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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 18 DÉCEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du mardi 17 décembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER

1.  Juges de proximité. - Suite de la discussion d'un projet de loi organique adopté par le Sénat «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) «...»

MM.
Etienne Blanc,
Jean-Jack Queyranne,
Jean-Pierre Blazy,
Guy Geoffroy,
Richard Mallié.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.
Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Article 1er «...»

Amendement de suppression n° 19 de M. Vallini : MM. André Vallini, Émile Blessig, rapporteur de la commission des lois ; le garde des sceaux, Jean-Paul Garraud, Guy Geoffroy. - Rejet.
Amendement n° 1 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 2 de la commission : MM. le rapporteur, Jean-Paul Garraud, le garde des sceaux. - Retrait.
Amendement n° 3 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 4 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 25 rectifié de M. Vallini : MM. André Vallini, le rapporteur, le garde des sceaux, Jean-Christophe Lagarde. - Rejet.
Amendement n° 20 de M. Vallini : MM. André Vallini, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 5 de la commission, avec le sous-amendement n° 27 du Gouvernement : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendement n° 6 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 22 de M. Deniaud : MM. Yves Deniaud, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 7 de la commission, avec le sous-amendement n° 23 de M. Vallini : MM. le rapporteur, André Vallini, le garde des sceaux. - Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement.
Amendement n° 8 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 9 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 10 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 11 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 12 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 13 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 14 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 15 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 16 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 26 de M. Vallini : MM. André Vallini, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article 1er modifié.

Après l'article 1er «...»

Amendement n° 17 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Articles 2 et 3. - Adoptions «...»
Article 4 «...»

Amendement de suppression n° 18 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
L'article 4 est supprimé.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»

MM.
André Vallini,
Michel Vaxès,
Jean-Paul Garraud.

VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption de l'ensemble du projet de loi organique.
2.  Mandat d'arrêt européen. - Discussion d'un projet de loi constitutionnelle «...».
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Xavier de Roux, rapporteur de la commission des lois.
M. Jacques Remiller, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Michel Vaxès,
Michel Hunault,
Jacques Floch,
Jean-Christophe Lagarde,
Guy Geoffroy,
Jacques Myard.
M. le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.

Article unique «...»

Amendement n° 1 rectifié de la commission des lois : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 2 de M. Myard : MM. Jacques Myard, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article unique modifié du projet de loi constitutionnelle.
3.  Loi de finances rectificative pour 2002. - Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire «...».
4.  Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle «...».
5.  Dépôt d'un rapport «...».
6.  Dépôt d'un rapport d'information «...».
7.  Dépôt d'un projet de loi modifié par le Sénat «...».
8.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE
Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,
vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

JUGES DE PROXIMITÉ

Suite de la discussion d'un projet de loi organique adopté par le Sénat

    Mme le présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif aux juges de proximité (n°s 242, 466).

Discussion générale (suite)

    Mme la présidente. Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
    La parole est à M. Etienne Blanc.
    M. Etienne Blanc. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la question de la justice a été, à juste titre, au coeur des dernières campagne électorales présidentielles et législatives des mois d'avril et juin derniers.
    La mise en place d'une justice de proximité amenée à traiter les litiges de la vie quotidienne et les petites infractions qui empoisonnent la vie de nos concitoyens compte parmi les priorités du Gouvernement. Elle concrétisera aussi l'engagement du Président de la République.
    Force est de reconnaître aujourd'hui que les Français sont insatisfaits du service public de la justice. J'en veux pour exemple l'enquête de satisfaction auprès des usagers réalisée en mai 2001 sur quinze services publics. Ils ont placé la justice en dernière position avec un taux de satisfaction de 33 %, juste derrière l'Agence nationale pour l'emploi. L'identification des difficultés de notre système judiciaire à travers la perception de nos concitoyens met en exergue plusieurs dysfonctionnements.
    D'abord les délais de justice sont trop longs, que ce soit en matière pénale, civile ou administrative. Un partage judiciaire peut durer, après épuisement des voies de recours, une dizaine d'années. La responsabilité de l'administration peut n'être engagée qu'après dix ou douze ans de procédure.
    Ensuite, le nombre des affaires classées dans le domaine pénal atteint un niveau effrayant. De façon générale, 80 % des plaintes sont classées sans suite. De 1997 à 2001, moins d'une infraction sur dix a fait l'objet de poursuites devant les tribunaux. A ces chiffres s'ajoute celui des affaires que les justiciables abandonnent par crainte des coûts et en raison des lenteurs du système judiciaire.
    Enfin, la justice est d'une complexité paralysante. Les textes sont nombreux, trop nombreux ; ils ouvrent la porte à de multiples incidents de procédure, sur des questions de forme ou sur les compétences, par exemple.
    La justice d'aujourd'hui, pour les Français, correspond peut-être encore à ces vers de Racine, dans Les Plaideurs, où, faisant parler Chicaneau, Racine disait :
            Je produis, je fournis.
            De dits, de contredits, enquêtes, compulsoires.
            Rapports d'experts, transports, trois interlocutoires.
            Griefs et faits nouveaux, baux et procès-verbaux.
            J'obtiens lettres royaux, et je m'inscris en faux.
    A l'occasion de l'élection présidentielle, la question judiciaire a été au centre de la campagne. M. Jacques Chirac avait annoncé dans son projet « la création d'une justice de proximité, sur le modèle des anciens tribunaux de paix, afin de prononcer les premières peines dans l'échelle des sanctions : à tout délit correspondra enfin une sanction certaine, juste et immédiate ». D'ailleurs cette préoccupation a également été exprimée par nos collègues socialistes de la commission des lois, au sein de laquelle l'un d'entre eux a reconnu « qu'il existait effectivement un consensus pour développer une justice de proximité ».
    M. Jean-Jack Queyranne. Bien sûr !
    M. Jean-Pierre Blazy. Evidemment, c'est nous qui l'avons proposée les premiers !
    M. Etienne Blanc. Si ce concept de justice de proximité n'est pas nouveau, il fait, dans notre droit, figure d'Arlésienne depuis nombre d'années. Il résulte en fait de la nostalgie de la disparition du juge de paix.
    L'instauration du juge de paix, par les lois des 16 et 24 octobre 1790, répondait à la volonté de mettre au service des justiciables un magistrat doté de caractéristiques différentes des autres juges professionnels et chargé de régler les litiges de la vie quotidienne. C'est à partir de 1926 que lui seront demandées des compétences juridiques beaucoup plus solides. Très rapidement, cependant, le maillage territorial de la justice de paix, fondé sur les cantons, se révélera inadapté du fait de l'exode rural et de l'industrialisation. En 1958, on ne dénombrait plus que 700 juges de paix assurant leurs fonctions sur 2 000 cantons, d'où, déjà, un éloignement de la justice du justiciable.
    C'est la raison pour laquelle l'ordonnance de décembre 1958 va mettre fin à l'existence des juges de paix et les remplacer par une nouvelle organisation judiciaire avec les tribunaux d'instance. Toutefois, même si ces derniers conservent une partie des caractéristiques originelles des anciennes justices de paix, ils ont perdu leur spécificité de juridiction des contentieux de la vie quotidienne. En effet, les tribunaux n'ont pu faire face à l'engorgement croissant dû au développement d'un contentieux de masse. En 2002, ils ont jugé près de 480 000 affaires.
    Le dispositif qui nous est présenté aujourd'hui se situe au coeur de la réforme en faveur d'une justice plus proche des Français par la mise en oeuvre de ce que l'on peut appeler un juge-citoyen. D'ailleurs, c'est toujours au nom des citoyens qu'est rendue la justice, et ce sont leurs noms qui figurent en tête des formules exécutoires des décisions de justice.
    La réponse n'aurait été que partielle si elle s'était contentée de la seule augmentation du nombre de magistrats professionnels, comme on l'aurait voulu ici ou là. Il est opportun, même dans le contentieux de droit commun, que, à côté des juges d'instance, un nouveau magistrat, relevant d'un nouvel ordre de juridiction, soit identifiable dans le cadre d'une juridiction autonome. Ce sera le rôle du juge de proximité.
    Des exemples comparables existent en Europe, notamment en Grande-Bretagne, où, depuis de très nombreuses années, les magistrates courts jouent le rôle de justice de proximité. La récente réforme du système judiciaire britannique ne les a pas remises en cause.
    Depuis une dizaine d'années, en France, plusieurs expériences ont été tentées, mais elles ont toutes échoué. Ce fut le cas du « juge à titre temporaire » voulu par la loi organique du 19 janvier 1995. La multiplication des réformes destinées à pallier le vide laissé par les anciens juges de paix révèle la difficulté réelle de rapprocher la justice des citoyens.
    Il faut sortir de cette situation. A cet égard, la seule question qui vaille est celle de savoir si le texte qui nous est aujourd'hui soumis répond bien au triptyque : plus de proximité, plus de rapidité, plus de simplicité.
    En ce qui concerne la proximité, dans notre pays qui connaît l'un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés d'Europe, les grands services publics en général, et particulièrement celui de la justice, doivent se rapprocher des citoyens. La création de 3 300 juges de proximité devrait favoriser ce rapprochement. Elle permettra de mieux écouter les justiciables et de leur porter davantage d'attention.
    S'agissant de la rapidité, ce n'est certes pas devant les tribunaux d'instance que les délais sont aujourd'hui les plus longs. Toutefois, ils peuvent être encore abrégés. L'instauration des juges de proximité répond au souhait d'une justice beaucoup plus rapide et efficace, la longueur des délais de jugement, même si elle se situe entre huit et douze mois pour les tribunaux d'instance, étant jugée excessive par nos concitoyens. Ils se détournent donc des tribunaux, considérant que les actions pour défendre leurs droits sont trop longues.
    Pour ce qui est enfin de la simplicité, les modes de saisine des juges de proximité seront certes les mêmes que ceux du juge d'instance. Mais, si notre code de procédure civile permet ainsi une saisine simple et rapide, par déclaration au greffe ou par simple lettre, ces modes de saisine sont, la plupart du temps, méconnus des justiciables. Profitons de la mise en oeuvre de ce nouveau magistrat pour faire connaître ces moyens qui leur sont donnés par notre code de procédure civile en insistant sur la simplicité et la facilité de cette saisine.
    Globalement, ce texte répond donc à l'attente des justiciables. Il respecte nos engagements électoraux. Certes, dans le temps, ce nouveau magistrat de l'ordre judiciaire devra trouver sa dimension et sa place. Il faudra aussi qu'il adapte ses activités aux nécessités du monde moderne et à l'évolution de notre société. Pour être plus proche, il conviendra notamment de développer les audiences foraines, ce que ne font pas les juges d'instances, ou trop rarement.
    Gardons aussi à l'esprit que les tribunaux d'instance se verront ainsi déchargés de toute une série d'activités qui les mobilisent aujourd'hui pour des affaires simples. Les juges d'instance ont une solide formation juridique. Leur compétence est parfaitement reconnue. Cette compétence, cette technicité devraient être réservées aux affaires présentant des caractéristiques complexes.
    Dans ces conditions, le juge d'instance, déchargé de ces affaires simples, ne pourrait-il pas recevoir de nouvelles compétences ? Ne serait-il pas possible de poser plus sereinement la question du relèvement des seuils de compétence ? De même, ne pourrait-on pas envisager de lui transférer une partie du contentieux de la famille, ce contentieux simple, qui relève notamment de l'adaptation des mesures provisisoires relatives aux pensions alimentaires, aux modalités pratiques des droits de visite ou aux résidences principales des enfants mineurs ?
    A l'heure où nous pensons tous aux affaires pénibles tant civiles que pénales qui résultent de l'abus de la faiblesse des personnes âgées ou des personnes handicapées, ne pourrait-on pas imaginer un juge d'instance consacrant plus de temps et d'attention aux affaires de tutelles et aux curatelles qui sont les outils juridiques idoines à la protection des personnes en état de faiblesse ?
    Comme tout projet, comme toute nouveauté, ce texte affiche des ambitions fortes. Ce nouveau magistrat ne saurait répondre à toutes les préoccupations que je viens d'exposer mais je crois qu'il constituera un nouvel outil parfaitement utile et adapté à l'oeuvre de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Queyranne.
    M. Jean-Jack Queyranne. Monsieur le garde des sceaux, vous revenez devant le Parlement pour compléter votre loi d'orientation et de programmation votée hâtivement en juillet dernier. Il s'agit maintenant d'organiser la juridiction de proximité et de répondre aux exigences du Conseil constitutionnel en définissant le statut des nouveaux juges que vous proposez de créer.
    Sur ce sujet de loi organique, votre situation est pour le moins paradoxale. Tout le monde s'accorde - M. Blanc a même parlé d'un consensus - sur l'objectif d'assurer un meilleur fonctionnement de notre institution judiciaire. Les justiciables attendent une justice plus accessible, plus rapide, dépourvue de forme solennelle, prenant le temps d'écouter, de rendre des décisions compréhensibles et immédiatement exécutoires. Les professionnels de la justice, magistrats et avocats, partagent ces voeux et souhaitent être libérés de contentieux répétitifs qui alourdissent le fonctionnement des juridictions et allongent les délais de jugement.
    Pourtant, votre projet, loin de recueillir un maximum d'approbations, provoque au contraire un véritable tollé dans l'institution judiciaire. Vous avez ainsi réussi à fédérer contre vous la quasi totalité de la magistrature et du barreau. Comment en êtes-vous arrivé là ?
    Vous êtes, je crois, prisonnier d'un slogan électoral lancé par M. Chirac durant la campagne présidentielle et repris les parlementaires de l'UMP. Le Gouvernement a en effet été invité à décliner la proximité, ce mot magique mis à toutes les sauces, et à faire du neuf, même si personne n'en veut. En quelques mois, votre projet a connu des improvisations successives qui aboutissent à un grand nombre d'incohérences.
    La discussion devant le Séant a renforcé le sentiment de bricolage puisque, après avoir déclaré que les juges de proximité constitueraient une nouvelle catégorie de magistrats, vous avez entrepris de revenir sur la très grande autonomie qui leur était initialement accordée pour les rapprocher du droit commun des tribunaux d'instance.
    A nos yeux, monsieur le garde des sceaux, votre projet fait fausse route. Vous convenez que d'autres voies pourraient être suivies, en particulier celle qui relève du simple bon sens : renforcer la seule juridiction dont personne ne se plaint, les tribunaux d'instance. A ce propos je vous rappelle, par exemple, que le président de la conférence des bâtonniers, M. Bernard Chambel, a souligné que le juge de proximité naturel est le juge d'instance, et que cette juridiction est celle qui fonctionne le mieux. D'ailleurs les assemblées générales de juridiction, qui regroupent magistrats du siège et du parquet, ont adopté partout dans notre pays, des résolutions hostiles à votre projet.
    N'est-il donc pas préférable d'améliorer les conditions de travail des tribunaux d'instance plutôt que d'en créer une grossière contrefaçon avec des simili-juges ? Certes, devant les médias, l'annonce de la création de 3 300 juges d'instance peut faire un bel effet, mais, comme ces juges ne travailleront qu'à un dixième de temps, il aurait été pratiquement équivalent de créer 330 juges d'instance. Cela aurait permis à la justice de proximité de mieux fonctionner dans un cadre clair et éprouvé. Ainsi, les juges d'instance auraient pu multiplier les audiences foraines pour assurer une meilleure présence, notamment dans les quartiers de nos villes.
    Ne faut-il pas aussi, monsieur le garde des sceaux, privilégier les procédures de conciliation, de médiation, de transaction qui sont des alternatives aux poursuites dans le domaine pénal et qui constituent des procédures de règlement amiable des conflits en matière civile ? Les efforts consentis aux cours des dernières années par les juridictions elles-mêmes pour promouvoir la conciliation et la médiation ont été extrêmement positifs. Actuellement plus de 1 800 conciliateurs de justice bénévoles prennent en charge les petits litiges de la vie quotidienne, trouvent des solutions amiables qui évitent des procès, et parviennent plus d'une fois sur deux à des accords entre les parties. Les solutions qu'ils dégagent sont mieux acceptées par les justiciables que des jugements forcément abrupts.
    Les conciliateurs s'inquiètent pour leur avenir puisque nombre des dossiers qui leur sont soumis pourront relever de la compétence des juges de proximité que vous voulez créer. J'ai reçu l'association des conciliateurs de justice de la cour d'appel de Lyon qui souligne, notamment, en se fondant sur l'expérience acquise depuis une vingtaine d'années, que les conflits entre les particuliers ou avec des entreprises sont le plus souvent solubles devant un conciliateur de justice, par un échange entre les parties et par des concessions mutuelles. Il ne nécessitent pas réellement un jugement dont le but est de trancher un différend. Ces conciliateurs ajoutent que leur travail permet ainsi d'aboutir à un accord d'équité qui rétablit un dialogue souvent rompu et constitue un élément d'apaisement des tensions dans notre société.
    Ne faut-il pas aussi s'appuyer sur l'innovation que représentent les maisons de justice et du droit ? Il en existe aujourd'hui quatre-vingt-cinq. Une soixantaine étaient en projet. Nous ne savons pas, si elles verront le jour. Peut-être nous indiquerez-vous en réponse ce qu'il en sera. De même nous ignorons le sort réservé aux antennes de justice. En réponse de l'exception d'irrecevabilité. M. Bénisti a souligné que les maires de banlieur souhaiteraient une justice plus proche de nos concitoyens.
    En 1991, j'ai moi-même contribué à la création de la première maison de justice du département des Rhône. J'étais très conscient de l'éloignement et de l'inadéquation de l'institution judiciaire ainsi que du ressentiment à son encontre de nos concitoyens les plus modestes, qui ne pouvaient y accéder. Avec l'appui du procureur Moinard qui avait lancé les premières expériences en Seine-Saint-Denis, nous avons dû vaincre beaucoup de réticences dans les milieux judiciaires. Puis, sous l'autorité des procureurs successifs et avec le concours de substituts actifs, cette maison de justice et du droit est devenue une auxiliaire indispensable de l'institution judiciaire. En 1996, le procureur fraîchement nommé auprès du tribunal de grande instance est venu me faire part de ses réserves envers cette institution et m'annoncer qu'il envisageait la disparition des maisons de justice. Quelques mois après, il en était le meilleur avocat, convaincu qu'elles contribuaient à éviter l'encombrement du tribunal correctionnel.
    M. Guy Geoffroy. Il en sera de même avec nos juges.
    M. Jean-Jack Queyranne. Une autre maison de justice a été créée dans ma circonscription à Vaulx-en-Velin, ainsi qu'une antenne de justice à Rilleux-la-Pape. En 2001, ces trois structures ont reçu plus de 2 500 personnes...
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    M. Jean-Jack Queyranne. ... qui leur étaient adressées au titre des alternatives de poursuite en matière pénale, sans compter, bien sûr, les règlements amiables de conflits civils. Leur bilan est extrêmement positif. Les procureurs s'appuient pour ces actions sur la présence de délégués et de médiateurs.
    Monsieur le garde des sceaux, lorsque je vous ai interrogé en juillet sur la place qui reviendrait à l'avenir aux maisons de justice, vous m'avez indiqué que les juges de proximité pourraient y tenir des audiences. Pourquoi pas ? Mais, en rejudiciarisant des conflits, vous risquez de dévaluer le travail de conciliation et de médiation et de prendre le contre-pied des politiques actuelles de délestage de la justice.
    Le projet que vous nous soumettez conduit en fait à la création d'une institution incertaine et critiquable sur de nombreux points.
    Elle est incertaine car, du moment où vous créez une juridiction, vous lui assignez un bloc de compétences pris sur ce qui relève du tribunal d'instance et, dans une moindre mesure, du tribunal de grande instance. Cela provoquera inévitablement une multiplication des conflits de compétence que les défenseurs ne manqueront pas de soulever.
    D'ailleurs, contre l'avis du Gouvernement, le Sénat a malencontreusement supprimé dans l'article 1er une disposition qui, reprenant les suggestions du Conseil d'Etat et les observations du Conseil constitutionnel, indiquait que les juges de proximité « exercent une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions judiciaires de première instance ». La commission des lois propose de rétablir cette disposition, ce qui est une décision de bon sens.
    Votre projet est critiquable pour ce qui est des garanties fondamentales d'exercice de la justice, ce que n'a pas manqué de relever le Conseil supérieur de la magistrature dans son avis du 19 septembre dernier.
    Il fera, je tiens à le souligner, de la France le seul pays en Europe où interviendra en premier et dernier ressort, sans appel et sans collégialité, un juge unique, non professionnel, doté de compétences importantes.
    Les garanties d'indépendance, d'impartialité et de capacité - les trois conditions indispensables pour l'appréciation de la légalité et de la crédibilité des magistrats - présentées par ces futurs juges de proximité sont insuffisantes. Les exigences formulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 août ne sont pas remplies, d'autant que, nous l'avons vu, le Sénat a élargi le champ de recrutement des futurs juges de proximité. Il a repoussé la limite d'âge à soixante-quinze ans et étendu les critères de recrutement aux fonctionnaires de catégorie A ainsi qu'aux personnes ayant exercé des fonctions de direction ou d'encadrement dans les entreprises. Mais la référence à une formation juridique ne figure plus parmi les conditions exigées. M. Blessig se propose de soumettre ces candidats à une fonction probatoire auprès de l'Ecole nationale de la magistrature, mais vous avez, vous-même, indiqué, monsieur le garde des sceaux, que ce temps de formation devait être compatible avec l'exercice d'une activité professionnelle, ce qui, vous en conviendrez, ne sera pas simple. Les juges de proximité seront nommés dans les formes prévues pour les magistrats du siège, mais il reviendra à la chancellerie de faire le tri des candidatures. C'est elle qui procédera à la sélection qui sera soumise au Conseil supérieur de la magistrature. L'indépendance n'est donc pas complétement garantie.
    Quant à l'impartialité, il est incontestable que le fait d'exercer concomitamment une activité professionnelle peut être source de suspicion. Le Sénat a cherché à limiter les risques de conflits d'intérêts. Il est prévu, par exemple, que les professions libérales - avocats, huissiers, notaires - ne pourront pas exercer comme juges de proximité dans le ressort du tribunal de grande instance où elles ont leur domicile professionnel. Il serait plus judicieux d'étendre cette interdiction au ressort de la cour d'appel. En région parisienne, un avocat rattaché au barreau de Paris peut aussi postuler dans les trois autres tribunaux de grande instance, et cela sans autre représentation d'avocat, à Bobigny, à Créteil, à Versailles.
    En conclusion, monsieur le garde des sceaux, vous dites ne pas vouloir une justice au rabais, mais vous créez une justice dominée par l'amateurisme. Vous prenez ainsi le risque de ressusciter une justice de notables, celle des juges de paix que vantait M. Blanc, mon prédécesseur à cette tribune, ceux-là mêmes qui ont été supprimés en 1958 par Michel Debré, parce que cette justice de paix « charriait », pour reprendre l'expression de Robert Badinter, « plus de soupçons qu'elle ne rendait de services ».
    Pour toutes ces raisons, nous ne pourrons accepter un texte qui propose une fausse bonne solution pour répondre à la demande d'une justice plus accessible pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. Vous avez une tâche difficile, monsieur le garde des sceaux : traduire dans notre droit une promesse électorale hasardeuse du Président de la République. Si nous discutons aujourd'hui d'un projet de loi organique relative aux juges de proximité, c'est parce que le Conseil constitutionnel a estimé que la loi d'orientation et de programmation de la justice ne suffisait pas pour instituer une cinquième juridiction.
    M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas vrai.
    M. Jean-Pierre Blazy. Si nos concitoyens sont souvent critiques envers la justice, c'est plus en raison de la lenteur des procédures et de l'opacité des décisions que d'un manque de proximité car il existe déjà en France des tribunaux de proximité. Je parle bien entendu des 473 tribunaux d'instance - un par canton ou par arrondissement - qui ont tranché, en 2001, près de 500 000 affaires en moins de six mois.
    N'aurait-il pas été plus judicieux de renforcer le nombre des magistrats et des auxiliaires de justice y travaillant plutôt que de créer un nouveau corps de magistrats recrutés davantage sur critère d'âge que sur critère de connaissances ?
    De plus, on peut se demander quel sera réellement le rôle de ces nombreux juges dits de proximité.
    Devront-ils juger an nom du peuple français ? Ils empiéteront alors sur le travail remarquable des juges d'instance.
    Auront-ils pour mission le règlement amiable des conflits ? C'est sur le travail des conciliateurs de justice qu'ils déborderont, alors que ceux-ci sont des bénévoles et ont pour tâche de trouver des solutions amiables en évitant le procès pour les petits conflits individuels.
    Auront-ils un rôle de médiation ? Ce sont les médiateurs de justice qui verront alors leurs missions réduites à peu de chose.
    Les nouveaux juges non professionnels que vous proposez d'instituer empruntent à ces trois catégories mais surtout aux juges d'instance dont ils ne sont que de pâles clones.
    Nous sommes, quant à nous, favorables à une justice de proximité ou plutôt à une proximité de la justice au sens d'une justice proche du citoyen, efficace, équitable et rapide. Mais ce n'est pas ce que vous proposez dans ce projet de loi organique. En effet, pour compenser l'absence de recrutement de juges d'instance, vous créez une catégorie de sous-juges ou de juges approximatifs - je reprends ici les termes employés par les deux principaux syndicats de magistrats - en retirant des compétences au juge d'instance alors que celui-ci aurait vraiment mérité de voir ses moyens renforcés.
    Ce que vous proposez n'est rien moins que le recours à des juges non professionnels exerçant à temps partiel, et cela dans un souci d'économie et non d'efficacité. Au lieu de renforcer le nombre de magistrats et les moyens mis à leur disposition, au lieu d'accélérer la révision d'une carte judiciaire obsolète et de généraliser la création des maisons de la justice et du droit, votre projet crée une justice à part, une justice à deux vitesses, qui suscite beaucoup d'inquiétudes.
    Je rappellerai, monsieur le ministre, que, si le gouvernement précédent n'avait pas fait progresser le budget de la justice de plus de 29 % entre 1997 et 2002, nous serions - et vous seriez - aujourd'hui en proie à de grandes difficultés. Entre 1993 et 1997, vos amis, en laissant stagner les crédits du ministère de la justice et en gelant le recrutement des magistrats et des greffiers nous avaient laissé une situation catastrophique que nous nous sommes efforcés de résorber. Certes, nous n'avons pas rattrapé tout le retard - qui vous était imputable - mais il aurait été sans doute plus judicieux de continuer dans la voie que nous avons empruntée plutôt que d'imposer une réforme que tous les magistrats rejettent car elle n'apporte aucune garantie d'indépendance et d'impartialité.
    Votre projet d'instituer un nouvel ordre de juridiction est une fausse bonne idée. Vous proposez de recruter 3 300 personnes - c'est-à-dire l'équivalent de 330 postes à temps complet - qui assureront la fonction de juge de proximité une demi-journée par semaine en vacation. Ces juges seront installés dans le ressort des tribunaux d'instance dont ils utiliseront le secrétariat-greffe. Au lieu de simplifier, vous allez brouiller la lisibilité d'une organisation de la justice qui est déjà bien complexe pour la majorité de nos concitoyens.
    Comme l'a exprimé la conférence nationale des premiers présidents, cette juridiction nouvelle va s'ajouter à la mosaïque des juridictions existantes et ne la rendra pas plus lisible.
    Il y a, me semble-t-il, une autre manière de répondre à l'exigence de proximité : en s'appuyant sur les tribunaux d'instance, en renforçant leurs moyens et en simplifiant les procédures. Ces tribunaux sont les lieux où travaillent les véritables juges de proximité. Il serait donc préférable de leur adjoindre des juges délégués, dotés de prérogatives importantes, pour régler les conflits à l'amiable, des juges disposant de pouvoirs propres mais exerçant leurs fonctions sous le regard du juge d'instance.
    Parallèlement, vous pourriez développer les maisons de justice et du droit. Il en existe aujourd'hui quatre-vingt-cinq. Une soixantaine étaient en projet ; nous ne savons pas si elles verront le jour. Il faut, sur cette question, monsieur le ministre, nous informer de vos intentions. On pourrait aussi parler des antennes de justice : il y en a plus de quatre-vingts qui offrent aux citoyens une première approche de la justice. Des petits litiges y trouvent une solution alors qu'ils étaient négligés par les juridictions.
    Je m'interroge aussi sur les conditions de recrutement qui me paraissent un peu trop floues. La première condition est l'âge - trente-cinq ans - le même âge que pour devenir sénateur. (Sourires.) Deuxième condition, les candidats devront être titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation juridique au moins égale à quatre années d'études supérieures post-baccalauréat et devront justifier de quatre années au moins d'exercice professionnel dans le domaine juridique. Cette rédaction demande des précisions car, si une personne ne peut justifier que de quatre années d'expérience professionnelle dans le domaine juridique et si cette expérience est vieille d'une vingtaine d'années, par exemple, cela pose des problèmes car vous n'ignorez pas que le droit évolue constamment et qu'il demande un suivi attentif et permanent.
    Vous ouvrez aussi ces postes aux anciens fonctionnaires de catégorie A des fonctions publiques, aux militaires en retraite, aux conciliateurs ayant exercé leurs fonctions durant cinq ans et aux assesseurs des tribunaux. Mais vous écartez les anciens conseillers prud'homaux qui rendent pourtant la justice dans un domaine complexe et dont tout le monde s'accorde à reconnaître les compétences.
    Outre le fait que le juge ne sera pas un « professionnel », c'est bien évidemment la notion de « travail à mi-temps » qui me choque. Ces juges de proximité seront en effet recrutés parmi des « notaires, avocats, ou policiers à la retraite ». Ils auront une position ambigue : ne seront-ils pas soumis à la pression d'intérêts privés ? N'y aura-t-il pas, pour un huissier, par exemple, des conflits d'intérêts importants entre son métier, qu'il exercera toujours, et son statut de juge ? Toutes ces questions appellent des réponses.
    Vous voulez revenir aux juges de paix qui ont été remplacés par les juges d'instance par la réforme du 22 décembre 1958, réalisée par Michel Debré. Cette nostalgie d'une justice de bon sens - puisque le juge de paix devait à l'origine ne disposer d'aucune connaissance juridique - me laisse perplexe. Pensez-vous réellement que des magistrats intermittents pour petits délits seront plus compétents que des professionnels pour régler les litiges inférieurs à 1 500 euros ?
    On peut aussi s'inquiéter, comme le syndicat de la magistrature, du risque de municipalisation de la justice. La création de juges de proximité revient, selon ce syndicat, à « une réforme extrêmement importante de la magistature, en qualité et en quantité ». L'indépendance de la justice est menacée. Or la Constitution précise que les juges doivent être « indépendants et inamovibles. Le fait même que ces juges puissent être renommés au bout de sept ans met en cause leur indépendance et leur impartialité. S'ils veulent être reconduits dans leur fonction, ils devront en effet se montrer conciliants et faire exactement ce que l'on attend d'eux.
    Le projet prévoit également que les juges de proximité devront non seulement régler de petits litiges civils, actuellement de la compétence d'un magistrat professionnel - le juge d'instance - mais également assurer une fonction pénale pour le jugement de la plupart des contraventions ainsi que de certains délits.
    Selon le projet, le juge de proximité serait compétent tant pour les infractions commises par les majeurs que pour celles que pourraient commettre les mineurs. Et, sur ce point, monsieur le ministre, je m'interroge.
    Une telle réforme pourrait en effet remettre en cause l'un des principes essentiels de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance en danger : la spécialisation des professionnels. C'est un point important. En effet, la simple habilitation de ces juges par le premier président de la cour d'appel ne saurait garantir leur réelle spécialisation dans les questions touchant aux mineurs, spécialisation qui exige une formation appropriée et une capacité à travailler avec tous les acteurs de la protection de l'enfance.
    Les juges de proximité, qui ne pourraient prononcer que des mesures d'admonestation, de remise aux parents ou de réparation, devraient le faire sans disposer du pouvoir d'ordonner des investigations sur la situation familiale et sociale du mineur concerné. Il serait à craindre que, faute de formation et de moyens d'investigation, ces juges ne soient pas aptes à repérer les difficultés des mineurs qu'ils jugeront, ce qui risquerait de retarder la mise en oeuvre d'éventuelles mesures éducatives.
    Finalement, monsieur le ministre, c'est de justice de proximité que vous nous parlez et nous y sommes favorables, mais ce que nos concitoyens attendent, je le répète, c'est la proximité de la justice, et une proximité moins géographique que temporelle. Les Français veulent que l'on juge plus rapidement, ce qui ne veut pas dire de façon expéditive.
    Depuis les années 1980, la notion de proximité a été de nombreuses fois évoquée. Force est de constater que la justice s'est effectivement rapprochée de la population, et notamment des élus, par le biais de la politique de la ville, des maisons de justice et du droit ou à l'occasion de l'élaboration des contrats locaux de sécurité. De cette manière, en confrontant plusieurs logiques, l'institution judiciaire a su, face aux demandes nouvelles de la société, opérer une diversification de ses modes de réponses tout en restant professionnelle. En effet, une justice de professionnels est la garantie que non seulement les droits des victimes mais aussi ceux de la défense sont préservés. Notre crainte, monsieur le ministre, est que cette nouvelle juridiction soit moins impartiale, moins compétente et moins indépendante. Pour ces raisons, nous voterons contre ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.
    M. Guy Geoffroy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos collègues socialistes doivent probablement une fière chandelle aux citoyens de notre pays pour ne pas avoir élu leur champion. (Sourires.) Je me suis permis de noter, pour ne pas me tromper dans les termes, ce qui a été dit par les divers intervenants de l'opposition. M. Queyranne a voulu nous donner une « leçon de simple bon sens », ce qui, entre nous, n'a pas dû faire plaisir à M. Vallini qui, justement, a dit se méfier du bon sens.
    M. André Vallini. Oui !
    M. Guy Geoffroy. J'ai entendu parler de « magistrats intermittents », de « grossières contrefaçons », de « similijuges », d'« institutions incertaines et critiquables », de « justice de notables ».
    En vous entendant parler ainsi, je ne doute pas de votre sincérité.
    M. Jean-Claude Mignon. Ce n'est pas sûr !
    M. Guy Geoffroy. Mais heureusement que votre champion n'a pas été élu, car vous auriez été bien en peine de défendre son progamme !
    J'ai sous les yeux un merveilleux document que, naturellement, tous les Français ont lu et vous aussi, je l'espère, mais qui me laisse très perplexe : c'est le catalogue d'engagements électoraux - ne parliez-vous pas de « promesses démagogiques » tout à l'heure ? - de M. Jospin. Aux pages 10 et 11, dans le chapitre « Une France sûre », on peut y lire des phrases très claires et très bien écrites, que je vais me faire un devoir de vous citer : « Je veux aussi améliorer l'efficacité de la justice au quotidien... - certes, nous en sommes tous d'accord - en accroissant ses moyens, afin de permettre une plus grande rapidité des décisions ».
    M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !
    M. Guy Geoffroy. Je lis un peu plus loin, au risque de mettre M. Vallini en difficulté : « Je propose la création de postes de juges de proximité,...
    M. Jean-Pierre Blazy. Des juges d'instance !
    M. Guy Geoffroy. ... qui seraient confiés à de jeunes retraités de l'éducation (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), de la police, de la justice, de l'armée - dont M. Vallini avait si peur - et des entreprises. » Voilà ce que proposait le candidat Lionel Jospin dans le domaine de la justice, pour une France plus sûre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    M. Jean-Christophe Lagarde. Eh oui, ils n'avaient pas lu son programme !
    M. Guy Geoffroy. Pour être absolument assuré que cela aurait bien été réalisé si M. Jospin avait été élu, je me reporte à la page 39 où je lis : « La campagne électorale est l'occasion précieuse de confronter les projets. Je vous ai présenté le mien avec sincérité et conviction » - ce dont je ne doute nullement. « Demain, si vous m'élisez à la présidence de la République, je veillerai à ce qu'il soit mis en oeuvre. Je m'y engage. »
    Comme vous auriez été en difficulté, mes chers collègues de l'opposition ! Car vous nous tenez un langage diamétralement opposé à tout ce que vous auriez été amenés à mettre en oeuvre, à lire ce que votre mentor a écrit de sa propre plume !
    M. Jean-Claude Mignon. Eh oui ! Quelle belle démonstration !
    M. Jean-Christophe Lagarde. La preuve, on ne les entend plus !
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est que nous n'interrompons pas les orateurs, nous ! (Sourires.)
    M. Guy Geoffroy. Une fois de plus, il nous faut dénoncer, de manière très tranquille mais tout aussi déterminée, le double langage de notre opposition, qui prétend aujourd'hui que ce que nous faisons, et qui ressemble beaucoup à ce qu'elle disait hier, ne serait pas conforme aux intérêts de nos concitoyens.
    Quant à l'argument, qu'elle défend avec persistance, selon lequel ce serait le Conseil constitutionnel qui nous amènerait à discuter de cette affaire aujourd'hui, il est pour le moins douteux ! Le garde des sceaux, ici présent, n'a eu de cesse, au mois de juillet, tous les écrits en témoignent, de rappeler qu'après avoir sagement pris l'avis du Conseil d'Etat, le Gouvernement, comme il l'a répété tout au long de la discussion sur la loi d'orientation et de programmation sur la justice, proposerait au Parlement un texte de loi organique visant à mettre en place le statut des juges de proximité. Certes, le Conseil constitutionnel l'a encadré, le président Clément l'a dit tout à l'heure, mais en aucun cas il n'y a contraint le Gouvernement dans la mesure où celui-ci avait dès le départ prévu de faire ainsi, par sagesse et par respect des grandes institutions de notre pays. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.
    M. Jean-Jack Queyranne. Quel culot !
    M. Guy Geoffroy. Sur le recrutement des juges, nous avons entendu beaucoup de choses, comme sur le soi-disant état d'impréparation. Pardonnez ma naïveté, peut-être liée à ma qualité de nouvel élu, mais il y a de quoi être surpris en vous entendant : lorsque la majorité propose des amendements à un texte gouvernemental, c'est de l'impréparation, et lorsqu'elle n'en présente pas, c'est qu'elle est composée de godillots ! Quelle est notre place ? Qu'avons-nous le droit de faire, mes chers collègues ? Tout cela n'est pas très sérieux !
    Qu'est-ce qui est le plus important ? Répondre aux aspirations de nos concitoyens ou donner aveuglément raison aux divers groupes de pression ? Tout porte à croire, mesdames, messieurs de l'opposition, que vous avez choisi la deuxième option ; mais si ces groupes de pression ont raison de défendre leurs intérêts et leurs points de vue, ils ne représentent pas à eux seuls l'intérêt fondamental que nous avons reçu mandat de défendre, celui de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Les questions essentielles auxquelles votre projet, monsieur le garde des sceaux, nous paraît répondre positivement sont les suivantes : faut-il, oui ou non, mieux juger demain ce qui pour l'heure n'est pas suffisamment jugé, voire pas du tout ? Ne faut-il pas faire appel, comme M. Jospin le proposait lui-même, à de nouvelles compétences, à des gens qui, après avoir reçu une formation et suivi un stage probatoire approprié, sont aptes à traiter dans les meilleurs délais toutes les questions qui aujourd'hui ne le sont pas, ou pas de manière satisfaisante ?
    Enfin, il serait temps de renoncer à travestir la réalité.
    M. Jean-Claude Mignon. Vous leur demandez beaucoup !
    M. Guy Geoffroy. Rien dans ce projet ne peut laisser penser que nous ne serions pas fidèles aux principes qu'il convient de réaffirmer concernant la justice des mineurs. Nous l'avions déjà fait au mois de juillet. Le texte ne propose à cet égard rien d'autre que de transférer au juge de proximité ce que le juge de police fait déjà aujourd'hui pour certaines infractions commises par des mineurs.
    Vous n'avez pas davantage le droit de prétendre que nous voudrions supprimer les conciliateurs. Nous aussi, nous les avons reçus, dans le cadre des auditions de la commission, en juillet. Nous leur avons garanti que leur mission resterait intacte et que la mise en place de juges de proximité n'avait d'autre but que de compléter le dispositif.
    M. Jean-Pierre Blazy. Ils sont bénévoles !
    M. Guy Geoffroy. Certes, j'en suis bien d'accord, nous devons également un peu mieux structurer le dispositif des maisons de justice et de droit et lui donner davantage de corps. C'est un très beau projet. Mais l'instauration du juge de proximité n'est pas en contradiction avec ces objectifs.
    En conclusion, madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, notre devoir est tout simplement de répondre aux attentes des Français, à leur exaspération devant une justice trop lente et trop incomplète dans sa réponse. Notre devoir est de rétablir la confiance. Notre devoir, et en tout cas le choix de notre majorité, est tout simplement d'assumer nos engagements et notre mandat. Soyez sûr, monsieur le garde des sceaux, qu'elle ne vous fera pas défaut. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Richard Mallié.
    M. Richard Mallié. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en arrivant à la fin de cette discussion générale, mieux vaut éviter la polémique et se borner à un constat. Ce constat, c'est ce que nos concitoyens disent de la justice qu'ils trouvent lente et lointaine alors même, et là est le paradoxe, que la société française se judiciarise de plus en plus, à l'instar de ce qui se passe aux Etats-Unis. Autrement dit, non seulement nos concitoyens ressentent un besoin de justice, mais ils multiplient le nombre de contentieux.
    Depuis 1978, nous avons des conciliateurs de justice. Pour en avoir fait l'expérience en tant que maire, je trouve que c'est une très bonne chose. Malheureusement, le système du conciliateur a une énorme limite, qui tient précisément au fait qu'il n'a pas le pouvoir de juger. Combien de fois ai-je entendu un conciliateur me dire : « On arrive à faire en sorte que les gens s'entendent, mais s'ils ne veulent pas mettre leur signature au bas d'un parchemin, nous ne pouvons pas aller plus loin. » Car le conciliateur, ce n'est pas un symbole fort. Le symbole fort, c'est le pouvoir de juger.
    Un ancien garde des sceaux, aujourd'hui dans l'opposition, a dit un jour que le conciliateur était une profession méconnue...
    M. Jean-Jack Queyranne. Ce n'est pas une profession, les conciliateurs sont bénévoles !
    M. Richard Mallié ... et qu'il était difficile d'en recruter. On peut se demander pourquoi. Ne serait-ce pas tout simplement lié au bénévolat...
    M. Jean-Pierre Blazy. Mais non !
    M. Richard Mallié. ... dont on s'aperçoit des limites, jusque dans le monde associatif ? Faut-il trouver autre chose ? Personnellement, je ne le souhaite pas : reste qu'il faut trouver des solutions. Pour ma part, je vois deux directions possibles.
    Premièrement, même si nous sommes dans un Etat de droit, il nous faut simplifier la justice, trouver une réponse rapide pour les petits litiges qui l'encombrent. Comment voulez-vous qu'un gamin, ou même un adulte, qui se voit condamné ou réprimé un an, voire deux ans après, se souvienne de la faute qu'il a commise un ou deux ans auparavant ? Où est l'exemplarité de la peine ?
    Deuxièmement, il faut instaurer une nouvelle juridiction, avec un nouveau profil. On peut faire appel à de jeunes retraités - mon prédécesseur n'a-t-il pas relevé cette idée dans le programme d'un candidat à l'élection présidentielle ?  - ou des préretraités, voire des personnes en cessation d'activité, mais aussi des gens qui exercent une activité, pour peu qu'elle soit compatible avec l'action de juger. Après tout, c'est tout cela, la société. Ce dont nous avons besoin, c'est avant tout de gens de terrain, des gens qui ont l'expérience de la vie, des gens qui ont vu, qui ont l'habitude des responsabilités, qui ont l'habitude d'en prendre, des gens qui ont la sagesse, des gens qui veulent tout simplement restituer à la société un peu des connaissances qu'ils ont acquises tout au long de leur vie professionnelle.
    On a parlé, il est vrai, d'un âge minimum. Certains nous ont fait remarquer que l'on pouvait être député ou juré dès dix-huit ans. Mais la comparaison s'arrête là, tout simplement parce que l'action du juré ou député est avant tout de nature collective. On a reproché aussi le fait que l'activité de ces juges resterait un exercice à temps partiel. Pourquoi ne pourraient-on pas l'exercer à temps partiel ? Personnellement, cela ne me choque aucunement. Ce n'est pas de juges professionnels sous contrat à durée indeterminée dont nous avons besoin, mais de juges de bon sens et d'équité sous contrat à durée déterminée.
    En conclusion, mes chers collègues, il n'y a, à mes yeux, aucune question à se poser. Je suis contre l'archaïsme, pour l'action et pour un projet ambitieux, celui-là même que M. le garde des sceaux nous propose ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, il me paraît courtois de répondre aux orateurs...
    Mme la présidente. Ils seront ravis de vous entendre, monsieur le garde des sceaux.
    M. le garde des sceaux. ... sur les points précis qu'ils ont soulevés.
    Monsieur Lagarde a regretté l'absence d'une procédure d'appel. Je lui rappellerai que, en termes de responsabilités et d'enjeux, les textes fixaient jusqu'à présent la barre à 25 000 francs ; dans le cas présent, les litiges ne dépasseront pas 1 500 euros. Autrement dit, nous sommes bien en-dessous. Les enjeux restent très limités et l'absence d'appel ne constitue aucune novation par rapport à la pratique antérieure.
    M. Vaxès s'est interrogé sur les moyens dont disposera la justice de proximité. Son fonctionnement sera assuré par les greffes des tribunaux d'instance ; nous avons prévu, à cette fin, dans le cadre de la loi d'orientation, la création de 330 emplois de greffiers, soit une augmentation de 25 % des postes dans ces tribunaux, ce qui devrait répondre à cette charge de travail supplémentaire.
    Vous vous êtes également interrogé, monsieur Vaxès, sur la façon dont a été menée la concertation. Dois-je pousser la transparence jusqu'à vous donner photocopies de mes agendas et de ceux de mes collaborateurs ? Sans aller jusqu'à cet excès, je puis vous assurer que nous avons reçu les partenaires comme il est normal, en particulier, et à plusieurs reprises, les associations des juges d'instance. Au demeurant, l'évolution du texte entre la lecture au Sénat et la lecture à l'Assemblée nationale en témoigne, et c'est bien naturel : les débats parlementaires sont faits pour cela. Il est normal que le Gouvernement s'y prête et que les commissions fassent leur travail, en concertation évidemment avec les professionnels.
    M. Garraud a soulevé un point important : l'articulation entre le juge de proximité et le juge d'instance. J'ai déjà eu à plusieurs reprises l'occasion de m'exprimer sur ce sujet, et ce dès la présentation de la loi d'orientation. Nous avons trouvé ensemble, me semble-t-il, une bonne formule qui donne effectivement au juge d'instance le pouvoir d'organisation de nature à garantir une bonne articulation.
    Mme la présidente Guinchard-Kunstler a utilisé le terme de « proxi-juges ». Elle me pardonnera de ne pas aimer du tout cette expression. J'ai un « proxi-bus » dans ma commune et ce n'est pas tout à fait la même chose...
    Vous avez, madame, parlé des conciliateurs. J'ai eu la curiosité de me renseigner un peu sur les conditions du débat lorsque les conciliateurs ont été créés en 1977-1978 par un gouvernement de droite. La gauche s'y était opposée. Relisez les comptes rendus : je les trouve assez instructifs...
    M. Jean-Pierre Blazy. C'était une erreur !
    M. le garde des sceaux et M. Guy Geoffroy. Une de plus !
    M. Jean-Pierre Blazy. Et allons-y !
    M. le garde des sceaux. Pardonnez-moi, c'est sorti spontanément ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Blazy. On pourrait s'amuser longtemps à ce petit jeu !
    M. le garde des sceaux. Sans doute est-ce l'heure tardive qui m'amène à cette faiblesse !
    M. Blanc a très clairement souligné la complémentarité entre juges d'instance et juges de proximité, et formulé des suggestions pour des évolutions ultérieures, qui mériteront d'être étudiées.
    M. Queyranne a de son côté affirmé que nous avions tous les magistrats contre nous. Je ne suis pas sûr que ce soit à moi que cette présentation s'applique et je l'invite à regarder plutôt du côté d'un de mes prédécesseurs ! Au demeurant, les choses sont beaucoup plus complexes. Quand je vais sur le terrain, dans les juridictions, j'ai l'habitude de rencontrer des magistrats, en tous cas ceux qui le souhaitent, et nous parlons, entre autres sujets, de celui-ci. Or j'observe que plusieurs magistrats de terrain vont, dans leurs souhaits, bien au-delà de ce que nous proposons. Certains évoquent les mêmes hypothèses que celles qu'avançait M. Blanc tout à l'heure, d'autres suggèrent de faire entrer des juges de proximité dans les tribunaux correctionnels. Bref, beaucoup d'idées me sont formulées. Je les écoute, nous en discutons, mais je peux vous assurer que, sur le terrain, les choses ne sont pas aussi simples que certaines caricatures le laissent entendre. En fait, les juges professionnels, tout comme nos concitoyens en général, ressentent la nécessité de mettre en place une juridiction nouvelle, un mode de fonctionnement différent. Nous recherchons d'une façon pragmatique une réponse adaptée à ce besoin. Nous ne prétendons pas avoir inventé la solution définitive qui ne devra jamais évoluer. Nous souhaitons seulement apporter une première réponse à tout ce qui nous a été dit, aux uns comme aux autres. Si M. Jospin, candidat, a dit ce qu'il a dit, écrit ce qu'il a écrit, ce n'est pas l'invention d'un cerveau embrumé : il l'a entendu, tout comme nous, de ses concitoyens. Il nous faut donc aller au-delà de la simple conciliation, comme l'a dit un orateur à l'instant, jusqu'à l'acte de juger, car c'est bien de cela dont on nous a parlé pendant les mois qui ont précédé les grandes échéances du printemps dernier.
    Quant aux maisons de la justice et du droit, j'ai été de ceux qui, tout comme M. Queyranne et bien d'autres élus, ont poussé dans cette voie. Ce que j'ai souhaité, depuis ma prise de responsabilité, c'est d'en dresser un bilan. Aussi ai-je demandé à l'inspection générale d'examiner la situation afin que nous puissions tirer un enseignement général de l'action de ces dispositifs qui d'ailleurs ont préparé l'idée d'une justice de proximité - vous le savez bien : on en a débattu dans toutes nos communes depuis des mois. Ce bilan me sera présenté dans quelques semaines. Je souhaite que nous en tirions les meilleurs enseignements pour voir ensuite comment faire évoluer ces dispositifs sur le terrain.
    M. Blazy est revenu sur les compétences de la justice de proximité, ce qui déborde quelque peu du cadre du débat statutaire d'aujourd'hui. Je voudrais simplement indiquer que, dans le domaine de la justice des mineurs, par exemple, son analyse est erronée...
    M. Jean-Paul Garraud et M. Guy Geoffroy. Bien sûr !
    M. le garde des sceaux. J'avais eu du reste l'occasion de le dire très clairement au moment de la loi d'orientation. En matière pénale, les affaires que les juges de proximité auront à traiter sont celles qui pour l'instant relèvent, M. Geoffroy l'avait déjà fait remarquer, de la compétence du tribunal de simple police, en aucune manière du tribunal pour enfants. Autrement dit, sa remarque sur l'ordonnance de 1945 n'est absolument pas pertinente.
    Je suis en revanche d'accord sur la question du renouvellement. J'avais exprimé mes réserves lors de l'examen du texte au Sénat, puisque le renouvellement n'était pas prévu dans le texte du Gouvernement. Votre commission des lois vous proposera, dans un instant, de revenir au texte originel. Tout comme M. Blazy, je considère qu'un tel dispositif serait contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
    M. Geoffroy a souligné le fait que nous étions dans la droite ligne de ce que nous avons dit pendant les mois passés et des engagements que nous avons pris devant les Français. C'est aussi ma fierté, comme la vôtre, monsieur le député, de respecter nos engagements.
    Je remercie enfin M. Maillé d'avoir, à raison, insisté sur la complémentarité - j'y avais moi-même fait allusion - entre la conciliation, la justice de proximité et la justice d'instance, complémentarité organisée par le juge d'instance.
    Mme la présidente. La discussion générale est close.

Discussion des articles

    Mme la présidente. J'appelle maintenant les articles du projet de loi organique dans le texte du Sénat.

Article 1er

    Mme la présidente. « Art. 1er. - Après le chapitre V quater de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il est inséré un chapitre V quinquies ainsi rédigé :

« Chapitre V quinquies
« Des juges de proximité

    « Art. 41-17. - Peuvent être nommés juges de proximité, s'ils remplissent les conditions prévues aux 2° à 5° de l'article 16 :
    « 1° Les anciens magistrats de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif ;
    « 2° Les personnes, âgées de trente-cinq ans au moins, que leur compétence et leur expérience qualifient pour exercer ces fonctions. Ces personnes doivent soit être titulaires d'un doctorat en droit ou d'un diplôme sanctionnant une formation juridique d'une durée au moins égale à quatre années d'études supérieures après le baccalauréat ou d'un diplôme équivalent dont la liste est fixée par décret, soit être membres ou anciens membres des professions libérales juridiques et judiciaires soumises à un statut ou dont le titre est protégé par la loi. Elles doivent, en outre, justifier de quatre années au moins d'exercice professionnel dans le domaine juridique ;
    « 3° Les personnes justifiant de vingt-cinq années au moins d'activité dans des fonctions impliquant des responsablités de direction ou d'encadrement dans le domaine juridique, administratif, économique ou social les qualifiant pour l'exercice des fonctions judiciaires ;
    « 4° Les anciens fonctionnaires de catégorie A de la fonction publique de l'État, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, les anciens militaires et autres anciens agents de l'État et des collectivités territoriales ainsi que de leurs établissements publics de même niveau de recrutement que leur expérience qualifie pour l'exercice des fonctions judiciaires ;
    «5° Les conciliateurs de justice ayant exercé leurs fonctions pendant au moins cinq ans ;
    « 6° Les assesseurs des tribunaux pour enfants ayant exercé leurs fonctions pendant au moins cinq ans.
    « Art. 41-17-1. - Les juges de proximité sont répartis au sein de leur juridiction par une ordonnance annuelle du président du tribunal de grande instance chargé de l'organisation de la juridiction de proximité. Cette ordonnance est prise en la forme prévue par le code de l'organisation judiciaire.
    « Art. 41-18. - Les juges de proximité sont nommés pour une durée de sept ans renouvelable une fois, dans les formes prévues pour les magistrats du siège. Ils ne peuvent demeurer en fonction au-delà de l'âge de soixante-quinze ans.
    « L'article 27-1 ne leur est pas applicable.
    « Les juges de proximité suivent une formation organisée par l'École nationale de la magistrature et comportant un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues à l'article 19.
    « Préalablement à cette formation, les juges de proximité prêtent serment dans les conditions prévues à l'article 6.
    « Un décret en Conseil d'État détermine les conditions de dépôt et d'instruction des dossiers de candidature, les modalités d'organisation et la durée de la formation, ainsi que les conditions dans lesquelles est assurée l'indemnisation des stagiaires mentionnés au présent article.
    « Art. 41-19. - Les juges de proximité sont soumis au présent statut.
    « Toutefois, ils ne peuvent être membres ni du Conseil supérieur de la magistrature, ni de la commission d'avancement, ni participer à la désignation des membres de ces instances.
    « Ils ne peuvent recevoir aucun avancement de grade. Ils ne peuvent pas être mutés sans leur consentement.
    « Les articles 13 et 76 ne leur sont pas applicables.
    « Art. 41-20. - Les juges de proximité exercent leurs fonctions à temps partiel. Ils perçoivent une indemnité de vacation dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
    « Art. 41-21. - Par dérogation au premier alinéa de l'article 8, les juges de proximité peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires, sous réserve que cette activité ne soit pas de nature à porter atteinte à la dignité de la fonction et à son indépendance. Les membres des professions libérales juridiques et judiciaires soumis à un statut ou dont le titre est protégé par la loi et leurs salariés ne peuvent exercer des fonctions de juge de proximité dans le resort du tribunal de grande instance où ils ont leur domicile professionnel ; ils ne peuvent effectuer aucun acte de leur profession dans le ressort de la juridiction de proximité à laquelle ils sont affectés.
    « Sans préjudice de l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 8, les juges de proximité ne peuvent exercer concomitamment aucune activité d'agent public, à l'exception de celle de professeur et de maître de conférences des universités.
    « En cas de changement d'activité professionnelle, les juges de proximité en informent le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils sont affectés, qui leur fait connaître, le cas échéant, que leur nouvelle activité n'est pas compatible avec l'exercice de leurs fonctions judiciaires. Le président du tribunal de grande instance informe le premier président de la cour d'appel des cas de désaccord. Ce dernier peut saisir la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente en matière disciplinaire qui se prononce dans un délai de deux mois. Si, à l'expiration d'un délai d'un mois après le prononcé d'une décision confirmant l'avis du président du tribunal de grande instance, le juge de proximité n'a pas cessé d'exercer sa nouvelle activité professionnelle, il est mis fin à ses fonctions.
    « Les juges de proximité ne peuvent connaître de litiges présentant un lien avec leur activité professionnelle ou lorsqu'ils entretiennent ou ont entretenu des relations professionnelles avec l'une des parties. Dans ces cas, le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils sont affectés décide, à leur demande ou à celle de l'une des parties, que l'affaire sera soumise à un autre juge de proximité du même ressort. Cette décision de renvoi est insusceptible de recours.
    « Les juges de proximité ne peuvent mentionner cette qualité ni en faire état dans les documents relatifs à l'exercice de leur activité professionnelle, tant pendant la durée de leurs fonctions que postérieurement.
    « Art. 41-22. - Le pouvoir d'avertissement et le pouvoir disciplinaire à l'égard des juges de proximité sont exercés dans les conditions définies au chapitre VII. Indépendamment de l'avertissement prévu à l'article 44 et de la sanction de la réprimande avec inscription au dossier mentionnée au 1° de l'article 45, peut seule être prononcée, à titre de sanction disciplinaire, la fin des fonctions.
    « Art. 41-23. - Sous réserve des dispositions du premier alinéa de l'article 41-18 et du troisième alinéa de l'article 41-21, il ne peut être mis fin aux fonctions des juges de proximité qu'à leur demande ou au cas où aurait été prononcée à leur encontre la sanction de la fin des fonctions prévue à l'article 41-22.
    « Durant un an à compter de la cessation de leurs fonctions judiciaires, les juges de proximité sont tenus de s'abstenir de toute prise de position publique en relation avec ces fonctions. »
    Mme la présidente. M. Vallini et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement n° 19, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 1er. »
    La parole est à M. André Vallini.
    M. André Vallini. Cet amendement tend à supprimer l'article 1er, - donc la réforme, pour parler clair.
    Je ne vais pas reprendre tout ce que nous avons dit depuis la vraie justice de proximité, celle que rendent les juges d'instance, depuis 1958. Ils remplissent bien leur office sur l'ensemble du territoire - 473 tribunaux d'instance - dans des délais raisonnables, plus rapidement que le juge de grande instance ou les juges d'appel. Plutôt que de compliquer encore la justice avec la création d'un juge, il serait préférable, pour développer vraiment et efficacement la justice de proximité, de renforcer les tribunaux d'instance, de leur accorder davantage de moyens et de mieux les répartir sur le territoire, dans les quartiers urbains comme dans les zones rurales, de multiplier leurs audiences foraines, bref d'en faire le pivot d'une vraie justice de proximité qui doit, comme toute la justice, même celle qui s'applique à la France d'en bas, être compétente et professionnelle, indépendante et impartiale.
    Je saisis l'occasion pour répondre à M. Geoffroy, qui nous a fait le plaisir de nous rappeler le programme de Lionel Jospin lors de la dernière élection présidentielle. Figurez-vous, cher collègue, que je connais un peu ce programme puisque j'étais le porte-parole de Lionel Jospin sur ces questions ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Gérard Léonard. Quel reniement !
    M. André Vallini. Non justement ! Et je peux vous dire que les juges de proximité, version Jospin, n'auraient pas du tout été les juges de proximité version Raffarin, Perben et majorité UMP-UDF.
    M. Jean-Claude Mignon. Les Français en ont décidé autrement.
    M. André Vallini. Du point de vue du recrutement comme du point de vue de l'indépendance, il y a un monde entre ce que vous faites et ce que nous aurions fait. Le recrutement, la formation, la capacité des juges de proximité auraient été garantis, je peux vous le certifier. J'en ai parlé avec le candidat Jospin puisque j'étais son porte-parole, je vous le répète. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Quant à leur indépendance et à leur impartialité, vous connaissez suffisamment l'attachement de Lionel Jospin à l'éthique républicaine pour imaginer qu'avec lui, on n'aurait pas recruté des juges de proximité sur des critères notabiliaires, des critères comme ceux que vous souhaitez instaurer, très flous d'ailleurs.
    M. Yves Simon. C'est inadmissible !
    M. Jean-Claude Mignon. Les Français n'auraient donc rien compris ?
    M. André Vallini. Nous aurions sans doute eu recours au concours républicain, dont je parlais car il est seul, seul garant de l'impartialité, et de l'indépendance.
    Entre vos juges approximatifs et nos juges de proximité, il y a un monde. Entre vos juges notabiliaires et nos juges citoyens, il y a un monde.
    C'est la raison pour laquelle nous présentons un amendement de suppression de cette réforme néfaste. (« Très bien », sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Emile Blessig, rapporteur. Cet amendement a évidemment été repoussé par la commission puisqu'il vise purement et simplement à supprimer le statut de juge de proximité.
    M. Vallini vient de répéter une fois de plus que, pour lui, la justice de proximité était uniquement une question de moyens. Je crois qu'il n'en est rien. Les structures doivent aussi évoluer. C'est vrai pour la justice, c'est vrai également dans d'autres domaines, notamment en matière de sécurité. « Plus de moyens à structure inchangée », c'est un discours conservateur et limité.
    Par ailleurs, j'entends souvent parler de justice de notables. Il fut un temps où la justice était exercée par des notables, parce que le notable était choisi du fait de sa situation sociale. On ne lui demandait même pas de connaissances juridiques pour exercer cette fonction. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Ce sont les capacités qui amènent à exercer la fonction.
    M. Jean-Jack Queyranne. Pas toujours !
    M. Emile Blessig, rapporteur. Les juges de proximité exerceront leur fonction après une formation probatoire. On ne peut donc plus caricaturer à l'excès la justice comme vous l'avez fait en parlant de situations passées qui n'ont plus cours. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Avis défavorable.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
    M. Jean-Paul Garraud. Personne ne conteste le travail des juges d'instance. Le tribunal d'instance est une juridiction très importante qu'il convient de renforcer. La loi de programmation sur la justice prévoit d'ailleurs des moyens supplémentaires en leur faveur. Simplement, je souhaiterais souligner un point qui n'a pas été évoqué jusqu'à présent.
    J'entends souvent dire que mieux vaudrait recruter 300 juges d'instance à temps complet plutôt que 3 300 juges de proximité. Nous recrutons beaucoup dans la magistrature.
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est nous qui avons recruté !
    M. Jean-Paul Garraud. Actuellement, 250 postes par an sont ouverts aux trois concours d'entrée de la magistrature, 125 postes au concours complémentaires, et une soixantaine de magistrats sont recrutés par le biais de l'intégration directe, ce qui fait un nombre assez considérable de magistrats recrutés par an.
    Si l'on en recrute davantage, la qualité du recrutement va baisser. Les jurys de concours d'entrée, surtout le jury du concours complémentaire, ne réussissent pas à pourvoir tous les postes offerts. Sur 125 postes offerts, seulement 70 ou 80 sont finalement pourvus, car le vivier de candidatures n'est pas assez important. C'est aussi pourquoi l'on recrute en temps partiel ces juges de proximité. La précision est importante. On ne peut recruter davantage de magistrats, sinon, il y aura des problèmes de compétences, ce qui posera un problème de garantie pour les justiciables. Ce qui n'est pas le cas actuellement, puisque les jurys font leur travail, la commission d'intégration aussi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Pierre Blazy. Quelle différence avec les juges de proximité ?
    Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.
    M. Guy Geoffroy. J'ai été très impressionné, mes collègues aussi, je crois, par le plaidoyer de M. Vallini en faveur de sa conception de la justice de proximité. L'opposition avait donc bien l'intention d'en faire une. Or j'ai entendu dire pendant toute la soirée que c'était totalement inutile !
    M. André Vallini. J'ai dit le contraire !
    M. Guy Geoffroy. Dans la même logique, j'aimerais pouvoir un jour comprendre ce que mettent derrière la notion d'accueil des mineurs en structures fermées des gens qui ont toujours affirmé qu'il ne fallait surtout pas en créer. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 19.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Blessig, rapporteur, a présenté un amendement, n° 1, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 41-17 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, après le mot : "proximité, insérer les mots : "pour exercer une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions judiciaires de première instance. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Cet amendement tend à rétablir le texte initial du projet afin de préciser, dans un texte à valeur organique, que les juges de proximité n'exercent qu'une part limitée des compétences dévolues aux magistrats des juridictions judiciaires de première instance, conformément aux exigences posées par le Conseil constitutionnel s'agissant de l'exercice, à titre temporaire, de fonctions judiciaires.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Blessig, rapporteur, et M. Garraud ont présenté un amendement, n° 2, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du 2° du texte proposé pour l'article 41-17 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, substituer aux mots : "trente-cinq, le mot : "trente. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Je propose que ce soit M. Garraud qui présente cet amendement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
    M. Jean-Paul Garraud. Par cet amendement, je souhaite revenir à l'âge minimal initialement fixé dans le projet pour postuler aux fonctions de juge de proximité. Le Sénat l'a en effet porté de trente à trente-cinq ans, ce qui me paraît incohérent.
    Un certain nombre de personnes ayant quatre ans de fonction et une maîtrise en droit mais n'ayant pas trente-cinq ans pourraient être d'excellents candidats. C'est le cas notamment des assistants de justice. En vertu de la loi du 9 septembre dernier, les assistants de justice, recrutés en général à l'âge de vingt-cinq ans, peuvent exercer ces fonctions pendant six ans. On va donc se priver de tout un vivier de candidatures potentielles qui pourraient être très utiles. Je ne veux pas être irrévérencieux mais peut-être que, pour le Sénat, les questions d'âges sont assez sensibles.
    Par contre, à vingt-sept ans, on est trop vieux pour passer le concours pour entrer à l'Ecole nationale de la magistrature et exercer ensuite toutes les fonctions de juge : juge d'instruction, substitut du procureur, juge des enfants, et j'en passe. C'est assez curieux ! On pourrait multiplier le nombre des exemples. Par cet amendement, je souhaitais ouvrir davantage le recrutement pour permettre à de nombreuses personnes de se présenter.
    Mme la présidente. Voulez-vous ajouter un mot, monsieur le rapporteur ?
    M. Emile Blessig, rapporteur. Je suis favorable à titre personnel au maintien de l'âge de trente-cinq ans. D'abord, juge de proximité, ce ne sera pas une fonction professionnelle.
    M. Jean-Jack Queyranne. Absolument.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Pour ce magistrat qui exercera à titre temporaire, il faudrait éviter la tentation de la professionnalisation de la fonction.
    M. Jean-Jack Queyranne. Il serait temps d'en parler.
    M. Emile Blessig, rapporteur. C'est la raison pour laquelle il m'avait semblé intéressant de suivre la proposition du Sénat, d'autant que la fonction de juge de proximité, qui est de privilégier l'écoute du justiciable, la conciliation, suppose une certaine maturité.
    Par ailleurs, trente-cinq ans, c'est aussi l'âge du recrutement pour le concours complémentaire des magistrats du second grade.
    Nous avons eu un débat en la commission des lois, et il m'apparaît intéressant de l'avoir à nouveau ce soir.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Comme M. Garraud le sait, je suis maintenant défavorable à l'idée d'un recrutement possible dès l'âge de trente ans, pour les raisons qui viennent d'être exposées par M. Blessig.
    Il faut vraiment éviter toute espèce de carrière de juge de proximité : elle n'aurait d'ailleurs aucun sens compte tenu de la durée limitée à sept ans. Fixer l'âge minimal à trente-cinq ans, comme l'a suggéré le Sénat, me semble être la bonne solution. Cela veut dire qu'il faut une certaine expérience. Nous souhaitons les uns et les autres que les juges de proximité soient recrutés parmi des gens ayant déjà une expérience professionnelle relativement diverse.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
    M. Jean-Paul Garraud. Je suggère le retrait de l'amendement.
    Mme la présidente. Monsieur le rapporteur ?
    M. Emile Blessig, rapporteur. La commission accepte de retirer l'amendement.
    Mme la présidente. L'amendement n° 2 est retiré.
    M. Blessig, rapporteur, a présenté un amendement, n° 3, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le début de la deuxième phrase du 2° du texte proposé pour l'article 41-17 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 : "Ces personnes doivent soit remplir les conditions fixées au 1° de l'article 16, soit être membres... (Le reste sans changement.) »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Dans un esprit de simplification, cet amendement aligne les conditions de diplôme requises pour une catégorie de candidats aux fonctions de juge de proximité sur les conditions que doivent remplir les candidats aux concours d'entrée à l'ENM.
    Cette harmonisation permettra un élargissement des conditions de recrutement, étant précisé que les candidats devront néanmoins avoir en plus quatre ans d'expérience professionnelle.
    Ainsi sera permise une clarification, car la qualité du diplôme requis est précisée. On évite de confier à un décret simple la liste des équivalences.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Blessig, rapporteur, a présenté un amendement, n° 4, ainsi libellé :
    « Après le mot : "statut, rédiger ainsi la fin de la deuxième phrase du 2° du texte proposé pour l'article 41-17 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 : "législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Vallini et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 25 rectifié, ainsi rédigé :
    « Compléter la dernière phrase du 2° du texte proposé pour l'article 41-17 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 par les mots : "dont les deux années précédant le dépôt de leur candidature. »
    La parole est à M. André Vallini.
    M. André Vallini. Les candidats à la fonction de juge de proximité ne doivent pas pouvoir se prévaloir d'une expérience trop anciennement acquise. D'après la règle que vous voulez instituer, quatre ans de droit et quatre ans de pratique professionnelle seront requis. Imaginez cependant, comme je l'expliquais en défendant l'exception d'irrecevabilité, un étudiant qui a une maîtrise de droit, puis quatre ans de pratique professionnelle dans le domaine juridique mais qui, pendant vingt ou trente ans, fait tout autre chose. Comment pourrait-il se prévaloir de ses quatre ans d'expérience qui remonteraient à près d'une génération ? Je propose donc que l'expérience professionnelle ne remonte pas à plus de deux ans avant le dépôt de candidature.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Emile Blessig, rapporteur. L'amendement a été repoussé par la commission. Je comprends la préoccupation de M. Vallini mais faut-il l'inscrire dans la loi ? Je pense que l'effet serait trop restrictif sur le vivier des candidatures.
    En tout état de cause, le CSM instruit les dossiers de candidature et examine leur bien-fondé. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de restreindre autant les conditions de dépôt des candidatures.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Cet amendement est intéressant, monsieur Vallini, et, de prime abord, il semblait acceptable, mais, si on l'adoptait, on pourrait se trouver dans la situation inverse : quelqu'un qui aurait pratiqué le droit pendant trente ans mais qui n'en ferait plus depuis deux, trois ou quatre ans ne pourrait pas occuper les fonctions de juge de proximité.
    Cela étant, il serait sans doute souhaitable que le Gouvernement précise ultérieurement les conditions parce que le problème que vous évoquez est réel.
    La loi ne peut pas imposer une telle limite. Nous voterons donc contre l'amendement.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 25 rectifié.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Vallini et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 20, ainsi rédigé :
    « Supprimer le 3° du texte proposé pour l'article 41-17 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. »
    La parole est à M. André Vallini.
    M. André Vallini. Le Sénat a cru devoir ouvrir à quasiment tout le monde l'accès aux fonctions de juge de proximité ce qui permettra à des cadres de direction ou d'encadrement de dire le droit - et non pas seulement de juger en équité, de rendre une justice de paix - à la seule condition d'avoir exercé plus de vingt-cinq ans des fonctions d'encadrement dans un service administratif, économique ou social. Or cela ne saurait suffire à leur conférer la compétence nécessaire pour exercer une fonction juridictionnelle.
    J'ajoute que ce type de recrutement ne permettra pas une représentation de la société toute entière et induira au contraire une espèce de « justice d'en haut », de justice de notables, en totale opposition avec la recherche d'une justice citoyenne dans laquelle chaque usager de la justice pourrait se reconnaître.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Emile Blessig, rapporteur. L'amendement a été repoussé par la commission. Le Sénat avait élargi le recrutement des candidats aux fonctions de juge de proximité. L'amendement veut supprimer cette disposition. C'est tout à fait contraire à l'esprit de la réforme. L'expérience doit permettre d'être qualifié pour l'exercice de fonctions judiciaires. Les candidatures seront soumis au Conseil supérieur de la magistrature qui, si nécessaire, exercera sa censure ou imposera des obligations de formation probatoire.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 20.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Blessig, rapporteur, a présenté un amendement, n° 5, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le 4° du texte proposé pour l'article 41-17 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 :
    « 4° Les anciens fonctionnaires des services judiciaires que leur expérience qualifie pour l'exercice des fonctions judiciaires ; ».
    Sur cet amendement, le Gouvernement a présenté un sous-amendement, n° 27, ainsi rédigé :
    « Dans l'amendement n° 5, après les mots : "services judiciaires, insérer les mots : "des catégories A et B. »
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 5.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Le Sénat a ouvert le recrutement des juges de proximité à différentes catégories d'agents publics.
    Il est deux manières d'apprécier les conditions de recrutement des différents candidats : une logique fonctionnelle ou une logique catégorielle. Il nous a semblé que, dans cet alinéa, le Sénat s'était fondé sur une logique trop catégorielle aboutissant à un effet de liste pour les anciens fonctionnaires. Or, par définition, une liste est soit trop large, soit insuffisante. Il nous a semblé plus intéressant de regrouper les anciens fonctionnaires dans le cadre du 3°, mais d'inscrire dans le 4° : « les anciens fonctionnaires des services judiciaires que leur expérience qualifie pour l'exercice des fonctions judiciaires ».
    Cet amendement me paraît important. En effet, dans la mesure où le recrutement a été ouvert aux conciliateurs, il n'y a pas de raison que les greffiers des tribunaux d'instance, qui ont souvent travaillé de longues années à côté d'un juge d'instance, ne puissent pas, s'ils le souhaitent, accéder aux fonctions de juge de proximité.
    De plus, ces candidatures sont - je le rappelle parce que c'est important - toutes soumises à l'avis du CSM, ce qui nous semble offrir toute garantie quant au recrutement d'anciens fonctionnaires candidats à la fonction de juge de proximité.
    Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux pour soutenir le sous-amendement n° 27 et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 5.
    M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l'amendement de la commission des lois si est adopté le sous-amendement qui vise à ne retenir que les catégories A et B. En effet, j'avais indiqué, devant le Sénat, que j'étais favorable à un élargissement du recrutement à des personnes justifiant d'une activité professionnelle qualifiante. Mais je crois que l'amendement adopté par le Sénat et permettant le recrutement de tous les anciens fonctionnaires de catégorie A conduit à une ouverture trop large, sans considération de la nature de l'expérience professionnelle antérieure.
    L'amendement que vous proposez, monsieur le rapporteur, tend donc à recentrer cette disposition sur ceux des agents de l'Etat qui sont le plus directement en relation avec les missions de l'institution judiciaire, c'est-à-dire les fonctionnaires des services judiciaires. Cette formulation me paraît mieux adaptée aux exigences de capacité qui sont celles du recrutement des juges de proximité. Toutefois, l'absence de toute condition quant au niveau des responsabilités laisse une ouverture encore trop large. C'est pourquoi je propose de limiter le recrutement aux catégories A et B. Cela permet aux greffiers en chef et aux greffiers de postuler, ce qui est en fait votre objectif.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement du Gouvernement ?
    M. Emile Blessig, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, j'émets un avis favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 27.
    (Le sous-amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5, modifié par le sous-amendement n° 27.
    (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
    Mme la présidente. M. Blessig, rapporteur, a présenté un amendement, n° 6, ainsi rédigé :
    « Supprimer le 6° du texte proposé pour l'article 41-17 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Cet amendement, qui a été adopté par la commission, vise, comme je viens de l'expliquer, à privilégier, dans la liste des candidats possibles aux fonctions de juge de proximité, une analyse fonctionnelle plutôt qu'une analyse catégorielle. C'est la raison pour laquelle la commission propose de supprimer l'ouverture du recrutement aux assesseurs des tribunaux pour enfants. En effet, contrairement aux conciliateurs, leur expérience au sein des tribunaux pour enfants ne les qualifie pas particulièrement pour exercer les fonctions de juge de proximité. En revanche, s'ils relèvent de l'une ou l'autre catégorie, notamment celle de l'alinéa 3, rien ne les empêche de postuler aux fonctions de juge de proximité. Encore une fois, évitons les effets de liste, essayons de trouver une logique fonctionnelle dans les capacités de recrutement de nos juges de proximité.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Sagesse.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Deniaud a présenté un amendement, n° 22, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article 41-17 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 par l'alinéa suivant :
    « 7° Les anciens membres de conseil de prud'hommes, ayant exercé leurs fonctions pendant une durée d'au moins cinq ans. Ne pourront être juges de proximité les conseillers n'ayant pas cessé leur activité depuis moins de deux ans. »
    La parole est à M. Yves Deniaud.
    M. Yves Deniaud. Le texte qui nous est présenté prévoit que les assesseurs des tribunaux pour enfants pourraient être admis à devenir juges de proximité. L'amendement vise à étendre cette possibilité dans les mêmes conditions de durée aux personnes ayant exercé des fonctions de conseillers de prud'hommes. Elles ont en effet une expérience de la procédure et de la conciliation, et sur un vaste champ d'application puisque, dans les litiges soumis aux conseils de prud'hommes, peuvent être examinés bien des aspects juridiques de la vie, et pas seulement de la vie sociale.
    J'ajoute que les assesseurs des tribunaux pour enfants sont beaucoup plus encadrés par des juges professionnels que ne le sont les conseillers prud'homaux, surtout les présidents des conseil de prud'hommes, qui exercent de véritables responsabilités, notamment en matière de conciliation.
    Dans ces conditions, il ne serait pas équitable de refuser cette possibilité aux conseillers représentants des employeurs ou des salariés qui ont exercé leurs fonctions pendant plusieurs années.
    D'autre part, pour garantir une plus grande indépendance, l'amendement prévoit que les conseillers prud'homaux ne pourront devenir juge de proximité que deux ans après la fin de leurs fonctions.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Emile Blessig, rapporteur. Mon cher collègue, suivant une logique fonctionnelle et non catégorielle, nous venons d'adopter un amendement qui supprime précisément la possibilité pour les assesseurs des tribunaux pour enfants d'exercer les fonctions de conciliateur. Dans cette même logique, la commission a repoussé votre amendement : il faut, en effet, éviter la confusion des genres.
    J'ajoute que les juges de proximité ne connaîtront pas des litiges professionnels puisqu'ils ne pourront connaître que des litiges introduits par une personne physique pour les besoins de sa vie non professionnelle.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable pour les mêmes raisons que la commission.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 22.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Blessig, rapporteur, a présenté un amendement, n° 7, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 41-17-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 :
    « Art. 41-17-1. - Le magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration du tribunal d'instance organise l'activité et les services de la juridiction de proximité.
    « Il fixe par une ordonnance annuelle la répartition des juges de proximité dans les différents services de la juridiction.
    « Cette ordonnance est prise en la forme prévue par le code de l'organisation judiciaire. »
    Sur cet amendement, M. Vallini et les membres du groupe socialiste ont présenté un sous-amendement, n° 23 rectifié, ainsi rédigé :
    « Dans l'amendement n° 7, compléter le deuxième alinéa par les mots : " ainsi que le nombre de leurs vacations et leur fréquence . »
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 7.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Cet amendement a pour objet l'organisation de l'activité des juridictions de proximité par le juge d'instance chargé de l'administration du tribunal d'instance.
    Le Sénat avait confié cette mission d'organisation au président du tribunal de grande instance. Or le tribunal de grande instance paraît trop lointain. Il semble préférable de confier cette mission au magistrat du tribunal d'instance chargé de son administration.
    J'ai eu l'occasion, dans la discussion générale, de rappeler que le juge de proximité exerçait une partie limitée des compétences du juge d'instance, qu'il occupait souvent les mêmes locaux, qu'ils avaient le même greffe et que, de plus, en cas d'indisponibilité, il était remplacé par le juge d'instance. De même, en cas de difficultés d'ordre juridique, le juge de proximité peut se démettre au profit du juge d'instance.
    Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini, pour présenter le sous-amendement n° 23.
    M. André Vallini. L'amendement de M. Blessig me paraît fondé, mais je souhaite le sous-amender pour clarifier la place des juges de proximité par rapport à celle des juges d'instance, en veillant à ce que l'attribution des affaires qui seront confiées au juge de proximité ait lieu en toute impartialité et en ne tenant compte ni de la nature de l'affaire ni de la personnalité du juge, mais seulement de la bonne marche des juridictions d'instance et de proximité.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 23 ?
    M. Emile Blessig, rapporteur. Monsieur Vallini, les précisions que vous entendez apporter sur la fréquence des vacations seront satisfaites par l'ordonnance de roulement. Par contre, il me semble que vous allez trop loin en voulant laisser au juge d'instance le soin de fixer le nombre de vacations : d'une part, cette limitation sera fixée par décret en Conseil d'Etat ; d'autre part, elle entre dans le cadre des règles de fixation de l'indemnisation des juges de proximité. C'est la raison pour laquelle votre sous-amendement a été repoussé par la commission.
    M. Jean-Jack Queyranne. Même un sous-amendement ne trouve pas grâce à vos yeux !
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement et l'amendement ?
    M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement. Je rappelle d'ailleurs à M. Vallini que l'ordonnance de roulement est annuelle et qu'elle n'a pas pour objet de permettre un tri des affaires entre les juges, ce qu'il a semblé suggérer. Cette ordonnance a pour objet de fixer le nombre, le jour et la nature des audiences, et de les répartir entre les juges composant la juridiction de proximité. Ce ne sont pas les dossiers eux-mêmes qui sont ainsi répartis.
    Pour ce qui est de l'amendement de la commission, nous en avons parlé tout au long de la discussion générale, le Gouvernement est tout à fait favorable à cette proposition qui, me semble-t-il, est de nature à favoriser une bonne organisation et correspond au résultat de la large concertation qui s'est déroulée depuis deux mois.
    Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 23.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Blessig, rapporteur, a présenté un amendement, n° 8, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 41-18 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, substituer aux mots : " renouvelable une fois , les mots : " non renouvelable . »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Emile Blessig rapporteur. Le Sénat avait pensé que, pour mettre à profit l'expérience acquise au cours des sept premières années par les juges de proximité, il était bon de leur permettre d'exercer un second mandat. La commission estime que cette possibilité de renouvellement mettrait gravement en cause l'indépendance du juge de proximité et entacherait vraisemblablement l'institution d'un risque d'inconstitutionnalité. En outre, la réussite de la réforme me semble reposer sur le renouvellement des membres de la juridiction de proximité. Je le repète, il ne s'agit en aucun cas de professionnaliser la fonction. C'est parce qu'ils seront en phase avec la société et leur entourage que les juges de proximité réussiront. C'est pourquoi il paraît préférable de ne pas renouveler le mandat de ces juges.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des seceaux. Avis favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Blessig, rapporteur, présente un amendement n° 9, ainsi rédigé :
    « Supprimer la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 41-18 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Blessig, rapporteur, a présenté un amendement, n° 10, ainsi rédigé :
    « Substituer aux troisième et avant-dernier alinéas du texte proposé pour l'article 41-18 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 les quatre alinéas suivants :
    « Avant de rendre son avis, la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature peut décider de soumettre l'intéressé à une formation probatoire organisée par l'Ecole nationale de la magistrature et comportant un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues à l'article 19. Le deuxième alinéa de l'article 25-3 est applicable aux stagiaires.
    « Le directeur de l'Ecole nationale de la magistrature établit, sous forme d'un rapport, le bilan du stage probatoire du candidat, qu'il adresse à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature et au garde des sceaux, ministre de la justice.
    « Préalabement à leur entrée en fonctions, les juges de proximité prêtent serment dans les conditions prévues à l'article 6.
    « Les juges de proximité n'ayant pas été soumis à la formation probatoire prévue dans le troisième alinéa suivent une formation organisée par l'Ecole nationale de la magistrature et comportant un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues à l'article 19. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Cet amendement porte sur la formation des juges de proximité. Il tend à ouvrir au Conseil supérieur de la magistrature la possibilité de subordonner la nomination des juges de proximité à l'accomplissement d'une formation probatoire comportant un stage en juridiction, afin d'apprécier concrètement l'aptitude du candidat à l'exercice de fonctions juridictionnelles. C'est évidemment le noeud des compétences.
    M. Jean-Pierre Blazy. Là est le problème !
    M. Emile Blessig, rapporteur. C'est aussi la contrepartie des conditions d'élargissement du recrutement. Le Sénat a élargi le socle des possibilités de candidature ; en contrepartie, il faut offrir certaines garanties sur la formation des candidats. Ce n'est pas du tout la même chose d'être un ancien magistrat ou quelqu'un qui a une expérience de la vie civile. De ce point de vue, cette disposition apportera plus de garanties à l'institution, à la réforme, et plus de crédibilité aux juges de proximité.
    M. Jean-Pierre Blazy. Et ils en ont besoin, de crédibilité !
    M. Emile Blessig, rapporteur. En tout état de cause, quelle que soit leur origine, tous les juges de proximité suivront une formation après leur nomination.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 10.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Blessig, rapporteur, a présenté un amendement, n° 11, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 41-18 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, substituer aux mots : "est assurée l'indemnisation, les mots : "sont assurées l'indemnisation et la protection sociale. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Emile Blessig, rapporteur. C'est un amendement de coordination.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Blessig, rapporteur, a présenté un amendement, n° 12, ainsi rédigé :
    « Dans la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 41-21 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, substituer aux mots : "ou dont le titre est protégé par la loi, les mots : "législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Blessig, rapporteur, a présenté un amendement n° 13, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé pour l'article 41-21 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, substituer aux mots : "président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel, les mots : "premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Cet amendement prévoit que c'est le premier président de la cour d'appel, plutôt que le président du tribunal de grande instance, qui est informé par le juge de proximité du changement éventuel de son activité professionnelle. Cela fait partie des obligations déontologiques du juge de proximité qui exerce parallèlement une autre profession.
    Cette procédure nous a semblé plus simple que le système imaginé par le Sénat, car, en cas d'incompatibilité, et si le juge de proximité refuse d'abandonner sa profession ou de démissionner, le premier président de la cour d'appel peut immédiatement saisir le Conseil supérieur de la magistrature, qui applique alors la procédure disciplinaire. En cas de manquement grave aux obligations de la fonction, il peut même prononcer la suspension immédiate du magistrat qui refuserait l'application normale des règles liées à sa fonction.
    Nous nous alignons ainsi sur le dispositif appliqué aux magistrats exerçant à titre temporaire. Dans ces conditions, la compétence du président du tribunal de grande instance ne se justifie plus, dans la mesure où il n'est pas le magistrat qui organise désormais l'activité de la juridiction de proximité.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 13.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Blessig, rapporteur, a présenté un amendement, n° 14, ainsi rédigé :
    « Supprimer les trois dernières phrases du troisième alinéa du texte proposé pour l'article 41-21 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Cet amendement, qui est la conséquence de l'amendement précédent, vise à supprimer la procédure ad hoc introduite par le Sénat en cas d'incompatibilité entre une activité professionnelle et l'exercice de fonctions juridictionnelles. Nous renvoyons - comme je l'ai expliqué en présentant l'amendement précédent - à la procédure disciplinaire de droit commun, qui paraît plus simple à mettre en oeuvre.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 14.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Blessig, rapporteur, a présenté un amendement, n° 15, ainsi rédigé :
    « Dans la dernière phrase du texte proposé pour l'article 41-22 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, substituer aux mots : "de la réprimande avec inscription au dossier mentionnée, le mot : "prévue. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Blessig, rapporteur, a présenté un amendement, n° 16, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le début du texte proposé pour l'article 41-23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958.
    « Art. 41-23. - Les juges de proximité ne peuvent demeurer en fonctions au-delà de l'âge de soixante-quinze ans.
    « Il ne peut être mis fin à leurs fonctions qu'à leur demande... (le reste sans changement). »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel et de coordination, madame la présidente.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 16.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Vallini et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 26, ainsi rédigé :
    « Après le texte proposé pour l'article 41-23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, insérer l'article suivante :
    « Art. 41-23-1. - Avant chaque saisine du juge de proximité, une tentative de conciliation doit être menée par un conciliateur remplissant les conditions prévues par le décret n° 78-381 du 20 mars 1978 modifié relatif aux conciliateurs. A cet effet le président du tribunal de grande instance nomme le conciliateur et fixe le délai qui lui est imparti pour remplir sa mission.
    « Il informe les parties selon la procédure prévue à l'article 832-1 du code de procédure civile qu'en l'absence d'accord de leur part, un juge de proximité sera saisi de leur affaire. »
    La parole est à M. André Vallini.
    M. André Vallini. Les conciliateurs, que j'évoquais tout à l'heure, vivent très mal cette réforme. Ils se sentent niés dans leur existence. Chacun reconnaît - vous-même, monsieur le rapporteur, comme d'autres orateurs de la majorité - qu'ils font un très bon travail. Depuis vingt ans, ils ont fait leurs preuves, et sont maintenant ancrés dans le paysage judiciaire. Leur taux de réussite est de 60 % à 70 %, dans les affaires qui leur sont confiées. En outre, ce mode de résolution amiable des conflits est gratuit, car, je le rappelle, les conciliateurs sont des bénévoles. En France et dans toute l'Europe, la conciliation est, comme la médiation, une formule qui a fait ses preuves.
    J'ai rencontré les conciliateurs. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jacques Myard. Pas tous !
    Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Vallini.
    M. André Vallini. Je les ai rencontrés, disais-je. Et je confirme qu'ils vivent très mal cette réforme. Ils ont l'impression que tous les efforts qu'ils ont faits depuis vingt ans sont niés, ignorés par le Gouvernement. Ils ont raison, à mon sens, de demander qu'en matière civile - à l'exception, bien sûr, des questions d'état des personnes et de droit de la famille, des litiges avec l'administration et des procédures pénales, qui n'entrent pas dans leurs attributions -, il soit prévu qu'avant toute saisine du juge de proximité, les affaires litigieuses pour lesquelles un conciliateur de justice a compétence leur soient obligatoirement soumises avant d'être éventuellement déférées au juge de proximité. Ce serait une disposition utile, efficace, et ce serait sans doute une belle façon de reconnaître l'excellent travail qu'ils font depuis vingt ans.
    M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Emile Blessig, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Monsieur Vallini, si je ne savais pas comment vous défendez le droit sur ces bancs, depuis de longues années, je serais presque tenté de croire que toutes vos propositions, qui sont apparemment intéressantes, ont en réalité pour intention de bloquer le système. (Protestations sur les mêmes bancs.)
    Nous avons rencontré les représentants des conciliateurs, et je les ai rencontrés dans le cadre de la préparation de ce rapport. Ils sont très reconnaissants que la possibilité leur ait été offerte d'exercer la fonction de juge de proximité. Ils voient dans cette avancée, précisément, cette reconnaissance que vous venez d'évoquer, monsieur Vallini. Toutefois, imposer une procédure de conciliation obligatoire avant toute saisine du juge de proximité est, selon moi, un procédé extrêmement lourd. Et surtout, la loi d'orientation et de programmation du 9 septembre 2002 prévoit précisément le recours au conciliateur dans le cadre d'une procédure devant le juge de proximité, et ce exactement dans les mêmes conditions que devant le tribunal d'instance.
    Par conséquent, je ne vois pas quelles sont les raisons objectives de rendre la procédure devant le juge de proximité plus lourde que celle du tribunal d'instance. Depuis le début de ce débat, nous ne cessons de dire que la procédure sera la même que celle devant le tribunal d'instance.
    Pour toutes ces raisons, au nom de la commission, j'émets un avis défavorable.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 26.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 1er

    Mme la présidente. M. Blessig, rapporteur, a présenté un amendement, n° 17, ainsi libellé :
    « Après l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « I. - Après la première phrase du deuxième alinéa de l'article 12-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "S'agissant des juges de proximité, elle est précédée d'un entretien avec le magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration du service du tribunal d'instance dans le ressort duquel est située la juridiction de proximité.
    « II. - Au début de la dernière phrase du même alinéa, le mot : "Elle est remplacé par les mots : "L'évaluation. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Cet amendement prévoit la participation du juge d'instance à l'évaluation des juges de proximité. C'est un amendement de précision et de cohérence.
    En effet, des dispositions spécifiques doivent être prévues dès lors que la rédaction actuelle de l'article 12-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 prévoit un entretien « avec le chef de la juridiction où le magistrat est nommé ou rattaché », disposition qui ne peut être appliquée à la juridiction de proximité.
    Il est donc proposé de confier cette attribution au magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration du tribunal d'instance territorialement compétent, dans la mesure où ce magistrat se voit par ailleurs confier l'organisation de l'activité et des services de la juridiction de proximité, ainsi que la répartition des juges de proximité dans les différents services de la juridiction.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 17.
    (L'amendement est adopté.)

Articles 2 et 3

    Mme la présidente. « Art. 2. - Dans le premier alinéa, dans la première phrase du deuxième alinéa et dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 28-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, les mots "de juge des affaires familiales sont supprimés. »
    Je mets aux voix l'article 2.
    (L'article 2 est adopté.)
    Mme la présidente. « Art. 3. - La loi organique n° 88-23 du 7 janvier 1988 portant maintien en activité des magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance est ainsi modifiée :
    « 1° Au début du premier alinéa de l'article 1er, les mots "jusqu'au 31 décembre 2002 sont supprimés ;
    « 2° Dans la première phrase de l'article 2, les mots "grade, classe et échelon sont remplacés par les mots "grade et échelon. » - (Adopté.)

Article 4

    Mme la présidente. « Art. 4. - Avant le 1er janvier 2007, le Gouvernement transmettra au Parlement un rapport détaillé établissant le bilan de la mise en place des juridictions de proximité, du fonctionnement des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance et des recrutements de juges de proximité. »
    M. Blessig, rapporteur, a présenté un amendement, n° 18, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 4. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Cet amendement propose de supprimer l'article 4, qui prévoit que le Gouvernement transmettra un rapport d'évaluation au Parlement avant le 1er janvier 2007. Cette disposition est satisfaite par le projet de loi de finances pour 2003, qui reprend les dispositions relatives à l'évaluation de la loi d'orientation du 9 septembre 2002 qui avaient été censurées par le Conseil constitutionnel. Or, ces dispositions prévoient une évaluation annuelle par des services extérieurs portant sur l'instauration des juridictions de proximité. Je crois que nous n'avons aucun intérêt à multiplier les rapports.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 18.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. En conséquence, l'article 4 est supprimé.

Explications de vote

    Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. André Vallini, pour le groupe socialiste.
    M. André Vallini. Je veux dire à nouveau en quelques mots pourquoi nous voterons contre ce texte.
    Cette réforme est inutile. La justice de proximité existe, elle fonctionne, et elle fonctionne même bien (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) : ce sont les juges d'instance et ce sont les conciliateurs.
    Cette réforme est coûteuse. Il y a d'autres besoins à satisfaire, d'autres choses à faire que d'aller créer 3 300 juges de proximité sur cinq ans, l'équivalent de 330 magistrats professionnels à temps plein, qui auraient été bien plus utiles en cour d'appel, en tribunal correctionnel ou ailleurs.
    Cette réforme est compliquée, comme en témoignent les explications laborieuses que nous avons entendues ce soir sur l'articulation entre juges de proximité et tribunaux d'instance.
    Enfin et surtout, cette réforme est dangereuse (Exclamations sur les mêmes bancs) tant au regard de la formation et de la capacité de ces futurs juges qu'au regard de leur indépendance et de leur impartialité. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    Vous allez instaurer une justice de notables (Protestations sur les mêmes bancs), une justice approximative plus que de proximité. Vous êtes en service commandé de l'Elysée, qui veut donner corps à un slogan électoral. Nous ne voterons pas cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Michel Vaxès. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, au terme de ce débat, je suis conforté dans mes convictions. Une réforme visant à impulser une véritable justice de proximité, plus proche des justiciables, plus accessible, plus compréhensible, plus rapide et plus efficace, aurait emporté mon adhésion, celle de mon groupe, de tout mon groupe, et notre total soutien. Mais cette réforme reste à faire. Car telle n'est pas l'ambition poursuivie par ce projet de loi organique, complétant les dispositions de la loi du 9 septembre 2002.
    En fait, ce n'est pas ce texte qui aurait dû être discuté, si vous aviez décidé d'atteindre cet objectif.
    Nous aurions dû débattre d'une réforme ambitieuse, améliorant notre système judiciaire actuel, qui aurait augmenté les effectifs des tribunaux d'instance, qui aurait réformé notre carte judiciaire, qui aurait donné tous les moyens au développement des conseils départementaux d'accès au droit, qui aurait multiplié les maisons de justice et du droit, qui aurait privilégié les procédures de conciliation, de médiation, de transaction, et qui aurait favorisé les procédures alternatives aux poursuites dans le domaine pénal et les procédures de règlement amiable des conflits en matière civile.
    Au lieu de cela, nous avons débattu d'un texte qui met en place une nouvelle juridiction, hybride, qui ressemble au tribunal d'instance, mais qui n'en est pas un. Une nouvelle juridiction qui, à terme, viendra se substituer aux tribunaux d'instance, qui sont aujourd'hui ceux qui garantissent au mieux la proximité. Une nouvelle juridiction composée de magistrats non professionnels, ne présentant pas les garanties d'impartialité et d'indépendance que les justiciables sont en droit d'attendre d'une justice équitable. A ce propos, vous n'avez toujours pas répondu à la question de savoir sur quels critères seront retenues les candidatures présentées au Conseil national de la magistrature.
    Cette discussion présente au moins un intérêt : elle a permis de mettre en exergue les contradictions de ce texte. Je pense notamment à l'amendement de la commission qui tend à confier au magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration du tribunal d'instance le soin d'organiser l'activité et les services de la juridiction de proximité.
    Nous en revenons donc au constat initial : une réforme tendant à améliorer les conditions de travail des tribunaux d'instance, en augmentant leurs effectifs et leurs moyens, aurait été un des volets de la réponse aux attentes des Français.
    Au lieu de cela, le texte va venir ajouter au travail des tribunaux d'instance pour, selon le président de la commission des lois, « mieux répartir le travail s'agissant de juges peu expérimentés et peu habitués au travail en juridiction ».
    Pour notre part, nous sommes convaincus que, pour améliorer notre justice et pour favoriser le développement de la justice de proximité, nous devons faire appel à des magistrats expérimentés et habitués au travail en juridiction, à des magistrats offrant toutes les garanties d'indépendance et d'impartialité, afin que tous les justiciables puissent bénéficier d'une justice de qualité et d'équité.
    Les litiges les plus modestes doivent faire l'objet des mêmes égards que les litiges les plus importants.
    Telle est notre conception de la justice. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Jean-Paul Garraud. Je m'aperçois malheureusement qu'à la fin de ce débat, l'opposition reprend exactement les mêmes arguments qu'au début. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est logique !
    M. Gaëtan Gorce. Nous sommes cohérents !
    M. Jean-Paul Garraud. Malgré tout ce que nous avons pu dire, malgré les explications qui ont été données, les mêmes arguments sont à nouveau avancés par l'opposition. Cela prouve encore une fois, mes chers collègues, que vous n'avez rien compris (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Ce texte correspond à l'attente des Français. Ceux-ci souhaitent une justice plus rapide, plus efficace et plus proche d'eux, une véritable justice de proximité, que ce texte entoure de toutes les garanties. Toutes les critiques éventuelles - mais cela, vous n'avez pas voulu l'entendre - ont été désamorcées, tant sur le recrutement que sur la formation puisque dans tous les cas, c'est le Conseil supérieur de la magistrature, organisme souverain, qui décidera et qui appréciera.
    M. André Vallini. Il est contre cette réforme !
    M. Jean-Paul Garraud. Alors, je ne vois pas pourquoi vous vous opposez à cela. Vous dites sans cesse qu'il aurait mieux valu renforcer les tribunaux d'instance. (« Oui ! », sur les bancs du groupe socialiste.) Mais les tribunaux d'instance sont renforcés. (« Non ! », sur les mêmes bancs.) Rappelons que la loi de programmation sur la justice du 9 septembre prévoit la création de centaines de postes, ainsi que les crédits nécessaires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. Mes chers collègues, M. Garraud a seul la parole.
    M. Jean-Paul Garraud. Cette programmation est lancée, mais cela non plus, vous n'avez pas voulu l'entendre, préférant avancer quelques arguments plus politiciens que fondés.
    Pour sa part, le groupe UMP vous soutient complètement, monsieur le garde des sceaux, et sans aucune hésitation. Car au-delà de la question des moyens, il faut avoir le courage de réformer les structures, et de tout remettre à plat. La tâche qui nous attend est lourde. De nouveaux projets de loi vont venir en discussion, notamment sur la simplification de la procédure pénale, mais également sur la lutte contre la grande criminalité, tout cela en parfaite complémentarité avec tout ce qui tourne autour de la lutte contre l'insécurité. C'est là une grande oeuvre, à laquelle je m'honore de participer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

Vote sur l'ensemble

    Mme la présidente. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
    (L'ensemble du projet de loi organique est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

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MANDAT D'ARRÊT EUROPÉEN

Discussion d'un projet de loi constitutionnelle

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt européen (n° 378, 463).
    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, avec ce projet de loi, le Gouvernement vous propose de réaliser la quatrième révision constitutionnelle liée à la construction européenne, après celles de 1992 pour le traité de Maastricht, de 1993 pour les accords de Schengen et de 1999 pour le traité d'Amsterdam.
    Il s'agit de vous permettre d'assurer la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen sur le territoire français.
    Quelles ont été les grandes étapes de la coopération judiciaire européenne ?
    La criminalité internationale s'est, vous le savez, considérablement développée avec l'intensification des échanges et des moyens de communication.
    Les institutions internationales, et particulièrement européennes, débattent depuis plusieurs années des moyens d'améliorer la coopération judiciaire en matière pénale pour dégager des solutions communes et efficaces. Cette nécessité est apparue d'autant plus impérieuse que la suppression des frontières au sein de l'espace européen a pu faciliter un certain développement de la criminalité transnationale.
    Jusqu'alors, les textes fondant la coopération en matière pénale étaient, pour l'essentiel, les conventions du Conseil de l'Europe sur l'extradition et sur l'entraide judiciaire, adoptées respectivement en 1957 et en 1959.
    S'agissant de la France, le droit de l'extradition, quoique rénové par la jurisprudence, reste essentiellement fondé sur la loi du 10 mars 1927. Ce texte constitue le droit commun de l'extradition, en l'absence de conventions internationales. Son ancienneté justifiait l'élaboration d'instruments plus modernes, adaptés aux besoins de notre temps et plus significatifs de l'intégration européenne.
    Dans un premier temps, les Etats membres de l'Union européenne ont entendu simplifier le droit de l'extradition.
    Ainsi, le traité de Maastricht a fait de la coopération judiciaire en matière pénale un domaine d'intérêt commun. Ce travail a débouché notamment sur la signature, en 1995 et 1996, de deux conventions importantes. Fondées sur la Convention européenne d'extradition de 1957, elles tendent à simplifier les procédures d'extradition tout en s'efforçant de réduire ou de surmonter les obstacles traditionnels à l'extradition. Le Gouvernement a récemment engagé le processus tendant à demander au Parlement d'autoriser la ratification de ces deux conventions.
    Parallèlement, une réforme de la loi du 10 mars 1927 est apparue indispensable. L'amélioration de la coopération judiciaire entre les Etats membres de l'Union européenne repose sur la simplification et sur l'accélération du déroulement de la procédure d'extradition.
    Dans un deuxième temps, l'Europe a ouvert des perspectives plus ambitieuses. Le traité d'Amsterdam signé le 2 octobre 1997 marque la volonté de l'Union d'ouvrir non seulement un espace de libre circulation, mais également un espace de sécurité et de justice.
    Le traité d'Amsterdam assigne à l'Union européenne l'objectif « d'offrir aux citoyens un niveau élevé de protection dans un espace de liberté, de sécurité et de justice, en élaborant une action en commun entre les Etats membres dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale. »
    Aux termes du nouvel article 31 du traité, cette action en commun vise trois objectifs : faciliter l'extradition ; prévenir les conflits de compétence ; adopter progressivement des mesures instaurant des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue.
    En application du nouvel article 61 du traité, le Conseil a compétence pour arrêter des mesures dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale. La sécurité est désormais un objectif prioritaire de l'Union européenne.
    Le Conseil européen réuni à Tampere les 15 et 16 octobre 1999 a, pour la première fois, consacré l'essentiel de ses travaux à la réalisation d'un « espace de liberté, de sécurité et de justice ».
    Les orientations définies à Tampere tendent à renforcer la reconnaissance mutuelle des décisions de justice, à rapprocher les législations et à intensifier la coopération dans la lutte contre la criminalité.
    A partir de Tampere, le principe de reconnaissance mutuelle est appelé à « devenir la pierre angulaire de la coopération judiciaire en matière tant civile que pénale au sein de l'Union ». Une nouvelle étape essentielle a donc été franchie. L'ensemble des membres de l'Union se sont engagés à traduire concrètement leur conception exigeante de l'Etat de droit.
    L'application de ce principe repose sur un concept nouveau d'exécution directe des décisions de justice. Il en résulte qu'une décision de justice prise dans un Etat membre est, en principe, immédiatement exécutoire dans n'importe quel autre Etat membre de l'Union.
    Fondamentalement, cette approche correspond à une véritable révolution, selon les termes employés notamment dans l'avis de la commission des affaires étrangères, car elle suppose une forte confiance des Etats membres dans leurs systèmes juridiques respectifs. Cette confiance mutuelle est elle-même le reflet des engagements des Etats et de l'Union dans la défense des valeurs communes qu'ils ont en partage. La convention européenne des droits de l'homme mais aussi la charte européenne des droits fondamentaux expriment ces valeurs.
    Les événements du 11 septembre 2001 ont mis en évidence la vulnérabilité des démocraties face au terrorisme et à la criminalité. Il fallait réagir avec audace et rapidité pour répondre à ces nouvelles menaces et défendre nos valeurs. L'Union européenne s'est mobilisée, notamment sous l'impulsion de la France.
    La décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen, adoptée le 13 juin 2002, est le premier instrument mettant en oeuvre ce principe de reconnaissance des décisions de justice en matière pénale.
    D'autres instruments de reconnaissance mutuelle en matière pénale, portant notamment sur les sanctions pécuniaires, le gel des avoirs et les décisions de confiscation, sont en cours de négociation et sont presque en voie d'adoption. Ils ont, eux aussi, vocation à renforcer la lutte contre toutes les formes de criminalité.
    M. Jacques Floch. Très bien !
    M. le garde des sceaux. Qu'est-ce que le mandat d'arrêt européen ?
    Le mandat d'arrêt européen constitue un instrument juridique essentiel, je crois, qui marquera un vrai pas en avant dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé.
    La décision-cadre de juin dernier a pour objet de permettre la reconnaissance, entre les Etats membres de l'Union européenne, des décisions de justice tendant à l'arrestation et à la remise d'une personne poursuivie ou condamnée. Dès lors que les conditions prévues par la décision-cadre seront satisfaites, les décisions des autorités judiciaires des Etats membres seront reconnues et exécutées sur tout le territoire de l'Union.
    La procédure traditionnelle française d'extradition, qui implique une décision du pouvoir exécutif, sera, en conséquence, remplacée par une procédure entièrement judiciaire, le rôle du pouvoir exécutif se limitant désormais, si vous adoptez ce texte, à un « appui pratique et administratif ».
    M. Jacques Myard. C'est bien le problème !
    M. le garde des sceaux. Le mandat d'arrêt européen concernera des faits punis par la loi de l'Etat d'émission d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'une durée au moins égale à douze mois ou lorsqu'une peine ou une mesure de sûreté a été infligée pour une durée au moins égale à quatre mois.
    Une liste limitative - il faut le souligner - de trente-deux infractions est établie. Elle couvre des faits très graves, relatifs notamment au terrorisme, à la criminalité organisée, mais aussi à la cybercriminalité, à la pédopornographie, au trafic de stupéfiants. Le mandat d'arrêt donnera lieu à remise, sans que soit nécessaire un contrôle particulier du principe dit de la double incrimination selon lequel les faits fondant la poursuite ou la condamnation doivent être constitutifs d'une infraction tant dans l'Etat d'exécution que dans l'Etat d'émission.
    La décision-cadre énumère limitativement les motifs pour lesquels l'exécution du mandat d'arrêt peut être refusé.
    Au titre des « motifs de non-exécution obligatoire du mandat d'arrêt européen », on peut citer l'amnistie de l'infraction ou l'irresponsabilité pénale en raison de l'âge dans l'Etat d'exécution.
    La prescription de l'action pénale ou l'exercice de poursuites dans l'Etat d'exécution figurent, quant à eux, au titre des « motifs de non-exécution facultative ».
    Lorsque le mandat d'arrêt est délivré pour une personne condamnée, il peut également être refusé si l'intéressé est résident de l'Etat d'exécution et que ce dernier s'engage à exécuter la peine.
    Cette décision-cadre permet également à l'Etat d'exécution de demander des garanties à l'Etat d'émission en cas de décision de condamnation rendue par défaut ou de risque de condamnation à une peine privative de liberté perpétuelle.
    Enfin, la décision-cadre fixe les critères de décision en cas de concours de demande. Elle prévoit un dispositif de sursis à l'exécution du mandat si la personne intéressée est protégée dans l'Etat membre d'exécution par un privilège ou une immunité, ou pour des raisons humanitaires sérieuses. Elle règle les effets de la remise au regard de la poursuite éventuelle d'autres infractions ou d'une éventuelle remise ultérieure à un autre Etat membre, voire d'une extradition vers un Etat tiers.
    Troisième question à laquelle je voudrais répondre devant vous : pourquoi une réforme constitutionnelle ?
    La décision-cadre est soumise aux principes définis par l'article 6 du traité de l'Union européenne aux termes duquel cette dernière « respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, en tant que principes généraux du droit communautaire ».
    Elle est donc conforme à la grande majorité des principes fondamentaux du droit français qui ont été dégagés par les juridictions suprêmes en matière d'extradition.
    Néanmoins, il ne pouvait être exclu que l'application combinée de la reconnaissance directe d'une décision judiciaire d'un Etat membre de l'Union européenne et de la suppression de certains motifs traditionnels de refus d'extradition puisse être considérée comme heurtant notre tradition constitutionnelle. Je vous renvoie sur ce point à l'excellente analyse de la commission des lois.
    Le Gouvernement a donc voulu, avant d'assurer la transposition en droit français de la décision-cadre, vérifier si celle-ci était de nature à se heurter à des obstacles tirés de règles ou de principes. La consultation directe du Conseil constitutionnel, sur le fondement de l'article 54 de notre loi fondamentale, ne pouvait être envisagée s'agissant d'un acte de droit dérivé et non d'un « engagement international » au sens de cet article.
    M. Jacques Myard. C'est cela qui est grave.
    M. le garde des sceaux. Dans ces conditions, le Gouvernement a décidé de consulter le Conseil d'Etat. Son avis, rendu le 26 septembre 2002 et publié en annexe du rapport de la commission, parvient à la conclusion que, pour la très grande majorité de ses dispositions, la décision-cadre est compatible avec l'ensemble des normes de valeur constitutionnelle.
    En particulier, le Conseil d'Etat a relevé que « la pratique ancienne suivie par les autorités françaises de refuser dans tous les cas l'extradition de leurs nationaux - ce que n'envisage pas la convention-cadre - ne trouve pas de fondement dans un principe de valeur constitutionnelle ».
    De même, le Conseil d'Etat a considéré que la règle de la double incrimination « appliquée couramment dans le droit de l'extradition » ne pouvait davantage être regardée comme « l'expression d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République ».
    Il a également salué le considérant n° 12 de la directive qui prohibe la remise d'une personne, s'il y a des raisons de croire, sur la base d'éléments objectifs, que le mandat d'arrêt européen a été émis dans un but politique.
    Le Conseil d'Etat a, en revanche, estimé que « la décision-cadre ne paraissait pas assurer le respect du principe selon lequel l'Etat doit se réserver le droit de refuser l'extradition pour les infractions qu'il considère comme des infractions à caractère politique, qui constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République, ayant à ce titre valeur constitutionnelle en vertu du Préambule de la Constitution de 1946 ».
    A dire vrai, le risque d'inconstitutionnalité soulevé par le Conseil d'Etat paraît très hypothétique. La liste des trente-deux infractions qui fondent de plein droit le mandat d'arrêt européen ne vise que des crimes graves en des termes souvent très proches de la loi pénale française.
    Néanmoins, face à ce risque, fût-il ténu, le Gouvernement se devait de modifier la Constitution préalablement à la transposition de la décision-cadre.
    M. Jacques Myard. On pouvait aussi modifier la décision-cadre !
    M. le garde des sceaux. Tel est donc l'objet du projet de loi constitutionnelle qui est aujourd'hui soumis à votre examen. Il vous est en effet proposé, de façon très simple, de compléter l'article 88-2 de notre Constitution par l'ajout d'un alinéa tendant à habiliter le législateur à fixer les règles relatives au mandat d'arrêt européen.
    L'article 88-2 prévoit d'ores et déjà les transferts de compétence nécessaires, d'une part, à l'établissement de l'Union économique et monétaire européenne et, d'autre part, à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui y sont liés. Si la révision de la Constitution du 4 octobre 1958 est motivée, pour la première fois, par la transposition d'un acte de droit dérivé et non par la ratification d'un traité, elle se situe, néanmoins, dans le droit-fil des transferts de compétences consentis pour la mise en oeuvre du traité d'Amsterdam.
    M. Jacques Myard. Un de plus !
    M. le garde des sceaux. En tout état de cause, le Gouvernement est d'accord avec votre commission des lois sur l'idée que l'habilitation ainsi donnée au législateur ne doit pas être définie par référence exclusive à la décision-cadre du 13 juin 2002. Celle-ci, comme tout acte de droit dérivé, est un instrument contingent susceptible d'évolution. La France ne peut modifier sa Constitution au fil des évolutions d'un acte de cette nature. Il ne s'agit de vous demander un blanc-seing à des évolutions que nous ne saurions, aujourd'hui, anticiper. L'habilitation donnée au pouvoir législatif est circonscrite à la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen, définie par des actes de droit européen pris en application du traité sur l'Union européenne, tel qu'il existe lors de l'entrée en vigueur de la présente réforme. Celle-ci inclura donc les ajouts du traité d'Amsterdam et, selon toute vraisemblance, ceux du traité de Nice qui sera alors en vigueur. Mais elle ne couvrira pas une éventuelle évolution substantielle des dispositions sur la coopération judiciaire pénale qui justifierait une réécriture future du traité sur l'Union européenne.
    Le projet de révision constitutionnelle est indispensable pour bâtir un espace judiciaire européen cohérent. ll est circonscrit à la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen.
    Je tiens à remercier votre commission des lois, en particulier son rapporteur, M. Xavier de Roux, pour son travail, ainsi que votre commission des affaires étrangères et son rapporteur pour avis, M. Jacques Remiller, pour la qualité de son analyse. Votre délégation pour l'Union européenne, et son président Pierre Lequiller, ont également réalisé un très important travail d'information sur les enjeux de la construction de cet espace européen de justice.
    Comme l'a rappelé le Président de la République à l'issue du conseil des ministres du 13 novembre dernier, le mandat d'arrêt européen « permettra à l'Europe de lutter plus efficacement contre la délinquance organisée et le terrorisme, en adaptant nos moyens d'action à l'ouverture des frontières de l'Union européenne ».
    La décision-cadre doit entrer en vigueur au 1er janvier 2004. La France se doit d'être exemplaire dans ce domaine. Aussi, sous l'impulsion du Président de la République, notre pays s'est-il engagé avec l'Espagne, le Luxembourg, l'Allemagne et le Royaume-Uni à la mettre en oeuvre avant la fin du premier trimestre de 2003.
    Pour respecter cet engagement, il vous faudra, après cette révision constitutionnelle, adopter un projet de loi qui adaptera notre code de procédure pénale. J'ai veillé à ce que ce texte soit dès maintenant en cours de préparation au ministère. Il pourra donc être soumis très prochainement à la représentation nationale. La France montrera ainsi sa détermination à construire un véritable espace européen de liberté, de sécurité et de justice, un espace qui protège ses citoyens du terrorisme et du crime, un espace qui protège nos valeurs démocratiques et républicaines.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, aujourd'hui, en ces matières essentielles, l'Europe est tout à la fois une évidence, une nécessité et une urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Xavier de Roux, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Madame la présidente, mes chers collègues, le Gouvernement demande de compléter l'article 88-2 de la Constitution par un alinéa. Il s'agit de la quatrième modification constitutionnelle due à une transposition du droit européen dans notre système interne, en l'espèce une décision-cadre relative au mandat européen prise le 13 juin 2002, conformément aux engagements du conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999.
    Depuis le traité de Maastricht, l'édifice européen repose sur trois piliers. Les prérogatives régaliennes des Etats constituent le troisième pilier, c'est-à-dire qu'elles restent dans la sphère intergouvernementale, qu'elles font l'objet d'une coopération mais n'obéissent pas aux règles institutionnelles des deux premiers piliers. Elles échappent donc par essence à la compétence respective du Parlement européen et de la Commission.
    Toutefois, l'article 29 du traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997 a prévu de renforcer le domaine de la coopération judiciaire et policière en matière pénale. Il serait en effet paradoxal de vouloir créer un grand espace de libre circulation des personnes, des capitaux et des biens tout en appliquant des procédures de droit international classiques pour rechercher ou exécuter des condamnations ayant trait aux crimes et aux délits courants.
    Lors du Conseil européen de Tampere, une décision-cadre a été prise relative aux mandats européens, puis le processus s'est trouvé accéléré après les événements du 11 septembre 2001.
    Une décision-cadre, cela peut sembler pour beaucoup un nouvel objet juridique pas très bien identifié.
    M. Jacques Myard. C'est sûr !
    M. Xavier de Roux, rapporteur. On connaît en effet les règlements européens, qui entrent directement dans notre droit positif, et les directives, qui nécessitent une loi de transposition. La décision-cadre, c'est l'instrument juridique du troisième pilier, c'est une décision intergouvernementale qui n'entre dans l'ordre juridique national que moyennant une loi de transposition. Bien entendu, cette loi de transposition doit être conforme à notre Constitution. Sinon, elle ne peut pas entrer dans l'ordre juridique interne.
    La modification constitutionnelle dont nous sommes saisis relève justement de ce cas de figure. En effet, l'objet de la fameuse décision-cadre est de permettre l'extradition d'un ressortissant d'un des Etats membres vers un autre Etat membre sans passer par une décision étatique, mais en restant purement et simplement au niveau de la décision judiciaire.
    Certes les règles de l'extradition doivent respecter les libertés fondamentales. Par exemple, la France n'extrade jamais pour des infractions qui ont, selon elle, un caractère politique. Cette affaire d'extradition pour des questions politiques, qui est au coeur de notre débat de ce soir, n'avait pas échappé aux Etats concernés, lors de la négociation de la décision-cadre.
    En effet, le considérant n° 12 du préambule de la décision-cadre dispose que : « Rien dans la présente décision-cadre ne peut être interprété comme une interdiction de refuser la remise d'une personne qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen s'il y a des raisons de croire que ledit mandat a été émis dans le but de poursuivre ou de punir une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de ses orientations sexuelles ».
    On voit que les négociateurs, notamment les négociateurs français, n'ont rien oublié, ou en tous les cas n'ont rien voulu oublier, dans le douzième considérant, pour ne pas se trouver en difficulté sur cette question de l'extradition pour des motifs politiques.
    Dès lors on peut être effectivement un peu surpris que le Conseil d'Etat, auquel le Gouvernement a tout naturellement demandé son avis, ait considéré que la loi de transposition de la décision-cadre pouvait, sans modification expresse de l'article 88-2, s'exposer à une anticonstitutionnalité.
    Le Conseil d'Etat, reprenant sa jurisprudence, a rappelé que depuis l'arrêt rendu dans une affaire Moussa Koné en 1996, il considère que le principe selon lequel l'Etat doit refuser l'extradition d'un étranger, lorsqu'elle est demandée dans un but politique, constitue - et j'attire votre attention là-dessus - un principe fondamental des lois de la République. Le Conseil d'Etat crée donc des normes de constitutionnalité, ce que je ne lui reproche pas d'ailleurs, mais que je constate.
    Puis, dans sa décision du 19 septembre 2001 sur la proposition de décision-cadre, le Conseil d'Etat a souligné l'importance et le caractère particulièrement délicat de cette proposition, au regard des principes traditionnels du droit de l'extradition.
    Pourtant, encore plus surprenant, le Conseil d'Etat va écarter deux principes qui nous semblaient juridiquement forts. D'une part, il écarte, au titre des droits et libertés constitutionnellement garantis, la possibilité d'extrader des nationaux - cela ne constitue pas un principe fondamental de la République - ; d'autre part, il écarte, pour la même raison, la règle de la double incrimination qui s'applique aux trente-deux incriminations contenues dans la décision-cadre.
    En revanche, après avoir décidé que ces deux principes n'étaient pas des principes fondamentaux de la loi de la République, le Conseil d'Etat déclare qu'il n'attache aucune portée au douzième considérant de la décision-cadre, puisqu'il estime que la décision-cadre « ne paraît pas assurer le respect du principe selon lequel l'Etat doit se réserver le droit de refuser l'extradition pour des infractions qu'il considère comme des infractions politiques ».
    Le Gouvernement, devant cet avis dont on doit constater la teneur, a choisi la voie de la prudence, et la prudence en la matière est tout à fait compréhensible.
    La commission des lois, d'abord un peu interrogative, s'est finalement ralliée à ce que l'on pourrait appeler un principe de précaution appliqué au droit constitutionnel. Après tout, le principe de précaution est tout à fait à la mode dans notre droit, essentiellement dans le droit de la consommation. Pourquoi ne pas l'appliquer également au droit constitutionnel ?
    La commission des lois s'est donc contentée d'apporter des modifications de pure forme à la version du Gouvernement de façon que le texte puisse s'insérer mieux dans la Constitution, sans trop cahoter. En effet, à une époque où nos institutions européennes sont mouvantes, il ne nous a pas semblé nécessaire d'introduire dans la Constitution des notions qui pourront échapper bientôt au droit institutionnel européen lui-même, au nom duquel nous réformons cette Constitution.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, et M. Pierre Lequiller, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Très juste !
    M. Xavier de Roux, rapporteur. Aussi la commission des lois a-t-elle finalement retenu la formulation suivante : « La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du traité sur l'Union européenne. » (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
    M. Jacques Remiller, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'entrée en vigueur du mandat d'arrêt européen, le 1er janvier 2004, constituera incontestablement l'une des plus grandes révolutions de l'histoire de la coopération judiciaire internationale.
    M. Jacques Floch. Pour l'instant !
    M. Jacques Remiller, rapporteur pour avis. La commission des affaires étrangères, qui est saisie des projets de loi autorisant l'approbation des conventions d'extradition, se devait de donner un avis sur le présent projet de loi constitutionnelle, puisque le mandat d'arrêt européen va remplacer, dans une très grande majorité de cas, les procédures classiques d'extradition entre les pays de l'Union européenne.
    Notre commission a estimé que la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen était indispensable. En effet, l'aspect international de la criminalité est une réalité. Qu'il s'agisse du terrorisme, du trafic de drogue, des réseaux de prostitution ou de « passeurs » d'immigrés clandestins ou du blanchiment d'argent sale, les activités criminelles qui connaissent le plus grand développement ne peuvent pas être combattues à l'intérieur des seules frontières nationales. Non seulement le marché de ces activités criminelles est mondial, mais les progrès réalisés dans les domaines des communications et des télécommunications facilitent la tâche des criminels.
    La problématique du développement de la criminalité internationale prend une dimension encore plus importante au sein d'un espace aussi intégré que l'Union européenne. En effet, la libre circulation totale des hommes, des marchandises et des capitaux entre les pays européens, qui va jusqu'à la suppression des frontières « physiques » dans l'espace Schengen, rend les contrôles beaucoup plus difficiles.
    La création de l'espace unifié que constitue l'Union européenne ne s'est pas accompagnée de la disparition des frontières judiciaires entre les Etats. Or les criminels savent très bien comment utiliser le décalage entre les facilités croissantes de déplacements des hommes, des capitaux et des marchandises, d'un côté, et le maintien des souverainetés dans le domaine judiciaire, de l'autre.
    En dépit des progrès réalisés dans le domaine de la coopération judiciaire internationale par les traités de Maastricht et d'Amsterdam ou au conseil européen de Tampere, les relations entre systèmes judiciaires des membres de l'Union européenne restent principalement régies par les procédures classiques. Ainsi les conventions d'extradition restent le fondement sur lequel les personnes recherchées sont remises par un pays à un autre. Or les procédures d'extradition, généralement longues et complexes, peuvent durer plusieurs années, à l'instar de celle lancée à l'encontre de Rachid Ramda auprès de la Grande-Bretagne dans le cadre de l'enquête sur les attentats de 1995.
    La commission a insisté sur le caractère indispensable de cette nouvelle procédure, mais elle n'en méconnaît pas la dimension profondément novatrice, voire révolutionnaire. Pour dépasser les protectionnismes et conservatismes judiciaires, il a malheureusement fallu que les attentats du 11 septembre 2001 viennent rappeler l'internationalisation croissante du terrorisme en particulier et de la criminalité en général. Dans un tel contexte, et malgré les divergences qui se sont manifestées, les pays européens avaient une obligation de résultat. Le processus de création du mandat d'arrêt européen a d'ailleurs été très rapide, puisque la décision-cadre qui l'a finalisé date du 13 juin 2002.
    Les caractéristiques du mandat d'arrêt européen en font un instrument bien différent de la procédure d'extradition.
    Tout d'abord, la procédure sera entièrement judiciarisée puisque l'on passe d'un mécanisme classique de coopération entre Etats à un système d'exécution d'une décision de justice qui permet la remise directe des personnes recherchées d'autorité judiciaire à autorité judiciaire. Un tel dispositif se justifie par le fait que tous les Etats reconnaîtront mutuellement les décisions de justice prises dans l'ensemble de l'Union européenne.
    Autre principe fondamental du droit de l'extradition auquel déroge le mandat d'arrêt européen dans de nombreux cas, celui de la double incrimination, qui interdit d'extrader une personne vers le pays requérant si l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée n'existe pas dans le pays de départ. Cette question a fait l'objet des discussions les plus vives pendant les négociations. Finalement, le champ d'application du mandat d'arrêt européen sans contrôle de la double incrimination est très large, puisqu'il en concerne trente-deux, punissables d'au moins trois ans. Les autres infractions pourront donner lieu à un mandat d'arrêt si les faits sont punissables de la même façon dans les deux pays, et si la peine encourue est supérieure à un an de prison. Il ne sera donc pas possible d'émettre un mandat d'arrêt européen à l'encontre d'une personne si celle-ci est accusée par le pays requérant d'avoir commis une infraction qui n'existe pas en France et qui ne relève pas des trente-deux catégories définies dans la décision-cadre. C'est, par exemple, le cas de l'avortement, qui est pénalisé en Irlande.
    Par ailleurs, le caractère judiciarisé et, par bien des aspects, quasi automatique de la procédure ne permettra plus de refuser certaines extraditions. Par exemple, la règle, inscrite dans la loi de 1927 sur l'extradition, selon laquelle la France n'extrade pas les citoyens français ne sera plus applicable. Il convient cependant de préciser que si la personne poursuivie est condamnée, elle pourra effectuer sa peine dans son pays d'origine.
    Au total, la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen va constituer un bouleversement important dans le domaine de la justice pénale, qui était restée jusque-là une prérogative exclusivement nationale. Entre pays qui partagent les mêmes conceptions juridiques et les mêmes valeurs, il semble logique que les frontières juridiques s'estompent. Pour ces raisons, la commission des affaires étrangères a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, le projet de loi constitutionnelle que nous examinons constitue, ainsi que M. Remiller vient de le dire, une avancée décisive pour l'Europe judiciaire. Il permettra à l'Europe de lutter plus efficacement contre la criminalité organisée et le terrorisme. C'est pourquoi j'approuve ce texte, et la délégation pour l'Union européenne avec moi.
    Le mandat d'arrêt contribuera à réaliser l'espace judiciaire européen, que la France a été la première à appeler de ses voeux en proposant, en 1977, une convention d'extradiction automatique. Depuis cette date, les progrès ont été lents, trop lents, et, de l'affaire Rezala à l'affaire Patrick Henry en passant par l'affaire Ramda, les insuffisances de la coopération judiciaire en matière d'extradiction ont frappé l'opinion publique. Il était absurde que des frontières ouvertes pour les criminels restent fermées pour les policiers et les magistrats qui les combattent. Depuis le 11 septembre 2001, c'était bien entendu encore plus intolérable.
    Le mandat d'arrêt européen comporte trois avancées décisives.
    La première est la suppression du principe de « double incrimination », prévue pour une liste de trente-deux infractions graves sous réserve qu'elles fassent l'objet d'une peine d'emprisonnement d'au moins trois ans.
    La seconde avancée est la suppression de la phase politique et administrative de l'extradition au profit d'une procédure exclusivement judiciaire.
    La troisième concerne l'extradition des nationaux : le mandat d'arrêt européen pourra en effet être utilisé pour exiger la remise par les Etats membres de leurs propres ressortissants.
    En dépit des garanties prévues par le texte, le Conseil d'Etat a considéré que sa transposition en droit français exigeait une révision constitutionnelle. De fait, le caractère politique de l'infraction ne figure pas parmi les motifs de refus d'exécution du mandat d'arrêt européen. La décision-cadre contrevient donc au principe fondamental reconnu par les lois de la République « selon lequel l'Etat doit se réserver le droit de refuser l'extradition pour des infractions qu'il considère comme des infractions politiques ».
    Le progrès que représente le mandat d'arrêt européen, fondé sur la confiance mutuelle que s'accordent les pays de l'Union, justifie que cette règle soit écartée entre Etats membres. La décision-cadre est la première concrétisation du principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, qui doit devenir la pierre angulaire de l'Europe de la justice.
    Cette révision constitutionnelle, nécessaire, nous donne l'occasion d'opérer une prise de conscience.
    Il s'agit en effet de la première révision constitutionnelle suscitée par un acte européen dérivé, et non par un traité. Cette situation est inédite, et nous devons en tirer les leçons.
    Autrefois de nature essentiellement économique, la législation européenne aborde désormais le droit pénal et le droit d'asile, et touche donc au coeur de la compétence des parlements nationaux : la protection des libertés publiques.
    La délégation pour l'Union européenne est ainsi saisie, chaque semaine, de textes comportant des dispositions pénales qui visent à lutter contre la pédopornographie, le racisme et la xénophobie, le trafic de drogue, ou qui conduiront à réformer notre procédure d'asile et notre définition du réfugié. Ces textes interviennent dans des domaines qui constituent le terrain d'élection des droits constitutionnellement protégés, comme la liberté d'expression ou le droit d'asile.
    L'Union européenne prend, certes, en compte la protection des droits fondamentaux, mais il n'existe aucune procédure préventive destinée à assurer la conformité aux traités des initiatives de la Commission ou des Etats membres qui partagent, en effet, le droit d'initiative sur ces questions.
    Il peut donc arriver que certaines initiatives, en particulier lorsqu'elles émanent d'un Etat membre moins habitué à prendre en compte la diversité des traditions juridiques nationales, soient contraires à notre Constitution. Ainsi, le mois dernier, la délégation s'est opposée à une initiative de la présidence danoise relative à la confiscation des produits du crime, qui permettait de confisquer les biens du conjoint ou des associés de la personne condamnée, sans que ces derniers aient fait l'objet d'aucune condamnation, pour complicité, par exemple. Cette proposition portait une atteinte grave à la présomption d'innocence, et l'hypothèse que j'évoque n'est donc pas un cas d'école.
    M. Jacques Myard. Et on continue de leur faire confiance !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne. Il est, par conséquent, indispensable de renforcer, au niveau tant national qu'européen, le contrôle de la constitutionnalité des actes de droit dérivé pris dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. L'inconstitutionnalité qui conduit le Parlement à examiner cette révision constitutionnelle ne semble pas, en effet, avoir été détectée au cours des négociations - en tout état de cause, le Parlement n'en a pas été averti.
    Cette situation n'est pas souhaitable, compte tenu de la solennité que doit conserver la révision de notre loi fondamentale. Nous révisons aujourd'hui notre Constitution pour permettre la transposition dans notre droit de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen. Faudra-t-il, demain, réunir le Congrès à Versailles pour transposer celle qui a pour objet l'exécution des décisions de confiscation, actuellement discutée à Bruxelles ? Devrons-nous introduire un nouvel article dans la Constitution pour transposer la décision-cadre relative au gel des avoirs, elle aussi en cours de négociation ?
    Les solutions proposées par la délégation pour l'Union européenne sont simples et n'exigent pas de modifications importantes.
    Au niveau national, il suffit, pour remédier à cette situation, de renforcer le contrôle de constitutionnalité préventif des actes européens dérivés exercé par le Conseil d'Etat, qui est, en effet, saisi de ces actes dans le cadre de la procédure de l'article 88-4 de la Constitution, afin de déterminer s'ils comportent des dispositions de nature législative et s'il peut, à ce titre, examiner leur constitutionnalité. Mais cet examen, dit de « phase II », reste trop rare, alors qu'il devrait être systématique lorsqu'il s'agit de textes concernant des droits consitutionnellement protégés.
    M. Michel Hunault. Très bien !
    M. Pierre Leguiller, président de la délégation pour l'Union européenne. Le vice-président du Conseil d'Etat, M. Denoix de Saint-Marc, nous a annoncé tout à l'heure qu'une circulaire était en préparation sur ce point. La délégation s'en félicite, sous réserve que ces avis soient obligatoirement transmis au Parlement en temps utile, et que, loin de se limiter à une dizaine par an, ils portent sur les textes susceptibles de porter atteinte à un droit constitutionnellement protégé.
    Au niveau européen, il serait également utile de donner aux parlements nationaux un droit d'« alerte précoce », spécifique au secteur Justice et affaires intérieures, lorsqu'une proposition porte atteinte aux droits fondamentaux. M. Jacques Floch, qui représente, avec moi, l'Assemblée nationale à la Convention européenne, l'a d'ailleurs proposé au groupe de travail consacré à l'espace de sécurité, de liberté et de justice.
    Les améliorations des contrôles existants me paraissent indispensables, monsieur le garde des sceaux, pour préserver à la Constitution sa solennité et renforcer la protection des droits fondamentaux au sein de l'Union européenne.
    Telles sont les observations que la délégation pour l'Union européenne voulait porter à la connaissance de l'Assemblée et du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française)
    M. Jacques Floch. Très bien !

Discussion générale

    Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, pour la quatrième fois depuis 1992, nous sommes appelés à approuver un projet de modification constitutionnelle en rapport avec la construction européenne. Contrairement aux traités de Maastricht et d'Amsterdam et aux accords de Schengen, la présente révision est liée à une décision-cadre, ces actes communautaires dérivés qui sont extrêmement nombreux dans le droit européen.
    On peut légitimement s'étonner que les négociateurs français aient accepté, dans ce cadre, des dispositions contrevenant à nos principes constitutionnels. Le président de la Délégation pour l'Union européenne a d'ailleurs soulevé le problème du contrôle de constitutionnalité de ces actes qui s'avérera d'autant plus critique lorsqu'ils s'appliqueront aux domaines touchant directement aux droits fondamentaux constitutionnellement protégés. Il convient donc, comme il le propose, d'améliorer l'efficacité des dispositifs existants. Nous y resterons particulièrement attentifs et vigilants.
    Le projet de loi constitutionnelle vise la transposition en droit interne de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres. Celle-ci, en sortant l'extradition du champ politique pour la transférer au champ judiciaire, porte atteinte, selon le Conseil d'Etat, à « un principe fondamental reconnu par les lois de la République, ayant à ce titre valeur constitutionnelle en vertu du Préambule de la Constitution de 1946 ».
    Au-delà du problème que pose cette renonciation à la prérogative de l'exécutif, le dispositif de cette décision-cadre soulève de nombreuses interrogations.
    Avant de les exposer, je rappellerai le contexte dans lequel s'inscrit le mandat d'arrêt européen. Découlant de « l'espace de liberté, de sécurité et de justice » dont la construction est prévue par le traité d'Amsterdam, et préconisé par le Conseil européen de Tampere en 1999, il a été adopté en toute hâte à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Le Conseil européen de Bruxelles l'a en effet approuvé dès le 22 septembre 2001, mettant ainsi un terme aux négociations qui s'avéraient difficiles entre Etats membres.
    S'agissant d'une question touchant aux libertés publiques, les pays concernés exprimaient des réserves et des hésitations quant à plusieurs des dispositions de la décision-cadre. L'émotion soulevée par ces attentats, l'ampleur et le caractère « déterritorialisé » de la menace terroriste, l'exigence légitime de trouver des moyens efficaces pour la contrer ont été déterminants dans la rapidité de la décision.
    Un mandat d'arrêt européen sans frontière, en réponse à une criminalité sans frontière, pourrait effectivement s'avérer un outil de lutte plus performant contre le crime transnational, contre la délinquance organisée et le terrorisme en adaptant les moyens d'action à l'ouverture des frontières dans l'espace Schengen et en supprimant les risques de retard inhérents aux procédures d'extradition actuelles.
    Monsieur le ministre, nous sommes, bien évidemment, pour une plus grande efficacité dans la lutte et la protection contre la grande criminalité et le terrorisme. Nous soutiendrons tout ce qui ira dans ce sens mais seulement dans ce sens. Le mandat d'arrêt concernera tant les infractions lourdes que mineures. Dans tous les cas, les droits des personnes recherchées seront bien moins protégés que dans la procédure actuelle d'extradition.
    Par ailleurs, la conjonction de cette décision-cadre avec la décicion-cadre relative à la lutte contre le terrorisme, adoptée dans la foulée du 11 septembre 2001, nous paraît particulièrement dangereuse. En effet, cette dernière donne une définition tellement vaste et imprécise de l'infraction terroriste qu'elle pourrait englober les luttes sociales. Dans la mesure où le mandat d'arrêt vise tout naturellement cette infraction, nous ne pouvons dissocier les deux textes.
    Ce mandat, qui est un titre d'arrestation et de remise d'une personne, se substituera à l'extradition au sein de l'Union européenne, au plus tard le 1er janvier 2004. Il entraînera des bouleversements dans le champ pénal.
    Le mandat est une transmission et un traitement direct d'autorité judiciaire à autorité judiciaire, dans le cadre actuel des législations nationales différenciées. Il entraîne l'exécution directe, dans un délai maximum de quatre-vingt-dix jours, de la décision prise par l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission, sur le territoire de l'Etat d'exécution. Il n'est pas possible alors d'opposer la non-extradition des nationaux ou de refuser l'extradition pour des raisons politiques. Voilà pourtant deux principes essentiels de notre droit pénal.
    Cette décision-cadre est donc fondée sur le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires que le Conseil européen de Tampere a érigé en « pierre angulaire de la coopéation judiciaire tant civile que pénale », au détriment du principe de l'harmonisation progressive des législations des Etats membres. C'est ainsi que pour trente-deux infractions limitativement définies et passibles, dans l'Etat d'émission, d'une peine de trois ans au moins, chaque autorité judiciaire reconnaîtra et exécutera automatiquement, moyennant des contrôles minima, la demande de remise d'une personne formulée par l'autorité judiciaire d'un autre Etat membre. Pour ces infractions concernant des actes graves comme le terrorisme, le trafic illicite de stupéfiants, d'armes, la corruption, la fraude, et d'autres, le mandat d'arrêt n'est pas soumis au contrôle du principe dit de « la double incrimination », selon lequel les faits fondant la poursuite ou la condamnation doivent être constitutifs d'une infraction tant dans l'Etat exécutant que dans l'Etat émetteur du mandat. Cette liste pourra être étendue par une décision du Conseil européen prise à l'unanimité.
    Pour les autres infractions, dont la gravité est bien moindre puisqu'elles sont passibles d'une peine d'un an au moins, ou lorsque la personne recherchée a déjà été condamnée à une peine au moins égale à quatre mois, la double incrimination subsistera, mais le texte lui donne une interprétation très stricte. Ainsi la remise sera-t-elle possible pour des infractions minimes : vol simple, dégradations volontaires, outrages à agents en réunion, etc.
    Nous allons donc, de fait, et malgré les disparités entre le système pénal des Etats membres, vers une application quasi automatique des décisions pénales à l'ensemble de l'espace de l'Union européenne, en supprimant les différents contrôles, politiques et judiciaires, de leurs actes.
    Le contrôle judiciaire ne portera désormais que sur la régularité formelle du mandat d'arrêt et non plus sur la matérialité des faits et la légalité de la demande. Comment s'assurer du sérieux des charges dans le cadre de ce système de libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale et de la remise automatique ?
    Ce système repose en fait sur une confiance mutuelle car la nouvelle procédure ne pourra être suspendue « qu'en cas de violation grave et répétée par les Etats membres des droits fondamentaux ». Or à l'heure actuelle, il n'existe aucun mécanisme indépendant et externe d'évaluation de la qualité de la justice. Pourrait-on dire avec certitude que le système judiciaire, notamment pénal, de l'ensemble des Etats membres remplit les critères de qualité...
    M. Jacques Myard. Il a raison.
    M. Michel Vaxès. ... fondés sur le droit à un procès équitable que chacun, sur le sol européen, est en droit d'attendre ? Et en l'absence d'un corpus pénal d'incriminations communes ? Cette interrogation devient encore plus pertinente dans le cadre de l'élargissement imminent de l'Union à dix nouveaux pays.
    M. Jacques Myard. Il les connaît ! (Sourires.)
    M. Michel Vaxès. Par ailleurs, nous pensons que les garanties figurant dans la décision-cadre ne sont pas suffisantes au regard des droits des personnes arrêtées. Pour illustrer mon propos, je donnerai quelques exemples. Contrairement à l'extradition, où la personne remise ne peut être poursuivie, jugée ou mise en détention que pour un fait explicitement mentionné dans la demande, le mandat d'arrêt, dans certains cas, renonce à ce principe de spécialité. De même, le consentement donné à la remise est en principe irrévocable, sauf réserve exprimée par un Etat. Enfin, si la convention-cadre reconnaît le droit de la personne recherchée de bénéficier des services d'un conseil et d'un interprète, rien n'oblige à ce qu'un avocat ou un interprète soit présent.
    N'ayant pas connaissance du projet de loi de transposition, nous ne savons pas pour quels motifs, facultatifs dans la décision-cadre, la France décidera de refuser l'exécution du mandat ou quelles seront les modalités d'exécution du mandat et la portée des voies de recours ouvertes à la personne arrêtée.
    J'évoquerai maintenant la définition de l'infraction terroriste retenue dans la décision-cadre sur le terrorisme. Il s'agit des « actes intentionnels qui, par leur nature ou leur contexte, peuvent porter gravement atteinte à un pays ou à une organisation internationale » quand « l'auteur les commet dans le but de gravement intimider une population » ou de « contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque » ou enfin de « gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou d'une organisation internationale ». Ces infractions peuvent être « le fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale ou publique, à un système de transport, à une infrastructure, à un lieu public ou une propriété privée, susceptible de mettre en danger des vies humaines ou produire des pertes économiques considérables ».
    Convenez que cette définition permet des interprétations très larges. Les termes « graves » ou « indûment » sont subjectifs ; toute action sociale de contestation peut avoir pour effet l'intimidation d'une partie plus ou moins grande de la population et peut contraindre le pouvoir à faire ou ne pas faire certains actes. Les notions de déstabilisation et de destruction des structures économiques ou politiques d'un pays peuvent entraîner la mise en cause des mouvements sociaux. Les manifestations pour une altermondialisation et les arrachages de plantes transgéniques deviendront-ils des actes terroristes ?
    M. Jacques Myard. Oui !
    M. Michel Vaxès. Vous confirmez mes craintes, monsieur Myard ! Donc vous justifierez mon vote.
    En Grande-Bretagne, Mme Thatcher a voulu appliquer la législation nationale concernant les actes terroristes à la grève des mineurs. Aujourd'hui, en Italie, les manifestants de Gênes lors du sommet du G 8 risquent d'être incriminés pour terrorisme. Et la France commence à livrer à M. Berlusconi les réfugiés politiques qui ont refait leur vie en France depuis de longues années !
    Les risques de telles dérives sont tellement réels que la décision-cadre sur le terrorisme énonce dans son préambule que « rien, dans la décision-cadre, ne peut être interprété comme visant à réduire, ou à entraver des droits ou libertés fondamentales tels le droit de grève, la liberté de réunion, d'association ou d'expression, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier pour la défense de ses intérêts et le droit de manifester qui s'y rattache ». Pourtant, ce considérant n'a pas de force juridique et chaque Etat sera libre de mener la politique pénale de son choix et - pourquoi pas ? - d'assimiler des luttes sociales à des comportements terroristes.
    Ces décisions-cadres sont susceptibles de porter fortement atteinte aux libertés publiques, et je rappelle que le syndicat de la magistrature a exprimé de très fortes réserves à leur égard. Plus généralement, le mandat d'arrêt européen, tel qu'il est conçu et dans le cadre de la disparité actuelle du droit pénal dans les pays membres de l'Union européenne, ne nous semble pas le moyen le plus adéquat pour répondre à la criminalité transnationale.
    Les propositions conjointes franco-allemandes pour la Convention européenne dans le domaine de la justice et des affaires intérieures soulignent implicitement ces défauts en préconisant le renforcement de l'Eurojust, la création d'un parquet européen et l'harmonisation du droit pénal matériel. Le mandat d'arrêt européen, selon toute logique, aurait dû suivre, et non précéder, la construction d'un droit pénal européen unifiant les incriminations et les institutions judiciaires européennes dont le rôle serait de garantir les libertés.
    Dans l'intervalle, les conventions de 1995 et 1996 relatives à l'extradition, qui illustrent la volonté d'une coopération judiciaire étroite, efficace et rapide, auraient pu - même si elles demeurent critiquables sous l'angle des libertés publiques - permettre d'améliorer la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Or jusqu'à ce jour, tous les Etats membres ne les ont pas ratifiées. La France a attendu le 10 octobre dernier pour les présenter devant le Sénat.
    Par ailleurs, nous redoutons que l'abandon de la prérogative de l'exécutif dans le domaine de l'extradition pose de vrais problèmes dans bon nombre de situations, d'autant que le contrôle judiciaire est supprimé pour beaucoup d'infractions. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons souscrire à une modification constitutionnelle qui permettrait la transposition en droit interne de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen.
    Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.
    M. Michel Hunault. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la Délégation, mes chers collègues, la construction d'un espace européen de sécurité, de liberté et de justice suscite une très forte attente de la part de nos concitoyens, qui n'acceptent plus que l'action des policiers et des juges s'arrête aux frontières alors que les criminels les franchissent facilement. La création d'un espace européen de liberté et de sécurité est donc une priorité. Le traité d'Amsterdam a pour vocation de créer cet espace. Il se fixe pour objectif une plus grande efficacité dans la lutte contre toute criminalité organisée et contre le terrorisme.
    Lors du sommet européen de Tampere, les chefs d'Etat et de gouvernement ont indiqué que la reconnaissance mutuelle des décisions de justice devait devenir la pierre angulaire de la coopération judiciaire, tant civile que pénale. C'est dans ce contexte qu'il faut replacer la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt européen.
    Je veux saluer la volonté manifestée par le Gouvernement, qui a souhaité, avant de soumettre au Parlement le projet de loi nécessaire à la transposition de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen, s'assurer que cette transposition ne se heurtait à aucun obstacle constitutionnel.
    Or, le Conseil d'Etat a considéré, comme l'a rappelé notre rapporteur, qu'elle conduisait à écarter le principe selon lequel l'Etat doit se réserver le droit de refuser l'extradition pour les infractions qu'il considère comme des infractions à caractère politique, principe qui constitue selon le Conseil un principe fondamental reconnu par les lois de la République et prend, à ce titre, une valeur constitutionnelle, en vertu du Préambule de la Constitution de 1946. Il est donc aujourd'hui nécessaire, comme l'a rappelé le garde des sceaux, de modifier la Constitution. C'est la quatrième fois, après les lois constitutionnelles ayant permis la ratification du traité de Maastricht, la mise en oeuvre des accords de Schengen et la ratification du traité d'Amsterdam, qu'une telle modification est motivée par la transposition en droit interne des engagements internationaux souscrits par la France.
    Les événements du 11 septembre 2001 ont mobilisé le monde entier contre le terrorisme, qui a atteint une ampleur inégalée en se propageant à presque tous les continents. C'est dans ce contexte qu'il faut resituer la décision-cadre du Conseil relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres, car pour réprimer plus efficacement le terrorisme, l'action concertée entre Etats est une exigence.
    Ces mêmes événements ont mis en évidence la nécessité de faire évoluer plus rapidement que prévu en Europe les mécanismes permettant de lutter contre la criminalité transfrontalière. En effet, l'extradition est devenue aujourd'hui une procédure lente, complexe, pratiquement impraticable, inadaptée à un espace sans frontière tel que l'espace européen. Les exemples de dysfonctionnement de son mécanisme ne manquent pas. Et si le rapporteur de la commission des affaires étrangères a rappelé le cas de Rachid Ramda, que le Gouvernement britannique a refusé d'extrader pendant sept ans, alors qu'il est soupçonné d'être le trésorier et coordonnateur des attentats de 1995, on pourrait aussi citer l'affaire Rezala ou, encore plus récemment, l'affaire Patrick Henry.
    L'opinion publique a été frappée par les insuffisances de la coopération judiciaire européenne en matière d'extradition. Cela exige de notre part une réponse à la hauteur des attentes des citoyens européens. L'espace européen est aujourd'hui marqué par un niveau élevé de confiance entre Etats partageant une même conception, exigeante, de l'Etat de droit. Mais, trop souvent, la coopération internationale était entravée, au point que de nombreux Etats ont entamé des discussions bilatérales afin de remplacer le mécanisme d'extradition par celui de simple remise aux autorités judiciaires.
    L'extradition suppose, nous le savons, de trouver un équilibre entre des notions quelquefois difficilement conciliables : protection de la liberté individuelle et nécessités de la répression pénale ; entre les aspects judiciaires et politiques ; et surtout entre la sauvegarde des principes essentiels de la souveraineté d'Etats et les nécessités d'une coopération entre les Etats dans le domaine pénal.
    Aujourd'hui, les événements internationaux ont accéléré cette nécessité de réformer l'extradition. La lutte contre le terrorisme a démontré qu'il était indispensable de mener une action plus efficace. Cela est devenu une exigence, car nous savons que les réseaux terroristes opèrent au niveau international, qu'ils sont basés dans plusieurs pays, exploitant les lacunes juridiques résultant des limites géographiques des enquêtes. Les différences qui persistent entre les législations et les politiques répressives des Etats favorisent les mouvements, compliquent la tâche des polices nationales.
    Je parle du terrorisme et de son financement car c'est l'exemple le plus fort, celui qui nous touche le plus. Mais je pourrais parler, comme les deux rapporteurs avant moi, de la criminalité financière, du blanchiment de capitaux, des réseaux liés à la drogue, à la prostitution, aux filières d'immigration clandestine, ou encore de ceux pratiquant la traite des êtres humains. En effet, les systèmes actuels d'entraide judiciaire ont été, jusqu'à présent, impuissants à combattre efficacement cette criminalité du xxie siècle qui tire profit des différences de traitement juridique entre les Etats. C'est en mettant en place une véritable coopération pénale entre les Etats que nous lutterons efficacement contre l'internationalisation croissante de la criminalité. Cela suppose que soient élaborés de nouveaux outils de coopération internationale, pour l'heure, le mandat d'arrêt européen.
    Le système qui nous est proposé tire les conséquences de l'ouverture des frontières à l'intérieur de l'espace judiciaire européen, en facilitant l'action de la justice de chacun des Etats membres, de part et d'autre des frontières. De récents événements ont fait apparaître plus crûment le décalage existant entre une Europe ouverte à la circulation des personnes - je veux parler de l'espace Schengen - et une Europe judiciaire qui, elle, fonctionne sur le mode des relations intergouvernementales. A cet égard, l'apport essentiel du mandat d'arrêt européen sera la disparition du contrôle qui accompagnait la procédure d'extradition. La phrase politique et administrative sera supprimée, au profit d'une procédure exclusivement judiciaire.
    Avant de terminer, madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, je veux évoquer les garanties prévues pour la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen : garantie de représentation par un avocat, limitation des cas de détention provisoire, accélération des procédures pénales ou, encore, encadrement strict des délais, sont autant de mesures de précaution qui répondent aux justes préoccupations des citoyens européens en matière de garantie des droits individuels.
    En outre, et surtout, le dispositif envisagé prévoit une clause de sauvegarde aux termes de laquelle un Etat membre pourra décider de suspendre unilatéralement la reconnaissance des mandats d'arrêt européens émis par un autre Etat membre, lorsque celui-ci sera soupçonné de violations graves et répétées des droits fondamentaux.
    Au moment où l'on parle beaucoup de lutte contre le terrorisme, je tiens à rappeler que notre pays a toujours refusé d'extrader vers un autre pays qui n'aurait pas aboli la peine de mort. Je sais qu'il n'y a plus de risque en ce qui concerne l'espace européen, car c'est le seul continent où elle n'est plus appliquée, les 44 pays du Conseil de l'Europe ayant aboli la peine de mort. Cependant la question mérite d'être posée lorque sera demandée l'extradition vers des pays qui l'appliquent toujours.
    Si nous souhaitons l'accélération de la construction d'un véritable espace judiciaire européen, si le mandat d'arrêt européen est un outil vers plus d'efficacité, encore fallait-il souligner cette exigence à l'occasion de cette discussion générale. C'est pourquoi je me suis permis de rappeler la position de la France en la matière, comme j'étais intervenu, au nom de mes collègues, à propos de la ratification de conventions nous liant aux Etats-Unis d'Amérique. Chacun connaît, en effet, le problème que pose le maintien de la peine de mort dans ce pays. Il s'agit d'une exigence majeure au respect de laquelle nous devons rester attentifs.
    Seule la mise en commun d'objectifs et de moyens appropriés permettra d'affronter efficacement les nouveaux défis de ce siècle. Cela vaut certes pour l'Europe, mais également pour la société internationale tout entière. Ainsi que l'a fort bien souligné le président de la délégation européenne, le mandat d'arrêt européen constitue un nouveau progrès de la construction européenne. Le choix que nous faisons aujourd'hui est celui de rendre l'Europe encore plus efficace. C'est pourquoi mes collègues du groupe de l'UMP et moi-même voterons ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Floch.
    M. Jacques Floch. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je commencerai par relater une petite histoire qui vient de se passer dans notre beau pays.
    Dans leur pays d'origine, des voyous enlèvent un jeune homme ; quatre jours après, ils obtiennent une rançon, libèrent leur victime et se réfugient en France. Quatre jours après encore, ils sont arrêtés - soulignons l'efficacité de la police -, placés sous écrou et leur pays d'origine demande leur extradition. Il faudra pourtant attendre cinq mois parce qu'une magistrate a voulu que cette affaire soit « son » affaire.
    M. Jacques Myard. Ça ne changera pas !
    M. Jacques Floch. La chambre d'accusation avait reçu l'autorisation d'extradition ; vous aviez signé, monsieur le garde des sceaux, l'arrêté d'extradition, mais il a fallu attendre ces jours derniers pour voir cette décision enfin exécutée. Comme la magistrate refusait de signer la levée d'écrou, l'administration pénitentiaire ne pouvait pas ouvrir les portes de la prison. Pouvons-nous continuer à avoir de petites histoires de ce genre ?
    Pouvons-nous accepter que nos amis britanniques refusent d'extrader un individu soupçonné d'actes de terrorisme ou d'aide à des terroristes, sous le prétexte que la justice française ne serait pas capable d'être équitable ? Certes, de temps en temps, nous avons quelques problèmes, mais nous pouvons affirmer que, dans la très grande majorité des cas, la justice est rendue de façon équitable en France. Nous ne saurions donc porter atteinte à notre honneur national. Les magistrats britanniques n'ont pas à nous donner des leçons de justice. Eux aussi, ont déjà pris des décisions répréhensibles.
    Mes chers collègues, en discutant et en approuvant ce projet de loi constitutionnelle nous allons faire accomplir un grand pas à ce concept novateur pour la construction européenne qu'est la mise sur pied de l'espace judiciaire européen.
    Cette volonté d'aujourd'hui - cette velléité d'hier - correspond à une grande nécessité. Depuis cinquante ans, pierre après pierre, sans relâche, tous ceux qui pensent que l'avenir de la France passe par la construction européenne ont, sans brûler les étapes, ouvert un vaste espace de libertés, de démocratie, un immense marché, une potentialié de cohésion, de justice sociale pour 500 millions d'être humains de nations différentes qui acceptent de devenir en même temps citoyens européens, libres de circuler à travers un vaste espace avec, pour beaucoup, une monnaie unique, mais, surtout, les mêmes droits et les mêmes devoirs.
    On imagine bien que tout cela doit être régulé pour protéger les plus faibles, pour assurer leur sécurité afin qu'ils jouissent pleinement de leurs libertés, chèrement acquises pour beaucoup d'entre eux qui ne sont libres que depuis quelques années. Comment établir cela sans une rencontre, une fonte de nos législations et de nos réglementations formant nos ensembles de droits ?
    Des réponses et des propositions ont été formulées depuis longtemps.
    Il y a quarante-trois ans, le 29 avril 1959, une convention d'entraide judiciaire a été proposée et signée par les chefs d'Etat des pays signataires du traité de Rome de 1954. Elle était modeste ; elle ne correspond sans doute plus aux besoins d'aujourd'hui.
    La convention de Strasbourg contre le blanchiment de l'argent sale a été signée le 8 novembre 1990. Non ratifiée, non applicable, elle a heureusement été remplacée par l'accord politique du 10 juin 1991 qui prévoit une lutte plus efficace contre le blanchiment de l'argent en permettant le gel, la saisie, la confiscation des instruments et des produits du crime, comme vous l'avez dit, monsieur le garde des sceaux, comme vous l'avez repris, monsieur le rapporteur. Il assure aussi, ou devrait assurer, l'extension du mandat Europol par une meilleure coopération avec la police nationale.
    En effet, chacun connaît les difficultés actuelles de fonctionnement d'Europol. Les policiers européens ont du mal à coopérer, à échanger des informations. Nous savons bien aussi qu'ils veulent également avoir un contrôle judiciaire sur leurs actions afin d'éviter des bavures qu'ils ne souhaitent évidemment pas.
    « On aurait pu, on aurait dû, on devait »... telles sont les expressions qui reviennent le plus souvent lorsque l'on travaille sur ce sujet. Ayant eu l'honneur de participer au groupe de travail sur la justice et les affaires intérieures de la Convention sur l'avenir de l'Europe, j'ai entendu cela pendant deux mois et demi. Mais j'ai aussi entrevu - le mot est faible - les réticences de certains et les espérances des autres. Pendant deux mois et demi je me suis aperçu que nous n'étions pas au diapason ; c'est presque une litote de dire ainsi. Petit à petit, cependant, la discussion nous a aidés à nous rapprocher et à faire des avancées.
    Le 1er octobre 1996 - il y a quelque temps déjà ! - de grands magistrats ont lancé l'appel de Genève, demandant simplement aux responsables politiques, aux Etats, de les laisser faire leur travail, de ne pas accepter que l'argent du crime, des grands crimes - trafic d'êtres humains, drogue, terrorisme, corruption, activités des sectes et des mafias, qui prospèrent sur l'espace européen, où certains trouvent encore des refuges plus que complaisants - fasse la loi. Les rapports rédigés par certains de nos collègues - MM. Montebourg, Peillon, Hunault notamment - sur ces crimes et sur la protection dont leurs auteurs bénéficient montrent la réalité de cette complaisance désastreuse non seulement pour nos économies, mais aussi pour notre liberté.
    Notre système de lutte a-t-il prospéré depuis cette date ? Certes oui, mais à petite vitesse, à la vitesse de ceux qui prennent du temps, des fois que celui-ci réglerait le problème ! Pourtant, la volonté de beaucoup ne s'est pas émoussée.
    Ainsi, au mois d'octobre 1998, Elisabeth Guigou, alors garde des sceaux, a organisé, en Avignon, une rencontre internationale dont les conclusions allaient se situer en droite ligne de l'appel de Genève, en voulant placer la justice au coeur de la construction européenne. La déclaration d'Avignon, déclaration symbolique faite par des magistrats, par des politiques, par des professeurs de droit, par tous ceux qui s'intéressent à la justice, et non pas par ceux qui décident, a parlé non seulement du crime organisé, mais aussi du droit de la famille, du droit des enfants, de la liberté de circulation des Européens dans leur espace, ce qui engendre de nouvelles rencontres, des ruptures, des drames. Or les différences entre législations nationales empêchent que soient prises des décisions équitables.
    A cet égard, nous pouvons nous féliciter, entre autres, de l'accord passé entre nos amis allemands et nous-mêmes, sur le plan judiciaire à propos des enfants de parents allemands et français. Il s'agit d'un grand progrès dans le droit familial.
    La déclaration d'Avignon demandait la réalisation de l'espace judiciaire européen, civil et pénal, nécessaire pour assurer la liberté et la sécurité que sont en droit d'attendre les citoyens de l'Union européenne. Il y eut une rude négociation, des débats animés car nous n'étions pas tous sur la même longueur d'ondes, nous n'entendions pas tous les mots de la même façon.
    La réalisation de l'espace judiciaire européen passe d'abord par la reconnaissance mutuelle de nos systèmes judiciaires, qu'ils aient pour origine la common law ou le droit romano-germanique, pour l'acceptation de nos modes d'obtention de preuves, pour un minimum de droit commun en matière de droit pénal et de procédure pénale, afin, par exemple, que les euro-voyous n'aillent pas chercher le moins-disant pénal, comme cela est le cas aujourd'hui. Pour certains délits, par exemple, la peine peut être de quatre ans de prison dans un pays, et de vingt ans dans un autre. Où croyez-vous que les euro-voyous vont s'installer ?
    Lors du Conseil européen de Tampere d'octobre 1999 a été tenue une réunion spéciale consacrée à la création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice dans l'Union européenne. Ces bases, heureuses, permettent aujourd'hui un réel renforcement de la lutte contre les formes graves de la criminalité et d'une éventuelle prévention.
    Eurojust est né à Tampere comme y est né le mandat d'arrêt européen qui verra sa concrétisation par l'adoption, par le Conseil, d'une décision-cadre proposée par la Commission le 12 juin 2002, en s'appuyant sur le respect des droits et des principes juridiques fondamentaux tels qu'ils apparaissent dans l'article 6 du traité de l'Union européenne. Cela est parfaitement conforme à l'application de la Convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales de 1950.
    Les trente-six articles de la décision-cadre que vous avez détaillés, monsieur le garde des sceaux, portent sur la procédure de remise et sur les effets de la remise, sur les motifs de rejet et sur les garanties des Etats et de la défense. Si cette décision-cadre ne règle pas le grave problème du terrorisme et de sa définition, elle vous obligera, entre autres, à prendre en compte ses conséquences dans le cadre de lois oganiques et de lois ordinaires que vous nous proposerez dans quelque temps.
    A ce propos nous aurions apprécié que vous en précisiez les contours dès aujourd'hui. Je rappelle d'ailleurs que vous aviez formulé une demande identique en 1998, alors que vous siégiez sur les bancs de l'opposition, lors de l'examen d'un texte qui tendait à modifier la constitution pour mieux organiser notre système judiciaire. L'opposition avait même indiqué qu'elle refuserait d'aller à Versailles parce que le garde des sceaux de l'époque n'avait pas présenté les avant-projets de loi organique.
    En revanche nous, nous voulons aller à Versailles parce qu'une grande majorité d'entre nous souhaite que le mandat d'arrêt européen existe. Il constituera un grand pas dans la construction de l'espace judiciaire européen et il engendrera d'autres décisions. Au sein de la Convention pour l'avenir de l'Europe, ont été émises des idées que certains ont reprises ici, à savoir la création d'un parquet européen et - pourquoi pas ? - d'un procureur européen qui soit capable de coordonner les effets de la justice européenne. Tout cela verra le jour, encore faut-il faire le premier pas. Nous irons donc à Versailles avec vous, monsieur le garde des sceaux, pour défendre et voter ce texte parce que, conséquents avec nous-mêmes qui avons proposé une telle disposition, nous sommes satisfaits de la voir aboutir.
    D'autres débats, d'autres discussions auront lieu pour que une justice équitable, efficace, au niveau de l'Europe, soit enfin un outil au service de nos Etats de nos concitoyens. Nous devrons persévérer dans cet immense effort.
    Mme Hélène Mignon. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons modifier pour la quatrième fois la Constitution de notre pays afin de permettre la ratification d'un texte lié à la construction de l'Union européenne. Les trois premières fois, en 1992, 1993 et 1999, il s'agissait de ratifier des traités communautaires fondateurs : ceux de Maastricht, puis d'Amsterdam, et les accords de Schengen, qui sont le complément aux traités originaires en matière de libre circulation des personnes.
    Cette fois, le procédé est très différent. Je ne parle pas de la procédure, qui demeure la même, mais du fond et du sens de cette réforme.
    Le texte pour lequel nous allons modifier notre loi fondamentale est une norme de droit dérivé, une décision du Conseil de l'Union européenne en date du 13 juin 2002. C'est la première fois que notre Constitution sera modifiée alors même qu'est en jeu non pas la ratification d'un traité, mais celle d'une décision de droit dérivé.
    Certes ces normes jouissent en théorie d'une immunité constitutionnelle, c'est-à-dire qu'elles n'imposent aucune réforme constitutionnelle. Cependant il était nécessaire de procéder à cette révision afin d'être certains que le mandat d'arrêt sera pleinement efficace, et que son exécution ne pourra pas être contrariée par nos principes constitutionnels. Le Gouvernement a eu raison de s'engager sur cette voie.
    C'est donc la première fois qu'une norme de droit communautaire dérivé donne lieu à une révision constitutionnelle en France, mais le cas n'est pas nouveau. Il s'est présenté en Allemagne voilà quelques années. La Constitution de ce pays a été modifiée pour assurer la conformité avec une directive relative à l'égalité absolue entre hommes et femmes. L'Allemagne est l'un des piliers, l'un des pays moteurs de l'Union, l'un des pays les plus europhiles en vérité. La France est faite du même bois.
    En acceptant une modification constitutionnelle fondée sur une simple décision de droit dérivé, la preuve est faite, mes chers collègues, que la France et ses citoyens, par le biais de la représentation nationale, reconnaissant la pleine primauté du droit communautaire. Cette réforme devra guider les hésitations doctrinales et jurisprudentielles sur le rang de la Constitution par rapport au droit dérivé de l'Union européenne, et résoudre les problèmes existentiels de ceux qui pensent que l'Union n'est qu'un mirage ou doit le demeurer.
    Voilà démontré l'engagement total de la France dans l'Union européenne. Il ne s'agit pas de dilution des Etats, ni de renoncement, ni d'abandon de souveraineté, comme certains voudraient le faire croire. Il s'agit, au contraire, d'améliorer, de bonifier la souveraineté française en lui permettant de s'exercer à l'échelle européenne, en collaboration avec nos partenaires européens, nos frères en culture et en histoire !
    C'est exactement ce procédé qui est employé pour ce mandat d'arrêt. Cela consacre la reconnaissance mutuelle des décisions de justice dans les divers Etats membres plutôt qu'un travail inadapté d'harmonisation. En effet on nous propose aujourd'hui - c'est la seconde innovation notable portée par ce texte - un véritable texte d'union et de rassemblement.
    Cette fois, il ne s'agit pas du tout d'union économique, comme ce fut le cas pour la plupart des textes adoptés dans le cadre de l'Union européenne ! C'est un projet de partage, de travail concerté, un effort commun pour l'approfondissement de la construction communautaire : une compétence régalienne de l'Etat, la justice, est sur la voie de la reconnaissance mutuelle, et c'est une évolution naturelle.
    En effet, l'Union européenne n'est pas qu'un marché et l'espace judiciaire européen n'est pas voué uniquement à jouer un rôle de régulation économique ou à être un lieu d'engagement de la responsabilité des Etats membres. Il est voué - et ce texte en est une manifestation éclatante - à devenir un véritable espace de vie commun, dans lequel seront partagées et harmonisées les compétences et les solutions juridiques des pays membres, en matière civile comme en matière pénale. Et ces solutions doivent, bien évidemment, être mises en oeuvre dans le respect des droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
    Le mécanisme choisi est fort habile. L'Union européenne procède là comme elle l'a toujours fait : à l'instar de l'impressionnisme, par petites touches qui enserrent petit à petit les Etats membres dans une communauté juridique et politique. On ne s'est pas attaqué à l'harmonisation des législations pénales et civiles. La tâche eût été trop grande. Les Etats n'y sont pas prêts. Il aurait fallu concilier des traditions d'analyse juridique différentes - je dis « traditions d'analyse » et non pas règles ! - et le procédé aurait été trop long compte tenu de l'urgence qu'il y a à constituer un espace judiciaire commun. Mais surtout, imposer un système juridique uniforme n'aurait été conforme ni à l'esprit des textes communautaires ni à celui des administrateurs de Bruxelles : l'Union n'a pas vocation à imposer un modèle unique, elle se contente de fixer des orientations et laisse les Etats membres libres de la mise en oeuvre.
    C'est exactement ce procédé qui est employé pour le mandat d'arrêt. C'est la reconnaissance mutuelle des décisions de justice dans les divers Etats membres qui est consacrée, plutôt qu'un travail d'harmonisation inadapté.
    Je dis « travail d'harmonisation inadapté », parce qu'il y avait urgence. Il faut rendre hommage au Premier ministre espagnol, José Maria Aznar, car il a été le premier à en prendre pleinement conscience. C'est lui qui a accéléré les choses durant la présidence espagnole de l'Union. Il savait qu'il y avait urgence : son pays vit depuis des années sous la terreur des extrémistes basques. Il a immédiatement mesuré la gravité des attentats du 11 septembre 2001.
    La lutte contre les réseaux, contre le fléau du terrorisme, ne peut être que globale. La guerre déclarée au terrorisme n'est pas une guerre conventionnelle. L'adversaire n'est pas un Etat, il est insaisissable. Il se moque de nos frontières. Et ce n'est donc que par la collaboration des Etats déterminés à lutter contre ce fléau que nous en viendrons à bout. Le mandat d'arrêt européen constitue un progrès indéniable et fantastique de ce point de vue. C'est l'outil qui permettra de passer outre les lourdes procédures d'extradition, qui traînent en longueur, et même, pour certaines, qui n'aboutissent jamais, pendant que l'ordre public est menacé.
    Mais ce serait une assimilation trop simpliste que de réduire le mandat d'arrêt européen à un outil de lutte contre le terrorisme - c'est déjà beaucoup qu'il le soit. Il va bien au-delà. L'incrimination de terrorisme ne fait que supprimer la condition de double incrimination requise pour l'application du mandat. L'euromandat a une portée bien plus générale. Il concerne toutes les infractions punies d'au moins un an d'emprisonnement. C'est donc non seulement une lutte contre le terrorisme à grande échelle qui est engagée, mais aussi une lutte déterminée et nécessaire contre les infractions de moindre ampleur. Sur ce point, monsieur le garde des sceaux, l'intégration du mandat d'arrêt européen à notre Constitution va dans le même sens que l'action conduite par l'ensemble du Gouvernement pour sauvegarder la sécurité de nos concitoyens. C'est un point à saluer.
    Mais cela permettra également d'améliorer la perception que l'opinion publique a du système judiciaire en Europe et de la coopération entre les Etats. Celle-ci était plutôt mauvaise ces dernières années. Je citerai deux exemples. L'un est lié au terrorisme et mes collègues l'ont déjà cité : il s'agit de Rachid Ramda. C'est un scandale permanent ! La Grande-Bretagne agit comme si la France était un pays de non-droit, comme si, dans nos prisons ou lors des condamnations, les prisonniers étaient maltraités et même - pourquoi pas ? - torturés. Souvenez-vous également, dans une affaire de droit commun, de Sid Ahmed Rezala, qui tuait des femmes dans des trains. Il fut arrêté en Espagne...
    M. Jacques Remiller, rapporteur pour avis. Au Portugal !
    M. Jean-Christophe Lagarde. ... au Portugal, pardon, et s'est suicidé avant que l'on puisse le faire extrader. Si l'on se souvient des articles de l'époque, nous avons, là aussi, connu des difficultés. Comme il s'agissait d'un criminel de droit commun, le pays où il avait été arrêté aurait dû le restituer, si j'ose dire, très rapidement.
    Comme vous l'aurez compris, monsieur le ministre, le groupe UDF votera ce texte avec enthousiasme. Il constitue une étape supplémentaire dans la construction européenne. Mais ne nous y trompons pas : ce texte n'est qu'une étape et en appelle beaucoup d'autres. Les résistances seront nombreuses, et on a déjà entendu de vives protestations s'élever en Italie, par exemple, de la bouche d'individus proches du pouvoir ou au pouvoir eux-mêmes, qui pourraient être concernés par l'émission d'un tel mandat.
    Au-delà de cela, il faudra s'attaquer afin de les résoudre aux différences juridiques entre les différents Etats membres. Le mandat d'arrêt européen constitue un appel d'air dans cette voie, une invitation à aller plus loin dans l'harmonisation de l'espace judiciaire européen et, plus généralement, dans l'union de l'Europe. Bien sûr, cela se fera pas à pas, comme toujours, dans l'histoire de l'Union européenne : sa construction est progressive.
    Nous voterons donc ce texte avec l'enthousiasme d'europhiles convaincus. Espérons qu'il inaugure une action déterminée du Gouvernement dans la construction de notre Europe.
    M. Pierre Lequiller, président de la commission, et M. Jacques Remiller, rapporteur pour avis. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.
    M. Guy Geoffroy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'unanimité ou la quasi-unanimité qui ressort des exposés des orateurs qui m'ont précédé à la tribune me conduira - et je crois que personne ne s'en plaindra - à être plus bref que prévu et donc à ne pas utiliser tout le temps qui m'était imparti.
    Je souhaiterais malgré tout, au risque de certaines redites, apporter une contribution supplémentaire à l'action du Parlement au moment où il s'apprête à donner le feu vert pour l'adoption de cette quatrième réforme constitutionnelle liée à l'ouverture de notre pays à la dimension européenne.
    De la justice de proximité dont il a été question en début de séance jusqu'au mandat d'arrêt européen qui nous occupe maintenant, c'est à un véritable voyage au travers de notre système judiciaire que nous procédons. Mais, à bien y regarder, la différence n'est pas si grande entre la nécessité d'apporter une réponse de proximité - dans l'espace et dans le temps - aux préoccupations quotidiennes de nos concitoyens et aux petits tracas de leur vie de tous les jours et celle, impérieuse, de lutter de plus en plus vigoureusement, et avec des outils de plus en plus performants, contre la grande délinquance, qui est, certes, internationale, mais se situe parfois tout près de chez nous - dans nos immeubles, dans nos caves, près de nos lieux publics et de nos habitations - et forme une grande chaîne de criminalité.
    Derrière cette révision constitutionnelle, rendue nécessaire, comme cela a été dit, par l'avis du Conseil d'Etat sur la transposition dans notre droit de cette décision-cadre du Conseil européen, se dessine une réforme importante, qui est un pas de plus vers la construction d'un véritable espace européen de liberté, de sécurité et de justice.
    Que de chemin parcouru - mais aussi que d'évolutions à accomplir encore - depuis la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, qui s'est surtout caractérisée par la complexité de ses procédures et par les retards qu'elle entraînait ! Au fil des années, les évolutions ont été multiples dans un cadre tant bilatéral que multilatéral. Le traité d'Amsterdam a ouvert la voie, et le Conseil européen de Tampere, en 1999, a fixé l'orientation qui devait conduire, le 13 juin dernier, à l'adoption à l'unanimité de cette décision-cadre par le Conseil européen, qui met en place un nouveau système simplifié de remise des personnes.
    Avec ce texte, nous nous acheminons donc de l'extradition au mandat d'arrêt européen, ce qui traduit des évolutions importantes ainsi qu'une accélération des procédures. Le nouveau dispositif permettra d'éviter les deux phases distinctes que connaissent actuellement les procédures d'extradition. Si ces nouvelles dispositions permettent encore à un Etat de refuser les termes d'un mandat, du moins cela ne sera-t-il possible que dans des cas clairement et précisément définis.
    Il faut souligner à nouveau que cette évolution donne une bonne fois pour toutes la primauté au cadre judiciaire, indépendamment de toute interprétation hasardeuse qui peut découler du recours à la voie politique et à la voie administrative qui l'accompagne dans le cadre de toutes les procédures d'extradition.
    Outre ses avantages pour la coopération entre l'ensemble des systèmes judiciaires européens, la primauté du cadre judiciaire est également - car il ne faut jamais perdre de vue cet aspect des choses - une protection mieux assurée des droits fondamentaux.
    Nous le savons, et la directive européenne l'indique clairement, la convention du 28 janvier 1981 du Conseil de l'Europe relative au traitement automatisé des données à caractère personnel s'appliquera bien évidemment dans le cadre du mandat d'arrêt européen. C'est une étape importante et, comme l'a fait remarquer M. Floch, celle-ci doit nous préparer à d'autres étapes ultérieures. Il a cité, à juste titre, celle qui va nous conduire, dans un délai peut-être plus rapproché qu'on ne le pense, à examiner la possibilité de créer un procureur européen. La commission des lois vient de se saisir de la proposition de résolution émanant de la délégation pour l'Union européenne visant, au travers de l'éventuelle création de cette fonction, à une meilleure efficacité de la lutte contre la criminalité organisée. Une meilleure coopération judiciaire est rendue encore plus nécessaire, c'est évident, par le prochain élargissement de l'Union européenne à vingt-cinq pays.
    Monsieur le garde des sceaux, avec ce projet de loi constitutionnelle, il s'agit aujourd'hui de donner acte de la volonté de tous les Etats européens - et la France est en tête de cette démarche - de s'accorder mutuellement une confiance élevée en ce qui concerne leurs systèmes judiciaires respectifs. Les frontières existent encore pour les justices des différents pays de l'Union européenne. Cette reconnaissance mutuelle est nécessaire pour que nous puissions être à armes égales avec les délinquants qui, eux, ont bien compris, et depuis longtemps, que la liberté d'aller et venir en Europe est une réalité. Cette réalité les conduit au crime. Nous devons trouver tous les moyens pour lutter contre celui-ci et l'abattre. Le mandat d'arrêt européen en est probablement l'un des plus importants.
    Je ne doute aucunement, monsieur le garde des sceaux, que l'ensemble des députés de cet hémicycle et, à tout le moins, ceux de votre majorité, vous aideront à atteindre ce premier objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.
    M. Jacques Myard. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, permettez-moi une remarque liminaire. Notre Constitution serait-elle devenue un chiffon de papier ?
    M. Guy Geoffroy. Non !
    M. Jacques Myard. Nous la révisons au moins une fois par an, sinon deux. J'appelle votre attention sur le fait que c'est l'autorité même de l'Etat qui se trouve mise en cause par cette désacralisation de notre loi fondamentale. De surcroît, lorsqu'on négocie, on doit se soucier de savoir si le texte en cours de négociation est véritablement constitutionnel ou non. Jusqu'à nouvel ordre, les fonctionnaires et les ministres de la République se doivent de respecter scrupuleusement la Constitution, qui est la loi fondamentale de la nation, à peine de forfaiture. Si véritablement le texte n'est pas constitutionnel, il reste la possibilité de le renégocier avant de modifier la Constitution.
    J'en reviens maintenant au texte du mandat d'arrêt européen. Il appelle plusieurs remarques.
    La technique de la décision-cadre est intéressante et je l'approuve. Cette technique intergouvernementale devrait normalement laisser à chaque Etat le soin de la mise en oeuvre des textes. Mais je crains fort que, dans des domaines aussi complexes que le droit pénal, elle n'ait de cadre que le nom et entre dans le détail pour créer une loi uniforme dans un espace que l'on veut plus homogène.
    L'objectif du texte soumis à notre appréciation est simple : il s'agit tout simplement de simplifier les procédures d'extradition en créant des liens directs entre les juges et, comme cela a été à juste titre rappelé, de créer une certaine automaticité dans ce domaine en évacuant l'intervention politique. Tout a été dit sur la nécessité de renforcer notre coopération judiciaire. Ce n'est d'ailleurs pas nouveau parce qu'on ne démarre pas de zéro en matière de coopération judiciaire. Cela fait des décennies que l'on travaille au niveau européen et au niveau international pour lutter contre la criminalité organisée. Personne ici ne le contestera. Toutefois créer des liens directs et rendre immédiatement exécutables sur notre sol des décisions étrangères est loin d'être neutre, même si la reconnaissance des décisions judiciaires d'un certain nombre de tribunaux étrangers n'est pas nouvelle.
    Mais gardons-nous de tomber dans un certain idéalisme, le mieux étant l'ennemi du bien. Le monde judiciaire est le monde judiciaire. C'est une Lapalissade. Il suit une certaine démarche intellectuelle et je ne suis pas sûr qu'il tienne toujours compte d'autres réalités qui peuvent être diplomatiques, économiques ou politiques. Or, ces réalités ne peuvent être évacuées dans l'Union européenne à quinze et elles le pourront encore moins à vingt-cinq, voire à vingt-sept, en 2007. Je crains donc fort qu'il soit grandement insuffisant de ne voir le problème de l'extradition qu'à travers le prisme judiciaire.
    En d'autres termes, laisser la question de l'extradition entre les seules mains de l'ordre judiciaire des Quinze me paraît relever de la même démarche que celle qui a consisté, en vogue un moment dans notre pays, à confier certaines poursuites uniquement à des parquets indépendants. Il me semble que l'on va trop loin et qu'une clause de sauvegarde serait nécessaire. Les juges doivent aussi travailler en tenant compte des autres réalités et pouvoir parfois se retrancher derrière un ordre politique ou diplomatique.
    Je crains que l'automaticité du système du mandat européen ne soit excessive. Elle va très bien fonctionner dans 98 % des cas et même 99 % mais il y aura des cas où, véritablement, elle risque de mettre en porte-à-faux un gouvernement, voire plusieurs. Il me semble, et c'est le sens de l'amendement que j'ai déposé, qu'une clause de sauvegarde devrait être prévue. Croire que tout va se régler au niveau de l'ordre judiciaire entre les Quinze me paraît en effet excessif. L'histoire diplomatique risque de nous rattraper. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
    M. le garde des sceaux. Je souhaite revenir sur quelques points évoqués par les différents orateurs.
    M. Vaxès craint que le mandat d'arrêt européen n'entraîne une baisse du niveau de protection des personnes. Je ne le pense pas. Il existe plusieurs motifs de refus qui peuvent être opposés : motif politique de la demande, amnistie, irresponsabilité pénale. L'exécution du mandat doit avoir lieu dans le respect des principes de la charte des droits fondamentaux. Il me semble donc que le respect des personnes est tout à fait précisé et défendu.
    M. Hunault a estimé très justement que le mandat d'arrêt européen constituait un progrès pour la construction de l'espace judiciaire européen et il a insisté sur les garanties d'exécution du mandat.
    Il a soulevé la question d'une extradition vers un pays tiers qui n'aurait pas supprimé la peine de mort. Je lui répondrai en lui citant le début du paragraphe 4 de l'article 28 de la décision-cadre du Conseil : « Nonobstant le paragraphe 1, une personne qui a été remise en vertu d'un mandat d'arrêt européen n'est pas extradée vers un Etat tiers sans le consentement de l'autorité compétente de l'Etat membre qui l'a remise... » Le texte est parfaitement clair. Le risque que M. Hunault a évoqué à juste titre a été évité. D'ailleurs ce paragraphe a été écrit pour répondre à l'inquiétude dont M. Hunault s'est fait l'écho.
    M. Floch s'est inquiété de la perspective d'une loi organique. Il n'y aura pas de loi organique. La transposition pourra se faire par une loi simple dont la rédaction ne réservera pas de surprise. S'agissant de l'avenir d'Eurojust, je lui indique que la convention de mai 2000 sur l'entraide pénale dans l'Union européenne ainsi que la décision cadre sur le rôle d'Eurojust seront transposées dans la loi sur la criminalité organisée qui sera bientôt soumise au Parlement.
    M. Lagarde a souligné avec pertinence qu'il ne fallait pas s'en tenir aux cas du terrorisme pour percevoir l'intérêt de la formule du mandat d'arrêt européen. Celle-ci marque en fait un changement fondamental. L'espace judiciaire européen aura vraiment fait un pas en avant avec la mise en place de cet accord sur le mandat d'arrêt européen et cette idée de confiance mutuelle. C'est ainsi, je l'ai dit dans mon propos introductif, que nous allons enfin pouvoir construire progressivement un espace judiciaire européen au sens véritable du terme, fondé non sur une législation unique dans l'ensemble de l'Europe, mais sur une coordination, une recherche de compatibilité entre nos systèmes juridiques.
    M. Geoffroy a évoqué la perspective du procureur européen. Nous avons préféré agir de façon peut-être plus pragmatique, sinon réaliste, en choisissant de prolonger le système Eurojust et de privilégier une montée en puissance par étapes de cet instrument dont nous disposons d'ores et déjà plutôt que de concevoir un dispositif totalement nouveau. C'est en tout cas la position que la France défend dans le cadre de la préparation de la convention.
    M. Myard enfin a suggéré de prévoir une possibilité d'exception en cas d'atteinte grave à l'ordre public. Or ce principe est précisément en contradiction, il l'a du reste bien compris, avec l'esprit même du texte. Nous y reviendrons probablement à propos de l'amendement que M. Myard a déposé sur ce sujet. Il est bien clair que le texte sur le mandat d'arrêt européen, par le fait même qu'il privilégie l'idée de confiance mutuelle, ne prévoit que des exceptions à l'exécution et non une dérogation d'ordre général faisant référence à l'ordre public.
    Mme la présidente. Je tiens à remercier, au nom de tous, M. Hunault et M. Floch d'avoir sensiblement réduit leur temps de parole dans le cadre de la discussion générale. (Applaudissements.)
    La discussion générale est close.
    J'appelle maintenant l'article unique du projet de loi constitutionnelle dans le texte du Gouvernement.

Article unique

    Mme la présidente. « Article unique. - L'article 88-2 de la Constitution est complété par un troisième alinéa ainsi rédigé :
    « Sont fixées par la loi les règles relatives au mandat d'arrêt européen conformément aux dispositions des décisions-cadres prises par le Conseil de l'Union européenne sur le fondement du traité mentionné au premier alinéa. »
    M. de Roux, rapporteur, a présenté un amendement n° 1 rectifié, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article unique :
    « La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du traité sur l'Union européenne. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Xavier de Roux, rapporteur. Cet amendement, purement de forme, vise pour l'essentiel à supprimer la référence aux décisions-cadres. En effet, l'évolution des institutions européennes conduit à se demander si cette procédure ne disparaîtra pas d'ici à quelque temps. Auquel cas il pourrait sembler curieux que notre Constitution y fasse référence. La notion d'acte nous semble avoir un caractère plus pérenne.
    Quant à la référence au traité sur l'Union européenne, elle permettra d'intégrer les modifications introduites par les traités d'Amsterdam, puis de Nice.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. J'avais moi-même reconnu dès le début de la discussion générale que la rédaction de ce nouvel alinéa pouvait être améliorée. S'il est essentiel de conserver la référence au traité sur l'Union européenne, il n'est effectivement ni nécessaire ni opportun de faire explicitement référence à la notion de décision-cadre. Je crois néanmoins utile de préciser que la référence au traité de l'Union se trouvera nécessairement cristallisée à l'état de sa rédaction à la date d'entrée en vigueur de la présente réforme. Celle-ci inclura par conséquent les ajouts du traité d'Amsterdam et, selon toute vraisemblance, ceux du traité de Nice.
    En revanche, si une évolution substantielle des stipulations relatives à la coopération judiciaire pénale devait intervenir, la présente réforme constitutionnelle n'habiliterait pas le législateur à prendre des dispositions contraires à des principes à valeur constitutionnelle qui trouveraient, en droit européen, leur fondement dans des novations ultérieurement introduites dans le traité.
    Cela dit, je suis favorable à l'amendement n° 1.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Myard a présenté un amendement, n° 2, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article unique par l'alinéa suivant :
    « Le Gouvernement peut surseoir à l'exécution d'un mandat d'arrêt européen dans le cas où il pourrait porter une atteinte grave à l'ordre public. »
    La parole est à M. Jacques Myard.
    M. Jacques Myard. Monsieur le garde des sceaux, permettez-moi de ne pas tout à fait partager votre enthousiasme. A tout principe, il y a toujours une exception, particulièrement dans l'ordre international. Je ne connais pas de texte qui ne prévoie pas de clause de sauvegarde, car les choses évoluent parfois dans des directions auxquelles on ne s'attend pas. Et ce n'est en l'occurrence aucunement contraire à l'économie du mandat européen. Si, en effet, celui-ci a le mérite de grandement simplifier en instaurant des rapports directs entre des juges sans passer par la chancellerie, il n'empêche que mille et mille choses peuvent se produire et dans des sens que personne ne saurait prévoir. Il arrivera tôt ou tard un cas d'espèce où le pouvoir politique, démocratiquement issu du suffrage universel, dira : « Je m'oppose à cette extradition pour telle ou telle raison » quand bien même personne ne la connaît aujourd'hui. Imaginez ce qui peut se passer dans des affaires de terrorisme, à cheval sur deux frontières, et qui pourraient entraîner un trouble autrement plus grave ! La notion de sabotage également n'est pas toujours très clairement définie. Des procédures carcans, sans aucune possibilité de dérogation, peuvent se retourner contre l'intérêt même de l'institution et conduire à faire un mauvais procès à un dispositif qui, par ailleurs, est susceptible de rendre de grands services.
    Tel est le sens de mon amendement n° 2. Je ne vous cache pas que je prends date, monsieur le garde des sceaux, car je suis intimement convaincu que ce genre de difficultés surviendra, surtout dans une Europe à vingt-cinq, voire à vingt-sept. Il serait plus sage de prévoir, y compris dans notre Constitution, une possibilité de surseoir à l'exécution d'un mandat européen pour des motifs a priori exceptionnels, mais qui pourraient prendre corps un jour.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Xavier de Roux, rapporteur. Monsieur Myard, votre amendement est pour commencer hors sujet...
    M. Jacques Myard. Oh !
    M. Xavier de Roux, rapporteur. La modification proposée porte uniquement sur l'article 88-2 de la Constitution. Votre amendement ne pourrait de ce fait porter que sur un texte subséquent. Il est donc parfaitement hors sujet.
    Ajoutons que le but même de notre discussion est de dessaisir les Etats du pouvoir d'extradition pour le confier au pouvoir judiciaire.
    M. Jacques Myard. Voilà l'aveu !
    M. Xavier de Roux, rapporteur. Votre amendement va donc totalement à l'encontre de la décision-cadre adoptée et que l'on demande au pouvoir législatif, par le biais d'une loi constitutionnelle, de transposer dans notre droit national. La commission ne peut donc qu'y être défavorable.
    M. Jacques Myard. Ce n'est pas étonnant !
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. J'ai déjà répondu par anticipation à M. Myard que j'étais défavorable à son amendement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.
    M. Jacques Myard. Je suis désolé, monsieur le rapporteur, mais je ne suis pas hors sujet. Dites que vous êtes contre mon amendement, c'est votre droit et celui de la commission des lois. Mais je suis intimement convaincu qu'il se trouvera des situations où vous vous en mordrez les doigts.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article unique du projet de loi constitutionnelle, modifié par l'amendement n° 1 rectifié.
    (L'article unique du projet de loi constitutionnelle, ainsi modifié, est adopté.)

3

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2002

Communication relative à la désignation
d'une commission mixte paritaire

    Mme la présidente. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

    « Paris, le 17 décembre 2002.        

    «         Monsieur le président,
    « Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002.
    « Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.
    « J'adresse ce jour à M. le Président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.
    « Veuillez agréer, monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération. »
    Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

4

Dépôt d'une proposition
de loi constitutionnelle

    Mme la présidente. J'ai reçu, le 14 décembre 2002, de M. Georges Colombier, une proposition de loi constitutionnelle visant à donner un statut constitutionnel au Médiateur de la République.
    Cette proposition de loi constitutionnelle, n° 473, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

5

Dépôt d'un rapport

    Mme la présidente. J'ai reçu, le 17 décembre 2002, de M. François-Michel Gonnot, un rapport, n° 475, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie.

6

Dépôt d'un rapport d'information

    Mme la présidente. J'ai reçu, le 17 décembre 2002, de M. Yves Fromion et M. Jean Diébold, un rapport d'information, n° 474, déposé en application de l'article 145 du règlement, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, sur la situation de GIAT Industries.

7

Dépôt d'un projet de loi
modifié par le Sénat

    Mme la présidente. J'ai reçu, le 17 décembre 2002, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi de finances rectificative pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale, et modifié par le Sénat.
    Ce projet de loi, n° 476, est renvoyé à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

8

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    Mme la présidente. Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2003 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur (rapport n° 471) ;
    Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise :
    M. Philippe Houillon, rapporteur (rapport n° 458).
    A vingt et une heures, deuxième séance publique :
    Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, n° 370, relative à la responsabilité civile médicale :
    M. Jean-Pierre Door, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 464) ;
    Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, n° 371, modifiant l'article 43 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives :
    M. Bernard Depierre, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 465).
    La séance est levée.
    (La séance est levée le mercredi 18 décembre 2002 à zéro heure cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
ERRATUM
Au compte rendu intégral de la 2e séance du 21 novembre 2002
(Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, n° 63
du jeudi 21 novembre 2002)

    Page : 5499, 1re colonne, paragraphe 15, 7e ligne :
    Au lieu de : « Je me suis toujours battu pour la reconnaissance juridique d'un peuple... » ;
    Lire : « Je me suis toujours battu contre la reconnaissance juridique d'un peuple ».

PROCLAMATION DE DÉPUTÉS

    Par une communication du 16 décembre 2002 de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, faite en application de l'article L.O. 179 du code électoral, M. le président de l'Assemblée nationale a été informé que, le 15 décembre 2002, ont été élus députés :
    - de la 23e circonscription du Nord : M. Jean-Claude Decagny ;
    - de la 3e circonscription des Yvelines : M. Christian Blanc.

MODIFICATIONS
À LA COMPOSITION DES GROUPES
(Journal officiel, Lois et Décrets,
du 17 décembre 2002)
GROUPE DE L'UNION
POUR LA MAJORITÉ PRÉSIDENTIELLE
(352 au lieu de 351)

    Ajouter le nom de M. Jean-Claude Decagny.

GROUPE UNION POUR LA DÉMOCRATIE FRANÇAISE
Apparentés aux termes de l'article 19 du règlement
(3 au lieu de 2)

    Ajouter le nom de M. Christian Blanc.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmissions

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, les textes suivants :

Communication du 12 décembre 2002

N° E 2157. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique, en vue de la modification, en ce qui concerne certaines céréales, des concessions prévues dans la liste CXL annexée au GATT de 1994. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres de la Communauté européenne et du Canada conformément à l'article XXVIII du GATT 1994 pour la modification des concessions prévues, en ce qui concerne les céréales, dans la liste communautaire CXL annexée au GATT 1994 (COM [2002] 731 final).
N° E 2158. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 1766/92 en ce qui concerne le calcul des droits à l'importation de certaines céréales (COM  732 final).