Ministre délégué – J’avais préparé un sous-amendement qui répond à la question de M. Brottes. Ne l’ayant pas déposé à temps, je le ferai au Sénat.
Il tend à rédiger ainsi le dernier alinéa de l’amendement : « les membres de la Commission exercent leurs fonctions en toute impartialité, et ne peuvent directement ou indirectement exercer de fonctions ni recevoir d’honoraires au sein ou en provenance des organismes évalués et des entreprises ou établissements producteurs ou détenteurs de déchets. »
M. le Rapporteur – Avis favorable à ce sous-amendement.
M. François Brottes – Si cette disposition se substitue au dernier alinéa de notre amendement, cela n’empêche pas les membres de la Commission de détenir des parts d’une société de prestation de services. Mieux vaudrait l’ajouter à ce dernier alinéa que l’y substituer.
M. le Ministre délégué – Ce travail relève de la commission. Restons-en là ; je déposerai mon sous-amendement au Sénat.
M. le Rapporteur – L’amendement 23 rectifié vise à laisser un peu plus de temps à la CNE pour établir son premier rapport.
La Directrice du service
du compte rendu analytique,
Catherine MANCY
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