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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 9 AVRIL 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du mardi 8 avril 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT

1.  Simplification et codification du droit. - Discussion d'un projet de loi «...».
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
M. Etienne Blanc, rapporteur de la commission des lois.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Jérôme Lambert, Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat ; le rapporteur, Marc Le Fur, Mme Muguette Jacquaint, M. Jérôme Lambert. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Alain Bocquet : MM. Patrick Braouezec, le secrétaire d'Etat, Pascal Clément, président de la commission des lois ; Jean Leonetti, Jérôme Lambert, Patrick Braouezec, François Sauvadet. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Jean Leonetti,
René Dosière,
François Sauvadet,
Mme
Muguette Jacquaint.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Dépôt de rapports «...».
3.  Dépôt de rapports d'information «...».
4.  Dépôt d'un avis «...».
5.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

SIMPLIFICATION ET CODIFICATION DU DROIT

Discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit (n°s 710, 752).
    La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, messieurs les députés, chacun en prend aujourd'hui conscience, la réforme de l'Etat est nécessaire et urgente. C'est une exigence sociale, politique et économique. Notre pays ne doit plus tenter de la différer ou de la fuir faute de volonté ou de courage. Notre pays doit pouvoir compter sur un Etat capable d'anticiper ou d'accompagner ses mutations et capable de répondre aux aspirations et aux besoins de nos concitoyens.
    Le texte que nous vous présentons est un élément important de l'édifice de la réforme que le Gouvernement a entrepris de construire autour de quatre chantiers : la décentralisation, la réforme budgétaire et celle de la gestion publique, la gestion des ressources humaines de l'administration et, enfin, la simplification de nos procédures administratives.
    Qui, en effet, parmi nous n'a jamais pesté contre la complexité, la lenteur ou la lourdeur des procédures ? Qui n'a pas craint de perdre un temps considérable et démesuré pour une simple formalité administrative ? Personne, malheureusement et c'est la raison pour laquelle le présent projet de loi est nécessaire : il l'est parce que le poids excessif de la réglementation dans notre pays constitue un archaïsme qui désespère les Français et bride l'initiative individuelle ou collective, quand il ne la condamne pas.
    Ce texte constitue donc une contribution nécessaire au vaste chantier de la réforme de l'Etat que chaque ministre conduit, jour après jour, depuis un an, sous l'autorité du Premier ministre. Il faut en finir avec ce tropisme bien français d'un Etat que l'on aimerait parfois plus efficace et plus discret. Il s'agit, selon une expression qu'Henri Plagnol et moi-même aimons à utiliser, de simplifier la vie quotidienne de nos compatriotes.
    Il s'agit aussi de réhabiliter la force de la règle de droit car « nul n'est censé ignorer la loi ». Tout est dit dans cette courte phrase. La loi est l'expression du peuple, celle de la volonté générale, qui la connaît, non pour la subir mais parce qu'il en est l'auteur par la voix démocratique de ses représentants, citoyens parmi les citoyens.
    Or, la loi, que tous les gouvernements s'appliquent avec constance à compliquer, comme si c'était là une marque de grandeur, n'est plus à la portée de l'évidence ou de la compréhension : il y a trop de lois, trop de lenteurs, trop de textes ! Sortons de cet enlisement !
    Relevons le défi de la compétitivité. Réduisons le délai entre la prise de décision et l'action. La sphère publique ne doit plus freiner l'initiative privée mais l'accompagner. Or, aujourd'hui, le poids des procédures neutralise la créativité et la richesse des hommes. Dans ces conditions, en effet, comment nos concitoyens peuvent-ils avoir le sentiment d'être compris et entendus par les représentants politiques qu'ils ont choisis ? Comment l'usager, le citoyen, peut-il apprécier en connaissance l'étendue de ses droits et devoirs ? Comment l'entreprise peut-elle de manière éclairée entrevoir son développement ? Comment, enfin, les fonctionnaires peuvent-ils consacrer toute leur énergie et toutes leurs compétences à l'essentiel alors qu'ils sont inutilement dépassés par les procédures paperassières ?
    Pourtant, nous nous souviendrons peut-être l'année prochaine qu'il y a deux siècles s'écrivait le code civil de 1804 qui reste le fondement de notre droit moderne ; notre pays peut, à juste titre, se flatter d'une double tradition d'efficacité administrative et de clarté juridique qui fonde l'universalisme de son droit ; vous conviendrez avec moi, mesdames et messieurs les députés, que sur ce dernier point notre récente pratique ressemble à une lente dérive.
    La complexité de notre droit auquel se superpose aujourd'hui le droit européen et celle des procédures qui y sont attachées sont un frein à l'efficacité de l'action publique ; la réglementation enserre la vie des Français dans une sorte de carcan qui, par malheur, les fait aujourd'hui douter de l'efficacité et de la pertinence de l'action publique. Il faut réagir, c'est le sens du texte que nous vous soumettons aujourd'hui.
    Ce texte répond à l'exigence du Président de la République selon lequel « la réforme de l'Etat doit être menée sous le triple signe de l'efficacité, de la proximité et de la simplicité ». Il répond aussi à l'exigence formulée par le Premier ministre qui, devant vous, dans son discours de politique générale, soulignait le fait que « la vie des Français est devenue trop compliquée » pour ajouter que la première mission de ce gouvernement serait de simplifier son existence.
    Ce projet a aussi pour but de contribuer à simplifier le travail de celles et ceux qui ont pour mission de défendre l'intérêt général. Les fonctionnaires de la République auront tout à gagner de cette réforme, parce qu'ils sont, en effet, les premières victimes de la complexité de notre droit, complexité qui les détourne de leurs tâches essentielles, quand elles ne les oblige pas à devenir les exégètes ou les interprètes de la règle de droit. J'observe d'ailleurs que l'exaspération de nos concitoyens se reporte naturellement sur eux, alors même qu'ils ne font qu'appliquer des mesures parfois incompréhensibles, ou pire, inapplicables.
    Les fonctionnaires ne doivent pas avoir peur de la réforme. La défense du service public passe par la simplification des tâches. L'action publique est le partenaire privilégié de l'initiative privée. J'ajoute que cet exercice de simplification, auquel contribuent de très nombreux ministères, qui ont inspiré et alimenté ce projet, constitue une excellente source de nouvelles maîtrises de la dépense publique car, comme partout, ce qui est plus simple est moins coûteux et fait gagner du temps.
    Entendons-nous : que l'on ne nous fasse pas de procès en nous accusant de vouloir masquer des réductions d'effectifs derrière l'idée de simplification. On ne simplifie pas pour réduire les effectifs, mais pour supprimer le temps perdu, les missions redondantes, les procédures interminables. Le temps est souvent gâché dans des réunions où le paraître est plus important que le faire. N'accusons pas les fonctionnaires des lenteurs, ce sont les procédures qui sont en cause.
    Nous devons répondre aussi, et peut-être surtout, aux nouvelles exigences qui se dessinent derrière l'idée d'une administration moderne, exclusivement centrée sur les besoins des usagers, des citoyens, des contribuables. La simplification renforce et garantit l'attractivité des missions des fonctionnaires.
    Quelles sont ces exigences ?
    La première est la proximité. La nouvelle décentralisation voulue par le Premier ministre et son corollaire, la déconcentration, rendent nécessaires une simplification des démarches pour le citoyen, une meilleur efficacité dans le traitement des dossiers et la réduction des délais de traitement.
    La deuxième exigence est la confiance et la citoyenneté. Faire confiance, c'est responsabiliser. Et responsabiliser, c'est construire la citoyenneté. Ce sont les règles de base de la vie sociale. Il faut que l'Etat fasse davantage confiance aux Français afin que ceux-ci fassent à nouveau confiance à l'autorité publique. C'est pourquoi nous voulons inverser la charge de la preuve, créer une présomption de nationalité française ou faciliter le vote par procuration. Cette loi est un contrat de confiance entre l'administration centrale et ses fonctionnaires, entre l'Etat et ses citoyens.
    La troisième exigence est la clarification des responsabilités. Le citoyen, l'artisan, l'entrepreneur n'ont pas à subir les effets de la complexité de l'organisation administrative ; les fonctionnaires non plus, je sais aujourd'hui pouvoir compter sur eux pour y parvenir. Les fonctionnaires, les agents de l'administration publique doivent aussi être les acteurs de la simplification.
    La quatrième exigence est la performance. Elle contribue au paradoxe de notre service public : alors qu'il est capable des plus extraordinaires prouesses pour sauver des vies humaines, garantir notre sécurité ou construire un ouvrage d'art, il est parfois incapables de répondre dans des délais normaux à une demande ou tout simplement d'accueillir convenablement un usager à un guichet.
    Il faut aujourd'hui aller vite et répondre à ce qui est une urgence. Le Gouvernement vous demande de l'autoriser à prendre, pour l'exécution d'un programme précis, et dans une durée limitée, des mesures qui relèvent du domaine de la loi. Je souhaite à cet égard que la représentation nationale ne soit pas exclue de l'élaboration des ordonnances, bien au contraire.
    M. Marc Laffineur. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je propose un véritable contrat à celles et ceux qui doutent de l'efficacité de cette méthode. Je les invite à devenir les acteurs de la réforme en vérifiant que le principe de simplification soit l'alpha et l'oméga de celle-ci.
    J'entends déjà poindre les critiques et je peux les comprendre. Elles sont de plusieurs nature.
    Les premières portent sur le principe même des ordonnances. « Elles dénaturent le travail parlementaire et constituent le meilleur moyen pour le pouvoir exécutif d'échapper au contrôle de la représentation nationale en la réduisant à sa plus simple expression », nous objectera-t-on.
    Les secondes portent sur l'étendue de l'habilitation qui vous est démandée aujourd'hui. On qualifiera ce projet de « texte fourre-tout » rassemblant des sujets complexes et très différents les uns des autres, laissant au pouvoir administratif tant de latitude que celle-ci s'appartente à un blanc-seing. Eh bien non ! il n'y aura pas de blanc-seing. Il nous faut dépasser les peurs d'antan pour adopter une nouvelle attitude.
    Les Françaises et les Français réclament le changement, notamment celui de la culture politique. Ils ont placé leur confiance en nous. Nous avons par conséquent une obligation de résultat.
    M. François Sauvadet. C'est vrai !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ce projet de loi est un moyen d'y parvenir, non une fin en soi.
    J'ai donc clairement demandé à Henri Plagnol de s'entourer, à l'issue de ce débat, d'une commission ad hoc composée de parlementaires et chargée de suivre avec exactitude, ordonnace par ordonnance, le bon déroulement de la réforme. L'opposition y aura d'ailleurs toute sa place car la réforme de l'Etat exige que nous dépassions les clivages partisans.
    La méthode qui nous a guidés et qui continue de nous animer est bien celle de l'écoute au plus près du terrain. Que nos interlocuteurs soient élus, fonctionnaires ou usagers, tous s'accordent sur la nécessité de simplifier la vie des Françaises et des Français.
    Je dirai quelques mots de la méthode.
    Aujourd'hui, ce projet de loi délimite le champ des mesures de simplification et fixe pour chacune d'elles leur objet. Ces ordonnances devront être prises d'ici au début de l'année 2004. Les mesures seront précisées au fur et à mesure de la rédaction des ordonnances confiées aux ministres concernés.
    Un second projet de loi d'habilitation sera présenté à l'automne. Il comprendra notamment des mesures techniques proposées par les ministres chargés de l'agriculture, de l'équipement et de l'écologie, ainsi que des mesures fiscales et sociales.
    Par la suite, la volonté du Gouvernement de maintenir un rythme constant et soutenu de simplification, devrait se traduire par le vote chaque année, au minimum, d'une nouvelle loi d'habilitation qui couvrira de nouveaux thèmes.
    Le Gouvernement sollicite en outre l'autorisation de rédiger quatre nouveaux codes selon la technique du droit constant : ceux du patrimoine, de la recherche, du tourisme et de l'organisation judiciaire. Le projet prévoit aussi la rédaction de quatre nouveaux codes à droit non constant, c'est-à-dire en intégrant aussi la simplification du fond de la matière. Il s'agit des codes des propriétés publiques, préparé par Francis Mer, de l'artisanat, préparé par Renaud Dutreil, de la défense par Michèle Alliot-Marie, ainsi que de la révision du code monétaire et financier.
    J'en viens maintenant au contenu.
    Le premier train d'ordonnances s'articule en cinq axes majeurs.
    Il s'agira, en premier lieu, de moderniser les relations entre l'administration et les Français. Nous entendons, premièrement, abréger les délais - les administrations devront s'engager sur celui qu'elles prendront pour statuer. Cela répond notamment, à une forte demande des élus locaux et des entreprises, deuxièmement réduire le nombre des commissions administratives - elles sont aujourd'hui... 221 ! Il faut s'interroger sur leur raison d'être et recentrer leurs priorités pour qu'elles soient le lieu d'une véritable concertation efficace -, troisièmement, en actualiser les informations afin que l'usager n'ait pas à présenter plusieurs fois les mêmes pièces, quatrièmement, faire confiance aux Français, en les responsabilisant - des déclarations sur l'honneur seront substituées aux justificatifs en contrepartie des procédures de contrôle a posteriori - cinquièmement, enfin, moderniser les règles d'entrée en vigueur des lois.
    Il s'agira en deuxième lieu de simplifier les démarches administratives de la vie quotidienne : assouplir le vote par procuration en acceptant désormais la déclaration sur l'honneur, et ne plus exiger des pièces souvent impossibles à fournir ; simplifier le régime des élections professionnelles, et notamment les prud'homales ; créer une présomption de nationalité française pour nos compatriotes nés à l'étranger ; établir un guichet unique pour le permis de chasser ; unifier le minimum vieillesse, en réduisant les éléments de calcul - neuf organisés en deux étages - à une allocation unique.
    M. Jean-Claude Lemoine. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. En troisième lieu, il nous faut simplifier la vie des entreprises : expérimenter la création d'un titre unique emploi simplifié et d'un guichet unique pour certaines professions ; harmoniser et réduire les cas d'exonération de cotisations sociales, alors qu'il existe aujourd'hui trente-six régimes différents !
    En quatrième lieu, nous devons encore simplifier l'organisation et le fonctionnement du système de santé, en facilitant la mise en oeuvre du plan Hôpital 2007 grâce à une simplification des procédures d'investissement public qui entraînera une accélération des délais de réalisation et une diminution des coûts et grâce à un allégement de la planification hospitalière et à une coopération sanitaire rendue plus large et plus efficace.
    En cinquième lieu, la modernisation de l'équipement public exige l'adaptation de la commande publique grâce au renouveau du partenariat public-privé. Nous souhaitons simplifier le code des marchés publics en nous alignant sur les règles européennes et en éliminant les contraintes d'origine nationale et favoriser le recours au partenariat public-privé, en autorisant notamment la conclusion de contrats globaux - conception/réalisation/maintenance - et le recours au crédit-bail.
    Mais, me direz-vous sans doute, le Gouvernement doit-il limiter son action à la seule simplification des textes en vigueur ? Ne doit-il pas, ne devons-nous pas tous ensemble réfléchir à une action sur les causes de la prolifération normative ?
    M. François Sauvadet. Excellente question !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. N'est-il pas nécessaire de prévenir la renaissance des dérives que nous combattons aujourd'hui ?
    M. François Sauvadet. Ça, c'est une très bonne question !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. En d'autres termes, il convient de revenir à la source en nous demandant : Comment mieux légiférer ? Comment mieux gouverner ?
    Le Premier ministre, vous le savez, est attaché à l'idée d'une meilleure régulation et d'une meilleure gouvernance. Les administrations et les parlementaires doivent, avant d'élaborer de nouveaux textes, imaginer une nouvelle méthode de travail : la norme proposée est-elle vraiment utile ? N'existe-t-il pas des alternatives ? Son application sera-t-elle rapide et peu coûteuse ?
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. L'évaluation et le contrôle doivent donc devenir les fils directeurs de l'action publique. Il nous faut envisager d'évaluer les textes un an après leur entrée en vigueur et veiller enfin à ce que les décrets soient publiés dans les plus brefs délais afin que le Gouvernement ne s'attribue point une sorte de droit de veto inconstitutionnel sur les délibérations parlementaires.
    La réforme de l'Etat ne doit plus être pour nos concitoyens une notion abstraite ; chacun doit pouvoir la définir, la ressentir, en connaître les contours. Seuls des objectifs communs à l'Etat, aux usagers, aux fonctionnaires, aux entreprises en garantiront l'efficacité.
    Sensibilisons nos concitoyens en répondant à leurs attentes, ne négligeons pas la simplification des démarches administratives qui, je le rappelle, est, à entendre les Français, l'axe prioritaire de la réforme de l'Etat.
    Je voudrais enfin remercier toutes celles et ceux qui ont répondu à l'appel lancé par Henri Plagnol et moi-même, citoyens, fonctionnaires, préfets, parlementaires, qui ont apporté leur contribution. Grâce à la mobilisation de tous, la réforme de l'Etat n'est plus un slogan. Mes remerciements s'adressent également à Henri Plagnol et à toute son équipe pour l'énorme travail qu'ils ont fourni à écouter, entendre, évaluer, discuter, arbitrer afin de nous présenter aujourd'hui un texte qui, à l'évidence, donne tout son sens à cette réforme de l'Etat dont on parlait tant et que tout le monde attend.
    Tous les choix qui vous sont proposés s'appuient sur le bons sens. Cette loi ne nous appartient pas ; elle vous appartient à vous, qui avez été si nombreux à soutenir notre démarche de simplification de la vie, de notre vie. Merci pour toutes vos contributions : grâce à vos réflexions, la réforme est en marche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le  rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Etienne Blanc, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, mes chers collègues, la simplification de notre droit est une ambition ancienne. Elle résulte d'un constat : nos règles de droit trop nombreuses, trop complexes, donnent au corpus juridique une image brouillée, voire brouillonne.
    La Revue du droit public a publié récemment, sous la signature de M. Etienne Grass, une étude dont l'objet est de décompter, si tant est que cela soit possible, le nombre de lois qui nous régissent. L'auteur rappelait que les juristes les plus avertis de notre pays s'y étaient parfois fourvoyés.
    L'exercice est complexe et ses résultats aléatoires. Non seulement le nombre de lois en vigueur est difficilement appréciable, mais leur volume est malaisé à évaluer. Ce que l'on peut affirmer avec certitude, c'est que notre pays connaît sur ce plan une inflation en nombre comme en volume. Le lexique et les citations qui permettent de décrire cette situation sont particulièrement riches : prolifération, pléthore, décadence et vicissitude, invasion et pollution, pathologie et inflation... On les retrouve sous la signature des juristes les plus éminents ou des responsables politiques les plus reconnus. En ce sens, ils ne font que reprendre l'analyse de Jean Portalis : « La loi gouverne mal, lorsqu'elle gouverne trop. »
    Donner à l'Etat les moyens de mieux gouverner passe par une réforme profonde de notre législation. Les Français l'ont bien compris et ils l'attendent. Ils demandent une clarification et une simplification du droit. Ils demandent des lois qui posent des principes forts et connus de tous, non des textes qui régissent des détails au point de faire perdre à la loi le sens de l'essentiel. Ils savent qu'une démocratie moderne doit permettre à chacun, quel que soit son niveau de formation, sa culture ou sa situation sociale, d'appréhender les règles de droit qui nous régissent.
    On peut afficher le principe d'égalité devant la loi au frontispice de nos édifices publics. Mais quel sens peut-on lui donner si le plus grand nombre ne peut y accéder et appréhender facilement les lois qui nous gouvernent ? C'est à ce véritable défi que tente de répondre la loi d'habilitation du Gouvernement visant à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit. Ce n'est certes pas un aboutissement, mais c'est une étape très significative.
    Ce texte, tout en s'efforçant de rester simple, présente trois aspects :
    Pour commencer, il pose quelques principes généraux. Je voudrais appeler votre attention sur six d'entre eux.
    Il permet d'habiliter le Gouvernement à mettre en place les dispositifs qui obligent les administrations à donner le délai de réponse aux sollicitations qui leur sont faites. L'administration se voit ainsi appliquer une contrainte qui la rendra plus attentive, mais surtout plus proche des administrés.
    La loi d'habilitation permettra de multiplier les procédures de déclaration en supprimant les régimes d'autorisation. L'autorisation en elle-même implique contrôles, justificatifs et démarches multiples. Les déclarations privilégient quant à elles l'engagement sur l'honneur de l'administré et mettent en oeuvre un contrôle a posteriori de l'administration, voire des contrôles ponctuels.
    De même, la loi obligera les administrations à mutualiser les informations qui leur seront transmises, c'est-à-dire à se communiquer en constituant des réseaux d'information, les renseignements fournis par les particuliers ou les entreprises.
    La loi d'habilitation permettra ensuite de supprimer un grand nombre de commissions administratives créées dans chaque département. Ces commissions trop nombreuses complexifient inutilement le fonctionnement de l'administration et surtout retardent les décisions attendues par les administrés.
    Il vous est également proposé d'habiliter le Gouvernement à simplifier le code des marchés publics en tenant compte des directives européennes applicables dans ce domaine. La création d'un nouvel outil juridique en permettant d'associer les secteurs publics et privés pour relancer la commande publique, aura, outre le mérite de faciliter l'investissement public, celui de lever les incertitudes juridiques qui résultent du chevauchement des contrats qualifiés de marchés publics avec les délégations de service public.
    Enfin, le Gouvernement sera habilité à mettre un terme aux formalités trop souvent humiliantes pour les Français nés à l'étranger alors qu'ils ont tout lieu de se prévaloir de l'état de citoyen français. Une procédure simplifiée leur permettra d'obtenir les pièces justifiant de la nationalité française et les documents d'état civil y afférents.
    En deuxième lieu, ce texte aborde toute une série de points techniques répertoriés par les divers ministères comme constituant des points de blocage ou suscitant des complexités bien inutiles. Ont ainsi été pointées les formalités imposées tant aux usagers bénéficiaires de prestations sociales qu'à ceux qui sollicitent l'obtention du permis de chasser, ou encore aux candidats aux élections et les modalités de leur organisation. C'est toute la complexité que nous connaissons dans l'organisation administrative et le fonctionnement du système de santé ou dans l'organisation des élections non politiques aux chambres de commerce et d'industrie ou aux chambres des métiers. Les mesures de simplification et de clarification relevant des ordonnances toucheront des domaines aussi divers que le droit du tavail, les prestations sociales ou le droit électoral et bien d'autres. On relèvera que tous ces aménagements ont un caractère technique.
    En troisième lieu, le projet de loi propose d'amplifier et d'accélérer le processus de codification. En présentant le code civil devant le Conseil d'Etat, Jean Portalis relevait : « Entre la loi et le peuple pour qui elle est faite, il faut un moyen de communication car il est nécessaire que le peuple sache ou puisse savoir que la loi existe et qu'elle existe comme loi ». Le projet de loi d'habilitation proposera de ratifier plusieurs codes et d'habiliter le Gouvernement à codifier dans de nouveaux domaines. C'est tout un travail de clarification, qui se poursuit, mais en s'amplifiant.
    En procédant par voie d'ordonnances, en application des dispositions de l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement marque sa volonté de hâter le mouvement de simplification et de clarification du droit. Chacun aura noté que les mesures proposées, elles aussi d'ordre essentiellement technique, ne dépossèdent pas le Parlement de l'examen de sujets essentiels qui mériteraient des débats de fond.
    Au demeurant, rappelons que l'article 38 de la Constitution garantit les droits fondamentaux du Parlement en imposant la procédure de ratification des ordonnances par l'Assemblée, le fameux droit de suite.
    La volonté réformatrice du Gouvernement dans le domaine de la simplification et de la codification de notre droit est ici parfaitement illustrée : ce projet de loi d'habilitation, par son ampleur, est sans précédent dans l'histoire de la Ve République. La diversité des sujets abordés dans ses vingt-neuf articles démontre la volonté de réforme, de simplification et de clarification du droit dont fait preuve le Gouvernement pour rapprocher l'Etat et les Français.
    La commission des lois a noté avec satisfaction, d'une part, la volonté du Gouvernement de présenter annuellement une loi de simplification, d'autre part, l'opportunité que présente la modification en cours du règlement de l'Assemblée nationale pour créer, en application de son article 145-1, une mission d'évaluation dont l'objet pourrait être le suivi des ordonnances et plus généralement des actions de simplification. La méthode est bonne, elle répond à une profonde attente du peuple français et à l'une de ses exigences les plus urgentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Exception d'irrecevabilité

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Jérôme Lambert.
    M. Jérôme Lambert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis appelle de nombreuses réflexions que j'entends vous livrer en défendant cette exception d'irrecevabilité devant notre assemblée.
    De prime abord, l'examen d'un projet de loi portant sur une simplification des démarches administratives et sur la codification du droit ne devrait pas être de nature à poser des problèmes politiques ou juridiques insurmontables. C'est pourtant la situation devant laquelle nous nous trouvons avec l'examen de ce projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier et codifier le droit par ordonnance.
    Pour quelles raisons entendons-nous nous opposer résolument à ce texte ?
    En premier lieu, il y a la méthode choisie par le Gouvernement. Après l'usage de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour interdire tout débat parlementaire sur les modifications de la loi électorale,...
    M. Jean-Claude Lemoine. Allons !
    M. Jérôme Lambert. ... le Gouvernement entend user aujourd'hui de l'article 38...
    M. Jean Leonetti. Cela n'a rien à voir !
    M. Jérôme Lambert. ... qui permet au Gouvernement de modifier les lois par la voie des ordonnances, et contraint du même coup le Parlement à se retirer du débat sur les réformes envisagées.
    Le terme « ordonnance » sonne mal, comme une injonction faite au législateur. Cela signifie somme toute que le Gouvernement entend agir en ordonnant ses lois au Parlement plutôt que de les lui soumettre en lui demandant de les examiner et de les approuver dans le cadre normal du travail législatif et du débat démocratique. Ce faisant, le Gouvernement use d'une symbolique forte qui démontre, une fois encore, le peu de respect qu'il porte à l'Assemblée et à ses élus.
    Certes, dans le passé, tous les gouvernements ont présenté des lois d'habilitation.
    M. Jean Leonetti. C'est bien de s'en rappeler !
    M. Jérôme Lambert. Dans la précédente législature, le gouvernement d'alors avait lui-même utilisé cette procédure.
    M. Pierre-Louis Fagniez. Et ce n'était pas celui-là !
    M. Jérôme Lambert. Mais les raisons pour lesquelles il avait demandé au Parlement de se dessaisir étaient justifiées par l'urgence...
    M. Marc Le Fur. Là aussi, il y a urgence !
    M. Jérôme Lambert. ... - ainsi en a-t-il été de l'introduction de directives européennes déjà anciennes dans notre codification - ou par la simple nécessité d'harmoniser des lois déjà existantes - ce fut le cas pour l'adaptation à l'outre-mer de lois déjà en vigueur en métropole.
    Or la démarche du Gouvernement ne présente cette fois-ci aucun caractère d'urgence et ne saurait pas davantage s'apparenter à une simple harmonisation. Sa demande d'user de la voie des ordonnances ne se justifie donc en rien. Nous pouvons donc légitimement nous demander pourquoi une telle procédure nous est imposée.
    M. Pierre-Louis Fagniez. Pour soigner l'Etat !
    M. Jérôme Lambert. L'examen de quelques-uns des articles du projet de loi pourra apporter des réponses à cette question.
    Sous l'apparence de la simplification des démarches administratives, publiquement mise en avant par le Gouvernement, se cache en effet une volonté de se donner les moyens de procéder à la modification de législations très sensibles sans que le Parlement et, dans certains cas, les partenaires sociaux, puissent être associés tout à fait légitimement et démocratiquement à la réflexion et à la décision.
    Si certaines dispositions de ce projet de loi portent sur des simplifications de portée générale avec lesquelles il aurait été possible d'être le plus souvent en accord, sous réserve des moyens donnés à l'administration pour procéder aux contrôles désormais rendus nécessaires, la plupart des chapitres recèlent de nombreuses mesures qui ne peuvent qu'appeler notre vigilance, notre critique et souvent notre opposition. Les exemples ne manquent pas.
    Tout à l'heure, le ministre Delevoye indiquait que ce projet de loi avait pour but de réformer l'Etat. Mais votre texte porte aussi sur le droit social, sur le droit des sociétés commerciales, sur le droit du travail, etc. Quelle confusion et, finalement, quelle tromperie !
    De surcroît, aucune des dispositions prévues ne nécessite des mesures d'urgence incompatibles avec un calendrier parlementaire. Le Gouvernement s'est d'ailleurs ménagé, dans son projet de loi, une période allant généralement de douze à dix-huit mois pour prendre les ordonnances qu'il souhaite. Des lois ordinaires auraient largement eu le temps d'être débattues dans un tel délai, pour peu que vous ayez manifesté une réelle volonté politique de jouer la transparence et la concertation. Si tel avait été le cas, les dispositions ne posant pas problème - il y en a - auraient été très rapidement adoptées sans opposition de notre part et dans un esprit tout à la fois réformateur et constructif. Sous la précédente législature, nous avions, dans un large consensus, adopté des mesures nouvelles de simplification administrative.
    La procédure des ordonnances ne peut donc s'expliquer que par le désir de légiférer hors du contrôle du Parlement dans certains domaines à nos yeux particulièrement sensibles. Nous ne pouvons que rejeter de telles pratiques et nous opposer à l'adoption de cette loi, qui tend à dessaisir le Parlement de son pouvoir de contrôle a priori de la législation, car le contrôle a posteriori auquel nous renvoie la procédure des ordonnances n'est qu'un leurre : le seul dépôt du projet de loi de ratification, sans qu'il soit nécesssaire d'examiner ni de le voter, suffit à satisfaire aux obligations constitutionnelles pour donner à des ordonnances le caractère de textes législatifs pleinement opérants.
    Dans de telles conditions, nous n'avons d'autre solution que de nous opposer dès aujourd'hui à des dispositions que le Gouvernement entend nous imposer en catimini, en nous appuyant sur les arguments que je vais maintenant vous développer plus précisément.
    Dans sa très récente décision, le Conseil constitutionnel vient de vous rappeler durement à la réalité démocratique, monsieur le secrétaire d'Etat, en vous censurant et en vous imposant fort justement le respect des procédures en vigueur dans un Etat de droit.
    Dans sa précipitation, contre l'avis de presque tous et avec le seul soutien du parti hégémonique de la majorité, le Gouvernement voulait nous imposer de nouvelles règles électorales injustes qui auraient renforcé le sentiment de rejet que peuvent avoir les Français à l'égard de certains comportements politiques. Malheureusement, force est de constater que ces comportements reviennent en force, depuis que tous les leviers de l'appareil de l'Etat sont aux mains et sous le contrôle d'une formation partisane unique. Cette hégémonie que vous exercez vous a fait oublier jusqu'au respect que vous devez porter à nos règles démocratiques et à nos institutions. Ce que vous avez fait avec la loi réformant les modes de scrutin n'était pas seulement une erreur de droit, mais une faute politique : vous venez d'ailleurs d'être censurés pour ne pas avoir respecté le fonctionnement de nos institutions, avec un rappel sévère, dans les considérants du Conseil constitutionnel,...
    M. Jean-Claude Lemoine. En politique, ça se décide dans les urnes !
    M. Jérôme Lambert. ... sur la nécessité d'édicter des règles garantissant le pluralisme. C'est bien le moins !
    M. Jean Leonetti. Vous vous trompez de débat ! Celui-là a eu lieu cet après-midi !
    M. Marc Le Fur. Ce n'est pas à l'ordre du jour, monsieur le président !
    M. Jérôme Lambert. En ayant voulu bafouer ces principes, vous avez donné un bien mauvais exemple au pays, à l'heure où vous prônez la tolérance zéro pour tous ceux - les autres - qui oublient ou violent les règles de droit. Vous venez d'être pris la main dans le sac, en flagrant délit de tentative de violation de la démocratie. Aujourd'hui, vous vous apprêtez purement et simplement, à récidiver.
    M. Xavier de Roux. Rien que ça !
    M. Jérôme Lambert. Je ne vous le fais pas dire !
    Vous avez utilisé l'article 49-3 pour vous affranchir de tout débat parlementaire à l'Assemblée nationale. Vous avez voulu faire passer dans la précipitation et en force un texte bafouant nos règles de respect du pluralisme politique.
    Ce comportement, qui est dicté par des intérêts politiques - ceux du parti hégémonique de votre majorité -, peut parfaitement s'apparenter à une vision totalitaire, à un aveuglement, devrais-je dire, qui ne correspond en rien à la réalité démocratique française. Or, vous réitérez votre erreur en écartant le Parlement de la discussion de la loi, en abusant de l'article 38 de la Constitution. C'est une faute politique grave, car, après le mépris que vous aviez affiché vis-à-vis des opinions opposées à votre projet de loi sur la réforme des scrutins - et bien vous en a pris -, vous voulez imposer aujourd'hui au Parlement qu'il vote son propre dessaisissement en acceptant le recours à la procédure des ordonnances prévue à l'article 38. Après avoir affiché votre mépris, vous voulez contraindre le Parlement au hara-kiri.
    La procédure d'habilitation constitue en effet, pour le Gouvernement, un moyen de légiférer par une voie autre que celle du Parlement. Vous en justifiez l'usage, monsieur le rapporteur, « lorsque les circonstances ou la nature de la matière en cause rendent ce biais plus adéquat ».

    De quelles circonstances s'agit-il donc, en l'espèce ? Sommes-nous, comme cela a pu se produire dans le passé, devant une urgence telle que la voie des ordonnances se justifie ? Ce fut le cas avec la loi du 3 janvier 2001 portant habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnances des directives européennes déjà anciennes : notre pays se trouvait alors au quatorzième rang des quinze pays de l'Union pour la transposition des directives adoptées par les institutions européennes. Mais, en l'espèce, où est l'urgence ? Le Gouvernement feint de la voir, mais, en réalité, elle ne s'impose pas ; elle résulte seulement d'un choix politique et n'est aucunement justifiée en droit.
    Du reste, si les très nombreuses matières traitées par ce projet avaient véritablement un caractère d'urgence, pourquoi le Gouvernement s'accorderait-il, par les dispositions de sa propre loi, un délai pouvant aller de douze à dix-huit mois, suivant les matières, pour rédiger ses ordonnances et déposer les projets de loi de ratification les concernant ?
    Vous êtes au pouvoir depuis près d'un an : si les sujets traités nécessitaient des dispositions urgentes, à l'heure où nous parlons, vous auriez été en mesure de nous présenter les textes des ordonnances que vous auriez l'intention d'adopter. Or vous voulez vous accorder encore des mois de répit pour rédiger et déposer ces ordonnances. Vous proposez même aux parlementaires intéressés de les associer à votre réflexion et à la rédaction des ordonnances - M. le ministre l'a dit lors de son audition devant la commission des lois et l'a répété tout à l'heure à la tribune. Qui peut le plus peut le moins !
    Manifestement, il n'y a pas urgence, mais puisque vous souhaitez associer des députés après les avoir dessaisis, pourquoi vous affranchir de la procédure législative ordinaire, qui aurait parfaitement atteint cet objectif et aurait permis - n'en doutons pas puisque c'est généralement le cas - de l'enrichir ?
    Si vraiment vous aviez considéré que ces textes étaient urgents, vous auriez pu introduire une procédure d'urgence qui aurait permis une adoption rapide, mais après un véritable débat au Parlement.
    Mais sans doute votre réflexion n'est-elle pas encore totalement aboutie, et plutôt que de nous présenter une loi ordinaire traitant, au fond, de vos très diverses propositions, vous nous présentez, avec cette loi d'habilitation, des thèmes très divers et, pour beaucoup d'entre eux, totalement imprécis, masquant parfois vos véritables intentions.
    Vous voulez nous faire croire qu'en usant de cette procédure vous feriez le choix de l'efficacité, comme l'affirme notre rapporteur dans son rapport. Est-ce à dire, alors, que la procédure législative ordinaire n'est pas efficace ? Dans quelle estime tenez-vous le travail du Parlement ? Ne pouvons-nous voter des lois, efficacement, en les discutant préalablement et en y apportant le concours de notre réflexion et de nos amendements ? Cette efficacité que vous prétendez rechercher veut, en réalité, jeter un masque sur les nombreux sujets qui figurent dans cette liste d'habilitation et sur lesquels les décisions ne sont pas encore arrêtées - belle efficacité que vous manifestez là, au bout d'un an de réflexion sur la réforme de l'Etat. Plus encore, cette prétendue efficacité veut, en fait,s'affranchir bel et bien du débat démocratique pour parvenir, sans publicité, dans le secret des cabinets ministériels et de la haute administration, à changer certaines lois dont la discussion, dans cette enceinte, pourrait à juste titre émouvoir l'opinion publique, compte tenu des choix politiques que vous allez continuer de faire, comme toujours, favorisant certaines catégories de Français, au mépris de tous les autres.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Eh bien !
    M. Jean Leonetti. C'est caricatural !
    M. Jérôme Lambert. C'est encore le règne absolu de la technocratie : vos entourages, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vont faire les lois au-dessus du Parlement, alors que nous ne cessons, dans tous nos discours et sur tous ces bancs, de dénoncer cette pratique !
    Il n'y a, en fait, aucune urgence, mais simplement la volonté d'ordonner tranquillement, hors de tout débat, certaines lois nouvelles que vous voulez imposer aux Français.
    Votre projet de loi comporte des sujets sur lesquels nous aurions pu, sans doute, tomber d'accord dans le cadre d'un examen ordinaire,...
    M. Jean Leonetti. Ça nous aurait étonné !
    M. Jérôme Lambert. ... d'autant que nous aurions pu avoir, alors, toutes les précisions utiles et apporter notre concours à l'amélioration de votre texte. Mais ce n'est pas le débat que nous avons aujourd'hui, puisque vous l'avez refusé en recourant à la méthode que vous savez.
    Les quelques bonnes idées mises en avant pour assurer la publicité de votre projet ne visent qu'à masquer le flou et la menace d'un grand nombre des dispositions que vous avancez.
    Vous espérez que l'habilitation vous laisse les mains libres pour nous imposer votre loi, hors du contrôle du Parlement - où vous disposez pourtant d'une majorité écrasante - et d'une opposition vigilante. C'est, semble-t-il, ce qui vous empêche de faire la loi en suivant laprocédure ordinaire. Vous essayez d'user de tous les subterfuges permis par nos textes en les détournant parfois -  comme en l'espèce - de leur objet, pour vous affranchir du contrôle normal que le Parlement exerce par la discussion des textes de loi : c'était, hier, l'usage de l'article 49-3 et, aujourd'hui, celui de l'article 38. Nous avons pu constater les résultats de cette méthode avec l'article 49-3, et je peux vous assurer qu'il en ira de même avec l'usage abusif de l'article 38 que vous souhaitez faire aujourd'hui.
    Cet usage est abusif car il n'y a aucune urgence, et parce que, contrairement à ce que nous avons pu connaître dans le passé, il ne s'agit pas simplement de permettre l'application de lois déjà débattues dans cette enceinte, mais bien de changer des lois, en vous affranchissant, si possible, de toute discussion à leur propos. Ainsi, dans le passé, nous avons pu permettre, par exemple, l'application en outre-mer de certaines dispositions légales qui n'avaient pas toujours été prévues, par erreur ou omission, dans la rédaction initiale des lois. Mais cela n'a rien à voir avec ce que vous nous proposez aujourd'hui dans cette loi d'habilitation, qui ne ressemble en rien, par ses justifications, à ce que nous avons pu connaître dans le passé.
    Oui, c'est un blanc-seing que vous voulez obtenir du Parlement, car la rédaction imprécise de nombreux articles est faite pour masquer les véritables intentions du Gouvernement et ne permet en rien d'encadrer la procédure, contrairement à ce qu'exige le Conseil constitutionnel.
    Ainsi, je dois rappeler ou indiquer à ceux qui ne le sauraient pas encore - car, pour certains d'entre nous, l'examen d'un tel texte est une première -, que, selon le Conseil constitutionnel, le Gouvernement est tenu « d'indiquer avec précision au Parlement (...) pour la justification de la demande d'habilitation présentée par lui, quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre ». Le Conseil constitutionnel n'a cessé de répéter cette nécessité : « Ce texte doit être entendu comme faisant obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre et leurs domaines d'intervention. »
    Or, nombreuses sont les dispositions de cette loi qui n'ont aucune finalité précise, ce qui, d'emblée, trahit leur caractère anticonstitutionnel. Je me permettrai de citer quelques exemples significatifs.
    Ainsi, l'alinéa 3 de l'article 5 est ainsi conçu : « Simplifier les démarches des usagers en allégeant ou supprimant des formalités de déclaration ou de paiement de certains impôts ». Si nous autorisons le Gouvernement à agir par ordonnance dans ce domaine, il pourra en vertu de cette formule totalement générale et imprécise, qui recouvre la quasi-totalité du champ fiscal, supprimer n'importe quel impôt. Cela prépare-t-il le coup de grâce que vous voulez donner à l'ISF ou à l'impôt sur les sociétés ?
    Même si, aujourd'hui, vous nous assurez du contraire, l'habilitation que vous nous demandez vous permettrait de faire n'importe quoi. Jusqu'à présent, mes chers collègues, le Conseil constitutionnel n'a jamais admis cette façon de faire, et je ne pense pas qu'il change d'avis demain si nous adoptons ce texte.
    Toujours à l'article 5, l'alinéa 4 est ainsi rédigé : « Simplifier et alléger les modalités de recouvrement de l'impôt par l'administration fiscale ». Qu'est-ce à dire ? Le vote d'une telle disposition pourrait permettre au Gouvernement de procéder, sans aucun débat, à la réforme de l'administration fiscale. Pourquoi ne pas directement déclarer vos intentions dans ce domaine ? Les services du ministère manifestent déjà fortement leur inquiétude face aux réformes que vous avez lancées - je pense notamment aux réformes en cours à la DGCCRF et aux annonces fracassantes de M. Mer sur le non-renouvellement des fonctionnaires partant à la retraite. Nous ne pouvons qu'être inquiets pour l'avenir si vous vous dégagez du contrôle continu du Parlement. Le Parlement, les partenaires sociaux, les élus et les citoyens, ne sont-ils pas en droit de connaître vos intentions réelles ?
    Dans le domaine électoral, l'article 12 prévoit une habilitation pour assouplir les conditions d'exercice du vote par procuration. Fort bien ; mais, lors de la discussion en commission des lois, nos débats ont porté sur la possibilité accordée aux municipalités de délivrer les procurations et d'en contrôler l'usage. La précision est de taille et laisse entrevoir le danger que votre projet fait courir pour l'exercice même de la démocratie. Si, demain, les élus ont le pouvoir de délivrer les procurations, ils seront alors « juges et parties ». Cette situation est moralement inacceptable et potentiellement porteuse de graves dérapages, un député UMP l'a remarqué en commission des lois.
    Que vous le vouliez ou non, en raison de son étendue et de l'absence d'indication des intentions du Gouvernement, le projet de loi d'habilitation aboutira à une forme de loi d'exception - de nombreux orateurs l'ont souligné en commission.
    Je note, au surplus, que de nombreux thèmes que vous abordez auraient pu être discutés à l'occasion de l'examen d'un des projets de loi dont le Parlement est actuellement saisi. Le Gouvernement, pourtant assuré d'une majorité absolue, donne vraiment l'impression de vouloir légiférer en catimini, peut-être même de se ménager des espaces de liberté pour rectifier, le cas échéant, le texte affiché et voté.
    Certes, on ne peut qu'être favorable à la notion de « simplification », sous les auspices de laquelle vous placez votre texte.
    D'ailleurs, qui pourrait s'y opposer ?
    M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Ah, voilà !
    M. Jérôme Lambert. Sans doute pouvez-vous invoquer le toilettage de certains textes aussi anciens que la vénérable ordonnance du 26 avril 1816, qui prévoit qu'un huissier de justice doit faire viser son exploit par le maire dans l'hypothèse où il constate qu'une saisie-arrêt ou une opposition est formée, par exemple, entre les mains d'un commissaire-priseur. Mais, l'arbre pouvant cacher la forêt, nous devons nous interroger sur d'autres formes de simplification prévues et sur le sens dans lequel vous comptez agir.
    J'ai posé tout à l'heure la question des éventuelles suppressions d'impôts. On peut s'interroger dans d'autres domaines. Ainsi, la simplification de l'accès à la nationalité prévue par l'article 7 ira-t-elle dans le sens d'une facilitation de l'accès à la nationalité pour l'étranger demandeur ou, au contraire, de sa fermeture ? Dans un passé récent, au cours des deux dernières législatures - l'une de droite, l'autre de gauche -, le Parlement a été saisi de projets de loi relatifs à la nationalité, chaque fois jumelés avec une réforme de l'immigration. Dans un proche avenir, nous devons débattre de trois lois sur l'immigration et le droit d'asile. Mais le droit de la nationalité, qui est étroitement lié à ces questions, sera adapté sans qu'on consulte le Parlement. C'est incompréhensible et nous ne pouvons l'admettre.
    Il faudra également que vous nous expliquiez pourquoi l'article 22 prévoit une habilitation pour modifier les règles applicables aux professions réglementées, alor que vous auriez pu disposer d'un support législatif adéquat à travers le projet de loi réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires et des conseils en propriété industrielle, toutes professions réglementées, qui vient de faire l'objet d'une lecture au Sénat le 2 avril dernier. Pourquoi n'avez-vous pas voulu une généralisation du toilettage de ces professions par le biais de la loi ?
    L'article 21, quant à lui, est extrêmement complexe. La simplification proposée des règles de nantissement du fonds de commerce ou du fonds artisanal, comme celle de la location-gérance du fonds de commerce, pose plus de questions de fond qu'elle ne peut résoudre de questions pratiques. Les petites entreprises ont certes besoin de crédits, et le fonds de commerce est l'élément de leur patrimoine qui peut, le cas échéant, être valorisé. Pour autant, il convient d'être prudent. Une simplication qui ne ménagerait pas la protection de l'entrepreneur face aux établissements financiers pourrait avoir des effets dramatiques en cas de difficulté de remboursement. En la matière, il ne serait pas sérieux de donner un blanc-seing au Gouvernement. A l'évidence, un débat clair et authentique sur la question serait utile. Rien ne s'oppose à ce que nous l'ayons à l'occasion de la discussion du projet de loi portant sur la sécurité financière.
    Ce même projet gagnerait en épaisseur et en loyauté si la question de la protection des petits épargnants ne faisait par l'objet, par ailleurs, d'un traitement qui en contredit les dispositions. Comment croire à la protection de l'épargne des petits porteurs, sur laquelle s'est fait l'affichage global de ce projet que l'Assemblée examinera au mois de mai, quand le Gouvernement propose de légiférer par voie d'ordonnance sur la dépénalisation des fautes commises par les dirigeants de société à l'encontre de ces mêmes petits porteurs, conformément à la demande pressante et notoire du MEDEF ?
    S'il est un autre domaine où vous espérez que la loi d'habilitation vous donne les mains libres pour imposer votre loi, c'est bien celui qui concerne les mesures de simplification des formalités concernant les entreprises.
    Sous couvert de simplification et d'harmonisation, vous voulez modifier des dispositions relatives à l'évaluation des risques technologiques, alors que le projet de loi en cours de discussion sur la prévention des risques technologiques et naturels et la réparation des dommages traite de ce sujet dans son intégralité. Souhaiteriez-vous, grâce aux ordonnances, pouvoir revenir sur ce que le Parlement aura discuté et voté ?
    Sous couvert de simplification et d'harmonisation, ne cherchez-vous pas à imposer votre position à la majorité qui s'est exprimée à l'Assemblée nationale, lors du débat en première lecture du projet de loi relatif à l'initiative économique, quand deux amendements relatifs à la création du « chèque emploi entreprises » et à l'instauration du guichet unique chargé du recouvrement des cotisations sociales ont été adoptés contre l'avis du Gouvernement ?
    Sous couvert de simplification et d'harmonisation, vous voulez avoir les mains libres pour « harmoniser » les seuils sociaux dans les entreprises, ainsi que leur mode de calcul. Allons-nous permettre que l'on modifie ces seuils sans aucun contrôle ni aucune concertation sociale et que l'on remette en cause leur mode de calcul, en revenant par exemple sur la prise en compte dans les effectifs des salariés les plus précaires et de ceux qui travaillent à temps partiel ?
    Sous couvert de simplification et d'harmonisation, vous voulez avoir les mains libres pour « harmoniser » les délais applicables aux procédures individuelles de licenciement en les alignant sur les délais les plus courts qui sont appliqués en matière de licenciement économique et individuel lorsqu'il y a liquidation judiciaire de l'entreprise.
    Ces normes sont brutales et injustes. Elles ne concernent en rien à la simplification, mais bien plutôt, dans la précipitaction à la préconisation. On sait pourtant qu'il ne faut jamais confondre vitesse et précipitation.
    Sous couvert de simplification et d'harmonisation, vous voulez avoir les mains libres pour harmoniser les durées de protection contre les licenciements des candidats aux élections professionnelles des anciens représentants du personnel. Pour harmoniser, mais évidemment sur la durée la plus courte, déjà considérée comme exorbitante par le rapporteur lui-même. Alors, où allons-nous ? Redonnerons-nous confiance aux Français en affaiblissant certaines protections ? Est-ce cela être moderne ? Veut-on revenir en arrière, supprimer des droits, raccourcir des recours ? Est-ce cela, la réforme de l'Etat ?
    Toujours dans le même registre, vous voulez, sous couvert de simplication et d'harmonisation, avoir les mains libres pour « alléger les contraintes de tenues de registres pesant sur l'employeur ». C'est oublier qu'en dehors du registre unique du personnel, les différents registres existants concernent notamment les règles d'hygiène, de sécurité et les risques technologiques.
    Pensez-vous revenir, par voie d'ordonnance, sur les dispositions en cours de discussion au Parlement, lesquelles, à la lumière de la terrible catastrophe d'AZF ou, plus récemment, de l'usine de nitrochimie de Billy-Berclau dans le Pas-de-Calais, vont renforcer la législation sur les risques industriels, en oubliant les conséquences mortelles de ces accidents ?
    En tout état de cause, la simplification, l'allégement des formalités de procédure en matière de droit du travail est particulièrement délicate et peut se traduire par des remises en cause réelles du droit du travail. De telles mesures de réformes de simplication du droit de travail ne sauraient être envisagées sans consultation sérieuse et équilibrée des partenaires sociaux.
    Voilà ce que recèle votre projet, au détour d'une ligne. Derrière une bonne idée apparaissent parfois des idées floues ou dangereuses, qui exigent absolument un examen au fond par le Parlement des propositions concrètes du Gouvernement.
    Oui, la procédure d'habilitation est décidément, en ce domaine, dangereuse et inadaptée.
    Je voudrais aussi répondre à l'argument de ceux qui pourraient croire, par naïveté ou par méconnaissance de la réalité, que le Parlement aura à débattre des dispositions finalement retenues par le Gouvernement lors de la future discussion du projet de loi de ratification des ordonnances que le celui-ci ne manquera pas de déposer dans le délai imparti par le présent projet de loi. Or, mes chers collègues, nous savons bien - ceux qui ont quelque expérience parlementaire sont du moins dans ce cas - que jamais nous n'aurons l'occasion d'en débattre car, comme l'a justement rappelé le président de la commission des lois, le député UMP Pascal Clément, l'examen de lois de ratification par le Parlement est très rare. Il a même ajouté, en commission, lors de l'audition des ministres, qu'il ne gardait pas le souvenir, dans sa longue carrière parlementaire, d'un tel examen. En réalité, il y en a eu quelques-uns dont il ne s'est pas souvenu, mais quelques-uns seulement et toujours pour des raisons particulières, qui nécessitaient justement le débat de ratification.
    Sinon, cela se passe toujours de la même manière : conformément à la Constitution et dans les délais impartis par les projets de loi eux-mêmes, les projets de ratification sont effectivement déposés sur le bureau des assemblées du Parlement, mais jamais le Gouvernement ne les a inscrits à notre ordre du jour. C'est là que réside toute la subtilité de nos textes. Le seul dépôt du projet de loi de ratification permet aux ordonnances de prendre une valeur juridique : ni l'examen ni l'adoption de ce projet ne sont nécessaires.
    Autrement dit, demain, quand nous nous serons dessaisis au profit du Gouvernement du pouvoir que nous tenons du peuple français, qui nous a élus pour que nous l'exercions, celui de faire la loi, nous ne pourrons plus empêcher le Gouvernement de nous imposer sa loi. A moins que  - c'est le seul recours qui nous restera -, le Conseil constitutionnel n'autorise pas une telle dérive de nos pratiques démocratiques et institutionnelles et ne bloque ce projet de loi d'habilitation, beaucoup trop imprécis et démesuré.
    Faut-il rappeler que, lors de l'examen par la commission des lois, le caractère sans précédent du projet de loi qui nous est soumis a été souligné, notamment par M. Clément. Ce caractère a été du nouveau dénoncé tout à l'heure à la tribune. Ne doutons pas que le Conseil constitutionnel, soucieux de la règle et des fondements de nos institutions démocratiques, aura le souci de préserver le respect des prérogatives du Parlement dans l'élaboration des lois nouvelles. En dépit peut-être d'une majorité d'entre vous, mes chers collègues, qui pourraient, malheureusement pour la dignité du Parlement, accepter de renoncer à leur droit et à leur pouvoir de légiférer.
    Ce projet ne s'inscrit donc ni dans une nécessité d'urgence, ni dans un cadre précis pour ce qui concerne bon nombre de ses articles.
    De plus, si certaines de ses dispositions, souvent mises en exergue par le Gouvernement pour assurer la publicité de son projet, semblent partir de bons sentiments à l'égard de nos concitoyens, en mettant par exemple en avant la confiance que nous devons porter à ceux-ci à l'occasion de certaines des démarches administratives qu'ils doivent entreprendre, l'application concrète de ces dispositions recèle en réalité de nombreuses difficultés ou contradictions.
    Ainsi, la substitution de la présentation a priori de justificatifs par de simples déclarations pouvant faire l'objet de contrôle a posteriori nous est présentée comme une mesure de bons sens, qui facilitera la vie des Français. Mais qu'en est-il en réalité ?
    Pour demander un droit, il conviendra, n'en doutons pas, d'être en état de le justifier et de disposer pour cela de tous les éléments susceptibles d'étayer la demande. Disposant donc de ces éléments, nous serions dispensés de les présenter a priori, ce qui, paraît-il, simplifierait la tâche de l'administration qui n'aurait plus à vérifier que ces pièces figurent bien dans le dossier, et la nôtre puisque nous n'aurions pas à les y mettre. Là résiderait la simplification qui justifie cette mesure, soi-disant si évidente. Ce qui est pour moi évident, c'est que l'on tente d'abuser les Français pour tenter de faire passer dans le même temps d'autres types de décisions.
    On ne parlerait donc plus de justification a priori, mais simplement de contrôle a posteriori. Un contrôle a posteriori est-il vraiment plus simple à opérer que la simple vérification d'un dossier ? Le contrôle nécessite une charge de travail supplémentaire : reprendre contact, écrire, relancer, convoquer, entre autres. A l'heure où le Gouvernement entend réduire les effectifs de la fonction publique, on se demande vraiment comment ses agents pourront faire face au surcroît de travail qui leur sera demandé. A moins que, devant cette impossibilité de procéder aux contrôles nécessaires, ne s'installe dans notre pays un risque de fraude, à plus ou moins grande échelle, sans que nous ayons les moyens d'y remédier. Or la fraude a comme conséquence directe une rupture de l'égalité entre les citoyens. Quand la fraude est rendue plus facile par la loi, alors que la loi est censée protéger nos concitoyens et leur assurer l'égalité, la loi se trouve en contradiction avec les principes de la République qu'elle doit servir et les intérêts de nos concitoyens.
    N'est-il pas parfois plus simple de présenter des pièces dans un dossier - au moins est-on sûr de les avoir - que de devoir les rechercher par la suite en cas de contrôle, au risque de constater alors leur absence et de se voir accuser de fraude ?
    M. Jean Leonetti. Quel raisonnement pervers !
    M. Jérôme Lambert. L'erreur constituée par une demande mal fondée peut être contrôlée a priori. Mais il s'agira, n'en doutons pas, de la considérer plutôt comme une tentative de fraude, dont les conséquences seront bien différentes pour nos concitoyens. Seront-ils alors gagnants à un tel relâchement des règles ? Je crains fort que non. Seuls en profiteront, avec des facilités accrues, les vrais fraudeurs.
    C'est aussi en cela, du fait de dispositions simples en apparence, que ce projet est choquant et qu'il mériterait d'être considéré comme porteur de réels dangers pour nos concitoyens car il créera une véritable insécurité juridique à leur encontre.
    Votre projet comporte aussi des dispositions qui marquent une rupture avec des principes européens de libre concurrence, reconnus par les traités que nous avons signés et ratifiés.
    Nous avons voté, lors de l'examen des lois de programme sur la sécurité et la justice, des dispositions exceptionnelles concernant le code des marchés publics, que vous aviez alors justifié par l'urgence. Il s'agissait alors de construire, le plus rapidement possible, des équipements immobiliers pour la police, la justice, la gendarmerie, en vue de faire face à des besoins entrant dans un cadre prioritaire.
    Ces règles particulières ont des effets contraires aux principes de la transparence des marchés et de libre concurrence. Mais, compte tenu de la situation particulière auxquelles elles étaient censées apporter des réponses, le Conseil constitutionnel les a admises dans ce cadre exceptionnel.
    Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui permettra au Gouvernement d'étendre par voie d'ordonnance ces mesures exceptionnelles à l'ensemble des marchés publics, et cela sans que l'on ait à faire face à des situations urgentes ou particulières.
    En conséquence, je ne peux que reprendre à mon compte les remarques et les oppositions que des organisations socioprofessionnelles, regroupant des PME du secteur du bâtiment et des travaux publics ou des métiers comme celui d'architecte, ont adressé au Gouvernement, sans avoir jusqu'à présent obtenu de sa part les réponses attendues.
    Ainsi, ces organisations relèvent que le projet de loi comporte des mesures bouleversant les règles d'attribution des marchés publics, et particulièrement des constructions publiques. Il prévoit en effet que les possibilités de partenariat public-privé, actuellement limitées à la police, à la justice et à la défense, soient élargies. Demain, l'Etat et les collectivités locales pourront confier à des groupes privés, à travers des contrats globaux, la conception, la réalisation, la gestion, l'exploitation de bâtiments publics de toute nature, tels que les écoles et les hôpitaux,...
    M. Marc Le Fur. Ce sera un gain de temps !
    M. Jérôme Lambert. ... sous le prétexte de « re-dynamiser » la commande publique et de raccourcir les délais.
    Actuellement, le dispositif en vigueur permet à la puissance publique, aux collectivités locales et à l'Etat, de choisir dans un premier temps, en fonction de leurs programmes et de leurs budgets, une équipe de maîtrise d'oeuvre chargée de concevoir le projet architectural et de diriger sa réalisation et, dans un second temps, une ou plusieurs entreprises qui, sous la direction des maîtres d'oeuvre, seront chargées d'exécuter les travaux.
    Ce principe clair de séparation entre conception et exécution des travaux permet au maître d'ouvrage public d'assumer, tout au long du processus, sa responsabilité, son rôle de contrôle et d'arbitre.
    Le maître d'oeuvre est responsable devant le maître d'ouvrage, qu'il doit conseiller en toute indépendance vis-à-vis de l'entreprise. Il est garant d'une exécution conforme au projet choisi par le maître d'ouvrage public.
    La procédure de conception-réalisation que le projet de loi permet d'étendre par voie d'ordonnance, hors le contrôle effectif du Parlement, comme ce fut le cas précédemment pour les programmes immobiliers spécifiques aux missions de sécurité, fera disparaître l'indépendance et la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre qui, travaillant au service d'un groupe privé attributaire du marché, privera du même coup le maître d'ouvrage, les collectivités territoriales ou l'Etat, d'un interlocuteur susceptible de défendre ses intérêts en vue de la réalisation d'un bâtiment de qualité.
    Malheureusement, on connaît déjà les dérives que peuvent engendrer de tels dispositifs dérogatoires - je pense aux scandales des marchés des lycées d'Ile-de-France, lesquels avaient par le passé fait l'objet de telles procédures.
    D'ailleurs, l'évaluation des expériences anglaises et allemandes indique souvent que les bâtiments réalisés en conception-réalisation sont de moins bonne qualité et coûtent plus cher aux finances publiques, donc aux citoyens.
    Cela est parfaitement logique et explicable : le maître d'ouvrage à partir de la désignation du groupe, n'a plus les moyens, à travers sa maîtrise d'oeuvre, de s'assurer que, dans tous les détails, les prestations sont bien conformes à ses souhaits.
    Il est évident que le but d'un groupe promoteur-constructeur auquel est confié ce genre de contrat est de faire le maximum de profits en limitant le coût des études. Ainsi, le projet architectural est limité à l'avant-projet, c'est-à-dire inachevé, et il se répète à travers toutes les réalisations, entraînant par la même une uniformisation des bâtiments, enlevant toute spécificité aux bâtiments publics où qu'ils se trouvent sur le territoire, pourtant riche de ses diversités culturelles et patrimoniales.
    En outre, la recherche du profit se traduit toujours par des économies sur les prestations et la qualité de mise en oeuvre.
    En fait, seuls les quelques majors du BTP sont en mesure de répondre à ces formes de contrats globaux. Ils ont pour cela des structures qui font clairement redouter le risque d'un véritable partage des marchés, comme ce fut le cas pour la distribution de l'eau. La concurrence ne pourra véritablement s'exercer face à quelques mastodontes. Les architectes, les artisans et les petites et moyennes entreprises du secteur du BTP craignent à juste titre ces dispositions, qu'ils rejettent, car ils n'auront dorénavant pour accéder à la commande publique que l'obligation d'être systématiquement les sous-traitants des grands groupes attributaires des marchés. Ces petites entreprises seront, encore plus qu'aujourd'hui, à la merci des prix et des conditions imposés par les promoteurs constructeurs.
    Au nom du principe de concurrence, qui est défendu par les traités et qui exclut les monopoles, ce projet de loi ne peut être accepté en l'état car il imposera des monopoles et nous fera courir en prime le risque d'un retour à des pratiques douteuses.
    Il est difficile, mes chers collègues, de résumer...
    M. Jean Leonetti. On s'en aperçoit !
    M. Jérôme Lambert. ... tous les aspects d'un tel projet et tous les griefs que nous nourrissons à son encontre. Ce texte, et j'espère que vous l'aurez compris, porte en lui les germes de nombreuses difficultés compte tenu de la procédure exceptionnelle choisie par le Gouvernement.
    Cette procédure est en l'espèce suspecte car elle prive le Parlement de tout contrôle sur des sujets qui nécessiteraient de vrais débats. Le caractère anticonstitutionnel de certaines des dispositions proposées semble bien avéré au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Aussi, je vous invite, mes chers collègues, à voter l'exception d'irrecevabilité.
    Le Gouvernement aura alors l'obligation de nous présenter un nouveau texte d'habilitation précisant le sens de ses intentions ou limitant leur portée éventuelle, ce qui nous permettra de juger véritablement de l'opportunité de certaines mesures. A moins qu'il ne préfère, après le vote de cette exception d'irrecevabilité qui garantirait les droits du Parlement, faire les lois de façon normale, après en avoir débattu librement et démocratiquement. Il pourrait alors nous présenter tout simplement un projet de loi sur toutes ces matières, afin que nous puissions faire la loi, normalement, comme le peuple nous en a donné mandat, en son nom. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Muguette Jacquaint. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
    M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur Lambert, en dépit de la violence de la charge et de l'outrance des qualificatifs, vous n'avez pas pu dissimuler l'extrême faiblesse de votre argumentation.
    M. Antoine Carré. C'est vrai !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Je rappelle à ceux d'entre nous qui l'auraient oublié qu'une exception d'irrecevabilité a pour seul objet de démontrer le caractère non constitutionnel d'un projet de loi.
    Vous avez eu beau me qualifier de « récidiviste » et de « dictateur en herbe », vous avez eu beau soutenir que je voulais encourager la fraude et porter atteinte au caractère démocratique du débat, et j'en passe, il n'en reste pas moins que le projet de loi qui vous est soumis est parfaitement fidèle à l'article 38 de la Constitution, qui dispose notamment que « le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ».
    Figurez-vous, monsieur Lambert, que, même si vous avez du mal à en prendre votre parti, vous n'êtes plus dans la majorité et que la majorité, conformément au mandat que nous ont donné les Français, souhaite simplifier ! Pour ce faire, la majorité a parfaitement la faculté d'habiliter le Gouvernement, si elle en décide ainsi, à procéder par ordonnances.
    J'ai été un peu surpris d'entendre un orateur socialiste affirmer que le terme « ordonnances » renvoyait à de fâcheuses pratiques de l'Ancien Régime. Les ordonnances ont gagné leurs lettres de noblesse à la Libération, avec le gouvernement provisoire de la République, puis avec les premiers gouvernements du général de Gaulle. Et vous avez rappelé que le gouvernement précédent ne s'était pas non plus privé de légiférer par ordonnances.
    En réalité, les seules obligations qu'impose le juge constitutionnel au gouvernement qui souhaite légiférer par ordonnance, concernent, en premier lieu, la fixation de délais d'habilitation et de ratification, qui sont parfaitement prévus par le projet ; vous ne l'avez pas contesté d'ailleurs, puisque vous avez même, paradoxalement, reproché au Gouvernement des délais excessifs. Le Gouvernement a en outre l'obligation de préciser les termes de l'habilitation. Finalement, mes chers collègues, la loi d'habilitation est un contrat d'objectifs, fixés par le Parlement, à charge pour le Gouvernement de les mettre en oeuvre. Il n'est nulle part question d'urgence, et à aucun moment le Gouvernement n'a prétendu que l'urgence motivait le recours aux ordonnances.
    M. André Vallini. Le rapporteur, si !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. J'y viens, et c'est l'occasion pour moi de saluer l'excellence des travaux du rapporteur Etienne Blanc, la qualité de son rapport et la pertinence de son argumentation.
    L'urgence dont parle le rapporteur est dictée par l'impatience des Français, qui en ont assez de subir cette complexité. Et comme le gouvernement précédent n'a strictement rien fait en la matière, pas plus qu'il n'a agi pour réformer l'Etat, c'est de ce point de vue-là, et de ce point de vue seulement, qu'on peut parler d'urgence, celle de répondre aux voeux des Français. Mais ça n'a rien à voir avec celle à laquelle l'orateur a fait référence.
    D'après vous, le projet de loi n'exposerait pas avec assez de précision les finalités des ordonnances, ce dont vous avez prétendu donner un certain nombre d'exemples.
    D'emblée, je rappelle que le débat que nous engageons doit justement permettre au Parlement de préciser les finalités des ordonnances. Vous préjugez donc de ce que sera un débat, qui s'annonce pourtant de qualité, et dont j'ai le sentiment qu'il nous donnera tout le temps d'arrêter ensemble les finalités que le législateur entend assigner au Gouvernement en la matière.
    Mais vous vous êtes surtout livré à des amalgames extrêmement contestables, à coup de citations inexactes. Vous avez ainsi prétendu que le Gouvernement entendait être habilité à supprimer certains impôts. Il n'en est évidemment pas question !
    M. Jérôme Lambert. A l'article 5 !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Il y est question de supprimer des formalités ! Ce terme change tout ! Il s'agit uniquement, là encore, de faciliter la vie de nos concitoyens, en faisant en sorte que l'administration fiscale n'abuse pas de la tendance bien française à multiplier les demandes de pièces justificatives. Il ne s'agit en aucun cas, bien évidemment, de supprimer des impôts par la voie des ordonnances, ce qui serait clairement porter atteinte à la souveraineté du Parlement !
    M. Jérôme Lambert. Il s'agit de formalités de paiement de l'impôt !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. De tels amalgames ne sont pas sérieux et suffisent à discréditer les termes de votre motion. De la même façon, en ce qui concerne le vote par procuration, vous vous êtes offusqué...
    M. Jérôme Lambert. C'était un député UMP !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. ... de ce que le Gouvernement envisage de remplacer les justificatifs actuellement exigés par une déclaration sur l'honneur qui serait faite en mairie. Mais cette décision relève d'un choix du Parlement. Si la majorité en décide ainsi, elle habilitera le Gouvernement à le faire. Il s'agit de simplifier dans ce domaine la vie de nos concitoyens et de mettre un terme à une situation scandaleuse, qui prive certains de nos concitoyens de la faculté d'exercer leur droit de vote du seul fait des difficultés qu'ils ont à réunir les justificatifs qui leur sont demandés. Et c'est faire injure aux élus municipaux que de les soupçonner de vouloir détourner le vote par procuration pour généraliser la fraude - ce sont les termes que vous avez employés. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jérôme Lambert. C'est un député UMP qui l'a dit en commission !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Vous avez également cherché à entretenir la confusion dans l'esprit de ceux qui vous écoutent en évoquant la réforme du statut des professions réglementées, pour vous étonner de ce que le Gouvernement présente ce projet alors qu'il vient de faire voter une loi visant à moderniser la réglementation qui encadre les professions de conseil juridique. Si vous aviez mieux lu le texte, vous sauriez que ça n'a rien à voir. Les professions réglementées dont il est question dans le présent projet de loi sont celles qui font encore l'objet de réglementations en préfecture,...
    M. Xavier de Roux. Tout à fait !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. ... telles certaines professions du tourisme, les VRP, les coiffeurs, les artisans taxis, bref, rien qui ait à voir avec les professions juridiques.
    Vous avez enfin développé une argumentation extrêmement sommaire autour du droit social et de tout ce qui concerne la vie des entreprises. Vous avez prétendu que le Gouvernement s'avançait masqué, et voulait remettre en cause à la hussarde les droits sociaux et les garanties offertes aux salariés, en modifiant des pans entiers de la législation du travail. Evidemment, il n'en est rien.
    M. André Vallini. On verra !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Mais je ne suis pas surpris de vous voir faire bon marché de l'aspiration pourtant légitime des artisans, des commerçants, des professions libérales et des petits entrepreneurs, à consacrer davantage de temps à leur métier, et un peu moins à remplir des paperasses.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Très bien !
    M. Patrick Braouezec. Derrière la paperasse, il y a des hommes !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. En ce qui concerne la mise en oeuvre du titre emploi simplifié, je voudrais rassurer la représentation nationale : c'est précisément parce que la majorité - il m'avait échappé que l'opposition partageait ce voeu - souhaite une mise en oeuvre rapide du titre emploi simplifié et du guichet social unique, que nous entendons le faire dans le cadre de la loi habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances. C'est là un choix d'opportunité, qui regarde la majorité : à elle de nous dire si elle le confirme dans le cadre du débat.
    Bien mieux, c'est précisément dans le cadre de la préparation des ordonnances que nous aurons toute latitude de consulter les partenaires sociaux. Je relève là encore chez vous une curieuse conception du dialogue social, qui à vous entendre se réduirait à nos débats parlementaires. Le Gouvernement veut pour sa part refonder un véritable dialogue social, en responsabilisant les partenaires sociaux, et en leur laissant une autonomie réelle dans la mise en oeuvre des objectifs de réforme qui sont les nôtres.
    Mme Muguette Jacquaint. Ils sont quand même utiles, les partenaires sociaux !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Et les partenaires sociaux seront naturellement consultés et associés à la réforme.
    Vous le voyez, sur le plan constitutionnel, aucun de vos arguments ne fragilise le moins du monde le texte de loi qui vous est soumis. Tout ce que démontre cette motion en réalité, et ce n'est pas une surprise, c'est que l'opposition refuse la simplification, sinon comme un gadget ou une mesure cosmétique,
    M. Patrick Braouezec. Ah !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. ... c'est quand vous dites que la simplification relève d'un vrai choix de société. Il s'agit de faire le pari de la confiance et de la responsabilité ; et j'avoue avoir été stupéfait de vous entendre justifier les files d'attente aux guichets, en disant qu'il est préférable d'exiger a priori de nos concitoyens des pièces justificatives, sous prétexte que le fait de supprimer cette contrainte se traduirait par des contrôles supplémentaires.
    M. Jérôme Lambert. Nommez plus de fonctionnaires, il y aura moins de files d'attente !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. C'est vraiment une argumentation pour le moins paradoxale, qui justifie le guichet par la complexité de la procédure. Or celui-ci, loin d'être pour nos concitoyens l'appui qu'il devrait être, selon les termes du philosophe Alain, pourtant considéré comme un radical de gauche, est trop souvent ressenti par eux comme un obstacle. Nous, nous voulons au contraire responsabiliser, parce que nous croyons encore dans la capacité d'initiative des Français.
    Faire le choix de la simplification, c'est aussi faire le choix de la réforme de l'Etat, que nous assumons pleinement. Si nous ne simplifions pas les procédures, si nous n'allégeons pas notre droit, nous n'avons aucune chance de parvenir à réduire les dépenses inutiles, les « frais généraux » de la nation, la technostructure, tout ce qui nous empêche d'investir dans les priorités de politique publique, attendues - ô combien - par les Français.
    Faire le choix de la simplification, c'est également faire le choix de la capacité d'initiative, de création, d'entreprise, d'innovation. Comment peut-on aujourd'hui prétendre sérieusement, après les dernières élections nationales, où les Français nous ont envoyé un message suffisamment clair, que ce n'est pas ce qu'attendent impatiemment tous ceux qui veulent créer de l'emploi et de la richesse dans notre pays ?
    Mme Muguette Jacquaint. C'est le discours du siècle ! Il est vrai que vous n'avez pas souvent l'occasion de vous exprimer.
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Que vous ne croyiez pas au partenariat public-privé, c'est votre droit. Mais ne le caricaturez pas dans des termes aussi profondément choquants. L'Allemagne et l'Angleterre, que vous avez cités en exemple, sont, que je sache, des pays socialistes. Vous siégez à côté de leurs représentants sur les bancs du Parlement européen.
    M. Patrick Braouezec. L'Angleterre, socialiste ? Blair peut mieux faire !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Si j'en juge par votre charge contre le partenariat public-privé, il se prépare de beaux débats au sein de l'internationale socialiste européenne ! Car ces exemples, allemand, britannique, italien, espagnols, montrent que le partenariat public-privé marche et que cela permet de diminuer les coûts.
    M. Patrick Braouezec. En matière de socialisme, on peut faire mieux que Berlusconi et Aznar !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Le Gouvernement n'est pas, lui, inspiré par l'idéologie. Nous ne voulons pas opposer, et ce n'est en aucun cas l'esprit du texte, l'énergie du privé et l'énergie du public, mais, au contraire, les réveiller, au service d'un même objectif : que notre pays gagne les batailles du marché mondial. Voilà l'ambition du Gouvernement.
    Enfin, et j'en terminerai par là, nous n'avons pas la même idée de la loi. Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires, disait Montesquieu.
    M. Muguette Jacquaint. Quelles sont les lois inutiles, monsieur le secrétaire d'Etat ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Ce projet veut redonner ses lettres de noblesse à la loi. C'est ce qui justifie l'habilitation du Gouvernement par le Parlement. Il y a trop de lois et de règlements dans ce pays, et on sait que trop de lois tuent la loi.
    M. Patrick Braouezec. Trop d'ordonnances tuent le Parlement !
    M. Jean Leonetti. Et trop de communisme tue la liberté !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Nos concitoyens ne la comprennent plus. Du coup, c'est la loi elle-même qui court le danger d'être discréditée, c'est l'égalité d'accès à la loi qui est menacée. Quoi de plus naturel alors, de plus conforme au mandat que nous ont donné les Français et à la vocation d'un Parlement moderne que le Parlement décide lui-même de soustraire du domaine législatif ce qui n'y a plus sa place, et donne mandat au Gouvernement de simplifier, par ordonnances, la vie des Français ?
    Tel est, en tout cas, l'esprit du projet que le Gouvernement vous propose de voter et qui, bien entendu, est parfaitement conforme à la Constitution telle que l'a voulue le général de Gaulle.
    M. Patrick Braouezec. C'est ce qu'on nous avait déjà dit à propos de la réforme électorale !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Car c'est respecter l'esprit même de la Ve République que de faire en sorte que la loi définisse les principes fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Je veux exposer très brièvement l'avis de la commission, et d'abord répondre aux critiques concernant le champ de ces ordonnances, qui serait trop large, en violation de la tradition de la Ve République. Je me permets de vous rappeler que, le 6 janvier 1982, dix-huit ordonnances ont été prises, dont sept ont été ratifiées, et trois l'ont été implicitement. Par le biais de ces ordonnances, la majorité de l'époque a amélioré la législation sur les congés, qui relève des principes mêmes de notre droit du travail. Elle a modifié les règles concernant le travail à temps partiel et la durée du temps de travail, mis en oeuvre les contrats de solidarité des collectivités locales,...
    M. Marc Le Fur. Eh oui !
    M. Etienne Blanc, rapporteur. ... modifié le temps de travail des agriculteurs, les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée déterminée, ainsi que certaines dispositions du code civil.
    M. Jean Leonetti. C'était ça le dialogue social de l'époque !
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Elle a modifié les dispositions sur le travail temporaire, abaissé l'âge de la retraite, modifié la durée hebdomadaire du travail. Elle bouleverse les règles concernant la qualification professionnelle et l'insertion sociale.
    M. Patrick Braouezec. On a fait tout cela ? Beau bilan !
    M. Jérôme Lambert. C'est bien, ce qu'on a fait !
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Vous avez créé les chèques-vacances. Vous avez modifié certaines dispositions du code des pensions civiles et militaires.
    M. Patrick Braouezec. Quel bon bilan ! Dommage que l'on n'ait pas su le défendre !
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Par les ordonnances de 1983 relatives aux questions financières, vous avez institué une contribution sur le revenu des personnes physiques destinée au financement du régime de la sécurité sociale, et vous avez modifié le tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers.
    M. Xavier de Roux. C'est l'ancienne majorité qui a taxé par ordonnance !
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Vous voyez que, quant au fond, ce projet d'habilitation ne sort pas du champ de ceux qui furent votés sous la Ve République.
    Pour continuer sur les critiques de fond, vous reprochez au Gouvernement de demander au Parlement un « blanc-seing » par lequel il se déposséderait de ses responsabilités. Je vous rappelle que l'article 38 encadre parfaitement la mise en oeuvre de ces ordonnances, et que le texte d'habilitation doit notamment fixer de manière extrêmement précise les objectifs des ordonnances.
    M. Jérôme Lambert. De manière extrêmement précise !
    M. Etienne Blanc, rapporteur. L'urgence serait selon vous le motif de ce texte. C'est faux. Nous avons rappelé dans notre rapport que dans l'histoire de la Ve République un certain nombre d'ordonnances ont été prises sous le signe de l'urgence, notamment au moment des évènements d'Algérie. Mais vous n'y trouverez aucune référence à l'urgence à propos de ce texte.
    Et s'il vous restait une inquiétude, je rappelle qu'il vous sera possible, dans le cadre de la ratification, d'opérer un contrôle aussi sévère que vous le souhaiterez.
    Vous nous répondrez qu'il n'y aura pas de ratification. Mais sous la législature précédente une centaine d'ordonnances ont été prises et seulement cinquante ont été ratifiées : faites-moi la grâce de ne pas nous suspecter des mêmes turpitudes que la majorité précédente...
    M. Jérôme Lambert. Non, celle d'avant !
    M. Etienne Blanc, rapporteur. ... et de prêter foi aux propos du président de la commission des lois, qui nous a assuré qu'en utilisant le nouveau règlement de l'Assemblée, notamment son article 144, nous pourrions mettre sur pied une mission chargée de suivre cette ratification.
    Vous nous taxez également d'un possible détournement de pouvoir. Mais celui-ci ne peut exister, puisque ces ordonnances sont visées par le Conseil d'Etat, qui s'assure qu'elles sont parfaitement conformes à la loi d'habilitation que vous avez à voter aujourd'hui.
    Pour toutes ces raisons, la commission des lois n'est pas favorable à cette motion de procédure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous en arrivons aux explications de vote.
    La parole est à M. Marc Le Fur, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Marc Le Fur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en entendant notre collègue Jérôme Lambert, j'avais l'impression de ne pas fréquenter les mêmes usagers, les mêmes concitoyens, les mêmes Français.
    M. Patrick Braouezec. C'est possible !
    M. Jérôme Lambert. C'est un aveu !
    M. Marc Le Fur. Ceux que nous entendons, nous, ce sont ceux qui en ont assez de la paperasse et des contraintes, ceux qui veulent que nous leur rendions de l'espace et de la liberté.
    Je lui répondrai d'abord par une anecdote, parce que l'anecdotique est parfois très révélateur : je viens d'être saisi de la requête de certains de mes concitoyens des Côtes d'Armor qui élèvent des serins, des mésanges, des canaris, des perruches.
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est charmant !
    M. Michel Voisin. Ils se sont envolés ?
    Mme Muguette Jacquaint. Le Parlement est une volière ?
    M. Marc Le Fur. Ils viennent de recevoir une lettre de la direction des services vétérinaires, la DSV, leur demandant, afin de pouvoir mettre à jour un fichier, de lui faire parvenir, dans un délai d'un mois, une déclaration de leurs effectifs indiquant les espèces et leur nombre : authentique !
    M. Michel Voisin. Siffle, beau merle !
    M. Patrick Braouezec. Ils ne demandent ni le nom, ni le prénom, ni l'âge. C'est déjà ça !
    M. Jean Leonetti. Ni le sexe !
    M. Marc Le Fur. Voilà ce qui est arrivé à des braves gens pour quelques oiseaux en cage. Voilà ce dont nous ne voulons plus.
    M. Xavier de Roux. Qu'on ouvre les cages !
    M. Michel Voisin. Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux !
    M. Marc Le Fur. Voilà pour l'anecdote. Venons-en au fond.
    Le chantier qui est ouvert, monsieur le secrétaire d'Etat, est gigantesque. Raison de plus pour ne pas tarder davantage à l'entreprendre. Si l'exercice exige de poursuivre plusieurs pistes en même temps, nous avons besoin de résultats concrets. Il vous faut donc à la fois les qualités du coureur de fond et celles du sprinteur, car seuls des résultats rapides donneront de la crédibilité à l'exercice. C'est l'ampleur et la variété de cette tâche qui nécessiteront le recours aux ordonnances. Il y a un lien objectif entre l'ambition que nous nous fixons et la procédure que vous avez choisie, et que nous soutenons.
    Les causes de la complexité sont multiples. Ne nous trompons pas dans l'analyse de ces causes, et surtout ne transformons pas cette habilitation et notre débat en une quelconque critique des fonctionnaires, les premières victimes de cette complexité.
    M. Jean Leonetti. Tout à fait !
    M. Marc Le Fur. Ils en ont assez, eux aussi, de se faire les porte-voix d'une complexité qu'ils ne comprennent pas plus que leurs concitoyens, contribuables ou usagers.
    Ces causes en effet sont multiples. La première, c'est l'excès de centralisme. C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, votre texte n'est pas un épiphénomène ou un gadget. Il obéit à la même logique que la décentralisation. L'objectif est le même : redonner des espaces de liberté à nos concitoyens.
    Autre cause de cette complexité : la tentation prométhéenne qui existe encore dans l'Etat, comme chez un certain nombre de personnes.
    M. Patrick Braouezec. Ah ! Prométhée !
    M. Marc Le Fur. L'Etat devrait tout traiter, tout résoudre, descendre dans le moindre détail, envisager tous les problèmes avant même qu'ils ne se posent. De cela résultent une inflation de textes, un excès de contraintes.
    Autre cause, le culte de la méfiance qui, on le sait bien, caractérise depuis trop longtemps notre logique administrative. On se méfie de l'usager, du contribuable, on se méfie même du fonctionnaire : d'où la distinction entre l'ordonnateur et le comptable, qui aboutit au doublement des tâches.
    Voilà la réalité de ces deux derniers siècles, voilà ce sur quoi nous devons engager une réflexion pour y mettre un terme.
    M. Patrick Braouezec. Engager une réflexion, ce n'est pas la même chose que ce que vous proposez !
    M. Marc Le Fur. Au nombre des causes de cette complexité, il y a parfois même, il faut bien l'admettre, la bonne intention. Ainsi, la CNIL interdit l'utilisation du numéro INSEE et l'interconnexion des fichiers. Il en résulte que chaque administration a constitué son propre fichier, son propre numéro, sa propre référence, et qu'à chaque fois l'usager doit remplir de multiples formulaires. Voilà quelles sont les conséquences objectives d'une bonne intention.
    On pourrait multiplier les exemples.
    Je connais un maire qui a dû fermer une cantine scolaire, du fait des contraintes sanitaires excessives qu'on lui imposait - sa cantine accueillait quinze enfants.
    Quelle est la leçon à tirer de tout cela ? C'est que la complexité dessert le plus petit, et que le seul qui puisse s'y adapter fréquemment, c'est le plus gros.
    L'Etat et le législateur sont souvent coupables. Mais ils ne sont pas les seuls. Bruxelles l'est aussi. A quand un commissaire à la simplification ? Il en est de même des organisations professionnelles et des fédérations sportives.
    Je propose donc d'appliquer un principe très simple, monsieur le secrétaire d'Etat : que ceux qui élaborent la norme soient ceux qui paient la note ! Aujourd'hui, les collectivités et les entreprises sont obligées de payer la note imposée par d'autres. On en a assez ! Il est nécessaire et urgent d'agir.
    Je ne développerai pas les différents points.
    Mme Muguette Jacquaint. Ah non !
    M. Marc Le Fur. J'insisterai simplement sur l'article 4 relatif au partenariat public-privé. Dans cette période de pénurie, nous devons faire preuve d'intelligence et d'initiative. Vous nous ouvrez la possibilité d'accélérer la réalisation de certains grands chantiers. La loi Sarkozy, la loi Perben en ont ouvert en matière de sécurité. Il faut que nous ouvrions cette possibilité à d'autres domaines.
    Oui, il est nécessaire de vous permettre d'agir. Nous vous surveillerons.
    M. Patrick Braouezec. On peut vous faire confiance !
    M. Marc Le Fur. Nous veillerons à ce que l'ensemble du Gouvernement intègre cette logique. En effet, l'agriculture, l'environnement et l'urbanisme ne sont pas concernés par ce train de mesures. J'espère donc qu'ils le seront ultérieurement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Mme Muguette Jacquaint. Nous voterons pour l'exception d'irrecevabilité défendue par le groupe socialiste.
    Comme l'a dit M. le secrétaire d'Etat, le Gouvernement a le droit de légiférer par ordonnances. Certes, le Gouvernement a tous les droits. Reste qu'il dispose aujourd'hui d'une majorité suffisamment écrasante pour ne pas avoir besoin d'escamoter le débat au Parlement, dans des domaines aussi importants et divers que ceux qui sont abordés dans ce texte.
    Vous parlez de simplification administrative...
    M. Claude Gaillard et M. Antoine Carré. Absolument !
    Mme Muguette Jacquaint. Va-t-elle pour autant simplifier la vie des gens ? Nous avons déjà un aperçu des simplifications auxquelles a procédé le Gouvernement. Je pense aux licenciements et aux plans sociaux. (« Hors sujet ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Car c'est par là que vous avez commencé ! Est-ce ainsi que vous comptez améliorer la vie quotidienne ?
    M. Jean Leonetti. Et en Roumanie ?
    Mme Muguette Jacquaint. Vous nous demandez un chèque en blanc pour légiférer par ordonnances et vous laisser le champ libre afin de prendre les mesures que vous souhaitez, qui vont toutes dans le même sens et qui sont aussi antidémocratiques qu'antisociales.
    Le groupe des député-e-s communistes et républicains, comme je l'ai annoncé au début de mon intervention, votera donc l'exception d'irrecevabilité déposée par le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert, pour le groupe socialiste.
    M. Jean Leonetti. Il récidive ?
    M. Xavier de Roux. Oui, il vient de parler trois quarts d'heure !
    M. Jérôme Lambert. J'interviendrai très rapidement, pour répondre et apporter certaines précisions.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez fait référence à ce que je viens de dire à propos du 3° de l'article 5. Manifestement, nous n'en faisons par la même lecture que vous.
    Il s'agit, dans cet alinéa, de : « Simplifier les démarches des usagers en allégeant ou supprimant des formalités de déclaration ou de paiement de certains impôts ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Eh oui ! Il ne s'agit pas de formulaires de paiement, mais de formalités de paiement ! Et donc du paiement de certains impôts.
    M. Xavier de Roux. C'est le roi du formulaire !
    M. Jérôme Lambert. Je vous ai aussi entendu, monsieur le secrétaire d'Etat, critiquer ma démonstration sur l'article 12 relatif au vote par procuration. Je ne faisais là que reprendre l'argument avancé par un député de l'UMP en commission des lois - il y a certainement ici, ce soir, des collègues qui ont participé à cette réunion de la commission et qui s'en souviennent - argument que je trouvais fort judicieux et qui a d'ailleurs été assez apprécié. C'était au moment de la discussion des amendements. Vous étiez présent. Pourquoi alors avoir dénaturé mes propos ?
    S'agissant du dialogue social, monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous renvoyez la balle, en nous disant que nous n'avons pas la même conception des choses. C'est le cas ! Vous dites que vous ouvrirez le dialogue social à partir du moment où le Parlement vous aura fixé un cadre - car, selon vous, les ordonnances sont quelque chose de bien orienté et que, d'ailleurs, si ce n'était pas le cas, le Conseil constitutionnel ne validerait pas ce projet de loi d'habilitation. Vous nous dites encore que, lorsque vous aurez reçu l'habilitation, vous irez discuter avec les partenaires sociaux.
    Laissez-moi vous renvoyer la balle. Est-ce cela votre conception du dialogue ? Je ne vois pas ce que les partenaires sociaux auront à gagner en dialoguant avec vous lorsque le Parlement vous aura fourni un cadre précis.
    Monsieur le rapporteur, dans mon intervention, j'ai effectivement relevé que tous les gouvernements ont légiféré par ordonnance. En 1982, la loi d'habilitation portait sur une matière, certes vaste, mais une seule : en l'occurrence, le code du travail.
    M. Xavier de Roux. Vous avez taxé par ordonnances ! C'était une loi scélérate !
    M. Jérôme Lambert. Le projet de loi d'habilitation que nous examinons aujourd'hui est un projet fourre-tout, qui touche au code du travail, au code des sociétés, au droit social, au droit fiscal, que sais-je encore ? On n'a aucune visibilité ! De ce point de vue-là je réaffirme que ce projet encourt l'inconstitutionnalité.
    M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question prélable

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous proposez aujourd'hui de déroger au principe énoncé par l'article 34 de notre Constitution selon lequel la loi est votée par le Parlement afin de l'habiliter à adopter, par ordonnance, diverses mesures de simplification et de codification du droit. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que nous refusons de nous dessaisir nous-mêmes de nos prérogatives et de faire de ce lieu un théâtre d'ombres.
    Malgré notre récent déplacement à Versailles pour réformer notre Constitution, nous n'avons pas encore abrogé son préambule. Je veux bien évidemment parler de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui, dans son article 3, énonce que « le principe de souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément ».
    Nous n'avons pas non plus abrogé l'article 3 de notre Constitution, qui affirme que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants ». Son deuxième alinéa précise qu'« aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. »
    Or, lors de son audition en commission des lois, M. le ministre Delevoye nous a annoncé assez sereinement qu'un deuxième projet de loi d'habilitation du Gouvernement devrait être présenté à l'automne et qu'il souhaitait que ce rythme soit maintenu à l'avenir. Chaque ministère sera concerné. Les parlementaires seront-ils ainsi délestés d'un travail trop lourd à supporter ? C'est ce qu'il faut croire.
    M. le secrétaire d'Etat nous a précisé que ce projet de loi d'habilitation traduisait l'implication de tous les ministères dans la réforme de l'Etat, ce qui démontre l'étendue phénoménale du champ législatif qu'il couvre. A l'occasion du projet de loi qui sera déposé à l'automne, le Gouvernement entend associer le ministère de l'agriculture, le ministère de l'équipement et des transports, ainsi que les ministères de la santé et de l'écologie.
    Mais cette entreprise de dessaisissement ne s'arrêtera pas à l'automne 2003. Un véritable programme d'habilitation est envisagé par le Gouvernement. A l'avenir, celui-ci déposera chaque année sur le bureau des assemblées un projet de loi d'habilitation pour simplification, dans l'esprit des propositions faites par le groupe de travail interministériel sur la qualité de la réglementation, présidé par M. Dieudonné Mandelkern. Ce dernier demandait en effet « que soit présenté chaque année, par le Gouvernement, un programme de simplification des règles, des formalités et des procédures, sur la base des propositions faites par chaque ministre ». Ainsi, les ministres feront des propositions de simplification du droit dans leur domaine, le Gouvernement déposera un projet de loi d'habilitation et prendra enfin les ordonnances relatives à ces propositions. Un tel système se passe effectivement assez bien du Parlement ! Il est vrai, et c'est sans doute un mérite, que cela sera certainement plus rapide...
    Sans ironie, on peut se demander à quoi sert le Parlement et on pourrait même proposer au Président de la République de le dissoudre ! Le Parlement est pourtant censé exercer directement la souveraineté nationale et contrôler l'activité de l'exécutif. Serions-nous simplement devenus une simple chambre d'enregistrement ? Déjà, au bout de neuf mois de gouvernement Raffarin, la majorité parlementaire, en accord apparent avec les dirigeants de l'UMP et ceux du MEDEF, se contente le plus souvent de voter conforme les textes après une seule lecture. Mais la procédure des ordonnances permet de passer à la vitesse supérieure et, surtout, de passer outre le Parlement. Le Gouvernement aurait donc tort de s'en priver.
    Evidemment, ce triste spectacle se déroule au détriment de la démocratie et d'un examen sérieux et approfondi, par les parlementaires, de textes qui le mériteraient pourtant.
    En acceptant le principe d'une simplification et d'une codification du droit par ordonnances, le Parlement est conduit à déléguer au Gouvernement son pouvoir de légiférer sans pouvoir exercer réellement - contrairement à ce qui a été dit ici - un contrôle sur leur contenu, ce qui est certainement le plus préoccupant de cette procédure.
    Vous avez répondu que ce contrôle s'effectuerait lors des divers projets de loi de ratification qui suivront la publication des ordonnances. Mais vous savez aussi bien que moi que l'examen par le Parlement de ces projets de loi de ratification ne permet, en aucun cas, de revenir sur le contenu même des ordonnances.
    La preuve en est que vous introduisez dans ce projet de loi d'habilitation des ratifications d'ordonnances relatives à la partie législative du code de justice administrative, à la partie législative du code de la route, à la transposition des directives communautaires et aux parties législatives du code rural et de l'environnement. Le procédé est pour le moins surprenant puisque le Parlement ne pourra débattre de ces diverses ordonnances et que cette ratification intervient dans le cadre d'un projet de loi d'habilitation.
    Par ailleurs, si le dépôt d'un projet de loi de ratification sur le bureau de l'une des deux Assemblées est obligatoire, son inscription à l'ordre du jour ne l'est pas.
    Vous comprendrez donc aisément que nous soyons hostiles à ces ordonnances et à ce dessaisissement du pouvoir du Parlement au profit du Gouvernement.
    Vous tentez, vous avez déjà tenté, de nous rassurer en argumentant sur le fait que ces ordonnances seront prises dans un souci de sécurité juridique, et afin de rendre notre droit plus cohérent, plus stable et plus accessible. Mais où est la sécurité juridique lorsque l'on sait que des ordonances publiées mais non ratifiées par une loi demeurent des actes réglementaires ? Ainsi la procédure des ordonnances aura-t-elle au moins temporairement pour effet, en raison de l'abrogation des textes d'origine, de conférer aux dispositions adoptées une simple valeur réglementaire. Jusqu'à leur ratification, celles-ci subiront un déclassement dans la hiérarchie des normes juridiques. N'ayant qu'une valeur réglementaire, leur légalité pourra être contestée et elles pourront faire l'objet de contentieux. Le risque d'insécurité juridique, exactement contraire à l'objectif que vous poursuivez, est donc bien réel.
    Mais bien d'autres critiques peuvent être formulées à l'encontre de ce texte ; je pense à son champ d'application. Ce projet de loi d'habilitation est loin d'être anodin. Il contient vingt-neuf articles, ce qui est inédit pour un projet de loi d'habilitation et concerne des domaines très divers, ce qui est également bien inhabituel. Cette remarque a été faite lors de la réunion de la commission des lois par son président, M. Pascal Clément, qui a considéré que la méthode retenue pouvait susciter des interrogations et des inquiétudes, l'habilitation législative demandée par le Gouvernement dans le cadre de l'article 38 de la Constitution revêtant une ampleur sans précédent. N'est-ce-pas, monsieur Clément ?
    M. Pascal Clément, président de la commission. Cela, je l'ai dit ! Mais pas ce qui précède !
    M. Patrick Braouezec. En effet, il est d'usage de présenter des projets de loi d'habilitation relativement courts, qui contiennent quatre ou cinq articles et qui ont un objet limité et un sujet précis, tel que la transposition de directives communautaires ou l'adaptation du droit applicable outre-mer.
    Je ne citerai que quelques exemples de recours à l'habilitation sous l'ancien législature : il y eut, en 2001, un projet relatif à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer, qui comprenait trois articles ; en 2000, nous avons examiné un projet de loi d'habilitation relatif à la transposition de directives communautaires, qui ne comprenait que cinq articles ; la même année, un autre projet relatif à l'adaptation en euros de certains montants exprimés en francs ne comportait que deux articles ; je pourrais citer pour l'année 1999, un projet relatif à l'adoption de la partie législative de certains codes, qui là encore ne comprenait que deux articles. A propos de ce dernier texte, soit dit en passant, le groupe communiste avait déjà vivement protesté contre le procédé utilisé par le Gouvernement de l'époque, qui souhaitait codifier le droit. Nous n'étions d'ailleurs pas les seuls à dénoncer le recours aux ordonnances en ce domaine, j'aurai l'occasion de revenir sur ce point. Enfin, deux autres projets de loi d'habilitation, relatifs à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer, en 1999 et 1998, ne dépassaient pas quatre ou cinq articles.
    On s'était déjà aperçu qu'un grand nombre d'ordonnances - parfois jusqu'à quarante - pouvaient être prises à partir de ces lois d'habilitation ne comportant que quatre ou cinq articles. Avec un projet de loi qui contient vingt-neuf articles, combien d'ordonnances verront-elles le jour, ordonnances sur lesquelles nous n'auront qu'un contrôle a minima, voire inexistant ?
    Le projet de loi d'habilitation que vous nous demandez d'adopter aujourd'hui est donc assez unique en son genre. Mais ce n'est pas la première fois que vous demandez une habilitation sur des sujets importants, qui mériteraient un débat démocratique au sein du Parlement. Nous avons tous en mémoire les ordonnances de M. Juppé de 1996, relatives à l'organisation de la sécurité sociale et leurs conséquences.
    Votre texte est un véritable fourre-tout, qui contient des dispositions qui n'ont pas forcément de lien entre elles : cela va de l'amélioration des relations entre usagers et administration au droit du travail, en passant par les règles relatives aux marchés publics, aux opérations électorales, à l'organisation des élections professionnelles et prud'homales, au permis de chasser, à l'organisation du système de santé, à l'adoption de nouveaux codes, etc. Pourtant, vous le présentez aux Français comme un texte qui rendra l'administration plus lisible et plus efficace et qui simplifiera leur vie par des changements majeurs dans les relations entre les usagers et l'administration.
    Il est vrai que ces dernières sont les plus difficiles, en raison de procédures complexes et de délais parfois trop longs qui rendent vite les choses incompréhensibles pour l'usager, surtout lorsque la demande est apparemment simple. Il est également vrai que nous assistons à une telle inflation de textes qu'il devient quasiment impossible aux citoyens de comprendre ou même de connaître les règles auxquelles ils sont pourtant soumis. Nul ne peut le contester.
    Toutefois, le projet de loi d'habilitation ne concerne pas uniquement la simplification des relations avec l'administration. Bien au contraire, les mesures visant à la simplification de la vie des usagers ne représentent qu'un petit nombre d'articles sur les vingt-neuf que compte votre texte. Les autres n'intéressent, pour la plupart, que des catégories ciblées de personnes. En fait, ce projet n'est qu'une somme de mesures destinées à satisfaire des intérêts catégoriels, et non l'intérêt général comme vous aimeriez le faire croire. L'habilitation n'en est que plus inacceptable. Si vous voulez agir dans des domaines précis de manière efficace et démocratique, les parlementaires sont parfaitement compétents pour légiférer - c'est d'ailleurs leur rôle - et ont certainement plus de légitimité à le faire qu'un groupe d'experts que le pouvoir exécutif aura chargé de cette mission.
    Le recours aux ordonnances est la démonstration de la considération que vous portez à notre travail. C'est d'autant plus surprenant, monsieur le ministre, que vos collègues et vous-même avez souvent dénoncé cette pratique lorsque vous étiez dans l'opposition. Nous considérons que le recours aux ordonnances n'a d'autre objet que d'empêcher le Parlement d'exercer ses prérogatives et d'éviter que ne se tiennent ici même des débats sur des sujets qui méritent pourtant un examen approfondi. C'est pourquoi nous dénonçons vivement ce qui constitue, ni plus ni moins, une manoeuvre politique.
    Vous invoquez un encombrement de l'ordre du jour des assemblées, une surcharge de l'agenda législatif. Mais recourir aux ordonnances, c'est reculer pour mieux sauter. En effet, les ordonnances n'atteindront leur objectif de simplification administrative qu'à partir du moment où elles auront été ratifiées par une loi. Le problème reste donc le même : il faudra bien trouver un moment dans l'agenda parlementaire pour inscrire un projet de loi de ratification relatif à chacune des ordonnances qui sera prise... à moins que l'on ne s'y refuse.
    Il faut aussi rappeler que le Gouvernement est maître de l'ordre du jour prioritaire dans les assemblées et que - comme le faisait récemment remarquer M. le président - 95 % des lois sont d'origine gouvernementale. L'encombrement de l'ordre du jour, l'excès de législation n'est donc pas dû aux parlementaires, mais bien au Gouvernement. C'est donc à lui qu'il revient de donner à la simplification du droit une place plus conforme à l'importance qu'officiellement il lui accorde.
    Vous voyez bien que votre justification du recours aux ordonnances n'est pas cohérente. La véritable raison, c'est que vous souhaitez aller vite.
    Aller vite pour modifier le régime juridique des contrats passés par les personnes publiques, et entre autres modifier les règles applicables aux marchés publics.
    Aller vite pour modifier le code général des impôts et abroger des dispositions - mais lesquelles ? - devenues obsolètes.
    Aller vite pour modifier des dispositions législatives relatives aux opérations électorales.
    Aller vite pour remanier les modalités d'organisation et de contrôle applicables aux élections professionnelles et prud'homales.
    Aller vite pour prendre des mesures de réorganisation dans le domaine sanitaire et social, ou bien pour modifier le droit du travail.
    Je crois que vous confondez rapidité et efficacité. Vous souhaitez modifier des pans entiers de notre droit sans qu'on connaisse avec précision les mesures que vous souhaitez prendre au moyen d'ordonnances. Attention aux dégâts !
    L'exposé des motifs nous laisse d'ailleurs bien pensifs. « Le Gouvernement - y est-il indiqué - a estimé que les mesures à prendre, le plus souvent très techniques et relevant de législations disparates, trouveraient leur meilleure cohérence dans l'utilisation de la procédure des ordonnances de l'article 38 de la Constitution. » Autrement dit, le Gouvernement souhaite rendre service au Parlement en le délestant d'une charge de travail trop lourde et complexe afin qu'il puisse se consacrer aux projets de loi présentant un véritable enjeu politique.
    C'est ce que traduit en partie le discours du Premier ministre qui annonçait, dès sa déclaration de politique générale du 3 juillet 2002, qu'il nous demanderait « l'autorisation de légiférer par ordonnance pour simplifier nos législations dans un certain nombre de domaines qui ne toucheront pas aux équilibres fondamentaux de notre République, mais qui concernent la paperasse, qui concernent tous les ennuis et toutes les tracasseries qui font qu'aujourd'hui les acteurs socio-économiques sont transformés en bureaucrates alors que nous attendons qu'on puisse libérer leur énergie ».
    Le Gouvernement considérerait-il que nous ne sommes pas en mesure d'examiner des dispositions techniques pourtant nécessaires à l'application de certains dispositifs ? Considérerait-il que les dispositions relatives aux formalités que doivent accomplir les partis politiques et les candidats à l'occasion d'opérations électorales, par exemple celles relatives aux élections professionnelles et prud'homales ou celles relatives à l'organisation administrative et au fonctionnement du système de santé, n'auraient qu'un caractère technique, ne recouvriraient aucun enjeu politique et ne relèveraient pas des équilibres fondamentaux de notre République ?
    Le fait même de recourir à l'article 38 de la Constitution bouleverse un équilibre fondamental de la République, qui est la séparation des pouvoirs exécutif et législatif.
    Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, nous contestons le fait que l'on nous présente les dispositions de ce projet de loi d'habilitation comme étant uniquement d'ordre technique, ce qui justifie à vos yeux le recours à l'article 38. Nous ne pouvons accepter de vous accorder un tel blanc-seing. Cet empressement à prendre par ordonnances autant de mesures, qui concernent pour certaines des enjeux sociaux importants, traduit selon nous votre volonté de déposséder purement et simplement le Parlement d'une grande partie de ses prérogatives.
    Il est évident que tout recours aux ordonnances discrédite le Parlement, alors que les abstentions massives - car il nous faut aussi tirer les leçons du 21 avril - montrent qu'il est au contraire urgent de réconcilier les citoyens avec leurs représentants, donc avec la démocratie représentative. A force de nous dessaisir nous-mêmes, tous ensemble, de nos prérogatives, il n'y a pas lieu de s'étonner si le député apparaît, aux yeux de nos concitoyens, comme un élu peu populaire et éloigné des préoccupations des gens.
    Ce qui frappe avec ce projet de loi d'habitation, c'est que les Français et leurs représentants nationaux seront tenus à l'écart de questions qui les concernent au quotidien, et pas uniquement dans leurs relations avec l'administration. Or, dans une démocratie, le meilleur moyen de mener à son terme une réflexion de fond sur les problèmes de société, c'est bien que les représentants du peuple, élus au suffrage universel pour exercer la souveraineté nationale, discutent et votent la loi. Ce n'est manifestement pas le cas avec ce texte d'habilitation, que je qualifierai même, en raison de son ampleur, d'article 49-3 quelque peu déguisé.
    Vous nous avez déjà démontré que, lorsque cela vous arrange et pour éviter que ne s'engage un véritable débat public de fond, vous n'hésitez pas à museler les parlementaires en utilisant toutes les armes constitutionnelles. Si je qualifie ce projet de loi d'article 49-3 déguisé, c'est en raison de son caractère de programme gouvernemental de politique générale, le Gouvernement souhaitant modifier, voire abroger, de nombreuses dispositions législatives selon son gré et sans s'embarrasser du Parlement. Ce texte vous accorderait les pleins pouvoirs en matière de simplification des démarches administratives et des règles applicables aux contrats passés entre des personnes publiques et des personnes privées, en matière de droit électoral, de réorganisation du système de santé, de droit du travail ou de création de nouveaux codes. Et je ne cite ici que les plus importants des vingt-neuf articles de votre texte. Ce blanc-seing est inadmissible.
    Nous convenons qu'il faut poursuivre l'effort de simplification administrative engagé depuis une quinzaine d'années. Toutefois, les précédentes réformes ont bénéficié d'un examen par le Parlement. Je prendrai pour exemple la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dite loi DCRA, dont de nombreuses dispositions étaient reprises du projet de loi relatif à l'amélioration des relations entre les administrations et le public, lequel avait donné lieu à deux lectures à l'Assemblée nationale, les 15 et 16 janvier et le 27 mars 1997, et à une lecture au Sénat, le 26 février, son examen ayant été interrompu par la dissolution de l'Assemblée nationale.
    De manière générale, le Parlement a eu l'occasion de débattre des mesures nécessaires à la modernisation des relations entre les usagers et l'administration ou entre les différentes administrations. Comment expliquer alors à nos concitoyens que le Gouvernement n'entend pas les associer, par l'intermédiaire de leurs représentants, à des réformes qui les concernent pourtant directement ? C'est pourquoi nous ne pouvons que critiquer ce recours aux ordonnances.
    Nous n'avons d'ailleurs pas été les seuls à nous opposer à ce procédé. Lors du débat qui a eu lieu le 23 novembre 1999, ici même, sur un projet de loi d'habilitation relatif à la codification par ordonnances, nous nous étions exprimés pour faire connaître notre désapprobation. Mais vous-mêmes, mes chers collègues, qui étiez alors dans l'opposition, aviez aussi protesté, en contestant le recours à cette méthode. Vous aviez défendu une exception d'irrecevabilité ainsi motivée : « L'initiative prise par le Gouvernement de nous demander de l'habiliter à adopter neuf codes par voie d'ordonnances est, à nos yeux, à la fois politiquement contestable et juridiquement critiquable. » En quoi ces arguments auraient-ils perdu de leur valeur ?
    La suite est tout aussi intéressante. Vous considériez le fait de légiférer par ordonnances comme politiquement contestable car « tout recours à cette technique en pareille circonstance porte une grave atteinte aux prérogatives essentielles du Parlement, une atteinte révélatrice du peu de considération que porte ce gouvernement à l'institution parlementaire ».
    Mme Muguette Jacquaint. C'est vrai !
    M. Patrick Braouezec. Or que faites-vous aujourd'hui ? Vous nous présentez un projet de loi d'habilitation sans précédent, qui prévoit également l'élaboration de quatre nouveaux codes : les codes du patrimoine, de la recherche, du tourisme et de l'organisation judiciaire.
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est à droit constant !
    M. Patrick Braouezec. Bref, vous faites aujourd'hui ce que vous critiquiez hier. Pire : vous vous appuyez, afin de justifier la création de nouveaux codes par ordonnances, sur la loi d'habilitation du 16 décembre 1999 alors que vous aviez voté contre.
    Mme Muguette Jacquaint. Ils n'en sont pas à une contradiction près !
    M. Patrick Braouezec. Où sont les députés, aujourd'hui dans la majorité, qui dénonçaient hier avec force le procédé des ordonnances ? Au terme de ce débat, ils vont l'approuver sans même le contester - à moins que je ne parvienne à les convaincre...
    M. Jean Leonetti. Ne rêvez pas !
    M. Patrick Braouezec. Le recours à l'habilitation est envisagé par le Gouvernement afin de faciliter l'exécution de son programme. En cela, il ne se différencie pas trop du gouvernement précédent. L'article 38 l'autorisera à prendre des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
    Mais attention, chers collègues ! Il ne s'agit pas, le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de le confirmer, d'assimiler le programme de l'article 38 au programme gouvernemental de l'article 49 de la Constitution.
    Or ce projet de loi d'habilitation, par son ampleur et le champ législatif qu'il entend couvrir, tient vraiment d'un programme de politique générale, qui vous permettra de légiférer dans un très grand nombre de domaines, et cela sans passer par le Parlement. C'est peut-être la raison pour laquelle les rangs de la majorité d'aujourd'hui ne se soulèvent plus comme ceux de l'opposition d'hier.
    Pourtant, comme vous disposez de la majorité dans les deux assemblées, l'examen de ces textes de loi par les parlementaires ne devrait pas constituer pour vous un obstacle et permettrait au moins aux plus consciencieux d'entre nous de faire leur travail de législateur. Mais manifestement, cela ne constitue plus un impératif pour le Gouvernement.
    J'en viens au contenu du projet de loi, car il est temps d'examiner tous les domaines qui seront désormais ouverts à l'habilitation.
    Nous considérons qu'il n'y a pas lieu de débattre d'un tel texte, qui représente une mascarade parlementaire tellement son contenu est épars et imprécis. C'est pour cette raison que nous avons déposé un certain nombre d'amendements de suppression ; ils traduisent notre refus d'habiliter le Gouvernement à prendre des mesures qui ne relèvent pas nécessairement de la simplification administrative et que nous estimons dangereuses pour les citoyens.
    Le chapitre Ier prévoit des mesures de simplification de portée générale. L'exposé des motifs indique que le projet de loi « permettra la simplication des règles des procédures administratives non contentieuses et la modernisation des règles générales relatives aux relations entre l'administration et le public afin d'assurer une plus grande transparence du service public et une meilleure effectivité des garanties accordées aux usagers ».
    Honnêtement, je ne vois pas qui pourrait être défavorable à ces mesures tendant à améliorer les relations qu'entretiennent nos concitoyens avec l'administration. Toutefois, faire vite ne signifie pas forcément bien faire. En effet, plusieurs imprécisions affectent ces mesures de simplification, notamment en ce qui concerne les moyens dont vous comptez user pour simplifier les relations entre les usagers et l'administration.
    L'article 1er prévoit de simplifier les démarches des usagers en réduisant le nombre de pièces ou de procédures exigées, en modifiant les conditions d'élaboration, de révision et d'évaluation des formulaires administratifs, en substituant des déclarations sur l'honneur à des pièces justificatives, en organisant la transmission de documents entre les administrations de l'Etat, en réduisant les délais d'instruction des demandes et, enfin, en réduisant le nombre des commissions administratives.
    Vous envisagez toutes ces mesures, et notamment les transmissions de données entre administrations, sans prendre en compte le coût qu'elles auront. Pourtant, il faudra bien prévoir une réorganisation des services et moderniser les moyens informatiques des administrations, ce qui ne se fait ni sans financement ni sans personnel. Mais pas un mot sur les moyens nécessaires dans le projet de loi d'habilitation.
    Par ailleurs, vous souhaitez simplifier la vie des Français, selon votre expression, en adoptant des mesures qui les concerneront directement. Pourtant, je le répète, leurs représentants au Parlement ne seront pas associés à une réflexion de fond sur cette simplification administrative puisque vous utilisez la procédure des ordonnances. Simplifier la vie des Français ne mériterait donc pas un débat sérieux au Parlement ? C'est une conception assez étrange de la démocratie. Pour ma part, lorsqu'un projet de loi nous est soumis, j'en débats dans ma circonscription.
    Toujours dans le cadre de la simplification, vous prévoyez de supprimer certaines commissions administratives. Selon M. le rapporteur, « le nombre des procédures, des formalités et des commissions administratives sera réduit ». Est-ce vraiment rendre service à nos concitoyens de supprimer certaines de ces commissions ? Pourrions-nous au moins connaître celles qui sont visées avant que vous n'en décidiez la suppression ? Ce serait la moindre des choses, parce que certaines d'entre elles servent effectivement les citoyens.
    Mme Muguette Jacquaint. Très bien !
    M. Patrick Braouezec. La même remarque vaut pour les dispositions relatives aux contrats passés entre les personnes publiques et les personnes privées. L'article 4 prévoit simplement que le Gouvernement serait autorisé à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour aménager le régime juridique des contrats existants. Là encore, vous souhaitez avoir les mains libres pour modifier des dispositions pour le moins sensibles, relatives notamment aux marchés publics.
    Certes, le code des marchés publics est complexe. Mais il a été modifié en 2001 par les parlementaires, après un débat, et en raison des précautions à prendre dans ce domaine - je ne ferai pas référence à une actualité cuisante, dans le sud de la France -,...
    Mme Muguette Jacquaint. Il ne vaut mieux pas !
    M. Patrick Braouezec. ... il revenait également aux parlementaires d'exercer un contrôle sur de nouvelles dispositions relatives à ces contrats.
    Par ailleurs, vous auriez également la possibilité de créer - sommes-nous encore dans la simplification administrative, la question mérite d'être posée - « de nouvelles formes de contrats conclus par des personnes publiques ou des personnes privées chargées d'une mission de service public » pour, notamment, la conception et l'exploitation d'équipements publics. Il s'agit, ni plus ni moins, d'un retour au marché d'entreprise de travaux publics, puisque ce dernier se caractérise comme un contrat par lequel une personne publique confie à une autre personne, normalement un entrepreneur privé, la construction et l'exploitation d'un ouvrage. Or vous souhaitez créer de nouveaux contrats, à la va-vite, sans que l'on connaisse les règles applicables à leur passation, ce qui, dans ce domaine, nous fait craindre le pire.
    Nous ne connaissons pas davantage les moyens de contrôle dont disposeront les collectivités pour éviter tout vice de procédure dans la passation des marchés.
    Autant d'imperfections qui nous font rejeter avec force le recours aux ordonnances dans ce domaine. Je crois que nous devrions agir avec beaucoup de prudence.
    Mme Muguette Jacquaint. Les ministres aussi !
    M. Patrick Braouezec. Malheureusement, nous pouvons en dire autant des dispositions de l'article 5, qui a pour objet, je cite l'exposé des motifs, « de simplifier la vie des usagers et d'améliorer leurs relations avec l'administration fiscale ».
    Là encore, le bât blesse puisque cet article autoriserait le Gouvernement « à prendre par ordonnance toutes mesures modifiant le code général des impôts et le livre des procédures fiscales pour :
    « 1° Abroger les dispositions fiscales devenues sans objet et adapter celles qui sont obsolètes » - mais lesquelles ?
    M. Jérôme Lambert et Mme Muguette Jacquaint. La TIPP flottante !
    M. Patrick Braouezec. « 2° Elargir les possibilités et assouplir les modalités d'option pour des régimes fiscaux spécifiques » - lesquels ?
    « 3° Simplifier les démarches des usagers en allégeant ou supprimant des formalités de déclaration ou de paiement de certains impôts. » Ma question reste la même : quelles formalités et quels impôts ?
    Mme Muguette Jacquaint. Gros points d'interrogation !
    M. Patrick Braouezec. Pourquoi ne pas confier cette tâche délicate, mais nécessaire, de clarification de la règle fiscale aux parlementaires ? Dans votre rapport écrit, monsieur Blanc, vous faites référence au Vingtième Rapport au Président de la République sur les relations entre les contribuables et l'administration fiscale, celui de 2002. Le Conseil des impôts estime, dans ce document, que les contribuables ne sont pas suffisamment associés à la réflexion sur la norme fiscale. Ce n'est pas en recourant aux ordonnances que vous les associerez mieux à cette réflexion.
    Associer le citoyen aux réformes me semble pourtant une bonne méthode. Les citoyens étant directement concernés par la règle fiscale, il paraît logique de connaître leurs attentes en matière de simplification. Il reste que vous envisagez de procéder à des modifications du code général des impôts sans nous y associer. Comment, dès lors, garantir à nos concitoyens une démarche participative aux réformes qui les touchent de près ? Ce n'est absolument pas cohérent avec la volonté, que vous affichez depuis plusieurs mois, de rapprocher les citoyens des élus et des politiques en général.
    Le Conseil des impôts, dans le même rapport, souligne la nécessité de simplifier les textes en vigueur et de renforcer la sécurité juridique du droit fiscal. J'ai déjà souligné combien le recours aux ordonnances est loin de garantir la sécurité juridique des normes édictées.
    Par ailleurs, l'intelligibilité de la loi, motif que vous évoquez afin de justifier l'habilitation à simplifier et codifier le droit par ordonnances, ne peut être un objectif correctement atteint en recourant à cette méthode.
    Les ordonnances passeront inaperçues, et plus encore les lois de ratification, s'il y en a. Les citoyens n'en seront pas informés, puisqu'il n'y aura aucun débat public sur des sujets pourtant sensibles, comme le droit fiscal.
    Le deuxième chapitre comporte, quant à lui, des mesures visant à simplifier les démarches des particuliers. En effet, vous proposez de préciser, par ordonnance, les conditions d'établissement de la possession d'état de Français, afin de permettre aux Français nés hors du territoire national de faire la preuve de leur nationalité. Sur le fond, la mesure est profondément nécessaire, car il est vrai - personne ne le constate - que les Français nés à l'étranger ont parfois la plus grande peine du monde à prouver leur nationalité. Mais nous imaginions que les dispositions à modifier seraient clairement visées par le texte. Or, l'exposé des motifs résume parfaitement le flou qui règne sur ce projet de loi d'habilitation. En effet, nous pouvons y lire que, grâce à cette simplification des règles de preuve de la nationalité, la possession d'état de Français pourra être établie plus facilement, notamment par la production de certains documents émanant d'autorités françaises.
    Pour cela, vous envisagez une modification des dispositions du code civil, mais le Parlement n'aura pas droit à plus de précision dans le projet de loi. Dans son rapport...
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Excellent rapport !
    M. Patrick Braouezec. ... notre collègue Etienne Blanc ne manque pourtant pas de nous expliquer combien il est complexe, pour une personne dont la situation est inhabituelle, de faire la preuve de sa nationalité. Au lieu d'explications et de précisions sur les mesures qui seraient prises par ordonnance, nous n'avons qu'un élément plus ou moins vague pour satisfaire notre curiosité : l'ordonnance pourrait fixer pour règle que la soumission à un régime spécifique aux Français, tel que le service national ou une carrière de fonctionnaire, présumerait la nationalité française. Mais l'emploi du conditionnel suffit à montrer que l'objet de l'ordonnance est susceptible de varier. Or, les parlementaires sont tout de même en droit de connaître avec précision quelles seront les modifications qui seront apportées aux règles relatives à la nationalité, indépendamment du fait que nous aurions très bien pu débattre et mener, comme on nous le proposait tout à l'heure - ce à quoi nous étions favorables - une réflexion de fond sur le sujet.
    C'est pourquoi, même si certaines des mesures que vous proposez sont positives sur le fond, nous ne pouvons admettre de ne pas y être associés et de ne pas y voir associés nos concitoyens. En effet, la définition des règles de preuve de la nationalité nécessite au moins un examen sérieux de la part des représentants du peuple français.
    Plus généralement, ce chapitre contient un ensemble de mesures disparates qui, loin de simplifier la vie des particuliers dans leur ensemble, ne concernent que certaines catégories d'entre eux.
    Nous estimons en outre que certaines dispositions n'ont rien à faire dans ce projet de loi d'habilitation, notamment les règles relatives aux associations syndicales de propriétaires et à la procédure de validation annuelle du permis de chasse. En effet, le recours aux ordonnances se justifie dans un contexte particulier, par des circonstances exceptionnelles ou encore parce que le Gouvernement doit agir dans l'urgence. Les ordonnances, à condition de rester exceptionnelles, permettent de répondre plus rapidement à une situation elle-même exceptionnelle. Or, les mesures que je viens de citer, relatives aux associations syndicales de propriétaires, voire au permis de chasse, ne revêtent pas un caractère d'urgence tel qu'il faudrait impérativement légiférer par ordonnance. Dès lors, votre projet de loi contient un ensemble de mesures, sans doute nécessaires à une simplification administrative, mais qui ne justifient absolument pas une habilitation.
    D'autres mesures n'ont pas non plus leur place dans un projet de loi d'habilitation, comme les mesures de simplification des procédures électorales contenues dans le troisième chapitre. Ainsi, vous prévoyez à juste titre de simplifier des dispositions concernant le vote par procuration. Pourtant, même lorsqu'il s'agit des opérations électorales, vous estimez que les parlementaires n'ont pas leur mot à dire. Ils sont pourtant élus par des citoyens qui bénéficieraient de ces simplifications.
    La réflexion est la même concernant l'article 13 de ce texte. En effet, il est prévu que le Gouvernement serait habilité à modifier par ordonnance les dispositions législatives applicables en matière électorale, notamment pour simplifier les démarches que doivent accomplir les partis et groupements politiques en vue de participer à la campagne radiotélévisée des élections législatives ou pour harmoniser la procédure de dépôt des candidatures aux élections régies par le code électoral. Nous sommes en pleine invraisemblance ! Vous voudriez modifier les règles de l'élection des députés sans qu'ils aient à en discuter !
    Cela nous prouve une fois de plus le peu de considération que vous avez pour tous les parlementaires, et pas seulement pour ceux de l'opposition !
    Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !
    M. Patrick Braouezec. Mais l'habilitation que vous sollicitez est encore plus inacceptable quand il s'agit d'aménager les modalités de contrôle des comptes de campagne. Dans ce domaine, il faut être très prudent. Qu'entendez-vous par « aménager » ? Une fois de plus, nous souhaiterions être associés à une réforme qui nous concerne directement.
    Enfin, vous envisagez ni plus ni moins de simplifier les modalités d'organisation et de contrôle applicables aux élections aux chambres du commerce et de l'industrie, aux tribunaux de commerce et aux tribunaux paritaires des baux ruraux, aux élections prud'homales et aux élections à la Mutualité sociale agricole. Comment accepter de voter une habilitation dans des domaines aussi vastes ? Comment accepter que vous procédiez à un embryon de réforme des tribunaux de commerce et des conseils des prud'hommes sans que le Parlement puisse en débattre ? Je ne m'étendrai pas sur le sujet, car nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des articles, comme, d'ailleurs, sur la réorganisation envisagée dans le domaine sanitaire et social. En revanche, je tiens à m'attarder - pas trop longuement, rassurez-vous,...
    M. Hervé Novelli. Merci !
    Mme Muguette Jacquaint. Il n'y a pas de débat, alors prenons notre temps !
    M. Patrick Braouezec. ... sur des mesures qui nous paraissent suffisamment graves pour que nous émettions les plus vives critiques. En effet, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement souhaite alléger les formalités résultant de la législation relative au travail et à la formation professionnelle. Qu'est-il prévu exactement dans le projet de loi d'habilitation ? Le Gouvernement serait autorisé à prendre par ordonnance toutes mesures pour harmoniser ces seuils d'effectifs qui déterminent l'application de certaines dispositions du code du travail, ainsi que le mode de calcul des effectifs. Vous pourriez donc revoir ces seuils, alors qu'ils sont nécessaires à la détermination, par exemple, du droit des salariés à avoir des représentants du personnel ou un comité d'entreprise.
    Mais l'habilitation ne s'arrêterait pas là. En effet, le Gouvernement pourrait également prendre par ordonnance - mais je vous donne peut-être des idées - toutes mesures tendant à harmoniser les délais applicables aux procédures individuelles de licenciement et les durées des périodes de protection contre le licenciement dont bénéficient les candidats aux élections professionnelles et les anciens représentants du personnel. Bien entendu, vous n'y pensez pas un seul instant, mais c'est du domaine du possible.
    Mme Muguette Jacquaint. Des idées comme ça, ils n'en manquent pas !
    M. Patrick Braouezec. Une fois encore, nous avons la preuve de votre détermination à démanteler les acquis sociaux en ayant recours à l'article 38 de la Constitution pour éviter d'âpres discussions en séance publique sur des sujets aussi importants. C'est tout simplement inadmissible. Aussi avons nous déposé un amendement de suppression de cet article.
    La suite du projet de loi d'habilitation est tout aussi contestable.
    En effet, il est prévu dans le chapitre VI d'utiliser une méthode bien suprenante, puisque seront ratifiées des ordonnances précédemment adoptées. Cela prouve bien que les parlementaires ont peu de chance de voir les projets de loi de ratification déposés en temps et en heure sur le bureau des assemblées et qu'ils ne pourront donc pas débattre des nombreuses et diverses dispositions qui nous sont présentées aujourd'hui. Le débat parlementaire ne semble vraiment pas être votre priorité. C'est un recul regrettable pour la démocratie, et personnellement, je le déplore.
    Enfin, le paradoxe est à son comble lorsque vous sollicitez du Parlement une habilitation afin de créer quatre nouveaux codes par ordonnance. Je ne puis en effet que vous renvoyer aux vives protestations que vous avez émises lorsque le Gouvernement précédent avait agi de la sorte en créant, vous l'avez rappelé, neuf nouveaux codes par ordonnance.
    M. Gilbert Meyer. Quatre ce n'est pas neuf !
    M. Patrick Braouezec. Je le répète, en acceptant le principe d'une codification par voie d'ordonnance, le Parlement est conduit à déléguer au Gouvernement un pouvoir essentiel de formation du droit, sans même pouvoir contrôler - ce qui est certainement plus grave encore - le contenu de ce droit. Le dessaisissement auquel consent le Parlement prétendument pour des raisons d'efficacité ou de vitesse s'apparente, à nos yeux, à une forme de renoncement à l'exercice de son pouvoir législatif dans des domaines entiers du droit, ce qui est particulièrement préoccupant.
    Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !
    M. Patrick Braouezec. Le procédé est tout simplement inacceptable ! Ainsi dépossédés de notre pouvoir législatif, nous sommes devenus bien inutiles. Toutefois, en matière de codification, nous continuerons de militer en faveur d'une participation du Parlement la plus complète possible. Nous sommes conscients du caractère primordial que revêt cette tâche, compte tenu de la mission que se donne le législateur de rendre la loi plus cohérente et plus accessible à tous.
    En conclusion, le Gouvernement cache bien son jeu avec ce projet de loi. La simplification administrative est devenue, paraît-il, l'une de vos priorités. Or, que remarquons-nous lorsque l'on observe votre politique ? La fonction publique est on ne peut plus mise à mal. Qu'il s'agisse de leurs effectifs ou de leurs retraites, les fonctionnaires sont sur la sellette. Ainsi, en 2003, le Gouvernement a prévu la suppression de 1089 postes, alors que sur les 2,3 millions d'agents qu'emploie l'Etat, 54 000 doivent partir cette année à la retraite, et 59 800 en 2004. L'objectif du Gouvernement est de ne remplacer qu'un agent sur deux.
    Mme Muguette Jacquaint. C'est ça, la simplification !
    M. Patrick Braouezec. La simplification administrative ne se fera pourtant pas sans des personnels formés à de nouvelles méthodes de travail et en nombre suffisant.
    De manière générale, il n'y a pas lieu de discuter de ce texte car, s'il était adopté, il vous accorderait les pleins pouvoirs. Ce n'est donc pas un simple projet de simplification administrative. Sinon, vous n'auriez pas hésité à nous confier l'examen d'un texte destiné à simplifier la vie de nos concitoyens puisque leurs préoccupations nous touchent évidemment de près. Nous sommes attentifs à leurs attentes, l'une d'entre elles étant justement que la démocratie s'exerce de la manière la plus directe et la plus transparente possible. Or, votre projet de loi ne va pas dans ce sens.
    Nous ne pensons vraiment pas que donner un blanc-seing au Gouvernement réponde à l'une de ces attentes et nous ne pouvons donc décemment accepter de nous dessaisir de notre pouvoir législatif dans des domaines aussi vastes et divers. C'est pourquoi, chers collègues, de gauche comme de droite, si vous avez une réelle conscience de votre rôle, vous accepterez de voter en faveur de notre question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. Michel Vaxès. Excellent !
    Mme Muguette Jacquaint. Un vent de démocratie souffle dans cette volière !
    M. le président. Madame Jacquaint, votre remarque est désobligeante pour l'ensemble de vos collègues. (Sourires.)
    La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Votre question préalable, monsieur Braaouzec, montre que la mutation du parti communiste, dont nous avons vu les effets lors de son dernier congrès, est achevée. En effet, vous avez brillamment défendu les droits formels, si longtemps dénoncés comme caractéristiques d'une démocratie bourgeoise incapable de faire progresser les droits réels du prolétariat.
    Mme Muguette Jacquaint. Vous auriez dû vous inviter au congrès !
    M. Patrick Braouezec. Ne vous plaignez pas, nous n'avons pas fait appel à Maxime Gremetz ce soir. Mais si vous insistez, nous irons le chercher !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Je me réjouis de cette conversion à la défense des droits du Parlement. Plus sérieusement,...
    M. Patrick Braouezec. Ce n'était pas sérieux ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. ... je rappelle que l'objet d'une question préalable est de démontrer qu'il n'y a pas lieu de légiférer.
    M. Michel Vaxès. Il l'a fait excellement !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Or toute votre intervention a consisté à démontrer, avec vigueur, et je m'en réjouis, que ce projet de loi concerne une entreprise de simplification sans précédent sous la Ve République, touchant, c'est vrai, à des matières très diverses, et visant à modifier trente lois et une quinzaine de codes. Vous avez donc démontré exactement l'inverse de ce qu'une question préalable a normalement pour objet de démontrer.
    Au-delà de cette remarque, qui suffit à invalider votre motion de procédure, nous n'avons décidément pas la même conception du Parlement.
    M. Patrick Braouezec. C'est sûr !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. En effet, vous avez commencé votre intervention en disant qu'avec nous, celui-ci s'apparenterait de plus en plus à un théâtre d'ombres.
    M. Michel Vaxès. Nous sommes dans la lumière !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Or, je crois, moi, que très souvent, le Parlement se consacre à des jeux que comprend mal l'opinion publique. Nous avons reçu des Français un mandat clair pour simplifier. Aussi le Gouvernement fait-il le choix de placer cette volonté de simplification au coeur de son action et d'inscrire celle-ci dans la durée, comme vous l'avez vous-même rappelé, en prévoyant des rendez-vous réguliers.
    M. Michel Vaxès. En supprimant des emplois !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Cette loi constitue en effet un premier pas qui sera suivi d'autres. C'est très exactement la vocation d'une loi d'habilitation.
    M. Patrick Braouezec. Proposez à M. Chirac de dissoudre à nouveau, c'est mieux !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. L'article 38 de la Constitution autorise le Parlement à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour la réalisation de son programme. Or la majorité - car, ne vous en déplaise, vous êtes désormais dans l'opposition -
    M. Jean Leonetti. Eh oui !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. ... place au coeur de son programme la volonté de simplifier et considère qu'il faut aller vite. C'est pourquoi le Gouvernement fait le choix de légiférer par ordonnance.
    M. Michel Vaxès. Au mépris du Parlement !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. » Telle est notre conviction.
    Mme Muguette Jacquaint. Nous saurons vous le rappeler !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. A trop étendre l'empire de la loi, vous affaiblissez son autorité et vous compliquez sa compréhension par nos concitoyens. Toute l'ambition de ce projet est de renouer avec l'esprit même de la Ve République, dont l'article 34 de la Constitution définit limitativement le domaine de la loi. C'est ainsi que le beau principe de l'égalité de tous devant la loi, inscrit sur tous les frontispices et que nous partageons tous, retrouvera ses lettres de noblesse et que les Français pourront à nouveau comprendre la loi. Voilà le point sur lequel nous divergeons fondamentalement.
    Vous, vous voulez étendre toujours plus la sphère de l'Etat et de la loi, si bien que les Français finissent par ne plus s'y reconnaître et que vous aggravez le divorce entre nos concitoyens, d'une part, l'Etat et la loi, d'autre part. Nous, nous voulons au contraire restaurer l'idée même de loi, et c'est la représentation nationale elle-même qui, comme elle en a le droit, habilitera le Gouvernement,...
    M. Jérôme Lambert et M. Patrick Braouezec. L'ordonnance n'est pas la loi !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. ... en vertu de l'article 38 de la Constitution, à légiférer par ordonnance.
    Pour toutes ces raisons, la question préalable est sans objet.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'interviendrai moins longtemps que M. Braouezec...
    M. Patrick Braouezec. Je n'ai pas été très long !
    M. Jean Leonetti. Cela aurait pu être pire !
    M. Patrick Braouezec. J'aurais pu vous lire quelques pages de Kundera !
    M. Pascal Clément, président de la commission. N'oubliez pas qu'auparavant notre collègue socialiste avait défendu l'exception d'irrecevabilité.
    Tout d'abord, je veux vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que le projet de loi d'habilitation que nous sommes appelés à voter présente pour nous un grand intérêt. En effet, la simplification juridique crée de la sécurité juridique. Je crois qu'il faut insister sur ce point, car nous vivons une époque où tous, juristes ou citoyens, se plaignent de l'insécurité juridique créée par des textes parfois contradictoires, en tout cas tellement nombreux que, dans certains cas, plus personne ne sait comment agir.
    Simplifier, c'est donc avant tout donner aux Français le sentiment que l'administration est là, comme disait Bossuet, pour les servir et pour rendre les peuples heureux.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Or, nous en sommes loin si l'on en croit la réaction des Français quand on les interroge sur leur administration ou sur l'incroyable maquis de textes qu'est malheureusement notre législation.
    Deuxième idée : la simplification rapproche les Français de la loi. Actuellement, ceux-ci se sentent tout à fait incapables de dominer la masse de règlements, de lois, de dispositions diverses, et s'ils n'en sont pas les victimes, ils croient l'être. Car les Français ont ceci de paradoxal qu'ils souhaitent à la fois que des lois soient votées dès qu'un problème se pose et que celle-ci ne soient pas trop nombreuses.
    M. Marc Le Fur. Exact !
    M. Pascal Clément, président de la commission. La première bonne résolution, c'est donc, comme cela est probablement prévu dans les ordonnances - je dis « probablement » parce que je n'ai pas vu de textes à ce sujet...
    M. Patrick Braouezec. Personne ne les a vus, c'est précisément ce qu'on reproche au Gouvernement !
    M. Pascal Clément, président de la commission. ... de revoir des lois qui sont trop souvent des textes de circonstance, mon cher collègue.
    M. Patrick Braouezec. Je suis d'accord !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je conçois que le Parlement ne soit pas ravi de se déposséder de ses compétences législatives, mais il devrait être encore plus sévère à l'égard de ces textes, qu'il demande au Gouvernement de présenter ou que celui-ci dépose de sa propre initiative. Combien de textes récents - je ne vous ferai pas l'injure de les citer, mais nous les avons en mémoire - n'avaient d'autre but que de répondre à des questions sociales - souvenez-vous : Eurodisney, Michelin, Danone - sans qu'aucune réflexion n'ait été préalablement menée pour s'assurer de leur pérennité ? Cette simplification était donc indispensable, monsieur le secrétaire d'Etat, et il fallait y procéder.
    Quant aux codifications, certaines se font à droit constant, d'autres, me dit M. le secrétaire d'Etat, à droit « inconstant ». En ce qui concerne les premières, je suis ahuri de la lenteur avec laquelle le Parlement codifie.
    M. François Sauvadet. C'est tout à fait exact !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Songez aux professionnels du droit, donc aux justiciables, et au maquis infernal que, faute de codification, représentent les dispositions législatives pour ceux qui veulent adopter une conduite conforme aux règles en vigueur. La codification contribue donc vraiment à la simplification : elle permet d'éviter les redites, facilite la lecture et la compréhension. C'est aussi ce que nous faisons en habilitant, en vertu de l'article 38, le Gouvernement à légiférer. Du reste, pour avoir moi-même eu en charge quelques codifications, je peux vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Parlement, trop heureux qu'on lui épargne le travail technique énorme que cela représente, se contente généralement d'enregistrer celles qui lui sont proposées. Ce n'est ni plus ni moins que le travail législatif qui est accompli dans le cadre de l'habilitation de l'article 38. De ce point de vue, rien ne change.
    Par ailleurs, certaines mesures, parce qu'elles sont diverses, nombreuses et n'ont parfois rien à voir les unes avec les autres, ne peuvent être prises que par ordonnance. En l'occurrence, pour vous répondre, monsieur Braouezec, ce n'est pas l'urgence, mais incontestablement la diversité des sujets abordés qui justifie le recours aux ordonnances. Voilà l'aspect positif.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous recommande d'abord de faire preuve d'audace, parce que les administrations ne vont pas aimer. J'ai même cru comprendre qu'elles n'aimaient déjà pas, et vous m'avez confié qu'il fallait beaucoup d'énergie à un ministre pour faire avancer les choses. Il faut de l'audace, car Dieu sait que tout dessaisissement de l'administration est considéré par elle comme une perte de pouvoir et personne n'y met beaucoup de bonne volonté.
    Je vous recommande aussi d'être prudent. Pour le problème du vote par correspondance, par exemple, qui nous intéresse tous ici, il faudra faire en sorte que la délégation de la procédure aux maires assure une totale transparence, pour que la sécurité juridique soit complète. Il serait trop facile de confier cette tâche aux maires, en leur laissant toute latitude, sans vérifier que les garanties nécessaires à l'expression d'un vote démocratique ont été prises, malgré la simplification souhaitable.
    Enfin, je profite de la présence dans l'hémicycle du président de l'Assemblée nationale pour souligner que cette occasion me semble propice à la mise en oeuvre de la novation qu'il nous a fait introduire dans la réforme du règlement. Je veux parler de la création d'une mission d'information et d'évaluation décidée par la conférence des présidents sur l'initiative propre du président de l'Assemblée nationale. L'utilisation de cette nouvelle formule au moment de la ratification serait une bonne expérimentation.
    En effet, comme vous le savez, les ordonnances prises en application de l'article 38 prennent valeur juridique, dès leur publication, mais elles ne la conservent que s'il y a dépôt d'un projet de loi de rectification sur le bureau des assemblées. Or, comme je l'ai déjà souligné en commission, il est très rare qu'un débat de ratification soit organisé. Compte tenu de l'ampleur considérable - sans précédent sous la Ve République, c'est vrai - du champ couvert par ces ordonnances....
    M. Jérôme Lambert. Ah !
    M. Pascal Clément, président de la commission. ... il me paraît indispensable, pour l'honneur du Parlement, qu'un tel débat ait bien lieu.
    M. André Vallini. Enfin !
    M. Patrick Braouezec. Par conséquent, débattons au lieu d'autoriser les ordonnances !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Pour être utile, le débat de ratification ne doit pas se borner à faire de l'Assemblée une simple chambre d'enregistrement. Il faut qu'il nous donne la possibilité de faire remonter les informations du terrain - pour employer une expression à la mode - à la suite de la publication des ordonnances. Nous aurons alors pu apprécier comment elles ont été acceptées, en matière de droit du travail, par exemple, et nous pourrons utiliser notre droit d'amendement pour rectifier, ajuster ou préciser. A cet égard, la constitution d'une mission d'information et d'évaluation serait un cadre approprié.
    L'article 38 ne mérite pas un tel excès d'indignité. Tous les gouvernements l'ont utilisé.
    M. Patrick Braouezec. Nous l'avons toujours contesté !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Tel à encore été le cas récemment, en 2001, quand le gouvernement précédent a demandé l'habilitation du Parlement pour ratifier par ordonnances une cinquantaine de transpositions de directives européennes.
    M. Patrick Braouezec. Vous vous étiez élevé contre cela !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Nous ne nous étions pas élevés contre cela.
    M. Patrick Braouezec. Si !
    M. le président. Monsieur Braouezec !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Nous nous étions élevés contre la lenteur que la France mettait à transposer des directives européennes.
    M. Patrick Braouezec. Pour certaines dispositions, il vaut mieux ne pas se presser !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Aujourd'hui encore, nous sommes parmi les derniers de la classe européenne à cet égard. Quand le retard est si grand, il ne reste que cette solution, mais nous aurions souhaité que vous le fassiez de manière plus régulière. J'appelle d'ailleurs le Gouvernement à ne pas trop prendre de retard en la matière, sous peine de devoir recourir une nouvelle fois à des ordonnances pour transposer des directives européennes.
    Telles sont, mes chers collègues, les remarques que je souhaitais formuler, en espérant que le président de l'Assemblée m'aura entendu et permettra une première expérience de mission d'information et d'évaluation, afin que nous ayons ensuite un véritable débat de ratification. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean Leonetti.
    M. Jean Leonetti. Après l'intervention de M. Braouezec, la première interrogation est celle de savoir ce qu'est une question préalable. Théoriquement elle a pour but de décider qu'il n'y a pas lieu de légiférer. Or, les propos tenus par M. Braouezec ont montré combien il était nécessaire de légiférer. Il a en effet souligné que le débat était légitime et positif sur le fond, que les Français étaient dans une situation d'incompréhension face à une administration complexe, que la multiplication de textes nuisait à leur application. Il a donc pratiquement dit qu'il fallait rejeter la question préalable.
    En bon communiste, M. Braouezec a commencé par évoquer les droits de l'homme.
    M. Patrick Braouezec. Savez-vous si je suis un bon communiste ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. On l'espère pour vous ! Mais ne prenez pas M. Braouezec à partie, monsieur Leonetti.
    M. Lionnel Luca. Ce sont deux termes incompatibles !
    M. Jean Leonetti. Je me garderai bien de donner un label particulier, mais j'ai au moins remarqué quelque chose : généralement, un communiste commence par une référence aux droits de l'homme, poursuit par un appel à la démocratie et donne beaucoup de leçons, tout en étant extrêmement conservateur. Tel a été l'ordonnancement de son discours, qui a montré que s'il dénonce la situation, il veut surtout ne rien changer !
    Monsieur Braouezec, vous voulez que l'on retourne à la démocratie directe, parce que vous savez que, même lorsque vous êtes au pouvoir, même quand vous êtes dans la majorité, comme vous l'avez dit vous-même, vous restez toujours dans la minorité. Vous avez inventé la participation sans le soutien, ce qui vous permet de voter contre toutes les demandes d'habilitation fondées sur l'article 38, dont j'ai bien compris qu'il était le véritable objet de votre ire.
    L'article 38 ne vous plaît pas ? Mais il ne plaît à personne, monsieur Braouezec - M. le président de la commission des lois l'a bien rappelé - de se dessaisir de son pouvoir législatif. Le législateur ne doit donc le faire que d'une main tremblante en définissant bien les orientations, à suivre et en se réservant la possibilité d'effectuer une vérification a posteriori. Les propos tenus par M. le ministre, puis par M. le président de la commission des lois, sur la ratification contrôlée du Parlement devraient nous rassurer à cet égard.
    Je terminerai en évoquant deux éléments.
    D'abord, j'ai fait partie de cette fonction publique hospitalière qui, pendant un peu plus d'un quart de siècle, a vu comment les lourdeurs administratives ont peu à peu détourné de l'action soignante nombre de ceux qui travaillent dans les hôpitaux. Je suis donc persuadé que le processus de simplification et d'allégements administratifs diminuera les contraintes qui pèsent sur l'ensemble des fonctionnaires et leur permettra de se consacrer davantage à l'action publique et au service du public.
    Le deuxième élément que nous devrions tous avoir en mémoire en ce 8 avril, c'est que les Français nous ont fait comprendre, il y a presque un an, que l'Etat était impuissant, incapable de répondre à leurs préoccupations quotidiennes.
    Mme Muguette Jacquaint. Et quelles réponses leur apportez-vous ?
    M. Jean Leonetti. Ils ont sanctionné notre inefficacité, soit par l'abstention, soit par des votes extrêmes. Je parle de « notre » inefficacité, car elle résulte de l'empilement, depuis de nombreuses années, de textes de loi. En conséquence, plus personne ne comprend la loi, alors que nul n'est censé l'ignorer.
    C'est la raison pour laquelle votre question préalable, comme vous l'avez démontré, n'est légitime ni sur la forme ni sur le fond. Il est au contraire légitime de vouloir simplifier la vie des administrés, pour rendre le goût de la chose publique à la fois aux acteurs publics et à l'ensemble de nos concitoyens qui entendent en bénéficier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.
    M. Jérôme Lambert. Votre intervention, monsieur le secrétaire d'Etat, a levé la voile sur votre conception de la simplification. En vous écoutant, en effet, j'ai bien compris que, pour vous, une simplification, par exemple, consisterait à supprimer le débat au Parlement.
    M. Lionnel Luca. C'est un raisonnement simpliste !
    M. Jérôme Lambert. Nous ne sommes évidemment pas d'accord !
    J'ai aussi entendu M. Clément, président de notre commission des lois, reconnaître et valider, sinon toutes, du moins un certain nombre des critiques que Patrick Braouezec et moi-même avons exprimées dans nos interventions. Il a ainsi souligné que vous nous présentez un projet de loi d'une ampleur sans précédent, traitant de sujets multiples. Cela est d'autant plus inquiétant - même si l'on peut toujours espérer une évolution - qu'il est presque devenu de tradition qu'il n'y ait pas de réel débat de ratification permettant d'examiner, a posteriori, les dispositions prises par le Gouvernement, en vertu de l'habilitation que le Parlement lui a concédée.
    Sur toutes ces questions, dont j'ai aussi longuement traité, le groupe socialiste a la même appréciation que Patrick Braouezec, qui a défendu la question préalable, quant aux dangers que représentent certaines des dispositions de ce texte.
    Le groupe socialiste votera donc la question préalable.
    M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Braouezec. Je me bornerai à formuler quelques remarques en réponse au secrétaire d'Etat et au rapporteur.
    M. Lionnel Luca. Ce n'est pas une explication de vote, monsieur le président !
    M. Bernard Accoyer. Il va faire une nouvelle intervention !
    M. le président. Monsieur Accoyer, M. Braouezec a toute liberté d'expression dans son explication de vote.
    M. Bernard Accoyer. Il a déjà exposé sa motion !
    M. Patrick Braouezec. Je peux tout de même expliquer pourquoi je suis d'accord avec moi-même ! (Sourires.)
    M. le président. Pardonnez-moi, monsieur Accoyer, mais il explique maintenant le vote de son groupe alors que, auparavant, il a défendu la question préalable.
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est un homme-orchestre. Admirez !
    M. Patrick Braouezec. Puis-je continuer à dire en quoi je suis d'accord avec moi-même ?
    M. le président. Continuez, monsieur Braouezec.
    M. Bernard Accoyer. Donc, c'est un bon communiste.
    M. Patrick Braouezec. Monsieur Accoyer, ne vous en déplaise, je veux rappeler quelques éléments du débat.
    D'abord, personne ne conteste qu'il est nécessaire d'opérer des simplifications administratives dans ce pays. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Xavier de Roux. Enfin!
    M. Patrick Braouezec. En revanche nous contestons le moyen que vous utilisez, car il ne permet pas le débat, il n'assure pas la transparence et il ne donne pas la possibilité à ceux en faveur desquels, a priori, vous voulez intervenir, de prendre la mesure des simplifications que vous proposez. A aucun moment, en effet, nous n'avons pu discuter avec eux de ces simplifications.
    Vous avez parlé de lourdeurs administratives et il est évident qu'il en existe. A ce propos, je rejoins celui qui a dit tout à l'heure que nous ne rencontrions pas forcément les mêmes gens. Ceux que je vois dans ma criconscription subissent tous les jours des lourdeurs administratives, qu'il s'agisse d'obtenir un emploi ou un logement, de rechercher une aide pour avoir droit à un emploi ou à un logement.
    M. Lionnel Luca. Que fait le maire ?
    M. Patrick Braouezec. Nous pouvons vous retourner la question, surtout en ce qui concerne le logement social ! En effet, que font certains maires dans ce domaine ? Je veux bien que l'on entame un débat sur ce sujet, mais il m'étonnerait que M. le président le permette.
    M. le président. Non, continuez !
    M. Patrick Braouezec. Si vous y tenez, nous pouvons l'engager, car nous assumons nos responsabilités dans le domaine du logement social.
    M. Jean Proriol. Vous n'êtes pas les seuls !
    M. Patrick Braouezec. Nous rencontrons donc ceux qui subissent les lourdeurs administratives dans leur vie quotidienne et pour des actions non pas ponctuelles mais vitales.
    Vous avez aussi prétendu que nous ne voudrions rien changer. Si, nous voulons changer bien des choses d'ailleurs, mais nous tenons à le faire avec l'ensemble de ceux qui sont concernés, y compris dans les administrations.
    M. Yves Bur. Oh là là !
    M. Patrick Braouezec. En effet, que vous le vouliez ou non, toute réforme administrative engagée sans concertation avec les représentants des administrations concernées, y compris sur les questions de moyens et de personnels, ne peut aboutir.
    Enfin, vous avez évoqué le fait que, de toute manière, les dispositions retenues reviendraient devant le Parlement, et monsieur Clément, vous avez même invité M. le président de l'Assemblée à faire en sorte qu'il y ait véritablement débat. Dans ces conditions, pourquoi ne pas réfléchir, comme certains l'ont proposé, et travailler sur des dispositions qui feraient l'objet d'un débat parlementaire en toute transparence. Il serait ainsi possible de légiférer, non pas par ordonnance, mais par un texte de loi.
    A cet égard, je partage votre remarque selon laquelle nous votons souvent des lois conjoncturelles qui n'ont pas de caractère pérenne. Cela étant, 95 % d'entre elles viennent du Gouvernement. C'est donc lui que vous devez interroger sur cette question.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je le sais, mon cher collègue !
    M. Lionnel Luca. Qu'en a-t-il été pendant cinq ans ?
    M. Patrick Braouezec. Cela a été le cas sous tous les gouvernements, j'en conviens, mais chaque jour on rajoute de la loi à la loi sans qu'il y ait le caractère pérenne qu'évoquait M. Clément.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Tout à fait !
    M. Patrick Braouezec. En cette occasion, nous aurions pu avoir un débat sur un certain nombre de simplifications administratives, je regrette que tel ne soit pas le cas et c'est pour cela que la question préalable est tout à fait justifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.
    M. François Sauvadet. Je ne comprends pas très bien le sens de l'intervention de M. Braouezec. Il me semble en effet que nous devons tirer les leçons de ce que nous avons vécu ces dernières années, notamment du choc auquel malheureusement nous avons tous été confrontés le 21 avril avec la montée de ces exaspérations, de ces incompréhensions, de ce sentiment que, malgré les alternances, les choses ne changent pas.
    M. Patrick Braouezec. Ce n'est pas le problème de l'alternance !
    M. François Sauvadet. Aujourd'hui, monsieur Braouezec, nous devrions tous partager, au-delà des clivages politiques traditionnels, la volonté de répondre aux attentes de nos compatriotes notamment en matière de simplification afin qu'ils aient le sentiment que nous essayons de les entendre, de les comprendre, de leur simplifier la vie.
    Je prends l'exemple de l'artisanat qui me paraît symptomatique car il touche au problème essentiel de l'emploi auquel nous devons tous être sensibles. En ce domaine, en effet, il faut impérativement simplifier l'environnement de ces entreprises, de ces artisans qui se désespèrent face à la masse de paperasses à traiter, qu'il s'agisse de bulletins de paie ou de tant d'autres formalités. Il y a bien des améliorations à apporter dans leur vie au quotidien.
    Il me paraît également très utile pour la démocratie française de se pencher enfin sur la possibilité de faciliter le vote de nos compatriotes absents le jour du scrutin.
    M. Patrick Braouezec. On peut légiférer tout simplement. Il n'y a pas besoin d'ordonnances !
    M. François Sauvadet. Je soutiens personnellement, et au nom de l'UDF, le Gouvernement dans sa volonté enfin clairement affichée de simplifier.
    En ce qui concerne la méthode, celle qui a été retenue n'empêche pas le débat. Il a déjà lieu en ce moment et il se poursuivra sur le champ de l'habilitation.
    M. Patrick Braouezec. Il n'y a pas de débat sur le fond ! Il porte seulement sur la forme !
    M. François Sauvadet. Mais si, nous allons l'avoir sur le fond ! A cet égard, je suis en désaccord avec vous, car nous pourrions discuter effectivement. En effet, il nous appartient de définir la mission que nous voulons confier au Gouvernement pour atteindre l'objectif auquel nous souscrivons.
    Cela étant, comme l'a souligné M. Clément, la volonté de simplifier va se heurter à des résistances fortes liées au fonctionnement même de nos administrations, lesquelles, par delà les alternances, manifestent souvent un esprit de résistance au changement.
    Notre rôle est de nous assurer que la volonté affichée trouve un prolongement réel dans la vie quotidienne des Français. Tel est aussi le sens de la proposition du président de la commission demandant la création d'une mission d'évaluation. Le contrôle est en effet un rôle essentiel du Parlement français.
    J'ai présidé, avec Jérôme Bignon, une commission d'enquête sur l'application de nos lois. Nous avions alors dénombré 100 000 décrets et 8 000 à 9 000 lois en vigueur. Les Français sont ainsi perdus dans un maquis inextricable. A cet égard, je m'associe aux propos tenus sur la nécessité d'accomplir des efforts en matère de codification. Il faut en effet recoller les morceaux du puzzle pour rendre notre législation lisible. Ce manque nous place dans une situation d'insécurité juridique permanente.
    Il nous appartiendra donc d'évaluer ce qui sera fait et de bien contrôler que les objectifs que nous aurons définis seront concrètement traduits sur le terrain. Tel est l'enjeu.
    Dès lors, mon cher collègue, ne boudons pas notre plaisir...
    M. Patrick Braouezec. C'est un bien grand mot !
    M. François Sauvadet. ... de voir enfin un gouvernement exprimer une volonté forte, à laquelle nous ne pouvons que souscrire, de simplifier la vie des Français. Ils l'attendent, et le groupe UDF vous soutiendra, monsieur le secrétaire d'Etat. Nous souscrivons d'ailleurs à l'analyse faite de l'état de notre législation par M. le président de la commission des lois.
    Cela étant, nous devrions tout de même nous interroger sur la façon dont nous légiférons. Il me semble qu'un gouvernement, quel qu'il soit, devrait toujours prendre l'engagement de faire précéder la présentation de ses textes de véritables études d'impact et de toiletter en même temps la législation en vigueur. En effet, la meilleure façon de simplifier est de commencer par ne pas complexifier. Il faut donc éviter, quand on présente un texte, d'empiler de la législation sur de la législation, et d'indiquer quel dispositif le nouveau texte va remplacer. Il conviendrait que nous menions en commun une action pour convaincre tous les gouvernements de s'engager dans cette voie, afin que notre législation soit plus lisible et de veiller aux conditions de l'application de la loi.
    M. Patrick Braouezec. Bien sûr !
    M. François Sauvadet. Aucun parlementaire ne saurait se réjouir de voir que des lois discutées et votées n'ont jamais été appliquées. Cela n'est pas satisfaisant et nous avons des progrès à effectuer à cet égard. Je souhaite donc, monsieur Braouezec, que vous vous rangiez tout simplement à cette volonté partagée. Je ne désespère pas de votre bon sens...
    M. Patrick Braouezec. Merci !
    M. François Sauvadet. ... et je vous engage à vous engager dans le débat. (Sourires.)
    Pour que cela soit possible, le groupe UDF votera donc contre la question préalable que vous avez défendue, avec un objectif me semble-t-il politique, celui de protéger les systèmes installés. Si nous voulons faire bouger les choses, il faut en manifester clairement la volonté, et nous sommes là pour cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
    (La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

    M. le président. Mes chers collègues, je vous propose de donner ce soir la parole dans la discussion générale à l'orateur principal de chaque groupe.
    La parole est à M. Jean Leonetti.
    M. Jean Leonetti. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui est vaste et ambitieux car il a à la fois pour but de simplifier la vie de nos concitoyens et de réformer l'Etat.
    Le citoyen rencontre tous les jours des difficultés à des règles mal établies ou mal appliquées souvent complexes et quelquefois contradictoires. Il voit ses initiatives contrariées par un droit hésitant, souvent incompréhensible, de l'avis même des spécialistes. Il constate que les réponses administratives à ses interrogations sont tardives, éloignées de la réalité, indifférentes aux problèmes rencontrés.
    Pourquoi le droit est-il si complexe ? Pourquoi à la clarté de la norme s'est progressivement substituée la confusion des règlements ? On peut y voir plusieurs raisons.
    La première est certainement la tendance du législateur à faire une loi bavarde qui réglemente plus qu'elle n'affirme la norme, une loi qui s'affiche plus qu'elle ne dit le droit.
    La deuxième est l'incapacité dans notre culture administrative conservatrice de supprimer une règle, une instance ou un organisme, même s'il apparaît inutile ou obsolète ou pouvoir avantageusement être remplacé par une structure nouvelle. Il s'ensuit un empilement des textes et des pôles de décision qui finissent par affaiblir l'action publique.
    La troisième raison est la recherche excessive de consultations à caractère plus ou moins démocratique, d'avis d'expert ou d'organismes administratifs qui finit par délégitimer le pouvoir du peuple confié aux élus ou aux responsables publics.
    Enfin, nos concitoyens réclament plus d'équité, plus de sécurité, plus de social, plus de justice, et demandent à la loi de s'adapter à chaque situation particulière. Or la loi qui s'adresse à chacun ne s'applique plus à tous.
    Le droit européen et la mondialisation sont venus ajouter à la complexité du droit celle d'un nouvel espace de décision et le temps de la vitesse et du détail remplace l'époque de la lenteur et de la globalité. L'Etat et l'administration se gèrent de manière cloisonnée et il perd dans la forêt des complexités la racine de son action favorisant quelquefois sa propre gestion au détriment de son action au service de nos concitoyens.
    Cette situation est connue et admise par tous. Nous venons d'entendre M. Braouezec : il ne la conteste pas.
    Est-elle donc irrévesible ? L'Etat est-il incapable de se réformer ? Les tracasseries administratives que l'on dénonce périodiquement constituent-elles un mal français incurable ?
    Nous ne le pensons pas. C'est la raison pour laquelle nous approuvons le texte que vous nous proposez aujourd'hui. Ce projet de loi de vingt-neuf articles habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances un ensemble de mesures tendant à la simplification administrative nous paraît urgent et nécessaire. IL nous apparaît même très urgent et indispensable.
    Avant d'envisager le texte lui-même, je voudrais faire deux brèves remarques.
    Premièrement, j'approuve la méthode. Bien sûr, il peut sembler paradoxal que les députés se dessaisisent librement de leur pouvoir législatif. Pourtant, si on veut simplifier, il faut aller vite, surtout lorsque les problèmes sont essentiellement techniques. Le calendrier parlementaire est suffisamment chargé, pour ne pas l'encombrer inutilement en examinant un problème aussi vaste.
    Deuxièmement, je salue la volonté de concertation du Gouvernement envers les parlementaires et tous les citoyens et l'effort déployé par M. le rapporteur et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, pour recueillir des avis qui viennent de la base afin de construire une simplification qui corresponde aux voeux de nos concitoyens. Votre action s'est élaborée en amont de ces ordonnances et elle s'élaborera également - vous en avez pris l'engagement - en aval, permettant à la fois de faire des propositions pour les prochaines lois d'habilitation et d'évaluer les résultats.
    Cette loi d'habilitation nous fait entrer dans une culture de l'efficacité, dans une société ouverte, une société de confiance qui donne la part belle à la liberté et à la responsabilité.
    C'est le choix de l'efficacité qui est fait lorsqu'il est proposé, par exemple, d'abréger les délais de réponse des administrations à la suite d'une demande d'un usager ou de mettre en commun les informations dont disposent les administrations pour éviter qu'un usager ne soit obligé de transmettre à chacune d'elles les informations à fournir. C'est l'efficacité encore une fois qui est recherchée lorsqu'il est envisagé de réduire le nombre des commissions administratives, qui sont rarement réunies ou uniquement pour la forme et qui alourdissent la vie administrative sans véritablement faire vivre la démocratie.
    Notre pays a besoin que la modernité rime avec efficacité et que l'autorité de la loi, compréhensible par tous, soit restaurée. Nous avons tous un jour perdu du temps pour nous rendre à des commissions dans lesquelles la consultation était purement formelle, où les réunions étaient souvent annulées parce que le quorum n'était pas atteint et où les participants votaient de manière passive ce que leur proposait le préfet.
    La simplification n'est pas l'absence de démocratie. Elle est au contraire la substitution d'instances limitées mais démocratiques de propositions à des instances passives d'approbation.
    La simplification n'est pas non plus l'affaiblissement de la loi. Elle est au contraire la réhabilitation et est la restitution de l'autorité à ceux qui sont chargés de l'appliquer. Nous sommes favorables à l'idée que le préfet, qui représente le Gouvernement, puisse intervenir plus directement sur des administrations publiques pour les inciter à plus d'efficacité.
    Nous devons aussi, au travers de cette loi, entrer dans une société de confiance. Dans cette société, le citoyen pourra voter par procuration sur une simple déclaration sur l'honneur. Dans le même esprit, nos compatriotes nés hors de l'hexagone ne devront pas subir la suspicion ou même l'humiliation de prouver de manière répétée leur appartenance à la nation française. Je pense aux rapatriés d'Algérie, aux harkis, qui sont nés sur une terre alors française et qui sont contraints de prouver leur nationalité à chaque démarche administrative.
    M. François Sauvadet. Absolument !
    M. Jean-Antoine Leonetti. En matière d'impôts, le contribuable n'aura plus à fournir à priori les pièces justificatives nécessaires à l'établissement de sa déclaration d'impôts. Nous sortirons ainsi de la présomption de fraude vis-à-vis du fisc pour retourner dans le droit commun de la présomption d'innocence que mérite tout citoyen.
    Ce projet permet enfin à nos concitoyens d'entrer dans une société de liberté et de responsabilité.
    La mise en place d'un guichet unique de recouvrement des cotisations et contributions sociales pour les artisans et les commerçants et d'un titre emploi simplifié pour faciliter l'emploi illustre bien qu'il est possible de libérer les énergies nécessaires dans un monde compétitif en simplifiant les démarches administratives pour ceux qui produisent des richesses.
    Est également offerte la liberté d'agir dans le cadre d'un partenariat public-privé élargi et transparent, afin de moderniser au plus vite, mieux et moins cher, nos équipements hospitaliers vétustes dans le cadre du plan hôpital 2007.
    La loi fait aussi appel à la responsabilité : responsabilité de l'administration, d'abord, qui s'engage à être plus efficace en adaptant ses structures aux objectifs et en acceptant une culture d'évaluation - elle doit pour cela être allégée des contraintes administratives dont je parlais tout à l'heure, en particulier dans les hôpitaux, où la fonction de soins est détournée au profit du remplissage de papiers...
    M. Paul-Henri Cugnenc. Tout à fait !
    M. Jean Leonetti. ... responsabilité du citoyen, ensuite, qui, mieux informé d'une loi rendue plus lisible et plus accessible par la codification, déclare et affirme des éléments vérifiables sur son honneur - une notion qui pourrait à cette occasion retrouver un sens dans notre société.
    Les bons élus, il y a peu de temps encore, étaient ceux qui attachaient leur nom à une loi permettant d'obtenir une augmentation budgétaire destinée à accroître la puissance de leurs structures administratives. Aujourd'hui, il nous faut entamer la révolution culturelle et choisir le moins-disant pour être mieux-disant, alliant ainsi, dans une démarche d'efficacité, pragmatisme, proximité et idéal de liberté et de responsabilité. C'est à ce prix que nos concitoyens retrouveront la confiance dans la chose publique, en se réconciliant avec leur service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, légiférer par ordonnances, c'est enlever au Parlement, et donc à l'Assemblée nationale, une grande partie de ses prérogatives. Chaque fois qu'un tel dessaisissement nous est proposé, je suis particulièrement mal à l'aise, car dessaisir le Parlement, c'est attenter à la démocratie.
    M. François Sauvadet. Oh !
    M. Lionnel Luca. Rien que ça !
    M. René Dosière. Oui. La procédure parlementaire se déroule, elle, en public. Elle permet le débat et la contradiction. Elle est transparente.
    Il est vrai que le recours aux ordonnances est constitutionnel - il est prévu par l'article 38 de la Constitution de la Ve République -, mais on sait bien que celle-ci tend clairement à abaisser le Parlement au bénéfice de l'exécutif. C'est ce qui est dit depuis l'origine, et c'était bien l'idée de son fondateur. Pour ma part, j'étais et je reste en désaccord avec cet esprit et même cette lettre de la Constitution.
    Il est vrai également qu'il a été recouru aux ordonnances sous tous les gouvernements de la Ve République. Le rapporteur faisait tout à l'heure référence aux années 1982 et 1983. On pourrait trouver des références plus récentes, puisque d'autres orateurs ont parlé de 1996 ou de 2002. Mais permettez-moi de dire que c'est une curieuse attitude que de justifier ses turpitudes par celles des autres. Mes chers collègues, le jour où tous ceux qui souhaitent, au moins en paroles, revaloriser le rôle du Parlement, renonceront à l'abaisser dans la pratique - qu'il s'agisse de l'application du 49-3 ou du recours aux ordonnances -, le jour où les discours d'opposition resteront les mêmes de retour dans la majorité, alors ce jour-là peut-être, les citoyens reprendront confiance dans leurs représentants nationaux. Ce n'est pas rêver que d'évoquer cette possibilité, car, sur un certain nombre de points, le progrès est possible. Prenons l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, qui constitue la forme la plus parfaite de dessaisissement de l'Assemblée nationale, puisqu'on lui interdit même sa mission propre qui est de parler. Lionel Jospin avait promis de ne jamais l'utiliser, et il n'a pas failli à sa promesse en cinq ans de législature ! Il a montré qu'un premier ministre pouvait, malgré la Constitution, réhabiliter le rôle de l'Assemblée nationale.
    M. Jean Leonetti. Nous n'avons jamais déposé 10 000 amendements.
    M. René Dosière. Nous verrons combien de fois, durant cette législature, l'article 49-3 sera utilisé.
    Le texte que vous nous présentez aujourd'hui est unique par son ampleur et sa complexité. MM. Lambert et Braouezec ont suffisamment insisté sur cet aspect pour que je n'aie pas besoin d'y revenir. Je m'en tiendrai à deux aspects particuliers.
    Le premier concerne les procédures électorales évoquées aux articles 12, 13 et 14 et qui comportent des dispositions d'intérêt divers.
    Il est proposé de faciliter le vote par procuration. Pourquoi pas ? Mais comme l'a dit M. Lambert, le fait que ce soient les mairies qui délivrent les procurations - et ce point a été évoqué en commission - est, ne vous en déplaise, monsieur le ministre, la porte ouverte à la fraude électorale.
    Mme Muguette Jacquaint. Bien sûr !
    M. Jean Leonetti. Tous les maires sont corrompus, peut-être ?
    M. François Sauvadet. Faites-leur un peu confiance !
    M. René Dosière. Ce genre de fraude existe déjà aujourd'hui en dehors même des procurations. Chacun a en tête des exemples fameux dasns une circonscription située pas très loin d'ici.
    M. Lionnel Luca. Ce n'est pas dans les mairies communistes que l'on verrait cela !
    M. René Dosière. Il est envisagé ensuite d'harmoniser les modalités de démission d'office des conseillers généraux. Cela, en revanche, ne pose aucun problème, car ces modalités sont parfaitement définies pour les conseillers municipaux ou les conseillers généraux.
    Par contre, modifier les modalités du financement des campagnes électorales est beaucoup plus dangereux. Ainsi, la possibilité envisagée de recevoir des dons après la clôture du scrutin est lourde de conséquences et de dérives. On voit bien ce qui se passera si l'on peut fournir des dons après avoir eu connaissance du vainqueur de l'élection.
    M. François Sauvadet. Ce n'est pas grave !
    M. Jean Leonetti. Il faut être socialiste pour penser à cela !
    M. René Dosière. Or, vous justifiez cette modification par le fait que des candidats s'aperçoivent que leur budget ne pourra pas être financé dans sa totalité. On croit rêver ! Si je souligne cet aspect, c'est pour montrer que ce texte renferme des dispositions qui n'ont pas le même degré d'importance ni les mêmes conséquences. On pourrait multiplier les exemples de mesures de bon sens mêlées à d'autres, beaucoup plus discutables du fait qu'elles seront prises dans le secret de la technocratie, sensible à toutes les pressions, avouables ou non.
    Le second aspect que je souhaite évoquer concerne la réforme des marchés publics et, en particulier, l'article 4. Avec celui-ci, le Gouvernement souhaite remettre en cause les règles de la construction des bâtiments et des équipements publics. En clair, il envisage d'étendre à l'ensemble de ceux-ci les procédures dérogatoires à la loi sur la maîtrise d'ouvrage publique - loi MOP - et au code des marchés publics en confiant à des entreprises privées la conception, la réalisation, la gestion et l'exploitation des bâtiments et des équipements publics.
    Le Gouvernement justifie cette disposition par l'urgence. S'il est vrai que les délais des opérations de constructions publiques sont parfois excessifs et les coûts quelquefois mal maîtrisés, ce n'est pas en supprimant des procédures visant à garantir la qualité des bâtiments et des équipements et la transparence dans l'attribution des marchés publics que l'on contribuera à régler la question, mais en obtenant au moins que les administrations publiques répondent plus rapidement aux divers stades de la procédure.
    En réalité, la procédure de conception-réalisation - regroupant à la fois la conception, la construction, l'aménagement, l'entretien et la maintenance - fait disparaître l'indépendance et la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre. C'est un retour, comme cela a été souligné, au METP - le marché d'entreprise de travaux publics -, à l'origine de scandales d'ailleurs politico-financiers maintes fois dénoncés par la Cour des comptes et le Conseil d'Etat ! Faut-il évoquer les marchés des lycées de l'Ile-de-France ? Je rappelle que la haute juridiction administrative dans son rapport public de 1993, se demandait comment il était possible de continuer de conclure des marchés « à l'invitation de ce qu'il faut bien appeler le groupe de pression des inventeurs et praticiens du METP, dans des conditions qui relèvent, chaque fois, plus ou moins du coup de force juridique et de l'épreuve de force avec les autorités chargées du contrôle de légalité ».
    A cela s'ajoute le fait que le but des groupes capables d'être à la fois promoteurs et constructeurs et qui seront les seuls à se voir confier ce type de contrats parce qu'ils auront les structures financières de promotion privée et d'entreprise ad hoc - et ils sont en nombre limité - sera naturellement de faire le maximum de profits et de servir les intérêts de leurs actionnaires majoritaires. Les artisans et les PME du bâtiment, pour accéder à la commande publique, deviendront systématiquement des sous-traitants de ces groupes et seront à la merci des prix et des conditions imposés par ces derniers ! Or, la réforme de 2001 visait précisément à encadrer ces METP en exigeant que les contrats soient découpés en lots, séparant la conception, la réalisation et la maintenance d'un projet d'investissement effectué par un partenaire privé. L'objectif était de permettre aux PME un accès plus facile aux appels d'offres publics dont elles étaient auparavant systématiquement écartées, au profit des grandes entreprises ou, au mieux, reléguées au rôle de sous-traitantes.
    Cette disposition risque d'aboutir à une déstructuration du tissu régional des PME du bâtiment, avec de lourdes conséquences pour l'emploi dont les principaux pourvoyeurs sont les PME et non les grands groupes.
    L'autre risque enfin, considérable, c'est celui d'entente entre ces grands groupes, faute de concurrence et d'un contrôle de légalité suffisant. Dans un débat parlementaire, tous ces aspects auraient pu être analysés, complétés, en toute transparence et sous les yeux du public. On comprend que les artisans du bâtiment, regroupés dans la CAPEB, et les architectes, dont les emplois irriguent le territoire rural, soient particulièrement inquiets de toutes ces dispositions.
    Pour l'ensemble de ces raisons, je ne peux qu'être hostile à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.
    M. François Sauvadet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce texte, je le dis clairement, affiche une ambition que nous ne pouvons que partager : simplifier la vie des Français. Depuis tant d'années qu'on en parle, il faudra bien le faire un jour... Il est même grand temps. Il est urgent d'entendre ce que les Français ont mis dans les urnes, disais-je tout à l'heure. Ils désespèrent de voir les choses changer. Or nous avons précisément la volonté de les faire changer, autrement dit d'engager des réformes.
    Certes, le président de la commission des lois lui-même le disait il y a peu, le technique de l'ordonnance ne nous ravit guère. Notre groupe, comme tous les parlementaires, est très attaché à préserver le rôle du Parlement et du législateur : mais nous comprenons qu'une loi d'habilitation peut avoir l'avantage de la rapidité. Au demeurant, le débat aura bel et bien lieu, puisqu'une centaine d'amendements ont été déposés et seront discutés ici même afin de définir le champ de la loi d'habilitation. Nous y participerons.
    La question qui est devant nous, c'est bien celle de l'évaluation. A cet égard, nous aurons un rôle important à jouer : nous devrons nous assurer que les objectifs auxquels nous aurons souscrits sont bien poursuivis. Et grâce à la mission de contrôle, nous serons aux côtés du Gouvernement pour faire céder les résistances naturelles que l'on a pu observer pendant tant d'années dans notre pays.
    Ce projet de loi ne compte pas moins de vingt-neuf articles. Et dans son exposé des motifs, vous avez eu raison, monsieur le secrétaire d'Etat, de parler de complexité. Paradoxalement, c'est compliqué de simplifier. Réduire le nombre de procédures, de formalités, limiter la production de pièces justificatives, tout cela n'est pas chose aisée. Il faudra bien sûr s'appuyer sur les technologies modernes qui offrent de nouvelles possibilités. Votre texte en fait du reste mention. Mais cela suppose également un réel effort de toilettage du droit et de la norme.
    Il est de bonne méthode d'associer à cette tâche l'ensemble des acteurs concernés par la simplification administrative : les professionnels, les particuliers, tous ceux qui concourent à l'action publique. Et c'est bien ce que vous avez fait : vous avez, me semble-t-il, très largement consulté.
    Mais simplifier exige aussi du courage, de la détermination, de l'engagement. Il n'est qu'à voir l'exemple que nous avons du reste vécu ici même, il n'y a pas si longtemps, du guichet unique proposé dans le cadre du projet de loi sur l'initiative économique : l'Assemblée nationale l'avait adopté, mais le Sénat, sur proposition du Gouvernement, a retiré cette disposition du texte, car elle avait provoqué des réactions d'incompréhension jusque parmi les professionnels alors même que le guichet unique, très attendu par les artisans, visait à simplifier la vie des acteurs économiques... Je crois savoir que nous y reviendrons dans le cadre de ce projet de loi. Nous présenterons d'ailleurs un amendement à ce sujet pour donner aux différentes catégories de travailleurs non salariés non agricoles la possibilité de choisir l'organisme qui sera chargé de mettre en place ce guichet unique, car simplification ne veut pas dire pour autant uniformisation. Il faut reconnaître la diversité et savoir déplacer les points de complexité pour dégager le terrain aux usagers et aux entrepreneurs.
    A ce propos, je ne peux que me réjouir d'une mesure à première vue anecdotique : l'instauration d'un guichet unique pour les chasseurs, qui permettra d'alléger la procédure de validation de permis de chasse. Elle simplifiera la vie de milliers de Français qui s'adonnent à ce loisir.
    Autre bonne mesure : le titre emploi simplifié entreprise pour les secteurs de l'hôtellerie-restauration et du bâtiment. Bonne mesure pour l'emploi également, car nous permettrons à ceux qui exercent des activités saisonnières d'utiliser eux aussi le titre emploi qui a fait ses preuves dans d'autres secteurs : ainsi, dans le domaine agricole, le fameux TESA, le ticket emploi service en agriculture dont nous avions discuté, notre collègue Proriol s'en souvient, à l'occasion de la loi d'orientation agricole. Il y a là une véritable réflexion à engager et nous ne pouvons qu'y souscrire.
    La simplification vaut également pour l'expression du droit de vote, Trop de nos compatriotes, vous vous en souvenez, ont boudé les urnes tout simplement parce que la procédure de vote par procuration était trop compliquée.
    M. Jean Leonetti. Tout à fait !
    M. François Sauvadet. Combien de fois avons-nous reçu dans nos permanences des gens venus nous dire qu'ils ne pourraient pas voter parce que c'était trop compliqué ? Si votre démarche, monsieur le secrétaire d'Etat, peut contribuer à faire revenir les électeurs aux urnes, je vous soutiens, et le groupe UDF avec moi...
    S'agissant des entreprises, nous avons bien sûr des propositions de simplification des formalités. Nous entendons énormément d'entrepreneurs, de chefs d'entreprises se plaindre de la lourdeur des documents, des déclarations à l'embauche, de la complexité des formulaires.
    Mme Muguette Jacquaint. Ils ne veulent plus embaucher, c'est plus facile de licencier !
    M. François Sauvadet. Cela vaut aussi pour les bulletins de paye. Beaucoup ne comprennent pas qu'il faille faire autant de calculs pour remplir une fiche, avec tous les risques d'erreur que cela entraîne. Dans d'autres pays d'Europe, les bulletins de paye tiennent en cinq lignes ! Chez nous, il y en a au moins une vingtaine, parfois même la feuille n'y suffit pas ! Autant dire que nous avons des progrès à faire...
    Un sujet nous tient particulièrement à coeur à l'UDF : l'impôt à la source. On nous répète que c'est extrêmement compliqué. Nous déposerons un amendement pour vous encourager à suivre cette voie, monsieur le secrétaire d'Etat. Les Français le veulent, l'Europe l'a fait. Même s'il y a une exception française, il doit être possible de travailler à cette harmonisation hautement souhaitable.

    Permettez-moi aussi de vous dire, et vous me pardonnerez la litote, que la meilleure façon de simplifier, c'est de ne pas complexifier. Nous légiférons trop, nous votons trop de textes qui souvent ne sont que des déclarations d'intention sans caractère véritablement normatif. Procédons à un véritable toilettage pour éviter l'empilement législatif et ne légiférons que lorsque cela est nécessaire.
    A ce propos, je l'ai déjà dit, le groupe UDF souhaiterait que chaque projet de loi soit précédé d'une véritable étude d'impact qui décrirait au préalable tout à la fois l'objectif poursuivi, ce qu'il faudra toiletter dans le droit français, mais également les moyens qu'il faudra nous donner pour garantir l'application de la future loi. Cette intention, je m'en souviens pour être parlementaire depuis déjà quelques années, avait déjà été affichée par plusieurs gouvernements. Mais le chemin est encore devant nous. Une véritable étude d'impact permettrait de savoir dans quelles conditions le Gouvernement entend appliquer la loi qu'il nous propose.
    M. René Dosière. Raison de plus pour prendre le temps d'étudier celui-ci !
    M. François Sauvadet. Et plutôt que de rajouter des textes, mon cher collègue, commençons par nous assurer que ceux que nous avons déjà sont applicables et bien appliqués. Renforçons le contrôle de la bonne exécution de la loi. C'est là, monsieur le ministre, un rôle majeur du Parlement ; or il n'est pas suffisamment assumé. Souvenons-nous de la fameuse formule de Richelieu : « Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c'est autoriser la chose que l'on veut défendre. »
    Vous avez parlé aussi d'évaluation, monsieur le secrétaire d'Etat, tout comme M. Delevoye tout à l'heure. Ce Parlement dispose au demeurant d'outils que nous n'utilisons pas. Un office d'évaluation de la législation a été créé en 1996 ; j'en suis membre. Il ne s'est jamais réuni ! J'ai bien entendu la volonté exprimée par le président de la commission des lois de mettre en place une mission d'information qui s'assure de l'évaluation de ce que nous sommes en train de faire aujourd'hui. Un véritable travail nous attend pour vous assurer que la loi est bel et bien appliquée.
    Dans un rapport sur « l'insoutenable application de la loi », nous avions relevé combien de lois n'étaient même pas appliquées après avoir été débattues et votées. Le rôle du Parlement ne se limite pas à discuter ici, mon cher collègue Dosière. Certes, le débat contradictoire est d'un intérêt majeur, essentiel pour la vitalité d'une démocratie...
    M. René Dosière. Bien sûr !
    M. François Sauvadet. Mais la véritable vitalité d'une démocratie suppose aussi que le Parlement assume pleinement sa mission de contrôle de l'action du Gouvernement.
    M. René Dosière. Tout à fait !
    M. François Sauvadet. Et sur ce point, mon cher collègue, je crois que nous avons à progresser ensemble.
    M. René Dosière. Vous avez raison, mais je ne disposais que de dix minutes : je ne pouvais pas parler de tout...
    M. François Sauvadet. J'utilise les miennes en essayant de donner à mon discours un peu de souffle... Vous ne m'en ferez pas le reproche !
    Permettez-moi enfin d'évoquer quelques pistes sur l'application des lois. Il faudrait d'abord que chacune d'elles fasse l'objet d'un véritable suivi, en commission ou à travers d'autres outils. Il serait également judicieux que nous soyons tenus informés de l'élaboration et de la publication des décrets d'application et que l'on se fixe enfin des délais de parution raisonnables, de l'ordre de six mois. La programmation des lois elle aussi pose de sérieuses difficultés. Si l'on veut que le Parlement travaille mieux et plus efficacement à l'élaboration de la loi, il faudrait mettre en place une véritable programmation du travail législatif et faire en sorte que les projets soient déposés dans un délai raisonnable afin de donner aux commissions le temps de conduire les auditions indispensables à tout travail parlementaire.
    M. René Dosière. Très juste !
    M. François Sauvadet. Je crois que nous serons tous unanimes sur ce sujet.
    Il faudrait également poursuivre le travail de codification et de recollement de notre droit, pour mettre fin à ce sentiment d'insécurité juridique ressenti par les professionnels du droit eux-mêmes. Je veux insister sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat : les quelques pistes que vous avez tracées en la matière doivent impérativement être suivies.
    Simplifier est une oeuvre de longue haleine. Nous avons, avec vous, la volonté d'avancer résolument dans ce sens. Réformons, c'est évident. Parce que, derrière, c'est toute la question de la réforme de notre Etat qui est en cause et en jeu. Simplifions pour éviter toutes ces lourdeurs qui trop souvent paralysent ou entravent l'initiative. Nous vous accompagnerons dans cette tâche délicate, monsieur le secrétaire d'Etat, mais ce sera un accompagnement engagé, dans lequel nous tiendrons à évaluer ce que vous aurez fait. C'est dans cet esprit de confiance vigilante que nous voterons ce texte tout en contribuant à l'enrichir par une série d'amendements. Cela montrera bien que le débat a lieu et qu'il est appelé à se poursuivre, car la tâche de simplification sera longue. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le secrétaire d'Etat, à qui allez-vous faire croire que votre Gouvernement n'a pour seul but que de simplifier la vie de nos concitoyens, à l'heure même où les plans de licenciement se multiplient, où le droit à la retraite est remis en cause et où les dépenses de protection sociale sont revues à la baisse ?
    Vous nous demandez aujourd'hui un chèque en blanc pour légiférer en lieu et place du Parlement ; à votre convenance, sans réel contrôle démocratique. Mieux, vous annoncez un vaste programme d'habilitation par ordonnances avec un deuxième projet de loi à l'automne, puis un projet chaque année ! La droite dispose pourtant d'une majorité écrasante au sein de notre Assemblée comme au Sénat. Elle contrôle tous les leviers législatifs avec le Gouvernement et la présidence de la République ; mais son appétit de puissance est décidément insatiable.
    La méthode est d'autant plus critiquable que le souci de simplification et de limitation de l'inflation réglementaire fait l'unanimité sur les bancs de notre assemblée et qu'un réel travail d'allégement des démarches administratives et de mise en cohérence du droit relève bien des compétences et des missions du Parlement, et non de celles de quelques techniciens, quelles que soient leurs qualités, des divers ministères.
    Du reste, le Parlement n'est en rien responsable de l'inflation de textes : rappelons que 95 % des lois votées en France sont d'initiative gouvernementale et votre gouvernement n'est pas en reste. Loin de simplifier les démarches de nos concitoyens, nombre des dispositions que vous avez mises en place en moins d'un an alourdissent la vie quotidienne.
    Ainsi en est-il de la décision toute récente d'imposer l'immatriculation des scooters, dont l'applicabilité et la mise en oeuvre soulèvent bien des interrogations. Il en ira de même si le projet de renforcement du contrôle des attestations d'accueil à l'occasion de séjours touristiques ou de visites familiales était adopté comme le souhaite M. le ministre de l'intérieur.
    Le souci de simplification affiché par le Gouvernement est donc à géométrie variable. Il s'est notamment traduit jusqu'ici par une facilitation des plans de licenciement du fait de l'abrogation des modestes garde-fous instaurés par la loi de modernisation sociale ou de la non-application du contrôle des fonds publics par les entreprises, et non par une amélioration de l'accès aux droits, notamment pour les personnes plus précaires et les plus fragiles.
    Votre volonté de dessaisir le Parlement de ses attributions témoigne de ce que l'ambition de votre projet ne se limite pas à une simplification administrative qui recueillerait l'assentiment général.
    Les mesures proposées sont très diverses. Votre texte ne contient pas moins de vingt-neuf articles, chiffre sans précédent pour un projet de loi d'habilitation. Au-delà des simplifications dans les rapports entre usagers et administration, dont nous aurions pu débattre sereinement pour les améliorer, votre projet mêle des mesures relatives à la passation des marchés publics, à la validation annuelle du permis de chasse, au dispositif du chèque-service, aux procédures électorales, à la réorganisation du système de santé et au droit du travail. Il est également prévu de créer quatre nouveaux codes, toujours par voie d'ordonnances.
    Nous sommes bien évidemment défavorables au recours aux ordonnances, qui constitue un véritable dessaisissement du pouvoir du Parlement. Plus encore, nous ne pouvons admettre une telle délégation de pouvoir au profit du Gouvernement dans des domaines aussi variés et aussi sensibles. Le président de la commission a lui-même estimé qu'il s'agissait d'un dessaisissement sans précédent par son ampleur.
    Votre projet est également inédit par la diversité de ses dispositions, qui nécessiterait la saisine, au-delà de la commission des lois, d'autres commissions permanentes de l'Assemblée.
    Ce constat nous conduira à défendre une série d'amendements de suppression. Car l'objectif est loin de se limiter à la simplification de la vie et les démarches administratives de nos concitoyens. Votre principale ambition serait plutôt de simplifier la vie du Gouvernement en l'affranchissant du contrôle démocratique exercé par le Parlement.
    L'article 4 est à cet égard particulièrement inquiétant, puisqu'il autoriserait le Gouvernement à créer une nouvelle forme de contrat entre les personnes publiques et privées pour une mission globale de conception, réalisation, gestion, exploitation et éventuellement financement d'ouvrages publics. Or de telles missions ne sont accessibles qu'aux entreprises générales et aux grands groupes du bâtiment et travaux publics. Autant dire que cet article aurait un effet désastreux pour les entreprises artisanales qui seraient de fait écartées de ces contrats. Il s'agirait de renouer avec les contrats du type « marchés d'entreprises de travaux publics », ceux-là mêmes que la réforme du code des marchés publics avait supprimés en imposant un examen des offres par lots séparés de façon à garantir une saine concurrence et à faciliter l'accès des petites et moyennes entreprises.

    La suppression de l'article 3 est demandée par les artisans, les entreprises de second oeuvre, les architectes et autres maîtres d'oeuvre.
    L'expérience de ces contrats globaux est en effet très négative. De multiples affaires, dont la plus emblématique demeure celle des lycées de la région Ile-de-France en 1991, ont illustré les dérives graves en termes de manque de transparence dans la passation des marchés, voire de corruption.
    Les contrats globaux sont également plus coûteux pour la collectivité. Ils réduisent le droit de regard du maître d'ouvrage et du futur utilisateur et échappent pour une bonne part à son contrôle. La division par lots facilite la réalisation d'équipements sur mesure et la concertation avec les futurs usagers. Elle permet d'entrer dans les détails, d'étendre le choix des produits, de diversifier les études et les projets. L'appel à des entreprises artisanales est non seulement plus favorable à l'emploi, mais aussi à la qualité. Les artisans ont en effet un nom à défendre et les réputations se font et se défont vite. Les contrats globaux limitent cette concurrence et favorisent la standardisation des projets avec des réalisations moins adaptées à la diversité des situations et des besoins. Ils ont de graves répercussions, avec le recours à la sous-traitance en cascade, l'entreprise qui emporte le marché pressurant les entreprises plus petites et spécialisées. Enfin, ils se traduisent par une augmentation des contentieux qui, au final, peuvent s'avérer plus coûteux en temps et surtout en qualité qu'une relation directe entre la collectivité publique et plusieurs entreprises. Nous demanderons donc la suppression de cet article 4, qui ne se traduirait que par de l'opacité et des gaspillages.
    Les dispositions prévues en matière sociale sont tout aussi préoccupantes. En ces matières sensibles, les ordonnances sont tout simplement inacceptables. La discussion publique et le contrôle parlementaire sont indispensables et ne peuvent intervenir qu'à l'issue d'une concertation avec les partenaires sociaux. Il faut noter que le Gouvernement a en partie été désavoué par le Conseil  d'Etat. Ce dernier a imposé la suppression du fameux adverbe « notamment » à l'article 20, qui laissait le champ libre à toute initiative gouvernementale, sans aucun contrôle en matière d'abrogation de diverses dispositions du code du travail devenues obsolètes. Là encore, sous des dehors de simplification, votre ambition est d'amoindrir les garanties des droits des salariés - seuils d'effectifs ou délais. Cette défiance nous conduit logiquement à refuser de voter l'ensemble de ce texte, qui, sous couvert de simplification administrative, vous accorderait les pleins pouvoirs.
    L'ambition de faciliter les démarches de nos concitoyens aurait dû vous conduire à nous confier l'examen d'un texte que le travail parlementaire aurait enrichi de l'expérience des élus, mieux placés que le Gouvernement pour connaître et recenser les situations concrètes d'inutiles complications administratives.
    En proposant de procéder par ordonnances, vous trahissez l'objectif caché de ce texte, qui est de vous laisser les mains libres pour réglementer à votre guise sur des sujets aussi graves que les marchés publics ou le code du travail. Vos intentions vont à l'encontre des attentes de la population, qui réclame au contraire davantage de transparence.
    Aussi, nous voterons contre ce texte et refusons de nous dessaisir de notre pouvoir législatif dans des domaines aussi divers et importants. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

DÉPÔT DE RAPPORTS

    M. le président. J'ai reçu, le 4 avril 2003, de M. Claude Birraux, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, un rapport n° 769 établi au nom de cet office sur « l'évolution du secteur des semi-conducteurs et ses liens avec les micro et nanotechnologies : tome II. - Actes du colloque organisé le 23 janvier 2003 : microélectronique et nanotechnologies : une chance à saisir ».
    J'ai reçu, le 8 avril 2003, de M. Jérôme Bignon un rapport, n° 771, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur l'article 4 de la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques soumis à nouvelle délibération en application de l'article 10, alinéa 2, de la Constitution (n° 770).
    

3

DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

    M. le président. J'ai reçu, le 8 avril 2003, de M. René André un rapport d'information, n° 773, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur l'élargissement de l'Union européenne à dix pays candidats.
    J'ai reçu, le 8 avril 2003, de M. Michel Delebarre un rapport d'information, n° 774, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur l'adhésion de la Hongrie à l'Union européenne.
    J'ai reçu, le 8 avril 2003, de M. Alfred Almont un rapport d'information, n° 775, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur l'adhésion de la Lettonie à l'Union européenne.
    J'ai reçu, le 8 avril 2003, de M. René André un rapport d'information, n° 776, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur l'adhésion de la Lituanie à l'Union européenne.
    J'ai reçu, le 8 avril 2003, de M. Jacques Floch un rapport d'information, n° 777, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur l'adhésion de Malte à l'Union européenne.
    J'ai reçu, le 8 avril 2003, de M. François Guillaume un rapport d'information, n° 778, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur l'adhésion de la Pologne à l'Union européenne.
    J'ai reçu, le 8 avril 2003, de M. Nicolas Dupont-Aignan un rapport d'information, n° 779, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur l'adhésion de la République tchèque à l'Union européenne.
    J'ai reçu, le 8 avril 2003, de M. Jean-Pierre Abelin un rapport d'information, n° 780, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur l'adhésion de la Slovaquie à l'Union européenne.

4

DÉPÔT D'UN AVIS

    M. le président. J'ai reçu, le 8 avril 2003, de M. Philippe Houillon un avis, n° 772, présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, de sécurité financière (n° 719).

5

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 710, portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit :
    M. Etienne Blanc, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 752).
    A vingt et une heures, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée, le mercredi 9 avril 2003, à zéro heure quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmissions

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants :

Communication du 3 avril 2003

N° E 2247. - Proposition de règlement du Conseil abrogeant le règlement (CEE) n° 3975/87 et modifiant le règlement (CEE) n° 3976/87 ainsi que le règlement (CE) n° 1/2003, en ce qui concerne les transports aériens entre la Communauté et les pays tiers (COM [2003] 91 final).
N° E 2248. - Proposition de décision du Conseil approuvant la conclusion, par la commission, d'un accord de coopération dans le domaine des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire entre la Communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM) et la République d'Ouzbékistan (SEC [2002] 496 final).

Communication du 4 avril 2003

N° E 2249. - Proposition de règlement du Conseil portant ouverture et mode de gestion d'un contingent tarifaire pour les importations de conserves de thon relevant des codes NC 1604.14.11, 1604.14.18 et 1604.20.70 (COM [2003] 141 final).
N° E 2250. - Initiative du Royaume d'Espagne en vue de l'adoption de la directive du Conseil concernant l'obligation pour les transporteurs de communiquer les données relatives aux personnes transportées (FRONT 22 COMIX 139).

REQUÊTE EN CONTESTATION
D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES
Communication du Conseil constitutionnel
en application de l'article LO 181 du code électoral

CIRCONSCRIPTION NOM DU DÉPUTÉ
dont l'élection est contestée
NOM DU REQUÉRANT
Wallis-et-Futuna M. Victor Brial M. Kamilo Gata