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L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à l’accès des jeunes à la vie active en entreprise.
M. Didier Migaud - Je souhaite faire un rappel au Règlement sur la base des articles 58 et 92. Député depuis un certain nombre d’années, j’avoue être surpris par les pratiques qui ont cours depuis quelques semaines : celles-ci ne me paraissent pas correspondre à la lettre – à laquelle je vous sais attaché, Monsieur le Président – de notre Constitution et de notre Règlement.
S’agissant de la proposition qui nous est soumise ce soir, je souhaiterais avoir l’avis de la commission des finances sur sa recevabilité financière. L’article 92 du Règlement précise en effet que les dispositions de l’article 40 peuvent être opposées à tout moment aux propositions, rapports et amendements par le Gouvernement ou par tout député. L’article 40 de la Constitution, quant à lui, est clair : les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques – ce qui n’est pas le cas –, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique.
Or M. Hénart a précisé que le coût de cette proposition de loi serait de l’ordre de 150 millions d’euros, ce qui constitue bien une aggravation de la charge publique. Ce texte se heurte donc à l’article 40…
M. Éric Raoult - C’est pour les jeunes !
M. Jean-Pierre Soisson - Allez expliquer cela aux syndicats !
M. Didier Migaud - Je souhaite donc savoir si la jurisprudence de notre Assemblée quant à l’application de l’article 40 a changé. J’en serais très heureux, Monsieur le Président, car elle bridait l’initiative parlementaire…
M. Antoine Herth - C’est la rue qui a demandé cette proposition !
M. Didier Migaud – La rue a demandé l’abrogation de l’article relatif au CPE. Vous aviez toute latitude pour soumettre une proposition de loi abrogeant l’article 8 de la loi sur l’égalité des chances ou bien le Gouvernement aurait pu nous soumettre un projet de loi, ce qui n’aurait soulevé aucune difficulté au regard de l’article 92.
M. Jean-Pierre Brard - Manuvre d’évitement pour le ministre !
M. Didier Migaud – La recevabilité financière de cette proposition de loi a-t-elle été examinée par la commission des finances ? Si celle-ci a donné un avis positif, s’agit-il d’un revirement de jurisprudence ? Et où ces 150 millions seront-ils pris ?
M. Jean-Pierre Brard - Grâce à une augmentation de l’ISF !
M. Didier Migaud - J’ai cru comprendre qu’ils seraient ponctionnés dans la mission « emploi » du ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Dans ce cas, quelles sont les actions prévues par la loi de finances pour 2006 qui ne seraient pas réalisées ? Je pose ces questions afin que les députés soient pleinement informés avant d’entamer le débat.
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - J’apprécie l’intervention de M. Migaud et l’interpellation de M. Brard. J’ai informé ce matin la commission du dépôt d’un amendement gouvernemental tendant à supprimer l’article 2 et précisant que le Gouvernement entendait prendre en charge la totalité de la dépense résultant de l’article premier.
M. Didier Migaud - Cela ne change rien !
M. M. le Président de la commission – La commission a adopté l’article 2 sans modification, puis l’ensemble de la proposition de loi. Lorsqu’elle s’est à nouveau réunie au titre de l’article 88, nous avons pu prendre connaissance de l’amendement annoncé : il définit effectivement les conditions dans lesquelles ce dispositif sera financé, par redéploiement. Tout a donc été fait dans les règles.
Jean-Pierre Brard - La proposition de loi est donc amputée ! Vous vous croyez au bloc ?
M. le Président – Le bureau de la commission des finances n’a pas été saisi, car aucun député n’a opposé les dispositions de l’article 40 de la Constitution, en application de l’article 92 du Règlement.
M. Jean-Pierre Brard – Ça, c’est pervers !
M. Didier Migaud - Je le fais à l’instant.
M. le Président – Monsieur Migaud, vous avez rappelé les dispositions de l’article 92 et de l’article 40. Dois-je considérer qu’il s’agit d’un simple rappel au Règlement, soucieux que vous êtes de son application et de celle de la Constitution ? Ou dois-je estimer que vous opposez l’article 40 ?
M. Didier Migaud - Je voudrais dire au président de la commission qu’un amendement gouvernemental sur l’article 2 ne règle pas la question de la recevabilité de cette proposition de loi. Avant d’examiner l’article 2, encore faut-il que le texte soit présenté ; or ce texte ne peut être présenté en l’état. Je demande donc que la commission des finances en vérifie la recevabilité : cela nous paraît important car, pour notre part, nous proposerons des amendements qui pourraient se heurter à l’article 40.
M. le Président – Vous opposez donc les dispositions de l’article 40 ?
M. Didier Migaud - Je demande une vérification de la recevabilité.
M. le Président – J’estime donc que vous opposez l’article 40.
M. Didier Migaud - Je demande l’application de l’article 92 du Règlement.
M. le Président – Dans ces conditions, je me vois contraint de suspendre la séance, afin que le bureau de la commission des finances puisse se réunir (Protestations sur les bancs du groupe UMP).
M. le Président – La parole est au président de la commission des finances (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).
M. Gérard Bapt - Il a fini de manger ?
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances – Depuis longtemps : si vous ne le saviez pas, nous étions en train de délibérer.
J’ai donc réuni le bureau de la commission sans délai, pour ne pas retarder l’examen du texte. Celui-ci comporte effectivement des majorations de charges car il étend le CIVIS, qui ouvre droit à des aides d’État. L’article 40 est donc en principe applicable à cette proposition de loi qui aggrave la dépense publique, ce qui ne peut être gagé (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). Toutefois, l’intention du Gouvernement telle qu’elle résulte de l’amendement 12, déposé après le rapport, est de prendre en charge la totalité de cette dépense pour l’État et pour le régime général (Signes d’assentiment sur le banc du Gouvernement). Dès lors que la volonté du Gouvernement est sans aucune équivoque, le bureau de la commission a considéré que la proposition était recevable.
Il y a de nombreux précédents en ce sens. Par exemple, j’ai apprécié très souplement les amendements à la loi Fillon sur l’avenir de l’école et ce point n’a pas fait l’objet de contestation de la part du Conseil constitutionnel. En l’occurrence, je confirme donc que la proposition a été jugée recevable par le bureau de la commission des finances (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
M. le Président – Je prends acte de cette décision. La parole est au rapporteur.
M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles – Nous sommes aujourd’hui réunis, dans un moment grave pour le pays, afin d’examiner cette proposition de loi. Le Président de la République a souhaité que l’article 8 de la loi sur l’égalité des chances, qui est au cur des manifestations qui se sont déroulées depuis près de deux mois, soit…
Plusieurs députés socialistes – Abrogé !
M. le Rapporteur - …étudié par le Gouvernement et puisse être éventuellement modifié, y compris de façon substantielle. Le Premier ministre a souhaité que les présidents des groupes UMP de l'Assemblée nationale et du Sénat, Bernard Accoyer et Josselin de Rohan, engagent des consultations auprès des différentes organisations – syndicales, d’étudiants et de jeunesse – de l’intersyndicale afin d’aboutir à une proposition de loi modifiant l’article 8 pour une sortie de crise rapide.
Plusieurs députés socialistes – Rapide…
M. le Rapporteur – Je voudrais d’abord témoigner, au nom de Bernard Accoyer et de Josselin de Rohan et avec Alain Gournac, rapporteur du texte sur l’égalité des chances au Sénat, de la qualité du travail accompli avec Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher. Depuis la semaine dernière et durant de nombreuses heures, nous avons rencontré 19 organisations. Nous avons entendu leurs points de vue sur la situation du pays, sur l’article 8 et sur les moyens qu’il y avait de tourner la page des confrontations pour ouvrir une démarche nouvelle, mais toujours tournée vers l’insertion professionnelle des jeunes. Il est apparu clairement que la meilleure solution était de remplacer, dans l’immédiat, l’article 8 par un dispositif consensuel et d’appeler à un dialogue social nourri sur les dispositions qui demandent un débat plus long. Il est unanimement ressorti de cette large consultation qu’il fallait centrer l’action publique immédiate sur les jeunes sans diplôme, qui sont les victimes majoritaires de la situation, avec un taux de chômage de 40 % et une durée de chômage de près de deux ans, alors que la moyenne pour les 16-25 ans est de six mois.
Nous avons entendu l’avis des organisations sur les différents dispositifs en vigueur. Nous en avons retiré trois idées fortes. La première est que c’est avant tout en entreprise que l’emploi durable doit être recherché. Aujourd’hui, la situation des jeunes est d’une grande fragilité : 80 % d’entre eux sont embauchés en CDD ou en intérim, pour quelques mois seulement. La deuxième idée est la nécessité de développer l’apprentissage en alternance, qui manque cruellement dans notre système éducatif. Cette formation à la fois théorique et pratique est assurément une voie d’avenir. Enfin, notre pays, contrairement aux pays nordiques ou même à l’Allemagne, ne recourt pas assez à l’accompagnement personnalisé des jeunes. Il faut un nombre suffisant de conseillers, c’est-à-dire de professionnels qui accueillent les jeunes et les accompagnent jusqu’à l’emploi durable en mettant en uvre un parcours personnalisé alliant emploi, formation et pourquoi pas intervention sur des éléments de la vie quotidienne – logement, santé, mobilité ou éventuellement charges de famille.
Avec les présidents Accoyer et Dubernard, nous avons rédigé, en étroite concertation avec le Gouvernement, une proposition de loi comportant quatre mesures immédiatement opérationnelles.
La première consiste à renforcer le contrat « jeunes en entreprise », destiné à offrir un CDI dans un emploi durable, lequel n’a pas été suffisamment utilisé au regard du nombre de jeunes demandeurs d’emploi que les missions locales et l’ANPE ont à accompagner – même si 300 000 contrats ont déjà été conclus dans ce cadre. Le texte qui vous est soumis tend à porter l’aide versée mensuellement à l’employeur de 150 à 400 euros la première année, puis à 200 euros la deuxième année, et à augmenter le nombre de jeunes bénéficiant de ce dispositif.
Deuxième priorité : l’alternance, via un renforcement du soutien de l’État au contrat de professionnalisation, lequel est né de l’accord interprofessionnel sur la formation tout au long de la vie. Partant du constat que ce contrat débouchait trop rarement sur un CDI, nous proposons de renforcer les aides versées aux employeurs s’engageant à offrir aux jeunes un parcours cohérent de formation, susceptible d’accroître leurs chances d’accéder à un emploi durable.
Notre troisième proposition consiste à favoriser les stages de professionnalisation intensifs, destinés à permettre, dans les secteurs dits « en tension », de rapprocher les personnes sans emploi des emplois sans personne ! Il est en effet pour le moins paradoxal de constater qu’alors que notre pays compte 2,4 millions de demandeurs d’emploi, quelque 300 000 offres d’emploi restent non pourvues faute de candidats : des emplois stables sont disponibles, encore faut-il permettre aux personnes à même de les pourvoir d’y accéder.
Enfin, à travers le CIVIS – dont bénéficient déjà 160 000 jeunes de 16 à 25 ans alors qu’il n’était prévu d’en signer que 100 000 en 2005 –, nous entendons renforcer l’accompagnement individualisé des jeunes demandeurs les plus en difficulté, en prévoyant notamment que les conseillers chargés de les soutenir dans leur démarche de recherche d’emploi continuent de les suivre pendant quelques mois après l’embauche, en vue de prévenir les ruptures de contrat au cours de la période d’essai, dues à des difficultés d’adaptation nées d’une qualification trop faible ou trop récente.
L’ensemble des mesures découlant de ce plan d’action seront d’application immédiate et 150 000 jeunes devraient en bénéficier dès cet été. Destinée à remplacer…
Plusieurs députés socialistes – Non, à abroger !
M. le Rapporteur - …l’article 8 de la loi pour l’égalité des chances, la présente proposition de loi fait consensus. Elle a vocation à ouvrir une séquence de négociation sur l’insertion professionnelle des jeunes, en vue de traiter notamment de l’enrichissement des liens entre l’enseignement supérieur et l’emploi ou de l’insertion des jeunes diplômés. Elle doit permettre de faire entrer notre pays dans une phase de construction en commun avec les organisations professionnelles, patronales et lycéennes réformistes. Donnons à présent la priorité au dialogue social constructif ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. le Président de la commission des affaires culturelles – Souvenons-nous des émeutes de novembre dernier…
M. Jean-Pierre Brard - Dites plutôt des « violences » !
M. le Président de la commission des affaires culturelles - …et rappelons-nous que nous les avons tous mal vécues. Au regard de ces événements, chacun a pris conscience que la question de l’égalité des chances se posait avec plus d’acuité que jamais. Aussi, deux mois après, le Gouvernement présentait au Conseil des ministres un projet de loi visant à répondre au malaise social profond qu’exprimait ce drame : lutte contre toutes les formes de discrimination, apprentissage junior…
M. Alain Néri - Apprentissage à 14 ans !
M. Patrick Roy - Travail de nuit à quinze ans ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste)
M. le Président de la commission des affaires culturelles - …et CPE, introduit par la voie d’un amendement gouvernemental et dédié en priorité aux jeunes non qualifiés. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Oh ! Vous n’étiez pas aussi nombreux pour protester en commission, où seul M. Néri s’agitait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
En France, le débat sur l’emploi des jeunes est toujours miné, souvent biaisé et cela ne permet guère de progresser, les manuvres de stratégie politicienne prenant le pas sur le traitement des questions de fond (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
M. Henri Emmanuelli - Provocateur !
M. le Président de la commission des affaires culturelles – Quel que soit son contenu, un projet de loi traitant de l’insertion professionnelle des jeunes émeut toujours l’opinion étudiante, ballottée entre la nécessité de s’adapter et le souhait, plus ou moins formulé, que rien ne bouge…
Mme Muguette Jacquaint - Vous trouvez que ça n’a pas assez bougé ? (Rires sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)
M. le Président de la commission des affaires culturelles – Ne faisant malheureusement pas exception, l’article du texte relatif au CPE a suscité une gigantesque incompréhension… (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)
M. Patrick Roy - Les jeunes ont parfaitement compris de quoi il retournait !
M. le Président de la commission des affaires culturelles – Au terme d’un conflit qui s’est progressivement radicalisé, à la demande du Président de la République, du Gouvernement et du Président de l’UMP, les parlementaires ont renoué le dialogue avec les partenaires sociaux et les représentants des organisations lycéennes et étudiantes pour construire un scénario de sortie de crise. Qu’il me soit permis, à ce stade, de dire merci et bravo à Bernard Accoyer… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
La présente proposition de loi vise donc à remplacer l’article 8 de la loi pour l’égalité des chances…
Plusieurs députés socialistes – A l’abroger !
M. le Président de la commission des affaires culturelles - …par un dispositif mis au service de l’insertion professionnelle des jeunes les plus en difficulté, que les majorités précédentes ont laissé à l’abandon pendant des années (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), au risque de laisser s’installer un profond malaise.
Bien entendu, le présent texte n’épuise pas le sujet et face à une crise de cette ampleur, soyons sûrs que toutes les formations politiques sont sommées de présenter leurs propres solutions. Le pays veut-il de l’assistance et du RMI-jeunes de Mme Aubry ?
M. Jean-Michel Fourgous - Et pourquoi pas les 32 heures ?
M. le Président de la commission des affaires culturelles – …Ou du SMIC à 1 500 euros que d’autres proposent en feignant d’ignorer que la France n’en a pas les moyens ? Chaque formation politique est aujourd’hui placée face à ses responsabilités et nul ne pourra éluder l’exigence de solidarité entre les générations (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
Le sociologue Michel Crozier a décrit la préférence française pour la crise sociale et Jacques Chaban-Delmas notre tendance à bloquer la réforme en faisant semblant de faire des révolutions. A la vérité, certains modes d’expression expriment un conservatisme paralysant et confinent à une irresponsabilité à laquelle nous ne pouvons nous résoudre. Aujourd’hui, le débat ne fait que commencer ! Et je voudrais évoquer, pour conclure, le courriel que m’a adressé l’un de nos concitoyens. Ce que me disait en substance cet administré, c’est que si le CPE présentait peut-être quelques risques de détournement de la part d’employeurs indélicats, l’enjeu principal n’est pas la précarité du contrat de travail mais la dette de 1 400 milliards que nous allons laisser aux générations futures ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Le risque, c’est aussi que les plus talentueux émigrent dans des pays où le droit du travail est plus souple…
M. Jean-Pierre Brard - C’est un courriel de Sarkozy ! (Sourires)
M. le Président de la commission des affaires culturelles - Ce que les jeunes attendent de nous, c’est que nous leur offrions du travail, en vue de créer des richesses à partager équitablement. Certains croient avoir, ces jours-ci, gagné une bataille. Mais que proposent-ils pour gagner la guerre économique, qui n’est pas que française mais désormais mondiale ?
Je le répète : le CPE, qui était destiné aux jeunes sans qualification, sera remplacé par un dispositif d’accès à la vie en entreprise. Toutefois, le débat ne fait que commencer, et c’est pourquoi j’appelle à une large consultation des partenaires durant les prochains mois. Les deux crises que vient de traverser notre pays – celle des banlieues cet hiver, puis celle d’aujourd’hui – renforcent notre sentiment qu’il est urgent de reprendre le chantier de l’adaptation de notre pays.
M. Maxime Gremetz - Il aura fallu près de trois mois pour que le Président de la République, le Gouvernement et la majorité de l’UMP sortent enfin de leur tour d’ivoire, en mettant de côté le si décrié contrat « première embauche ». Par sa force, son esprit de responsabilité et sa détermination, le mouvement populaire qui s’est exprimé douze semaines durant, unissant la jeunesse, le salariat et les chômeurs de toutes générations, a imposé un nouvel échec au libéralisme, qui se croyait triomphant.
M. Jean-Michel Fourgous – À quel prix ? 7 milliards d’euros ! (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)
M. Maxime Gremetz - C’est une première victoire qui en appelle beaucoup d’autres (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Après le refus d’une constitution européenne qui généralisait le libéralisme sauvage, notre peuple a démontré une fois encore sa clairvoyance et sa soif de progrès social. Écoutez-le donc : il refuse un monde de chômage, de précarité et d’insécurité professionnelle imposé par le pouvoir de la finance, des grands groupes et des nantis !
Hélas, la majorité UMP, qui monopolise tous les leviers du pouvoir, refuse d'écouter ceux qui n'ont que leur force de travail et de création pour assurer leur existence et se projeter dans l'avenir. Après avoir introduit le CNE aux forceps, vous avez voulu faire passer à la va-vite son petit frère en précarité, le CPE, en recourant au 49-3 (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).
Lors du débat sur la loi pour l'égalité des chances, il y a deux mois exactement, les députés communistes n'ont pourtant pas manqué de vous alerter sur les risques d’une remise en cause brutale du code du travail, qui traiterait les jeunes en salariés de seconde zone. Mais vous avez refoulé le triste précédent du CIP sous le Gouvernement de M. Balladur.
Permettez-moi de vous rappelez les propos que je tenais ici même, le 11 février dernier, au nom de mon groupe : « La précipitation s'explique par la volonté du Gouvernement d'empêcher que le mouvement social s'exprime. Depuis l'annonce de l'introduction du CPE, tous les syndicats de salariés, d'enseignants et toutes les organisations de jeunesse, de l'UNEF à L'UNL, se sont en effet mobilisés pour faire échec à ce nouveau contrat. » J'ajoutais alors : « Si vous pensez pouvoir passer en force, vous le paierez comptant, et dans un avenir proche. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il faudrait attendre 2007 pour régler les problèmes, mais c'est maintenant, avec le pays, qu'il faut y parvenir. Je vous promets qu’on en reparlera ! »
Chose promise chose due : on en a reparlé pendant deux mois, et vous voyez que je ne m’étais pas trompé. Votre entêtement à servir aveuglément les intérêts du MEDEF.. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP)
M. Jean-Michel Fourgous - Des entreprises !
M. Maxime Gremetz - ...vous a entraînés dans une impasse, vous obligeant maintenant à battre en retraite, mais de mauvais cur. Avez-vous pour autant retenu la leçon ? A écouter M. Dubernard, il semble que vous n’ayez rien compris.
Certes, le texte qui nous est soumis en catastrophe, préparé en catimini entre l'Elysée et Matignon, et revêtu d’une signature toute formelle des députés UMP, sonne le glas du CPE, mais il n'annonce aucun changement de cap, bien au contraire ! La nature de votre politique reste toujours aussi régressive.
Avec cette proposition, vous continuez sur la voie de la flexibilité, en proposant des stages parking, des petits jobs qui se substituent aux emplois stables, et des cadeaux au patronat sans condition ni contrôle. Vous donnez, sur les deniers publics, 300 millions d'euros par an d'aides supplémentaires aux chefs d'entreprise, y compris les sociétés du CAC 40, dont les profits explosent. Sans doute est-ce la compensation que vous leur accordez pour qu’ils fassent le deuil d'un CPE, dont ils espéraient un bénéfice sonnant et trébuchant.
Votre proposition de remplacement du CPE ne fait qu'étendre des dispositifs déjà usés, qu’un homme que vous appréciez, et qui a bien besoin de votre soutien, qualifiait il y a quelques jours encore de « demi-mesures et demi-solutions du passé pour les jeunes ». Or, voilà ce que vous nous proposez aujourd’hui !
Selon M. de Villepin lui-même, vos contrats « bidon » ne sont que de vieilles recettes éculées !
M. Jean-Michel Fourgous - Et quand est-ce qu’on ferme les entreprises ?
M. Maxime Gremetz - Ce sont effectivement des veilles recettes, servies invariablement depuis vingt ans, alors qu’elles n’ont jamais permis de résorber le chômage de masse ni de créer le moindre emploi durable (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Cette extension des bas salaires et des statuts éphémères, véritable remodelage du monde du travail, est sans doute du meilleur effet pour les profits des actionnaires, mais il représente un coût prohibitif pour les finances publiques et les organismes de protection sociale.
Dans le même temps, vous maintenez le CNE…
M. Guy Teissier - Qui a permis de créer 400 000 emplois !
M. Maxime Gremetz - …et les mesures réactionnaires contenues dans d'autres articles de votre loi prétendue d'égalité des chances, comme la fin de l'obligation de scolarité jusqu'à 16 ans ou le travail de nuit pour les apprentis.
M. Jean-Michel Fourgous - Il paraît qu’on mange des enfants dans les entreprises !
M. Guy Teissier – Mais c’est Germinal !
M. Maxime Gremetz - Le Premier ministre répète sur tous les tons qu'il veut lutter contre le chômage, mais la première arme contre ce fléau, c'est la relance du pouvoir d'achat grâce à un relèvement des salaires, des minima sociaux et des retraites. C'est en stimulant la consommation des ménages qu'on dynamisera une croissance de l'activité saine, de nature à créer des emplois au lieu d’encourager l'épargne spéculative. C'est également en s'attaquant aux restructurations boursières, aux licenciements économiques injustifiés et aux délocalisations arbitraires qu'on réduira l'incertitude professionnelle. Il faut enfin renoncer aux privatisations, en développant des services publics utiles à la population et pourvoyeurs d'emplois, et créer un véritable dispositif de sécurité d'emploi et de formation.
Ce dispositif n'est hélas pas celui que vous proposez, car vous continuez à vouloir enfermer les jeunes et les demandeurs d'emploi dans des contrats spécifiques, pourtant déjà trop nombreux. Toute personne en quête de travail, jeune ou moins jeune, doit avoir le droit à un emploi stable, correctement rémunéré et de jouir des mêmes garanties que les autres salariés.
Il faut donc mettre un frein à la discrimination dans l'emploi qui prévaut aujourd’hui – un contrat pour les Rmistes, un contrat pour les allocataires des minima sociaux, un contrat pour les jeunes, un contrat pour les seniors, ou encore un contrat pour les chômeurs de longue durée : la législation sociale ne doit pas prévoir un contrat de travail pour chaque cas, et le CDI doit demeurer la norme.
C'est pourquoi nous abordons ce débat avec plusieurs propositions (« Ah !» sur bancs du groupe UMP). Tout d’abord, nous souhaitons que la majorité clarifie sa position en abrogeant purement et simplement le CPE, ainsi que le CNE, qui relève de la même philosophie. Les trois quarts des contrats signés depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance se sont en effet substitués à des embauches en CDI, qui auraient eu lieu de toute façon.
Plusieurs députés UMP – Et que faites-vous du quart restant ?
M. Maxime Gremetz - Ensuite, puisqu'il nous est demandé de remplacer une disposition mort-née, nous invitons l'assemblée à adopter trois amendements qui reprennent l'essentiel des propositions de loi déposées par le groupe communiste et républicains, et à chaque fois écartées avec mépris par le Gouvernement et les députés UMP.
En premier lieu, nous voulons rendre obligatoire la négociation de plans de gestion prévisionnelle des départs à la retraite contre des embauches. La France entre en effet dans une période de départs à la retraite massifs des générations nées après 1945, qui devraient atteindre un rythme annuel moyen de 500 000 départs entre 2005 et 2015, selon une étude conjointe de la DARES et du Commissariat général au Plan. Profitons de ce renouvellement de main-d'uvre pour consolider les garanties du salariat, et non le précariser. Il existe une opportunité historique de recruter des centaines de milliers de personnes et de réduire significativement le chômage, particulièrement chez les jeunes, tout en régénérant les capacités de travail et d'innovation des entreprises.
Notre deuxième proposition est d’ouvrir la voie à la requalification en contrat de travail des conventions de stages abusives, qui ne servent qu'à masquer une embauche au rabais de jeunes, souvent très qualifiés. Sur 800 000 stages, des milliers n’ont un objectif pédagogique que virtuel ! Ces situations intolérables doivent cesser et être régularisées.
Enfin, nous proposons d'instaurer un plafond maximal de 5 % d'emplois en CDD ou en intérim par entreprise.
Voilà des mesures concrètes, qui doivent apporter une première réponse à la demande d'emploi, de formation et de sécurité professionnelle formulée par le mouvement social de ces dernières semaines. En effet, les jeunes ne pourront pas construire de projet d'avenir s'ils ne se voient offrir que des emplois précaires qui ne leur permettent pas de vivre dignement.
La jeunesse attend un véritable plan, élaboré avec les intéressés, qui traduirait une autre orientation politique, et non un nouveau saupoudrage de mesures éculées. Après le 29 mai, après la crise violente des quartiers défavorisés, après ces manifestations gigantesques, ces grèves, ces occupations d'université, ces mouvements dans les lycées, allez-vous encore une fois rester sourds devant les exigences que martèle notre peuple ? Dans ce cas, je vous promets d’autres mouvements sociaux (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).
M. Alain Joyandet – Il y a quelques semaines nous débattions du projet relatif à l’égalité des chances…
M. Patrick Roy – L’inégalité !
M. Alain Joyandet - …et au contrat première embauche, dont l’objectif était de lutter contre le chômage des jeunes, qui atteint un niveau inacceptable.
M. Jean-Pierre Brard - Il prend un ton de circonstance !
M. Alain Joyandet - Notre majorité a voté ce texte, et nous n’avons aucune raison aujourd’hui de nous en excuser (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP). Nous ne pourrons pas lutter contre le chômage si nous n’acceptons pas de remettre à plat les règles qui régissent les contrats de travail. Il faudra le faire dans un contexte apaisé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et dans une approche globale des problèmes qui provoquent un tel niveau de chômage.
Ceci dit, la contestation a conduit à une situation qui nécessitait une décision politique forte.
M. Jean-Pierre Brard - Mea culpa !
M. Alain Joyandet - L'agitation qu'a connue la France, les désordres dans les universités et les lycées, …
M. Jean-Claude Lefort - Vous les avez provoqués !
M. Alain Joyandet - …la menace sur l’organisation des examens, les manifestations de voie publique, mettaient en danger la sécurité des jeunes.
Une issue rapide à la crise était indispensable. Il fallait donc trouver le nécessaire compromis pour en sortir.
Les rencontres et discussions conduites par les présidents de groupes parlementaires Bernard Accoyer et Josselin de Rohan, qu’il faut remercier (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP), avec les rapporteurs Laurent Hénart et Alain Gournac ont permis de proposer une solution soutenue par l'ensemble de notre majorité, et peut-être au-delà.
Elle semble également recueillir, pour l'heure, un avis plutôt positif des partenaires sociaux et des jeunes…
M. Jean-Pierre Blazy - Pour l’heure.
M. Alain Joyandet - Il s'agit de remplacer l'article 8 de la loi sur l'égalité des chances…
M. Patrick Roy - Abrogation !
M. Alain Joyandet - …par de nouvelles dispositions pour accélérer l'entrée des jeunes les plus en difficulté dans les entreprises.
En dehors de « abrogation, abrogation », on n’a rien entendu de votre part !
M. Guy Geoffroy - Ils n’ont rien à dire !
M. Alain Joyandet - Ainsi, les points de blocage qui ont fait naître de réelles inquiétudes disparaissent et le nouveau texte reste tendu vers le même objectif : combattre le chômage des jeunes les plus en difficulté (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP). C’est l’objectif qui était et qui reste celui du Gouvernement.
M. Michel Vergnier - Ne dites pas n’importe quoi !
M. Alain Joyandet - Cette décision politique est lucide. Ce n'est pas une marque de faiblesse mais au contraire un acte…
M. Jean-Pierre Brard - Un acte de contrition !
M. Alain Joyandet - …un acte courageux. Tout naturellement, nous soutenons donc cette proposition qui représente à nos yeux le nécessaire compromis, selon le terme employé par Monsieur Ayrault, lui-même au cours des questions d'actualité.
Ce texte de remplacement…
Plusieurs députés socialistes – Abrogation !
M. Alain Joyandet - …doit nous permettre d’avoir aujourd'hui un débat constructif sur l'avenir de notre jeunesse.
Les mécanismes qu'il propose reposent sur une sécurisation du parcours professionnel, plus particulièrement, des jeunes en difficulté ou sans qualification, et s'inscrit dans la logique du plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo que nous avons soutenu.
M. Jean-Pierre Brard - Ne l’accablez pas.
M. Alain Joyandet - Il permet de donner davantage de sécurité aux jeunes les plus éloignés de l’emploi.
Il s'agit, d'une part, de renforcer le dispositif du « soutien à l'emploi des jeunes en entreprises » – le SEJE – issu de la loi de 2002 en facilitant l'insertion professionnelle des jeunes de 16 à 25 ans révolus dont le niveau de formation est inférieur à celui d'un diplôme de fin de second cycle de l'enseignement général, technique ou professionnel, ainsi que de l'ensemble des jeunes issus des zones urbaines sensibles. Pour ces derniers, c’est bien notre majorité qui a fait le plus depuis quelques années (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP) y compris pour lutter contre les discriminations. Mais vous n’avez pas daigné voter ce dispositif.
M. Patrick Roy – Vous avez supprimé les emplois-jeunes et le programme TRACE !
M. Alain Joyandet – Vous aviez vraiment donné la sécurité aux jeunes, avec un CDD de cinq ans au terme duquel il n’y avait rien ! C’est nous qui avons attribué les indemnités Assedic à ces jeunes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) S’il y a quelque chose dont il ne faut pas vous vanter, c’est bien de cela !
Les entreprises seront incitées à recruter ces jeunes en CDI grâce à une aide forfaitaire de l'État doublée par rapport à celle initialement prévue. D'autre part, les jeunes qui peuvent prétendre à un contrat d'insertion dans la vie professionnelle – CIVIS – ainsi que les jeunes titulaires d'un contrat de professionnalisation en CDI bénéficieront de ce nouveau dispositif. Ces deux contrats sont « étoffés» pour apporter plus de sécurité, et vont également bénéficier de l'aide forfaitaire prévue par la proposition de loi.
Ces aides devraient inciter les entreprises à recruter des jeunes en difficulté et renforcer encore le succès des trois dispositifs en vigueur (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Cela vous ennuie, mais 300 000 jeunes ont été recrutés grâce au SEJE et, rien qu’en février, 91 000 jeunes ont signé un contrat de professionnalisation.
Aides et exonérations de charges patronales pourront se cumuler, ce qui devrait lever les réticences des entreprises à recruter des jeunes issus de milieux défavorisés ou manquant de qualification ou d'expérience.
M. Alain Néri - Le système ne marchait déjà pas !
M. Alain Joyandet - Ces dispositions devraient permettre le retour au calme tout en renforçant notre action pour l'emploi des jeunes. Cette action s’inscrit dans le cadre général de ce qui a été réalisé par le Gouvernement pour lutter contre le chômage avec d’une part le traitement social du chômage grâce aux contrats aidés pour accompagner les publics les plus en difficulté dans leur retour vers l'emploi, le plus souvent dans le secteur public et associatif, et d’autre part l'ensemble des mesures en faveur de l'emploi dans le secteur marchand.
C’est sur ces deux piliers, Monsieur le ministre, que vous faites reposer votre action, et la majorité vous soutient (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et aujourd’hui plus que jamais. Cette action a permis de diminuer le chômage de façon significative.
M. Jean-Pierre Blazy – C’est faux !
M. Alain Joyandet - 150 000 chômeurs en moins en un an, il y a longtemps que l’on n’avait pas vu cela.
M. Jacques Desallangre - Ils sont au RMI !
M. Patrick Roy - Donnez les chiffres du RMI !
M. Alain Néri - Ils ont augmenté de 7 % !
M. Alain Joyandet - Cette action doit se poursuivre, comme il faudra débattre des sujets qui ont créé le blocage. Nous sortons de cette période de difficultés,…
M. Henri Emmanuelli – Tête basse !
M. Alain Joyandet - …toujours tendus vers cet objectif, vaincre le chômage (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste). Ne vous réjouissez pas trop. Vous avez largement profité de cette période,
M. Maxime Gremetz - Regardez le peuple !
M. Alain Joyandet - …et vous souhaitiez qu’elle dure, car tant qu’on parle du CPE, on ne parle pas des divisions au sein du parti socialiste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Le CPE ne sera pas toujours l’arbre qui cache la forêt de vos présidentiables. La fête est finie.
Notre majorité, plus que jamais, soutient le Gouvernement dans son action. Nous appelons de nos vux un débat…
M. Jean-Pierre Blazy - Un déballage.
M. Alain Joyandet - …et des mesures pour mettre en cohérence le système de formation et le monde du travail.
Nous appelons également de nos vux une nouvelle période de concertation entre les partenaires sociaux…
M. Alain Néri - Il fallait y penser avant !
M. Alain Joyandet - …pour lever, ensemble, les blocages de notre système et accentuer les bons résultats de ces derniers mois (Rires sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).
M. Patrick Roy – Vous ne donnez toujours pas les chiffres du RMI !
M. Alain Joyandet – Je souligne enfin que, dans une période de blocage aigu, la solution est venue du Parlement. Nos présidents de groupes, les rapporteurs, autour des ministres Borloo et Larcher, ont fait honneur à notre Parlement.
M. François Brottes - Mascarade !
M. Alain Joyandet – L’UMP et son président Nicolas Sarkozy (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) n'ont pas ménagé leur peine et je suis très heureux de cette contribution positive à la résolution de la crise. Une telle crise, tous les gouvernements, de gauche ou de droite, ont eu à en connaître un jour.
Le Président de la République et le Premier ministre ont accepté notre proposition et pris les décisions lucides et courageuses qui s'imposaient. À nous, maintenant, de clore cette période mouvementée en rassurant ceux qui ont manifesté leur inquiétude et en aidant les plus fragiles, pour lesquels ces dispositions peuvent représenter un nouvel espoir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
M. Gaëtan Gorce - Il y a aujourd’hui matière à se réjouir et à désespérer.
D’abord les motifs de satisfaction. Le CPE sera abrogé à l’issue de ce débat. Sans doute aurait-on pu espérer que le bon sens s’imposât plus vite, et certes reste-t-il encore, dans la loi dite d’égalité des chances, trop de mesures, tels l’apprentissage à 14 ans ou la responsabilité parentale, qui méritent que l’on y revienne ; mais enfin, le sort en est jeté : nous sommes là, vous êtes là pour porter le coup de grâce au CPE.
Le paradoxe est sans doute que dans ce trop long feuilleton, les partisans de la rupture aient été les premiers à rendre les armes : plutôt que de rompre des lances, ils ont choisi de rompre leur engagement. Mais ne boudons pas notre plaisir : quel formidable succès ! Pour la première fois, devant la mobilisation des organisations syndicales et de jeunesse, que je salue à cette tribune, votre gouvernement, votre majorité ont été contraints de reculer. Vous n’aviez pas su ni voulu le faire sur la loi sur les retraites, vous l’aviez refusé sur la loi Fillon, mais vous avez dû vous y résoudre face à la jeunesse de ce pays, jetée dans la rue par l’injustice de votre politique.
Vous avez reculé devant le refus de nos concitoyens de s'accommoder de la montée de la précarité et de l'affaiblissement de notre pacte social, refus qui est le fil rouge reliant les crises successives que notre pays a traversées ces quatre dernières années. Toutes les catégories de population, à tous les âges, s’opposent à cette précarité que vous leur présentez comme seule perspective pour la société de demain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). J’entends bien, sur vos bancs, ceux qui s'époumonent à opposer la légitimité de la loi à celle de l’opinion, mais vous n’avez pas reçu mandat du pays pour vous en prendre aux fondements mêmes de notre contrat social (Même mouvement) : rien dans le vote de 2002 ne pouvait vous autoriser à faire prévaloir votre programme le plus libéral.
Ne nous dites pas que dans ce pays la réforme serait impossible : c’est votre méthode qui l’est ! (Même mouvement) Les Français n’acceptent pas qu’on leur impose des mesures qu’ils récusent.
M. Jean-Michel Fourgous - Parlez-nous de votre méthode pour imposer les 35 heures !
M. Gaëtan Gorce - Au fond, il y a une sorte de justice dans cette affaire : tel est pris qui croyait prendre ! À votre vaine arrogance d’il y a deux mois, qui s’est traduite par le recours brutal au 49-3, répond aujourd'hui votre fausse humilité à travers une proposition de loi manifestement rédigée à la hâte, brandie en guise de drapeau blanc.
Vous avez cru pouvoir vous affranchir de la concertation, du débat parlementaire, du respect des formes, et votre brutalité a eu un effet boomerang, en mettant dans la rue trois millions de Français.
La démonstration est faite que l'engagement citoyen, l'engagement syndical et l’usage de nos libertés constitutionnelles, à commencer par celle de manifester, peuvent changer la donne. C’est aussi une victoire de la responsabilité, qu’il faut saluer : les organisations de jeunesse et les syndicats ont su maîtriser leur indignation pour la diriger vers la solution raisonnable, l'abrogation, qu’ils ont sans cesse exigée et à laquelle vous avez dû finalement consentir, même si vous jouez de façon dérisoire avec les mots en parlant de « remplacement ».
Mais aussi, quel gâchis ! Quatre mois perdus, alors que toutes les forces devraient être mobilisées pour soutenir notre économie, retrouver la croissance et dynamiser l'emploi ; quatre mois sacrifiés, dans un pays brusquement retourné contre lui-même. Par l'entêtement d'un seul ? Peut-être. Plus sûrement, par l'aveuglement de l'UMP tout entière ! Il serait trop facile, et peut-être injuste, de faire porter sur le Premier ministre seul la responsabilité de cette affaire. Sans doute s'est-il lourdement trompé, en semblant méconnaître que ce pays récuse l'autoritarisme et demande le dialogue.
Mais que dire du Président de la République, incapable en dépit de sa triste expérience en la matière, de prévenir, et plus encore de résoudre la crise, et qui finit par inventer un imbroglio constitutionnel ?
Que dire de tant de responsables dans cette Assemblée qui n'ont pas su, ou n'ont pas voulu, malgré nos appels, user de leurs prérogatives pour faire respecter le Parlement et s'opposer au recours absurde, inutile et déplacé au 49-3 ?
Que penser d'une majorité qui a voté dans l'enthousiasme, il y a à peine soixante jours, une disposition qu'elle est prête aujourd'hui à rejeter sans l'ombre d'un regret ? M. Joyandet a ainsi été contraint de tenir à deux mois de distance des discours radicalement opposés… Grandeur et servitude du parti godillot !
Que penser, enfin, du président de l'UMP, par ailleurs ministre de l'intérieur et donc en principe solidaire du Gouvernement, dont la philosophie politique et sociale, certes appliquée par un autre, a échoué ? Qu'est la rupture revendiquée par M. Sarkozy, sinon la réduction des droits sociaux, la facilité du licenciement, la souplesse sans contrepartie, la contrainte toujours imposée aux mêmes ? M. de Villepin voulait s'approprier la rupture, la faire sienne, démontrer à la droite qu’il ne se contentait pas de discours et savait agir… Comme M. Sarkozy, il voulait la rupture avec notre modèle social, et il a eu la rupture avec les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Et que penser de ce même président de l'UMP qui, après avoir déclaré le 2 février sur LCI que le CPE était « la seule solution possible », explique aujourd'hui dans Le Figaro qu'il n'y a « pas d'autre solution que son retrait » ? Voilà un beau général, et je vous souhaite bonne chance sous un tel commandement !
M. le Président de la commission des affaires culturelles – Je me demande comment cela se passera à gauche…
M. Gaëtan Gorce - Si j’étais mémorialiste, je dirais que dans cette affaire du CPE, le prince de la duplicité a prêté le bras au roi de l’entêtement…
Mais ce serait une faute, une erreur d'appréciation d’imaginer la crise réglée du seul fait de l'abrogation du CPE. Cette crise a été exacerbée par le CPE, mais elle vient de plus loin ; en apaisant les colères, ne croyez pas que vous en aurez extirpé les racines.
C’est d'abord la crise d'une économie que vous n'avez pas su garder sur le chemin de la croissance et de l'emploi. C'est aussi une crise d'identité, à laquelle vous ne savez pas répondre et dont nos banlieues ont porté si brutalement témoignage à l'automne dernier. C’est la crise d'une République qui, à cause de vos insuffisances, ne sait plus faire vivre la belle valeur d'égalité, sans cesse contredite par la montée des discriminations. C’est la crise d'une nation, bousculée dans ses repères, doutant de son avenir et à laquelle vous ne savez proposer que des boucs émissaires.
C'est aussi la crise d'une démocratie épuisée par vos faux-semblants, vos dérobades, vos rivalités, qui laissent si loin l'intérêt général ; la crise d'un système dans lequel le chef de l’État, par deux fois sanctionné, en 2004 et en 2005, n’en a tiré nulle conséquence, jetant aux orties la défroque d'une Ve République pourtant fondée certes sur la prééminence du Président de la République, mais d’abord sur sa responsabilité politique devant les Français. Lorsqu’un Président de la République ferme ainsi toutes les issues politiques, il ne faut pas s'étonner que la colère se fasse entendre par d'autres moyens, et il faut se réjouir qu'elle l'ait fait à travers des manifestations tranquilles et par la voix d'organisations syndicales et de jeunesse particulièrement responsables.
C’est aussi une crise de génération. La jeunesse veut qu’on lui fasse confiance mais se heurte à des blocages que vous ne faites que renforcer.
C’est une crise sociale, enfin. Le CPE n'est pas un dérapage, une sortie de route, mais l'expression claire et assumée de la philosophie sociale et politique de votre majorité et de l'UMP. Certes, en introduisant l'arbitraire dans le licenciement et en choisissant de retirer aux salariés, et d'abord aux plus jeunes, le droit de connaître les motifs de leur éviction, vous êtes allés trop loin. Mais le CPE n'était-il pas le simple prolongement du CNE, qui continue malheureusement de s'appliquer et contre lequel il nous faudra nous battre ? Et le CNE ne venait-il pas après tant de mesures qui, loi après loi depuis 2002, ont affaibli et parfois supprimé les bases de notre droit du travail et de notre pacte social ? Non, le CPE n'était pas un accident, mais la pointe avancée de votre projet, que vous ne pouvez pas appliquer aujourd'hui mais que vous n'auriez de cesse d'appliquer demain si vous l'emportiez en 2007.
Votre philosophie sociale est simple : elle prend prétexte de nos difficultés économiques et sociales pour en ajouter encore… Contrairement à ce que vous prétendez, le combat n'est pas entre le changement et l'immobilisme, mais entre deux formes de changement : celui qui prend prétexte de la mondialisation pour réduire les droits sociaux, et celui qui veut réconcilier progrès économique et progrès social, en ajustant le niveau des protections au niveau des risques nouveaux que l'économie fait courir aux salariés comme aux entreprises.
Vous vous présentez aujourd'hui devant nous comme les Bourgeois de Calais : l'humilité et la modestie ont remplacé l'arrogance et l'omnipotence d'une majorité absolue. Vous présentez un texte bricolé qui n'a d'autre vertu que d'abroger sans le dire l'article 8. Nous ne nous y opposerons d’ailleurs pas, car il est temps d'en finir, mais la démission eût été plus digne et l'abrogation plus claire.
Le CPE traduisait une erreur de diagnostic : ce n'est pas en diminuant les droits que l’on crée de l'emploi. Il traduisait aussi une erreur d'orientation puisque c’était une mesure générale, alors que la situation des jeunes face à l’emploi est aussi variable que leurs niveaux de formation, leur cursus et parfois même le quartier où ils habitent. Il exprimait enfin une forme de mépris à l'égard de la jeunesse puisqu'il reposait sur l'idée que les jeunes ne seraient acceptés dans l'entreprise qu'au prix de discriminations et d'une précarisation exorbitante. Vous avez montré en creux le chemin qu'il faut suivre : par l'emploi, rendre confiance à la jeunesse, lui montrer les opportunités qui s'offrent à elle dans une société où le renouvellement des générations doit lui ouvrir toutes grandes les portes de l'entreprise ; lui apporter des droits et des aides universels, calibrés ensuite en fonction de leurs besoins et de leurs potentiels. Ce n'est pas cette voie que vous avez choisie dans votre proposition de loi : faute d'ambition, vous vous contentez de recycler des dispositifs qui ont déjà démontré leur inefficacité. Qu'attendre des contrats jeunes en entreprise qu'ils n'auraient déjà donné, eux qui plafonnent aujourd'hui à 118 000 et pour lesquels vous avez inscrit des crédits en diminution de près d’un tiers au budget de 2006 ? Qu'attendre des CIVIS qu'ils n'auraient déjà produit, eux qui ont mis des mois à démarrer et qui s'essoufflent déjà faute d'y consacrer les moyens adaptés ? Non, la jeunesse n'a rien à attendre de vous, de vos contorsions et de vos reniements !
L'avenir n'est pas à droite, ni dans ses jeux de pouvoirs, ni dans ses querelles d'homme. N'en déplaise à Giraudoux, La Guerre des Trois a bien eu lieu. Notre République est prise en otage par l'affrontement de MM. Chirac, Villepin et Sarkozy, triangle des Bermudes dans lequel se perd notre démocratie. Quel bilan peut-on dresser de cette crise ? Un chef de l'État plus déconsidéré que jamais, incapable d'assumer son rôle d'arbitre ; un chef du Gouvernement condamné à l'impuissance par son numéro deux ; une majorité divisée ; une société épuisée par la succession des crises ; une démocratie fragilisée par l'absence de dialogue ; une jeunesse révoltée par l'absence de confiance. Je songe cette fois à l’Électre de Giraudoux : « Comment cela s'appelle t-il, quand le jour se lève, comme aujourd'hui, et que tout est gâché, et que l'air pourtant se respire dans un coin du jour qui se lève ? Cela a un très beau nom, femme Narsès. Cela s'appelle l'aurore. » C'est d'une autre aurore qu'il nous faut rêver ! Tout reste à reconstruire, mais telle est peut-être la chance que nous devrons, que nous saurons saisir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)
M. Francis Vercamer - Quand les dispositions d'une loi censée réunir l'ensemble de nos concitoyens provoquent un tel rejet, c'est un sentiment profond de gâchis qui domine.
L'UDF l'a déploré à plusieurs reprises depuis deux mois : on ne peut que regretter les conditions d’examen de la loi sur l'égalité des chances.
M. Jean-Christophe Lagarde - C’est vrai.
M. Francis Vercamer - Précipitation du débat à l'Assemblée nationale, urgence déclarée, ajout par amendements gouvernementaux de dispositions touchant à des principes essentiels de notre législation du travail, absence de consultation des partenaires sociaux, travail bâclé des commissions, discussions tronquées, utilisation du 49-3 : tout cela augurait mal de la suite des événements.
M. Jean-Christophe Lagarde - Exact !
M. Francis Vercamer - L'insertion à la hussarde de l'amendement qui instaurait le CPE a dénaturé l'ensemble du projet que vous vous apprêtiez à présenter en réponse aux violences urbaines de l'automne dernier. Ce texte a été pollué par une mesure plus polémique que pragmatique, finalement rejetée massivement. Le CPE a en effet été perçu comme la manifestation d’une volonté de consacrer l'instabilité qui semble désormais devoir prévaloir dans les relations de travail…
Mme Anne-Marie Comparini - Très bien.
M. Francis Vercamer - …alors même que tout notre droit du travail a été élaboré pour protéger le salarié, mais également pour garantir aux parties contractantes la stabilité et la sécurité de la relation juridique. Cette disposition, à laquelle le groupe UDF s'est d'emblée opposé, a donc provoqué deux mois d'une crise sociale suivie d'une crise politique et d'une crise de régime. Conclusion : nous nous retrouvons aujourd'hui pour entériner la disparition de ce dispositif mort-né et son remplacement par un renforcement des dispositifs existants consacrés à l'accompagnement des jeunes en difficulté d'insertion professionnelle. Tout ça pour ça !
Mme Anne-Marie Comparini - Très bien.
M. Francis Vercamer - Deux millions de personnes dans les rues, une jeunesse en révolte, une année scolaire ou universitaire menacée, un climat économique en demi-teinte pour aboutir à ces nouvelles dispositions ! Sans oublier qu'un mauvais coup a été porté à la démocratie sociale et que la confiance des partenaires sociaux envers l'État est en berne. Le Gouvernement n’a pas tenu compte de nos avertissements, préférant écouter celles et ceux qui, au sein du groupe majoritaire, le soutenaient pour créer le CPE au mépris des règles élémentaires d'une démocratie responsable et qui allaient parfois être les mêmes, la contestation sociale aidant, à demander un recul sur cette disposition !
M. Jean-Christophe Lagarde - Où sont-ils ?
M. Francis Vercamer – À l’Assemblée comme au Sénat, l'UDF avait déposé des amendements tendant à réduire la durée de la période dite de consolidation et à introduire une obligation de motiver le licenciement. Vous avez rejeté nos propositions…
M. Jean-Christophe Lagarde - Hélas !
M. Francis Vercamer - …reformulées quelques semaines plus tard, mais trop tard, par le Président de la République. Il était temps de réunir les conditions d'un apaisement, de trouver un scénario de sortie de crise, bref, il était temps d'abroger le CPE parce que c’est bien de cela qu'il s'agit. Nos débats sur la présente proposition de loi et dans les semaines à venir les commentaires des différents acteurs de la crise que nous venons de connaître permettront de tirer les leçons des événements de ces deux derniers mois. Dans l'immédiat, nous en tirons quant à nous quatre enseignements.
Tour d'abord, la nécessité d'engager une réflexion de fond sur la réforme de nos institutions. Depuis le mois de janvier nous avons eu droit au panel le plus complet des dérives que se permet le pouvoir exécutif aux dépens du pouvoir législatif.
Mme Anne-Marie Comparini - Très bien.
M. Francis Vercamer - Nous avons eu droit ensuite à un retour au régime des partis, la sortie de crise relevant du seul groupe UMP. Tout ceci a été complété de plusieurs curiosités juridiques telles que la promulgation-non-application, ou encore, avec le texte qui nous est soumis aujourd'hui, la proposition de loi à l'initiative du Gouvernement. Bref, la subtilité juridique semble avoir atteint un degré de finesse que l’on aurait aimé voir davantage employé à la recherche d'un accord avec les partenaires sociaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)
Deuxième enseignement : engager préalablement à toute réforme un travail profond et patient de pédagogie car la réforme ne se décrète ni ne s’improvise au gré d'un calendrier politique dont les préoccupations seraient trop étrangères à l'objet même des changements qu'elle entend introduire. C’est ce travail-là qui permet de poser les enjeux, d'établir peu à peu un diagnostic qui sera d'autant plus solide qu'il sera largement partagé.
M. Jean-Christophe Lagarde - On ne le fait jamais.
M. Francis Vercamer - Dans nos démocraties modernes, nos concitoyens ont accès à une quantité impressionnante d'informations et ils sont donc aussi les premiers à avoir un avis à donner. Pour réformer, il faut prendre le temps de confronter les points de vue afin d’aboutir à un accord sur un constat, surtout sur un sujet sensible. Le chômage en est un des principaux, avec la nécessaire évolution de notre droit du travail. Certes, une multitude d'études très complètes conduites par des experts d'horizons divers existent déjà et font l'objet de débats réguliers. Il serait certainement utile de donner à tout ce travail une cohérence d'ensemble.
Troisième enseignement : la nécessité d'associer étroitement les partenaires sociaux à toute réforme de notre législation du travail. Sur certains points, au-delà de la seule consultation, il revient même aux partenaires sociaux de déterminer, par le biais de la négociation interprofessionnelle, les mesures à engager, auxquelles l'État peut ensuite, si nécessaire, donner force de loi. Tous les gouvernements qui se sont succédé ont négligé les partenaires sociaux. L'exemple des 35 heures imposées par la loi sans négociation préalable reste ainsi un précédent fâcheux.
M. le Président de la commission des affaires culturelles – Mais vous êtes réaliste !
M. Francis Vercamer - Les pays européens qui ont su adapter leur modèle social sont ceux où le dialogue social est le plus vivant. Il est donc selon nous indispensable de modifier la partie de la loi du 4 mai 2004 relative au dialogue social pour y inscrire l'obligation de faire précéder toute réforme du droit du travail par une négociation nationale interprofessionnelle.
M. Jean-Christophe Lagarde - Eh oui !
M. Francis Vercamer - La loi du 4 mai 2004 n'évoque en effet dans son exposé des motifs qu'un engagement solennel du Gouvernement en ce domaine, engagement qui ne suffit pas à garantir une concertation, nous l’avons vu.
Enfin, quatrième enseignement : l'emploi des jeunes doit impérativement être facilité. L'accès des jeunes au marché du travail est chaotique, nous ne l’avons jamais contesté. L'INSEE établissait notamment en début d'année qu'entre 2002 et 2004 les jeunes de moins de trente ans connaissaient des périodes de précarité de plus en plus durables. La précarité est deux fois plus importante pour eux que pour l'ensemble des actifs. La situation s’aggrave, en particulier pour ceux qui sont dépourvus de formation ou de qualification.
M. Jean-Pierre Blazy - Surtout depuis quatre ans !
M. Francis Vercamer - Notons que les premières phrases de l'exposé des motifs de la présente proposition de loi constituent un véritable réquisitoire contre la politique menée depuis 2002 en faveur des jeunes : « La situation que connaissent aujourd'hui les jeunes n'est pas acceptable. Leur taux de chômage est de 22,2 %, contre 9,6 % pour l'ensemble de la population. Pour les jeunes sans qualification, ce taux atteint 40 %. L'immense majorité de ceux qui parviennent à être embauchés ne le sont qu'en CDD, en intérim ou en stage.
Dans la situation confuse de ces derniers jours, un observateur peu attentif pourrait croire lire un texte écrit par l'opposition !
M. Jean-Christophe Lagarde - Eh oui !
M. Francis Vercamer - Les consultations ont permis d'identifier les moyens de renforcer l'accompagnement des jeunes, voie que nous préconisons de longue date et qui a notre soutien. Ce texte est ainsi dans la lignée des dispositions du plan de cohésion sociale, auquel nous étions favorables.
Mais ces dispositions sont insuffisantes. L’instauration d’un contrat emploi-formation dont bénéficieraient celles et ceux qui ont quitté le système scolaire sans qualification pourrait ainsi les compléter…
Mme Anne-Marie Comparini - Très bien !
M. Francis Vercamer - …ainsi qu’un plan d’anticipation de la transmission des savoir-faire, dans les métiers qui connaîtront prochainement des départs en retraite massifs. Ces dispositions doivent s'inscrire également dans une réforme globale du droit du travail – menée en concertation avec les partenaires sociaux – qui permettrait à l'entreprise de s'adapter pour innover et d’être concurrentielle, tout en sécurisant le parcours professionnel de ses salariés.
Nous préconisons un contrat de travail de nouvelle génération, élaboré avec la participation des partenaires sociaux : un CDI à droits progressifs qui assure une période d'essai raisonnable et clairement limitée – six mois par exemple – dont la rupture serait obligatoirement motivée, et qui prévoie un droit à la formation.
La crise provoquée par le CPE a fait perdre un temps précieux. Parce que cette proposition de loi répond à une urgence – sortir de la crise – le groupe UDF approuvera ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).
Mme Muguette Jacquaint – Le groupe UMP propose aujourd’hui de remplacer le CPE : il est amené à jouer les pompiers au service du Gouvernement, M. Sarkozy et ses partisans reniant un texte qu’ils avaient porté à bout de bras pendant des mois.
Ne jouons pas sur les mots : remplacement signifie bien enterrement. La démocratie, bafouée dans cet hémicycle, a été imposée par la jeunesse et par les salariés. Ceux-ci, soutenus par une majorité de la population, viennent de remporter une victoire importante après des semaines de lutte.
Deux projets de société se sont affrontés, et s’affrontent toujours : l’un implique la précarisation de la jeunesse, l’autre est fondé sur la solidarité et sur l’épanouissement de l’individu. Au-delà du CPE, la jeunesse et les salariés veulent rompre avec le libéralisme qui leur est imposé depuis des années.
Or, que propose le Gouvernement, contraint de sauver la face ? Un renforcement des emplois aidés, mais surtout des cadeaux aux entreprises, dont l'effet sur l'emploi est contestable. Pourtant, des dirigeants de PME affirment qu’ils ont davantage besoin de clients que d’aides pour embaucher. Pour cela, nous devons sortir du marasme en relançant la croissance et la consommation des ménages : mais comment l’imaginer lorsqu’un salarié sur deux gagne moins de 1 300 euros par mois ?
Une nouvelle fois, le Gouvernement encourage sans contrepartie la « trappe à bas salaires », sans grands résultats en matière d'emplois. Plus grave, il renonce à tout contrôle des fonds publics, dans la logique de l'abrogation, en automne 2002, des commissions de contrôle des aides publiques aux entreprises. Le Gouvernement s’apprête à verser chaque année 300 millions d'euros d'aides supplémentaires : il aurait été plus profitable à la jeunesse en recherche d'emploi que cet argent soit utilisé à la mise en place d'un système de sécurité emploi-formation.
Le gouvernement – ou l'UMP, je ne sais plus à qui m'adresser ! – prétend par ailleurs que ces emplois aidés doivent profiter prioritairement aux jeunes « en grande difficulté sociale ». Permettez-moi d'en douter puisque votre proposition destine, par exemple, le CIVIS à des jeunes de niveau Bac + 2 et au-delà. On peut donc imaginer une entreprise bénéficier de cette aubaine et recruter un ingénieur stagiaire. Enfin, le Gouvernement confie un peu plus la gestion des CIVIS aux associations comme les PAIO et les Missions locales : mais disposeront-elles de moyens supplémentaires pour l’assumer ?
Comme l'affirment avec force les organisations syndicales et les représentants étudiants et lycéens, tous les aspects néfastes de la loi dite « sur l'égalité des chances » – comme l'apprentissage à 14 ans et le travail de nuit des jeunes de moins de 15 ans – ne disparaissent pas. Pire encore, le CNE, qui a constitué la référence du CPE, avec sa période d'essai de deux ans sans motivation du licenciement, est maintenu. Or un premier bilan révèle, comme prévu, un gigantesque effet de substitution : deux tiers des embauches en CNE l'auraient été en CDI sans ce nouveau dispositif. Maxime Gremetz a rappelé nos propositions, sur lesquelles nous reviendrons autant de fois que nécessaire.
La jeunesse continue de se mobiliser et entend bien uvrer à des propositions alternatives qui changent sa vie et transforment la société. Le groupe communiste et républicain sera toujours à ses côtés (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).
M. Hervé Mariton - La lecture raisonnable de la situation du moment… (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) conduit à la proposition de loi sur l’accès des jeunes à la vie active en entreprise, qui encourage l’emploi, cherche à développer l’alternance, et vise à renforcer l’accompagnement vers l’emploi. Tout cela est utile et contribue à la bataille pour l’emploi, engagée par le Gouvernement, soutenue par…
M. Jean-Pierre Blazy - Mariton !
M. Hervé Mariton - …notre majorité. La lutte contre le chômage et l’effort pour la croissance sont au cur de notre action. Nous constatons depuis un an une amélioration sensible de la situation de l’emploi. Des initiatives ont été prises pour encourager l’activité, soutenir la demande et libérer l’offre. Chacun a en tête le succès du CNE ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)
M. Jean-Pierre Brard - Remettez vos oreilles à l’endroit !
Mme Jacqueline Fraysse - Il est rigolo !
M. Hervé Mariton – Notre collègue vient de dire que deux tiers des CNE auraient été substitués à des emplois en CDI. Mais cela signifie bien – et vous le reconnaissez vous-même – qu’un tiers, c’est-à-dire au moins 100 000 d’entre eux, correspondent à de nouveaux emplois créés. Voilà un progrès indéniable que nos choix ont permis d’apporter ! La lutte contre le chômage a des résultats, dus non pas au hasard, mais à notre action cohérente et constante.
J’ai entendu les critiques formulées par nos collègues socialistes à l’encontre de la loi sur l’égalité des chances : elles ne nous font pas rougir ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Oui, nous sommes favorables au développement de l’apprentissage…
M. Jean-Pierre Blazy - C’est une illusion dangereuse !
M. Hervé Mariton - Oui, nous sommes heureux que cette loi encourage la création de zones franches ! Et nous regrettons qu’enfermés dans une critique excessive, vous n’arriviez pas à voir les vertus de ces dispositions-là.
Plusieurs députés communistes et républicains – Les Français non plus !
M. Hervé Mariton – Nos compatriotes ne pourront pas profiter des bienfaits du CPE, mais ils pourront bénéficier du développement de l’apprentissage et des zones franches, et ils sauront que ce n’est pas grâce à vous.
La loi instituait, dans le prolongement du contrat nouvelles embauches, le contrat première embauche. Il ne sera pas dit ce soir qu’on n’en aura pas dit du bien (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).
M. René Dosière - C’est pour cela que vous le retirez !
M. Hervé Mariton - Nous croyons suffisamment aux engagements que nous avions pris pour les expliquer même lorsque les circonstances sont difficiles.
M. Christian Paul - Le dernier grognard !
M. Jean-Pierre Brard - La garde impériale !
M. Hervé Mariton - Même si, d’évidence, nous n’avons pas su convaincre ce qu’on appelle trop largement le « mouvement social »…
M. Jean-Pierre Brard - Vous savez ce que c’est ?
M. Hervé Mariton - …il faudrait avoir la rigueur de constater que jamais, dans les sondages, une majorité de l’opinion ne s’est déclarée clairement défavorable au CPE.
M. Maxime Gremetz - Il est mauvais ! Ultramauvais !
M. Hervé Mariton - Parfois, il est souhaitable de comprendre la réalité.
M. Maxime Gremetz - Oser dire ça à la tribune !
M. Hervé Mariton - Elle ne nous interdit pas de revendiquer ce que nous avons voulu, ni de mesurer l’opinion de nos concitoyens…
M. Alain Néri - Quel mépris !
M. Hervé Mariton - …qui ont compris, pour le plus grand nombre, ce que nous voulions faire, tout en pensant que la situation matérielle du pays ne le permettait pas.
La souplesse du contrat de travail, les droits supplémentaires des salariés n’étaient pas inutiles.
M. Henri Emmanuelli - Il y a du jésuite dans cet homme-là !
M. Hervé Mariton - Le débat pour la souplesse et la sécurité doit être poursuivi. Nous devons continuer à chercher des réponses nouvelles. Aujourd’hui, nous n’avons pas réussi. Cela ne nous dispense pas de notre devoir d’exigence à l’endroit de nos concitoyens qui souffrent du chômage et auxquels on ne s’est pas suffisamment intéressé ces dernières semaines – pas nous : vous ! Il faut des solutions nouvelles pour encourager la croissance et l’emploi, pour démontrer à nos concitoyens que la souplesse associée à la sécurité, la flexibilité respectueuse de tous sont pour tous les Français un motif d’espoir plutôt que d’angoisse.
Ce soir, bien des questions restent à l’ordre du jour. Il en est une, par exemple, sur le caractère asymétrique de notre démocratie.
Lorsqu’un vote est émis par le Parlement, il y en a qui le respectent plus volontiers que d’autres. La lecture de l’expression du peuple n’est manifestement pas la même selon qu’on est à droite ou à gauche. Pour notre part, nous avons sans doute – ce qui n’est pas une faiblesse, mais plutôt une éthique de la République (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) – davantage de respect que vous pour la loi et la souveraineté populaire. Il en est une autre – j’y ai pensé en écoutant M. Gorce – qui se pose quant au néant de vos propositions.
Nous ne sommes pas allés au bout, et c’est dommage, de notre projet. Ce soir toutefois, notre confiance et notre fierté nous disent que notre objectif est toujours de travailler pour l’emploi des jeunes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
M. Yves Durand – Face à l’obstination de M. Mariton à défendre, dans une sorte de prêche pathétique, un projet que tout le monde aujourd’hui rejette…
M. le Président de la commission des affaires culturelles – On vous a connu plus pathétique !
M. Yves Durand - …je dois reconnaître au rapporteur et à M. Joyandet cette remarquable souplesse intellectuelle qui leur permet de soutenir avec la plus grande conviction que la majorité est aujourd’hui soudée pour supprimer le CPE. Je vous revois, il y a quelques semaines, repoussant un à un nos amendements. Je vous entends hurler à l’obstruction alors que nous tentions simplement de faire notre travail contre un texte qui n’avait rien à voir avec l’égalité des chances, ou défendre ce CPE que le Gouvernement s’apprêtait à faire passer en catimini, au début des vacances et en procédure d’urgence. Je vous vois applaudir au coup de force du 49-3…
M. le Président de la commission des affaires culturelles – Après le vote du CPE !
M. Yves Durand - …que vous avez tenté de faire passer comme un acte de courage, comme s’il fallait confondre la nécessaire autorité de l’État avec le mépris du Parlement et le refus du dialogue social. Ce soir, je vous vois défendre avec la même vigueur la mort de ce que vous considériez comme votre trouvaille de génie. Quelle image de la politique cette pantalonnade va-t-elle laisser ? Comment redonner confiance en l’action publique quand les plus hautes autorités de l’État se déjugent ?
Pourquoi en est-on arrivé à cet incroyable gâchis ? Parce que vous refusez d’écouter les Français qui, en votant à plus de 80 % contre l’extrême-droite en 2002, pensaient que vous en tiendriez compte, alors que depuis quatre ans vous n’appliquez que la politique de votre camp, quand ce n’est pas celle de votre clan, ou qui vous sanctionnent lors des élections régionales et cantonales. Parce que vous refusez d’entendre les organisations syndicales lorsqu’elles vous disent unanimement que votre projet est mauvais.
Cette nuit, nous enterrons le CPE, balayé par un formidable mouvement, massif, responsable, uni.
M. Jean-Jacques Descamps - Manipulé !
M. Yves Durand - Considérer que la jeunesse tout entière, aussi nombreuse, aussi responsable, est manipulée est bien la preuve de votre aveuglement et de votre mépris ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)
M. Jean-Jacques Descamps - Vous ne la représentez pas !
M. Yves Durand – Allez-vous enfin comprendre que c’est toute votre loi sur l’égalité des chances qui est rejetée, votre conception même de la société, qui repose sur la précarité et l’inégalité ? Du CNE au CPE en passant par votre conception de l’apprentissage, c’est toujours le même objectif : exclure les plus faibles ! Notre pays doit, et peut, évoluer. Ce n’est pas, contrairement à ce que vous voudriez faire croire, la réforme que les Français rejettent, mais l’injustice.
Plusieurs députés socialistes – La régression !
M. Yves Durand - Or, si vous reculez sur le CPE, vous persistez sur les autres dispositions tout aussi funestes de votre projet de loi. Comment penser qu’en retirant un élève en difficulté du collège, on lui permettra d’atteindre le haut niveau de compétences dont il a besoin pour s’adapter au monde qui l’entoure et réussir son insertion professionnelle ? Tous les exemples étrangers montrent que c’est par une scolarité poussée le plus loin possible, à égalité pour tous, qu’on obtient la réussite à la fois scolaire, personnelle et professionnelle.
M. le Président de la commission des affaires culturelles – Vous ne seriez pas enseignant ?
M. Yves Durand – C’est le chemin inverse que vous êtes en train de faire prendre à notre pays, qui va le mener à l’échec pour tous. Comment un élève déjà en difficulté pourra-t-il à la fois acquérir le socle commun et accomplir les tâches d’un apprenti, avec ses horaires, ses contraintes et le travail de nuit et du week-end ?
Plusieurs députés UMP - Zola !
M. Yves Durand - Certes, ce dispositif existait déjà, mais sous forme de dérogation exceptionnelle. Vous avez institutionnalisé la fin de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans !
M. Guy Geoffroy - Oh là là !
M. Yves Durand - Vous qui vous targuez, à juste titre, de connaître l’éducation, comment pouvez-vous réagir comme cela ?
M. Guy Geoffroy - Quelle caricature !
Plusieurs députés socialistes – Non !
M. Yves Durand – Ayez au moins le courage d’assumer votre politique éducative : la loi sur l’avenir de l’école, rejetée par l’ensemble des acteurs, le retour à l’apprentissage à quatorze ans… Sous couvert de rupture et de pragmatisme, votre politique traduit le renoncement devant les inégalités, l’abandon de l’ambition de donner aux jeunes un haut niveau de qualification tout en leur ouvrant les portes de la culture générale et du savoir. Comment prétendre lutter pour l’égalité des chances quand on fait porter la responsabilité de l’échec scolaire aux élèves eux-mêmes et à leurs parents, comme si leurs conditions de vie n’avaient aucune influence, ou quand la seule réponse qu’on donne aux parents en difficulté est de leur supprimer les allocations familiales ? Nous n’avons cessé de vous démontrer que cette disposition était à la fois inutile et dangereuse. Un certain nombre de voix dans votre propre groupe se sont élevées pour dire qu’il s’agissait d‘une erreur fondamentale. Vous les avez balayées d’un revers de main.
M. Jean-Jacques Descamps - Quel conservatisme !
M. Yves Durand - Par cette proposition de loi, vous pensiez sans doute déminer le terrain, tourner une page sur le conflit que vous avez provoqué.
M. Hervé Mariton - Et vos propositions ?
M. Yves Durand - La majorité risque fort de repousser les amendements qui veulent revenir sur cette loi, laquelle est rejetée bien au-delà de l’article sur le CPE. Vous avez l’occasion de répondre au mouvement de fond exprimé par toutes les générations de notre pays. Si, comme je le crains, vous manquez une nouvelle fois l’occasion de mesurer la profondeur des aspirations populaires, alors, il nous appartiendra, le moment venu, de bâtir une société solidaire, fondée sur une véritable égalité des chances, de redonner espoir à notre jeunesse, dans laquelle vous ne savez voir qu’un risque alors qu’elle est porteuse de tous nos espoirs (Murmures sur les bancs du groupe UMP), et de redonner tout son sens à l’action politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)
Mme Martine Billard – Tout ça, pour ça ! II aura donc fallu que les lycées et les universités soient bloqués pendant plus de deux mois et que trois millions de nos concitoyens descendent plusieurs fois dans la rue pour que le Premier ministre se résigne à admettre que l'institutionnalisation de la précarité des jeunes au travail par le CPE n'était ni acceptable ni amendable ! Rien ne nous aura été épargné : ni les tentatives de désinformation sur l'ampleur de la mobilisation,…
M. Hervé Mariton - Ça, c’est sûr !
Mme Martine Billard - …ni les tentatives d'amalgame entre manifestants et casseurs, ni la posture incompréhensible du Président de la République, défiant toute la doctrine juridique : promulguer une loi en demandant de ne pas l’appliquer, au mépris de tous les principes de l'État de droit. Par son acharnement comme par sa gestion piteuse des événements, la majorité UMP a aggravé la crise de régime que connaît la Ve République, sans donner pour autant de réponses valables à la crise économique et sociale.
Le retrait du CPE que consacre cette proposition de loi est une victoire de l'unité et de la détermination de millions de jeunes et de salariés, des organisations syndicales de lycéens, d’étudiants et de salariés, ainsi que des partis de gauche.
En voulant – à tout prix – permettre au Premier ministre de sauver la face, la majorité UMP a pris le risque de se couvrir de ridicule en inventant le concept de « niche présidentielle ». Pour éviter le mot « abrogation » – qui avait au moins le mérite de la concision –, elle a concocté un article fantoche qui frise la « loi bavarde ». De fait, pour enterrer en silence le dispositif Villepin, vous paraphrasez inutilement des dispositions qui existent déjà !
Alors que tout le pays demande l'abrogation pure et simple de l'article 8 de la loi pour l’égalité des chances, la majorité UMP, prisonnière des bisbilles entre le Premier ministre et le chef du parti, a – une fois encore – fait compliqué, en inventant un dispositif censé garantir un simple remplacement du CPE et permettre l'accès des jeunes en difficulté à l’entreprise. La question est effectivement d'importance. Mais elle mérite mieux qu’une mascarade de proposition de loi, écrite à la va-vite. Quant aux moyens financiers programmés, ce ne sont que des redéploiements à partir d'autres dispositifs. Et, bien entendu, nous n'avons reçu aucune étude d'impact nous permettant de légiférer de façon éclairée.
Si la situation de l’emploi est préoccupante, ce n'est pas en aggravant la précarité que le chômage reculera. Au reste, même le – très libéral – groupe de réflexion « IFRAP » relève que les CNE déjà signés se sont substitués aux CDI et CDD existant auparavant. Quant à la prétendue baisse du chômage, elle procède surtout de la radiation massive de diverses catégories de demandeurs d'emploi et du basculement de trop nombreuses personnes dans le RMI.
Depuis janvier dernier, nous répétons qu'il ne faut pas créer un nouveau contrat de travail précaire, discriminatoire et anti-jeunes, mais prendre plutôt des mesures adaptées aux jeunes non qualifiés, toutes les études de l'INSEE montrant que ce sont les personnes sans diplôme qui sont le plus touchées par le chômage. L'emploi précaire des titulaires de contrats dits « atypiques » – CDD, intérim, temps partiels, contrats aidés, stages – a encore progressé en 2005, pour représenter jusqu'à 13,6 % de l'emploi salarié. En 2005, 17,2 % des actifs ayant un emploi travaillent à temps partiel – choisi ou, trop souvent, subi.
Vous parlez beaucoup de la nécessaire flexibilité des emplois, en promettant de l’assortir d’une « sécurisation des parcours professionnels ». Mais, à la vérité, tous vos efforts tendent à instaurer toujours plus de fragilité ; quant à la sécurisation, on l’attend toujours ! Et s’il faut développer toutes les filières d'accès à la formation professionnelle – que ce soit pour les jeunes non qualifiés ou tout au long de la vie–-, la sécurisation des parcours en période de chômage passe par l’instauration de garanties substantielles sur le service de revenus de remplacement décents. Si je maintiens mon opposition totale au CNE, dont je demande, au nom des députés Verts, l'abrogation au même titre que le CPE, je souhaite que les entreprises soient enfin dissuadées de multiplier les emplois précaires, en vue notamment d’équilibrer les comptes des fonds d'indemnisation du chômage.
Nous payons aujourd'hui, sur le front du chômage et de la précarité, les impasses idéologiques auxquelles ont conduit les politiques des gouvernements UMP depuis 2002 : aides sans contrepartie aux entreprises du secteur marchand, sans distinction entre les PME et celles du CAC 40, politique d'augmentation du temps de travail des uns – renforçant le chômage des autres – via la mise à bas des 35 heures… Il y aura fort à faire et il est patent que la période d’essai de cette majorité est arrivée à son terme !
Cette proposition de loi abroge de fait le CPE. Puisse au moins cette mésaventure inciter à négocier avant d’imposer ! La splendide mobilisation qui a permis ce retrait commande que nous ne prenions pas au sérieux l’énième bricolage législatif que vous nous proposez en lieu et place de l’abrogation que le pays attend (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).
M. Jean-Pierre Brard – Permettez-moi, tout d’abord, d’avoir une pensée pour tous ceux grâce auxquels nous sommes réunis ce soir : jeunes, salariés, chômeurs, retraités… Tous pâtissent de votre politique depuis quatre ans. Un mot de compassion, aussi, pour ceux qui sont obligés de siéger ce soir à la droite de cet hémicycle : après avoir défendu avec acharnement le CPE, les voilà contraints de manger leur chapeau à petites bouchées, en feignant d’y prendre le plaisir que l’on met à déguster une délicieuse pâtisserie… Tous ceux qui suivent nos débats – via internet ou la TNT – auront compris, en entendant M. Joyandet ou M. Mariton, que s’ils ont reculé, ils ne renoncent pas à démonter le code du travail, en persistant dans un aveuglement qui laisse songeur.
Au cours des trois derniers mois, notre pays a vécu une période de confrontation et de débat intense qui a mobilisé largement notre peuple. Cet épisode intervient moins d'un an après le référendum sur le traité constitutionnel européen qui a vu une large victoire du non, et un peu plus de dix ans après les grandes grèves de 1995 contre le plan Juppé. Toutes ces périodes fortes ont constitué des moments historiques de la mobilisation populaire anti-libérale, laquelle représente une constante de la vie politique et sociale de notre pays : la mondialisation selon le dogme libéral ne passe pas chez nos compatriotes. Il y a là une ligne de force de notre vie politique, qui s'oppose à la flexibilité et à la précarité qui sont les piliers du libéralisme.
M. Hervé Mariton - Vous oubliez la prospérité !
M. Henri Emmanuelli - Ça dépend pour qui !
M. Jean-Pierre Brard - Avec vous, Monsieur Mariton, la richesse s’accumule dans les coffres-forts des nantis, pas dans les banlieues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)
L'aventure politique du contrat première embauche restera, bien après le terme de la courte existence de ce dernier, comme une illustration poussée jusqu'à la caricature des errements où conduit le dogmatisme ultralibéral, exacerbé par la compétition des appétits politiques. Dévorés par une ambition insatiable, MM. de Villepin et Sarkozy se disputent le poste d'apôtre le plus zélé du libéralisme, mais ce sont les Français qui payent les pots cassés de leur surenchère ! Car, au fond, en dépit d’une posture conciliante, M. Sarkozy était d'accord avec la philosophie du CPE, et le sourire malicieux que je vois se dessiner sur le visage de M. Larcher me prouve qu’il partage mon analyse…
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes - Pour l’instant, je me contente de vous écouter.
M. Jean-Pierre Brard - Lors de la convention sociale de l'UMP, Nicolas Sarkozy ne déclarait-il pas que « La question du droit du travail n'est pas un sujet tabou. Les entreprises veulent pouvoir adapter plus rapidement leurs effectifs aux évolutions de l'économie. Elles hésitent à embaucher pour ne pas être enfermées dans des rigidités et des coûts en cas de baisse d'activité ». Telles étaient les saintes déclarations du président de l’UMP !
Il est, aujourd'hui, indispensable pour notre démocratie de tirer le bilan de trois mois d'un aveuglement dogmatique et d'une tentative de passage en force qui ont conduit notre pays au paroxysme d'une crise sociale, politique et institutionnelle qui restera dans notre histoire.
Avec ce projet de contrat première embauche et la façon dont s'est déroulée la crise qu'il a déclenché, sont apparus au grand jour les vices dont sont affectées à la fois nos institutions et les conceptions politiques périmées de la majorité et de ses chefs qui, bien que condamnés à chaque élection depuis 2002 par le suffrage universel, n'ont rien voulu entendre du verdict exprimé dans les urnes. Le peuple français, ainsi privé de toute reconnaissance de son expression politique, s'est dressé devant une attaque frontale contre sa jeunesse et le modèle social issu de plus d'un siècle d’histoire nationale.
Le pilotage rigide et brouillon de ce projet restera inscrit dans l'histoire constitutionnelle de notre pays, avec, notamment, la confusion des pouvoirs et l'invraisemblable pantalonnade juridique d’une loi promulguée mais inapplicable. Je gage que notre Président n’a pu que frémir devant une telle construction…
M. le Président – Pour l’heure, je vous demande surtout d’aller à votre conclusion !
M. Jean-Pierre Brard - Le divorce entre le Gouvernement, sa majorité et notre peuple est consommé : la confiance a disparu car vous l'avez tuée. Mais votre échec constitue un formidable encouragement au mouvement populaire. Rien n’est inaccessible à notre jeunesse et à notre peuple dès lors qu’ils s’unissent pour combattre une politique foncièrement injuste, insupportable pour les faibles, favorable aux seuls privilégiés et qui met en pièces notre modèle social.
Messieurs, vous êtes battus et ce succès populaire en appelle d’autres. Il fait renaître l’espérance. Faisons en sorte qu’il ouvre un avenir de justice et de fraternité, où se relèvera enfin le pays que vous avez affaibli et abaissé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)
M. Daniel Garrigue - Les dispositions proposées sont à la jonction du traitement social et du traitement économique du chômage.
M. Jean-Pierre Brard - C’est de l’eau tiède !
M. Daniel Garrigue – Nous savons en effet que le traitement social du chômage est nécessaire pour des populations longtemps éloignées, et parfois même écartées, du marché du travail. Mais nous savons aussi que nous ne ferons pas durablement reculer le chômage sans un véritable traitement économique.
M. Henri Emmanuelli - Il faut de la croissance avant tout !
M. Daniel Garrigue - Nous sommes d’accord sur ce point. Ce traitement économique peut prendre deux formes : le libéralisme adopté par les pays anglo-saxons, peu adapté à nos traditions et à notre culture, ou bien la politique développée en Europe du Nord et dans les pays scandinaves : la flexi-sécurité (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste), qui donne aux employeurs une plus grande souplesse, favorable à l’embauche, tout en garantissant aux demandeurs d’emploi un accompagnement suffisamment énergique. Telle est précisément la voie que nous avons choisie avec le CPE.
Plusieurs députés socialistes – C’est raté !
M. Daniel Garrigue - Nous n’avons pas à rougir de ce dispositif de « flexsécurité » (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), bien supérieur à tout ce qui est aujourd’hui proposé aux jeunes : des CDD à très court terme, des stages non rémunérés, des périodes d’intérim et de chômage. En effet, nous voulions conférer aux jeunes des droits essentiels, auxquels ils n’accèdent aujourd’hui qu’après bien des années – droit à la formation, droit à l’indemnisation, accès au crédit bancaire et au logement (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).
J’ajoute que le CPE ne s’appliquait que dans les entreprises de plus de vingt salariés, où les jeunes auraient bénéficié d’une représentation obligatoire du personnel, aspect que vous avez toujours occulté (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP). Et je voudrais rappeler à celles et ceux qui se réclament encore de la social-démocratie, que nous rencontrons régulièrement des membres du SPD allemand, des sociaux-démocrates danois ou bien des socialistes espagnols, qui ont en commun de ne pas être du tout hostiles à des dispositifs semblables au CPE. Que celles et ceux d’entre vous qui n’ont pas encore cédé aux pressions de la gauche radicale me répondent : quelles mesures adopteriez-vous demain si vous disposiez de la majorité ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)
Je sais que vous refuseriez, vous aussi, le libéralisme à l’anglo-saxonne, qui est incompatible avec notre tradition. Mais que proposeriez-vous si vous refusez des dispositifs de « flexsécurité » comme le CPE ? De nouveaux TUC, à la précarité insoutenable ? Des CES, qui ne sont rien d’autre que des CDD de courte durée pour les plus faibles des demandeurs d’emplois ? Ou bien encore des emplois-jeunes, dont de nombreuses municipalités communistes et socialistes de ce pays se débarrassent à l’heure actuelle ? (Mêmes mouvements) Que proposeriez-vous donc ? (Vives protestations bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)
Nous voterons bien sûr le dispositif qui nous est proposé ce soir, mais nous souhaitons une reprise des efforts en faveur d’une véritable flexsécurité et d’un parcours sécurisé pour les salariés ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. Bernard Perrut – C’est avec humilité et confiance que nous devons aborder ce texte (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Avec humilité, tout d’abord : bien que l’emploi constitue une priorité pour le Gouvernement et la majorité, aucun de nous ne peut prétendre décréter l’emploi, ni afficher des certitudes concernant l’avenir. Avec confiance également, car les chiffres de l’emploi sont encourageants et les mesures que nous discutons renforcent celles qui existent.
Refusant tout fatalisme, nous entendons lutter contre la précarité sans renoncer à nos convictions. Avec les partenaires sociaux, nous devrons nous engager sur des voies nouvelles pour faciliter l’emploi et conjuguer souplesse et sécurité grâce à un droit du travail moderne, qui donne sa chance à chacun. Au sein de nos quartiers, de nos villages et des missions locales, nous mesurons en effet la fragilité et les attentes des jeunes qui galèrent entre CDD, intérim et stages, sans aucune stabilité. Nous devons faciliter l’embauche de tous ceux qui, trop nombreux, ne parviennent pas à pousser la porte d’une entreprise.
D’où la nécessité de renforcer les outils existants, comme la loi de cohésion, qui vise à accompagner 800 000 jeunes vers l’emploi durable. Rappelons seulement qu’en 2005, 1 949 conseillers référents ont été embauchés, 51 plateformes des vocations créées par l’ANPE, et 61 532 contrats « jeunes en entreprise » signés, ainsi que 122 600 CIVIS, dont 47 % en faveur de jeunes dépourvus de diplôme et de qualification.
À ce bilan s’ajoute celui de l’apprentissage (Exclamations) : 380 000 apprentis en 2005, une revalorisation du statut, des contrats d’objectifs avec l’ensemble des régions, mais aussi une amélioration des formations et la simplification des formalités administratives. N’oublions pas non plus que l’ANPE a déjà reçu 29 463 jeunes des quartiers sensibles, dont plus de 2 000 ont pu être embauchés .
Avec 155 000 chômeurs en moins depuis mars 2005,…
Une voix socialiste – Et combien de érémistes en plus ?
M. Bernard Perrut - ...et 100 000 emplois supplémentaires créés grâce au CNE, l’emploi est en bonne voie.
Toutefois, le chômage des jeunes reste trop élevé (« Ah ! » sur bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), même s’il décroît légèrement, puisqu’il touche encore 22 % des jeunes, et 40 % de ceux qui sont dépourvus de qualification. C’est pourquoi nous allons renforcer les outils existants, en étendant le dispositif de soutien des jeunes en entreprise à l’ensemble des jeunes titulaires d’un CIVIS, en ouvrant cette aide aux contrats de professionnalisation, et enfin en instaurant un système de formation et de tutorat dans le cadre du CIVIS.
L’accès des jeunes à la vie de l’entreprise, tel est notre objectif ! D’ailleurs, il est désormais question de qualification professionnelle, et non plus seulement d’insertion, comme l’a souligné Laurent Hénart dans son rapport.
J’ajoute que 160 000 jeunes ont déjà bénéficié du CIVIS, et que le référent prévu par ce texte sera la garantie d’un véritable parcours d’accès à la vie active – emploi par alternance, formation professionnalisante, assistance renforcée à la recherche d’emploi et à la création d’entreprise. Nous avons également souhaité que l’accompagnement se poursuive une année après l’entrée dans l’entreprise, ce qui me semble essentiel.
Il reste que nous devrons engager une large concertation sur l’insertion des jeunes diplômés et sur la cohérence entre les formations offertes et l’emploi. Une réflexion sur l’orientation des jeunes au lycée et sur les formations dispensées par nos établissements scolaires sera donc nécessaire.
Je voudrais enfin vous lire un mail que m’a envoyé d’un chef d’entreprise (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) : « Pour réussir l’insertion durable d’un jeune, parlons-lui de travail, de parcours, de rigueur, de plaisir, de métier, d’évolution, de respect, d’équité et de réalité, et surtout pas d’aide, d’assistance et de différence ». Cette proposition de loi a précisément pour but de prendre en compte la dimension humaine dans la situation faite aux jeunes, et les espoirs qui les habitent. Nous devons être à leurs côtés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. le Président – Après avoir donné la parole au ministre, je lèverai la séance, qui sera reprise demain matin, à 9 heures 30. Nous examinerons alors les deux articles de la proposition de loi, qui font l’objet de 31 amendements.
Si le débat se déroule normalement, il n’est donc pas impossible que nous puissions poursuivre l’examen du projet de loi de programme relatif à la gestion des matières et des déchets radioactifs demain après-midi, après les questions d’actualité. Je le précise à l’intention des orateurs devant participer à ce débat.
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement – Je ne surprendrai pas en disant que le Gouvernement accueille avec attention et faveur cette proposition (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Pour avoir, avec Gérard Larcher, participé à cette démarche innovante, intéressante (Mêmes mouvements) d’une proposition de loi portée par les présidents de groupe et les rapporteurs du projet de loi sur l’égalité des chances, pour avoir participé avec eux à ces 19 réunions de travail constructives, je veux dire, au nom du Gouvernement, que ce travail piloté par Bernard Accoyer (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), par Josselin de Rohan et par les rapporteurs, est allé à l’essentiel.
M. Alain Néri - Abrogation !
M. le Ministre – Il a été proposé aux partenaires sociaux, qui l’ont tous accepté, un débat sur l’insertion professionnelle des jeunes, par exemple pour passer de diplômes diplômants à des diplômes qualifiants. Les organisations étudiantes qui ont participé à la concertation ont toutes manifesté leur amour de l’Université, mais aussi leur volonté de s’épanouir dans l’entreprise…
M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ils ont demandé le retrait du CPE !
M. le Ministre - …Mais tous ont bien compris aussi qu’il fallait prendre des mesures immédiates pour les jeunes en grande difficulté.
Cette proposition s’appuie sur des dispositifs existants.
Mme Hélène Mignon - Mais cela ne marche pas !
M. le Ministre – Pour les jeunes en difficulté, mieux vaut améliorer des dispositifs qui existent, les « doper », que d’en inventer qui mettront du temps à se mettre en place ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Vous parlez de mesurettes. Mais il s’agit de contrats de professionnalisation associant formation théorique et formation pratique. L’État apportera une aide à ces contrats mis aux point par les partenaires sociaux il y a un an. 78 000 ont déjà été signés, et on en signe 13 000 par mois actuellement.
M. Jean-Pierre Blazy - Alors pourquoi faire une loi ?
M. le Ministre – En apportant une aide qui permettra de concentrer l’effort sur les jeunes les moins qualifiés, nous devrions passer à 200 000 contrats de professionnalisation à la fin de l’année, ce pour quoi les crédits sont prévus.
M. Pierre Cohen - C’est une honte !
M. le Ministre – Alors ne dites pas qu’il s’agit de mesurettes.
M. Alain Néri - Abrogez le CPE !
M. le Ministre - Ce sont des dispositifs d’insertion dans l’entreprise avec une formation, voulus par les partenaires sociaux et qui fonctionnent partout en Europe.
D’autre part, il est proposé des formations qualifiantes pour les 150 000 jeunes en grande difficulté. Nous souhaitons leur offrir 50 000 contrats de préqualification, qui sont financés, autant de SEJE et des contrats de professionnalisation.
De la concertation à laquelle nous avons participé, je retire un sentiment de confiance en l’avenir. Je tiens à remercier la commission des affaires sociales, qui a étudié ce texte en urgence. Le rapport, établi dans des conditions contraignantes, est remarquable. À l’extérieur, on pense peut-être que la voie parlementaire est lente ; elle peut être rapide. Je remercie les parlementaires, de l’opposition comme de la majorité, de siéger ce soir et de ne pas faire d’obstruction au débat. Ce qui nous réunit, c’est de souhaiter que le dialogue,…
M. Jean-Yves Le Bouillonnec - C’est une honte !
M. le Ministre - …de même que les cours au lycée et à l’université, puisse reprendre au plus vite et dans les meilleures conditions.
La Directrice du service
du compte rendu analytique,
Catherine MANCY
NEUF HEURES TRENTE - 1re SÉANCE PUBLIQUE
Suite de la discussion de la proposition de loi (n° 3013) de MM. Bernard ACCOYER, Jean-Michel DUBERNARD et Laurent HÉNARD sur l’accès des jeunes à la vie active en entreprise.
Rapport (n° 3016) de M. Laurent HÉNARD, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
QUINZE HEURES - 2e SÉANCE PUBLIQUE
1. Questions au Gouvernement.
2. Suite de l’ordre du jour de la première séance.
3. Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de programme relatif à la gestion des matières et des déchets radioactifs (n° 2977).
Rapport (n° 3003) de M. Claude BIRRAUX, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.
VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 3e SÉANCE PUBLIQUE
Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.
1 ()Lettre du ministre délégué aux relations avec le Parlement en date du 11 avril 2006.
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