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L’ordre du jour appelle le vote, selon la procédure d’examen simplifiée, sur sept projets de loi autorisant l’approbation d’accords internationaux.
M. le Président – Conformément à l’article 107 du Règlement, je vais mettre aux voix l’article unique de chacun de ces textes.
L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration.
M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois - Trois mois après l'adoption de ce projet de loi par le Conseil des ministres, nous arrivons au terme d'un processus qui nous aura permis de mettre en place une véritable politique de l'immigration, loin des illusions de la fermeture absolue comme du laisser-aller généralisé.
Le débat a été riche et intense : deux semaines dans chaque assemblée, plus de 54 heures de discussion à l'Assemblée nationale et de 50 heures au Sénat, 189 amendements adoptés par l’Assemblée et 117 par le Sénat. Mais c'est surtout la qualité des échanges et les améliorations apportées au texte par les parlementaires qu'il faut saluer.
La commission mixte paritaire, qui s'est réunie la semaine dernière, est facilement parvenue à un texte commun sur les dispositions restant en discussion. A l’issue de la première lecture, 66 articles avaient en effet été adoptés dans les mêmes termes par les deux Assemblées, 62 articles – dont 12 articles additionnels introduits par le Sénat - restant en discussion. Surtout, la philosophie des deux assemblées sur la mise en place d'une véritable politique d'immigration est très proche. De même que le Sénat avait repris la majorité des modifications apportées par l'Assemblée nationale, la CMP a donc pu reprendre la plupart des dispositions adoptées par le Sénat.
Le projet tendait à refonder notre politique d'immigration autour de cinq axes, dont le premier est la promotion d'une immigration « choisie ». Il favorise ainsi l'accueil des meilleurs étudiants étrangers. Sur ce point, le Sénat avait assoupli encore davantage que nous ne l’avions fait les règles concernant le travail des étudiants étrangers, en supprimant la limite d'un mi-temps annualisé. La CMP a réintroduit un plafond, fixé à 60 % de la durée annuelle de travail, afin de s'assurer que les étudiants consacrent une part déterminante de leur temps à leurs études, conformément au souhait de Claude Goasguen, qui était l’auteur de cet amendement à l’Assemblée.
Concernant l'immigration de travail, la concordance de vues a été presque totale. Les sénateurs ont cependant utilement précisé que la liste des métiers « en tension », pour lesquels la situation de l'emploi ne sera plus opposable, sera fixée au niveau national, ce qui n'empêchera pas de prévoir une application différenciée selon les régions. Sur les autres dispositions, concernant par exemple le régime de saisonniers ou encore la lutte contre le travail illégal, le Sénat a exprimé son accord avec les modifications apportées par l'Assemblée nationale, qu'il a parfois complétées. Ainsi, la CMP a accepté la proposition sénatoriale d'étendre le bénéfice de la nouvelle carte « salarié en mission » aux travailleurs ayant un contrat de travail avec une entreprise basée en France – et donc de ne pas la réserver aux seuls détachés.
La CMP a également pleinement validé les apports du Sénat concernant la promotion du co-développement, notamment par la création d'un « compte épargne co-développement » et à travers la carte « compétences et talents ». Le Sénat a souhaité préciser que cette carte, n'étant pas destinée à une immigration définitive, ne pourrait pas être renouvelée plus d'une fois et ne pourrait être attribuée au ressortissant d'un pays en développement que dans le cadre d'un accord bilatéral. A ma demande, la CMP a cependant précisé qu'elle pourrait néanmoins être accordée à tout étranger qui s'engage à retourner dans son pays au bout de six ans.
Le deuxième objectif de ce projet était de redonner à la France les moyens de définir sa politique migratoire.
Ainsi, le Sénat n'est pas revenu sur la suppression du caractère automatique de la régularisation au bout de dix années de présence illégale sur le territoire. Il a également accepté la mise en place d'une procédure d'admission exceptionnelle au séjour, créée par amendement à l'Assemblée nationale, afin de permettre des régularisations pour motif humanitaire, au cas par cas.
A ce propos, permettez-moi d’évoquer l’examen des dossiers des parents sans papiers d’enfants scolarisés. Sur ce sujet comme sur d’autres, nous avons hérité des errements socialistes : la gauche a régularisé 80 000 sans-papiers en 1997, ce qui était le meilleur moyen de créer un appel d’air ; elle a fait quadrupler les demandes d’asile en cinq ans, les faisant passer de 20 000 en 1997 à 82 000 en 2002 ; quant aux reconduites à la frontière, elle les a fait tomber à 7000 par an à peine, soit trois fois moins qu’aujourd’hui. Nicolas Sarkozy a demandé au préfet d’étudier la situation de chacune de ces familles, en veillant au respect des lois de la République tout en faisant preuve d’humanité ; il n’y aura donc ni régularisations massives, ni expulsions massives. Par ailleurs, le ministre de l’intérieur vient de confier une mission de médiation à Arnaud Klarsfeld car dans certains départements, des situations très délicates méritent de faire appel à une personnalité extérieure à l’administration.
Toujours dans le domaine de l'immigration clandestine, le projet modifie sensiblement les règles relatives aux procédures juridictionnelles en matière d'éloignement, afin de les simplifier. Le Sénat souhaitait aller plus loin en autorisant la tenue d'audiences par visioconférence sans le consentement de l'étranger, mais la CMP n'a pas retenu cette proposition.
Le volet consacré à l'asile permettra de mieux accueillir les demandeurs tout en dissuadant les demandes purement dilatoires. Ainsi, le Sénat a accepté la mise en place par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations d'un traitement automatisé des places disponibles en CADA, en précisant simplement que ce fichier devrait être soumis à la CNIL. Par ailleurs, il a souhaité renforcer les garanties apportées aux demandeurs d'asile : le délai de recours contre les décisions de l'OFPRA sera porté de quinze jours à un mois et, à partir du 1er janvier 2008, tous les étrangers résidant habituellement en France bénéficieront de l'aide juridictionnelle devant la Commission de recours des réfugiés.
Enfin, ce texte transpose deux directives européennes relatives à la libre circulation dans l'Union européenne – celle du 29 avril 2004, consacrée aux ressortissants européens et à leurs familles, mais aussi celle du 25 novembre 2003 concernant les ressortissants de pays tiers.
Troisième axe du projet : l'encadrement de l'immigration familiale. Sur ce sujet, les deux assemblées ont adopté de nombreux amendements.
S'agissant du regroupement familial, le Sénat a accepté la prise en compte de la condition de logement dans un cadre régional, ainsi que la nécessité de se conformer aux principes de la République, même s'il a préféré que la loi fasse référence aux « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ». En revanche, comme en 2003, les deux assemblées ont eu une appréciation différente sur la question des ressources : le Sénat a refusé une modulation en fonction de la taille de la famille ; compte tenu des risques constitutionnels encourus, la CMP a finalement préféré ne pas retenir cette disposition.
Quatrième axe : l'amélioration des dispositifs d'intégration, avec la généralisation du contrat d'accueil et d'intégration – qui devient obligatoire – et le renforcement de la condition d'intégration.
Les débats sur ce thème ont été très riches. Le Sénat a partagé la volonté exprimée à l'Assemblée nationale d'un véritable suivi. Par ailleurs, les sénateurs ont préféré revenir à l'expression d' « intégration républicaine dans la société française ».
Le projet vise aussi à mieux contrôler l'accès à la nationalité française, que ce soit par naturalisation ou par mariage, en exigeant non seulement une maîtrise minimale de la langue française, mais aussi une résidence en France suffisamment longue. Il ne s'agit évidemment pas de dissuader les mariages mixtes – qui ont tout de même plus que triplé entre 1997 et 2004 – mais de limiter le nombre d'unions de circonstance dont le seul but est l'acquisition de la nationalité française.
Soucieux de marquer par un acte solennel l'appartenance des nouveaux Français à la nation, nous avons adopté en première lecture une série d'amendements visant à étendre les cérémonies d'accueil dans la citoyenneté française. Nous avons souhaité que les parlementaires nationaux soient informés et que l'organisation puisse être déléguée par le préfet au maire ; le Sénat a conforté notre démarche en généralisant ces cérémonies et en faisant obligation au préfet d'y inviter les députés et sénateurs du département.
Enfin, le volet ultramarin de ce texte permettra de répondre à la situation particulière en matière d’immigration de la Guyane, de la Guadeloupe et surtout de Mayotte - qui compte près d'un tiers d'immigrés clandestins. Tirant les conséquences des travaux de la mission d'information sur la situation de l'immigration à Mayotte, l'Assemblée nationale a apporté plusieurs compléments concernant la prise des données biométriques des personnes franchissant la frontière sans titre de séjour, l'alourdissement des amendes administratives applicables aux employeurs de travailleurs clandestins, l'assouplissement de l'application du principe de la possession d'état de Français ou la généralisation de la compétence de l'officier d'état civil pour la célébration des mariages sur l'île. Le Sénat n'a procédé qu'à des aménagements ponctuels : il a légèrement étendu les zones dans lesquelles les visites sommaires de véhicules pourront être effectuées en Guyane, autorisé l'immobilisation définitive des aéronefs au même titre que les véhicules en Guyane et à Mayotte, et prévu un contrôle renforcé des titres d'identité et de séjour lors de l'embarquement des voyageurs dans les transports non urbains, Ces adaptations sont conformes à la logique pragmatique qui nous a guidés.
Mes chers collègues, en adoptant, après une commission mixte paritaire constructive, un projet de loi considérablement enrichi par les deux assemblées, je suis convaincu que nous aurons apporté une contribution durable à la définition d'une véritable politique de l'immigration dans notre pays. Je m'en réjouis car je suis convaincu que cette régulation, assortie d'un effort d'intégration constant, est l'un des défis majeurs de notre société pour les prochaines décennies. Je tiens à remercier vivement le ministre d'Etat et ses ministres délégués, qui ont su donner le temps nécessaire à un débat parlementaire de qualité, permettant que le texte soit amélioré bien plus qu'à la marge. Ces modifications sont souvent venues de la commission ou de nos collègues de l'UMP, mais aussi parfois des bancs de la gauche, dont l'opposition sur ce texte a certes été sans concession, mais s'est manifestée dans un climat de dialogue.
Au nom de la commission mixte paritaire, je demande donc à l'Assemblée nationale d'adopter ce texte fondateur pour la mise en uvre d'une véritable politique d'immigration. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire – La gauche a défendu ce matin deux motions de procédure sur le projet relatif au droit d’auteur, afin de marquer son opposition à ce texte. Cet après-midi, elle est quasiment absente. Est-ce à dire qu’elle ne juge pas utile de s’opposer à la loi sur l’immigration, ou même qu’elle s’y rallierait ?
MM. Serge Blisko Patrick Braouezec – Merci pour les présents!
M. le Ministre délégué - Le ministre d'État achève en ce moment même un déplacement en Guyane consacré à la lutte contre l'immigration irrégulière, avant de rencontrer à Madrid le chef du gouvernement espagnol. II m'a donc demandé de le représenter devant vous, au moment où vous vous apprêtez à adopter le projet de loi relatif à l'immigration et l'intégration, au terme de cent heures de débat démocratique exemplaire.
C'est une belle réponse aux sceptiques qui recommandaient au Gouvernement de ne pas prendre de risque – alors que le plus grand risque serait de chercher à ne pas en prendre, en fuyant les responsabilités qui sont celles de l'action gouvernementale.
Après trente années de renoncement et d'aveuglement devant l'enjeu crucial de l'immigration, trente années d'incertitudes et de non-choix, le moment était venu d'agir ! Au nom du ministre d'Etat, je me réjouis que la représentation nationale ait démontré qu'il était tout à fait possible de réformer profondément une politique publique essentielle pour l'avenir de notre pays.
Le Parlement a su choisir la voie du changement profond, de la rupture, parce qu'il n'y a pas d'autre solution au regard de l'intérêt national. Non, il n'y a pas d'autre solution que de reconnaître que l'immigration est une chance pour la France à la condition d'être régulée, de correspondre aux capacités d'accueil de notre pays, de s'inscrire dans un véritable projet d'intégration et dans un dialogue constructif avec les pays d'origine. II n'y a pas d'autre solution que de refuser avec la même force l'immigration zéro, mythe dangereux qui attise la xénophobie et les peurs, et l'immigration sans limite et sans condition.
Nous rejetons l'idée absurde que les immigrés n'auraient que des droits, jamais de devoirs. Ce n'est pas méconnaître les droits de l'homme que de demander aux migrants d'apprendre la langue française et de respecter nos lois ; ce n'est pas méconnaître les droits de l'homme que de réformer la procédure de regroupement familial afin de s'assurer que le migrant pourra faire vivre dignement sa famille. Nous n'avons pas à nous excuser de répondre aux attentes des Français, de métropole et d'outre-mer ; en définissant une vraie politique d'immigration et d'intégration, nous renforçons le pacte républicain.
Les travaux parlementaires ont permis, article après article, de donner au Gouvernement des outils juridiques novateurs pour promouvoir une immigration choisie, c'est-à-dire régulée, d'autant mieux acceptée par nos compatriotes qu'ils auront pleinement conscience de sa contribution positive à la vie de notre nation. Le Gouvernement, et je remercie Thierry Mariani de l’avoir souligné, s'est montré très ouvert aux améliorations proposées par les parlementaires.
Ainsi, à l'Assemblée nationale, sur les 577 amendements examinés, 189 ont été votés. 124 venaient du rapporteur, que je salue pour son travail exceptionnel, 47 du groupe UMP et 3 du groupe UDF ; mais 5 amendements du groupe communiste, 5 du groupe socialiste et 2 présentés par les Verts ont également été adoptés, avec l'avis favorable du Gouvernement.
Le Sénat a, à son tour, remarquablement amélioré le texte, en adoptant 117 amendements sur 485 déposés – dont 73 de la commission des lois et 30 du groupe UMP, mais aussi 6 du groupe socialiste et 5 du groupe communiste. Certains étaient même cosignés par des membres de groupes différents.
À défaut d’avoir atteint le consensus sur tous les bancs, le nombre et la variété des amendements témoignent de la franchise d’un débat…
M. Serge Blisko - C’est vrai !
M. le Ministre délégué - …que l’excellent travail des deux rapporteurs a beaucoup facilité.
La loi que le Parlement s’apprête à voter est conforme aux objectifs du Gouvernement. Le débat parlementaire lui a apporté trois améliorations notables. Tout d’abord, il a levé les malentendus qui persistaient sur le respect des droits des étrangers en protégeant ceux qui souffrent d’une situation de faiblesse – femmes victimes de violences conjugales ou ayant un enfant à charge et travailleurs licenciés, notamment – contre les retraits de titres de séjour. Il a renforcé les garanties offertes aux étrangers face aux juridictions. M. Pinte à l’Assemblée et M. Portelli au Sénat ont permis le règlement de situations délicates que la suppression de la double peine en 2003 n’avait pas permis de régler. De même, le Parlement a adopté dans le consensus plusieurs amendements relatifs aux visas de long séjour pour les conjoints de Français.
Ensuite, le débat a permis le renforcement des mesures d’intégration. Le parcours d’intégration, dont la signature du contrat d’accueil et d’intégration est la première étape, est une mesure novatrice. Toute demande de carte de résident de dix ans devra être assortie de preuves d’une bonne intégration. Les cérémonies d’accueil dans la citoyenneté sont un symbole important, auquel le Président de la République a marqué son attachement en assistant hier, à Tours à la remise de décrets de naturalisation.
Enfin, le débat a permis d’inscrire notre politique d’intégration dans le cadre d’une véritable stratégie de co-développement, sur laquelle nous poursuivons notre réflexion. Cette réforme passe en effet par le renouveau de nos liens avec les pays en voie de développement, notamment en Afrique. M. Sarkozy n’a eu de cesse, ces dernières semaines, de s’adresser à nos partenaires africains. Il a rencontré MM. Diouf et Wade et reçu place Beauvau les ambassadeurs de quinze pays francophones. Il s’est rendu au Bénin et au Mali où il a, en ami de l’Afrique, tenu un discours franc et responsable sur l’immigration, rappelant que les destins de la France et de l’Afrique sont indissociables, et que si notre politique d’immigration n’est décidée que par le Parlement français, elle doit néanmoins donner lieu à une étroite concertation avec les pays d’origine.
La loi concrétise cet engagement. Le Parlement a distingué entre pillage des cerveaux et circulation des compétences au cours du passionnant débat sur la carte « compétences et talents ». L’équilibre auquel est parvenu la commission mixte paritaire est excellent : un étranger ayant la nationalité d’un pays de la zone de solidarité prioritaire ne pourra obtenir cette carte qu’aux conditions prévues par un accord bilatéral entre la France et son pays ou, à défaut d’accord, s’il s’engage formellement à retourner dans son pays au terme de six ans de présence en France. D’autre part, je me réjouis que le Sénat ait proposé la création du compte épargne co-développement, qui aidera les étrangers travaillant en France à orienter leur épargne vers des projets utiles au développement de leur pays d’origine.
M. Patrick Braouezec - Ils ne vous ont pas attendu pour cela !
M. le Ministre délégué – Ce mécanisme d’incitation fiscale, qui coûtera chaque année 125 millions à l’État, est une vraie révolution !
J’en viens enfin à la question d’actualité de la présence en France d’étrangers sans papiers dont les enfants sont scolarisés. La gauche, pétitionnaire depuis quelques jours, feint de découvrir cette question pourtant ancienne, qui est le résultat direct du laxisme des années 1997 à 2002 ! En effet, en régularisant 80 000 sans papiers, la gauche a créé un appel d’air et fait quadrupler les demandes d’asile en cinq ans.
Les preneurs de pose et autres donneurs de leçons s’agitent çà et là dans les médias. Les dirigeants des partis de gauche ont apposé leur signature à une pétition qui ose affirmer que les vacances scolaires marquent l’ouverture de la « chasse à l’enfant », et d’anciens ministres appellent même à « violer la loi » ! Quelle extravagance ! En premier lieu, ces pétitionnaires ne visent pas la loi que vous allez voter aujourd’hui puisqu’elle ne comporte aucun article relatif aux enfants scolarisés, mais bien la loi actuellement applicable, à laquelle ils reprochent de ne pas ouvrir le droit à la régularisation automatique pour les parents d’enfants scolarisés. Pourtant, la gauche n’a pas non plus voté cette mesure dans la loi Chevènement de 1998 ! Mme Aubry, MM. Lang et Hollande auraient-ils donc la mémoire si courte ? Les Français doivent le savoir : la gauche au pouvoir n’a jamais mis en uvre une mesure qu’elle défend aujourd’hui.
Loin des postures et des impostures, le Gouvernement poursuit son action humaniste. La France, qui s’honore de scolariser tous les enfants, quel que soit le statut de leurs parents, serait bien irresponsable d’être le seul pays au monde à admettre la régularisation de parents au seul motif qu’ils ont un enfant scolarisé, et le seul pays européen à ne pas appliquer la convention de Dublin en vigueur depuis 1992 – et appliquée par tous les gouvernements, y compris entre 1997 et 2002 ! Ainsi, lorsqu’un étranger a déposé une demande d’asile dans un autre État européen avant de venir en France, il est normal de l’y reconduire.
Nous respectons nos engagements, sans pour autant oublier le devoir d’humanité qui est celui de tout républicain. Il serait cruel de reconduire un enfant né scolarisé depuis le très bas âge en France vers un pays d’origine qu’il ne connaît pas : son départ serait un véritable déracinement. C’est pour cela que le ministre d’État a adressé, dès le 13 juin, des instructions précises aux préfets. Cessez de parler de « chasse aux enfants » et d’expulsions massives : c’est un mensonge, un manipulation indigne qui vise à effrayer les étrangers et à créer le désordre ! Ces instructions sont claires : sauf pour les personnes concernées par la convention de Dublin, les étrangers ayant un enfant scolarisé pourront bénéficier d’une aide au retour volontaire dans leur pays d’origine et présenter une demande d’admission exceptionnelle au séjour. Toute demande de régularisation devra être présentée dans les deux mois qui viennent, et sera examinée par le préfet avant la rentrée. Un titre de séjour sera attribué aux parents d’enfants scolarisés si la famille est en France depuis deux ans, si l’enfant est scolarisé depuis septembre 2005, s’il est né en France ou arrivé en France avant l’âge de treize ans et qu’il n’a plus de lien avec son pays d’origine – de manière à s’assurer que la vie familiale se déroule principalement en France –, si les parents contribuent à l’éducation de l’enfant et si la famille manifeste une réelle volonté d’intégration. Le Gouvernement fait pleinement confiance aux préfets pour appliquer ces critères de bon sens avec discernement. Néanmoins, certaines situations délicates nécessitent la médiation d’une personnalité extérieure à l’administration : c’est l’objet de la mission confiée à Maître Arno Klarsfeld.
La nouvelle loi s’appliquera dès la rentrée prochaine. Elle ne supprime pas toute possibilité de régularisation, puisque l’article 24 bis dispose que des titres de séjour peuvent être délivrés par les préfets pour des motifs humanitaires. La Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour, qui associera des représentants de l'administration et des associations, jouera, à cet égard, un rôle essentiel. Je rappelle cependant que la régularisation doit rester l'exception. La règle, pour un candidat à l’émigration, c'est de demander un visa dans son pays d'origine pour obtenir le droit de venir s'installer en France.
Fort du soutien de sa majorité et de celui des Français, le Gouvernement agit de manière responsable et mesurée. La gauche pétitionnaire et donneuse de leçons, elle, préfère s'agiter et renouer avec ses vieux démons pour prôner l'immigration sans limite. Tel est son choix. Ce n'est pas le nôtre. Le moment venu, en 2007, les Français jugeront (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
M. Claude Goasguen - Les dispositions du texte ayant été excellemment décrites par le ministre et par notre rapporteur, je serai bref. Pour avoir participé à la CMP, je puis témoigner que nous avons travaillé en bonne intelligence avec la majorité sénatoriale et que nous sommes rapidement parvenus à une convergence de vues sur la manière de traiter les principaux problèmes en suspens. Il en ressort un texte équilibré, qui nous permettra de conduire une nouvelle politique de l’immigration. Sans doute faudra-t-il le compléter ultérieurement, mais il ne faut pas, en cette matière, s’effaroucher de voir les textes changer souvent puisque c’est la réalité de l’immigration qui évolue en permanence.
L’écueil principal que nous devons éviter, c’est de céder aux instances des pétitionnaires hystériques ou à celles des xénophobes forcenés…
M. Patrick Braouezec - Allons ! Nous ne sommes pas tous hystériques ! Regardez-nous !
M. Serge Blisko - Il ne peut pas s’empêcher d’être désagréable.
M. Claude Goasguen - … tant la passion domine ces sujets. A la différence de nos amis allemands ou britanniques, nous sommes incapables d’arriver à un consensus ou, au moins, à des positions apaisées. Il y a les partisans de la philosophie absurde de l’immigration zéro et ceux, plus démagogiques encore peut-être, du tout accueil : donnons-nous le beau rôle en accueillant tout le monde, laissons filer les choses et tant pis si, au final, les gens meurent brûlés vifs dans des immeubles insalubres, à Paris, comme cet été, ou ailleurs ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)
Le groupe UMP remercie le ministre d’État d’avoir eu le courage de poser les problèmes dans toute leur difficulté. Il n’était que temps de réagir au dévoiement de nos textes et au détournement des procédures en vigueur. Pour contourner les obstacles liés à l’immigration de travail, des filières illicites s’étaient organisées ; le mauvais usage du regroupement familial condamnait des familles entières à la précarité ; hypertrophié, le droit d’asile « à la Chevènement » plaçait les gens dans des situations impossibles… Merci à ce Gouvernement d’avoir eu le courage de dire stop. Par ce texte, nous redonnons leur véritable sens au droit d’asile, au regroupement familial et à l’accès à une situation stable par le mariage, tout en respectant nos engagements internationaux et l’esprit de notre droit.
Au reste, cette nouvelle politique d’immigration choisie est celle qu’appliquent toutes les démocraties modernes. Elle commande – et l’apport de nos collègues sénateurs est à cet égard remarquable – de mener en parallèle une action plus efficace en matière de co-développement, en rompant avec les errements du passé qui conduisaient à enrichir les élites sans aider les populations.
L’une des caractéristiques de la présente réforme qui poussent le plus à l’optimisme, c’est que nous libérons la politique d’immigration de son carcan administratif en la faisant sortir de la sphère d’influence exclusive des préfectures. Les autorités politiques reprennent toutes leurs responsabilités. Il y aura désormais une véritable politique de l’immigration et j’appelle de mes vux une loi d’orientation, prévoyant que le Parlement se saisisse chaque année de ce sujet pour fixer des objectifs quantitatifs et qualitatifs en matière de flux migratoires. Nous gagnerions beaucoup, à ce sujet, en nous inspirant de l’expérience canadienne, exemplaire à bien des égards.
Au terme de trente ans de crises et de passions, la représentation nationale se doit de se saisir régulièrement de la politique d’immigration choisie qu’elle a décidé de donner à la France et que nous soutenons sans réserve. Ce texte d’avenir met fin aux principaux dysfonctionnements. Ses dispositions sont mesurées, et son esprit conforme à l’idéal des droits de l’homme. En l’adoptant, nous nous plaçons résolument au centre de l’échiquier, à bonne distance des positions outrancières. Nous voterons ce bon texte, en tout point conforme aux valeurs de notre famille politique. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. Serge Blisko - Si la CMP a été conclusive, je rappelle que l’opposition n’a pas apporté son concours à une réforme du droit de l’immigration qui ne correspond en rien à ses vues. Au reste, notre groupe est plus hostile encore à la philosophie du texte qu’à ses principales dispositions.
En dépit de quelques améliorations apportées par les sénateurs – je pense en particulier à la dispense du fiancé étranger de retourner dans son pays d’origine pour obtenir un visa de long séjour en vue de se marier avec un ressortissant français -, nous restons sur notre faiM. Le Gouvernement et la majorité sont gagnés par l’obsession du chiffre qui conduit à un recherche de rentabilité déplacée : on se réjouit – le rapporteur l’a dit – de faire plus de reconduites, moins de droit d’asile et plus du tout d’immigration familiale ! Nous sommes loin des idéaux humanistes, ou même simplement humanitaires. Cette logique comptable, s’agissant de situations humaines, est effrayante. Ce qu’elle traduit, c’est que vous êtes en permanence dans l’hésitation. Incapables de traiter les enjeux de fond, vous vous accrochez aux chiffres parce que cela « fait sérieux »…
Avec l’absence de nuances qui le caractérise, M. Goasguen… (Exclamations)
M. Claude Goasguen - Je refuse que le maire de l’arrondissement où a eu lieu l’incendie le plus criminel vienne me donner des leçons !
M. Serge Blisko - Avec l’ignorance et le sens de l’outrance qui sont sa marque, M. Goasguen a pris soin de prendre ses distances avec les tenants de l’immigration zéro, comme pour se convaincre qu’il ne soutenait pas l’extrême droite, tout en laissant entendre qu’il s’en sentait tout de même plus proche que de la gauche – prétendument - laxiste…
M. Claude Goasguen - C’est une plaisanterie. Vous êtes d’une ignorance crasse ! Vous préférez que les étrangers brûlent dans les immeubles vétustes du 13ème arrondissement ?
M. Serge Blisko – Monsieur Goasguen, vous ne tiendrez pas de tels discours si vous aviez été, avec le ministre d’État et moi-même, sur le trottoir du boulevard Vincent-Auriol à deux heures du matin, à compter les cadavres d’enfants…
M. Claude Goasguen - Eh oui, c’était chez-vous !
M. le Président – Chers collègues, n’achevons pas cette session sur des faits personnels.
M. Serge Blisko - Vous avez raison, Monsieur le Président. Ce qu’il faut que M. Goasguen sache, car ce sont des faits incontestables, c’est que parmi les morts des incendies, qu’il décrit sans distinction comme des victimes des marchands de sommeil, il n’y avait pratiquement que des personnes en situation régulière, et même un vacataire de la Préfecture de Police. Quant à l’immeuble, il appartenait à la préfecture et sa gestion était suivie par Emmaüs.
M. Claude Goasguen - Alors tout va bien ! Vous êtes content, et, bientôt, vous allez nous expliquer que ce ne sont pas des immigrés qui ont péri !
M. Serge Blisko - Je vous explique calmement que, contrairement à vos sous-entendus, les incendies de l’été dernier n’ont pas un rapport direct avec l’immigration clandestine puisque les victimes n’étaient pas des sans-papiers…
M. Claude Goasguen - Ce n’est pas sérieux !
M. Serge Blisko - L’immigration choisie correspond à une idéologie dangereuse qui n’est en rien conforme à nos traditions, puisqu’elle est majoritairement pratiquée par les anglo-saxons – notamment les Australiens. Pour notre part, nous avons toujours eu une autre vision, moins utilitariste. Vous avez d’ailleurs hésité jusqu’au dernier moment : vous vouliez faire venir ces talents dont nous avons besoin, mais en même temps, vous vous êtes rendu compte que vous les preniez à des pays francophones en voie de développement, des pays amis qui ont besoin d’être confortés. C’est d’ailleurs pourquoi le ministre d’Etat a été reçu fraîchement au Mali, pays le plus concerné, et au Bénin. M. Wade et M. Diouf ont d’ailleurs souligné combien il était peu logique de vouloir un co-développement – et de ce point de vue nous apprécions le compte épargne co-développement – et en même temps, après avoir pillé les matières premières à l’époque de la colonisation – et la main-d’uvre pendant les Trente glorieuses, de faire venir les rares jeunes formés. Certes, il y aura des accords de co-développement, qu’il faudra que ces pays acceptent compte tenu du rapport de forces, mais qui vont contribuer à leur stagnation bien plutôt qu’à leur développement…
Enfin, ce projet traduit votre méconnaissance des phénomènes mondiaux de migration, qui dépassent de loin la France. Certes, vous appelez de vos vux une politique coordonnée de l’Europe ; et nous la souhaitons nous aussi, mais il ne faudrait pas qu’elle soit restrictive. Depuis le sommet de Tampere il y a dix ans, l’évolution a été forte : des pays d’émigration comme l’Italie et l’Espagne sont devenus des pays d’accueil, qui ont d’ailleurs procédé à des régularisations massives. En tout cas, ces phénomènes sont liés aux fractures du monde. Les milliers d’Africains qui arrivent exténués, après un périple effrayant où beaucoup d’autres ont trouvé la mort, sur les plages des Canaries, à Ceuta, à Melilla, ne veulent pas devenir espagnols. Ils viennent simplement vers l’Europe par une frontière plus accessible, moins bien gardée. L’écart entre le Sud et le Nord ne fait que s’accroître et, quelles que soient les barrières, les grillages que nous mettons en place, sans une coopération renforcée, sans une lutte contre l’insécurité qui règne dans ces pays dans tous les domaines, sans une ingérence déterminée parfois, et sans des accords commerciaux moins défavorables, les arrivées massives se poursuivront, avec des conséquences comme celles que nous constatons en ce moment pour les enfants.
A ce propos, malgré la nomination d’un médiateur national, les problèmes que soulève la circulaire du 13 juin ne seront pas aisément résolus. Je salue au passage les fonctionnaires de préfecture, surtout lorsqu’ils sont venus d’autres services renforcer celui des étrangers, qui ont à comprendre les énièmes modification de la législation sur les étrangers – toujours effectuées dans un sens répressif bien sûr. L’image qui restera de ce mois de juin, c’est celle de policiers pénétrant dans une école maternelle sans avoir averti le directeur, pour emmener on ne sait où des enfants de trois et cinq ans…
M. le Rapporteur – En Norvège !
M. Serge Blisko – Elle symbolise l’impasse dans laquelle se sont mis ceux qui croient que tout est simple et qu’une loi règle tout. Les organisations humanitaires comme la Cimade avaient bien prévenu ces personnes en situation irrégulière de ne pas aller dans les préfectures si elles ne remplissaient pas les conditions extrêmement restrictives de la circulaire du 13 juin. Elles s’y pressent quand même, car elles ont le fol espoir qu’on examinera leur cas avec intelligence et humanité. Bien sûr, vous êtes débordés, vous réalisez qu’il existe dans ce pays un autre monde, souterrain, exploité. Ce texte passe à côté de ses problèmes. C’est pourquoi nous voterons contre.
M. Patrick Braouezec - Avec ce texte, vous avez au moins réussi à faire l’union de dizaines d’organisations, à susciter la protestation de milliers de personnes contre des dispositions liberticides peu valorisantes pour l’image de la France, à déterminer des centaines de personnes de tous horizons à prendre sous leur protection les enfants menacés d’expulsion, enfants que le ministère de l’lntérieur utilise pour engager les parents à aller se déclarer spontanément aux services de l’immigration.
Pensez-vous que vous allez apaiser le climat social par vos mesures, de plus en plus coercitives, pour les populations les plus précaires ? Les citoyens, plus raisonnables que le Gouvernement, s’élèvent contre cette série de lois qui mettent en danger la cohésion sociale.
Ce texte, durci par le Sénat, rend encore plus difficiles toute entrée, tout séjour, toute demande de régularisation ou de naturalisation. Ainsi, un salarié muni d’une carte de séjour temporaire – avec mention « salarié » ou « travailleur temporaire » – perdra son titre de séjour quand il sera privé de son emploi. Dès lors, il ne pourra plus quitter une entreprise imposant des conditions insupportables. Il aurait au moins fallu prendre le point de vue de l’employé comme de l’employeur. Mais, dans ce projet comme dans tous les autres, le seul intérêt que vous preniez en compte, c’est celui du libéralisme et du profit, quitte à fouler aux pieds les garanties sociales et à remettre en cause notre image de pays d’accueil.
Pour aller vite, s’il le faut, vous utilisez le 49-3 ou, dans ce cas, la procédure d’urgence. Et pour justifier ces méthodes non démocratiques, vous fustigez les choix des précédents gouvernements. Certes, à d’autres moments, certains autres choix auraient dû être faits. Reste que l’ensemble des citoyens ne peut admettre que vous remettiez ainsi en cause le pacte social et la démocratie. Pensez-vous que votre stratégie pour « réguler l’immigration » sera suffisante face à ces dizaines de millions de personnes qui ne cherchent que leur survie ? Le parcours du combattant que vous leur imposez ne fera que favoriser les filières clandestines. Or la migration est un droit consacré par plusieurs instruments internationaux et toute législation nationale doit se conformer à ces normes universelles. Devrons-nous attendre encore d’être condamnés par la Cour européenne des droits de l’homme ou d’être pointés du doigt par la rapporteure spéciale sur les travailleurs migrants du Haut commissariat aux droits de l’homme, comme en 2004, pour revoir cette loi inique ?
Cette loi n’est pas seulement inacceptable, elle est inefficace. Elle va au-delà des recommandations européennes, elle durcit les mesures prises en 2003, crée de nouvelles embûches administratives et renforce les pouvoirs des maires et des préfets au risque d’accroître l’arbitraire. Elle va entraîner une nouvelle régression des droits et alimenter la xénophobie – n’oublions pas que nous sommes à moins d’un an des élections.
Je remarque que vient d’être introduit un article premier A intitulé « compte épargne co-développement ». Est-ce la réponse que vous apportez aux questions structurelles liées à l’immigration ? Là encore, vous prônez le choix individualiste plutôt que de verser 0,7 % du PIB pour participer au co-développement pensé par l’ONU. Tant que nous demeurerons guidés par l’idéologie du profit, les pays du sud continueront de subir le pillage de leurs ressources naturelles, la fuite de leurs capitaux et celle de leurs cerveaux – que vous allez organiser. Le droit de chaque peuple à choisir son destin demeurera une déclaration d'intention. Le co-développement doit se penser en termes de partage de projets économiques et sociaux, de solidarité, de mise en réseau d'actions et ne peut se réduire à un compte épargne, mais vous préférez enfermer la politique extérieure de la France dans un cadre réducteur, la privant de toute chance de relever les défis du monde contemporain.
A défaut d’une politique de co-développement ambitieuse, le Gouvernement aurait pu faire le choix d'une loi généreuse, fondée sur le respect de la Constitution, du code civil, de la déclaration universelle des droits de l'homme, de la convention européenne des droits humains et du pacte relatif aux droits économiques et sociaux et culturels. Cette loi aurait garanti aux migrants la liberté d'aller et de venir, de se marier, de mener une vie familiale normale, de bénéficier de la protection sociale et des recours permettant d’assurer la garantie de ces droits et libertés. Elle aurait privilégié le traitement équitable des migrants, favorisé une politique d'intégration et de lutte contre la discrimination, et permis l'amélioration de la coopération.
Mais votre projet de loi est injuste et – au grand dam de nombreux citoyens – dénie des droits en allant contre les normes européennes. Faudra-t-il attendre que la France signe enfin la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants pour que l'État respecte ces droits ?
Aujourd'hui, le Gouvernement prend le risque d’une politique plus discriminatoire, qui ne pourra que renforcer les dérives xénophobes. Pour toutes ces raisons, le groupe communiste et républicain votera, bien évidemment, contre ce texte.
M. le Rapporteur – Je voudrais remercier M. le ministre d’avoir pris le temps de cette discussion, qui aura duré, entre le Sénat et l'Assemblée nationale, plus d’une centaine d’heures. J’exprime également ma reconnaissance à l’ensemble de mes collègues pour ce débat qui, même si nous ne sommes pas unanimes, fait honneur à notre institution, et, pour terminer, je dis ma gratitude à tous ceux qui m’ont assisté dans ma tâche.
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement.
M. Gérard Hamel, rapporteur de la CMP - Le projet de loi portant engagement national pour le logement ne comprenait que 11 articles lors de son dépôt au début de cette session. Les deux lectures successives ont été l’occasion d’un enrichissement considérable du texte, qui contient désormais 112 articles, les amendements adoptés provenant d’ailleurs aussi bien de l'Assemblée que du Sénat, de la majorité que de l'opposition, et du Parlement que du Gouvernement.
Avant de revenir plus en détail sur les travaux de la commission mixte paritaire, réunie le 21 juin dernier à l'Assemblée nationale, je voudrais retracer brièvement les principaux éléments qui faisaient déjà consensus à l’issue de notre deuxième lecture.
Fondé sur l'incitation plutôt que sur la contrainte, et destiné à simplifier un droit de l'urbanisme et du logement connu pour sa complexité, ce projet vise avant tout à enrayer une crise sans précédent, fruit d'un retard accumulé dans le secteur de la construction depuis quarante ans.
A cette fin, il dote les élus locaux et l'Etat d'instruments juridiques et fiscaux qui leur permettront de libérer du foncier pour réaliser des logements, et tend à accroître la transparence du marché foncier : les élus pourront en effet se faire communiquer par les services fiscaux toute information relative à la valeur vénale des terrains.
En matière d'urbanisme, le projet permet de ratifier l'ordonnance sur le permis de construire et les autorisations d'urbanisme, tout en reprenant de nombreuses propositions destinées à renforcer la sécurité juridique de ces documents.
Autre priorité à laquelle je suis très attaché tout comme le président Ollier, l’accession sociale à la propriété, déjà stimulée en 2005 par la réforme du prêt à taux zéro, va recevoir un nouvel élan : les primo-accédants bénéficieront d'un taux réduit de TVA si l'opération est effectuée dans un quartier en rénovation urbaine, ou à proximité ; les bailleurs vendant des logements sociaux pourront appliquer une décote ou une surcote par rapport à la valeur estimée par le service des domaines ; nos concitoyens seront mieux informés sur les possibilités d'acquérir une « maison à 100 000 euros » grâce à l’ouverture de guichets uniques dans les mairies qui le souhaitent ; le prêt à taux zéro sera majoré de 15 000 euros pour les ménages ne dépassant pas les plafonds de ressources applicables aux locataires de logements sociaux de type « PLUS » ; nous avons, d’autre part, amélioré le régime du bail à construction, qui permet aux primo-accédants de dissocier dans le temps l'achat du foncier et celui du bâti.
Les locataires pourront en outre constituer des sociétés civiles immobilières d'accession progressive à la propriété, et le régime fiscal du prêt social de location-accession a été rendu plus attractif. Quant à l'ANAH, elle pourra désormais conventionner des logements même sans subventionner de travaux.
J’ajoute que le dispositif d'amortissement « Robien » a été recentré cependant qu’était créé le dispositif « Borloo populaire ».
Le projet de loi qui est soumis au vote définitif du Parlement compte en outre des dispositions visant à lutter contre la vacance et contre l'insalubrité des logements, véritables fléaux dans le contexte de pénurie actuel. L'ordonnance prise en la matière par le Gouvernement sera en effet ratifiée, et les programmes locaux de l'habitat devront désormais faire état des logements recensés comme insalubres. D’autres mesures visent à favoriser la remise sur le marché des logements vacants situés au dessus des commerces, et les propriétaires de logements vacants seront fortement incités à les remettre sur le marché grâce à l'instauration d'une déduction sur leurs revenus fonciers.
En vertu de l’article 8, une réforme du statut des offices publics d'HLM et des offices publics d'aménagement et de construction sera mise en uvre par ordonnance. Les compétences des différents organismes sont en outre étendues par l'article 8 ter, s'agissant notamment des locaux de gendarmerie et des services départementaux d'incendie et de secours.
S’agissant de la mixité de l'habitat, un compromis a été trouvé entre les deux assemblées : sans remettre en cause l'objectif de 20 % de logements sociaux, la loi crée des commissions départementales chargées d'aider les communes qui rencontreraient des difficultés, notamment du fait d’une pénurie de foncier sur leur territoire.
Une solution équilibrée a également été trouvée afin de lisser dans le temps les sorties de conventionnement de l’Icade, filiale de la Caisse des dépôts et consignations.
Quant aux relations entre bailleurs et locataires, le régime des charges récupérables a été simplifié, et il sera désormais possible de relever le plafond des surloyers à 35 % des ressources des foyers dans le cadre d’un programme local de l'habitat. J’ajoute que les obligations comptables des plus petites copropriétés ont été également simplifiées.
Le projet de loi prévoit enfin des avantages fiscaux pour le développement des centres d'hébergement d'urgence ; il définit le statut de la vente d'immeubles à rénover et celui des résidences-services, et il augmente les possibilités de subventions aux aires de grand passage.
Compte tenu du nombre total d’articles, bien peu de points de désaccord subsistaient donc entre l'Assemblée nationale et le Sénat. La plupart concernaient l'urbanisme, mais également la liste des clauses abusives qui ne peuvent, à peine de nullité, figurer dans un bail de location.
A l'article 2, la CMP a ramené de cinq à trois ans la fréquence du débat que doit organiser le conseil municipal sur les résultats de l'application du plan local d’urbanisme en matière de logement.
Au même article, un accord a été trouvé pour ce qui est de la consultation d'un représentant des organismes HLM : cet avis sera réputé favorable s'il n'a pas été rendu par écrit dans un délai de deux mois.
Toujours au même article 2, la CMP a supprimé l'alinéa disposant que la carte communale précise les secteurs où le raccordement aux réseaux de constructions diffuses est pris en charge par le propriétaire.
La commission mixte a adopté l'article 3 bis, que l'Assemblée avait supprimé en première, puis en deuxième lecture, et qui instaure une prescription administrative décennale pour les constructions irrégulières. Dans un esprit de compromis, la rédaction du Sénat a toutefois été modifiée, les constructions réalisées sans permis de construire étant exclues du bénéfice de la prescription, de même que celles pour lesquelles une action en démolition a été engagée. Une telle solution nous semble équilibrée, puisque les pouvoirs locaux conserveront la possibilité de faire détruire les immeubles construits illégalement.
A également été adopté, dans la rédaction de l'Assemblée, l’article 4 quinquies, qui modifie les montants de la majoration de taxe foncière sur les propriétés non bâties pouvant être décidée par le conseil municipal.
A l'initiative du président Ollier et de votre rapporteur, la CMP a également adopté un amendement relatif à l’accession sociale à la propriété, qui étend la majoration du prêt à taux zéro aux opérations bénéficiant d'aides de toutes les collectivités et de leurs groupements, et non plus des seules communes.
La commission a en revanche supprimé l'article 5 sexies A, qui instaurait une garantie des emprunts immobiliers consentis en faveur des titulaires de contrats autres qu’à durée indéterminée. Dans un courrier adressé à plusieurs parlementaires, le Gouvernement s’est en effet engagé à reprendre prochainement les conclusions du groupe de travail créé à ce sujet.
Suivant en cela l'Assemblée, la CMP a en outre maintenu la suppression de l'article 8 septies C, qui faisait obligation aux propriétaires d'un parc locatif conventionné de plus de cent logements de reloger les locataires contraints de quitter leur logement au terme du conventionnement.
À l'article 17, la commission a cherché à supprimer, parmi les clauses réputées non écrites d'un contrat de bail, celle qui fait supporter au locataire les frais de relance : s'il est juste que le bailleur paie l'expédition de la quittance au titre des frais de gestion, il tout aussi juste que les frais de relance en cas de loyers impayés soient à la charge du locataire. Des abus sont commis par certains propriétaires mais également par des locataires de mauvaise foi, et nous avons estimé que la diversité des situations commandait d'agir avec prudence. A l’issue d’un large débat, l'article a donc été adopté dans la rédaction de l'Assemblée.
La CMP a en revanche supprimé l'article 19 C, qui conférait au syndicat des copropriétaires le bénéfice du « privilège spécial immobilier » en cas de faillite commerciale ou civile d'un des copropriétaires. Une telle disposition aurait en effet accordé au syndicat une priorité sur les autres créanciers qui nous semblait bien peu justifiée.
La CMP a enfin adopté, dans la rédaction de l'Assemblée, l'article 11 bis, relatif au taux réduit de TVA pour certains réseaux de chaleurs, conformément aux souhaits exprimés sur tous les bancs par de nombreux parlementaires.
Je voudrais en dernier lieu vous interroger, Monsieur le ministre, sur le maintien du seuil de 24 euros pour le versement de l'aide personnalisée au logement. En première comme en deuxième lecture, notre commission des affaires économiques a en effet adopté à l'unanimité un amendement visant à supprimer ce seuil, mais il a été déclaré irrecevable par la commission des finances. L’initiative ne pouvant désormais venir que du Gouvernement, je souhaiterais connaître, vos intentions à ce sujet, dans la perspective de la prochaine loi de finances.
Simplifier, anticiper, inciter, tels sont les mots d’ordre de ce projet de loi, dont l'équilibre obtenu au fil de la navette me semble tout à fait satisfaisant. La CMP vous invite donc à l’adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement - Ce texte, complexe mais essentiel, a été effectivement enrichi au fil des lectures successives.
Ce projet de loi est le troisième étage d’une fusée qui était indispensable pour notre pays : lorsque le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a été installé, la situation était exécrable pour le logement. En 2000, « année horrible », la construction de logements sociaux n’avait pas été aussi faible depuis trente ans, et l’état de l’hébergement d’urgence était le plus déplorable qu’on ait connu depuis dix ans. Tout aussi alarmante était aussi la qualité de l’habitat selon le rapport de la fondation « Abbé Pierre ». Dans nos quartiers dits « sensibles », que je préfère appeler « quartiers d’avenir », la ségrégation urbaine empirait scandaleusement, engendrant une ségrégation sociale, morale et parfois aussi raciale.
Vous avez d’abord voté une grande loi de programmation, dite de rénovation urbaine, pour transformer les quartiers – avec un programme de 20 milliards d’euros – et refondre les SA et les offices d’HLM. Il s’agissait de réorganiser le marché et d’augmenter la construction de logements en France. Certains prétendaient que ce programme était celui d’Harry Potter, qu’on n’aurait pas l’argent…
M. Jean-Yves Le Bouillonnec - C’est vrai, je l’ai dit.
M. le Ministre – Je vois que M. Le Bouillonnec fait amende honorable ! A l’heure où je vous parle, 19,7 milliards d’euros sont engagés – en sa qualité de maire de Dreux, M. le Rapporteur peut en témoigner comme bien d’autres. Ce programme est porté à 35 milliards d’euros.
Deuxième étage de la fusée : le logement dans son ensemble. Pour la première fois, une loi de programmation a été votée en faveur du logement social, pour tripler la production et la porter en cinq ans à 120 000 logements sociaux par an, soit 500 000 sur la durée du programme. Merci d’avoir voté cette loi de programmation : 82 000 logements sociaux ont ainsi pu être financés cette année ; il y a eu 422 000 mises en chantier et 534 permis de construire ont été déposés – ce qui constitue des records sur les trente dernières années. La production annuelle atteindra 100 000 logements sociaux dans les deux ans qui viennent.
Troisième étage de la fusée : améliorer les dispositifs existants. Le produit « Robien », qui a été efficace, devait être adapté – c’est ce que propose ce texte, qui crée un autre dispositif pour les catégories intermédiaires et pour l’investissement locatif, dispositif que M. le Rapporteur a appelé le « Borloo populaire »…
Le Gouvernement propose également de faire passer le taux de la TVA sur les programmes d’accession sociale à la propriété de 19,6% à 5,5% dans les quartiers en rénovation urbaine. Le prêt à taux zéro – PTZ – ayant permis de tripler la production en deux ans, il souhaite de le faire bénéficier d’une bonification de l’État de 15 000 euros pour nos compatriotes dont les revenus sont égaux ou inférieurs à ceux requis pour les PLUS. Combinée à la précédente, cette disposition est une véritable révolution.
Un certain nombre de mesures techniques encouragent d’autre part les villes à offrir des terrains à la construction au lieu de faire de la rétention : partage des plus-values, exonération de taxe foncière des propriétés bâties, en faveur du logement social, dès la première année, importante simplification des règles d’urbanisme et du pilotage par les collectivités locales.
Tout cela nous permettra d’amplifier la production de logements, à la fois du point de vue qualitatif et du point de vue quantitatif. Je rappelle que la crise du logement se répercute sur le pouvoir d’achat – quand on construit moins, cela a un impact sur les prix. C’est donc une double faute politique et morale qu’il fallait réparer, et c’est tout l’enjeu de ce grand texte.
Comme un bonheur n’arrive jamais seul, je vous confirme enfin que notre action en matière de rénovation urbaine a permis de relancer l’emploi dans le secteur du bâtiment : 49 500 emplois ont été créés dans les entreprises de plus de 20 salariés et autant dans les entreprises de moins de 20 salariés. Quand le bâtiment va, tout va ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. Philippe Pemezec – Contrairement à ce que l’on pourrait penser quand on parle de crise du logement, nous ne manquons pas seulement de logements sociaux, mais de logements en général, nos carences les plus importantes concernant le logement d'urgence et le logement intermédiaire.
Comme vous l’avez rappelé, Monsieur le ministre, ce texte est le troisième étage d’une fusée : il obéît à une cohérence d’ensemble, gage de progrès. Je reviendrai pour ma part sur quatre points, en commençant par l’accession sociale à la propriété. Je me félicite de l'amendement voté par l'Assemblée en deuxième lecture pour mettre fin à une discrimination en favorisant l’accès au crédit immobilier des ménages ayant des revenus irréguliers. Le fonds de garantie créé pour les emprunts immobiliers consentis aux titulaires d'un contrat de travail autre qu'un contrat à durée indéterminée offrira à un plus grand nombre la possibilité de devenir propriétaire, ce que souhaitent 80% des Français. Je me félicite de même de la décote de 35 % consentie aux occupants du logement qui s’en rendent acquéreurs : leurs remboursements ne seront ainsi pas supérieurs à leur loyer.
Je salue la création d'un dispositif spécifique d'accession sociale à la propriété pour les ménages les plus modestes. Je suis heureux que cette disposition ait pu être complétée lors de la CMP par un amendement adopté par la commission des affaires économiques, que j’ai cosigné avec MM. Ollier, Hamel et Decool et qui étend le bénéfice de la majoration du prêt à taux zéro à toutes les opérations bénéficiant d'aides, non seulement de la commune, mais aussi des autres collectivités et de leurs groupements.
Je me réjouis enfin du rétablissement du dispositif de la location-attribution, supprimé en 1971.
En ce qui concerne l’article 55 de la loi SRU, je me félicite des dérogations prévues en faveur des communes qui sont confrontées à un déficit de terrains constructibles. Je regrette néanmoins que les logements neufs en accession à la propriété ne soient pas retenus dans le calcul des 20 %. L’objectif de la loi SRU est de mesurer l'effort consenti par la commune pour permettre aux gens modestes de se loger – ce qui est précisément la vocation de l'accession sociale à la propriété. Dès lors, pourquoi faire le choix du nivellement par le bas ?
J’en viens à l’attribution des logements sociaux, sujet qui me tient à coeur. J’ai mesuré à plusieurs reprises la réticence des élus locaux à construire des logements sociaux sur leur commune du fait du peu de responsabilité qui leur est accordée en la matière. Le maire ne contrôle en moyenne que 20% des attributions, lesquelles sont majoritairement le fait des préfets, des bailleurs privés et des entreprises - dans le cadre du 1% logement. C’est pourtant lui qui gère les difficultés que connaissent certaines familles du patrimoine social. C’est pourquoi j’avais présenté un amendement proposant la création d'une commission communale d'attribution présidée par le maire. Malheureusement, il n’a pas été compris. Certains maires profitent pourtant du flou qui règne en la matière pour se cacher derrière le préfet et ne pas assumer la façon dont ils organisent la mixité sociale. Créer cette commission communale d'attribution aurait permis d’adresser un signe de confiance aux maires tout en les mettant en face de leurs responsabilités.
Je conclurai en insistant sur l’effort à faire pour les logements intermédiaires. Il faudra sans doute faire appel au secteur privé, comme cela se fait dans d’autres pays.
Quoi qu’il en soit, ce texte est un immense progrès, dont je vous félicite, Monsieur le ministre et Monsieur le rapporteur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Quel plaisir de nous pencher à nouveau, à quelques instants de l’achèvement de nos travaux, sur les problèmes du logement. C’est, semble-t-il, une habitude de clore la session parlementaire sur ce sujet, et je suis comme vous fidèle à ce rendez-vous, Monsieur le ministre !
Je voudrais saluer sincèrement le rapporteur pour le travail qu’il a accompli. Il est vrai que le Parlement a fait le plus gros du travail sur cet texte…
Deux ans et demi de gestation et huit mois de débat : l'élaboration de ce projet aura décidément été laborieuse, voire chaotique. Baptisé et rebaptisé, modifié et re-modifié au gré des différents ministres, il trahissait d’abord l'incapacité des gouvernements successifs à fixer un cap précis à la politique du logement en France. Le travail des parlementaires a permis de révéler au grand jour cette impuissance du pouvoir exécutif : alors qu'il ne comptait que onze articles lors de son examen par le Conseil des ministres à l'automne dernier, le texte en compte désormais plus de 110 !
Cela n'a pas suffi à en garantir la qualité. La majorité a en effet montré à quel point elle pouvait elle-même naviguer à vue. Au fil de la navette, des mesures essentielles ont été tour à tour adoptées, supprimées et rétablies. Je pense par exemple à la disposition tendant à partager les plus-values réalisées lors de la vente d'un terrain rendu constructible.
Des mesures inacceptables ont elles aussi suivi le cours sinueux des serpents de mer. Je veux parler de la disposition tendant à assouplir l'obligation de construire 20 % de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants. Adopté, supprimé, redéposé, puis définitivement retiré, l’amendement Ollier a, des mois durant, alimenté l'actualité législative et suscité l’inquiétude de tous ceux qui sont soucieux de développer l'offre locative et la mixité sociale.
Alors que chacun constate la dramatique insuffisance des logements sociaux et déplore la constitution de ghettos urbains, cet amendement portait atteinte à l'un des meilleurs instruments offert par la précédente majorité à la politique de la ville et du logement. Grâce à l'exceptionnelle mobilisation de tout le secteur associatif – rappelons-nous la venue de l'abbé Pierre dans les tribunes –, les arguments de l'opposition parlementaire ont fini par être entendus. Nous en prenons acte, en espérant qu’à l’avenir, on ne tentera plus de porter atteinte à l'article 55 de la loi SRU ; ce serait non seulement contrevenir aux exigences du chef de l'Etat – dont personne ici n'oserait douter de la portée – mais trahir tous ceux qui comptent sur le législateur pour les soutenir dans leur combat contre l'exclusion.
En dépit de ce retrait, ce projet ne répond pas aux besoins. Les mesures symboliques comme le « Borloo populaire » ou la « maison à 100 000 euros » tiennent davantage du slogan publicitaire que du dispositif opérationnel. En vérité, le dispositif Borloo ne sera populaire qu'auprès des ménages aisés, et la maison ne coûtera 100 000 euros que dans les territoires les plus éloignés des centres-villes. Ces dispositions ne permettront en aucun cas de pallier les inacceptables lacunes de ce texte, dont la plus scandaleuse reste l'absence totale de mesures en faveur des locataires, qui subissent la croissance vertigineuse des loyers tandis que l'Etat diminue chaque année les aides personnelles au logement. L'augmentation de la part des ressources consacrées par les ménages au paiement des loyers se fait au détriment de la relance de la consommation.
II est vrai que depuis 2002, les gouvernements successifs sacrifient ouvertement les aides à la personne au motif que cela permet de renforcer les aides à la pierre. Pour preuve de ce rééquilibrage, le Gouvernement communique abondamment depuis plusieurs mois sur le nombre des mises en chantier, qui en 2005 aurait atteint 420 000, soit un record inégalé depuis vingt-cinq ans. Nul ne conteste l'exactitude de ce chiffre établi par l’INSEE ; en revanche, mon groupe conteste farouchement que cette offre nouvelle de logements corresponde aux besoins de nos concitoyens : selon les estimations de la Fondation Abbé Pierre, 66 % des Français ne peuvent avoir accès qu’à 25 % de ces mises en chantier ; les trois quarts des logements lancés en 2005 vont donc être réservés aux plus aisés. De ce fait, loin de diminuer, le nombre de demandeurs de logements ne cesse de croître, s’établissant désormais à près de 1 400 000.
Cette situation s'explique largement par les choix budgétaires de cette majorité : l’érosion des aides à la pierre versées aux bailleurs sociaux s’est accompagnée de l'explosion des avantages fiscaux accordés aux investisseurs privés. Dans la loi de finances pour 2006, le montant des dépenses fiscales a ainsi dépassé, pour la première fois, le montant des dépenses budgétaires.
Si les pertes de recettes entraînées par le dispositif « Robien » sont encore mal évaluées, les estimations variant entre 300 et 500 millions, une chose est certaine : les loyers sont beaucoup trop élevés pour que ces logements soient accessibles à la très large majorité des locataires.
Au sein même de l'offre locative sociale, on relève la même contradiction : depuis 2002, la proportion des HLM de type PLS est en progression constante, et si les engagements du plan sont tenus, elle devrait atteindre 37 % en 2006 et 40 % en 2007 ! Or le plafond de loyer des PLS est supérieur de 50 % à celui des HLM standards ; l'offre locative nouvelle reste donc hors de portée pour nos concitoyens modestes.
Mal orientés, les moyens budgétaires de l'Etat sont en outre largement insuffisants. Contrairement à ce que pourrait laisser croire la tonitruante communication du Gouvernement, l'effort en faveur du logement a baissé depuis plusieurs années, passant de 1,36 % du PIB en 2000 à 1,12 % en 2006, soit son point le plus bas depuis trente ans. N'en déplaise au président de la commission des finances, ces chiffres ont été validés par la commission des comptes du logement et reposent sur les analyses d’économistes reconnus, dont la seule ambition est d'éclairer le débat public.
Ces mêmes analyses révèlent que les prélèvements fiscaux opérés sur le secteur du logement sont en progression rapide depuis quelques années : l’Etat a perçu pleinement les dividendes du boom immobilier à travers la TVA et la fiscalité sur les revenus fonciers. L'augmentation des ponctions fiscales et parafiscales est estimée à 28 % entre 2001 et 2006, soit 5,1 % par an. Le constat est donc sans appel : depuis 2002, l'Etat gagne de l'argent sur le logement, en prélevant davantage d'impôts qu'il ne distribue de crédits.
Devant une telle situation, une profonde évolution de la politique du logement s’impose. Dans son projet « Réussir ensemble le changement », le Parti socialiste propose à nos concitoyens des objectifs ambitieux et réalistes. Une part notable de ses propositions concerne le logement dans la partie consacrée au renforcement de la solidarité ; le logement, en effet, n'est pas un bien de consommation comme les autres et ne saurait être soumis à l’égoïsme du marché.
Nous proposons tout d'abord une mobilisation massive des moyens de la puissance publique. Contrairement au ministre du logement en place entre 2002 et 2004, qui affirmait que l'on peut « faire plus avec moins », nous considérons en effet que l'on ne peut faire plus qu'avec plus. Tombé à 1,12 % du PIB en 2006, l'effort consenti par l'Etat en faveur du logement doit progressivement remonter à 2 %, ce qui correspond à une majoration de 1,7 milliard du budget annuel. Il suffira pour cela de redéployer certaines ressources, par exemple en supprimant les dispositifs Robien et Borloo ou en réaffectant les sommes prélevées par l'Etat sur les livrets A gérés par la Caisse des dépôts.
L’augmentation de l'effort consenti par l'Etat permettra notamment de mieux mobiliser les réserves foncières au niveau régional, de construire 120 000 logements sociaux par an et de plafonner à 25 % le taux d'effort des locataires modestes du parc privé conventionné.
Notre ambition est non seulement d'assurer un logement à tous, mais aussi de développer la mixité sociale. C'est pourquoi nous proposons de tripler le montant des amendes prévues par l'article 55 de la loi SRU et d'imposer 25 % de logements sociaux dans tous les programmes immobiliers des communes déficitaires.
Avant de conclure, je voudrais regretter, s’agissant des dispositions relatives à l’urbanisme, que l’on donne une prime à ceux qui enfreignent les règles, au détriment de ceux qui font l’effort de les respecter. Alors que, avec le rapporteur et le président de la commission, nous étions unanimes sur ce sujet, il est fort dommage que nous n’ayons pas pu convaincre les sénateurs.
Ce projet, ne portant pas, malgré son titre, « engagement national pour le logement » en faveur de l’ensemble des Français, mon groupe ne peut que voter contre.
M. Patrick Braouezec - Ce texte ne correspond en rien à l'ambition affichée. Il contient un ensemble disparate de dispositions qui ne résolvent en rien la crise du logement. Celle-ci, multiforme, frappe des millions de nos citoyens. Au lieu de répondre à la détresse sociale et de garantir effectivement le droit au logement, vous vous attachez à satisfaire les égoïsmes locaux et à garantir la rentabilité de l'investissement immobilier.
Lorsque des collègues arguent de leur liberté d'élus pour priver certains de nos concitoyens du droit au logement, il est clair que l'Etat doit prendre toutes ses responsabilités, financières et réglementaires.
La priorité est à une vraie loi de programmation, à des mesures coercitives à l’encontre des élus défaillants, à une meilleure péréquation des ressources des collectivités territoriales et à la lutte contre la spéculation immobilière.
Les demandeurs de logement, les habitants d’immeubles insalubres, les locataires « découpés », les jeunes et les étudiants contraints de rester chez leurs parents, tous vivent au quotidien les dégâts dus à votre inaction. Ils en ont assez d’attendre, et ce ne sont pas vos arguties qui les convaincront que la situation s’améliore. Ils espèrent un signe fort en faveur de la relance de la construction sociale. Hélas, votre projet de loi se résume à quelques timides avancées et à des mesures en trompe-l’il : le « Borloo populaire », par exemple, loin de résorber la demande de logement, n’est qu’un outil de défiscalisation des investissements immobiliers, l’État apportant une sorte d’assurance sur le rendement. Ce n’est pas par ce cadeau fiscal financé par ceux qui veulent pouvoir se loger correctement que vous conforterez le logement social !
Votre projet manque d’ambition, ignore l’urgence sociale et ne propose que des mesures de replâtrage. C’est pourquoi le groupe communiste et républicain votera naturellement contre.
M. le Président – Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l’article 113, alinéa 3, du Règlement, j’appelle l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisi.
M. le Rapporteur – L’amendement 4 est de précision.
M. le Ministre – L’amendement 1 tend à supprimer le gage.
M. le Rapporteur – L’amendement 3 est de conséquence.
M. le Rapporteur – L’amendement 5 est de coordination.
M. le Ministre – L’amendement 2 supprime un gage.
M. le Président – L'Assemblée nationale a achevé l’examen des textes inscrits à son ordre du jour.
Sauf nécessité contraire, le Président de l’Assemblée prendra acte de la clôture de la session ordinaire par avis publié au Journal Officiel.
La Directrice du service
du compte rendu analytique,
Catherine MANCY
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