ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES
JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 27 NOVEMBRE 2002
COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 26 novembre 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ
1. Questions au Gouvernement «...».
FONDS DE RÉSERVE DES RETRAITES «...»
MM. Philippe Auberger, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
MANIFESTATIONS DES
SALARIÉS DU SECTEUR PUBLIC «...»
MM. Christian Bataille, Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
RÉPARATION POUR LES ORPHELINS DE DÉPORTÉS «...»
MM. Charles de Courson, Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants.
MALAISE DANS LES SERVICES PUBLICS «...»
MM. Pierre Goldberg, Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES «...»
MM. Jean-Paul Charié, Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
ACCÈS DES PAYS PAUVRES AUX MÉDICAMENTS «...»
MM. Jean Leonetti, François Loos, ministre délégué au commerce extérieur.
ÉGALITÉ DEVANT LES SERVICES PUBLICS «...»
MM. François Brottes, François Loos, ministre délégué au commerce extérieur.
VIOLENCES À L'ENCONTRE DES FEMMES «...»
Mmes Christine Boutin, Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.
SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE «...»
MM. Robert Lamy, Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
SITUATION EN ARGENTINE «...»
MM. Henri Nayrou, Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
SITUATION DES DEMANDEURS D'ASILE «...»
Mme Arlette Grosskost, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
FORMATION PROFESSIONNELLE «...»
MM. Jean-Michel Fourgous, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE
2. Ordre du jour de l'Assemblée «...».
3. Nomination d'une députée en mission temporaire «...».
4. Rappels au règlement «...».
MM. Jean-Marc Ayrault, le président, Jean-Pierre Brard, Augustin Bonrepaux, Mme Ségolène Royal.
M. Jean-Marc Ayrault.
Suspension et reprise de la séance «...»
Rappel au règlement «...»
MM. Jean-Marc Ayrault, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.
5. Organisation décentralisée de la République. - Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle adopté par le Sénat «...».
DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 6 (suite) «...»
M. le président.
Amendements n°s 110 rectifié de M. Brard, 192 de M. Jean-Pierre Balligand et amendements identiques n°s 137 rectifié de M. de Courson et 191 de M. Balligand : MM. Jean-Pierre Brard, Jean-Pierre Balligand, Charles de Courson, Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur ; Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice ; René Dosière, Léonce Deprez, Jean-Pierre Brard, Augustin Bonrepaux, le président. - Rejet de l'amendement n° 110 rectifié ; rejet, par scrutin, de l'amendement n° 192.
Rappel au règlement «...»
Mme Ségolène Royal, M. le président.
Reprise de la discussion «...»
Sous-amendements à l'amendement n° 137 rectifié :
Sous-amendement n° 233 de M. Bonrepaux : MM. Augustin Bonrepaux, le rapporteur, le garde des sceaux, Charles de Courson, René Dosière. - Rejet par scrutin.
M. Augustin Bonrepaux. - Retrait des sous-amendements n°s 234 à 238.
Sous-amendement n° 239 de M. Bonrepaux : MM. Augustin Bonrepaux, le rapporteur, le garde des sceaux, Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis ; Jean-Pierre Brard, Mme Ségolène Royal, MM. Gilles Carrez, Charles de Courson.
Mme Ségolène Royal.
Suspension et reprise de la séance «...»
M. Augustin Bonrepaux. - Rejet, par scrutin, du sous-amendement n° 239.
Rejet, par scrutin, des amendements identiques n°s 137 rectifié et 191.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC
Amendement n° 194 de M. Balligand : Mme Ségolène Royal, MM. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois ; le garde des sceaux, Jean-Pierre Brard. - Rejet par scrutin.
Amendements n°s 193 de M. Balligand et 44 rectifié de M. Méhaignerie : MM. René Dosière, le rapporteur pour avis, le rapporteur, le garde des sceaux, Augustin Bonrepaux. - Retrait des sous-amendements n°s 244, 246 à 251 de M. Bonrepaux à l'amendement n° 44 rectifié.
MM. Charles de Courson, Gilles Carrez, Léonce Deprez, le garde des sceaux, André Chassaigne, le rapporteur pour avis. - Retrait de l'amendement n° 44 rectifié.
Amendement n° 44 rectifié repris par M. de Courson : MM. Charles de Courson, Jean-Pierre Brard, Augustin Bonrepaux. - Retrait de l'amendement n° 193.
Sous-amendement n° 245 de M. Bonrepaux à l'amendement n° 44 rectifié :
MM. Augustin Bonrepaux, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet, par scrutin, du sous-amendement n° 245 ; rejet de l'amendement n° 44 rectifié.
Amendement n° 8 de M. Garrigue : MM. Jean-Luc Warsmann, Augustin Bonrepaux, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 195 de M. Bonrepaux : MM. Augustin Bonrepaux, le rapporteur, le garde des sceaux, René Dosière, Gilles Carrez, Charles de Courson. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 196 de M. Balligand : MM. Jean-Pierre Balligand, le rapporteur, le garde des sceaux, René Dosière, Augustin Bonrepaux, Léonce Deprez, Jean-Jack Queyranne. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 112 rectifié de M. Brard : MM. André Chassaigne, le rapporteur, le garde des sceaux, Jean-Pierre Balligand. - Rejet.
Amendement n° 156 rectifié de M. Blessig, avec le sous-amendement n° 252 de M. Bonrepaux : MM. Emile Blessig, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 156 rectifié.
Amendement n° 156 rectifié repris par M. Balligand : MM. Augustin Bonrepaux, le vice-président de la commission des lois, le garde des sceaux. - Rejet du sous-amendement n° 252 et de l'amendement n° 156 rectifié.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
6. Fait personnel «...».
Mme Ségolène Royal, MM. le président, Charles de Courson.
7. Ordre du jour de la prochaine séance «...».
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
QUESTIONS AU GOUVERNEMENT
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
FONDS DE RÉSERVE DES RETRAITES
M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.
M. Philippe Auberger. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Demain, monsieur le ministre, vous allez enfin installer le conseil de surveillance du Fonds de réserve des retraites. Je dis bien « enfin », car si ce fonds a été créé sur le papier il y a maintenant trois ans par le précédent gouvernement, il n'avait toujours pas été formellement mis en place, qu'il s'agisse de son conseil de surveillance ou de son directoire, et les ressources qui lui avaient été affectées, 8 milliards d'euros en trois ans, étaient très loin des ambitions officielles affichées puisque ce fonds devait atteindre 150 milliards d'euros en quinze ans. Fort heureusement, le Gouvernement vient de décider d'attribuer au fonds 500 millions d'euros sur le produit de l'appel d'offres intervenu samedi dernier pour la cession de la participation de l'Etat dans le Crédit lyonnais.
Dès lors que le Gouvernement fait de la réforme des retraites vers plus de solidarité l'un des enjeux majeurs de son travail pour les prochains mois, il importe de définir clairement les objectifs qui seront assignés au Fonds de réserve des retraites. Quel rôle lui sera confié dans la nécessaire consolidation des régimes de retraite par répartition ? Quelles sommes le Gouvernement est-il décidé à mettre à sa disposition ? Comment entend-il les gérer dans l'attente de leur utilisation ? Le conseil de surveillance comprenant, outre des représentants du Parlement, des représentants des partenaires sociaux, quel sera son rôle dans la nécessaire concertation précédant la mise en place de cette réforme tant attendue des retraités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, c'est demain, en effet, que je vais installer le Fonds de réserve des retraites. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Ce fonds sera doté à la fin de 2002 d'un peu plus de 13 milliards d'euros. Le Gouvernement, comme vous venez de le souligner, a décidé de lui affecter 500 millions d'euros provenant de la cession des parts que l'Etat détenait dans le capital du Crédit lyonnais. Ces deux événements, l'installation du fonds de réserve et l'abondement de ses moyens, sont le symbole de la volonté de notre gouvernement de faire de ce fonds, créé mais jamais installé par le gouvernement précédent, un véritable instrument d'amortissement du choc démographique.
Mais il ne faut pas non plus que nous nous trompions ou que nous trompions les Français. L'objectif assigné au fonds d'atteindre 150 milliards d'euros fin 2020 semble aujourd'hui assez largement hors de portée. Et même s'il était atteint, je ne pense pas que ce fonds pourrait nous permettre de sauvegarder les régimes de retraite par répartition sans une profonde réforme de leur organisation.
C'est la raison pour laquelle, à partir du premier semestre 2003, le Gouvernement va engager un grand débat sur l'avenir des retraites et sur les moyens de consolider les régimes par répartition et de sécuriser l'abondement du fonds. Nous souhaitons que tous les Français puissent participer à ce débat, les partenaires sociaux, bien entendu, mais aussi toutes celles et tous ceux qui ont une expérience et des compétences en ce domaine. Les membres du comité de direction du Fonds de réserve des retraites, en particulier son président, M. Brillet, et ceux du Conseil d'orientation des retraites auront évidemment toute leur place dans ce débat.
Mesdames et messieurs les députés, en mettant en place le Fonds de réserve des retraites créé par la majorité précédente et en abondant ses ressources, le Gouvernement démontre qu'il est décidé à aborder la question fondamentale de la réforme des régimes de retraite en recherchant un consensus national. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
MANIFESTATIONS
DES SALARIÉS DU SECTEUR PUBLIC
M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, pour le groupe socialiste.
M. Christian Bataille. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre ou à M. le ministre de l'économie et des finances, mais, en leur absence (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), je la poserai à M. le ministre des affaires sociales qu'elle concerne également.
M. le président. Je vous rappelle, monsieur Bataille, que plusieurs membres du Gouvernement assistent aujourd'hui au sommet franco-espagnol de Malaga.
M. Christian Bataille. Je vous remercie de cette précision, monsieur le président.
Aujourd'hui, des dizaines de milliers de salariés des services publics sont venus crier leur angoisse dans les rues de Paris. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. Jean Marsaudon. Ils ne sont pas si nombreux !
M. Christian Bataille. Ils s'inquiètent pour l'emploi, les retraites, les salaires et la protection sociale.
Ils sont là pour défendre le service public, c'est-à-dire l'intérêt général, au moment où votre gouvernement est atteint d'une véritable frénésie de libéralisation et de privatisation, dans un contexte d'affairisme boursier. (Protestations sur les mêmes bancs.)
Des entreprises et services publics très variés sont représentés dans cette manifestation.
En premier lieu, la SNCF, dont les salariés s'inquiètent des menaces de suppressions d'emplois, de réduction des retraites et de privatisation.
M. Jean Auclair. Menteur !
M. le président. Monsieur Auclair, s'il vous plaît !
M. Christian Bataille. A leurs côtés, Air France, menacée elle aussi de privatisation ; La Poste, démantelée dans les secteurs ruraux ; la RATP ; France 3, dont les salariés se battent, en ce moment, pour le service public de l'audiovisuel menacé ; et la fonction publique en général.
Cette manifestation en précède d'autres (« Ah ! » sur les mêmes bancs), notamment la journée d'action dans l'éducation nationale prévue le 8 décembre.
Messieurs du Gouvernement, votre politique de droite heurte frontalement le monde des salariés et les citoyens dans leur ensemble. (« La question ! » sur les mêmes bancs.) La voici : entendez-vous les cris qui montent (Exclamations sur les mêmes bancs) ou bien avez-vous fait définitivement le choix d'une économie privatisée porteuse d'inégalités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, je ne crois pas qu'il soit bon d'opposer le secteur privé et le secteur public. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Si vous voulez, comme nous, une France plus puissante pour qu'elle soit plus solidaire, il faut un service public performant et un secteur privé performant.
Avec les organisations syndicales, nous avons, pas plus tard qu'hier, ouvert un chantier de réflexion sur la modernisation du service public. Il y a deux façons de le défendre. La vraie défense du service public consiste à lui donner les moyens de s'adapter et de se moderniser, avec un souci d'efficacité, d'obtention de résultats et de responsabilisation de ses acteurs. L'autre façon, qui fait peut-être plaisir mais qui le fragilise, consiste à vouloir l'enfermer dans un immobilisme suicidaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Michel Delebarre et M. Bernard Roman. Vous n'avez pas répondu à la question !
RÉPARATION POUR LES ORPHELINS DE DÉPORTÉS
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDF.
M. Charles de Courson. Monsieur le secrétaire d'Etat aux anciens combattants, le précédent grouvernement a créé une grave inégalité entre les orphelins dont les parents sont morts en déportation. Le décret du 13 juillet 2000, en instituant une mesure de réparation pour les seuls orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites, a exclu du bénéfice de cette mesure les autres orphelins de déportés décédés en camp de concentration. Les associations de déportés et d'anciens combattants ont toutes dénoncé cette discrimination et demandé l'extension de la mesure à tous les orphelins, pour rétablir l'égalité.
Mes collègues Pierre-Christophe Baguet et François Rochebloine sont longuement intervenus sur ce sujet lors de l'examen du budget des anciens combattants.
M. Alain Néri. Ils n'étaient pas les seuls !
M. Charles de Courson. Le groupe UDF a déposé un amendement au projet de loi de finances, qui vise à rétablir l'égalité entre tous les orphelins, sans aucune exception, de déportés décédés en camp de concentration. Cet amendement a été voté par des collègues de toutes tendances, le vendredi 15 novembre.
M. Christian Bataille. Très bien !
M. Charles de Courson. Ma question est simple et claire : le Gouvernement est-il prêt à prendre les mesures financières nécessaires pour que tous les orphelins de parents décédés en camp de concentration, quelle que soit la cause de la déportation, bénéficient enfin, dès 2003, de la même mesure de réparation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française, du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. Jacques Desallangre. C'est du réchauffé ! C'est grâce à M. Gremetz et à moi-même qu'un amendement a été adopté.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.
M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Monsieur le député, le débat autour du décret du 13 juillet 2000 sur l'indemnisation des orphelins de déportés de la Shoah ne doit pas faire oublier la tragédie incommensurable qui est à l'origine de cette mesure. Je rappelle que ce décret procède de la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat français dans les persécutions antisémites.
Cependant, le Gouvernement est conscient des atteintes suscitées par ce texte chez les autres orphelins de déportés. Comme je l'ai indiqué lors du débat budgétaire, nous avons demandé à une personnalité indépendante et reconnue, M. Philippe Dechartre, résistant et ministre du général de Gaulle et de Georges Pompidou, de nous éclairer sur le sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Alain Néri. Nous sommes déjà éclairés !
M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Il conduira une concertation approfondie, avec le souci d'y associer l'ensemble des intéressés et de remettre son rapport au Gouvernement dans les six mois. Votre assemblée s'est d'ailleurs inscrite dans la même logique en adoptant à l'unanimité, le 12 novembre, un amendement demandant le dépôt d'un rapport sur la question avant le 1er septembre prochain.
M. Jacques Desallangre. Un amendement de Maxime Gremetz !
M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants. En effet, sur un sujet aussi douloureux et délicat, il est capital que la solution qui sera préconisée recueille l'assentiment de tous. Il est tout aussi essentiel de ne pas créer une nouvelle injustice en prétendant en réparer une autre. C'est pourquoi je partage votre volonté de régler cette question. Il est néanmoins absolument nécessaire d'aller au terme de la concertation sur un sujet aussi important pour notre communauté nationale dans son ensemble.
J'assure la représentation nationale que, dès l'année prochaine, nous proposerons, dans la sérénité et après avoir pris le temps d'une réelle concertation, une solution équitable et raisonnable pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. François Rochebloine. Deux ans avant que la mesure ne soit effective !
MALAISE DANS LES SERVICES PUBLICS
M. le président. La parole est à M. Pierre Goldberg, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
M. Pierre Goldberg. Ma question s'adresse au Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Après les enseignants et les parents d'élèves, les agriculteurs et les routiers, aujourd'hui, à l'appel des organisations syndicales, plusieurs dizaines de milliers de salariés du secteur public et de fonctionnaires sont à nouveau dans la rue. Cheminots, agents de La Poste, gaziers et électriciens, hospitaliers, fonctionnaires territoriaux, contrôleurs aériens, employés des sociétés d'autoroutes et des transports urbains, tous manifestent leur mécontentement et leur inquiétude.
Cette situation n'est pas uniquement la conséquence de la dégradation de l'emploi, aussi grave qu'elle soit. Tout est instable, jusqu'aux fondamentaux de notre démocratie, puisque l'assurance maladie et les retraites sont menacées par plusieurs projets du Gouvernement.
Le mécontentement de ces salariés est dû à la perte de pouvoir d'achat et à la dégradation de l'emploi public, malmené par un gouvernement qui n'a d'yeux que pour la compétitivité des entreprises privées. Leur inquiétude est grande face à l'avenir incertain de leurs régimes de retraite et aux menaces qui pèsent sur certaines entreprises publiques promises à la privatisation, comme EDF-GDF, Air France, voire, peut-être, la SNCF.
M. Jean Auclair. C'est faux !
M. Pierre Goldberg. Pour y parvenir, votre gouvernement rogne partout sur les droits sociaux, sous prétexte d'aligner le public sur le privé avec pour objectif, entre autres, de réformer les retraites en créant les conditions de la capitalisation.
On vous dit hantés, à droite, par le spectre de 1995. Quelles réponses, messieurs, apporterez-vous à ce mécontentement et à ces inquiétudes ? Allez-vous entendre ce qui monte de la France d'en bas dont vous vous réclamez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
M. Christian Bataille. Cette fois-ci, il faut répondre !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. A vous entendre, monsieur le député, on croirait presque que vous souhaitez voir les syndicats descendre dans la rue pour mieux trahir votre incapacité politique à susciter un débat sur l'avenir du service public ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Christian Bataille. Encore une fois, vous n'allez pas répondre !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement ont montré toute l'importance qu'ils accordent au secteur public. Les fonctionnaires eux-mêmes, lors de nos rencontres, reconnaissent que l'absence de décision politique fragilise leurs systèmes de retraites et le développement des services publics.
M. François Goulard. C'est vrai !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ils attendent de nous esprit de décision, courage et responsabilité, afin qu'un pays performant puisse s'appuyer sur un service public performant. C'est notre détermination. C'est notre volonté.
M. Christian Bataille. Répondez !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous nous engageons à poursuivre le dialogue avec eux pour mieux accompagner, avec méthode, le changement nécessaire, tout en comprenant et partageant leur légitime inquiétude, qui suscite une attente vis-à-vis de la réforme que nous avons décidé de mettre en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié, pour le groupe UMP.
M. Jean-Paul Charié. Monsieur le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, pouvez-nous nous dire (« Il le peut » sur les bancs du groupe socialiste) comment va se concrétiser la volonté du Gouvernement de faire appliquer le droit de la concurrence et de sanctionner les pratiques commerciales déloyales ?
Mais avant d'entendre votre réponse, je voudrais, fort de vingt années de travail parlementaire sur le sujet, vous faire part de trois observations qui sont autant de témoignages de l'action du Gouvernement.
C'est parce que, dès jeudi, le Gouvernement a exprimé sa ferme volonté de faire appliquer la loi que, le lendemain même, ont été signés des accords majeurs entre le monde agricole et la grande distribution.
M. Jacques Desallangre. C'est nous qui payons !
M. Jean-Paul Charié. Aujourd'hui, grâce à cette politique, chacun sait que l'entreprise qui ne respectera pas les règles de la concurrence sera sanctionnée.
Deuxième témoignage : devant la légitime exaspération des agriculteurs, le Gouvernement aurait pu, comme ses prédécesseurs, répondre par de nouvelles réunions, de nouvelles commissions, de nouveaux changements législatifs. Or, dans ce domaine comme dans bien d'autres, le plus important, ce n'est pas de modifier la loi, c'est de la faire appliquer, comme il s'y est employé.
M. Christian Bataille. Le plus important, ce n'est pas la question...
M. Michel Delebarre. C'est la réponse !
M. le président. Monsieur Delebarre, n'en rajoutez pas !
M. Jean-Paul Charié. Les résultats ont été immédiats puisque, dès le lendemain matin, l'ensemble des acteurs économiques ont reconnu enfin l'existence de pratiques déloyales et l'urgence de faire marche arrière et d'arrêter la politique infernale du « coûte que coûte moins cher ».
Troisième témoignage :...
M. Michel Delebarre. Nous espérons trois réponses !
M. Jean-Paul Charié. ... la fin des pratiques déloyales, de cette pression économique exercée sur les agriculteurs et les fournisseurs, va enfin non seulement redonner confiance aux agriculteurs et aux petites entreprises et leur procurer des revenus supplémentaires, mais également servir les consommateurs et l'ensemble des Français.
M. le président. Monsieur Charié, votre temps de parole est écoulé et il me semble que vous avez déjà posé votre question...
M. Jean-Paul Charié. Fort de ces témoignages, monsieur le secrétaire d'Etat, je voulais, au nom de tous les députés UMP, vous exprimer notre très sincère reconnaissance et saluer cette nouvelle politique gouvernementale attendue depuis si longtemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Si la précédente majorité s'était un peu plus préoccupée des relations entre les agriculteurs et la distribution, nous n'en serions pas là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Les agriculteurs doivent pouvoir vivre décemment du fruit de leur travail.
M. Michel Hunault. Très bien !
M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Si le conflit qui a opposé la distribution et les agriculteurs a pu rapidement trouver une issue favorable, c'est d'abord parce que les partenaires ont réussi à engager le dialogue et à élaborer ensemble des solutions. A cet égard, je tiens particulièrement à féciliter les dirigeants de la FNSEA (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),...
M. Jean-Claude Lefort. Et José Bové ?
M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... du Centre national des jeunes agriculteurs...
M. Albert Facon. Salut les copains !
M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. ... et de la grande distribution qui ont fait preuve d'un grand sens des responsabilités. C'est également parce que le Gouvernement a su apporter des réponses rapides et précises à un certain nombre de problèmes. Ceux-ci portaient en premier lieu sur les contrôles et les sanctions des pratiques abusives.
M. Bernard Accoyer. Très abusives !
M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Depuis six mois, nous avons fait effectuer près de 300 contrôles qui ont abouti à dix-neuf procédures devant les juridictions pénales,...
M. Bernard Accoyer. Ce n'est pas assez !
M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. ... et à dix assignations devant les juridictions civiles.
Ce matin même, j'ai demandé à l'ensemble des directeurs de la DGCCRF - direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes - de renforcer ces contrôles et de faire preuve d'une très grande fermeté dans la lutte contre les pratiques commerciales abusives. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
En second lieu, le Gouvernement a proposé d'étendre les accords actuellement prévus par la loi sur les nouvelles régulations économiques - la loi NRE - pour les fruits et légumes à l'ensemble des produits frais. Cette disposition permettra de résoudre les crises qui frappent durement les agriculteurs.
Monsieur le député, cela prouve qu'il ne suffit pas de gesticuler et qu'il faut aussi agir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est ce que nous avons fait, sans démagogie et dans le respect du droit communautaire, avec la volonté de bâtir dans ce pays des relations commerciales plus lisibles, plus transparentes et plus équilibrées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
ACCÈS DES PAYS PAUVRES AUX MÉDICAMENTS
M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti, pour le groupe UMP.
M. Jean Leonetti. Monsieur le ministre délégué au commerce extérieur, vous le savez, l'écart se creuse entre pays riches et pays pauvres. Cette situation est devenue à ce point intolérable que le Président Jacques Chirac a demandé qu'on humanise la mondialisation, y compris dans le domaine du commerce extérieur, ce qui n'est pas une mince affaire. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Arnaud Montebourg. S'il suffit de demander !
M. Jacques Desallangre. Elle est bien bonne celle-là !
M. Jean Leonetti. Néanmoins, ce qui paraît le plus injuste pour les pays en voie de développement, c'est leur incapacité (Exclamations sur les mêmes bancs)...
M. le président. Poursuivez, monsieur Leonetti.
M. Jean Leonetti. L'opposition ne semble pas intéressée par le sort des gens qui meurent faute d'avoir eu accès aux médicaments ! Pourtant, la situation est intolérable. Dans les pays en voie de développement, en Afrique en particulier, des milliers d'enfants meurent tous les jours de maladies comme le paludisme, la tuberculose ou le Sida qui pourraient être combattues par des médicaments. (« Venez-en au fond ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
Les pays de l'Organisation mondiale du commerce se sont récemment réunis à Sydney et doivent se rencontrer à nouveau les 10 et 11 décembre à Genève. A cette occasion, monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu'il est du devoir de la France de faire entendre un message d'humanité et de dignité mais aussi de faire des propositions concrètes pour que l'ensemble des pays émergents bénéficient de soins qui pourraient sauver tous les jours des millions d'enfants dans le monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au commerce extérieur.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le député, c'est là en effet un grave problème et il est inqualifiable de ne pas considérer comme un fait important la mort de milliers de personnes chaque jour. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
C'est notamment grâce à l'action du Président de la République que nous avançons vers une solution. Ce n'est pas grâce à vous, mesdames et messieurs de l'opposition ! (De nombreux députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains se lèvent et se dirigent vers la sortie.)
M. le président. Chers collègues, ne prenez pas l'habitude de partir à chaque séance de questions au Gouvernement !
M. Alain Néri. Monsieur le président, le propos du ministre est inacceptable !
M. le ministre délégué au commerce extérieur. Et en plus, ma réponse ne vous intéresse pas ! (Huées sur les bancs du groupe socialiste.)
Monsieur Leonetti, il y a d'un côté l'accès aux médicaments à des coûts défiant toute concurrence que nous devons assurer aux pays en voie de développement et, de l'autre, le droit des brevets, c'est-à-dire le droit de la propriété intellectuelle qui est un droit fondamental en matière commerciale.
Aujourd'hui, je suis en mesure de vous annoncer une bonne nouvelle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) En ce moment même, en effet, les pays membres de l'OMC sont en train de trouver un accord visant à concilier ces deux aspects. C'est possible grâce aux progrès accomplis par l'Inde dans son acceptation de faire passer une législation sur le droit des brevets à partir du 1er janvier 2005. (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Ce point est effectivement très important.
Mesdames et messieurs les députés de l'opposition, vous avez eu tort de réagir ainsi sur ce sujet. C'est l'honneur de la France d'avoir contribué à résoudre le problème ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
ÉGALITÉ DEVANT LES SERVICES PUBLICS
M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste.
M. François Brottes. Je ne reviendrai pas sur les propos inqualifiables qui ont été tenus dans cet hémicycle. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Je voudrais simplement remercier mon collègue Jean-Paul Charié et le secrétaire d'Etat aux PME d'avoir tout à l'heure rendu hommage à la loi relative aux nouvelles régulations économiques votée par la gauche et qui permet, aujourd'hui, d'apaiser les craintes des agriculteurs.
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à l'industrie, qui est absente cet après-midi, mais j'imagine qu'elle lui sera transmise. Mme Fontaine revient donc de Bruxelles où elle a avec zèle et, semble-t-il, un enthousiasme digne de Mme Thatcher, sacrifié le service public sur l'autel du libéralisme échevelé. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Elle a accepté et même proposé, avec fierté, un peu comme si elle souhaitait figurer parmi les premiers de la classe libérale, de supprimer totalement le monopole d'EDF.
Il faut rappeler, chers collègues, que le mot « monopole » n'est pas un gros mot. C'est ce qui garantit la desserte au même tarif sur tout le territoire pour tous les Français. C'est ce qui garantit la qualité égale pour tous. C'est ce qui garantit la sécurité des installations. Le sommet de Barcelone avait clairement marqué la frontière et il n'était pas question de livrer les ménages au péril d'une concurrence qui n'intéresse les opérateurs que là où il y a du profit à réaliser. Les territoires ruraux et les périphéries des villes feront les frais de la nouvelle disposition.
Pourquoi Mme Fontaine a-t-elle devancé l'appel ? Est-ce par cynisme ou par cohérence que le Gouvernement vient de refuser la proposition du groupe socialiste visant à inscrire au coeur de la Constitution la nécessité de garantir un égal accès pour tous aux services publics de qualité ? Est-ce par cynisme ou par cohérence que le Gouvernement est en passe de trahir l'un des principes fondateurs de la République, à savoir le principe d'égalité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Yves Nicolin. Baratin !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au commerce extérieur. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mes chers collègues, ce n'est pas à vous de décider qui doit répondre.
M. Bruno Le Roux. M. Loos est un provocateur !
M. Yves Durand. M. Loos n'est pas bon !
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le député, ma collègue Nicole Fontaine assistant aujourd'hui au sommet franco-espagnol qui se tient à Malaga, je répondrai à sa place à votre question.
Nous ne sommes pas fiers : nous sommes tout simplement heureux que le Gouvernement ait réussi à obtenir hier un compromis au Conseil énergie sur les deuxièmes directives de libéralisation du marché du gaz et de l'électricité.
M. Yves Durand. Ce ministre est nul !
M. le ministre délégué au commerce extérieur. Ce compromis prend en compte les demandes exprimées par la France - et ne doutez pas une seconde de notre esprit républicain - et lui permet enfin de sortir de l'isolement dans lequel nous étions dans ce domaine. Il prévoit, conformément à notre souhait, la mise en oeuvre d'une libéralisation du marché de l'énergie...
M. Christian Bataille. Et la privatisation !
M. le ministre délégué au commerce extérieur. ... progressive et maîtrisée. Elle sera progressive car l'ouverture totale du marché s'inscrit dans un calendrier raisonnable : en 2004 pour les professionnels et le 1er juillet 2007 pour les ménages. Elle sera maîtrisée - nous en prenons l'engagement - car cette directive prévoit la possibilité d'imposer des obligations de service public aux opérateurs notamment en matière de péréquation tarifaire. En outre, elle n'interviendra qu'après la réalisation d'un bilan d'étape sur l'impact de l'ouverture des marchés aux professionnels qui devra confirmer l'opportunité et les modalités de l'ouverture totale du marché.
Je puis vous confirmer qu'EDF et GDF pourront continuer à assurer le développement de l'ensemble de leurs activités en tant qu'entreprises intégrées et à mettre en oeuvre leur projet de développement européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
VIOLENCES À L'ENCONTRE DES FEMMES
M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin, pour le groupe UMP.
Mme Christine Boutin. Ma question s'adresse à Mme Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.
Depuis 1999, le 25 novembre est la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.
M. le président. Chers collègues socialistes, je vous demanderai d'éviter de tenir une réunion du groupe socialiste dans les travées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Je vous invite donc à quitter l'hémicycle pour vous réunir ou à vous asseoir et à écouter Mme Boutin.
M. François Loncle. Les propos qui ont été tenus par M. Loos sont très graves, monsieur le président !
M. le président. Seule Mme Boutin a la parole !
Mme Christine Boutin. Le 25 novembre est donc la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Si nous sommes tous engagés pour le respect absolu de la dignité de chaque personne, force est de constater que la violence se développe dans notre société sous des formes multiples. S'agissant des femmes en France, plusieurs enquêtes ont dressé un constat alarmant montrant qu'une femmes sur dix est victime de violences conjugales et que chaque mois six femmes meurent des suites de cette violence. Mes chers collègues, cela signifie que plus de soixante-dix femmes par an meurent du fait de la violence conjugale. Cela n'est plus tolérable. Et tous les milieux sociaux sont concernés.
Aussi ma question comportera-t-elle deux volets. Premièrement, dans la plupart des cas de violence conjugale, ce sont les femmes et les enfants qui sont contraints de quitter le domicile. Madame la ministre, que comptez-vous entreprendre pour permettre d'éloigner rapidement l'auteur de ces violences et protéger ainsi les femmes et les enfants ? Deuxièmement, ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire de créer un label éthique « Respect des femmes » engageant les entreprises, les publicitaires et les médias à refuser les images dégradantes pour les femmes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité plurielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Madame la députée, qu'ils soient pluriels ou singuliers, ces phénomènes de violence ne sont pas isolés. Ils touchent malheureusement l'ensemble des pays et la France n'y échappe pas. Ce sont en effet les femmes qui se retrouvent en première ligne dans cette guerre sourde qui est tout à la fois une souffrance intime et une blessure collective. C'est pourquoi, au nom de la dignité, de la liberté et de l'égalité, la France a souhaité participer à cette journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes. Vous avez cité les chiffres. Ils sont accablants. Je les rappelle : six femmes meurent chaque mois en France à la suite de violences conjugales.
Face à cette situation et à la renaissance de certaines formes de violence au sein de nouvelles générations ou de certains quartiers, le Gouvernement va intensifier son action. Il va d'abord agir en lien avec les associations qui effectuent un travail admirable et qui ont permis depuis plusieurs années aux femmes de franchir ce cap libérateur de la parole. Il faut accompagner mieux, aider mieux et répondre mieux aux attentes de ces femmes victimes. Mais il faut aussi renforcer notre législation. En lien avec le garde des sceaux, nous allons donc faire en sorte que les femmes n'aient pas à subir une seconde humiliation en quittant leur domicile, alors que ce serait plutôt au conjoint violent de le faire. Par ailleurs, nous souhaitons faire avancer la législation pour sanctionner les discriminations sexistes, et plus généralement toutes les atteintes à la dignité de la personne.
Mais je n'oublie pas non plus qu'il faut travailler en amont, c'est-à-dire mettre en oeuvre une pédagogie de la responsabilité. Dès l'école et au coeur de la famille, nous devons faire en sorte que le principe d'égalité soit beaucoup plus actif. Il doit être un gène organisateur de la société moderne, pour que les femmes n'aient pas à accepter l'inacceptable.
Voilà, madame le député, ce que je souhaitais vous répondre en vous confirmant que le Gouvernement prendra toute sa part à ce combat qui dépasse la cause des femmes parce qu'il est celui de l'humanité tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE
M. le président. La parole est à M. Robert Lamy.
M. Robert Lamy. Ma question s'adresse à M. le ministre de la réforme de l'Etat.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé d'importantes mesures de simplification administrative en faveur des entreprises. Cependant, les chefs d'entreprise sont devenus méfiants et attendent des mesures concrètes. Leurs attentes sont multiples : permettre la création de PME dans un délai très bref, simplifier le bulletin de paie, éviter d'avoir à faire le calcul des cotisations chaque mois tant pour la déclaration que pour le paiement, simplifier les échéances de plusieurs déclarations sociales ou fiscales, éviter plusieurs transcriptions des mêmes informations, supprimer ou simplifier des obligations qui ne se justifient pas au regard des contraintes qu'elles entraînent, supprimer ou réduire les contraintes administratives qui freinent le développement de nouvelles activités.
Monsieur le ministre, les commerçants et artisans, qui souhaiteraient consacrer tout leur temps à leurs activités, sont excédés par la prolifération des formalités bureaucratiques. Que comptez-vous faire pour répondre à leurs attentes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le député, vous avez souligné que les chefs d'entreprise étaient méfiants lorsqu'on leur parlait de simplification. On les comprend : chat échaudé craint l'eau froide. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Pendant de nombreuses années, en effet, les plans de simplification qui ont été annoncés n'ont pas été traduits dans les faits. Or la réglementation, en France, est particulièrement pesante pour les entreprises. Nous avons donc décidé de nous attaquer dans la concertation à ce vaste problème, d'ailleurs dénoncé par tous ceux qui s'intéressent à la question de l'attractivité et de la compétitivité de notre territoire. Simplifier, c'est aussi agir pour l'emploi et pour l'attractivité de notre économie. (« C'est mal parti ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
Je donnerai deux exemples de simplification que nous allons essayer de mettre en oeuvre en étroites relations avec François Fillon. Le premier concerne les travailleurs indépendants du commerce et de l'artisanat. Il s'agit d'instaurer ce qu'on appelle le guichet social unique qui remplacera par un seul interlocuteur la pléthore d'organismes sociaux auxquels tous ces travailleurs indépendants ont affaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Le second touche à la vie quotidienne des entreprises. Il s'agit de mettre en place le titre emploi simplifié entreprise. (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Ce dispositif, sur le modèle du chèque emploi-service, permettra, branche par branche, aux très petites entreprises sur lesquelles pèse beaucoup plus lourdement encore le fardeau bureaucratique, de remplacer le bulletin de salaire et diverses formalités sociales par un seul titre. (« Très bien ! » sur les mêmes bancs.)
Monsieur le député, vous avez raison de le dire, nos entreprises ont besoin d'être libérées d'un grand nombre de freins. Ces freins, une fois levés, des emplois seront créés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
SITUATION EN ARGENTINE
M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou, pour le groupe socialiste.
M. Henri Nayrou. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères, mais il est retenu par une autre manifestation, à Malaga.
M. le président. Il ne s'agit pas d'une manifestation, mais d'une réunion ! (Sourires.)
M. Henri Nayrou. Ma question est donc destinée à tous les membres du Gouvernement, sauf à M. Loos. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Le Gouvernement se doit de respecter la représentation nationale et mon groupe, monsieur le président, demande donc à M. Loos de retirer ses propos, indignes d'un membre du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Le titre de député s'acquiert devant les électeurs et non devant lui ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. Yves Nicolin. Baratin ! Voleur de poules !
M. Henri Nayrou. Je reviens donc à ma question dont la gravité n'échappera à personne, pas même aux députés de la majorité.
M. Roberto Lavagna, ministre de l'économie de l'Argentine, est actuellement en mission pour chercher un soutien auprès de la France, de l'Espagne, de l'Italie, de l'Allemagne. Son pays doit, en effet, conclure au plus tôt avec le Fonds monétaire international l'accord qui, seul, peut lui permettre de relancer son activité et de porter secours à une population traumatisée par une crise économique brutale : croissance, moins 12 % ; chômage, plus 21 %, sans compter les 20 % d'Argentins qui se contentent d'expédients. Ce sont 53 % de la population qui vivent sous le seuil de pauvreté. La dénutrition frappe, bien sûr, les plus faibles : quatre enfants sont morts de faim il y a quelques jours à Tucuman et 260 000 autres seraient menacés, selon les chiffres officiels. Voilà le bilan désastreux d'un modèle qui a érigé la privatisation en système - constat qui renvoie à la question de M. Bataille (Exclamations sur les mêmes bancs) - et qui, c'est M. Lavagna qui le dit, a engendré la faim et la pauvreté pour conduire à l'écroulement financier du pays.
Peut-on, dans de telles conditions, laisser l'Argentine s'embourber et rejoindre le club des pays parias de la société économique internationale ?
Est-il admissible d'accepter sans réagir que le FMI subordonne son aide à une augmentation de 20 à 30 % des tarifs de services essentiels, comme l'eau, le téléphone ou l'électricité ? Est-il concevable de laisser des « machins » et des « trucs » jouer au gendarme du monde et exercer un droit de vie et de mort ?
M. Georges Tron. Vous n'y connaissez rien !
M. Henri Nayrou. Mesdames et messieurs du Gouvernement, ne nous dites pas ce que, en termes convenus, M. de Villepin a dû dire à M. Lavagna hier soir mais plutôt ce que vous allez faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Monsieur le député, la situation de l'Argentine est particulièrement dramatique. Vous avez oublié dans votre tableau les enfants qui meurent de faim. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Il faut savoir que chaque minute, près de cinquante personnes passent sous le seuil de pauvreté.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Henri Nayrou l'a dit !
M. le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Je me suis rendu au mois d'août en Argentine. M. Lavagna est aujourd'hui dans notre pays. Il a été reçu hier par M. Francis Mer, ce matin par le secrétaire général du Quai d'Orsay. Nous faisons confiance à l'économie argentine pour s'en sortir.
Nous avons besoin de soutiens internationaux, notamment celui des Européens, pour faire en sorte que le FMI tienne compte des avancées de Buenos Aires et respecte les autorités argentines pour développer leur pays.
Nous-mêmes avons là-bas des intérêts économiques majeurs puisque nous traitons l'eau de Buenos Aires, exploitons le téléphone sur la moitié du territoire et assurons 60 % de l'ensemble de la distribution, nos intérêts sont donc liés. En outre, il faut veiller au redressement de l'Argentine en raison du risque d'extension de la crise, par un effet de domino, à l'ensemble du continent : Uruguay, Paraguay, Brésil, Colombie, voire Equateur. La France est très attentive aux dispositions prises pour soutenir ce pays. J'ai eu l'occasion de dire à M. Duhalde, quand je l'ai rencontré au mois d'août, que la gestion des lignes budgétaires était une chose et que la compréhension des souffrances des peuples en était une autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Jean-Pierre Brard et M. Jack Lang. Très bien.
SITUATION DES DEMANDEURS D'ASILE
M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour le groupe UMP.
Mme Arlette Grosskost. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, porte sur la situation des demandeurs d'asile dans notre pays. C'est une question délicate qui doit concilier respect du droit et humanité. La gestion par le Gouvernement de l'épineux problème du centre d'hébergement de Sangatte est tout à son honneur. Il n'est pas dans son intention de faire prospérer l'immigration clandestine. Toutefois, à l'approche de l'hiver, il est impératif de reconsidérer la capacité d'accueil et d'hébergement d'urgence permettant à des populations souvent fragiles, dont des familles avec enfants, de supporter des conditions climatiques rigoureuses. Ainsi, dans le Haut-Rhin, département frontalier et point de passage naturel des demandeurs d'asile, la saturation des capacités d'hébergement est inquiétante. Face à ce problème immédiat, une réponse rapide et concrète doit être trouvée afin de désengorger les communes frontalières et plus particulièrement ma ville de Mulhouse.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous apporter des éléments d'information et nous donner quelque espoir quant aux solutions à court terme que le Gouvernement peut mettre en oeuvre dans ce domaine ?
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la députée, la question des demandeurs d'asile doit faire l'objet d'une approche à la fois efficace et humaine.
Pour qu'elle soit efficace, il faut réduire les délais d'instruction des dossiers, qui sont aujourd'hui beaucoup trop longs et qui expliquent pour une large part l'augmentation considérable de demandeurs dans notre pays. Aussi sommes-nous engagés dans un processus qui conduira très rapidement à une réduction importante de ces délais.
Pour qu'elle soit humaine, il faut offrir un hébergement digne, adapté aux besoins des demandeurs d'asile. Il est d'ailleurs intéressant de remarquer à cet égard que l'hébergement de tous les demandeurs d'asile a fait chuter de moitié les demandes d'asile dans un pays voisin, la Belgique. Depuis son entrée en fonction, le Gouvernement a créé 1 723 places auxquelles s'ajoutent 1 270 places d'urgence, dont près de 500 sont déjà occupées. En 2005, la capacité d'hébergement sera portée à plus de 17 000 places.
Nous poursuivons, mesdames et messieurs les députés, trois objectifs : d'abord, limiter le plus possible le recours aux expédients actuels que sont les centres d'hébergement et de réinsertion sociale - CHRS - ou les hôtels de fortune ; ensuite, répartir les centres d'accueil sur le territoire pour éviter que ne se forment de nouveaux Sangatte ; enfin, s'efforcer que ces centres soient de taille humaine - n'accueillant pas plus de quarante à cinquante personnes - et soient mis en place en relation étroite avec les élus locaux et les associations concernées.
Par ailleurs, nous allons transférer, à la fin de 2003, le dispositif national d'accueil à l'Office des migrations internationales, ce qui, compte tenu notamment des moyens dont il disposera, représentera un gage d'efficacité.
S'agissant du Haut-Rhin, madame la députée, nous avons décidé, en raison de la pression que vous venez d'évoquer et qui est extrêmement forte, d'augmenter par rapport à 2001 les crédits de 62 % en 2002, soit un peu plus de deux millions d'euros.
Nous voulons, en augmentant les crédits et les places d'hébergement, tout en réduisant les délais d'instruction des dossiers, faire en sorte que notre politique d'asile ne soit plus détournée de ses véritables objectifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
FORMATION PROFESSIONNELLE
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, pour le groupe UMP.
M. Jean-Michel Fourgous. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, la formation professionnelle, c'est l'investissement dans l'avenir. De la qualité de nos semailles dépendra l'abondance de nos moissons. (Applaudissements et sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Or, dans le domaine essentiel de l'économie, je crains que les récoltes ne soient maigres dans les années à venir. En effet, un avertissement sans précédent nous a été donné il y a quelques jours, qui résonne encore dans toutes les entreprises comme un coup de tonnerre : la France vient de perdre dix rangs dans le palmarès des pays les plus compétitifs. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Maxime Gremetz. Non, c'est pas vrai... (Sourires sur les mêmes bancs.)
M. Jean-Michel Fourgous. Dépenses publiques, 35 heures, loi de modernisation sociale, merci à nos collègues !
La France a les meilleurs produits du monde, les meilleurs services, les meilleurs ingénieurs, les meilleurs techniciens, les meilleurs ouvriers. (Sourires.) Mais faute de diriger les moyens publics consacrés à la formation là où il faudrait, par une approche plus stratégique, nous détruisons peu à peu notre savoir-faire national.
M. Maxime Gremetz. Vous êtes en retard !
M. Jean-Michel Fourgous. Avec plus de quatre-vingt-dix de mes collègues députés proches de l'entreprise au sein de Génération Entreprise, nous tentons vraiment de résoudre le problème culturel qui handicape notre pays depuis des décennies. La culture dirigeante actuelle, mesdames et messieurs les députés, valorise trop le brio intellectuel par rapport à la compétence professionnelle.
M. Michel Delebarre. Il faut supprimer l'ENA !
M. Jean-Michel Fourgous. Cette culture, si elle favorise sans doute l'administration et les grandes entreprises, pénalise nos PME. Or ce sont elles le moteur de l'économie française : elles sont la solution au problème de l'emploi et elles font vivre les territoires. Ne nous y trompons pas, les besoins de l'entreprise sont prioritaires.
M. Bruno Le Roux. Ce n'est pas une question, mais un manifeste !
M. le président. Monsieur Fourgous, veuillez poser votre question !
M. Jean-Michel Fourgous. J'y arrive.
M. le président. Je suis libéral mais j'applique le règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Je répète, monsieur Fourgous, quelle est votre question ?
M. Jean-Michel Fourgous. Monsieur le ministre, vous devez faire un choix culturel qui est un choix de société. Notre gouvernement doit combler ce décalage et réorienter les crédits de formation professionnelle vers les besoins des entrepreneurs.
M. Bruno Le Roux. Ce n'est pas une question !
M. le président. Monsieur Fourgous,...
M. Jean-Michel Fourgous. La France a rétrogradé de dix places.
M. Maxime Gremetz. Encore ? Pas possible !
M. le président. ... je vous remercie.
M. Jean-Michel Fourgous. En bref, la question...
M. le président. Monsieur Fourgous, vous n'avez plus la parole. Le règlement est le même pour tous.
La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Pierre Cardo. Il est difficile de répondre à une question qui n'a pas été posée !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur Fourgous, vous avez raison de vouloir mettre la formation professionnelle au coeur du débat...
M. Michel Delebarre. Quelle était la question ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Elle est à la fois la seule réponse aux mutations industrielles que nous connaissons et le meilleur outil pour mieux placer la France dans la bataille de la mondialisation.
M. Michel Delebarre. En tout cas, la réponse est bonne !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'organisation de la formation professionnelle dans notre pays aujourd'hui mérite d'être optimisée. Le foisonnement des offres, l'importance du budget qui y est consacré - plus de 20 milliards d'euros - justifient les réformes que le Gouvernement est en train de préparer.
Elles s'articulent autour de deux idées principales. D'abord, nous pensons que les partenaires sociaux sont les mieux placés...
M. Maxime Gremetz. Oui, ils sont dans la rue !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... pour orienter les demandes de formation et faire en sorte que la formation professionnelle soit appréhendée davantage comme un service que comme un marché.
M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Notre seconde conviction, c'est que les collectivités locales, en particulier les régions, doivent voir leurs responsabilités accrues. Nous devons aller jusqu'au bout du processus de décentralisation dans ce domaine, ce qui suppose notamment que les partenaires sociaux s'organisent au plan régional pour devenir les interlocuteurs des collectivités locales.
Le Gouvernement avait demandé aux partenaires sociaux d'engager une négociation sur la réforme de la formation professionnelle, ils viennent de répondre positivement. Ils vont donc se mettre autour de la table pour nous permettre notamment de tenir l'engagement du Président de la République et de la majorité, c'est-à-dire l'assurance emploi qui est véritablement la seule bonne réponse aux inquiétudes qui naissent des restructurations industrielles et de la mondialisation.
M. le président. La séance des questions au Gouvernement est terminée.
La séance est suspendue.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Marc-Philippe Daubresse.)
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE
M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée nationale tiendra jusqu'au vendredi 13 décembre 2002 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents. Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.
Par ailleurs, la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République aurait lieu demain mercredi 4 décembre, immédiatement après les questions au Gouvernement.
NOMINATION D'UNE DÉPUTÉE
EN MISSION TEMPORAIRE
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger Mme Arlette Franco, députée des Pyrénées-Orientales, d'une mission temporaire, dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 144 du code électoral auprès de M. le secrétaire d'Etat au tourisme.
Cette décision a fait l'objet d'un décret publié au Journal officiel du 26 novembre 2002.
RAPPELS AU RÈGLEMENT
M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, quitter l'hémicycle n'est pas pour nous une habitude. Ce n'est pas un geste si facile que nous souhaiterions le renouveler fréquemment. En effet, nous ne sommes pas des partisans de la politique de la chaise vide.
Mes collègues du groupe socialiste, ceux qui sont sortis comme ceux qui sont restés, ont été profondément choqués par les propos de M. Loos qui nous a accusés d'avoir une attitude inqualifiable, d'être indifférents à la misère, à la maladie, à la mort des enfants du tiers monde. Ces propos sont inacceptables de la part d'un membre du Gouvernement. Deux dérapages de la part de ministres dans la même journée, c'est quand même beaucoup !
Je vous demande donc, monsieur le président, de faire part de notre indignation au Gouvernement. Il conviendrait que le Premier ministre veille à ce que les interventions des ministres soient dignes de l'Assemblée nationale et respectent les députés de l'opposition qui sont aussi légitimes que les autres, car ils ont été élus au suffrage universel et représentent, eux aussi, une partie du peuple français.
J'ai d'ailleurs saisi M. le président de l'Assemblée nationale de cet incident que j'estime grave, en lui demandant d'inscrire cette question à l'ordre du jour du bureau de l'Assemblée nationale afin que tout soit fait, - notamment de sa part, même si tout le monde a un rôle à jouer en la matière - pour que règne ici un climat de tolérance et que ne se développe pas davantage l'attitude très dure, très intolérante, d'une majorité qui, certes, est nombreuse, mais qui n'a aucune raison de se comporter ainsi. La démocratie n'a rien à y gagner.
M. Céleste Lett. Assez de leçons !
M. Jean-Marc Ayrault. C'est pourquoi je suis, au nom de mon groupe, décidé à être vigilant à cet égard et j'émets, cet après-midi, la plus vive protestation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. Je prends acte de votre rappel au règlement. Votre message sera transmis.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, vous l'imaginez, ce rappel se fond sur l'article 58, alinéa 1 (Sourires), que l'on pourrait d'ailleurs utilement compléter.
M. Michel Delebarre. Exactement !
M. Jean-Pierre Brard. Mais ce n'est pas mon propos aujourd'hui. En effet, mon intervention concerne le déroulement de nos travaux sur le projet de loi constitutionnelle, car il s'est produit, dans la nuit de vendredi à samedi, un incident extrêmement grave.
Chacun connaît l'extrême modération du président de la commission des finances, M. Méhaignerie. Nous sommes même nombreux à le trouver beaucoup trop modéré. (Sourires.) Il avait fait adopter, par la commission des finances, un amendement intéressant mais, contre toute attente, le Gouvernement a émis un avis défavorable. Certes, c'est son droit le plus strict, mais cela pose un problème quant au déroulement de nos travaux et conforte les inquiétudes de certains d'entre nous quant à la volonté du Gouvernement de tout mettre en oeuvre pour abréger le débat et empêcher toute navette avec le Sénat. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Jean-Pierre Soisson. Pendant cinq ans, vous étiez au pouvoir !
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, nous nous interrogeons donc vraiment sur les motivations réelles du Gouvernement surtout à propos de l'article 3 qui tend à priver notre assemblée d'une partie de ses pouvoirs. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Philippe Vuilque. Oui, c'est scandaleux !
M. Céleste Lett. Nous avons perdu assez de temps !
M. Jean-Pierre Brard. Il permet en effet de saisir le Sénat en priorité, mais le Gouvernement ne nous a toujours pas indiqué clairement si priorité signifiait ou non exclusivité. A cet égard, le rejet de l'amendement de la commission des finances nous fait craindre que notre interprétation soit la bonne.
Une telle attitude hypothèque beaucoup la qualité de nos débats dans la mesure où on s'interroge légitimement sur les intentions du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
M. Augustin Bonrepaux. Mon rappel au règlement se fonde sur les articles 98 et 91 de notre règlement, dont le premier traite du droit d'amendement.
L'autre jour, M. le ministre délégué a déclaré : « Les questions de M. Bonrepaux veulent avoir un caractère lancinant pour participer de l'obstruction que pratique son groupe. » Je voudrais donc qu'il cite des amendements ou des questions émanant de moi, qui n'étaient pas en relation avec le texte.
Il est vrai que je l'ai interrogé sur le sens du mot « déterminant ». Or, après sa réponse, je ne suis pas plus avancé. Et si quelqu'un est capable de l'expliquer, qu'il le fasse.
M. Jean-Pierre Soisson. Le Littré !
M. Didier Migaud. Vous ne savez pas ce que c'est !
M. Augustin Bonrepaux. Il est également vrai que j'ai posé aussi des questions relatives au transfert des compétences. Je voulais notamment savoir si l'on pouvait être certain qu'il ne se traduira pas par une augmentation des impôts locaux.
Il est encore vrai que j'ai formulé des interrogations quant à la péréquation et à la revalorisation des bases. Tout cela n'est-il pas en rapport avec le texte que nous examinons ?
D'ailleurs, M. le ministre délégué lui-même a indiqué plus tard : « Le Gouvernement a le devoir de répondre aux questions en relation directe avec le texte en discussion. »
M. Jean-Pierre Soisson. Le Littré ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Augustin Bonrepaux. Mes questions n'étaient-elles donc pas en relation avec le texte ?
C'est pourquoi, monsieur le président, je demande que, en application de l'article 91, la commission se réunisse pour examiner les amendements qui vont venir en discussion.
M. Jean-Pierre Soisson. Le Littré ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Augustin Bonrepaux. En effet, l'autre jour, sur un article extrêmement important qui tend à dessaisir l'Assemblée nationale d'une partie de ses compétences, qui tend à dessaisir la représentation nationale, donc le peuple d'une partie de ses compétences,...
M. Didier Migaud. Article scélérat !
M. Augustin Bonrepaux. ... on nous a opposé le fait que des amendements n'avait pas été examinés par la commission.
M. Philippe Vuilque. Scandaleux !
M. Augustin Bonrepaux. En conséquence on ne nous a pas répondu à des questions qui étaient pourtant en relation directe avec le texte, par exemple pour savoir si, à partir du moment où l'amendement de la commission des finances n'a pas été retenu, les textes concernant l'aménagement du territoire seraient prioritairement soumis au Sénat ou pourraient être d'abord déposés à l'Assemblée nationale.
M. Michel Delebarre. Ah oui !
M. Jean-Pierre Soisson. Le Littré. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Augustin Bonrepaux. Nous n'avons pas pu discuter l'amendement en cause, parce que le Gouvernement a opposé la Constitution et que le président de la commission des finances a indiqué que, le texte n'ayant pas été examiné en commission des finances, il n'y avait pas lieu d'en délibérer.
Nous ne sommes pas devant une loi ordinaire ; il s'agit d'une réforme de la Constitution. Cela mérite de prendre le temps d'examiner les amendements de la commission des finances. Voilà pourquoi, monsieur le président, je demande que celle-ci se réunisse.
M. le président. Monsieur Bonrepaux, j'ai pris acte de votre demande. Si M. le président de la commission des finances veut réunir la commission, il ne tient qu'à lui de le faire. Revenons à notre ordre du jour. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Soisson. Le président a raison !
Mme Ségolène Royal. Je demande la parole pour un rappel au réglement.
M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal, pour rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Soisson. De règlement en règlement, c'est le dérèglement !
M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal et à elle seule.
Mme Ségolène Royal. Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58, alinéa 1, qui régit le déroulement de la discussion parlementaire.
Hier soir, sur une radio, le président de notre Assemblée a déclaré que la réforme de la décentralisation n'avait pas besoin de décision constitutionnelle...
M. Didier Migaud. Déclaration très pertinente !
Mme Ségolène Royal. ... et que la prééminence accordée au Sénat, avec le soutien du Gouvernement, posait problème au regard des institutions de la Ve République.
M. Didier Migaud et M. Jean-Marc Ayrault. Et à raison !
Mme Ségolène Royal. Compte tenu de ces remarques judicieuses, le Gouvernement ne pourrait-il envisager la suspension de l'examen de ce texte...
Plusieurs députés du groupe socialiste. Absolument !
Mme Ségolène Royal. ... afin de saisir l'Assemblée nationale de lois simples de décentralisation, comme nous le demandons depuis un certain temps, suivies des lois organiques sur l'expérimentation et de textes sur les transferts financiers ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Didier Migaud. Tout à fait !
M. Jérôme Bignon. C'est l'obstruction délibérée ! L'exception d'irrecevabilité, c'est un début de discussion !
Mme Ségolène Royal. Nous pourrions ainsi voir ensemble si la décentralisation la plus opérationnelle et la plus conforme à l'intérêt général ne pourrait pas relever de lois simples,...
M. Jean-Marie Le Guen. Voilà qui est parfaitement fondé !
Mme Ségolène Royal. ... quitte à reprendre cette discussion dans un second temps, si un obstacle constitutionnel venait à surgir. En d'autres termes, commençons par remettre la France à l'endroit, en nous occupant d'abord de la décentralisation et des transferts financiers ; nous verrons ensuite si une réforme de la Constitution est nécessaire.
La création du président de l'Assemblée dépasse nos clivage politiques. Je demande donc au Gouvernement de bien vouloir suspendre les travaux en cours...
M. Jean-Pierre Soisson. Sérieusement, non !
M. Jean-Marie Geveaux. Ce n'est pas sérieux !
Mme Ségolène Royal. ... afin que nous puissions examiner d'abord les lois simples de décentralisation, la loi organique et les lois de transferts financiers. Nous sommes évidemment prêts à siéger aussi longtemps que nécessaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Mme Marylise Lebranchu. Très bien !
M. Jérôme Bignon. Non !
M. le président. Il est pris acte de votre demande et nous en revenons à notre ordre du jour. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, Mme Royal a posé une question très importante. Je note que le Gouvernement n'est pas décidé à répondre. En l'absence du Premier ministre, actuellement en Espagne, la sagesse commande de suspendre cette séance afin que nous puissions lui exposer nos arguments, largement partagés sur plusieurs bancs de cette assemblée, à gauche comme dans une partie de la majorité.
M. Jean-Marie Le Guen. Et même par la présidence !
M. Jean-Pierre Soisson. Le Premier ministre s'est déjà exprimé !
M. Lionnel Luca. C'est risible !
M. Jean-Marc Ayrault. Il est vrai que les déclarations du président de l'Assemblée nationale ont créé un fait politique nouveau. En tout état de cause, monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.
M. Jean-Pierre Soisson. Non !
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Rappel au règlement
M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Le troisième !
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, les cinq minutes de suspension de séance que vous nous avez accordées ont permis au groupe socialiste de se réunir, certes brièvement, mais évidemment pas au Premier ministre de revenir d'Espagne afin que nous l'entendions... Cela dit, les ministres présents ont certainement eu le temps de l'appeler au téléphone et nous serions désireux de connaître la réponse du Gouvernement à nos demandes.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement souhaite la poursuite des débats.
Mme Michèle Tabarot. Bravo !
M. Michel Delebarre. C'est succinct !
ORGANISATION DÉCENTRALISÉE
DE LA RÉPUBLIQUE
Suite de la discussion d'un projet de loi
constitutionnelle adopté par le Sénat
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n°s 369 et 376).
Discussion des articles (suite)
M. le président. Vendredi soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles et s'est arrêtée, au sein de l'article 6, à quatre amendements pouvant être soumis à une discussion commune, n°s 110 rectifié, 192, 137 rectifié et 191.
Article 6 (suite)
M. le président. Je rappelle les termes de l'article 6 :
« Art. 6. - Après l'article 72 de la Constitution, il est inséré un article 72-2 ainsi rédigé :
« Art. 72-2. - Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.
« Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine.
« Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre.
« Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création de nouvelle compétence est accompagnée de ressources déterminées par la loi.
« La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à compenser les inégalités entre collectivités territoriales. »
Avant d'en venir aux amendements, je rappelle que le groupe socialiste a demandé des scrutins publics sur le vote de l'amendement n° 192, des sous-amendements n°s 233 à 239, des amendements n°s 191, 194, 193, 195, 196, 197 rectifié, 198 et 199, et de l'article 6.
Ces scrutins sont annoncés dans le palais.
L'un de ces amendements fait l'objet de six sous-amendements, qui font eux-mêmes chacun l'objet d'un scrutin public.
Nous allons procéder de la façon suivante : j'appellerai successivement les quatre amendements dont deux sont identiques.
Je demanderai l'avis de la commission, puis l'avis du Gouvernement sur ces quatre amendements.
Nous procéderons ensuite aux votes sur les deux premiers amendements.
Puis, s'il y a lieu, nous examinerons les sous-amendements aux amendements identiques. Nous procéderons au vote de ces sous-amendements au fur et à mesure de leur discussion, puis au vote des deux amendements identiques.
Nous arrivons aux quatre amendements pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement n° 110 rectifié, présenté par M. Brard, est ainsi rédigé :
« Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution, substituer aux mots : "une part déterminante les mots : "75 % au moins. »
L'amendement n° 192, présenté par MM. Balligand, Bonrepaux, Migaud et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
« Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution, substituer aux mots : "une part déterminante, les mots : "plus de 50 %. »
Les deux autres amendements sont identiques.
L'amendement n° 137 rectifié est présenté par M. de Courson, Mme Comparini, M. Albertini et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés ; l'amendement n° 191 par MM. Balligand, Bonrepaux, Migaud et les membres du groupe socialiste.
« Ces deux amendements sont ainsi rédigés :
« Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution, substituer au mot : "déterminante, le mot : "prépondérante. »
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 110 rectifié.
M. Jean-Pierre Brard. Messieurs les ministres, je vous soupçonne d'avoir plutôt appelé M. Francis Mer et M. Lambert que M. Raffarin : la brièveté de la communication téléphonique que vous avez eue, à en juger à la teneur de vos propos, témoigne à n'en pas douter de votre souci de ne pas aggraver les déficits publics ! (Rires.)
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre délégué aux libertés locales, la langue française est réputée à juste titre pour la grande richesse de son vocabulaire. Nous en devisons du reste souvent avec notre collègue M. Piron.
M. Xavier de Roux. Le français est une langue concise, monsieur Brard ! Prenez exemple !
M. Jean-Pierre Brard. Vous n'avez vraisemblablement pas lu Proust, mon cher collègue et vous avez bien tort.
Quoi qu'il en soit, monsieur le président, j'aimerais poursuivre mon propos.
M. le président. Monsieur de Roux, laissez s'exprimer M. Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Il serait possible de discuter à perte de vue de l'adjectif « déterminante » utilisé dans le projet pour caractériser la part des ressources des différentes catégories de collectivités territoriales provenant des recettes fiscales, des autres ressources propres et des dotations reçues d'autres collectivités territoriales. Cette part pourrait tout aussi bien être définie comme « prépondérante », « essentielle » ou « massive » ; mais, même avec ces adjectifs, nous ne serions pas, reconnaissons-le, davantage renseignés, quand bien même nous appellerions Larousse, Littré ou Robert, voire Alain Rey à la rescousse pour sélectionner le terme le plus approprié !
Aussi mon amendement n° 110 rectifié vous propose-t-il de quitter le terrain littéraire pour celui des chiffres, plus rude et plus froid, j'en conviens volontiers, et de fixer à 75 % au moins le niveau des ressources propres de nature à assurer l'autonomie financière des collectivités territoriales.
M. Xavier de Roux. Ce sont des coquecigrues !
M. Jean-Pierre Brard. Mon cher collègue, au moins pouvez-vous honorer d'avoir du vocabulaire et des références sémantiques. Ce n'est pas toujours le cas de vos amis ni parfois même des membres du Gouvernement, on l'a vu tout à l'heure. (Sourires.)
On pourra m'objecter un inconvénient majeur : l'introduction d'un élément chiffré peut certes nous mettre en décalage sensible avec l'état actuel des choses. Mais, après tout, ce ne serait pas la première fois qu'une disposition constitutionnelle ou du bloc de constitutionnalité fixerait des objectifs qui ne sont pas encore atteints. Ainsi en est-il des droits, pour ne citer que cet exemple.
Cette formulation a en revanche un avantage en ce qu'elle fixe un objectif clair, avec bien évidemment l'effet de cliquet évoqué par le rapporteur de la commission des finances, notre excellent président, Pierre Méhaignerie, dont j'évoquais tout à l'heure le mauvais sort que lui a fait le Gouvernement. Il serait dommage d'en rester à de vagues déclarations d'intention dont le flou pourrait donner à penser que le dogme de la baisse des impôts l'emporterait sur le principe de l'autonomie financière des collectivités territoriales. L'adoption de cet amendement lèverait toute ambiguïté à cet égard.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour soutenir l'amendement n° 192.
M. Jean-Pierre Balligand. L'amendement n° 192 est de la même veine, quoique tempéré par la modération qui me caractérise ainsi que tout le groupe socialiste. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) L'idée en est assez simple. Le terme « déterminant » n'est pas satisfaisant. Ainsi que de nombreux orateurs l'ont déjà dit, il fait courir le risque de recours à répétition devant le juge constitutionnel auquel il reviendra dès lors d'arrêter une définition de la « part déterminante », appelée à évoluer dans le temps au gré de la jurisprudence ; ce qui, pour les collectivités, ne résout en rien la question de fond posée.
C'est la raison pour laquelle, tirant enseignement des discussions qui depuis plusieurs années ont eu lieu sur cette question, je propose avec Augustin Bonrepaux et mes collègues d'arrêter un taux d'au moins 50 % de ressources propres, ce qui permettra, tout en respectant l'esprit du projet gouvernemental que le Sénat a accepté, de dissiper le flou de la notion de « part déterminante » et de répondre au souci des collectivités.
M. Xavier de Roux. On ne peut tout de même pas inscrire un pourcentage dans la Constitution !
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre l'amendement n° 137 rectifié.
M. Charles de Courson. Mes chers collègues, cet amendement, présenté par le groupe UDF, ne fait que reposer, une fois de plus, la question de savoir ce qu'est l'autonomie financière des collectivités territoriales.
M. Michel Delebarre. Belle question !
M. Charles de Courson. Il y a, dans toute la classe politique française, un consensus sur l'idée qu'une réelle autonomie financière suppose que les ressources propres représentent une part prépondérante, c'est-à-dire, à nos yeux, au moins majoritaire de l'ensemble des ressources,...
M. Jean-Pierre Brard. Mais que signifie majoritaire ?
M. Charles de Courson. ... lesdites ressources propres englobant les ressources fiscales mais également les revenus du domaine, la rémunération de services rendus, bref, tout ce qui dépend des organes délibérants dans la fixation de leur assiette et surtout de leur taux ou de leur prix.
Le groupe UDF, avait posé, pour préparer la loi organique, une série de questions au Gouvernement, reprises sous forme d'amendements, pour définir les différents concepts.
Qu'est-ce que les ressources fiscales ? Ça paraît simple, ça ne l'est pas du tout. Les dégrèvements font-ils partie des ressources fiscales ? Il nous semble que oui tant leur taux reste de la compétence de l'organe délibérant. Si le taux est stabilisé, ce n'est plus un dégrèvement, ce n'est plus une ressource fiscale.
Il est écrit dans le texte : « l'ensemble des ressources des collectivités ». Qu'est-ce que cela veut dire ? Quel est le statut, par exemple, des emprunts ? Ils constituent, certes, des ressources propres au moment où ils sont souscrits, mais comme ils sont remboursés par des ressources propres, ils ne peuvent pas en constituer une. Nous avions déposé un amendement sur ce point.
M. Jean-Pierre Brard. Et le paiement des services ?
M. Charles de Courson. Nous pensons que le danger - et ce débat a déjà eu lieu au Sénat - qu'il y aurait à utiliser le terme « déterminante », c'est qu'on inscrirait dans la Constitution la jurisprudence constitutionnelle née du fameux débat, au cours duquel nous avions dit - nous étions alors dans l'opposition - au gouvernement socialiste : la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation est une atteinte à la libre administration des collectivités territoriales. Hélas ! Le Conseil constitutionnel - mais il est souverain dans son appréciation -, a considéré qu'on n'était pas descendu en dessous du seuil permettant de juger qu'il y avait atteinte à la libre administration. On était, à l'époque, à 34 % non pas de ressources propres, contrairement à ce qui est souvent dit, mais de ressources fiscales propres, ce qui n'est pas la même chose.
J'ai utilisé les comptes des administrations locales et procédé à un calcul par blocs de catégories - puisque c'est ce que nous propose le texte -, c'est-à-dire communes, départements, régions. Je me suis d'abord heurté à un petit problème méthodologique pour les communes : tient-on compte de l'intercommunalité ? Tel qu'est rédigé le texte, on comprend que c'est plutôt non, mais on n'en est pas sûr. Vous me direz qu'on pourra toujours compléter cela dans la loi organique. Nous avions déposé aussi un amendement sur ce sujet. Mais même avec des comptes consolidés, on est largement au-dessus de 50 %, actuellement, il n'y a donc pas de problème. Pas plus que pour les départements, mais là, grâce aux ressources autres que fiscales, que l'on tienne compte des 8 milliards d'euros de dégrèvements ou non.
En revanche, on voit poindre un début de problème pour les régions. En outre, on risque fort d'éprouver des difficultés d'interprétation pour les autres catégories de collectivités territoriales. Le calcul sera-t-il fait pour Wallis-et-Futuna seul, ou pour l'ensemble des TOM ?
M. Didier Migaud. Très bonne question !
M. Charles de Courson. Les territoires à statuts spéciaux constitueront-ils chacun une catégorie ? La loi organique devra définir tout cela mais il importe que nous en discutions dès maintenant.
Reste à choisir entre « prépondérante » et « déterminante ». Il ne serait pas de bonne méthode législative d'user d'un terme jurisprudentiel car cela signifierait que nous nous en remettons au Conseil constitutionnel pour fixer le seuil à partir duquel l'autonomie financière des collectivités territoriales n'est plus respectée.
M. Philippe Vuilque. Très bien !
M. Charles de Courson. C'est à nous d'en décider. D'ailleurs, c'était la position du Sénat en commission où il avait retenu le terme « prépondérante ». Ce n'est qu'en séance publique, après un long débat, qu'il a accepté de revenir au texte initial du Gouvernement.
Mes chers collègues, soyons clairs et précis. Si vous votez l'amendement du groupe UDF, pour revenir au mot « prépondérante », cela veut dire que le taux de ressources propres sera de 50 %, mais toutes ressources confondues, non pas simplement les ressources fiscales, et qu'on sort les emprunts du calcul. Vérifiez-le vous-même : avec une telle définition, et en excluant les emprunts, je le répète, cela correspond à ce qui est constaté actuellement pour toutes les collectivités, y compris les régions.
Restera à définir avec précision les autres catégories dans la loi organique.
Voilà ce que propose le groupe UDF : que ce que nous votons ait une réelle portée !
M. Bernard Roman. C'est la moindre des choses !
M. Charles de Courson. Car, mes chers collègues, en gardant le mot « déterminante », nous ne savons pas ce que nous votons, et c'est bien là le problème !
M. Bernard Roman. Eh oui !
M. Charles de Courson. Il faut donc revenir à l'idée qu'avait eue le Sénat...
M. Michel Delebarre. Il a raison !
M. Charles de Courson. ... et qui me paraît pleine de sagesse.
M. Bernard Roman. Il est convaincant !
M. Charles de Courson. Voilà, pourquoi le groupe UDF vous propose de retenir le terme « prédominante ».
M. le président. La parole est à M. Balligand, pour défendre l'amendement identique, n° 191.
M. Jean-Pierre Balligand. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur ces quatre amendements.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Les amendements qui viennent d'être soutenus tendent à modifier un texte qui aurait dû, selon moi, soulever un mouvement d'enthousiasme dans la représentation nationale. En effet, pour la première fois, il serait prévu dans la Constitution que les recettes fiscales et autres ressources propres des collectivités locales devraient représenter une part déterminante de leurs ressources.
M. Didier Migaud. Cela ne veut rien dire !
M. Bernard Roman. Même dans une recette de cuisine, on ne lirait pas cela !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Tout à l'heure, le président du groupe socialiste a donné une leçon - et je ne lui donne ni tort ni raison - à l'opposition.
M. Jean-Pierre Brard. A la majorité !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Oui, à la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Brard. Vous n'aurez pas le temps de vous y habituer !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Alors, je vous demande de ne pas vous conduire comme vous l'avez fait au cours des séances précédentes, couvrant systématiquement de vos cris tous les propos tenus par des membres de la majorité, en particulier par les présidents des commissions des finances et des lois. Essayons de faire preuve d'un minimum de compréhension.
M. Jean-Marc Ayrault. C'est juste !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. On peut ne pas être d'accord, mais si on n'écoute pas, il n'y a aucune chance qu'on puisse être convaincu.
M. Michel Delebarre. Vous entendre est toujours un plaisir !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je le répète : c'est la première fois que nous aurons une base juridique pour mettre un terme à une dérive commencée il y a de nombreuses années et qui s'est accélérée depuis cinq ans, faisant passer la part des ressources fiscales propres des collectivités territoriales - en cinq ans ! - de 52 % à 45 % de leurs ressources totales.
Pour stopper cette dérive, les collectivités territoriales et leurs élus n'avaient qu'un moyen : la saisine du Conseil constitutionnel par soixante députés ou soixante sénateurs. Jusqu'à présent, il faut bien constater que sa jurisprudence ne leur a pas été d'un grand secours. Il s'est surtout attaché à vérifier, à chaque fois, que les collectivités n'étaient pas affectées au point que leur libre administration en soit entravée - les termes sont assez vagues. Le Conseil constitutionnel a ainsi admis la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation...
M. René Dosière. Eh oui !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... alors qu'elle amputait de 22,5 % les recettes de fiscalité directe perçue par les régions. Même dans un pareil événement - la perte de près du quart des recettes des régions ! -, le Conseil constitutionnel ne fut d'aucun secours.
Notre proposition constitue une innovation considérable.
M. Bernard Roman et M. Augustin Bonrepaux. Cela ne changera rien !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Bien sûr que cela changera tout, puisque nous aurons une base juridique solide pour saisir le Conseil constitutionnel !
M. Philippe Vuilque. Mais qu'est-ce que veut dire « déterminante » ?
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Nous ne pourrions pas ne pas avoir satisfaction en précisant cela dans la Constitution,...
M. Augustin Bonrepaux. Vous ne pouvez pas le faire !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... du moins, c'est ce que pense le Gouvernement, et c'est, en tout cas, ce que pensent le rapporteur et la commission des lois.
Deuxièmement, je m'adresse à vous en particulier, monsieur de Courson, quelles sont les ressources ? Vous avez, très légitimement, affirmé que le texte s'appuyait sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Mais c'est vrai, on peut se demander de quoi il s'agit. On peut être sûr, en tout cas, qu'il ne s'agit pas de ce que vous dites, à savoir que les ressources sont déjà prépondérantes puisque, dans les 50 %, vous rajoutez l'emprunt.
M. Charles de Courson. Non ! C'est l'inverse !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Imaginez donc qu'un homme sans ressources obtienne - miraculeusement ! - de son banquier qu'il lui prête deux millions. Pourrait-on prétendre qu'il est riche ? Peut-on être riche de sa dette ? Or un emprunt, c'est une dette. Je mets de côté cet argument de M. de Courson. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Jean-Pierre Brard. Vous commettez un contresens !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. C'est à croire que c'est vous qui avez déposé l'amendement ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Brard. Non, mais nous l'avons compris !
M. René Dosière. Nous avons déposé le même !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Tolérez que je m'adresse à M. de Courson pour respecter l'ordre chronologique. Et faites votre profit de mes explications !
Par « impositions de toute nature », la jurisprudence du Conseil constitutionnel a estimé qu'il fallait entendre : « les impôts, quelle que soit leur dénomination, qui sont des prélèvements pécuniaires définitifs, requis par l'autorité publique, des personnes physiques et morales, d'après leur faculté contributive et sans contrepartie déterminée ; les cotisations de sécurité sociale perçues au profit d'organismes privés et instituées par voie législative ; les taxes et redevances. Peuvent également être qualifiés d'impositions de toute nature certains types de prélèvements obligatoires recouvrés dans des conditions particulières, telles que les redevances d'espaces verts ou les taxes de défrichement. »
Outre ce que nous comprenons tous spontanément, voilà ce que l'on peut considérer comme faisant partie des recettes fiscales des collectivités territoriales. Il est clair qu'on n'arrive pas ainsi à une part « prépondérante » !
Retenons l'hypothèse où votre amendement serait adopté. Que se passerait-il ? La conséquence immédiate serait que nous mettrions immédiatement une grande partie des collectivités territoriales hors du périmètre prévu par la Constitution...
Mme Anne-Marie Comparini. Mais non !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... parce qu'elles ne sont plus autonomes, de façon prépondérante. Pour qu'elles le soient, il n'y aurait qu'une solution, et je vous demande d'y réfléchir avant de maintenir votre amendement,...
M. Michel Delebarre. On est en dehors du texte !
M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. ... il faudrait que le Gouvernement réduise brutalement ses dotations, afin que les recettes des collectivités deviennent... « prépondérantes » ! Ce serait le comble ! Il faudrait que l'Etat nous aide de moins en moins pour résoudre le problème posé par le choix du mot « prépondérante » ! C'est bien dire que toute philosophie, toute part de rêve - légitime - mises de côté, votre proposition n'est tout simplement pas réaliste. Quant à fixer un chiffre, ça ne l'est pas plus : toute Constitution qui ôterait de la souplesse - quel que soit le gouvernement - risque fort de ne pas être respectée ou bien d'empêcher tout progrès.
Par conséquent, il est fondamental de maintenir un minimum de souplesse tout en nous préservant de la dérive que nous connaissons depuis tant d'années et, singulièrement, je le répète, depuis cinq ans, l'Etat supprimant des recettes fiscales propres des collectivités locales et les remplaçant par des dotations indexées toujours à son profit et non au leur. Nous le faisons, c'est une première, et je m'étonne que, ici, où nous sommes nombreux à être élus locaux, on ne s'en réjouisse pas plus. Seriez-vous amnésiques, mes chers collègues ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Jean-Pierre Brard. Toujours aussi désobligeant !
M. Bernard Roman. Surtout pour M. de Courson.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. Je remercie le président de la commission des lois qui a très clairement expliqué les motivations du texte.
M. Jean-Pierre Brard. Parce que vous avez compris, vous ?
M. le garde des sceaux. Je voudrais tout de même revenir succinctement sur ce qui me paraît essentiel.
En premier lieu, il ne faut pas inscrire dans la Constitution des dispositifs qui placeraient instantanément telle ou telle catégorie de collectivités territoriales en situation d'inconstitutionnalité - sous réserve, si je vous ai bien compris, monsieur de Courson, de calculs qui devraient être précisés - mais ce n'est plus du domaine de la Constitution.
En deuxième lieu, « déterminante » signifie, dans le contexte, « ce qui permet la libre administration », il ne me paraît pas inutile de le rappeler.
Troisièmement, je l'ai dit à la tribune, il y a quelques jours, en présentant le texte, le Gouvernement propose, d'une part, de fixer un objectif constitutionnel - arriver à ce que l'ensemble des collectivités territoriales bénéficie d'une fiscalité déterminante et permettant leur libre administration - et, d'autre part, de suivre une méthode qui sera explicitée, en effet, dans la loi organique, pour parvenir progressivement à cet objectif constitutionnel.
C'est un véritable changement dans notre pratique législative que nous proposons. Il est réaliste, parce que nous partons de ce qui existe. Nous fixons un objectif et nous proposons une méthode.
Voilà pourquoi le Gouvernement est opposé aux amendements qui viennent d'être présentés.
M. le président. La parole est à M. René Dosière.
M. René Dosière. Les explications du garde des sceaux et du rapporteur n'ont pas beaucoup éclairé le débat.
Le garde des sceaux, d'ailleurs, n'a fait que répéter les propos de son collègue, ministre délégué aux collectivités locales, qui nous expliquait, je me réfère au compte rendu analytique de nos précédentes séances, que par « part déterminante », il faut entendre que « la part des ressources propres doit être telle qu'elle assure la liberté des collectivités. »
Nous sommes d'accord sur cet objectif mais je fais observer que, chaque fois que le Conseil constitutionnel a été saisi parce que les recettes fiscales des collectivités locales étaient diminuées et remplacées par des compensations, il a reconnu que la liberté des collectivités locales ne s'en trouvait pas mise en cause.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. C'est bien pour cela qu'il faut faire quelque chose !
M. René Dosière. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'on écriva « déterminante » qu'on aidera le Conseil constitutionnel.
Pour ma part, j'ai cherché la définition du mot déterminant dans le dictionnaire de l'Académie française.
A « déterminant », j'ai trouvé : « qui détermine » (Rires.) A la page suivante, à « déterminer » : « définir avec précision ».
Ce qui importerait, justement, ce serait... de préciser ce que veut dire le mot « déterminante » ! (Sourires.)
C'est ce que font les amendements qui proposent soit un chiffre - mais c'est discutable - soit le mot « prépondérante ». Là il ne peut pas y avoir d'équivoque.
Il conviendrait que le Conseil constitutionnel sache si le mot « déterminant », dans l'esprit du Gouvernement signifie « prépondérant », si ce n'est pas ce dernier qui est choisi. Sans quoi, je crains que cela ne change rien à sa jurisprudence.
M. Jean-Pierre Balligand. Tout à fait !
M. René Dosière. Enfin, une remarque du président de la commission des lois m'a stupéfié : toute Constitution qui ôterait de la souplesse, a-t-il dit en substance, serait inapplicable.
M. Jean-Pierre Brard. C'est l'article 3 !
M. René Dosière. Or que n'avons-nous cessé de dire à propos de l'article 3, qui donne une priorité au Sénat ? Que le Gouvernement dispose d'ores et déjà de la liberté de lui donner cette priorité.
M. Jérôme Bignon. L'article 3 est voté ! Nous sommes à l'article 6 !
M. René Dosière. Or c'est ce que vous faites : vous enlevez une souplesse pour introduire de la rigidité !
M. Michel Delebarre. C'est un aveu !
M. Bernard Roman. Et c'est gravissime !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je me permets de vous faire observer, monsieur Dosière, puisque vous avez fait référence au dictionnaire de l'Académie française, que, à moins que vous n'ayez pris des stupéfiants il y a quelques minutes...
M. René Dosière. Je peux vous garantir que non !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... vous n'êtes pas stupéfié mais stupéfait.
M. René Dosière. Oui !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Puisque nous parlons de sémantique, soyons précis jusqu'au bout ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. )
M. Jean-Pierre Brard. Il a raison !
M. Michel Françaix. C'est bien la première fois !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Dans la situation actuelle, le Conseil constitutionnel ne nous est d'aucun secours. Nous sommes d'accord là-dessus ?
M. René Dosière. Oui.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Ce n'est déjà pas mal.
Selon vous, le mot « déterminant » veut dire mille choses. « A caractère déterminé », l'expression a encore une autre signification. Nous avons une langue riche et, pardonnez-moi ce modeste rappel de grammaire, un mot peut renvoyer à des concepts différents.
M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est plus de la grammaire !
M. Bernard Roman. C'est de la linguistique ! (Sourires.)
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Le mot qui figure dans le texte n'est sûrement pas parfait. Inutile de vous dire que le Gouvernement a cherché le bon mot,...
M. Jean-Pierre Brard. Il en a rarement, de bons mots !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... la commission des lois également. Il est bien clair que « prépondérant », cela veut dire autre chose, cela veut dire plus. Et, jusqu'à preuve du contraire, et sauf proposition de l'un d'entre nous, ici, à l'Assemblée nationale,...
M. Philippe Vuilque et M. Bernard Roman. Il y a une proposition excellente !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Non, j'ai expliqué à l'instant que cela ne voulait pas dire la même chose.
Imaginez que mon intervention soit déterminante dans le débat,...
M. Michel Delebarre. Oh la, on vous l'aurait dit !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... oui, vous vous en seriez aperçus ! Vous comprenez donc bien le mot. Evidemment, cet exemple, a peu de chances de vous convaincre, mais je voudrais au moins convaincre dans les rangs de la majorité.
M. Jean-Pierre Brard. Eux, ils ne sont pas convaincus, ils sont soumis !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Le mot « déterminant » a un sens, monsieur Dosière, qui permettra, le cas échéant, au Conseil constitutionnel de sanctionner par l'inconstitutionnalité telle ou telle loi. Ainsi, je suis de ceux qui pensent très sincèrement que la loi sur l'allocation personnalisée d'autonomie, qui était très peu financée par l'Etat et beaucoup par une collectivité territoriale déterminée, aurait été considérée comme inconstitutionnelle.
M. René Dosière. Pas du tout !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je pense que cet exemple n'est pas de nature à soulever chez vous l'enthousiasme, mais il est au moins de nature à faire comprendre à l'ensemble des parlementaires que « déterminant », ce n'est pas du verbiage mais un mot qui aura des conséquences juridiques évidentes, malgré que vous en ayez - c'est aussi dans le dictionnaire de l'Académie française.
M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.
M. Léonce Deprez. Monsieur le ministre, je pensais, comme d'autres sans doute, n'intervenir que lors du débat sur la loi organique.
M. Michel Delebarre. On aurait bien aimé l'avoir aussi !
M. Léonce Deprez. Il m'apparaissait en effet que l'on pouvait être d'accord sur les principes constitutionnels dans la mesure où l'on exprime clairement que la réforme constitutionnelle tend à aboutir à l'autonomie financière des collectivités locales. Les députés devraient tous être d'accord sur une telle ambition qui correspond aux voeux de tous les élus de France.
Or j'ai participé hier aux Assises des libertés locales à Lille, parmi une grande assistance, et parce que j'ai entendu un langage très franc et très clair du Premier ministre et d'autres ministres, je voudrais que ce débat aboutisse à la même clarté.
M. Philippe Vuilque et M. Michel Delebarre. Nous aussi !
M. Léonce Deprez. Je crois que c'est nécessaire.
Je pense, mes chers collègues, qu'un tel sujet n'a pas de caractère politicien.
M. Michel Delebarre. Non !
M. Léonce Deprez. Il a un caractère politique tout à fait respectable, il concerne la répartition des ressources entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Cela mérite un approfondissement, et même des amendements. Cela mérite, en tout cas, des réponses du Gouvernement, et je demande justement au Gouvernement une réponse très claire pour qu'il n'y ait pas de confusion et pour que ce soit aussi clair que hier dans la région Nord-Pas-de-Calais.
Mieux vaut prendre un exemple...
M. Michel Delebarre. C'est un bon exemple.
M. Léonce Deprez. ... que de discutailler encore sur le mot « déterminant » ou le mot « prédominant ». On pourrait y passer la nuit.
M. René Dosière. Ce n'est pas la même chose !
M. Léonce Deprez. On peut demander demain matin à France Inter de nous donner l'étymologie et de faire un topo sur la différence entre « déterminant » et « prédominant ».
M. Jean-Pierre Brard. Plutôt France Culture !
M. Léonce Deprez. Dans le Nord-Pas-de-Calais, les recettes fiscales ne représentent qu'un tiers des ressources de la collectivité régionale. Pour que, selon le principe énoncé ici par le Gouvernement et défendu par le président de la commission des lois, le Nord-Pas-de-Calais ait son autonomie financière grâce à ses ressources fiscales, va-t-on engager une réforme fiscale au niveau national et traiter très officiellement les régions de façon inégalitaire pour rétablir la justice dans la répartition des ressources entre toutes les régions de France ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. M. Clément évoquait les bons mots du Gouvernement. En la matière, il n'y en a qu'un qui soit compétent à droite, c'est notre collègue André Santini. Je vous recommande d'ailleurs la lecture de son dernier ouvrage, Bestiaire politique, qui nous est consacré. Un certain nombre d'entre vous, messieurs y sont croqués dans l'esprit de Daumier.
Notre collègue Léonce Deprez, qui est un homme d'expérience, qui est député depuis longtemps, qui sait de quoi il parle, nous dit que le Premier ministre a été très franc hier : mais c'était sur des estrades de week-end. Ici, quand il s'agit de se mettre d'accord sur des mots qui figureront dans notre loi fondamentale, on abandonne la clarté pour tomber dans le brouillard.
Le mot « déterminant » a une signification étymologique et une signification courante. Prenons un fait d'actualité. Si vous avez lu Les Echos ou La Tribune ces jours-ci, vous avez pu voir que l'on utilisait ce mot pour qualifier la part que BNP a prise dans le capital du Crédit lyonnais. Vous savez ce que cela signifie ? Dans la mesure où il s'agit des ressources des collectivités locales, le sens se traduit d'une manière sonnante et trébuchante, il faut que la sémantique ait une traduction correspondante chiffrée. Déterminante, en l'occurrence, cela vaut 10,9 % du capital du Crédit lyonnais.
M. Philippe Vuilque. Très bon exemple !
M. Jean-Pierre Brard. Se mettre d'accord sur des mots clairs est donc extrêmement important. Certes, j'entends bien M. Clément qui parle de la souplesse de la Constitution mais, et je rejoins ce que M. Dosière disait, faites attention aux textes que vous faites voter. Rappelez-vous la fin de 1993 quand vous avez fait voter une resucée de la loi Falloux. Vous savez ce qu'il est advenu de la loi. Faites donc voter de bons textes. Sinon, vous serez rattrapés et le mouvement social vous remettra les pieds sur terre.
M. André Chassaigne. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. le garde des sceaux. Monsieur Deprez, nous avons participé à la même réunion et nous avons donc entendu les mêmes choses. Il ne s'est rien dit de contradictoire avec ce qui se dit ici, je vous rassure, monsieur Brard !
Vous êtes revenu sur la question de savoir ce que souhaitait le Gouvernement. Pour nous, je le répète, déterminant, c'est un objectif constitutionnel, et la méthode pour l'atteindre sera précisée par la loi organique.
Vous avez aussi posé la question de la péréquation que nous allons aborder dans un instant. Plusieurs orateurs l'ont évoquée au cours de cette réunion - où d'ailleurs j'ai entendu clairement l'ancien Premier ministre Pierre Mauroy donner son accord sur l'expérimentation prévue dans la Constitution -, ainsi que sur la nécessité de tenir compte des différences de richesse, de charges, de situation des différentes collectivités territoriales. Le Gouvernement en est convaincu. Pour nous, plus de décentralisation ne veut pas dire moins de solidarité.
M. le président. Monsieur de Courson, maintenez-vous votre amendement ?
Mme Ségolène Royal. Monsieur le président, je demande la parole pour répondre au Gouvernement !
M. le président. Mais, un orateur de votre groupe a déjà répondu.
Mme Ségolène Royal. C'est un droit.
M. le président. Non. Une faculté et j'ai laissé répondre les orateurs de chaque groupe.
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le président de la commission des lois, nous sommes d'accord sur les emprunts : ils ne doivent pas rentrer dans le calcul.
Quand on inscrit dans la Constitution, mes chers collègues, que les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources, que signifie « déterminante ? » Quels sont les critères ?
Plusieurs députés socialistes. Eh oui !
M. Jean-Pierre Balligand et M. Philippe Vuilque. Il a raison !
M. Charles de Courson. Attendez, mes chers collègues ! Pourquoi le Conseil constitutionnel a-t-il été amené à choir ce terme dans sa décision ? Pour une raison très simple, c'est qu'en fait, il n'y a dans la Constitution que le principe de libre administration des collectivités territoriales, l'article 72 prévoyant que ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi, et qu'il n'y a pour l'instant aucun principe d'autonomie financière.
M. Pierre Albertini. Absolument ! Très juste !
M. Charles de Courson. Voilà pourquoi que le Conseil constitutionnel a été pris dans un piège et c'est nous, mes chers collègues de la majorité actuelle, qui avions fait un recours, défendant, avec raison, la thèse que la suppression progressive de toute autonomie fiscale allait aboutir à retirer la libre administration des collectivités territoriales et que telle n'était pas la conception française de la libre administration des collectivités territoriales.
M. Jean-Pierre Brard. L'arroseur arrosé.
M. Charles de Courson. Nous devons être constants dans nos positions !
M. Bernard Roman. Sinon, il y a un manque de cohérence !
M. Charles de Courson. Quant à vous, mes chers collègues de gauche qui, sur ce point, en théorie, partagez nos convictions, n'en faites pas trop, car vous avez accepté de voter le texte que vous avait soumis le gouvernement Jospin pour supprimer encore un peu plus l'autonomie fiscale !
M. Gilles Carrez. Exactement !
M. Charles de Courson. Je me félicite que vous vous soyez convertis pour revenir dans le droit chemin, sur lequel nous sommes tous d'accord : il faut une part prépondérante de recettes fiscales et non fiscales, sinon nous aurons un système à l'anglaise où le Parlement fixe des dotations, et la libre administration des collectivités territoriales, ce ne sera plus la gestion de dotations données par l'Etat. C'est ça l'enjeu ! Il n'y a pas de différence entre la majorité et l'opposition sur le principe. Le problème, c'est l'application !
Moi, je persiste à dire qu'écrire que les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources, ça n'a pas de signification. Une nouvelle fois, on va s'en remettre au juge constitutionnel pour fixer le seuil.
Cela dit, mes chers collègues de gauche, je vous demanderai d'être très discrets dans cette affaire...
M. Michel Françaix. On va l'être.
M. Charles de Courson. ... puisque vous avez hélas voté cinq mesures successives qui n'allaient pas dans le bon sens.
Revenons tous dans le droit chemin. Si nous acceptons « prépondérant », nous protégerons les collectivités, et c'est ce Gouvernement qui aura inscrit dans la Constitution le principe d'autonomie. Le président de la commission des loi a parfaitement raison sur ce point, c'est tout de même un plus considérable par rapport à la situation actuelle, la Constitution ne retenant que le principe de libre administration.
Par ailleurs, monsieur le président de la commission des lois, votre définition est inexacte. Vous avez lu la décision du Conseil constitutionnel concernant le concept d'imposition de toute nature, mais ce n'est pas ce que nous proposons. Nous parlons des ressources fiscales et des autres ressources propres. Les autres ressources propres, ce sont les revenus domaniaux et les rémunérations de services rendus. J'aimerais que le Gouvernement nous dise précisément quelle est sa conception, car je pense qu'il est d'accord avec la thèse que nous avons développée.
L'enjeu est considérable. Voici les chiffres de 2000 pour les communes : recettes totales, 75,2 milliards, auxquels il faut retirer 7,1 milliards d'emprunts.
Nous sommes d'accord avec le président de la commission des lois, les emprunts ne doivent pas être considérés comme des ressources - ce qui fait donc 68,1 milliards. Une part prépondérante, c'est une part majoritaire par rapport à l'ensemble des ressources, c'est-à-dire un peu plus de 34 milliards.
Les impôts, hors dégrèvements et abattements, c'est-à-dire ce que paye le contribuable, représentent 31,3 milliards et les ventes et produits, 5,8 milliards. On est déjà à 37 milliards, c'est-à-dire largement au-delà des 50 % et selon moi - mais nous verrons dans la loi organique - il faut ajouter aux ressources fiscales au sens strict au moins les dégrèvements, quand le taux reste de la libre décision de la collectivité territoriale - sinon c'est un faux dégrèvement. Vous savez qu'il y a des dégrèvements qu'on a transformés en non-dégrèvements... Tant que le taux est librement fixé par la collectivité, c'est une ressource fiscale. Cela représente à peu près 2,5 milliards.
Vous voyez donc que, pour les communes, on est très au-delà. « Prépondérant » ne pose aucun problème constitutionnel.
M. Gilles Carrez. Pas pour les régions !
M. Charles de Courson. J'en viens aux départements. J'ai posé la question en commission des finances mais on n'avait pas les chiffres. J'ai donc fait le calcul car j'aime bien les choses précises !
Les recettes totales représentent 38,6 milliards, auxquels il faut retirer 3 milliards d'emprunt, ce qui fait donc 35,6 milliards. Une part prépondérante, c'est donc au moins 17,8 milliards. Les impôts, hors dégrèvement, c'est 20,7 milliards, donc déjà plus. Avec les ventes, produits et autres, on est très au-delà de 50 %.
M. René Dosière. C'est le contraire de ce que dit le président de la commission des lois !
M. Charles de Courson. J'en viens à la seule collectivité qui pose problème, la région. En 2000, les recettes totales étaient de 12,9 milliards auxquels il faut retirer 1,2 milliard d'emprunt, ce qui fait donc 11,7 milliards. La moitié, c'est 5,8 ou 5,9 milliards. Les impôts, avant compensation, représentent 5,8 et les autres recettes pratiquement rien.
M. René Dosière. Il est très fort en calcul !
M. Charles de Courson. C'est donc ric-rac ! Mais en 2001 et 2002, puisque cela continue à baisser, on passerait sensiblement en dessous de la moitié.
M. le président. Concluez ! Cela fait huit minutes que vous parlez !
M. Jean-Pierre Brard. On ne s'en lasse pas.
M. Charles de Courson. C'est un problème fondamental.
M. René Dosière. Tout à fait !
M. Charles de Courson. Qu'on ne nous dise donc pas que, pour la commune ou le département, il y a un problème. Il n'y en a pas ! Il y en a un seulement pour les régions.
Or, si l'on envisage des transferts de compétences vers les régions, il faudra les financer par des transferts de recettes fiscales propres. Si vous votez l'amendement du groupe UDF, adopté par le Sénat en commission, qui était la sagesse, ce sera une véritable protection. D'un côté, la libre administration, de l'autre l'autonomie financière seront ainsi placées dans la Constitution au même niveau.
C'est sur cette base-là, mes chers collègues de l'ancienne opposition, de l'actuelle majorité, que nous avions attaqué la suppression de la part régionale.
M. le président. Merci, monsieur de Courson !
M. Charles de Courson. Si la notion de prépondérance avait été inscrite dans la Constitution, nous aurions gagné.
M. le président. Mes chers collègues, pour savoir quelle intervention a été déterminante, je vous propose de passer au vote. (Sourires.)
M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, je vous fais remarquer que j'ai déposé des sous-amendements sur l'amendement de M. de Courson.
M. le président. Monsieur Bonrepaux, j'ai expliqué tout à l'heure que j'allais d'abord mettre aux voix l'amendement n° 110 rectifié de M. Brard puis l'amendement n° 192 de M. Balligand et qu'en fonction du résultat nous examinerions ou non vos sous-amendements.
M. Jean-Pierre Brard. Excellente présidence !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 192.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
Je mets aux voix l'amendement n° 192.
Le scrutin est ouvert.
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 142
Nombre de suffrages exprimés 141
Majorité absolue 71
Pour l'adoption 45
Contre 96
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
Rappel au règlement
Mme Ségolène Royal. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal, pour un rappel au règlement.
Mme Ségolène Royal. Monsieur le président, vous ne m'avez pas donné, tout à l'heure, la faculté de répondre à M. le ministre, mais ce n'est pas grave.
M. le président. J'ai appliqué le règlement, madame.
Mme Ségolène Royal. Oui, monsieur le président, mais je crois important que l'opposition s'exprime dans le cadre d'un débat constitutionnel.
M. le président. J'ai largement laissé à chaque groupe le temps de s'exprimer.
Mme Ségolène Royal. En effet, mais j'observe qu'aucun amendement de l'opposition n'a été accepté depuis le début de la discussion, ce qui contrevient aux engagements qui avaient été pris. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. Laissez parler Mme Royal. Vous avez tous eu la possibilité de vous exprimer !
Mme Ségolène Royal. Il est important que chacun ait la liberté de parole. Mais je voulais rectifier les propos de M. Perben, qui a cité M. Pierre Mauroy. Il est vrai que Pierre Mauroy est favorable à l'expérimentation, mais pas à l'inscription de ce principe dans la Constitution. Il a d'ailleurs rappelé devant le Sénat que les expérimentations étaient déjà prévues par la loi ordinaire et qu'il n'était pas nécessaire de réformer la Constitution pour cela.
M. Guy Geoffroy. Le Sénat, le Sénat, vous n'avez que ce mot à la bouche !
Mme Ségolène Royal. A Lille, il a rappelé qu'en aucun cas une liberté locale ne pouvait s'exercer sans transfert de ressources.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Il a dit en effet qu'il y était favorable !
Mme Ségolène Royal. Avec cet article, nous sommes au coeur du dispositif qui inquiète nombre d'élus. Dans la mesure où vous ne nous donnez aucune explication sur les transferts de ressources et sur la réforme fiscale - alors que le Conseil d'Etat vous y a invités -, vous comprendrez que nous nous interrogions.
Mon rappel au règlement s'appuie sur l'article 66, alinéa 1, du règlement, relatif au scrutin public. Le mot scrutin y est au singulier. Or, vous avez annoncé tous les scrutins d'un coup, par une seule sonnerie, ce qui peut poser un problème aux députés qui ne sont pas avertis des prochaines demandes de scrutin public. Je me demande si cette façon de procéder est judicieuse et s'il ne vous serait pas possible d'annoncer chaque scrutin public par une sonnerie, afin que les députés puissent rejoindre l'hémicycle.
M. Bernard Roman. Oui, un par un !
Mme Ségolène Royal. Je sais bien que, vendredi, il a été procédé de cette façon-là, et nous n'y avons pas fait objection. Aujourd'hui, nous sommes en séance de jour et les députés sont nombreux dans l'enceinte du Palais.
M. Yves Nicolin. C'est pour avancer un peu !
M. le président. Madame, j'ai annoncé tout à l'heure par une sonnerie l'ensemble des scrutins qui ont été demandés.
Mme Ségolène Royal. Oui, mais l'article 66...
M. le président. Je ne vois, après l'avoir relu, aucune contradiction...
Mme Ségolène Royal. Monsieur le président, cet article dit : « Lorsqu'il y a lieu à scrutin public » - au singulier -, « l'annonce en est faite dans l'ensemble des locaux du Palais. Cinq minutes au moins après cette annonce, le président invite éventuellement les députés à regagner leurs places. » A chaque scrutin doit donc correspondre une annonce.
M. le président. C'est votre interprétation, ce n'est pas la mienne.
Mme Ségolène Royal. C'est pour cela que je vous interroge, monsieur le président, pour connaître votre interprétation.
M. le président. Je vous réponds que nous pouvons annoncer par une seule sonnerie un ensemble de scrutins publics, et c'est ce que j'ai fait tout à l'heure. Mais je prends acte de votre remarque, madame.
Sur l'amendement n° 137 rectifié, je suis saisi de sept sous-amendements n°s 233, 234, 235, 236, 237, 238 et 239.
M. Bonrepaux, M. Migaud et les membres du groupe socialiste ont présenté un sous-amendement, n° 233, ainsi rédigé :
« Compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 137 rectifié par les mots "correspondant à plus de 15 %. »
La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, il ne faudrait pas, à la faveur de cette révision de la Constitution, introduire dans celle-ci des termes qui ne signifient rien et des mentions ridicules telle la reconnaissance du droit de pétition, non pas pour obtenir quelque chose, mais pour la demander. Nous frisons ici le ridicule, puisque ce droit de pétition existait déjà avant la Révolution. En même temps, vous vous opposez à ce qu'on puisse demander, par voie de pétition, l'organisation d'un débat : là, nous sommes en plein ridicule.
Le président de l'Assemblée a remarqué que la modification de la Constitution ne se justifie pas pour faire ce que vous proposez, qu'il suffirait de l'appliquer telle qu'elle est.
M. Michel Françaix. Tout à fait !
M. Augustin Bonrepaux. L'article 6 comprend trois points importants. Le premier est l'adjectif « déterminante ». Si l'on souhaite véritablement l'autonomie financière des collectivités locales, il faut préciser le sens de ce mot. Si on laisse au Conseil constitutionnel le soin de le définir, à quoi bon modifier la Constitution ? Le deuxième point, très important et sur lequel nous n'avons pas eu de réponse jusqu'à présent, concerne les transferts de moyens dont on est en droit de se demander comment ils se feront. Et le troisième point, que nous aborderons tout à l'heure, touche à la façon dont on fera la péréquation.
Vous conviendrez que tout cela intéresse les élus comme les citoyens. Si les termes sont trop vagues, on risque d'augmenter les charges des collectivités locales et donc les impôts locaux.
Notre collègue Courson a très bien expliqué pourquoi l'adjectif « prépondérante » devait remplacer « déterminante », qui ne signifie rien. Certes, le président de la commission des lois a fait connaître son interprétation, mais personne ne l'a jugée décisive, ou en tous cas suffisamment précise. « Déterminant », cela veut dire « qui détermine avec précision ». Qui déterminera avec précision, si ce n'est l'Assemblée nationale, c'est-à-dire la représentation du peuple ?
C'est pourquoi je propose une série de sous-amendements ayant pour objet de déterminer à quel niveau se situe le déterminant. Le sous-amendement n° 233 fixe le taux à au moins 15 % de ces ressources. Le Gouvernement peut considérer que ce n'est pas suffisant, et c'est pourquoi j'ai prévu des solutions de repli, à 20, 25, 30, 35, 40 et 45 %, qui lui donneront la possibilité de nous répondre et de nous faire savoir ce qu'il prépare. Nous pouvons, bien sûr, nous rallier à d'autres sous-amendements. Monsieur le ministre, je n'ai pas déposé tous ces sous-amendements pour faire de l'obstruction...
M. Michel Françaix. Pas du tout !
M. Augustin Bonrepaux. ... mais pour que vous puissiez placer le curseur où vous le voulez, entre 15 et 50 %. M. le président de la commission des lois nous a expliqué que, aujourd'hui, les collectivités locales disposaient de 45 %. Sans doute est-il prêt à garantir qu'elles continueront d'avoir cela, et je pourrais, dans ce cas, retirer les autres sous-amendements, mais il est indispensable de préciser si nous avons la volonté de donner une autonomie financière aux collectivités locales ou si nous voulons uniquement en créer l'illusion en mettant dans ce texte les termes mêmes du Conseil constitutionnel, c'est-à-dire en confiant au juge constitutionnel le soin de définir l'adjectif « déterminante » et en dépossédant une fois de plus la représentation nationale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'ensemble de ces sous-amendements.
Pour ce qui est de l'obstruction, monsieur Bonrepaux, c'est vous qui en avez parlé, pas moi.
M. Augustin Bonrepaux. Non, c'est vous !
M. le garde des sceaux. Monsieur Bonrepaux, c'est moi qui parle.
Je vous ai expliqué tout à l'heure très clairement, je crois, le sens du texte proposé par le Gouvernement, son objectif constitutionnel et la méthode qui sera explicitée par la loi organique. Tel est le sens de notre démarche. Il est bien évident, et vous le savez, monsieur Bonrepaux, que le chiffre ou que les chiffres que vous proposez n'ont aucunement leur place dans la Constitution. Je ne sais d'ailleurs pas quel est le chiffre que vous proposez vraiment, puisque vous les proposez tous.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je voudrais dire à mes collègues socialistes que leurs sous-amendements à mon amendement sont regrettables. En effet, en fixant un taux de 15 à 45 %, ils proposnt l'inverse de ce que signifie : « prépondérante ». « Prépondérante », cela signifie au moins 50 %. On ne va pas dire : « prépondérante à 30, 35 ou 40 % ».
Le groupe UDF votera donc contre tous les sous-amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.
M. René Dosière. Je souhaiterais qu'on nous apporte deux précisions.
D'une part, j'aimerais que le Gouvernement nous explique le traitement des dégrèvements. Le Conseil constitutionnel aura manifestement à se pencher sur ce texte et à l'interpréter, et il est important que nos travaux puissent l'éclairer. M. de Courson a soulevé le lièvre : quel est le traitement des dégrèvements ? Le dégrèvement est un impôt local payé par l'Etat et dont le produit entre dans les caisses de la collectivité qui en fixe le taux. On sait que les gouvernements s'efforcent toujours de diminuer les dégrèvements et de les remplacer par des compensations, mais il n'en reste pas moins qu'ils existent. En terme de comptabilité M 14, les dégrèvements ne sont pas comptés parmi les recettes fiscales des collectivités, mais dans les dotations ou les compensations reçues de l'Etat, ce qui pose problème.
D'autre part, je demanderai des précisons à la commission. Là aussi, le Conseil constitutionnel aura besoin d'être éclairé. A la demande de M. de Courson, qui proposait de remplacer « déterminante » par « prépondérante », le président de la commission des lois a juré ses grands dieux que c'était irréaliste et inapplicable. Or M. de Courson vient de faire une démonstration chiffrée en lui expliquant que, pour les communes et pour les départements - pas encore pour les régions -, nous étions déjà dans cette situation. En tant que membre de la commission des lois, je suis soucieux que celle-ci se saisisse de toutes ses compétences, y compris en matière de finances locales, et j'avouerai très franchement que je suis un peu triste que son président ne soit pas en mesure d'avoir une connaissance parfaite des finances des collectivités locales. Me voilà donc obligé de me tourner vers le président de la commission des finances ici présent pour lui demander s'il estime que les chiffres donnés par notre collègue sont exacts. Si c'est le cas, toute l'argumentation du présisident de la commission des lois tomberait.
M. Philippe Vuilque. Très bien !
M. René Dosière. Mes collègues sont sans doute comme moi troublés par cette discussion qui, d'un côté, est fondée sur des chiffres, comme elle devrait l'être, et de l'autre, hélas, un peu trop littéraire.
M. le président. Monsieur Bonrepaux, maintenez-vous votre sous-amendement ?
M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le garde des sceaux, j'ai cité tout à l'heure M. le ministre délégué, qui, le vendredi 22 novembre, en fin de débat, a dit : « Les questions de M. Bonrepaux veulent avoir un caractère lancinant pour participer de l'obstruction que pratique son groupe. » C'est donc bien lui qui a parlé d'obstruction, pas moi.
Notre débat est important, et il est normal que nous souhaitions préciser la portée de certains termes, pour éviter d'en laisser l'appréciation au Conseil constitutionnel. Je ne suis pas le seul à m'interroger sur cette question. Charles de Courson en a parlé, a déposé un amendement, et le président de la commission des finances en dépose un autre pour que la loi organique précise ce qu'est « déterminante ». Si le Gouvernement nous avait répondu aujourd'hui en nous exposant ses intentions, nous n'aurions pas à laisser au Conseil constitutionnel le soin de le faire à sa place.
Mon sous-amendement n'est pas contradictoire avec l'amendement de M. de Courson, que nous voterons bien sûr. Mais, comme j'ai compris que M. le ministre y était opposé, je répète qu'il vaudrait mieux que nous connaissions sa réponse sur le sens qui doit être donné à cette notion de « déterminant ». Mes sous-amendements partaient de 15 % et allaient jusqu'à 45 %. Je me suis arrêté à 45 %, car cela correspond à la situation actuelle. Nous voulons savoir si nous serons en retrait par rapport à cela.
Monsieur le ministre, vous dites que vous ne savez pas. Il faut maintenir la situation actuelle, s'en tenir à 45 %. J'ai présenté tous ces sous-amendements pour que vous puissiez nous dire vos intentions. Je constate que le président de la commission des lois, lui, n'a aucune réponse à apporter et donne une définition de l'adjectif « déterminante » que personne ne comprend. Nous demandons un scrutin public sur ces sous-amendements, au moins sur le n° 233 et sur le n° 239. Mais, si vous vous engagiez oralement et apaisiez ainsi notre inquiétude, je serais prêt à les retirer.
M. René Dosière. Nous sommes compréhensifs, quand même !
M. Augustin Bonrepaux. Pour l'instant, nous n'avons obtenu aucune réponse. Je ne vois pas en quoi insérer dans la loi constitutionnelle les remarques du Conseil constitutionnel nous fait avancer.
M. le président. Monsieur Bonrepaux, pour savoir si votre influence est prépondérante, je vous propose de mettre aux voix votre sous-amendement n° 233.
M. Augustin Bonrepaux. Je n'ai pas eu la réponse du Gouvernement, qui aurait pu me permettre de le retirer.
M. le président. J'ai bien compris.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 233.
Le scrutin est ouvert.
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 116
Nombre de suffrages exprimés 115
Majorité absolue 58
Pour l'adoption 36
Contre 79
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, pour ne pas être accusé de faire de l'obstruction, je retire les sous-amendements suivants, à l'exception du n° 239.
M. le président. Les sous-amendements n°s 234, 235, 236, 237 et 238 sont retirés.
M. Bonrepaux, M. Migaud et les membres du groupe socialiste ont présenté un sous-amendement, n° 239, ainsi rédigé :
« Compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 137 rectifié par les mots "correspondant à plus de 45 %. »
La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
M. Augustin Bonrepaux. Ce sous-amendement symbolique précise que le taux doit être au moins de 45 %, ce qui correspond à la situation actuelle.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. A partir de là, on tombe dans l'irrationnel !
M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas irrationnel, monsieur le président de la commission des lois, c'est une précision importante.
Vous l'avez dit vous-même, on ne peut pas retenir l'amendement de Charles de Courson, parce que « prépondérante » correspondrait à plus de 45 %, ce qui ferait perdre aux collectivités les concours de l'Etat et les mettrait en difficulté. Je vous propose de garantir au moins la situation actuelle. Si l'Assemblée a la volonté de garantir cette autonomie financière, il faudrait d'abord que nous ayons une réponse du Gouvernement.
Or je constate que le Gouvernement est muet, comme s'il s'en désintéressait. Pourtant, des remarques ont été faites sur tous les bancs pour souligner combien ce mot « déterminante » ne signifiait rien.
Compte tenu des transferts qui auront lieu, sur lesquels nous n'avons aucune garantie, il faut que le Gouvernement nous dise précisément ce qu'il entend faire dans la loi organique. Si le Gouvernement est contre l'amendement, cela signifie que l'autonomie n'est aucunement garantie. Finalement, on crée des illusions avec cette réforme de la Constitution. On nous a bien expliqué tout à l'heure que l'on allait autoriser les Français à faire des pétitions, seulement pour demander, pas pour obtenir.
Une nouvelle fois, monsieur le garde des sceaux, je ne peux que souligner le ridicule du texte que vous voulez faire adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, rapporteur pour avis.
M. René Dosière. Nous avons besoin de son jugement.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission, rapporteur pour avis. Monsieur le président, je voudrais simplement vous faire part d'un sentiment.
Nous pensions tous que ce débat méritait d'être de grande qualité, parce qu'il soulevait de nombreuses questions de fond. Malheureusement, nous assistons à un débat d'obstruction de la part de l'opposition. Si celle-ci pouvait, à la limite, se comprendre à l'article 3, elle devient, à l'article 6, ridicule. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Elle donne une mauvaise image de l'Assemblée nationale, et je plains les personnes qui se trouvent dans les tribunes. (Mêmes mouvements.)
M. Philippe Vuilque. Mais c'est important, c'est une loi constitutionnelle !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. M. le président de la commission des finances - et Dieu sait si nous avons de l'estime pour lui - n'est pas rancunier.
D'abord, je voudrais lui faire remarquer que le droit d'amendement est, jusqu'à nouvel ordre, le droit essentiel du Parlement.
M. Jean-Luc Warsmann. Absolument ! Mais il y a des règles à respecter !
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Warsmann ! Un peu de modération dans vos propos ! Si vos électeurs vous voyaient parfois ! (Sourires.)
M. Jean-Luc Warsmann. Je suis toujours honnête dans mes propos.
M. Jean-Pierre Brard. Or, votre amendement sur l'article 3, monsieur Méhaignerie, bien que très modéré, a été retoqué.
M. Jean-Jack Queyranne. Absolument !
M. Jean-Pierre Brard. Le Gouvernement reste complètement sourd aux propositions qui lui sont faites même par sa majorité.
M. le ministre délégué aux libertés locales. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Pierre Brard. Il veut une majorité qui marche au bruit du canon. (Protestations sur les bancs du groupe l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Guy Geoffroy. Ridicule !
M. Jean-Pierre Brard. Le rythme étant donné par M. Perben et par M. Devidjian. On vous a pourtant connu plus modéré, monsieur Perben - M. Devidjian, cela dépend des jours ! (Sourires.)
Si, si, il y a plus que des nuances parfois entre les hommes !
M. le garde des sceaux. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Brard. Je trouve donc votre remarque, monsieur le président de la commission des finances, infondée. D'autant que si nous avions réellement voulu faire de l'obstruction, nous aurions pu gloser à l'infini sur la différence que disait M. Albertini tout à l'heure in petto...
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Et vous l'avez entendu ? (Sourires.)
M. Jean-Pierre Brard. ... entre « déterminant » et « prépondérant » - affichant ainsi sa connaissance des lettres latines.
M. Pierre Albertini. Merci, cher collègue !
M. Jean-Pierre Brard. En effet, faisant référence au verbe « pondérer », il a montré que « prépondérant » était beaucoup plus fort que « déterminant ».
Mais vous ne supportez pas que ceux qui ont une coloration à peine différente de la vôtre fassent preuve d'une originalité pourtant bien timide !
M. Pierre Albertini. Laissez-moi mon originalité, s'il vous plaît !
M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Ce n'est pas gloser à l'infini ça ?
M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal.
Mme Ségolène Royal. Monsieur le président, je voudrais également répondre au président de la commission des finances.
Le Conseil d'Etat lui-même a demandé au Gouvernement, dans son avis, de retirer ce mot de « déterminant », en faisant observer que la situation actuelle de la fiscalité locale ne permettait pas au Gouvernement de faire référence, dans un texte, à la « part déterminante ».
M. Charles de Courson. Grâce à moi.
Mme Ségolène Royal. Et nous n'avons eu de cesse de demander au Gouvernement quelles étaient ses intentions en matière de réforme de la fiscalité locale. Vous ne pouvez pas dire que nous ne sommes pas au coeur de la décentralisation avec cet article 6. Vous savez bien que les préoccupations des élus portent essentiellement sur les transferts financiers.
M. Jean-Jack Queyranne. Ce n'est pas essentiel ? (Sourires.)
Mme Ségolène Royal. Notre rôle est essentiellement de faire en sorte que le Gouvernement ne se paie pas de mots. Il ne peut pas prétendre opérer une décentralisation sans donner les moyens nécessaires aux collectivités locales d'assumer les nouvelles compétences. Or nous ne savons rien des transferts. Vendredi, M. Devedjian a refusé de nous répondre sur les différents scénarios actuellement à l'étude sur les transferts de TIPP.
M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Mais c'est déjà fait, ça.
Mme Ségolène Royal. Nous ne savons pas comment cela va se passer, dans quelles proportions ? Y aura-t-il des taxes différentielles selon les collectivités ? Les gens payeront-ils l'essence à un prix différent ? Vous pouvez faire ce geste, monsieur Perben !
M. le garde des sceaux. Je parlais à mon voisin...
Mme Ségolène Royal. Mais je constate que le Gouvernement n'est pas capable de répondre sur les transferts financiers. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Guy Geoffroy. Le ridicule ne tue pas, heureusement !
Mme Ségolène Royal. Vous savez bien que les maires réclament, eux aussi, des explications !
M. le président. Madame Royal, le président Ayrault nous a invités à travailler dans la tolérance tout à l'heure.
M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Toujours dans le même sens, les leçons de morale !
Mme Ségolène Royal. Absolument ! C'est la raison pour laquelle nous ne voulons pas que nos interventions soient contestées. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Nous ne voulons pas que nos amendements soient systématiquement refusés. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Nous voudrions savoir si la décentralisation se traduira par des impôts locaux supplémentaires, si les transferts de compétences s'accompagneront d'un transfert équivalent de ressources de l'Etat, s'il y aura un transfert de fiscalité nationale vers les collectivités territoriales.
Je rappelle que M. Raffarin a quitté la commission Mauroy justement au prétexte que les choses n'étaient pas assez claires sur les plans fiscal et financier, et il a par ailleurs refusé, à l'époque, que sa région conduise une expérimentation sur les transports ferroviaires considérant que les règles de transferts des ressources n'étaient pas suffisamment claires. Ce qui est juste à une époque doit l'être aussi à une autre.
M. Jean-Luc Warsmann. Mais aujourd'hui, c'est hors sujet !
Mme Ségolène Royal. L'exigence de transparence sur les transferts financiers est essentielle pour déterminer s'il s'agit d'une décentralisation ou simplement d'un simple transfert fiscal vers la France d'en bas. Et l'opposition tient sa place dans ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Luc Warsmann. Bien mal !
M. Guy Geoffroy. Ce sera dans la loi organique !
M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez.
M. Gilles Carrez. Ressources propres, autonomie financière, part prépondérante, ou déterminante, c'est un débat essentiel.
M. Jean-Pierre Brard. Voilà quelqu'un de sensé !
M. Jean-Jack Queyranne. Une réaction de bon sens !
M. Gilles Carrez. Et ce débat me fait penser à ceux que nous avons eus ici ces cinq dernières années à l'occasion de réformes sur lesquelles j'aurais aimé que les spécialistes des finances locales présents ce soir à gauche de l'hémicycle se montrent beaucoup plus accrocheurs.
En effet, mes chers collègues, si nous en sommes là, si nous sommes obligés aujourd'hui d'accepter le mot « déterminant » aux lieu et place du mot « prépondérant » - qui serait préférable,...
M. René Dosière. Mais vous n'êtes pas obligés d'accepter !
M. Gilles Carrez. ... c'est parce que ici même, il y a quatre ans...
M. Jean-Luc Warsmann. Ecoutez !
M. Gilles Carrez. ... nous n'avons pas été suivis. Nous sommes pourtant quelques-uns à nous être battus...
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Sans obstruction !
M. Gilles Carrez. ... pour essayer de vous convaincre, vous, en particulier, René Dosière, qui connaissez parfaitement la différence entre un dégrèvement et une dotation, que c'était une erreur funeste que de supprimer la part salaire de la taxe professionnelle par le biais d'une dotation d'Etat et non pas d'un dégrèvement.
M. Xavier de Roux. Très bien !
M. Gilles Carrez. Le résultat, c'est qu'aujourd'hui cette dotation est misérablement indexée.
M. René Dosière. Oh !
M. Gilles Carrez. Si on fait la comparaison avec ce qu'aurait pu donner l'évolution spontanée de l'assiette et la liberté des taux, on s'aperçoit que, à cause de vous, l'autonomie fiscale des collectivités locales a régressé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Je me suis battu tout un samedi matin, pour essayer de vous convaincre ! Il n'y avait rien à faire ! Vous étiez décidés à remplacer la fiscalité locale par des dotations.
Quelques mois après, nous avons eu un débat sur les droits de mutation, et vous avez fait exactement la même chose, s'agissant des départements. Quelques mois plus tard, début 2000, vous avez décidé, de la même manière, de supprimer la part régionale de la taxe d'habitation. Personne, de votre côté de l'hémicycle, n'a défendu l'idée qu'il fallait absolument préserver l'autonomie financière des régions qui était déjà très limitée. Lorsque nous avons proposé de remplacer la part régionale de la taxe d'habitation par une partie de la taxe intérieure sur les produits pétroliers par exemple ou toute autre ressource fiscale, nous nous sommes heurtés à un refus hautain. C'est vrai, nous n'avons pas fait d'obstruction.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Absolument !
M. Gilles Carrez. Nous avons essayé, à l'époque, d'avoir un débat argumenté.
Mme Marylise Lebranchu. C'est vrai.
M. Gilles Carrez. Nous vous avons alors expliqué que la région d'Ile-de-France, pour prendre le cas le plus extrême, n'aurait plus, grâce à vous, que 25 % de ressources propres au sens du projet de loi constitutionnelle.
Aujourd'hui, nous sommes obligés de choisir le mot « déterminant », mais nous le faisons contraints et forcés. Vous, vous avez la mémoire courte. J'aurais préféré, quant à moi, que vous vous battiez pendant qu'il en était encore temps parce que, grâce à votre approbation sans véritable argumentation ni réflexion, nous sommes passés de 60 % d'autonomie fiscale concernant les communes à 45 %, de 40 % à 30 % à peine concernant les régions.
M. Jean-Marie Geveaux. Tout à fait !
M. Gilles Carrez. Et la situation est celle que tout le monde regrette !
Au lieu de perdre tout ce temps à débattre sur la forme, j'aurais préféré que vous vous montriez plus convaincants lorsqu'il en était temps, il y a quatre, trois, deux ans et encore l'an dernier ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. S'il y a une personne qui ne devrait pas prendre la parole sur le thème de l'autonomie fiscale, c'est bien Mme Ségolène Royal, pour les raisons que vient de donner Gilles Carrez.
Mme Ségolène Royal. Pas de misogynie !
M. Charles de Courson. Il y avait en effet, au sein du parti socialiste, des parlementaires qui, comme nous, considéraient qu'il ne fallait pas aller dans le sens de ce que proposait le gouvernement Jospin, c'est-à-dire la baisse continue de l'autonomie fiscale.
M. Léonce Deprez. M. Balligand !
M. Charles de Courson. Et il y avait les autres... Alors, madame Ségolène Royal, les leçons d'éthique élémentaire nous apprennent...
Mme Ségolène Royal. Vous n'êtes pas professeur, monsieur de Courson !
M. Charles de Courson. ... que pour donner des leçons de morale, il faut avoir les culottes propres : vous ne les avez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. René Dosière. Quelle vulgarité !
M. Philippe Vuilque. C'est scandaleux !
M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal.
Mme Ségolène Royal. Monsieur le président, heureusement que j'ai un certain sens de l'humour, car ce n'est pas la première fois que des propos particulièrement misogynes sont tenus dans cette assemblée depuis le début du débat. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Reste que les propos de M. de Courson sont inadmissibles. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Des excuses, monsieur de Courson !
Mme Ségolène Royal. J'exige des excuses publiques et je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.
Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est scandaleux ! Des excuses, monsieur de Courson !
M. Germinal Peiro. C'est un dérapage inadmissible !
M. Charles de Courson. Je n'admets pas qu'on fasse l'inverse quand on est dans l'opposition de ce qu'on faisait quand on était dans la majorité.
M. le président. Je vais suspendre la séance pour deux minutes.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, je voudrais faire remarquer à M. le président de la commission des finances que le débat sur l'article 6 est tout aussi important que celui que nous avons eu sur l'article 3. Or nous n'avons pas pu développer l'ensemble de nos arguments sur l'article 3. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Guy Geoffroy. Vous n'avez cessé de faire de l'obstruction !
M. Augustin Bonrepaux. Il a en effet été décidé qu'il n'y avait pas lieu d'examiner un certain nombre de sous-amendements. Avouez que ce n'est pas un moyen judicieux d'éclairer le Conseil constitutionnel sur une loi constitutionnelle.
A présent, nous débattons de l'article 6, qui est certainement aussi important, si ce n'est plus, pour les collectivités locales. Que l'on puisse en discuter ! Notre collègue Carrez, tout à l'heure, disait qu'il avait pu s'exprimer tout une matinée et défendre ses positions avec conviction. Nous voulons pouvoir faire la même chose.
Monsieur le président de la commission des finances, s'agissant de l'article 6, les discussions à venir sont tout aussi importantes que celles que nous venons d'avoir sur le mot : « déterminante ». Du reste, vous êtes vous-même inquiet puisque vous avez dit qu'il faudra définir ce terme dans une loi organique. Alors, ne venez pas me reprocher - car je me sens tout de même un peu concerné - de faire de l'obstruction alors que je souhaite seulement que le Gouvernement précise ses positions.
Vous avez dit tout à l'heure que vous souhaitiez un débat. Ce débat ne peut intervenir que si le Gouvernement répond à nos questions. Je voudrais en poser trois. D'abord, je voudrais faire préciser le sens du mot « déterminant », mais je crains que le débat ne soit terminé. Ensuite, je voudrais savoir comment seront opérés les transferts, car il y a de quoi être inquiet l'on en reste au texte proposé pour la Constitution, qui est en retrait par rapport au code des collectivités territoriales. Enfin, je voudrais que le Gouvernement dise comment sera réalisée la péréquation pour dissiper les contradictions qui existent encore.
Ce faisant, nous jouons notre rôle de représentants du peuple, nous usons d'un droit qui est reconnu dans notre règlement. Permettez-nous de le faire en posant des questions précises. Je ne vois pas en quoi cette attitude peut être considérée comme de l'obstruction.
M. Philippe Vuilque. Très bien !
M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 239.
Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
Le scrutin est ouvert.
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 92
Majorité absolue 47
Pour l'adoption 23
Contre 69
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
Je vous prie de bien vouloir rester à vos places.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 137 rectifié et 191.
Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
Le scrutin est ouvert.
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 89
Nombre de suffrages exprimés 87
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 34
Contre 53
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
M. Philippe Vuilque. C'est bien dommage !
(M. Jean Le Garrec remplace M. Marc-Philippe Daubresse au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président
M. le président. MM. Balligand, Bonrepaux, Migaud et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 194, ainsi rédigé :
« Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution, après les mots : "une part déterminante, insérer les mots : "et régulièrement évaluée. »
La parole est à Mme Ségolène Royal.
Mme Ségolène Royal. S'il est important que les collectivités territoriales puissent disposer de recettes fiscales et de ressources propres correspondant à l'exercice effectif de leurs nouvelles compétences, cette règle doit s'appliquer dans le temps pour éviter toute dérive à moyen et à long terme due à l'empilement des dispositifs.
C'est d'ailleurs pourquoi nous avons demandé qu'un organisme indépendant évalue, d'une part, le coût de l'exercice des nouvelles compétences qui seront transférées afin que l'Etat transfère les ressources correspondantes et, d'autre part, l'évolution de ces nouveaux transferts afin que les ressources y afférentes évoluent parallèlement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Avis défavorable à titre personnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. J'aimerais, poursuivant nos exercices de sémantique, que nos collègues socialistes nous éclairent sur le sens de cet amendement afin que nous puissions déterminer notre vote. Réévaluer, c'est clair ; dévaluer, c'est clair, mais évaluer ? Cela signifie-t-il forcément évaluer vers le haut ?
M. le président. Je veux bien que vous répondiez, madame Royal, mais sans reprendre toute votre intervention.
Mme Ségolène Royal. Cela va de soi, monsieur le président.
La question de M. Brard me semble judicieuse et la réponse est, bien sûr, que la part des ressources doit être régulièrement évaluée vers le haut, puisque les transferts de compétences vont forcément aller en augmentant.
M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 194, sur lequel le groupe socialiste a demandé un scrutin public.
Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
Le scrutin est ouvert.
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 88
Nombre de suffrages exprimés 88
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 21
Contre 67
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements, n°s 193 et 44 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement n° 193, présenté par MM. Balligand, Bonrepaux, Migaud et les membres du groupe socialiste est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi la dernière phrase du troisième alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution :
« La loi organique fixe les conditions dans lesquelles le Parlement et les représentants des collectivités territoriales sont associés aux conditions de mise en oeuvre de cette règle. »
L'amendement n° 44 rectifié, présenté par M. Méhaignerie, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi la dernière phrase du troisième alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution :
« La loi organique définit cette part déterminante. »
La parole est à M. René Dosière, pour soutenir l'amendement n° 193.
M. René Dosière. L'amendement du groupe socialiste prévoit de fixer dans la loi organique les conditions dans lesquelles le Parlement et les représentants des collectivités territoriales seront associés aux conditions de mise en oeuvre de la règle concernant leurs ressources propres. En effet, pour que l'autonomie fiscale prenne tout son sens, elle ne doit pas être octroyée par l'Etat mais négociée avec les collectivités.
Telle est également la signification des propos de Gilles Carrez. Il m'a, par ailleurs, pris gentiment à témoin sur diverses questions, mais je ne doute pas qu'il ait lu les rapports qu'en tant que rapporteur pour avis du budget des collectivités locales, j'ai produits dans cette assemblée depuis 1997. Et comme je sais qu'il m'avait également lu auparavant.
M. Gilles Carrez. Je suis un lecteur assidu de vos oeuvres ! (Sourires.)
M. René Dosière. ... il connaît parfaitement les positions que j'ai défendues et qui ne correspondaient pas nécessairement à la pratique du Gouvernement.
M. Jean-Pierre Brard. On n'est jamais trahi que par les siens !
M. René Dosière. Faut-il rappeler à cette majorité que le fait d'être majoritaire comporte des obligations ? Mais, pour ma part, je n'ai pas conscience d'avoir voté pour l'abaissement du rôle du Parlement. Même si j'ai voté selon le fait majoritaire, cela n'a jamais été au point de porter atteinte à nos prérogatives.
Cela dit, Gilles Carrez a commis une petite erreur concernant les droits de mutation. Il n'ignore pas, en effet, qu'il s'agit d'une recette fiscale transférée à l'occasion des lois de 1982.
M. Gilles Carrez. C'est vrai.
M. René Dosière. Par conséquent, conformément aux textes initiaux, si le Gouvernement, pour une raison qu'il estime bonne, diminue les droits de mutation, la compensation qu'il verse aux collectivités est une compensation intégrale. On peut donc assimiler la mesure à un dégrèvement, même si formellement ce n'en est pas un, car le texte même du transfert rend obligatoire une compensation au franc près, aujourd'hui au centime d'euro près, contrairement à ce qui se passe pour la taxe professionnelle qui n'était pas une ressource transférée. Autrement dit, les collectivités n'ont rien perdu dans l'opération concernant les droits de mutation. C'est d'autant plus vrai que Didier Migaud, le prédécesseur de Gilles Carrez, regrettait qu'on ne puisse pas opérer une retenue sur cette compensation.
On voit bien ainsi que les lois de 1982 avaient prévu des garanties. Mais notre position d'aujourd'hui n'est pas pour autant contradictoire avec celle d'hier, parce que nous nous rendons compte que le dispositif que nous avions mis en place et que nous pensions satisfaisant ne l'a pas été. C'est pourquoi, d'une certaine manière, nous vous mettons en garde en vous invitant à ne pas recommencer,...
M. Lionnel Luca. Quel aveu !
M. René Dosière. ... à ne pas reproduire les erreurs que nous avons pu commettre ou que vous considérez comme telles. Chez nous, le débat a eu lieu. Il a lieu dans toutes dans les majorités. Alors, ne retombez pas dans les mêmes erreurs !
Quant à M. de Courson, autant j'ai apprécié sa démonstration sur les chiffres - M. le président de la commission des finances ne l'a d'ailleurs pas démenti et a même appuyé son argumentation -, autant j'ai été peiné de la remarque non seulement misogyne, mais parfaitement désagréable qu'il a faite.
M. le président. Monsieur Dosière, ne revenez pas là-dessus...
M. René Dosière. M. de Courson nous a confié en commission des lois qu'il est un célibataire, et même un vrai célibataire, mais ce n'est pas une raison pour agresser les femmes ! Et comme l'agression verbale précède quelquefois les agressions physiques (Rires), il faut être prudent !
Mme Ségolène Royal. Merci, monsieur Dosière !
M. le président. Allons, M. de Courson n'est pas un violent ! (Sourires.)
La parole est M. Pierre Méhaignerie, pour soutenir l'amendement n° 44 rectifié.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. L'amendement que je présente vise à mieux délimiter le champ de la future loi organique. Les textes du Sénat renvoient en effet à deux lois : la loi ordinaire et la loi organique, et on ne voit pas très bien où se situe la frontière. Nous estimons que la loi organique doit s'en tenir à la définition de la part déterminante et ne pas aborder tous les sujets, y compris les conditions d'association des parlementaires à la fixation des modalités de mise en oeuvre de la règle. Dans cette mesure, je ne comprends pas la position prise par M. Balligand dans l'amendement n° 193.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements ?
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La commission des lois ne les a pas examinés.
J'ai déjà indiqué pourquoi il n'est pas pensable de se rallier à un amendement comme celui de M. Balligand. A titre personnel, j'y suis donc défavorable.
Quant à l'amendement de M. Méhaignerie, il me semble avoir surtout pour objet de demander des éclaircissements. Je n'ai donc pas à en apprécier le mot à mot. Nous écouterons avec plaisir les explications que voudra bien nous donner le Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. S'agissant de l'amendement n° 193, la façon dont le Parlement et les représentants des collectivités locales doivent être associés à la définition des conditions de mise en oeuvre du principe d'autonomie fiscale relève sans doute de la loi organique, mais la Constitution doit simplement poser le principe, c'est-à-dire en reste à des termes plus généraux, comme le prévoit l'article 6.
Quant à l'amendement de M. Méhaignerie, il revient à anticiper le débat sur la loi organique pour préciser dès maintenant, c'est-à-dire dans la Constitution, ce que devra être le contenu de cette loi. C'est aller trop vite en besogne. Pour ma part, je considère que la loi organique devra définir très clairement la méthode et l'objectif. Il appartiendra ensuite à des lois ordinaires de mettre en oeuvre la mécanique que, dans quelques mois, le Gouvernement vous proposera d'élaborer dans la loi organique. C'est alors que nous aurons ce débat. Je ne pense pas qu'il faille anticiper dans la Constitution, d'une manière aussi forte, non seulement sur la loi organique, mais quasiment sur les lois d'application. Ce serait une imprudence qui enfermerait le Parlement dans une pré-définition de ce qui doit être ensuite inscrit dans les différents textes. Je souhaite ainsi vous avoir convaincu, monsieur Méhaignerie, de retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Bonrepaux, compte tenu du fait que vous avez déposé plusieurs sous-amendements à l'amendement n° 44 rectifié, j'aimerais que nous puissions statuer sur l'amendement n° 193 avant de les aborder.
M. Augustin Bonrepaux. Il se trouve - je n'y suis pour rien, monsieur le président - que ces deux amendements sont en discussion commune...
M. le président. Je l'ai dit.
M. Augustin Bonrepaux. ... et que nous aimerions savoir comment sera précisé, dans la loi organique, la notion de part « déterminante ». Cette discussion commune montre justement que nous ne sommes pas les seuls à nous interroger à ce propos.
Cela étant, monsieur le président de la commission des finances, je ne ferai pas d'obstruction et je retirerai tous ces sous-amendements qui vous faisaient dire que je cherchais à retarder le débat. A l'exception d'un seul, car il me semble nécessaire, sinon de donner une précision chiffrée dans la loi organique, du moins d'obtenir du Gouvernement, s'il n'est pas en mesure d'avancer un pourcentage dès maintenant, quelques indications sur ce qu'il prévoit.
Sur le fond, je note que notre amendement rejoint d'une certaine manière celui de M. Méhaignerie, car il serait important qu'avant la rédaction de la loi organique, les représentants des collectivités locales et le Parlement soient consultés sur les conditions de mise en oeuvre de la règle d'autonomie fiscale, en particulier sur la proportion retenue. Dès lors, si l'on nous annonçait que l'amendement n° 44 rectifié sera satisfait, nous pourrions retirer l'amendement n° 193. Vous voyez, monsieur le président, que nous sommes très ouverts.
M. le président. Très bien, monsieur Bonrepaux. Puis-je considérer que tous vos sous-amendements sont retirés sauf un, et lequel ?
M. Augustin Bonrepaux. Celui qui fixe le pourcentage de la part déterminante à 45 %, c'est-à-dire le sous-amendement n° 245.
M. le président. Les sous-amendements n°s 244 et 246 à 251 sont donc retirés.
Nous reprenons le débat sur les amendements.
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Le groupe UDF considère que l'amendement de Pierre Méhaignerie est plein de sagesse. Je dirai même que la réponse du garde des sceaux justifie encore plus son adoption, car on ne peut pas laisser à la loi ordinaire, comme il l'a envisagé, le soin de définir la notion d'autonomie financière. Pourquoi ? Parce que cette définition pourrait alors être modifiée à tout moment par toute autre loi, par exemple une loi de finances, ce qui ne serait pas acceptable. Je pense donc que Pierre Méhaignerie a raison : à défaut d'avoir obtenu, du moins pour l'instant, que l'on inscrive le mot « prépondérante » dans la Constitution, il faut définir dans la loi organique ce que sera la part « déterminante ». D'ailleurs, même si l'on tranchait finalement pour « prépondérante », il faudrait aussi définir ce concept dans la loi organique, de façon que les lois ordinaires, de finances en particulier, ne puissent pas y porter atteinte.
Autant j'estime justifié l'amendement n° 44 rectifié, autant l'amendement n° 193 me laisse perplexe, car on ne peut pas écrire dans la Constitution que les représentants des collectivités territoriales seront associés à la mise au point d'une telle définition. Si le Gouvernement veut saisir le Comité des finances locales ou telle association, il est libre de le faire, mais cela n'a pas à figurer dans la Constitution.
M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez.
M. Gilles Carrez. Je soutiens moi aussi l'amendement de M. Méhaignerie.
La question essentielle de l'autonomie fiscale a été abordée par approximations successives.
La première définition a été celle des ressources propres. Alors que les dotations d'Etat avaient été éliminées d'emblée des ressources propres, par le Gouvernement, c'est le Sénat qui en a écarté les dotations provenant d'autres collectivités territoriales.
On est ainsi arrivé - et je crois que c'est une bonne chose - à une définition restrictive des ressources propres qui a elle-même influé sur le choix de l'adjectif entre « prépondérante » et « déterminante ». C'est en suivant cette définition progressive, qui a fait l'objet de très intéressants débats de fond au Sénat et ici même, que l'on a débouché finalement sur l'adjectif « déterminante ».
Mais la notion de part déterminante devient alors tellement essentielle que sa définition doit évidemment relever de la loi organique. Une loi ordinaire ne saurait suffire. Indépendamment des consultations qui seront nécessaires - et qu'il n'y a pas lieu de mentionner dans la Constitution, ce pourquoi l'amendement n° 193 est dépourvu d'intérêt -, il me paraît juridiquement sain que la loi organique donne cette définition.
M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.
M. Léonce Deprez. Je fais mienne l'argumentation de M. Carrez. Autant nous comprenons, monsieur le garde des sceaux, que la loi constitutionnelle ne doive pas aller au-delà du principe, autant nous comptons sur la loi organique pour nous apporter un complément de garanties sur les ressources propres des collectivités locales.
M. Méhaignerie a fait preuve dans cet hémicycle d'un tel esprit de conciliation et de sagesse que je souhaite vivement que son amendement soit approuvé. De toute façon, la loi organique sera soumise à l'Assemblée nationale et elle ne sera approuvée par les députés que si elle apporte les précisions mêmes que M. Méhaignerie lui demande formellement d'apporter. C'est pourquoi je pense que son amendement est justifié.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. le garde des sceaux. J'ai peur que dans cette affaire, on ne combatte à front renversé. En substance, le débat se situe entre deux rédactions, ou bien : « La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre » ou bien : « La loi organique définit cette règle ».
La première formule comporte un élément extrêmement important, à savoir la progressivité du dispositif, son caractère évolutif dans le temps, toutes choses qui doivent figurer, à mon avis par nécessité, dans la loi organique.
En revanche, la seconde formule est d'une sécheresse telle que j'ai quelque inquiétude que vous ne la regrettiez lors du débat sur la loi organique. Très sincèrement, je ne comprends pas l'amendement déposé par Pierre Méhaignerie, et je souhaite appeler votre attention sur le très faible intérêt, c'est le moins qu'on puisse dire, de la rédaction proposée. Je suis absolument convaincu de la nécessité de fixer dans la loi organique les conditions, y compris progressives, qui permettront d'atteindre l'objectif constitutionnel que nous avons fixé à la phrase précédente. C'est pourquoi je crois indispensable de maintenir le texte du projet.
M. le président. La parole est à M. Chassaigne.
M. André Chassaigne. Depuis le début de l'examen de ce projet, on entend dire de façon récurrente que l'ambiguïté et le flou caractérisent ce texte. Dès la discussion en commission des lois, plusieurs députés avaient fait observer que nous allions voter une modification de la Constitution sans savoir ce qui viendrait derrière. On leur avait alors répondu que la loi organique apporterait les précisions nécessaires. Or nous avons aujourd'hui le sentiment d'aller de reculade en reculade alors pourtant que s'exprime clairement la volonté d'en savoir plus. Seul le souci de transparence nous anime. Les collectivités locales veulent savoir à quelle sauce elles vont être mangées. Toutefois, à chaque fois que nous demandons une précision, le Gouvernement tourne un verrou.
M. Jean-Luc Warsmann. C'est faux !
M. André Chassaigne. Il recule pied à pied. Mais, même lorsqu'il se retrouve le dos au mur, il continue de dire non !
Mme Ségolène Royal. Exactement !
M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, que répondez-vous au Gouvernement ?
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission, rapporteur pour avis. Dans le dernier argument qu'il a avancé, le Gouvernement a indiqué très clairement qu'il y aura une progressivité de la « part déterminante ». Compte tenu de cet élément qui n'est pas négligeable au regard de la première réponse qu'il avait apportée, j'accepte de retirer mon amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communiste et républicains.)
M. Philippe Vuilque. C'est une capitulation en rase campagne !
M. Charles de Courson. Je reprends l'amendement !
M. Jean-Pierre Brard. Je souhaite le rependre également !
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je reprends cet amendement car l'argument du Gouvernement, et j'en suis désolé, ne tient pas. Dans la mesure où il paraît impossible de laisser aux lois ordinaires, et donc à tel ou tel gouvernement, le soin de moduler chaque année le taux, c'est bien dans la loi organique qu'il faut définir le ratio.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, j'avais dit avant M. de Courson que je souhaitais reprendre cet amendement.
M. le président. Non, monsieur Brard. Mais rien ne vous empêche de vous joindre à M. de Courson.
M. Jean-Pierre Brard. Je reconnais que, pour une fois, M. de Courson a été d'une rare clarté.
M. le président. Il a été aussi un peu plus rapide que vous ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Brard. Nous ne pouvons donc qu'adhérer à ses arguments. D'ailleurs, pour le coup, M. Méhaignerie avait été lui aussi extrêmement clair. Malheureusement, il n'a pas obtenu de réponse de la part du ministre. Pour reprendre l'image chère à notre collègue André Chassaigne, le Gouvernement nous demande d'acheter un âne dans un sac et se refuse ne serait-ce qu'à entrouvrir le sac (Sourires.) Son acharnement à ne rien vouloir dire ne peut que renforcer nos soupçons sur ses intentions réelles, surtout après la discussion après l'article 3.
Alors bien sûr, et on le reconnaît bien là, M. Méhaignerie veut faire plaisir à tout le monde, et surtout à ses amis, même quand ils ne sont pas gentils avec lui.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission, rapporteur pour avis. Attendez la suite !
M. Jean-Pierre Brard. Moi je juge d'après ce que je vois, monsieur Méhaignerie, et je constate que le Gouvernement vous fait manger votre chapeau. Comme ce n'est pas le premier, j'en déduis que vous devez avoir une chapellerie. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 44 rectifié, repris par M. de Courson, est donc soutenu par M. Brard. Avant de passer au vote sur cet amendement, nous allons statuer sur l'amendement n° 193.
M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
M. Augustin Bonrepaux. Le président de la commission des finances nous a convaincus tout à l'heure que son amendement n° 44 rectifié était d'une portée beaucoup plus générale que le nôtre. Nous ne pouvions deviner qu'il capitulerait ensuite. Après avoir mangé un premier chapeau à l'article 3, il en mange un deuxième à l'article 6. Malgré tout, cet amendement ayant été repris, nous retirons notre amendement n° 193.
M. le président. L'amendement n° 193 est donc retiré.
Sur l'amendement n° 44 rectifié, M. Bonrepaux, M. Migaud et les membres du groupe socialiste ont présenté un sous-amendement, n° 245, ainsi rédigé :
« Complétez le dernier alinéa de l'amendement n° 44 rectifié par les mots : "qui ne peut être inférieure à 45 %. »
La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
M. Augustin Bonrepaux. J'ai retiré tous les autres sous-amendements pour faire plaisir au président de la commission des finances qui me reprochait de faire de l'obstruction. Mais je le regrette un peu à présent. Tout à l'heure, en effet, il nous a dit vouloir un vrai débat. Or débattre, ce n'est pas se conformer à l'avis du Gouvernement qui souhaite en fait que tous les amendements soient retirés.
Mon sous-amendement vise à préciser le contenu de la loi organique, et Gilles Carrez a montré combien c'était indispensable. Dans la mesure où le Gouvernement ne nous donne aucune garantie, nous souhaitons préciser que la part déterminante de l'ensemble des ressources des collectivités territoriales peut être inférieure à 45 %.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 245 ?
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Défavorable.
M. Jean-Pierre Brard. Il n'y a pas de solidarité confraternelle !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. Sur le vote du sous-amendement n° 215, je vous rappelle que je suis saisi d'une demande de scrutin public.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
Le scrutin est ouvert.
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 106
Nombre de suffrages exprimés 106
Majorité absolue 54
Pour l'adoption 26
Contre 80
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 44 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. M. Garrigue a présenté un amendement, n° 8, ainsi rédigé :
« Après le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution, insérer l'alinéa suivant :
« L'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements sont seuls compétents pour attribuer et répartir les crédits publics. »
M. Jean-Luc Warsmann. Défendu.
M. Augustin Bonrepaux. Je le défends, monsieur le président.
M. le président. Vous avez la parole pour soutenir l'amendement n° 8.
M. Augustin Bonrepaux. Aux termes de cet amendement, les groupements, qui apparaissent pour la première fois dans le texte, seraient placés au même rang que les collectivités territoriales. Certes, cela exclurait d'autres organismes dépendant de l'une de ces collectivités. Mais il me semble important d'affirmer le rôle des groupements intercommunaux à fiscalité propre.
M. Jean-Pierre Balligand. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.
M. Jean-Luc Warsmann. Monsieur le président, j'avais dit que l'amendement était défendu avant que M. Bonrepaux ne s'exprime.
M. le président. Je ne vous avais pas entendu, excusez-moi.
Je mets aux voix l'amendement n° 8.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. M. Bonrepaux, M. Migaud et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 195, ainsi rédigé :
« Après le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution, insérer l'alinéa suivant :
« Les impositions locales sont proportionnées aux facultés contributives des contribuables locaux. Leurs bases sont régulièrement réévaluées. »
La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
M. Augustin Bonrepaux. Cet amendement vise à introduire dans la Constitution ce qui figure déjà dans la déclaration des droits de l'homme, à savoir que les impositions locales doivent être proportionnées aux facultés contributives des contribuables locaux. Ce point est essentiel alors que les collectivités locales vont être appelées à financer des compétences de plus en plus nombreuses, et que donc les finances locales risquent d'avoir tendance à s'alourdir si les conditions de transfert ne sont pas suffisamment précises. Or les bases sur lesquelles reposent les impôts locaux sont obsolètes et méritent d'être revues. Malheureusement, lorsque j'ai eu « l'outrecuidance » de demander l'autre jour au Gouvernement comment il comptait réviser les bases des valeurs locatives, on m'a accusé de faire de l'obstruction. Pourtant, c'est la taxe d'habitation qui constitue la principale imposition locale.
Pour notre part, nous avions proposé de prendre en compte pour son calcul la faculté contributive des contribuables locaux. Aujourd'hui, en effet, cette taxe d'habitation n'est même pas proportionnelle au revenu. Elle est même souvent inversement proportionnelle : tandis que les habitants de logements HLM, correctement évalués, versent des taxes souvent élevées par rapport à leur revenu, d'autres contribuables ne sont taxés que sur la base de valeurs locatives beaucoup plus faibles, la réévaluation des habitants étant fondée sur la déclaration des individus. Même lorsqu'une commission communale signale un certain nombre d'améliorations, ces déclarations ne correspondent pas toujours à la nouvelle valeur des habitations. Il y a donc là une injustice, contraire à la Constitution et au principe d'égalité devant la loi et devant la fiscalité. Notre amendement tend précisément à la corriger.
Je rappelle que la loi d'aménagement du territoire votée en 1995 avait prévu une révision des bases. Le Gouvernement va-t-il réviser les valeurs locatives ? On nous a dit en commission des finances, lors de la présentation de la loi de finances au mois de septembre dernier, que chaque collectivité procéderait à cette révision. Comment dans ces conditions parvenir à une harmonisation nationale ? Il serait beaucoup plus cohérent, plus juste et plus novateur d'asseoir cette taxe sur les facultés contributives des contribuables locaux.
A cet égard, notre collègue Charles de Courson a fait observer en commission des finances qu'il ne fallait pas l'asseoir sur l'impôt sur le revenu qui est progressif. Je partage son point de vue. En revanche, la CSG me semble la base la plus appropriée. Ainsi, les impositions locales seraient vraiment proportionnées aux facultés contributives des contribuables locaux. Notre amendement prévoit en outre de réévaluer régulièrement ces bases, ce qui paraît être le bon sens.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, mais monsieur Bonrepaux, les questions relatives à la fiscalité sont en effet fondamentales. Et nous avons à cet égard un rendez-vous important devant nous. Je rappellerai, cependant, qu'en 1996 j'avais fait adopter le principe d'une révision des bases. J'ai oublié ce qui se produisit en 1997 - j'ai un trou de mémoire (Sourires) -, mais ensuite, en tout cas, il ne s'est rien passé pendant cinq ans.
M. René Dosière. La révision datait de novembre 1990 !
M. le garde des sceaux. Chacun ici doit en être informé, j'avais fait adopter en 1996, alors que j'étais en charge de la décentralisation, le principe d'une révision, qui a été abandonné par le gouvernement de Lionel Jospin.
Pour autant, je suis complètement de votre avis, monsieur Bonrepaux. Nous devons moderniser notre système de fiscalité locale qui est un peu en bout de course - l'élasticité n'est pas suffisante, la part des uns et des autres dans ces impôts n'est pas satisfaisante. Nous devrons donc prendre des décisions importantes en matière de fiscalité locale pour faire en sorte que l'objectif que nous vous proposons d'inscrire dans la Constitution puisse être progressivement atteint grâce au dispositif de la loi organique et des lois d'application. Il s'agira d'augmenter réellement la part de la fiscalité.
Cela étant, ce n'est pas dans la Constitution elle-même qu'il faut faire figurer une telle disposition. Vous le savez d'ailleurs très bien, monsieur Bonrepaux. Votre amendement a le mérite de soulever le problème et de rappeler à l'Assemblée et au Gouvernement la nécessité d'une réforme fiscale. Je vous confirme que c'est bien dans cet état d'esprit que se trouve le Gouvernement. Mais votre amendement n'a pas sa place dans la Constitution. Je vous demanderai donc de le retirer.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Pour rassurer M. Bonrepaux, qui souhaite sans doute l'être, je rappellerai qu'il a d'ores et déjà satisfaction avec l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme selon laquelle le contribuable ne paie l'impôt qu'en fonction de ses capacités contributives.
M. le président. La parole est à M. René Dosière.
M. René Dosière. M. le garde des sceaux a fait allusion à la prévision des valeurs locatives. Ayant été rapporteur de ce texte, je tiens à préciser que la révision des valeurs locatives, qui dataient de 1970, avait été prévue par une loi de 1990. Les simulations étaient prêtes en novembre 1992. Mais c'était malheureusement trop tard pour que l'assemblée d'alors s'en saisisse avant la fin de la session d'automne, et l'occurence de la législative, qui s'achevait le 21 décembre.
Par conséquent, la nouvelle majorité de droite, qui arriva en 1993, trouva un dispositif prêt à être mis en oeuvre. Je ne sais pas pourquoi le ministre du budget de l'époque ne l'appliqua pas - alors même que les responsables de droite avaient réclamé cette révision !
Ensuite, on s'est aperçu que le système présentait un certain nombre de difficultés du fait notamment que la cotation des HLM était différente. De nouvelles simulations ont donc été demandées aux comités des finances locales. Bref, on est revenu peu à peu sur le texte initial. C'est ainsi que nous en sommes arrivés, monsieur le garde des sceaux, à votre proposition de 1996.
En 1997, après ma réélection, le ministre du budget m'a consulté sur la nécessité de mettre en application la révision des valeurs locatives. Je lui ai fait remarquer d'une part que 1990 étant déjà loin et que la mise en application demandant plusieurs années, ce ne serait finalement pas avant l'an 2000 que les valeurs locatives de 1990 seraient utilisées.
M. le garde des sceaux. Ce serait déjà fait !
M. René Dosière. Dix ans d'écart ! D'autre part, le problème de l'évaluation des HLM n'étant pas réglé, il fallait en tout état de cause revenir devant le Parlement pour le résoudre. Autrement dit, dans cette affaire, la responsabilité est générale ; au-delà, s'agissant des révisions, la remise à niveau qui s'ensuit ferait des gagnants et surtout des perdants. En l'occurrence, ceux qui, depuis 1970, supportent une imposition inférieure à celle qui correspondrait à la réalité. Alors, on ne change rien pour ne pas créer de problèmes, par manque de volonté politique, parce que cela coûte cher. Depuis, je vous accorde que les gouvernements, tant d'ailleurs celui auquel vous apparteniez que celui que j'ai soutenu ensuite, ont été amenés à donner quelques milliards de francs aux collectivités - alors qu'ils refusaient de le faire initialement - pour financer la réforme.
M. le président. Merci monsieur Dosière.
M. René Dosière. Aujourd'hui, il faut recommencer les évaluations et avoir enfin le courage de les mettre en application.
M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez.
M. Gilles Carrez. Il est vrai que la réforme des valeurs locatives est très délicate et il eut fallu l'aborder en tout début de législature. On n'a jamais réussi à le faire sauf en 1992, mais elle n'a pu être menée à bien. En 1996, nous étions parvenus à un véritable accord. Malheureusement, la législature a été écourtée.
M. René Dosière. Ce n'est pas notre faute !
M. Gilles Carrez. Monsieur le garde des sceaux, j'insiste : on peut critiquer nos impôts locaux traditionnels, mais ils sont la condition sine qua non de l'autonomie fiscale des 36 000 communes. Il n'y a pas d'autre impôt - je pense en particulier à l'impôt foncier, à la taxe d'habitation - à pouvoir être « localisable » à l'échelle de la commune. Nous devons donc sauver la fiscalité locale.
M. Léonce Deprez. Bien sûr !
M. Gilles Carrez. Pour y parvenir, il faut absolument avoir le courage de réévaluer les bases. Certes, l'amendement de notre collègue Bonrepaux n'a, à l'évidence, pas sa place dans ce texte, mais s'astreindre le moment venu - le plus proche possible j'espère ! - à une modernisation des valeurs locatives est impératif sauf à vider le principe de l'autonomie fiscale de la commune de son sens.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. L'amendement est inutile. Dans l'historique de notre collègue il manquait un chaînon.
M. René Dosière. J'ai voulu être rapide !
M. Charles de Courson. Alain Lamassoure, devant le comité des finances locales, avait déclaré que, si le comité se prononçait pour à une très forte majorité, il déposerait le texte. Nous avons eu alors un très long débat pour arriver à un compromis, avec la suppression de logements sociaux, pour uniformiser les catégories, avec l'étalement... C'était en juillet 1996. Sur cette base, le Gouvernement a déposé le texte, mais l'Assemblée nationale a été dissoute ! Le nouveau gouvernement a repris le dossier. Malgré l'accord du CFL,...
M. Jean-Pierre Balligand. Mais ce n'est pas l'objet de cette discussion !
M. Charles de Courson. ... rien n'a été décidé parce que, chacun le sait, les gens qui en auraient bénéficié n'auraient pas défilé, mais il aurait eu sur le dos ceux qui auraient été pénalisés. Cela s'appelle l'absence de courage politique.
M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
M. Augustin Bonrepaux. J'aimerais apporter quelques précisions sur une question essentielle. Il est vrai que les responsabilités dans les statu quo sont largement partagées.
M. Léonce Deprez. N'insistons pas !
M. Augustin Bonrepaux. Lorsque notre collègue René Dosière a soutenu la révision en 1990, nous étions quelques-uns à être sceptiques sur sa mise en oeuvre. Nous avions déjà, bien sûr, la volonté d'établir des bases proprotionnées aux facultés contributives des contribuables locaux.
Monsieur le ministre, vous nous dites que mon amendement ne doit pas figurer dans la Constitution. Je veux bien le retirer si vous nous donnez quelques éclaircissements sur la manière dont ces bases doivent être modernisées. Il ne faut pas se cacher la difficulté d'une révision des bases conforme à la loi de 1990. Il n'est pas certain que les plus défavorisés soient gagnants. C'est pourquoi tous les gouvernements hésitent. Je vous donne acte, monsieur le ministre, que vous aviez fait des propositions en 1996, mais en 1995 vous aviez voté une loi en vertu de laquelle la révision des valeurs locatives devait intervenir avant 1997. Tout le monde porte une part de responsabilité. J'ai toujours été partisan, dès lors qu'elle était inscrite et qu'il n'y avait pas d'autre solution, de procéder à la révision. Mais elle n'a pas été engagée - je veux bien en assumer la responsabilité - en raison même de sa complexité. Il y a non seulement le problème des contribuables mais encore celui du potentiel fiscal des collectivités locales. Alors, comment va-t-on en sortir ? J'insiste, monsieur le ministre, si vous pouvez nous apporter des éclaircissements, je n'irai pas plus loin.
L'autre jour, M. le ministre délégué aux libertés locales, nous a expliqué qu'il avait une solution : laisser faire les collectivités. Je ne comprends pas ! Comment sera-t-il possible dès lors d'avoir une harmonisation nationale qui permette de comparer en vue d'une péréquation ?
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. le garde des sceaux. Monsieur le député, ce n'est pas l'objet de notre débat. Celui que vous suggérez se prépare entre le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, au sein du conseil des ministres dont je fais partie.
M. René Dosière. Avec une grande compétence !
M. le garde des sceaux. Merci, monsieur le député. Quoi qu'il en soit, je ne vais pas aujourd'hui improviser à propos des orientations qui devront être définies au sein du Gouvernement avant d'être proposées au Parlement.
M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
Je mets aux voix l'amendement n° 195.
Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
Le scrutin est ouvert.
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 98
Nombre de suffrages exprimés 98
Majorité absolue 50
Pour l'adoption 21
Contre 77
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
MM. Balligand, Bonrepaux, Migaud et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 196, ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution :
« Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales ou toute création de nouvelle compétence s'accompagne d'un transfert de fiscalité nationale, pour tout ou partie d'un impôt, nécessaire à l'exercice effectif et continu de ces compétences. »
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
M. Jean-Pierre Balligand. Je vais abonder dans le sens de M. le garde des sceaux. Tout à l'heure, comme Gilles Carrez, il disait que nous étions au bout de la fiscalité locale. Nous avons pensé, donc, qu'il serait peut-être intéressant, eu égard à l'ambition du Gouvernement, de transférer des compétences nouvelles aux collectivités territoriales, de graver dans le marbre un principe assez simple. Puisque la fiscalité locale est à bout de souffle, puisque les élus des collectivités territoriales craignent avant tout une explosion de la fiscalité locale, concomitante à la baisse de l'impôt sur le revenu au niveau national, il serait bon, compte tenu de l'objectif assigné à l'acte II de la décentralisation et conformément au discours des ministres, notamment du premier d'entre eux, de donner des garanties. Ainsi, à l'avenir, les transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales se traduiraient par un transfert de fiscalité nationale vers les collectivités territoriales, seul moyen pour elles d'exercer réellement les nouvelles compétences.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. M. Balligand est plus royaliste que le roi ! J'eusse aimé qu'il eût la même exigence à l'époque, d'ailleurs récente, où il était membre de la majorité. Vous êtes un spécialiste des collectivités et des finances locales, monsieur Balligand. Or, jamais je n'ai entendu votre voix s'élever dans l'hémicycle pour vous inquiéter d'un transfert de charges. Jamais !
M. Jean-Pierre Balligand. J'ai posé des questions à ce sujet !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Et tout à coup, la révélation, l'Esprit saint, peut-être, la grâce ! Vous voilà d'une exigence extraordinaire : vous dites qu'à tout transfert de compétence doit correspondre un transfert de fiscalité nationale strictement équivalent. Si l'on veut que cela ne marche pas, il n'y a qu'à inscrire cette règle, comme vous dites, dans le marbre de la Constitution. Un transfert de fiscalité nationale est évidemment nécessaire, mais il est tout aussi évident que si l'on veut favoriser la décentralisation des compétences, pour rapprocher les élus des électeurs, il ne faut pas poser cette exigence. Sinon, on ne fera rien ! Un transfert de fiscalité nationale est nécessaire, il appartiendra aux lois organiques de donner un élan dans ce sens. Autrement, et je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point, ce serait gravissime. Mais s'en tenir là n'est pas réaliste : nous arrêterions le mouvement de décentralisation. Or, je pense que vous souhaitez sincèrement que l'on aille plus loin dans ce domaine. Votre amendement va donc contre l'orientation que vous-même souhaitez. La commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. René Dosière. Sans évocation de l'Esprit saint ? (Sourires.)
M. René Dosière. Oh, ce n'est pas mon genre. (Sourires.)
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Chacun le sien !
M. René Dosière. Je veux attirer l'attention de nos collègues, notamment de M. Carrez, qui est également le rapporteur général, et de M. de Courson, sur la question essentielle, les transferts de ressources financières qui interviendront à l'occasion des futurs transferts de compétences, dont l'on croit savoir qu'ils seront nombreux. La formulation du Gouvernement dans son projet est exactement celle de la loi de 1982, c'est-à-dire que le transfert financier correspond au montant des dépenses que l'Etat consacre à la compétence transférée au moment où le transfert intervient.
Or, sur ce point, monsieur Clément, je voudrais que vous sortiez un peu de la polémique. Lorsque nous avons soutenu cette formulation - en tout cas Jean-Pierre Balligand ; à l'époque, je n'étais pas député, mais président de région - nous pensions qu'elle était réaliste. A l'usage, nous avons constaté que si certaines compétences transférées faisaient l'objet d'un effort financier satisfaisant de la part de l'Etat, ce n'était pas le cas s'agissant d'autres, notamment celles qui concernent les collèges et les lycées, si bien que le transfert n'avait d'autre objet que de transférer l'augmentation des impôts !
Nous exprimons aujourd'hui des réticences parce que nous avons tiré la leçon d'un phénomène que nous ne pouvions pas prévoir. Monsieur le président de la commission des lois, de très nombreux élus socialistes, locaux et nationaux, ont eu l'occasion de joindre leurs voix à celles de vos collègues qui considéraient que le résultat n'était pas satisfaisant dans tous les cas. Cela dans tous les cas. Et vous, vous voulez constitutionnaliser cette disposition ! Autrement dit, là où il y a encore de la liberté et de la souplesse, vous introduisez la rigidité car ce qu'une loi simple énonce, une loi simple peut le modifier. Si aujourd'hui on s'aperçoit, à l'occasion de tel ou tel transfert, qu'il faut modifier les règles, on peut toujours le faire, mais lorsque la Constitution aura été révisée, on ne pourra plus rien changer. Je regrette de devoir vous le dire, mais c'est en parfaite connaissance de cause que vous allez accepter un transfert de compétences, dont certaines ne sont pas assurées convenablement par l'Etat, qui va se traduire par une augmentation des impôts locaux. C'est une programmation de la hausse des impôts locaux que vous allez voter !
Sur ce point, vous devriez prendre en compte ce qui s'est passé depuis 1982 !
M. le président. Merci, monsieur Dosière.
M. René Dosière. Non, monsieur le président, si vous le permettez, je vais continuer ! C'est un débat important et je n'ai pas l'habitude de trop dépasser mon temps de parole !
A l'époque, le transfert financier prévu a été opéré sous une forme fiscale - le solde a fait l'objet d'une dotation de l'Etat. Nous avons constaté que, là où les transferts de fiscalité étaient les plus importants, le résultat était meilleur qu'avec une compensation de l'Etat. Lorsque le Gouvernement a voulu, pour des raisons de politique nationale, modifier le taux des droits de mutation, et donc diminuer une recette transférée, il s'est trouvé dans l'obligation de compenser intégralement le manque à gagner pour les collectivités. Le transfert de fiscalité est donc beaucoup plus favorable à l'autonomie financière des collectivités locales.
C'est bien la raison pour laquelle Jean-Pierre Ballingand et le groupe socialiste proposent que les transferts de charges aient pour contrepartie des transferts de fiscalité. Dans ce cas au moins, on sait que la situation peut évoluer. Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement s'obstine à ne pas tirer les leçons de l'expérience.
On a le sentiment - je le dis avec un peu de peine au ministre - qu'au fond toutes les propositions de modification, d'amélioration du texte, y compris celles qui proviennent de votre majorité, sont repoussées. Comme si tout était bouclé à l'avance, comme si l'objectif était d'arriver à ce que le Sénat puisse, lors de la deuxième lecture, voter le texte conforme. Ainsi, l'essentiel aurait déjà été négocié ! Autrement dit, dans un débat aussi important, l'Assemblée nationale ne verrait même pas le texte en deuxième lecture ! Pour qu'il en soit autrement, il faudrait tout de même qu'il y ait un amendement que le Sénat ne puisse pas accepter. Or, chaque fois qu'une disposition pourrait faire courir ce risque,...
M. le président. Monsieur Dosière !
M. René Dosière. ... le Gouvernement insiste beaucoup pour que sa majorité se couche complètement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Charles de Courson. Et cela ne vous est jamais arrivé, à vous ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Dosière, je crois que l'Assemblée est suffisamment éclairée !
M. René Dosière. C'est justement pour cette raison que nous vous disons de ne pas faire la même chose ! Faites au moins des génuflexions, monsieur Méhaignerie ! Vous qui savez ce que c'est ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Dosière !
La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
M. Augustin Bonrepaux. Il me faut interroger le Gouvernement - de son côté, mon collègue Jean-Jack Queyranne souhaiterait interroger la commission, si elle était là !
M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Je suis là, monsieur Bonrepaux ! Je m'installe au banc de la commission !
M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, je suis surpris de votre réponse dans la mesure où elle est un peu contradictoire avec celle de M. le ministre des collectivités locales, l'autre soir, qui nous a dit qu'il hésitait et qu'il penchait pour le transfert d'un impôt national.
M. Jean-Jack Queyranne. Eh oui !
M. Augustin Bonrepaux. Il nous a expliqué que le transfert de TVA n'était pas possible, mais nous a laissé entendre que celui de la TIPP était peut-être envisageable.
Monsieur le ministre, pour éclairer l'Assemblée nationale, prévoyez-vous un transfert de TIPP ? Sans doute ne voulez-vous pas l'inscrire dans la Constitution, nous le comprenons, mais au moins pourriez-vous nous donner votre sentiment ? Et, question qui n'est pas anodine, l'opération serait-elle compatible avec les réglementations européennes ? La TIPP pourrait-elle évoluer librement dans chaque région ou dans chaque département ? Sinon je crains, mes chers collègues, que ce soit encore un marché de dupes parce qu'il n'y aura plus de liberté !
M. Jean-Jack Queyranne. Bien sûr !
M. Augustin Bonrepaux. Pourriez-vous donc nous donner des éclaircissemetns qui intéresseraient tout le monde ?
M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.
M. Léonce Deprez. Il ne me paraît pas souhaitable d'adopter cet amendement ne serait-ce qu'à cause du membre de phrase « toute création de nouvelle compétence... ». Certes, il est évident que tout transfert de compétence devra être accompagné d'un transfert de ressources et, à cet égard, nous espérons que la loi organique comportera les dispositions nécessaires. Nous vous demandons d'ailleurs de le préciser une nouvelle fois, monsieur le ministre. Toutefois, il ne me paraît pas très logique d'écrire que toute création de nouvelle compétence doit être financée par l'impôt national, ou doit être le fruit d'un transfert de l'impôt national. En effet, il faut tout de même laisser les collectivités territoriales, à tout niveau, prendre leurs responsabilités quant à l'exercice de ces nouvelles compétences. Toute disposition contraire constituerait une atteinte aux libertés locales.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous apportiez des précisions à ce sujet. En tout cas, nous espérons que la question de l'apport de ressources au niveau territorial à partir de la fiscalité nationale sera réglée par la loi organique.
M. le président. Monsieur le garde des sceaux, j'ai l'impression que vous avez déjà répondu, mais si vous voulez ajouter un mot...
M. le garde des sceaux. Oui, monsieur le président, vous avez mille fois raison, mais je ne désespère pas d'être entendu, même si je dois répéter plusieurs fois les mêmes propos.
Je vous l'ai déjà dit, monsieur Bonrepaux, et je peux le dire aussi à M. Deprez : ne nous trompons pas de débat. Or, de manière récurrente, nous sortons du débat constitutionnel pour entrer dans un débat passionnant - et qui, personnellement, me passionne - sur la vie concrète des collectivités territoriales en termes d'organisation de leur fiscalité. Le temps d'aborder ce sujet viendra, mais, pour l'instant - je l'ai déjà précisé à la tribune il y a quelques jours - nous établissons seulement des possibilités nouvelles dans ce projet de loi constitutionnelle, ce qui, bien entendu, justifie la révision de notre texte fondamental, qu'il s'agisse de l'inscription de la région, de l'expérimentation, ou de nombreux éléments nouveaux en termes de démocratie directe, d'autonomie financière et de règles concernant l'outre-mer.
Ces différents éléments justifient pleinement la réforme constitutionnelle, comme cela avait d'ailleurs été annoncé avant l'élection présidentielle par Jacques Chirac. Nous en débattons aujourd'hui, avant, dans quelques mois, de traiter des lois organiques et des lois ordinaires qui mettront en oeuvre ces orientations constitutionnelles.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jack Queyranne.
M. Jean-Jack Queyranne. M. le garde des sceaux vient de souligner qu'il ne fallait pas se tromper de débat. Justement : nous ne nous trompons pas ! En effet, pour conforter le principe, que nous connaissons bien, de la compensation financière en cas de transfert de compétence, qui est l'objet de l'article 6, nous voulons assurer un transfert de moyens financiers de l'Etat. Cela est indispensable pour traiter de la décentralisation dans sa globalité, y compris sur le plan financier. D'ailleurs, les incertitudes évoquées par certains collègues de la majorité concernent précisément les moyens financiers des collectivités locales. La principale crainte exprimée par les élus, et largement partagée par les citoyens, est que cela aboutisse à une hausse des impôts locaux.
A cet égard nous sommes à l'heure de vérité : l'Etat doit garantir qu'il donnera aux collectivités locales une part des ressources nationales. Cela constituera l'étape décisive de la décentralisation.
En émettant cette proposition, nous ne sommes pas en contradiction avec les propos du Premier ministre qui a même évoqué le transfert d'une part de la TIPP, c'est-à-dire d'un impôt productif sur le plan national, vers les collectivités locales. L'amendement déposé par M. Balligand me paraît d'autant plus pertinent qu'il n'est pas judicieux de s'en remettre aux lois organiques ou ordinaires. En effet, leurs dispositions peuvent être facilement modifiées, ne serait-ce, en ce qui concerne les lois ordinaires, que dans le cadre des lois de finances. Les mécanismes financiers pourraient être remis en cause chaque année, alors que l'inscription dans la Constitution montrerait votre volonté de franchir une nouvelle étape en matière de décentralisation.
M. le président. Monsieur Queyranne, cette proposition est tellement importante que vous avez demandé un scrutin public.
Je vous prie donc, mes chers collègues, de bien vouloir regagner vos places.
Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
Je mets aux voix l'amendement n° 196.
Le scrutin est ouvert.
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 88
Nombre de suffrages exprimés 88
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 15
Contre 73
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
M. Brard a présenté un amendement, n° 112 rectifié, ainsi rédigé :
« Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution, après les mots : "s'accompagne, insérer les mots : "de manière permanente et intégrale. »
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir cet amendement.
M. André Chassaigne. Je défends cet amendement avec un grand plaisir, parce que quelque chose me dit que - contrairement à beaucoup d'autres qui ont été présentés en cette fin d'après-midi il devrait être voté (Sourires), puisqu'il prévoit que l'attribution de ressources équivalentes devra être assurée « de mainière permanente et intégrale ».
Je fais partie des députés qui, depuis la semaine dernière, ont écouté la totalité des interventions. J'ai ainsi constaté que plusieurs députés de l'UMP ont fait des démonstrations à la fois pertinentes et séduisantes sur la nécessité d'accompagner les transferts de compétences de véritables transferts de ressources, contrairement à ce qui s'était produit avec les lois de décentralisation de 1982. Je me souviens, en particulier d'une intervention de M. Geoffroy qui, proviseur de lycée, a bien connu le problème. Il a ainsi souligné que, dès le transfert des collèges, en 1986, aux départements, ces derniers ont constaté que la dotation transférée était en total décalage avec la réalité des dépenses. Or celle-ci avait été établie sur la moyenne des dépenses relevées au cours des trois années précédentes : 1983, 1984 et 1985.
A l'époque, vice-président chargé des collèges dans mon département, je me suis vite rendu compte, au fil des années, qu'il s'agissait d'une gestion de proximité et la montée des besoins a provoqué l'explosion des dépenses. Ainsi, par exemple, on n'a plus construit de collèges Pailleron, comme dans les années 70 où ils étaient commandés par lots de plusieurs dizaines. Il a fallu respecter de nouveaux cahiers des charges, faire appel au concours d'architectes, choisir des qualités architecturales répondant aux attentes des élèves, des enseignants et des parents... Tel a été également le cas avec les lycées. Ainsi, en région Ile-de-France, les dépenses les concernant sont dix fois supérieures au montant de la dotation.
Avec la rédaction actuelle du texte, nous aurons une dérive comparable, même si le Premier ministre, M. Raffarin, a affirmé, avec de grandes envolées et des effets de manches, que les élus locaux étaient des gens prudents, qu'ils dépensaient beaucoup moins, qu'il n'y aurait pas de risque de glissement, que l'on réaliserait au contraire des économies parce que la France du local serait bien mieux gérée, la proximité rendant beaucoup de services.
L'amendement de Jean-Pierre Brard, qui tend à préciser que le transfert des ressources sera opéré de façon permanente et intégrale, vise aussi à prendre en compte la notion d'évolution. Il est bien évident, en effet, que les ressources en cause devront être évolutives ; c'est-à-dire qu'il faudra tenir compte des besoins réels et les accompagner.
C'est pourquoi j'ai affirmé, au début de mon intervention, ma sérénité quant à l'adoption de cet amendement. Cela constitue peut-être un acte de foi de ma part, mais, compte tenu des différents actes de contrition que j'ai entendus sur la façon dont avait été opéré le transfert des ressources dans les années 80, je suis persuadé que cet amendement sera retenu parce qu'il correspond exactement au discours de plusieurs députés de l'UMP, ainsi qu'à l'argumentation développée depuis la semaine dernière par les ministres.
Cet amendement donnera aussi au Gouvernement l'occasion de démontrer que les propos tenus par les ministres ne sont pas des propos gratuits, faits pour occulter le débat, qui est d'un grand intérêt, mais des propos sérieux, fondés sur de véritables constatations, et ne constituant pas des promesses en l'air. S'il était accepté, on ne pourrait plus parler d'un âne qu'on sort d'un sac ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur le président de la commission des lois, que pensez-vous de l'acte de foi de M. Chassaigne ?
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je suis sceptique sur l'acte de foi de notre collègue. Il me permettra même de souligner que c'est une drôle de foi. Sur le fond, je ne suis pas favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. Nous sommes d'accord sur l'objectif de compensation ; nous aurons l'occasion d'en reparler dans la soirée. En revanche cet amendement donnerait une sorte de droit de tirage illimité aux collectivités territoriales que le Gouvernement ne peut pas accepter. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
M. Jean-Pierre Balligand. Même si certains n'en parlent pas, les nouveaux transferts de compétences inquiètent tout le monde, surtout au regard de ce qui s'est produit après les lois de 1982 et 1983. En effet, le décalage est vite apparu entre les dotations transférées et les dépenses engagées par les collectivités, tout simplement parce que l'Etat, par exemple sur les lycées ou les collèges, consentait beaucoup moins d'efforts que ceux qu'elles ont jugé nécessaires.
La principale interrogation, à propos de laquelle le Gouvernement doit prendre des engagements fermes, tient au fait qu'il aurait l'intention de transférer beaucoup de fonctionnement, ce qui serait nouveau. Ancien président de conseil général, je sais que les collectivités territoriales, régions et départements, sont parfaitement capables d'élaborer et de gérer des politiques d'investissement. En revanche, à partir du moment où vous avez l'ambition, probablement pour réformer l'Etat...
M. René Dosière. Pour faire des économies !
M. Jean-Pierre Balligand. ... de confier aux collectivités, par exemple, le soin d'assurer la maintenance dans les collèges, les lycées et les universités, elles devront prévoir des budgets de fonctionnement. Il est donc indispensable, que, en la matière, l'Etat donne des garanties, parce que si l'on peut étaler la réalisation des investissements sur plusieurs exercices, il n'en sera pas de même pour les salaires et les charges sociales que vous avez l'intention de transférer.
Le problème est d'une toute autre acuité, il est beaucoup plus difficile. Vous pouvez prendre tout cela à la légère, mes chers collèges...
M. Léonce Deprez. Non, on ne le prend pas à la légère ! C'est très sérieux !
M. Jean-Pierre Balligand. ... mais je vous assure que les lendemains seront douloureux pour les collectivités.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. On connaît ! On se souvent bien d'un passé récent !
M. Jean-Pierre Balligand. Je vous en prie. Je ne vous ai pas interrompu, monsieur le président de la commission.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Ne prenez pas cet air menaçant. Je dis simplement qu'on connaît !
M. Jean-Pierre Balligand. Je sais bien et c'est pourquoi je pense qu'il faut prendre en considération les amendements dont l'objet est de donner des garanties aux collectivités territoriales. Il serait dangereux de reporter cela à d'autres échéances.
M. Léonce Deprez. Cela relève de la loi organique !
M. Jean-Pierre Balligand. Nous risquons de passer un marché de dupes dans l'hémicycle si nous n'obtenons pas des assurances sur le fond. Je me souviens des engagements pris en 1982-1983. Cette fois vous avez voulu inscrire ces principes dans la Constitution alors que, comme l'a souligné le président de l'Assemblée nationale, cela n'avait rien d'obligatoire. Vous avez néanmoins voulu vous amuser à cet exercice : c'est votre droit. Mais de là à ne pas donner les garanties suffisantes aux collectivités territoriales, ce qui sera lourd de conséquences, il y a un pas qu'il conviendrait de ne franchir, mes chers collègues, qu'après avoir bien réfléchi.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. MM. Blessig, Bur, Christ, de Courson, Ferry, Mme Grosskost, MM. Herth, Hillmeyer, Lett, Meyer, Reiss, Schneider, Schreiner et Sordi ont présenté un amendement, n° 156 rectifié, ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution, substituer aux mots : "ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées, les mots : "moyens financiers et en personnels équivalents à ceux qui étaient consacrés.
« II. - En conséquence, dans la dernière phrase du même alinéa, substituer aux mots : "ressources déterminées, les mots : "moyens financiers et en personnels déterminés. »
Sur cet amendement, M. Bonrepaux a présenté un sous-amendement, n° 252, ainsi rédigé :
« Dans le I de l'amendement n° 156 rectifié, après le mot : "équivalents, insérer les mots : ", évalués par une commission indépendante et régulièrement réévalués,. »
La parole est à M. Emile Blessig, pour soutenir l'amendement n° 156 rectifié.
M. Emile Blessig. Monsieur le président, messieurs les ministres, le texte propose le transfert de « ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées » à l'exercice des compétences transférées. A cet égard, la première interrogation porte sur l'étendue et sur l'acception du terme « ressources ». S'agit-il uniquement des ressources financières ou peut-on envisager d'y inclure les moyens humains ?
En effet, les collectivités locales connaissent actuellement des problèmes non seulement financiers, mais aussi d'effectifs. Dans le pire des cas, il s'agit de l'absence de cadres compétents, d'autant que l'expérience antérieure a abouti à des dédoublements de fonctions préjudiciables au bon fonctionnement collectif de notre société. Cela a provoqué des dépenses supplémentaires au lieu d'aboutir à une meilleure efficacité, à la simplification et aux économies espérées par nos concitoyens avec la décentralisation.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, cet amendement, cosigné par de nombreux collègues et résultat d'un travail de groupe, propose de mettre sur le même plan les transferts financiers et le transfert concomitant des moyens humains des services de l'Etat vers les collectivités bénéficiaires des transferts de compétence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 156 rectifié ?
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La question abordée par cet amendement est réelle et nous devrons, le moment venu, nous poser la question de savoir si elle relève de la loi organique. En tout cas je peux affirmer avec certitude qu'une telle disposition n'a pas sa place dans la loi constitutionnelle. Néanmoins, je le répète, il s'agit d'un problème crucial. La décentralisation de 1982 a été ratée à cause de cela. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. René Dosière. Elle n'est pas ratée !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Attendez, je vais vous dire pourquoi ! Elle a été ratée parce qu'elle a abouti à un dédoublement des fonctions publiques nationales et territoriales, ce qui a provoqué une hausse des impôts locaux.
M. René Dosière. On a fait ce que la droite n'avait pas fait pendant toutes ses années de pouvoir !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Il est évident que, la prochaine fois, il va falloir trouver une solution pour convaincre les administrations concernées de quitter l'Etat et d'intégrer les départements ou les régions.
Cela étant, monsieur Blessig, je vous demande de retirer votre amendement parce que la disposition proposée n'a rien de constitutionnel. C'est clair et net.
M. René Dosière. Le Sénat ne sera pas d'accord ! Il faut donc retirer votre amendement !
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. En revanche, nous pourrons aborder la question lors de l'examen d'une loi organique et je serai avec vous dans ce combat. Il faut la régler, sinon il y aura une nouvelle croissance fiscale. Or nous ne pourrons pas nous payer une deuxième fois l'augmentation subie depuis 1982. Ce n'est pas possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. René Dosière. Monsieur Blessig, si vous le retirez, il n'y aura pas de deuxième lecture.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. Je comprends tout à fait la préoccupation exprimée par M. Blessig et par les cosignataires de l'amendement. D'ailleurs, le président de la commission des lois a illustré les motivations de cette proposition.
Comme lui je pense d'abord que la disposition proposée ne relève pas du niveau constitutionnel.
Ensuite je veux souligner que les transferts de ressources seront traités non seulement dans la loi organique, mais aussi dans chaque loi de transfert des compétences. Imaginons, par exemple, qu'un transfert de compétences soit proposé par le Gouvernement sur la formation professionnelle et examiné à l'Assemblée. Il y aura nécessairement débat non seulement sur l'évaluation financière mais aussi sur le statut des personnels, l'organisation des services et l'ensemble des modalités de transfert. Mais, en l'occurrence, nous serons dans le domaine législatif normal.
Il est certes intéressant, monsieur Blessig, que vous ayez posé la question à l'occasion du débat constitutionnel. Le compte rendu de nos débats montrera ainsi que l'Assemblée n'a pas oublié cet aspect essentiel du problème qui conditionnera la réussite, à moyen et long terme, des nouveaux transferts de compétences. Néanmoins, il serait préférable que vous retiriez cet amendement car il n'est pas d'ordre constitutionnel, même si je comprends très bien et partage votre préoccupation.
M. le président. La parole est à M. Emile Blessig.
M. Emile Blessig. Il est certain, monsieur le ministre, que nous n'en sommes qu'à la première étape d'un processus itératif. Vous avez relevé l'importance du problème et j'enregistre avec satisfaction votre prise de position. Membre de la majorité, je n'imagine pas qu'il ne soit pas traité à sa place et correctement dans le cadre de la loi organique et dans chaque loi de transfert. Ce sera le noeud du débat. Je retire mon amendement. (Approbations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. L'amendement n° 156 rectifié est retiré.
M. Jean-Pierre Balligand. Je le reprends.
M. le président. Soit, monsieur Balligand, vous reprenez l'amendement. Mais il a d'ores et déjà été présenté et la commission comme le Gouvernement ont donné leur avis.
La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir le sous-amendement n° 152.
M. Augustin Bonrepaux. Force est de constater que ce débat pose bien des problèmes. En effet, de nombreux amendements ont été déposés par la majorité, tous refusés par le Gouvernement qui veut éviter une deuxième lecture. Cette majorité cadenassée a beau soulever des problèmes réels, elle ne parvient pas à les faire résoudre.
M. Jérôme Bignon. Dispensez-vous de vos observations sur la majorité !
M. Augustin Bonrepaux. Je pensais que MM. Blessig, Bur, de Courson et Ferry auraient un peu plus conscience de l'intérêt des collectivités locales et qu'ils auraient maintenu leur amendement que, pour ma part, j'entendais améliorer. Cela ne relève pas de la Constitution, nous dit-on. Reste que la rédaction pose un problème. « Ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées ». A quel moment ? Etaient-elles suffisantes ? Voilà pourquoi mon sous-amendement n° 152 propose que les ressources nécessaires soient évaluées par une commission indépendante, et régulièrement réévaluées.
Nous nous préparons à franchir une nouvelle étape de la décentralisation. Mais d'autres l'ont précédée, dont on peut évaluer les conséquences. Je ne suis pas de ceux qui disent que tout est parfait. Prenons l'exemple des transports scolaires, que j'ai souvent cité. On a transféré les transports scolaires en même temps qu'un impôt : la vignette. Le problème, c'est que le coût des transports scolaires dans les zones de montagne ou les zones rurales a été multiplié par trois ou par quatre alors que la vignette avait beau augmenter - nous étions le département qui l'avait le plus augmentée et c'est pourquoi je me réjouis de la réforme, - intervenue depuis la recette correspondante ne s'était accrue que de 50 % à 60 %. Et la différence ? Elle a été prise en charge par les impôts locaux. Et lorsque le Gouvernement a voulu corriger quelques errements, il s'est bien aperçu qu'il allait avantager les départements qui dépensaient moins pour leurs transports scolaires, et de surcroît les plus riches. On les a prélevés, mais sans rien donner pour autant aux collectivités qui avaient des dépenses excessives.
Voilà pourquoi il me paraît indispensable de prévoir que les ressources nécessaires seront évaluées par une commission indépendante, et régulièrement réévaluées en fonction de l'évolution des coûts. Faute de quoi, nous assisterons inéluctablement à de nouveaux transferts sur les impôts locaux. Vous n'avez pas d'autres solutions pour tenir vos promesses : c'est bien beau de promettre de baisser l'impôt sur le revenu, encore faut-il le faire. Vous en êtes réduits à geler les dépenses de l'Etat et à transférer le reste sur les collectivités locales. Mon sous-amendement est à cet égard parfaitement justifié ; j'espérais le voir adopter dans la mesure où bon nombre de députés de la majorité souhaitaient eux aussi corriger ce texte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission. Ce sous-amendement n'a pas été examiné par la commission mais, à titre personnel, j'y suis très favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. Avis défavorable. Il est paradoxal qu'un parlementaire propose une telle disposition. Vous dessaisissez d'un pouvoir, monsieur Bonrepaux.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 252.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 156 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
FAIT PERSONNEL
M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal, pour un fait personnel.
Mme Ségolène Royal. Monsieur le président, je ne voulais pas laisser passer les grossiers propos de M. de Courson et je tenais à ce que le compte rendu de nos débats en fît mention. Nous avons déjà entendu dans cet hémicycle un florilège de propos sexistes mais je me dois de reconnaître, étant parlementaire depuis 1988, que leur fréquence avait considérablement diminué. Il ne faudrait pas qu'elle remonte, d'où cette intervention.
Voilà maintenant plusieurs jours que dure ce débat et M. de Courson ne s'est pas privé de prendre une posture de donneur de leçon. Même si je ne suis qu'une femme, de surcroît non membre de la commission des finances, j'ai tout de même, convenez-en, le droit de prendre la parole sur des dispositions d'ordre financier.
M. Emile Blessig et M. Dominique Dord. Assurément.
Mme Ségolène Royal. Vous m'avez également, monsieur de Courson, prise à partie en tant qu'ancien membre du gouvernement de Lionel Jospin.
M. Charles de Courson. C'est surtout cela !
M. Dominique Dord. Effectivement, cela, c'est plus grave !
M. Jérôme Bignon. C'est même franchement sexiste ! (Sourires.)
Mme Ségolène Royal. Sachez que je suis fière d'avoir appartenu à ce gouvernement et d'avoir servi ce premier ministre-là.
M. René Dosière. Et nous sommes fiers de l'avoir soutenu !
Mme Ségolène Royal. Pour terminer, monsieur Charles-Amédée du Buisson de Courson,...
M. Charles de Courson. Pour vous servir, madame !
Mme Ségolène Royal. ... qui avez tenu des propos bien grossiers, je suppose que vous avez eu la chance de recevoir une éducation qui aurait dû vous apprendre à maîtriser vos nerfs et à respecter vos interlocuteurs. En toute amitié, je vous conseille d'être à la hauteur de ce que vos éducateurs et vos parents vous ont transmis. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. Madame Royal, votre intervention, sera évidemment inscrite au compte rendu de notre séance. Je ne pense pas que M. de Courson veuille intervenir...
M. Charles de Courson. Si !
Mme Ségolène Royal. Il peut s'excuser !
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson. Pour regretter ses propos ?
M. Charles de Courson. Absolument pas.
M. René Dosière. Il aggrave son cas !
M. Charles de Courson. Il est chez Mme Royal quelque chose d'insupportable - et ce n'est pas la première fois, elle est coutumière du fait : c'est de dire, lorsqu'elle est dans l'opposition, l'inverse de ce qu'elle a fait lorsqu'elle était au Gouvernement. Cela, c'est incontestable et c'est là-dessus que porte le problème. Quant à cette affaire de culottes, les hommes comme les femmes en portent. (Sourires.)
M. Dominique Dord. Pas toujours ! (Rires.)
M. le président. Monsieur de Courson, après les explications de Mme Royal, on pouvait attendre de vous autre chose que cette réponse, me semble-t-il. Cela dit, vous l'avez voulu ainsi et c'est votre entière liberté. Ce sera inscrit au procès-verbal.
M. Jean-Jacques Descamps. C'est une réponse culottée !
Mme Ségolène Royal. Cela mériterait une bonne fessée !
ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE
M. le président. Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique :
Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, n° 369, relatif à l'organisation décentralisée de la République :
M. Pascal Clément, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 376).
M. Pierre Méhaignerie, rappporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 377).
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
ORDRE DU JOUR
ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
(Réunion du mardi 26 novembre 2002)
L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 26 novembre au vendredi 13 décembre 2002 inclus a été ainsi fixé :
Mardi 26 novembre 2002 :
Le matin, à 9 heures :
Discussion de la proposition de loi constitutionnelle de M. Jean-Marc Ayrault visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France (n°s 341, 379).
(Séance d'initiative parlementaire.)
L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures :
Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n°s 369, 376, 377).
Mercredi 27 novembre 2002 :
L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures :
- discussion des conclusions de la commission mixte paritaire, explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 ;
- éventuellement, suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n°s 369, 376, 377) ;
- discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (n°s 187, 383, 384, 385).
Jeudi 28 novembre 2002 :
Le matin, à 9 heures :
Discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault visant à protéger certaines catégories d'étrangers des mesures d'éloignement du territoire (n° 380).
(Séance d'initiative parlementaire.)
L'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (n°s 187, 383, 384, 385).
Mardi 3 décembre 2002 :
Le matin, à 9 heures :
Questions orales sans débat.
L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement :
Débat sur l'avenir de l'Europe avec la participation de M. Valéry Giscard d'Estaing, président de la Convention sur l'avenir de l'Europe.
Le soir, à 21 heures :
Discussion du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (n°s 375, 386).
Mercredi 4 décembre 2002 :
L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures :
- explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n°s 369, 376, 377) ;
- explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (n°s 187, 383, 384, 385) ;
- suite de la discussion du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (n°s 375, 386) ;
- discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (n° 329).
Jeudi 5 décembre 2002 :
Le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures :
- éventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ;
- discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002 (n° 382).
Vendredi 6 décembre 2002 :
Le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures :
Suite de l'ordre du jour de la veille.
Mardi 10 décembre 2002 :
Le matin, à 9 heures :
Discussion de la proposition de loi de MM. Pierre Lellouche et Jacques Barrot visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste et à renforcer l'efficacité de la procédure pénale (n° 350).
(Séance d'initiative parlementaire.)
L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures :
- prestation de serment des juges de la Haute Cour de justice et de la Cour de justice de la République ;
- sous réserve de son dépôt, discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.
Mercredi 11 décembre 2002 :
L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures :
- éventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ;
- discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie (n° 326).
Jeudi 12 décembre 2002 :
Le matin, à 9 heures :
Discussion de la proposition de loi de MM. Yves Bur, Jérôme Rivière et Mme Marie-Jo Zimmermann visant à protéger les mineurs contre la diffusion de programmes comprenant des scènes de violence gratuite ou de pornographie (n° 317).
(Séance d'initiative parlementaire.)
L'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures :
Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie (n° 326).
Eventuellement, vendredi 13 décembre 2002 :
Le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures :
Suite de l'ordre du jour de la veille.
annexes au procès-verbal
de la 2e séance
du mardi 26 novembre 2002
SCRUTIN (n° 65)
sur l'amendement n° 192 de M. Balligand à l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (part des ressources propres dans l'ensemble des ressources des collectivités territoriales).
Nombre de votants
142
Nombre de suffrages exprimés
141
Majorité absolue
71
Pour l'adoption
45
Contre
96
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
Contre : 91 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-votants : 2. - MM. Marc-Philippe Daubresse (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
Pour : 35 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
Contre : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
Pour : 8 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13) :
Pour : 2. - MM. Gérard Charasse et Emile Zuccarelli.
Abstention : 1. - M. François-Xavier Villain.
SCRUTIN (n° 66)
sur le sous-amendement n° 233 de M. Bonrepaux à l'amendement n° 137 rectifié à l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (taux des ressources propres par rapport à l'ensemble des ressources des collectivités territoriales).
Nombre de votants
116
Nombre de suffrages exprimés
115
Majorité absolue
58
Pour l'adoption
36
Contre
79
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
Contre : 74 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-votants : 2. - MM. Marc-Philippe Daubresse (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
Pour : 31 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
Contre : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
Pour : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13) :
Pour : 2. - MM. Gérard Charasse et Emile Zuccarelli.
Abstention : 1. - M. François-Xavier Villain.
SCRUTIN (n° 67)
sur le sous-amendement n° 239 de M. Bonrepaux à l'amendement n° 137 rectifié à l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (taux des ressources propres par rapport à l'ensemble des ressources des collectivités territoriales).
Nombre de votants
92
Nombre de suffrages exprimés
92
Majorité absolue
47
Pour l'adoption
23
Contre
69
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
Contre : 63 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-votants : 2. - MM. Marc-Philippe Daubresse (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
Pour : 17 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
Contre : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
Pour : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13) :
Pour : 1. - M. Emile Zuccarelli.
SCRUTIN (n° 68)
sur les amendements n° 137 rectifié de M. de Courson et n° 191 de M. Balligand à l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (part des ressources propres par rapport à l'ensemble des ressources des collectivités territoriales).
Nombre de votants
89
Nombre de suffrages exprimés
87
Majorité absolue
44
Pour l'adoption
34
Contre
53
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
Pour : 5. - MM. Bertho Audifax, Jean-Marie Demange, Léonce Deprez, Michel Heinrich et Michel Herbillon.
Contre : 53 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Abstentions : 2. - MM. Jean-Pierre Gorges et Jean Grenet.
Non-votants : 2. - MM. Marc-Philippe Daubresse (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
Pour : 17 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
Pour : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
Pour : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13) :
Pour : 1. - M. Emile Zuccarelli.
SCRUTIN (n° 69)
sur l'amendement n° 194 de M. Balligand à l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (évaluation régulière de la part des ressources propres des collectivités territoriales par rapport à l'ensemble de leurs ressources).
Nombre de votants
88
Nombre de suffrages exprimés
88
Majorité absolue
45
Pour l'adoption
21
Contre
67
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
Contre : 64 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
Pour : 15 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
Contre : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
Pour : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13) :
Pour : 1. - M. Emile Zuccarelli.
SCRUTIN (n° 70)
sur le sous-amendement n° 245 de M. Bonrepaux à l'amendement n° 44 rectifié à l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (part minimum des ressources propres des collectivités territoriales par rapport à l'ensemble de leurs ressources).
Nombre de votants
106
Nombre de suffrages exprimés
106
Majorité absolue
54
Pour l'adoption
26
Contre
80
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
Pour : 2. - MM. Yannick Favennec et Jean-Claude Flory.
Contre : 76 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
Pour : 18 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
Pour : 1. - M. Claude Leteurtre.
Contre : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
Pour : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).
SCRUTIN (n° 71)
sur l'amendement n° 195 de M. Bonrepaux à l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (principe de proportion entre la charge fiscale et le revenu des contribuables locaux et réévaluation des bases fiscales).
Nombre de votants
98
Nombre de suffrages exprimés
98
Majorité absolue
50
Pour l'adoption
21
Contre
77
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
Contre : 74 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
Pour : 19 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
Contre : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).
SCRUTIN (n° 72)
sur l'amendement n° 196 de M. Balligand à l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (corrélation entre le transfert de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales et celui de la fiscalité nationale).
Nombre de votants
88
Nombre de suffrages exprimés
88
Majorité absolue
45
Pour l'adoption
15
Contre
73
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
Contre : 70 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
Pour : 13 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
Contre : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).
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