ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES
JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU SAMEDI 14 JUIN 2003
COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du vendredi 13 juin 2003
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC
1. Réforme des retraites. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».
DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Avant l'article 1er (suite) «...»
Amendements identiques n°s 548 à 696 de Mme Adam et des membres du groupe socialiste et apparentés : MM. Gaëtan Gorce, Philippe Vuilque, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; David Habib.
Rappel au règlement «...»
M. Jean-Pierre Brard.
Reprise de la discussion «...»
MM. Jacques Bascou, Eric Besson, Pascal Terrasse, François Brottes, Michel Delebarre, le ministre.
Rappels au règlement «...»
MM. Pascal Terrasse, Jean-Pierre Brard, Maxime Gremetz.
Reprise de la discussion «...»
M. Alain Vidalies, Mme Catherine Génisson.
Rappels au règlement «...»
MM. Alain Néri, Maxime Gremetz.
Suspension et reprise de la séance «...»
MM. Kléber Mesquida, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Louis Bianco, Mme Danielle Bousquet, M. Augustin Bonrepaux, Mme Marylise Lebranchu, MM. Christian Bataille, Gilles Cocquempot, Didier Mathus, Jean-Claude Bateux, Henri Nayrou, Jean-Pierre Dufau, Alain Néri, Yves Durand.
Rappel au règlement «...»
Mme Muguette Jacquaint, M. le président.
Reprise de la discussion «...»
M. Jean-Marie Le Guen.
Rappel au règlement «...»
MM. Maxime Gremetz, le président, Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles.
Reprise de la discussion «...»
MM. Manuel Valls, François Loncle.
Rappel au règlement «...»
Mme Martine Billard, MM. le président, Denis Jacquat, vice-président de la commission des affaires culturelles.
Reprise de la discussion «...»
MM. René Dosière, le rapporteur, Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances ; le ministre, Denis Jacquat, Charles de Courson, Gaëtan Gorce. - Rejet, par scrutin, de l'amendement n° 618 et des amendements identiques défendus.
Rappel au règlement «...»
MM. Jean-Marc Ayrault, le ministre.
Suspension et reprise de la séance «...»
Amendement n° 7075 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le vice-président de la commission des affaires culturelles, le ministre, Jean-Pierre Brard, Pascal Terrasse. - Rejet.
Rappel au règlement «...»
M. Jean-Pierre Brard.
MM. le président, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance «...».
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
RÉFORME DES RETRAITES
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites (n°s 885, 898).
Discussion des articles (suite)
M. le président. Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant aux amendements identiques n°s 548 à 696 portant article additionnel avant l'article 1er.
Avant l'article 1er (suite)
M. le président. Je suis saisi d'amendements identiques, n°s 548 à 696, déposés par Mme Adam et des membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces amendements sont ainsi rédigés :
« Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
« Le système de retraite par répartition est au coeur du contrat social entre les générations. Il est garanti par la mise en oeuvre d'un pacte national pour l'emploi. »
Un certain nombre de ces amendements vont être successivement défendus par les orateurs qui le souhaitent.
M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Une seule présentation serait suffisante ! C'est le même discours !
M. le président. Oui, peut-être, monsieur le rapporteur, mais faites confiance à la capacité de débat du groupe socialiste !
La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour soutenir l'amendement n° 618.
M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, mes chers collègues, j'observe que notre rapporteur n'éprouve nulle passion pour le sujet de l'emploi ! On avait pu le constater à travers la politique qu'il soutient !
Le groupe socialiste, lui, considère que cette question de l'emploi est centrale dans le débat qui nous occupe. D'abord parce que c'est un haut niveau d'emploi et un faible niveau de chômage qui doivent garantir le financement du dipositif qui nous est présenté - et nous avons, sur ce point, de sérieux doutes. Ensuite, parce que l'on sait bien que sans une amélioration significative de la situation de l'emploi, les premières victimes de l'allongement de la durée de cotisation seront les salariés âgés qui seront licenciés ou qui quitteront leur activité après cinquante-cinq ans, sans aucune perspective de retour au travail.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste considère qu'il n'est pas possible d'effectuer une telle réforme si elle ne s'accompagne pas d'initiatives fortes en matière d'emploi, ce que nous appelons, pour notre part, un pacte national pour la croissance et l'emploi.
On était évidemment suspendu aux déclarations que pourrait faire le ministre de l'économie et des finances, lequel nous avait indiqué que, passé la guerre en Irak, les choses allaient repartir sur un autre rythme. Ce que nous constatons, au contraire, c'est que la croissance continue de marquer le pas sous l'effet de la baisse du dollar, sous l'effet également de politiques économiques restrictives, menées dans le cadre de l'Union européenne, et aussi parce que notre voisin allemand éprouve aujourd'hui de sérieuses difficultés.
Les investissements des entreprises sont au ralenti et la consommation des ménages marque un manque de confiance par rapport à l'évolution de la conjoncture, que le projet sur les retraites qui nous est présenté ne fait qu'accroître. Les salariés s'inquiètent en effet pour savoir quel sera leur niveau de retraite, ce qui les incite plutôt à épargner. J'observe d'ailleurs que, alors que nous avons déjà, en France, un taux d'épargne parmi les plus élevés, une épargne qui de surcroît n'est malheureusement pas orientée vers le financement de l'économie, le ministre de l'économie et des finances nous a indiqué hier, à travers une dépêche que nous avons pu avoir ce matin, qu'il envisageait d'aider fiscalement la mise en place des fonds d'épargne retraite - que vous envisagiez vous-même, monsieur le ministre - en créant de nouvelles dépenses fiscales et en encourageant une fois de plus cette épargne, sans que l'on nous indique d'ailleurs si elle est indispensable à l'équilibre du régime de retraite pour chacun des salariés. Mais nous y reviendrons.
Dans ce contexte, nous pourrions espérer du Gouvernement des initiatives fortes en matière économique et en matière d'emploi. Or, ce que nous constatons, c'est que toutes les initiatives qui ont été prises depuis un an ont été à l'encontre de cet objectif puisqu'il s'est agi, d'une part, de démanteler les outils de la politique de l'emploi, et, d'autre part, de prendre des mesures, notamment fiscales, en faveur des catégories les plus aisées et certainement pas en faveur du soutien à la consommation.
Il faut donc aujourd'hui engager un véritable pacte national pour l'emploi et la croissance, ce qui n'intéresse manifestement pas la majorité - mais celle-ci est déjà désarmée sur le sujet, à l'évidence -, un pacte qui devra reposer sur une série d'initiatives.
D'abord, sur le plan européen, nous souhaitons que ce gouvernement, notamment avec nos amis allemands, prenne des initiatives pour une meilleure coordination des politiques économiques. Et pourquoi ne pas envisager, car enfin il faut peut-être avoir le courage de regarder en face ces contraintes, de demander une suspension du pacte de stabilité, ou sa renégociation, pour donner des marges de manoeuvre plus importantes ?
Cela suppose, sur le plan intérieur, que nous sachions également prendre de vraies initiatives pour l'emploi. Nous ont été annoncés, il y a quelques semaines, là encore à grand bruit, des centaines de millions d'euros qui auraient été débloqués pour relancer les CES ou d'autres mesures de soutien à l'emploi, sans que cette assemblée ait jamais été informée des conditions dans lesquelles ces mesures étaient financées, puisqu'elles interviennent juste après le gel ou la suppression de certains crédits. Il serait donc souhaitable, pour la bonne transparence du travail gouvernemental et l'information de cette assemblée, que nous ayons ces informations.
Mais cela ne va pas encore assez loin car l'on sait que risque de se reconstituer un véritable noyau dur du chômage, frappant les plus âgés et les plus jeunes. Et c'est aussi la raison pour laquelle nous proposons que soit suspendue la décision de supprimer au 1er juillet les aides-éducateurs dans l'éducation nationale. Ce serait une mesure d'apaisement dans le secteur éducatif, et elle éviterait de renvoyer sur le marché du travail des dizaines de milliers de jeunes qui n'auront d'autre perspective que le chômage.
M. Franck Gilard. C'est un aveu !
M. Gaëtan Gorce. Enfin, nous souhaitons que des initiatives soient prises pour soutenir la consommation. Elles pourraient reposer notamment sur la relance de la prime pour l'emploi, qui touche dix millions de salariés et qui bénéficie directement à la consommation. Augmenter cette prime pour l'emploi pourrait représenter de l'ordre d'un milliard d'euros, ce qui serait une dépense fiscale utile pour le soutien à l'activité.
Le ministre nous reprochait de ne pas faire de propositions. J'en ai fait quelques-unes hier, puisque ce pacte pourrait également porter sur l'âge au travail et le problème des salariés âgés, et nous en faisons d'autres aujourd'hui. Car nous considérons que retraites et emploi sont les deux aspects d'une même politique qui doit aller vers l'avant pour assurer plus de solidarité et plus de croissance.
Nous aurons l'occasion d'y revenir dans ce débat, comme nous reviendrons sur un point qui n'a pas été tranché ce matin, celui du niveau des retraites dont bénéficieront nos compatriotes à l'horizon de 2020. Nous avons entendu le rapporteur de la commission des affaires sociales nous dire qu'il n'y aura pas de dégradation du taux de remplacement, que le niveau de retraite serait équivalent.
M. Pascal Terrasse. Mensonge !
M. Gaëtan Gorce. C'est du moins ce que nous avons cru comprendre en faisant un effort pour démêler dans les propos qu'il tenait quelle était finalement la conclusion à laquelle il parvenait - mais j'observe qu'il n'est pas là pour nous répondre. Et ensuite, nous avons entendu le rapporteur pour avis de la commission des finances nous indiquer, au contraire, que ce taux de remplacement allait effectivement baisser, et qu'au fond, c'était un progrès par rapport à la situation que nous connaîtrions si rien n'était fait. Il reste que ce serait bien une dégradation par rapport à la situation actuelle.
Ce sujet est tout à fait central. Car je le répète, nos compatriotes doivent savoir quel sera le niveau de retraite dont ils bénéficieront à leur départ. C'est la moindre des choses, pour qu'ils puissent s'organiser, y compris à travers des formules telles que celles que vous proposez, que nous contestons pour notre part, mais qui doivent, si elles sont adoptées, être introduites dans le débat.
Nous voulons de la clarté sur ces sujets, sur l'emploi et sur le niveau des retraites. Et c'est ce à quoi vont s'employer les orateurs socialistes qui vont se succéder pendant ce débat, non pas pour faire de l'obstruction, mais pour tenter d'obtenir des clarifications sur les sujets fondamentaux concernant une vraie, juste et forte - et durable, si possible - réforme des retraites (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque, pour soutenir l'amendement n° 696.
M. Michel Delebarre. Je vous rappelle, monsieur le président, que M. Le Garrec devra défendre l'amendement n° 640. (Sourires.)
M. le président. Je serai dans l'impossibilité de le faire, monsieur Delebarre, mais vous pourrez me remplacer.
M. Jean-Pierre Brard. Mais le débat va durer suffisamment longtemps pour que vous puissiez le faire vous-même, monsieur le président.
M. le président. Vous avez la parole, monsieur Vuilque.
M. Philippe Vuilque. Le plan gouvernemental de remise en cause des retraites - j'emploie sciemment ce terme, celui de « réforme des retraites » étant impropre, puisqu'il est synonyme de progrès, ce qui n'est pas tout à fait le cas du projet qui nous est soumis -, le plan gouvernemental, donc, possède au moins une caractéristique : tous les efforts sont demandés aux salariés, aucun aux employeurs. Monsieur le ministre, vous faites donc peser le poids de la réforme sur leur dos, en faisant le pari que la situation de l'emploi viendra amortir ce choc.
Votre plan se résume en effet en deux points : davantage d'années de cotisation, moins de pension. Certes, ici ou là, des aménagements vont permettre d'atténuer certains effets de ce plan en faveur de ceux qui gagnent peu et de ceux qui n'auront pas cotisé le nombre d'années nécessaire, tandis que ceux qui travailleront au-delà de la durée légale seront récompensés. Il reste que ces aménagements - importants, sans doute, pour les personnes concernées, et nous ne les contestons pas - seront financés par un redéploiement des cotisations perçues. Il s'agit donc d'une redistribution entre retraités et non d'une augmentation du volume des ressources consacrées aux retraites.
M. Michel Delebarre. C'est énorme !
M. Philippe Vuilque. Il y a donc un grand absent dans la trilogie des leviers d'action que vous nous proposez. Au-delà du nombre d'années de cotisation et du montant des pensions, il manque, comme vient de le dire Gaëtan Gorce, une politique de l'emploi dynamique, efficace, qui soit à la hauteur des enjeux.
En effet, l'équilibre de votre remise en cause des retraites repose en grande partie sur l'amélioration rapide de la situation de l'emploi. De quoi permettre un meilleur équilibre des comptes sociaux, tout en espérant obtenir des entreprises qu'elles prolongent la carrière des salariés âgés - et on est loin du compte, comme nous l'avons largement démontré ce matin. Le pari que vous faites, monsieur le ministre, pourrait bien être perdu, malheureusement - mais je ne le souhaite pas. Cela aurait évidemment pour conséquences une montée des inégalités entre salariés âgés et une baisse des pensions effectivement perçues. Nous y allons tout droit.
L'amélioration de la situation de l'emploi est tout d'abord une condition de l'équilibre financier de la réforme. Pour financer les deux tiers des milliards nécessaires, on compte, en effet, sur un transfert de l'assurance chômage vers l'assurance vieillesse. Un tel redéploiement suppose, en suivant l'analyse optimiste faite par le Conseil d'orientation des retraites, que nous serons dans une situation proche du plein emploi autour de 2010, avec un chômage ne dépassant pas 4 % de la population active.
Cette prévision est contestable et contestée par de nombreux experts, et notamment par un récent rapport du Commissariat général au Plan, d'ailleurs étayé par une étude de la DARES, qui, comme chacun le sait, est la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette étude fait une projection basse et une projection haute. Dans un cas comme dans l'autre, on est loin, monsieur le ministre, des chiffres que vous annoncez. Au mieux, le taux de chômage, dans une perspective de 2,5 % voire 3 % de croissance, ce qui n'est pas rien, serait ramené entre 5,5 % et 7,9 %. On est loin, je le répète, des chiffres que vous annoncez.
En outre, le régime d'assurance chômage, l'UNEDIC, est géré par les partenaires sociaux, lesquels ont signé en 2002 un contrat dont l'objectif est de rétablir l'équilibre des finances pour 2005, notamment afin de rembourser les emprunts faits par le passé. Cela limite évidemment les possibilités de transfert vers l'assurance chômage, possibilités de transfert sur lesquelles vous comptez.
En admettant cependant que l'UNEDIC finisse par dégager un surplus, rien ne dit que les partenaires sociaux voudront l'affecter à l'assurance vieillesse plutôt que d'augmenter les prestations versées aux chômeurs ou de baisser les cotisations.
Enfin, même si l'emploi s'améliore fortement dans les prochaines années, les carrières ne seront pas forcément continues pour autant. D'où la nécessité, monsieur le ministre, d'une politique de l'emploi ambitieuse. Où est la vôtre ?
Nous proposons - et c'est le sens de l'amendement - la mise en place d'un pacte national pour l'emploi, dont l'objectif serait justement de pallier les graves inconvénients de votre réforme. Je pense...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Vuilque.
M. Philippe Vuilque. J'en termine, monsieur le président.
Je pense notamment à la situation des femmes, à la situation des salariés âgés et à leur carrière parce que votre volonté sur ces sujets entre en contradiction avec les pratiques de la direction des entreprises.
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, comme beaucoup d'orateurs socialistes vont s'exprimer les uns après les autres, je voudrais leur éviter de répéter inlassablement la même erreur. Je voudrais donc que les chiffres que j'ai cités dans mon discours d'introduction ne soient pas déformés.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Merci, monsieur le ministre.
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'objectif du Gouvernement, c'est entre 5 % et 6 % de chômage en 2020, ce n'est pas 3 % en 2008 ou 2,5 % en 2006.
M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas ce qu'a dit M. Vuilque !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il a dit : 3 % en 2010. C'est une hypothèse assez différente de celle de 5 % à 6 % en 2020.
M. Pascal Terrasse. Il faisait référence à M. Charpin !
M. Charles Cova. Pour étayer des thèses fausses !
M. le président. La parole est à M. David Habib, pour soutenir l'amendement n° 622.
M. David Habib. Monsieur le ministre, votre majorité a refusé de voter hier mon amendement n° 324,...
M. Marc Bernier. Il était très mauvais !
M. David Habib. ... qui vous engageait à garantir un niveau de pension digne. Et ce matin, chers collègues de la majorité, vous avez refusé de voter mon amendement n° 473, qui vous suggérait de garantir le pouvoir d'achat des pensions de retraite. (« Dommage ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
Outre le fait que vous aurez du mal à apparaître comme des élus tolérants, ouverts,...
M. Denis Jacquat. Il peut parler !
M. David Habib. ... en capacité de vous nourrir du débat parlementaire, je vous invite à ne pas ignorer, cet après-midi, cette question de l'emploi. Vous aurez à assumer vos refus politiquement. Et permettez-moi de le dire, en regardant certains parlementaires qui sont issus de la même région que moi, je ne doute pas que vous aurez du mal à tenir un autre discours en province que celui que vous exprimez aujourd'hui dans cette assemblée.
Mais aujourd'hui, avec l'amendement n° 622, j'ai souhaité vous rappeler que notre système de solidarité repose sur une vision active : celle du pacte pour l'emploi. Je vous suggère de l'admettre et de l'inscrire comme un principe fondamental, presque préalable à tout, et qui doit sous-tendre la loi sur la réforme des retraites.
On pourrait penser que dans un système par répartition, cela va de soi. Il n'en est rien. D'une part, parce que votre dispositif impose de façon sournoise un autre système, celui de la capitalisation, mais aussi parce que d'autre part, sous ce gouvernement, l'emploi, nous le savons, n'est pas, n'est plus une priorité.
En faisant campagne sur l'insécurité et exclusivement sur l'insécurité, vous avez été élus sur une autre logique que celle de la réduction du chômage. De ce point de vue, vous êtes fidèles à ce qu'a été la campagne électorale de 2002. Il reste qu'en douze mois le chômage a progressé de façon spectaculaire, de façon inadmissible : 100 000 demandeurs d'emploi en douze mois, tel est - déjà - votre premier bilan. Vous êtes, monsieur le ministre, le ministre du chômage. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Patrick Ollier. De tels propos sont inacceptables !
M. Denis Jacquat. Honteux !
M. Christian Bataille. C'est simplement la vérité !
M. Alain Néri. C'est la triste vérité !
M. Charles Cova. Vous avez eu la majorité pendant cinq ans ! Qu'avez-vous fait ?
M. David Habib. Or, nous savons que la clé de ce dossier, c'est l'emploi. En rompant avec les efforts et les résultats obtenus sous la précédente législature, vous créez du chômage et vous mettez à mal tous nos dispositifs de solidarité.
Monsieur le ministre, il est temps de sortir de votre silence et de répondre à cette crise de l'emploi. Il est temps de nous indiquer ce qu'est votre politique. Et il est temps d'inscrire dans la loi ce principe, cette référence au pacte pour l'emploi.
M. le président. Merci, monsieur Habib.
M. David Habib. Hier soir, j'ai évoqué la colère des salariés du bassin de Lacq et du Béarn en particulier, qui demandent à l'Etat de réagir aux décisions unilatérales, arbitraires et injustifiées du groupe Total. Je renouvelle ma demande, et vous demande, monsieur le ministre, ainsi qu'à l'ensemble du Gouvernement, de prendre en compte cette colère et d'apporter à cette région les réponses que la situation impose.
M. Charles Cova. Et après cela, il va pouvoir se faire mousser !
M. Jean Leonetti. Nous ne sommes pas dans la séance des questions orales sans débat, monsieur Habib !
Rappel au règlement
M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Brard. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1, car il concerne le déroulement de nos travaux, avec un élément nouveau qui n'a pas échappé à M. Fillon. Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous parliez d'un objectif de 5 % à 6 % de taux de chômage, et donc d'une réduction du taux de chômage, d'ici à 2020. Vous avez pris une série de mesures, depuis un an, dont vous avez prétendu qu'elles visaient à favoriser l'emploi.
Je sais bien qu'il n'est point nécessaire d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.
M. Jean Leonetti. Surtout quand on est communiste !
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Leonetti, tenez vos fiches à jour !
M. le président. Monsieur Brard, poursuivez, je vous en prie.
M. Jean-Pierre Brard. Cela fait sept ans que j'ai quitté le PC mais je suis fidèle à mes convictions.
M. Patrick Ollier. Ça, on ne peut pas le nier !
M. Jean-Pierre Brard. C'est d'ailleurs parce que j'y suis fidèle que je l'ai quitté.
Madame Morano, je ne sais pas de quoi vous parlez...
Mme Nadine Morano. Mais je n'ai rien dit !
M. Jean-Pierre Brard. ... mais je voyais vos mimiques tout à l'heure, et je n'ai pas le décodeur. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Patrick Ollier. N'insultez pas Mme Morano ! Restez courtois !
M. le président. Monsieur Brard, veuillez poursuivre, s'il vous plaît.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, l'élément nouveau qui peut influer sur le déroulement de nos travaux, si vous n'êtes pas autiste, c'est la dépêche suivante de l'AFP : « L'emploi salarié dans le secteur concurrentiel a reculé de 0,3 % au premier trimestre, pour la première fois depuis 1996, selon des chiffres définitifs publiés vendredi par le ministère du travail. »
Vous avez supprimé les emplois-jeunes, pour les remplacer par des contrats jeunes en entreprise ;...
M. Pascal Terrasse. Ca ne marche pas !
M. Jean-Pierre Brard. mais sur les 50 000 nouveaux emplois, 10 000 seulement correspondent à des créations réelles, les 40 000 restant, relevant a de simples transferts, les entreprises profitant de l'effet d'aubaine que vous leur avez offert sur un plateau.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est faux !
M. Jean-Pierre Brard. Vous avez allégé l'IRPP sous prétexte que cela favoriserait l'emploi.
Vous allégez, par touches successives, l'impôt sur les grandes fortunes, persuadés que vous êtes, Francis Mer, M. Raffarin, vos collègues et vous que ce n'est pas très « sexy » de le supprimer d'un seul coup.
M. Patrick Ollier. Ce n'est pas un rappel au règlement !
Mme Nadine Morano. En effet, cela n'a rien à voir avec un rappel au règlement !
M. Jean-Pierre Brard. Madame Morano, de quoi vous mêlez-vous ? Ce n'est pas à vous que je m'adresse. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Monsieur le président, avez-vous entendu comment M. Brard s'adresse aux femmes ? Ses propos ont un caractère nettement méprisant et sexiste. Il s'acharne sur une députée !
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, il s'agit bien d'un rappel au règlement.
M. Patrick Ollier. Non, ce n'est pas un rappel au règlement !
M. le président. Monsieur Ollier, je vais demander à M. Brard de conclure, car son rappel au règlement n'en est pas vraiment un, au sens propre de l'article 58, alinéa 2, du règlement de l'Assemblée nationale.
Monsieur Brard, voulez-vous conclure ?
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, il faut admettre que lorsque l'on a en face de soi pour discuter des partenaires aussi autistes - et encore vous voyez qu'en parlant de partenaires, je fais crédit au fait que l'on puisse être écouté -,...
M. le président. Il vous faut conclure, M. Brard.
M. Charles Cova. M. Brard est hors sujet !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il ne s'agit pas d'un rappel au règlement !
M. Jean-Pierre Brard. ... des digressions sont nécessaires pour appuyer sur la dimension pédagogique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. C'est d'ailleurs ce que vous êtes en train de faire, monsieur Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous avez supprimé la loi de modernisation sociale...
M. Franck Gilard. Ça suffit !
M. le président. Monsieur Brard, voulez-vous conclure !
M. Patrick Ollier. Monsieur le président, notre collègue tient des propos d'ordre politique. Il ne fait pas un rappel au règlement !
M. Jean-Pierre Brard. Je conclus, monsieur le président.
L'élément nouveau, c'est cette dépêche de l'AFP qui montre que le Gouvernement va dans le mur, monsieur le ministre. Etes-vous prêt à en tirer les conséquences pour réorienter vos conclusions, monsieur le ministre ?
Reprise de la discussion
M. le président. La parole est à M. Jacques Bascou, pour...
M. Denis Jacquat. La même chose !
M. le président. ... soutenir l'amendement n° 557.
M. Jacques Bascou. Monsieur le ministre, vous présentez votre réforme comme le résultat d'une évidence. Face au choc démographique, dans la mesure où il y a moins d'actifs pour de plus en plus de retraités, la seule solution serait de prolonger le temps d'activité. Vous conviendrez que cette solution n'a rien d'original et que vous présentez comme du courage une solution de facilité, certes brutale quant à ses conséquences, mais dont les Français ne veulent pas.
M. Charles Cova. Tu parles !
M. Jacques Bascou. En effet, ceux-ci sont attachés à la retraite à taux plein à soixante ans, même s'ils ne sont pas pour le statu quo et sont prêts à participer davantage au financement des retraites à condition que tous les revenus y participent.
C'est cela que nous proposons en ouvrant plusieurs pistes qui doivent être négociées avec les partenaires sociaux.
Votre réforme prend en compte les retraités mais pas les actifs. Une véritable politique de l'emploi en est absente, vous n'en parlez pas. Il est vrai que vos résultats depuis un an en la matière vous incitent à la modestie. Pour nous, l'emploi, les conditions de travail et les spécificités des métiers sont des éléments essentiels du débat. Sur la base des travaux du COR, une réforme digne de ce nom aurait été l'occasion de mettre à plat, avec tous les partenaires sociaux, tous les éléments, comme cela s'est fait dans plusieurs pays européens, de faire preuve d'audace collective en garantissant la retraite par répartition à taux plein à soixante ans, tout en l'adaptant à un monde qui a changé depuis la guerre.
Vous mésestimez l'attachement des Français à cette avancée sociale importante, même si le catastrophisme développé depuis des mois peut les faire douter.
M. Franck Gilard. Tout va bien !
M. Jacques Bascou. Vous avez souhaité passer en force, cela laissera des traces.
Différents éléments auraient dû être pris en compte pour engager le véritable débat : les inégalités d'espérance de vie selon les professions ; la pénibilité des métiers et l'usure qui en résulte ; la situation des femmes qui travaillent à temps partiel, régime qu'elles subissent plus que les hommes ; les périodes de chômage non indemnisées et les temps de formation ; l'accès au marché du travail des jeunes et des plus de cinquante-cinq ans, qui sont les premières victimes des plans sociaux.
Autre élément qui devrait faire l'objet d'une réflexion sur tous les bancs de l'Assemblée : le partage des revenus liés à l'augmentation de la productivité, une des plus importantes en Europe. Il est nécessaire de corriger la tendance observée ces quinze dernières années et qui veut que les salaires ont reculé de onze points par rapport au capital. Aujourd'hui, la part du capital dans la valeur ajoutée est de 40 % en France, de 33,5 % aux Etats-Unis et de 31,5 % en Grande-Bretagne. Ces derniers chiffres montrent que ce n'est pas par idéologie mais par pragmatisme que nous disons que d'autres choix de financement sont possibles. La productivité et la répartition de la valeur ajoutée sont des éléments fondamentaux dans la problématique du financement des retraites.
Autres critiques que l'on entend sur les bancs de la majorité : il ne serait pas réaliste de vouloir faire participer davantage les entreprises et d'alourdir les charges ; les entreprises étrangères ne s'installeraient pas en France à cause des charges excessives. Pourtant, selon une étude récente, la France est, pour les investissements étrangers, le deuxième pays d'accueil, derrière la Chine, mais avant l'Allemagne et les Etats-Unis. Il est vrai qu'au nom de la mondialisation les employeurs délocalisent, sans souci des conséquences sur l'emploi et sur la désindustrialisation - nous connaissons tous des exemples dans nos circonscriptions, M. Habib y a fait référence - préférant, eux, leurs profits à leur patrie ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'amendement que je défends vise donc à remettre l'emploi au coeur de la politique économique. En cinq ans, grâce à la politique que nous avons menée, le nombre des emplois créés a atteint deux millions, et celui des chômeurs a diminué de près d'un million. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Charles Cova. Et les deux millions de chômeurs actuels ne sont là que depuis un an ! N'importe quoi !
M. le président. La parole est à M. Eric Besson.
M. Eric Besson. Monsieur le ministre, je voudrais vous faire part de notre inquiétude. Dans Le Monde d'il y a deux ou trois jours, M. Copé, porte-parole du Gouvernement, indiquait très clairement dans une interview qu'il semblait se résigner à une baisse du nombre des actifs, en disant, je cite : « Nous allons, au mieux, vers une stagnation, plus probablement vers une diminution. »
Or le système par répartition que vous prétendez vouloir défendre ici est, bien évidemment, fondé sur un rapport favorable actifs/inactifs, et donc sur un certain taux d'emploi. Or, monsieur le ministre, ce n'est pas vous faire injure que de dire que l'emploi est l'un des principaux échecs de ce gouvernement.
Cela tient d'abord à des raisons liées à de mauvais choix macro-économiques. Vous n'en êtes pas directement responsable, mais vous en êtes bien évidemment solidaire. Cela tient aussi à des raisons liées à votre propre budget et à votre politique de l'emploi, dont vous êtes directement responsable, même si nous apprenons par la presse que vous tirez le signal d'alarme auprès du Premier ministre sur les conséquences des choix budgétaires du Gouvernement, sur l'état de délabrement de votre ministère et sur les risques graves qui pèsent sur les politiques d'insertion notamment.
Là, monsieur le ministre, votre solidarité gouvernementale devient...
M. Jean-Pierre Brard. Masochiste !
M. Eric Besson. ... très directement coupable.
Vous-même et le Gouvernement prétendiez libérer les énergies pour libérer l'emploi. Dans les faits, vous avez démantelé quasiment toutes les politiques actives de l'emploi. La liste est longue, mais je vais essayer de la résumer : vous avez vidé les 35 heures de leur substance ; vous avez suspendu les articles importants de la loi de modernisation sociale au moment même où les plans sociaux redoublaient ; vous avez supprimé les emplois-jeunes, avec les départs non compensés de 46 000 jeunes en 2003 ; vous avez supprimé la bourse d'accès à l'emploi du programme TRACE en nous promettant très régulièrement qu'elle serait incluse dans le CIVIS, qui tarde à venir, c'est le moins que l'on puisse dire ; vous avez diminué de façon drastique le nombre de CES - vous en aviez annoncé 20 000 par mois, soit 240 000 par an, alors que seulement 80 000 sont prévus dans le budget de 2003, ce qui pose un véritable problème de sincérité budgétaire. De même, sur les 70 000 contrats jeunes en entreprise signés, que vous avez présentés vous-même comme la mesure-phare du Gouvernement en direction des jeunes, seuls 30 % des bénéficiaires étaient demandeurs d'emploi, ce qui veut dire que 70 % de ces contrats correspondent à un effet d'aubaine, puisqu'il s'agit de la transformation de contrats existants ; de plus, aucune contrepartie n'a été exigée en termes de formation.
Enfin, vous avez annoncé récemment, sans aucune concertation - le Conseil national de lutte contre les exclusions s'est du reste fortement ému lors d'une réunion à laquelle je participais de découvrir votre texte la veille même de son passage en conseil des ministres -, la création d'un RMA, revenu minimum d'activité, en dérogation au principe du SMIC horaire, dispositif qui va offrir aux entreprises un sous-emploi très bon marché, qui concurrencera les demandeurs d'emploi classiques.
M. Charles Cova. Ce sont des nuls et ils mentent !
M. Joël Hart. C'est l'école du mensonge !
M. Eric Besson. J'arrête là cette litanie désespérante, monsieur le ministre, pour vous poser la question suivante : comment pouvez-vous prétendre nous proposer une réforme des retraites durablement équilibrée, alors que, de toute évidence, la politique de l'emploi que vous menez aboutit aux résultats catastrophiques rappelés à l'instant par M. Brard ? Quand, monsieur le ministre, allez-vous vous décider à changer de stratégie ? Pour l'instant, vous nous conduisez droit dans le mur, et en klaxonnant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
M. Pascal Terrasse. Depuis le début de la semaine, nous avons montré que la réforme proposée n'est pas financée - je crois que, maintenant, tout le monde a dû le comprendre.
M. Franck Gilard. Au groupe socialiste !
M. Pascal Terrasse. Ce matin, nous avons prouvé, par nos arguments, que la diminution du taux de remplacement entraînera à terme une baisse sensible des pensions de retraite. Cet après-midi, nous voulons mettre en évidence la carence réelle de la politique gouvernementale en matière d'emploi.
En effet, on ne peut parler des retraites sans évoquer la politique d'emploi, qui en est l'élément essentiel. En tout cas, pour les socialistes, l'un et l'autre vont de pair.
On peut toujours s'envoyer les chiffres à la figure - taux de chômage, créations d'emploi -, mais je n'y reviendrai pas, car ces chiffres sont connus. En tout cas, au cours des cinq années précédentes, sous le gouvernement de Lionel Jospin, le chômage diminuait et on parlait de plein emploi.
M. Charles Cova. C'est sans doute pour cela que vous vous êtes « ramassés » le 21 avril !
M. Pascal Terrasse. Depuis quelques mois, on constate une augmentation très sensible du chômage. Pour autant, peut-on l'imputer au seul ministre de l'emploi ? Pour être honnête, non (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), car il faut reconnaître que la conjoncture internationale joue en notre défaveur. Mais dans le même temps (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), quand la conjoncture internationale est difficile, il faut se doter de leviers forts en matière de politique de l'emploi. Sans aller vers le néo-keynêsianisme, la puissance publique doit favoriser les créations d'emplois. Certes, ce n'est jamais l'Etat qui crée des emplois, mais c'est l'Etat qui active certains leviers dans ce but.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est nouveau ça !
M. Pascal Terrasse. Dans une économie de plus en plus globalisée et de plus en plus complexe, soit on se donne les moyens d'aller vers cette logique qui permettrait de créer des emplois, soit on laisse filer les choses. Dans cette économie globalisée, en particulier avec l'élargissement très prochain de l'Union européenne à vingt-cinq pays, on voit bien que toutes les difficultés liées notamment à l'industrie lourde risquent de peser sur notre propre économie avec la concurrence de pays où les coûts de main d'oeuvre sont très bas. Qu'est-ce qui permettra d'empêcher la disparition progressive de la quasi-totalité des emplois industriels dans notre pays, sinon un véritable pacte pour l'emploi s'appuyant sur la qualification, l'innovation et la valeur ajoutée, ces trois piliers fondamentaux de notre économie ?
On voit bien que ce qui fonctionne aujourd'hui, ce sont les grandes entreprises de technologies de pointe, comme la chimie ou l'aéronautique. Ce sont elles qui tirent notre croissance vers le haut.
Mme Nadine Morano. Et les PME !
M. Pascal Terrasse. Les PME, bien évidemment, puisqu'elles travaillent très souvent en sous-traitance.
En vérité, c'est sur ces points qu'il faut faire porter l'essentiel de nos efforts pour développer des emplois.
M. Daniel Mach. C'est vraiment rasant !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le député.
M. Pascal Terrasse. Je vais conclure, mais c'est dommage car c'est intéressant.
M. Joël Hart. Cela n'a aucun intérêt !
M. Charles Cova. Il s'écoute parler !
M. le président. Vous aurez l'occasion d'intervenir de nouveau, monsieur Terrasse.
M. Pascal Terrasse. Le ministre de l'emploi n'est pas responsable de tout. Ce n'est pas lui qui doit être accusé, mais le gouvernement qu'il soutient.
L'innovation, la connaissance et le savoir réclament des politiques fortes en matière de recherche. Or quand on voit que ce gouvernement supprime près de 30 % des budgets des grandes entreprises publiques qui travaillent dans la recherche, on peut se poser des questions.
M. le président. M. Le Déaut l'a déjà dit, donc vous pouvez conclure.
M. Marc Bernier. Cela fait cinq minutes qu'il se répète !
M. Pascal Terrasse. Ce que je dis est très important. Le ministre nous demande de lui proposer des solutions alternatives. Nous disons que jamais nous n'avons baissé les budgets de la recherche. Quand ont veut pousser nos jeunes vers l'excellence,...
Mme Nadine Morano. Que ne l'avez vous fait avant ?
M. Patrick Ollier. Vous avez été cinq ans au pouvoir ?
M. Pascal Terrasse. ... qui est un facteur de l'innovation, afin de pénétrer l'économie internationale, d'être compétitif - n'ayons pas peur des mots -, il faut aussi donner des moyens à l'éducation nationale.
M. Charles Cova. Paroles, paroles, paroles !
M. Marc Bernier. Il fallait le faire quand vous étiez au pouvoir !
M. Patrick Ollier. Vous aviez cinq ans pour le faire !
M. le président. Concluez, monsieur Terrasse...
M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas aujourd'hui, en baissant sensiblement le budget de l'éducation nationale, que l'on créera des emplois.
M. le président. Merci, monsieur Terrasse...
M. Pascal Terrasse. Je termine, monsieur le président, mais mes cinq minutes ne sont pas totalement écoulées. (« Si ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Votre temps de parole est bel et bien passé.
M. Pascal Terrasse. Non ! J'ai une pendule en face de moi qui m'indique l'heure !
M. le président. Je suis le mieux placé pour juger de la durée des interventions.
M. Pascal Terrasse. Mais vous m'interrompez en permanence, monsieur le président. On dirait le président Debré. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous lui ressemblez de plus en plus.
M. Jean-Pierre Brard. On n'est jamais trahi que par les siens !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ce comportement inadmissible mérite une sanction, monsieur le président !
M. Joël Hart. Voilà un bel exemple des méthodes de voyou qu'utilise M. Terrasse dans sa circonscription !
M. le président. Il faut arrêter, monsieur Terrasse ! Concluez !
M. Pascal Terrasse. J'y reviendrai !
M. le président. Soit. Mais, pour l'instant, concluez.
M. Pascal Terrasse. A voir l'attitude de la majorité aujourd'hui lorsque des membres de l'opposition parlent, on comprend qu'elle n'aime pas entendre la vérité ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mme Marylise Lebranchu. Très bien !
M. Franck Gilard. Fossoyeur !
M. le président. La parole est à M. François Brottes.
M. François Brottes. Ainsi que vient de l'expliquer M. Terrasse, nous proposons que la priorité soit donnée à un pacte pour l'emploi et à la croissance.
Le gouvernement de Lionel Jospin, ne vous en déplaise, a apporté les preuves de notre détermination en ce domaine. Nous avons la conviction que la meilleure garantie du contrat social, c'est un pacte national pour l'emploi.
M. Daniel Mach. L'assistanat !
M. François Brottes. Chacun le sait, pour résoudre la question des retraites, il y a plusieurs curseurs. Vous avez choisi d'en actionner deux : l'allongement de la durée des cotisations et la baisse du niveau des pensions. Vous ne voulez pas l'entendre, mais nous considérons qu'il y en a d'autres plus efficaces : l'élargissement de l'assiette des cotisations,...
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Non, c'est une énormité !
M. Charles Cova. Ils répètent leurs erreurs !
M. François Brottes. ... la montée en puissance du fonds de réserve des retraites, mais aussi, et surtout, le curseur de l'emploi. Avec un million de chômeurs en moins lors de la précédente législature, démonstration a été faite que le volontarisme en ce domaine - emplois-jeunes, réduction du temps de travail, relance de la consommation, investissements publics dans les contrats de plan, dans la recherche et l'innovation, et aussi, à l'inverse de vous, dans l'éducation -...
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Vous dites n'importe quoi !
M. François Brottes. ... est le meilleur moyen de ne pas subir la conjoncture, difficile il est vrai, et la mondialisation. Ce volontarisme pour l'emploi, c'est le refus de se résoudre au maintien du fameux volant de chômeurs, qui garantit au MEDEF d'avoir des salariés qui restent sages et soumis (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) parce que la peur du chômage les oblige à serrer les dents, recul social après recul social.
M. Jean-Pierre Brard. Eh oui, madame Morano !
M. François Brottes. L'amendement que je défends demande un engagement clair, déterminé, dans la loi, pour la mise en oeuvre d'un pacte national pour l'emploi. Refuser d'inscrire cette volonté dans la marbre de la loi, prétextant que c'est pure littérature, n'est pas neutre. Au fond, votre libéralisme qui se soumet au laisser-faire de l'économie et de la spéculation, votre refus de donner la priorité à la lutte contre le chômage, c'est, là aussi, un choix de société. Vous priviliégiez une conception féodale de la société.
Ma pauvre dame ! Mon pauvre monsieur ! On ne peut pas faire autrement ! Merci, mon bon seigneur, de nous expliquer que la fatalité c'est toujours pour les mêmes ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Denis Jacquat. C'est pas possible !
M. Christian Bataille. M. Brottes a raison !
M. François Brottes. Je crains que ce dialogue féodal soit assez proche de la conception libérale du dialogue social. Et si vous pensez que je fais là un procès d'intention inacceptable,...
M. Denis Jacquat. Oui !
M. François Brottes. ... je suis prêt à reconnaître mon erreur de jugement...
Mme Nadine Morano. Les Français l'ont reconnu !
M. François Brottes. ... dès l'instant où vous l'aurez prouvé en soutenant mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Delebarre.
M. Jean-Pierre Brard. Qui n'a pu s'exprimer complètement ce matin !
M. Michel Delebarre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, souvenez-vous, c'était à peine ce matin (Sourires), je vous avais dit que j'avais trois raisons d'intervenir : la première pour formuler une interrogation, la deuxième pour adresser des remerciements,...
M. Franck Gilard. A Lionel Jospin !
M. Michel Delebarre. ... la troisième pour prononcer une mise en garde.
En entendant mes collègues parler de la nécessité de mettre en oeuvre un pacte pour l'emploi - ce qui fait l'objet des amendements que nous défendons - je me suis souvenu de la séance du mercredi 11 juin.
Lors de cette séance, l'un de nos collègues déclarait : « Deux structures organisent notre pacte social républicain : la sécurité sociale, notamment l'assurance maladie, dont nous aurons l'occasion de reparler à l'automne mais pour laquelle nous avons déjà des inquiétudes, et, d'autre part, les retraites par répartition et les garanties statutaires dans les trois fonctions publiques : nous en parlons en ce moment. »
C'est ce constat qui m'a fait m'interroger à la suite des déclarations du Président de la République devant les mutuelles. Pourquoi le Gouvernement ne vient-il pas solennellement nous exposer sa vision globale de nos systèmes sociaux plutôt que d'en traiter aujourd'hui l'un des aspects, puis un autre à l'automne ?
La démarche du Gouvernement me fait penser un peu à l'histoire des Horaces et des Curiaces : élement après élément, on délite le pacte républicain. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'inquiétude de tous ceux qui manifestent dans les rues procède de ce sentiment, inconscient ou conscient, que l'on est en train, jour après jour, de leur retirer quelques-uns de leurs droits.
L'orateur du 11 juin continuait ainsi : « Ces deux piliers fondamentaux résultent d'une histoire complexe et respectable. [...] Les Français s'interrogent sur l'emploi, sur la durée des cotisations et sur le futur montant des retraites. »
Le même concluait « qu'en l'absence d'un ajustement mécanique, il nous faudra une politique volontariste pour accompagner l'inversion des flux démographiques. Le Conseil d'orientation des retraites lui-même préconise "une véritable politique de l'emploi, du travail et de la gestion des âges ». (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
C'est cela que nous voulons entendre de votre bouche, monsieur le ministre. D'ailleurs, les intervenants qui m'ont précédé n'ont fait que souligner la même exigence.
Monsieur le ministre, vous aviez peut-être oublié les propos que je viens de citer, mais j'avais d'autant plus le devoir de les rappeler que son auteur ne pourra cet après-midi apporter sa contribution à notre débat car il préside notre séance. C'est vous, monsieur le président Le Garrec, qui, le 11 juin, avez déclaré ce que je viens de rappeler car cela fonde notre amendement.
Je voudrais revenir sur la manière dont les choses sont vécues.
Hier, j'ai reçu une délégation. Mais à ce propos, je ne vous referai pas le coup de la « tranche de vie » que j'ai épuisé ce matin. (« Merci ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
A cette occasion, j'ai été stupéfait de constater que les responsables et les représentants syndicaux des entreprises et de l'éducation nationale qui s'adressaient à moi me demandaient si nous allions empêcher ce qui est en train de se préparer. Je leur ai rappelé simplement quels étaient les rapports de force à l'Assemblée nationale et au Parlement : ceux qui sont en train de proposer cette évolution sont majoritaires dans toutes les institutions et ils font donc ce qu'ils veulent. Mais il n'y a rien de plus difficile que d'être majoritaire. (Exclamations sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je ne peux plus parler ?
M. le président. Monsieur Delebarre, je vous en prie !
Mme Muguette Jacquaint. Il faudrait un référendum !
M. Michel Delebarre. Il n'y a rien de plus difficile que d'être majoritaire : on est toujours poussé jusqu'au bout d'un radicalisme dans lequel on ne souhaiterait pas forcément se voir entraîné.
Que m'était-il également demandé hier, monsieur le ministre ? A quel moment nous serions de nouveau aux responsabilités pour revenir sur les textes que vous proposez.
Mme Nadine Morano. N'importe quoi !
M. Michel Delebarre. J'en suis presque conduit à vous remercier par anticipation ! (Sourires.) En effet, n'êtes-vous pas en train de déliter le socle sur lequel vous êtes installé ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous avez cru devoir faire la politique des 20 % du premier tour. Mais cette politique-là vous conduira inévitablement droit dans le mur. Ce dont ont besoin la France et les Français, c'est d'un effort de solidarité reconnu, en particulier en faveur de ceux qui travaillent longtemps, et de garanties pour l'avenir.
M. le président. Monsieur Delebarre...
M. Michel Delebarre. Monsieur le président, j'espère que vous ne m'avez pas totalement décompté le temps pendant lequel j'interprétais votre pensée ! (Sourires.)
J'ai parlé d'une interrogation, de remerciements et de mise en garde. Je reviendrai ultérieurement sur la mise en garde. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, puis-je prendre la parole ?
M. Jean-Pierre Brard. C'est la réponse du berger à la bergère !
M. le président. Monsieur le ministre, c'est un plaisir que d'assister à un échange entre M. Delebarre et vous-même. (Sourires.)
Vous avez la parole.
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. M. Delebarre vient de me tendre une perche que je ne pouvais pas ne pas saisir.
Il a évoqué, après un autre orateur socialiste ce matin, la perspective d'un retour au pouvoir de l'opposition qui lui permettrait de revenir sur les réformes que nous sommes en train de faire. Or il se trouve que, si mes souvenirs sont bons, c'est justement M. Delebarre qui a été chargé par le gouvernement précédent d'étudier les conditions dans lesquelles la gauche pourrait effectuer un virage à cent quatre-vingts degrés sur un sujet fondamental : la privatisation de France Télécom.
M. Michel Delebarre. Non !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Peut-être me trompé-je...
M. Maxime Gremetz. C'était Paul Quilès !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Les choses se sont en tout cas passées de la manière suivante : j'avais dû, au cours de l'été 1986, faire face à une obstruction à peu près identique à celle à laquelle nous assistons aujourd'hui, sur le projet de loi permettant d'ouvrir à la concurrence le secteur des télécommunications et de privatiser France Télécom.
M. Laurent Cathala. Ce que vous dites est scandaleux ! Il n'y a pas d'obstruction !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Puis la gauche est arrivée au pouvoir. Or moins de trois mois plus tard, elle mettait en oeuvre la privatisation de France Télécom.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Quelle duplicité !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de solidarité. Je croyais que Michel Delebarre avait été associé à la réflexion et qu'il avait, d'une manière ou d'une autre, joué un rôle dans ce retournement,...
M. Patrick Ollier. Bien sûr !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... ce dont je le félicite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Michel Delebarre. Monsieur le président, je voudrais répondre au ministre !
M. le président. Monsieur Delebarre, je vais vous donner la parole, mais à titre tout à fait exceptionnel car nous sortons du cadre de l'amendement...
M. Laurent Cathala. Nous ne faisons pas d'obstruction ! Nous participons à un débat de fond !
M. le président. Monsieur le ministre vient de s'exprimer et, normalement, M. Delebarre devrait corriger un certain nombre de points.
Vous avez la parole, cher collègue.
M. Michel Delebarre. Monsieur le ministre, vous vous êtes arrêté à une époque qui n'est pas si lointaine. Je m'inquiétais de vous entendre évoquer « un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ». (Sourires.)
Cela dit, vous avez partiellement raison.
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ah !
M. Michel Delebarre. J'ai effectivement, à la demande du Premier ministre, commis un rapport sur l'évolution de France Télécom, sur l'ouverture du capital de cette société, que nous n'appelons pas une « privatisation ».
Ce rapport a été élaboré à la suite d'une très large concertation avec les organisations syndicales. D'ailleurs, lorsque certaines mesures ont été mises en oeuvre au sein de France Télécom, les organisations syndicales n'ont en aucune manière protesté. Permettez-moi de vous le rappeler au passage. (Murmures sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Une démarche d'ouverture du capital n'est cohérente que si elle s'accompagne d'une véritable politique industrielle de l'Etat. Or, même si nous avons sur certains points à faire notre mea culpa,...
M. Jean-Pierre Brard. C'est le début de la raison !
M. Michel Delebarre. ... un gouffre nous sépare du gouvernement actuel, qui n'a pas de politique industrielle ni de réelle politique de soutien aux activités économiques. (M. le ministre fait un geste de dénégation.)
Je ne parle pas de vous, monsieur le ministre, mais de l'autre ministre, dont je ne sais même plus le nom, c'est vous dire ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Comme il n'y a pas de volonté de politique industrielle de la part du Gouvernement, il n'y a pas de promotion de l'emploi, ni de promotion de la recherche.
M. Jean-Luc Warsmann. Quel sectarisme !
M. Michel Delebarre. On ne peut donc parvenir à un vrai pacte pour l'emploi. Or c'est un tel pacte que nous demandons par notre amendement.
Mon intervention entre donc strictement dans le cadre de notre débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Un débat intéressant vient d'avoir lieu entre un nouveau ministre et un ancien sur un point qui n'était pas tout à fait au centre de notre débat. Ce débat ayant eu lieu, nous pouvons poursuivre la discussion des amendements.
M. Laurent Cathala. Le débat fut de qualité ! On ne peut parler d'obstruction !
Rappels au règlement
M. Pascal Terrasse. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Jean-Luc Warsmann. Sur quel article ?
M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour un rappel au règlement.
M. Pascal Terrasse. Je ne reviendrai pas dans le détail du débat qui vient d'avoir lieu entre les deux ministres. Ce débat a été fort intéressant et M. Delebarre y a été très convaincant.
M. Michel Delebarre. Merci !
M. Jean-Luc Warsmann. Sur quel article du règlement vous fondez-vous ?
M. Pascal Terrasse. Je voudrais dire à M. le ministre...
M. Jean-Luc Warsmann. Ce n'est pas un rappel au règlement !
M. le président. Monsieur Terrasse, sur quel article se fonde votre rappel au règlement ?
M. Pascal Terrasse. Sur le fait que M. le ministre, depuis maintenant deux jours...
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Vous devez le fonder non sur un fait mais sur un article !
M. le président. Sur quel article, monsieur Terrasse ?
M. Pascal Terrasse. Sur l'article 58, alinéa 1, monsieur le président.
Nous ne pouvons admettre que le ministre, depuis trois jours (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française),...
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Oh ! Cela suffit !
M. Pascal Terrasse ... nous dise régulièrement que nous faisons de l'obstruction.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais c'est vrai !
M. le président. Monsieur Terrasse...
M. Pascal Terrasse. Depuis trois jours, nous sommes ici pour parler, pour discuter, pour amender. Nous faisons notre travail de parlementaire.
M. le président. Eh bien ! monsieur Terrasse, continuons la discussion des amendements parlementaires.
Votre rappel au règlement n'est pas adapté...
M. Pascal Terrasse. Je l'ai fait pour rappeler la vérité !
M. Jean-Pierre Brard. Rappel au règlement !
M. le président. Sur quel article ?
M. Jean-Pierre Brard. Sur l'article 58, alinéa 1, comme vous l'aviez sans doute deviné, monsieur le président. (Sourires.)
M. le président. Vous avez la parole.
M. Jean-Pierre Brard. Le débat fort intéressant qui vient d'avoir lieu est directement lié à celui sur les retraites. Pourquoi ?
Lorsqu'on parle d'ouverture du capital comme celui de France Télécom, qui a eu les brillants résultats que l'on sait, c'est-à-dire un endettement abyssal,...
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Parlez-nous de la « politique industrielle » du précédent gouvernement !
M. Jean-Pierre Brard. ... ce sont les principes, monsieur le président, qui sont en cause !
M. le président. Monsieur Brard...
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, vous voulez m'interdire ce dialogue direct avec M. le ministre ? Cela m'étonne de vous ! (Sourires.) Quand on commence à vendre les bijoux de famille, on finit par tout mettre au clou, ce qui a pour conséquence la réduction de l'emploi et donc celle des ressources pour financer les retraites !
M. Jean-Luc Warsmann. Ce n'est pas un rappel au règlement ! Monsieur le président, un peu de respect pour l'Assemblée !
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, à quoi vous préparez-vous ? A liquider Air France et EDF, par pure idéologie ? Vous allez réduire...
M. le président. Monsieur Brard...
M. Jean-Pierre Brard. Ce que je dis éclaire le débat, monsieur le président !
M. Jean-Luc Warsmann. Respectez la démocratie !
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous allez réduire davantage encore les ressources disponibles pour financer les retraites parce que vous renoncez au rôle que la collectivité...
M. le président. Merci, monsieur Brard !
M. Jean-Pierre Brard. Merci de rien car je n'ai pas tout à fait terminé ! (Rires.)
M. le président. Vous n'êtes pas dans le cadre de l'article 58, alinéa 1.
M. Jean-Pierre Brard. Par idéologie, monsieur le ministre, vous livrez au capital et à l'appétit de profit ce qui marche bien et qui appartient à la nation tout entière.
M. Jean-Luc Warsmann. Monsieur le président, ce n'est pas sérieux !
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Je crois que nous étions convenus que, bien que toute une série de nos amendements ne puisse venir en discussion, nous pourrions interpeller M. le ministre. Je saisis donc l'occasion qui m'est donnée pour le faire. Je ne ferai donc pas un véritable rappel au règlement.
Je n'engagerai pas de débat théologique sur les privatisations car vous savez ce que j'en pense. Elles nous ont conduits droit dans le mur, ce dont je ne doutais pas un seul instant.
Mais je tiens à rappeler qu'il est prévu, aujourd'hui comme hier, le produit des privatisations, que viendrait abonder le fonds de réserve pour les retraites.
M. Denis Jacquat. En partie !
M. Maxime Gremetz. Mais, avec les privatisations, on touche directement à l'emploi !
D'abord, on ne vend qu'une fois ses bijoux de famille. Ensuite, on remet en cause nos outils, nos moyens technologiques. Enfin, on n'a jamais vu de privatisation sans restructuration ni plan de licenciement. Tout cela signifie moins de ressources, y compris pour les cotisations de retraites. Il s'agit donc de tout un ensemble.
On ne peut parler de pacte pour l'emploi, l'objet de notre amendement, quand on veut privatiser Air France et d'autres sociétés. Quant au fonds de réserve, nous proposons que, pour son abondement, on substitue au produit des privatisations - la vente de nos bijoux de famille - une cotisation sociale sur les bénéfices, qui est aujourd'hui minime, et le produit de l'impôt sur les grandes fortunes, qu'il faut non pas baisser comme vous le faites actuellement, mais augmenter. Ainsi, il y aurait une cohérence par rapport à l'emploi et aux retraites.
Reprise de la discussion
M. le président. Nous reprenons le cours de la discussion des amendements, dont on s'est un peu écarté...
M. Michel Delebarre. Pas de beaucoup !
M. le président. Je vous remercie, monsieur Delebarre, de corriger mon propos à la marge. (Sourires.)
La parole est à M. Alain Vidalies.
M. Alain Vidalies. Monsieur le président, je vous ai laissé parler, très respectueusement, n'ayant pas une connaissance suffisante de vos oeuvres complètes pour pouvoir les citer. (Sourires.)
Monsieur le ministre, dans la politique comme dans la vie, l'expérience des autres ne sert à rien. De l'affaire de France Télécom, il nous appartient de tirer les conséquences et c'est probablement pour cela que le dernier congrès du parti socialiste s'est prononcé contre l'ouverture du capital d'EDF-GDF. Au moins sommes-nous allés jusqu'au bout de la démarche, contrairement à vous qui n'avez tiré aucune conséquence de la réforme de 1995, puisque, quelques années plus tard, vous réussissez le même exploit : mobiliser une majorité des Français contre votre projet.
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est faux !
M. Alain Vidalies. Vous ne pouvez pas ne répondre qu'aux questions qui vous intéressent.
A deux reprises déjà, je vous ai demandé combien de gens bénéficieraient du niveau minimum de retraite, égal à 85 % du SMIC ? Sera-ce 25, 30 ou 40 % des retraités ? Vous ne m'avez pas répondu. J'ai posé cette question hier et je vous la repose aujourd'hui. Vous ne pouvez pas, même si vous ne disposez pas de données statistiques, rester silencieux sur un élément majeur qui peut changer la lisibilité que l'on peut avoir de votre projet de loi.
Au stade où nous en sommes, je vous poserai une autre question, précise, technique, politique, de nature à faire avancer notre débat.
Votre projet de loi, même si nous le combattons, a une cohérence : l'allongement de la durée du travail affecte notamment la date à partir de laquelle l'employeur peut mettre un salarié à la retraite sans que cela soit considéré comme un licenciement abusif.
En l'état, l'article 10 de votre projet de loi tend à modifier l'article L. 122-14-13 du code du travail. Selon la rédaction proposée, la mise à la retraite s'entend « par la possibilité donnée à l'entreprise de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge prévu au 1° de l'article 351-8 du code de la sécurité sociale. Si les conditions de mise à la retraite ne sont pas remplies, la rupture du contrat de travail par l'employeur constitue un licenciement ».
En conséquence, l'employeur ne pourra renvoyer chez lui un salarié de moins de soixante-cinq ans qui n'aura pas ses quarante annuités et qui décidera de travailler pour les avoir.
Or ce texte, qui a été signé au moins par ceux qui se sont engagés avec vous, suscite notre inquiétude.
On connaît la revendication majeure du MEDEF, qui a été exprimée à plusieurs reprises. M. Seillière, qui n'en est pas à une régression sociale près, trouve que « cette mesure fait peser une contrainte scandaleuse sur les entreprises. Cela rappelle la méthode des 35 heures que nous a imposée le gouvernement Jospin. Si cette disposition était maintenue, ce ne serait pas une invitation à négocier sur le temps de travail des seniors ».
La question est d'importance, monsieur le ministre, et il serait souhaitable que vous nous donniez immédiatement l'apaisement nécessaire. Ceux qui se sont impliqués à vos côtés ne comprendraient pas que, dans le cours du débat, ici, au Sénat ou en commission mixte paritaire, cet engagement soit remis en cause par un amendement qui détruirait toute la cohérence de votre texte et constituerait une régression sociale supplémentaire.
J'insiste, monsieur le ministre : pouvez-vous nous certifier que le Gouvernement, à chaque phase de l'examen parlementaire, s'opposera à tout amendement qui permettrait de nouveau aux entreprises de licencier les personnes âgées de soixante ans, même celles n'ayant pas acquis tous leurs droits à la retraite ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. Pascal Terrasse. La question est claire !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Pour défendre le pacte national pour l'emploi, je parlerai de l'emploi des jeunes.
Il vient d'être rappelé que l'emploi salarié a diminué de 0,3 % au premier trimestre de cette année, pour la première fois depuis 1996, et, statistique plus fine, nous savons également que le chômage des jeunes augmente.
Ce matin, notre collègue Denis Jacquat fustigeait les emplois-jeunes en indiquant qu'ils n'avaient pas répondu complètement à leur objectif...
M. Denis Jacquat. Je confirme.
Mme Catherine Génisson. ... et en particulier qu'avaient été embauchés sur ces emplois des jeunes très diplômés.
M. Denis Jacquat. Ce n'était pas le but, au départ.
Mme Catherine Génisson. La réalité est tout autre, monsieur Jacquat, puisque plus de 25 % de ces jeunes n'avaient pas le bac, et ils ont rempli des fonctions importantes, contribuant au progrès social et à la cohésion nationale. Il faudra du reste réfléchir aux moyens de rétablir un financement pour ces emplois, que vous avez supprimés.
M. Denis Jacquat. Nous ne les avons pas supprimés ! Fait personnel, monsieur le président !
Mme Catherine Génisson. Par ailleurs, ils ont permis à plus de 25 % des jeunes concernés, chaque année, de trouver un emploi pérenne, et ils ont entretenu la consommation.
Mais vous les avez supprimés brutalement pour les remplacer par des contrats jeunes en entreprise. Il s'agit, moyennant des avantages très importants - les charges sociales étant totalement exonérées pendant deux ans, puis à 50 % pendant la troisième année - d'inciter les entreprises à embaucher des jeunes en grande difficulté scolaire. Nous avons cependant critiqué ce nouveau contrat avec force car les jeunes, pendant trois ans, ne bénéficient d'aucune formation.
Vous nous aviez indiqué que ces emplois aidés étaient prioritairement destinés aux jeunes non diplômés, dès l'âge de seize ans. Or il s'avère qu'en l'occurrence la cible n'est pas atteinte puisque ce sont finalement surtout des jeunes de vingt ans, titulaires au moins d'un CAP ou d'un BEP, qui sont recrutés.
Plus grave encore - et nous ne nous en réjouissons pas - le dispositif s'essouffle.
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pas du tout !
Mme Catherine Génisson. En tout cas dans le Pas-de-Calais : en juillet 2002, 66 contrats étaient signés ; a suivi une période faste, en septembre-octobre 2002, pendant laquelle quelque 200 contrats ont été signés, mais, en avril 2003, le chiffre est tombé à 31, et, en mai, à un seul. Manifestement, le dispositif s'essouffle et nous sommes très inquiets pour l'avenir des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Rappels au règlement
M. Alain Néri. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Fondé sur quel article, monsieur Néri ?
M. Alain Néri. Ce rappel au règlement est parfaitement fondé, monsieur le président, puisqu'il s'appuie sur l'article 56, alinéa 8, de notre règlement.
M. Pascal Terrasse. Je ne le connais pas celui-là...
M. le président. Vous avez la parole, monsieur Néri.
M. Alain Néri. J'ai une information très importante à livrer à l'Assemblée, qui, je crois, en prendra connaissance avec beaucoup d'intérêt, car elle est de nature à peser énormément sur le déroulement de nos débats.
M. Pascal Terrasse. Article 49, alinéa 3 !
M. Alain Néri. J'ai en main et je tiens à votre disposition une dépêche de l'AFP...
M. Patrick Ollier. Suspense !
M. Alain Néri. ... selon laquelle M. le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a indiqué qu'il se rendrait à l'Assemblée nationale vendredi en fin d'après-midi pour assister au débat sur les retraites. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Jean-Marie Le Guen. Il arrive !
M. Pascal Terrasse. Pas comme Barrot !
M. Alain Néri. Peut-être M. le Premier ministre a-t-il enfin compris que ce débat devait s'engager au fond, et que la réprésentation nationale devait être en mesure d'étudier le sujet dans le détail, ce que nous n'avons pas eu le temps de faire en commission. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Peut-être vient-il tout bonnement nous annoncer le retrait de ce projet de loi bâclé, examiné aujourd'hui à la hussarde !
C'est pourquoi je propose que l'Assemblée attende l'arrivée du Premier ministre. (Exclamations sur divers bancs.)
M. Philippe Vuilque et M. Jean-Marie Le Guen. Attendons-le !
M. le président. Sauf que l'article 56, alinéa 8, n'existe pas...
M. Franck Gilard. Ils inventent des articles du règlement, maintenant !
M. le président. Quant à votre information, nous verrons bien si elle se confirme.
M. Jean-Marie Le Guen. Attendons-le !
M. Maxime Gremetz. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un autre rappel au règlement.
M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, compte tenu de cette information, dont nous venions de prendre connaissance, nous proposons évidemment que la séance soit suspendue jusqu'à l'arrivée du Premier ministre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Ce n'est pas raisonnable, monsieur Gremetz.
M. Franck Gilard. Quelle bouffonnerie !
M. Maxime Gremetz. Je m'excuse, mais c'est une question de courtoisie...
M. le président. Vous pourrez manifester toute la courtoisie que vous voudrez à l'égard de M. le Premier ministre lorsqu'il sera présent dans l'hémicycle.
M. Maxime Gremetz. La suspension de séance est de droit, monsieur le président. Dois-je vous le rappeler ?
M. Jean-Pierre Brard. Nous devons nous préparer ! (Sourires.)
M. Maxime Gremetz Absolument. Il faut que nous nous préparions à accueillir M. le Premier ministre.
M. Franck Gilard. Accordez cinq minutes à ces bouffons, monsieur le président !
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. Kléber Mesquida.
M. Kléber Mesquida. Monsieur le ministre, vous vous dites attaché à la retraite par répartition. Nous allons tenter de vous croire.
Nous savons que le développement de l'emploi est le mieux à même de garantir cette retraite par répartition. Une baisse de 1,5 % du taux de chômage réduirait le besoin de financement des retraites de 0,4 point du PIB. Mais cela suppose que la politique économique du Gouvernement tende vers le plein emploi, ce qui est loin d'être le cas. Notre pays compte, en effet, un an après votre arrivée au pouvoir, 100 000 chômeurs de plus. Cet échec - votre échec - s'accompagnera de pertes de ressources considérables pour les régimes de retraite car, si un retraité revient à 1 000 euros par mois à la société, la charge financière d'un chômeur est sensiblement égale, voire supérieure, compte tenu des coûts indirects induits par le chômage.
Monsieur le ministre, votre plan de réforme souffre d'un déficit de financement. Vous envisagez le transfert d'un excédent de l'assurance chômage. Au-delà du fait que cette décision de transfert n'appartient pas au seul Gouvernement, est-ce en augmentant le nombre de chômeurs que vous pourrez permettre ce transfert ?
Hier, j'ai fait allusion au document « plubicitaire » de votre ministère intitulé : « Nous sauverons nos retraites, en partageant nos efforts ».
De quels efforts s'agit-il ? Pour le salarié, c'est la fin de la retraite à soixante ans, c'est l'allongement de la durée de cotisation et donc la prolongation de la vie active. Le seuil des quarantes années étant infranchissable pour 86 % des actifs, qui seront fortement pénalisés par votre dispositif de décote et ceux-ci leurs pensions baisseront de 20 à 30 %.
Monsieur le ministre, la répartition c'est la solidarité. Ce n'est pas le régime de l'alouette, véritable régime minceur - voire maigreur - que vous voulez imposer aux Français. La recette de votre réforme consiste à dire aux futurs retraités : vous me donnez un cheval, je vous donne une alouette. (Sourires.) Je vous en demande beaucoup, et vous recevrez moins. Doivent-ils encore vous dire merci ?
Monsieur le ministre, la solidarité, c'est aussi penser aux vingt-soixante ans. C'est mettre en place un pacte pour l'emploi. Augmenter le nombre des actifs, c'est aussi consolider le financement des retraites.
Le gouvernement Jospin, en faisant de l'emploi sa priorité, avait su, par une politique volontariste, faire baisser le nombre de chômeurs de 900 000 et créer 2 millions d'emplois. Monsieur le ministre, vous pourriez essayer de faire mieux. Voilà pourquoi nous vous proposons d'instituer un véritable pacte pour l'emploi et de mieux aider la recherche. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Monsieur le ministre, dans un système de répartition, la question de l'emploi est indissociable de celle des retraites. Il ne peut y avoir d'avenir pour les retraites sans que soit mis en oeuvre un pacte national pour l'emploi, favorisant l'accès à l'emploi pour les jeunes et assurant le maintien de l'activité des salariés âgés de plus de cinquante ans.
Une telle question aurait dû faire l'objet d'une négociation avec le MEDEF. C'est par là que vous auriez dû commencer. Mais c'est vrai que vous n'avez pas voulu froisser le baron Seillières... D'ailleurs pourquoi s'en étonner ? Vous menez une politique libérale et vous favorisez vos vrais amis. Seulement, les Français commencent à s'en rendre compte et ils voient que la question de l'emploi est essentielle dans le financement des régimes de retraite.
Vos propos ne sont pas réalistes. Vous prenez comme hypothèse un taux de chômage de 6 % en 2020. Mais comme Eric Besson l'a dit tout à l'heure, la politique que vous avez engagée, qu'il s'agisse des aides-éducateurs, des contrats d'insertion, des dispositifs TRACE, des contrats emploi solidarité, ne va pas dans ce sens. Alors, sur quelles certitudes vous appuyez-vous ? Un tel exercice tient de la magie, de l'autopersuasion, de la méthode Coué, de la prestidigitation... Votre échec est tel qu'on ne peut pas vous croire.
Les salariés, notamment dans l'Est de la France, qui sont victimes de licenciements secs, qui ne trouvent plus de travail après cinquante ans alors qu'il leur manque plusieurs dizaines de trimestres de cotisation, ne peuvent accepter sans broncher que l'on augmente le nombre des annuités requises. Car ces dispositions signifient qu'ils vont devoir attendre l'âge de la retraite en étant au chômage, voire en situation de fin de droits. Votre projet, monsieur le ministre, va transformer des retraités potentiels en vieux chômeurs...
M. Denis Jacquat. C'est faux !
M. Jean-Yves Le Déaut. Je souhaiterais que tous les prévisionnistes qui se sont exprimés sur ce projet étudient des scénarii sur vingt ans, que personne n'envisage encore, mais qui ne sont pas improbables.
Si notre produit intérieur brut continuait à augmenter sans que le niveau de chômage baisse, si le remplacement des hommes par des machines continuait à favoriser la productivité, que faudrait-il faire pour financer les retraites ? Vous n'en parlez pas.
Si, dans nos régions industrielles, les emplois continuaient à diminuer sans être remplacés par des emplois de service, si notre société technologique continuait à afficher une belle prospérité en gardant un vivier important de chômeurs, quelles seraient les mesures à envisager ? Que feriez-vous pour les moins favorisés de notre société ? Je pense que nous serions inévitablement contraints à prélever une part de la richesse produite pour la reverser au fonds de garantie des retraites. Mais de cela non plus, vous ne parlez pas.
Pour assurer l'avenir de la répartition, pour financer les dispositions destinées à garantir le pouvoir d'achat des retraités et de nouvelles mesures de justice sociale, il serait nécessaire de passer un contrat de confiance avec les Français et de débattre avec eux d'une augmentation de prélèvement. Mais de cela non plus, vous n'en avez pas parlé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bianco.
M. Jean-Louis Bianco. Mon amendement n° 562 est bref. Il consiste à inserer avant l'article 1er un article additionnel ainsi rédigé : « Le système de retraite par répartition est au coeur du contrat social entre les générations. Il est garanti par la mise en oeuvre d'un pacte national pour l'emploi. »
M. Michel Delebarre. C'est très clair !
M. Jean-Louis Bianco. Depuis plusieurs jours, il est fait référence au travail du conseil d'orientation des retraites. Permettez-moi de le citer à nouveau, pour bien vous faire mesurer l'importance de cette question de l'emploi : « Le scénario économique de référence du conseil est un scénario volontariste, du point de vue de l'activité et de l'emploi d'ici à 2010. Il suppose un retour au plein emploi en 2010, avec un taux de chômage de 4,5 % et une forte remontée du taux d'activité des jeunes et des plus de cinquante ans. » On peut d'ailleurs discuter de ce que signifie « plein emploi ».
M. Denis Jacquat. Effectivement !
M. Jean-Louis Bianco. Quoi qu'il en soit, en 2000, on dénombrait 550 000 personnes - soit à peu près une classe d'âge - de plus de cinquante-cinq ans au chômage ou en préretraite. Mais en 2010, toujours selon les hypothèses du COR, il n'y aurait plus qu'une demi-classe d'âge - 400 000 sur 800 000 - « baby boom » oblige.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit que vous vous fondiez sur un scénario moins optimiste, à savoir sur un taux de chômage de 5 à 6 %.
Un grand quotidien du soir, qui ne peut être suspecté par la majorité d'adopter une position partisane sur le sujet, écrit dans un article récent : « Pour cette raison précisément, une lourde hypothèque financière pèse sur la réalisation du plan Fillon. En 2020, l'allongement de la durée de cotisation ne rapportera que 18,2 milliards d'euros sur les 43 milliards nécessaires. »
M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas Rocard qui l'a dit !
M. Jean-Louis Bianco. Devant la commission des affaires sociales, monsieur le ministre, le 3 juin, vous avez dit - et vous l'avez répété dans l'hémicyle - qu'il faudrait sans doute augmenter les prélèvements et, « le choix étant fait de ne pas baisser le montant des pensions, deux tiers du besoin de financement du régime général seront ainsi financés par une augmentation des cotisations vieillesse ». Mais, vous l'avez dit, une telle augmentation des cotisations vieillesse est conditionnée par la baisse du chômage. C'est dire à quel point les questions de la politique de l'emploi et de la baisse du chômage sont au coeur de notre débat et constituent quasiment pour nous un préalable.
Lorsque nous proposons d'inscrire dans la loi un pacte national pour l'emploi, ce n'est pas pour en fixer tous les détails. Nous serons sans doute d'accord avec vous pour penser qu'ils doivent faire l'objet de la négociation sociale - à laquelle, monsieur le ministre, vous vous référez souvent. Mais en quoi serait-il gênant pour vous d'inscrire dans la loi votre volonté de débattre d'un pacte national pour l'emploi, d'une part, avec les partenaires sociaux et, d'autre part, au Parlement.
Je ne caricature pas votre politique de l'emploi en rappelant qu'elle repose essentiellement sur l'affirmation, maintes fois entendue dans l'hémicycle de la part des membres du Gouvernement, que les bons emplois seraient les emplois privés. Monsieur le ministre, je ne sais si vous cautionnez une telle formule, mais elle révèle une erreur d'analyse profonde. Il n'y a pas d'un côté de bons emplois et de l'autre de mauvais emplois. La compétitivité de la France - plusieurs rapports l'ont rappelé récemment, dont celui du conseil d'analyse économique - est liée à la fois au volume de travail et à la qualité des services publics, et donc, même si l'effet n'est pas mécanique, à l'importance des emplois publics. On ne peut pas opposer en la matière le privé et le public.
Si pour vous, monsieur le ministre, une politique de l'emploi consiste avant tout à créer des emplois privés, nous ne serons pas d'accord. Pour nous, un pacte national pour l'emploi doit permettre de déterminer, après négociation, dans quelle mesure l'emploi public peut, lui aussi, contribuer à la compétitivité et à la croissance.
Vos collègues parlent de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux - ou sur trois - qui partira à la retraite. Si nous voulons être sérieux, nous devons récuser une telle approche. Un pacte national pour l'emploi doit affirmer la volonté de garantir un niveau d'emplois publics et de services publics qui permette à la France d'être compétitive et aux Français de bénéficier d'un égal accès au service public.
Un pacte national pour l'emploi, j'insiste, doit instaurer une politique - Gaëtan Gorce l'a rappelé - visant à permettre l'allongement de la durée de l'activité. Vous parlez, monsieur le ministre, d'allongement de la durée de cotisation. Nous vous avons dit que, pour nous, une telle question ne doit pas être réglée par la loi de manière brutale, sous une fausse apparence d'équité, mais par une négociation qui tiendra compte de la pénibilité des métiers aussi bien dans le privé que dans le public.
Un allongement de la durée de cotisation doit s'accompagner d'un allongement de la durée d'activité. Comment faire, sinon, alors que les deux tiers des salariés ont cessé toute activité lorsqu'ils partent à la retraite ! Une politique active et volontariste pour l'emploi des plus de 55 ans est donc à nos yeux un élément déterminant du pacte pour l'emploi.
Il exige une politique en faveur de l'emploi des jeunes. Je n'y reviens pas, en regrettant, comme mes collègues, que vous ayez supprimé les emplois-jeunes.
Il exige aussi un effort de formation. Les partenaires sociaux négocient les mesures qui donneront corps à cette fameuse formation tout au long de la vie. Sinon, monsieur le ministre, il ne sert à rien de parler d'un taux de chômage de 4, de 4,5, de 5 ou de 6 %.
Il exige enfin, parce que l'avenir est préparé par la recherche, un effort volontariste en matière de recherche.
Tels sont, monsieur le ministre, quelques-uns des éléments qui devraient figurer au programme des négociations sociales pour un pacte pour l'emploi. Et si vous n'acceptez pas l'idée d'un tel pacte, expliquez-nous comment vous ramènerez le chômage à 5 % ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Danielle Bousquet.
Mme Danielle Bousquet. Nous sommes tous d'accord pour affirmer que le principal ennemi des retraites s'appelle le chômage et que c'est ce paramètre qui déterminera les besoins de financement du régime des retraites dans les mois et les années à venir.
Politique de plein emploi et de soutien de la croissance : voilà la première réponse à donner au problème de la retraite. S'agissant de plein emploi, je vise aussi bien la qualité des emplois que leur nombre. Chacun l'aura compris, je pense plus particulièrement ici à l'emploi des femmes. Leur situation, en effet, est toujours aussi inégalitaire, puisqu'on les trouve majoritairement parmi les chômeurs et les salariés à temps partiel non choisi, avec les conséquences que nous connaissons déjà sur le niveau de leurs retraites, a fortiori, monsieur le ministre, lorsque le projet que vous nous soumettez aura été voté.
Engager une politique d'incitation à l'emploi et définir les choix macro-économiques permettant de stimuler la croissance, tel est le rôle du chef du Gouvernement. Or ce ne sont pas les choix du gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre. L'équilibre financier, à terme, n'est pas garanti. Force est de constater que vous spéculez sur une réduction aléatoire du chômage, en l'absence de volonté politique de votre part. Plutôt que de favoriser la consommation intérieure, donc la relance économique et l'emploi, plutôt que de favoriser un réinvestissement industriel sur notre territoire afin d'assurer et de conforter l'emploi, vous avez préféré réduire l'impôt sur le revenu au profit des plus riches.
Conforter les emplois existants et créer des emplois nouveaux, c'est pourtant une exigence vis-à-vis des jeunes, qui souffrent cruellement de la situation économique que vous avez aggravée. Au-delà des chiffres, chacun d'entre nous reçoit à nouveau dans sa permanence tous ces jeunes qui viennent dire leur désarroi.
M. Jean-Claude Lemoine. Ce n'est pas nouveau !
Mme Danielle Bousquet. C'est une exigence aussi vis-à-vis des salariés de plus de cinquante ans dont les entreprises « se débarrassent » massivement pour, selon l'expression utilisée par les entreprises elles-mêmes : créer des vieux chômeurs avant d'en faire de jeunes retraités. (« En effet ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
Loin de réduire le chômage et de créer des emplois, les mesures que vous avez prises depuis un an ont conduit à accroître de 100 000 le nombre des chômeurs. Vous ne vous êtes pas donné les moyens d'aborder de manière efficace et solidaire la question des ressources nécessaires au financement d'une véritable retraite par répartition, faute d'avoir fait le choix de l'emploi, et du bon emploi pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
M. Augustin Bonrepaux. Notre amendement est vraiment au coeur du problème de l'emploi et au coeur du problème du financement des retraites. Or, sur le financement des retraites, il y a beaucoup d'ambiguïté.
D'abord, à aucun moment, la commission n'a indiqué comment serait assuré le financement des retraites. Je me demande d'ailleurs comment mes collègues de la majorité peuvent se prononcer dans de telles conditions. Heureusement que la commission des finances a abordé la question. Si ce n'est que son rapporteur évoque toujours le rapport du COR et se base sur un taux de chômage à 4,5 %, alors que le ministre se base sur un taux de chômage de 5 à 6 %. Il est difficile de s'y retrouver !
Ensuite, sur les prélèvements obligatoires, nouvelle ambiguïté : on nous dit qu'à partir de 2008 et jusqu'en 2020, une augmentation de l'ordre de trois points est programmée pour les cotisations vieillesse. Dans le même temps, on nous explique que cette augmentation sera gagée par la diminution des cotisations chômage, rendue possible par la baisse du chômage, laquelle figure dans les projections de la COR. Et l'on nous précise que, dans ce scénario, le taux de chômage en 2010 est estimé à 4,5 %.
C'est à juste titre que mes collègues évoquaient ces propositions, puisque ce sont les seuls documents dont nous disposions, mais je trouve qu'il persiste une ambiguïté sur le financement. Je rappelle en effet que si le chômage devait se maintenir à 7 % et non descendre à 4,5 %, à partir de 2010, le besoin de financement à terme pour les retraites serait de 0,7 point du PIB, ce qui équivaut pratiquement au montant du financement que vous assurez aujourd'hui, puisque votre projet finance la réforme pour moins de 1 % du PIB.
La solution réside, bien sûr, dans une politique énergique, efficace pour l'emploi. Mais qu'avez-vous fait jusqu'à présent ? Vous avez commencé par remettre en cause les 35 heures. Puis vous avez supprimé les emplois-jeunes. Vous avez suspendu la loi de modernisation sociale, ce qui provoque la vague de licenciements que nous connaissons aujourd'hui. Vous avez réduit l'impôt sur le revenu des plus aisés, en expliquant que cela allait soutenir la croissance, mais il n'en a rien été. Vous avez baissé l'impôt de solidarité sur la fortune, au lieu de l'affecter au Fonds de réserve des retraites.
Ainsi, depuis le début de l'année, quelle est la situation ? Ces pertes de recettes fiscales ont entraîné des difficultés budgétaires, nous sommes traduits devant la Commission européenne et vous êtes obligés de réduire les investissements, ce qui a automatiquement des effets sur l'emploi. Ce sont les réductions de crédits pour les collectivités locales, qui ne pourront pas investir. Les réductions pour les routes, pour le logement. Les réductions pour les associations et entreprises d'insertion, désormais en difficulté, ce qui a justifié la lettre de M. Fillon à M. Raffarin. Bref, c'est l'emploi qui souffre de votre politique à contresens.
Le résultat, c'est que l'emploi salarié dans le secteur concurrentiel a reculé de 0,3 % au premier trimestre, pour la première fois depuis 1996. Et pour la première fois depuis 1993, l'emploi salarié a reculé de 0,2 % dans le tertiaire. Les chiffres que je cite, monsieur le ministre, sont ceux du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, qui traduisent le résultat de votre politique.
Par comparaison, nous avions donné l'exemple d'une politique dynamique, énergique, efficace en faveur de l'emploi, qui s'est traduite par le retour de plus d'un million de chômeurs à l'emploi. Aujourd'hui, vous faites l'inverse.
Vous ne pouvez pas dire que nous n'abordons pas le fond du problème, parce que la meilleure façon de financer votre réforme, c'est de réduire le chômage et de faire en sorte que l'emploi soit bien réparti. Malheureusement, vous n'avez pas de réponse, ce qui justifie notre inquiétude, ce qui nous fait dire qu'après cette réforme, il restera beaucoup de problèmes, ce qui nous fait penser que vous nous réservez encore beaucoup de surprises, certainement désagréables.
M. Christian Bataille. Surprises pour les uns, angoisse pour les autres !
M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
Mme Marylise Lebranchu. Dans le droit fil de ce que vient de dire Augustin Bonrepaux, je m'appuierai sur une étude publiée par Mme Erhel à la Documentation française. Ce document très officiel concernant l'évolution de l'emploi constate qu'entre 1997 et 2001, « la période a été caractérisée par une hausse spectaculaire de l'emploi s'accompagnant d'un très net recul du chômage, qui a permis de réduire le "noyau dur et les phénomènes d'exclusion du marché du travail ». Ces résultats ont été obtenus grâce à une conjoncture internationale favorable - Mme Erhel le reconnaît très objectivement - mais aussi, ajoute-t-elle, grâce à une politique publique comme peu de gouvernements en avaient initié jusqu'alors ».
Pourtant, sur la longue période, nous ne sommes pas complètement satisfaits de la situation de l'emploi à la fin de ces années favorables. En effet, les contrats à durée déterminée, qui étaient au départ une sorte de variable d'ajustement du marché du travail, ont connu une augmentation beaucoup trop forte. Et lorsqu'on examine la structure des actifs par âge, on constate que le recours aux CDD touche essentiellement les plus jeunes et les femmes, dont les taux d'activité respectifs ne sont pas satisfaisants, à la fin d'une période où, pourtant, le chômage a nettement reculé. En 2002, moins de 30 % des femmes de plus de cinquante ans et moins de 25 % des jeunes sont au travail. Malgré une formidable politique de l'emploi, il subsiste donc une très vive inquiétude face au développement du CDD, qui devient un moyen d'ajustement permanent du marché du travail et qui posera, à terme, un problème grave à ceux qui, obligés d'y recourir, auront du mal à valider les trimestres et les années pour la retraite.
Parmi toutes les solutions proposées pour soutenir l'emploi, il ne faut pas oublier la nécessité de mettre en place une grande politique publique de la formation. Devant le recours systématique aux CDD, devant les problèmes de reconversion et de retour à l'emploi de ceux qui ont dépassé quarante-cinq ans, on déplore toujours une absence de réponse en termes de formation. Nous avons largement dit ce que nous pensions des coups de griffes budgétaires donnés à la formation initiale. Mais je crois, monsieur le ministre, que l'une de vos principales responsabilités pour que nous restions dans la compétition internationale, capables d'apporter innovations, technologies de pointe et outils d'amélioration de la production, est de mettre en oeuvre un formidable plan de formation continue multipliant les passerelles.
Il me plaît de voir qu'en cinquante ans, notre pays, dont la population a augmenté de moins de 50 %, a vu son PIB multiplié par cinq, ce qui est énorme. La France a donc quitté le modèle économique et social de la production de masse, dans lequel la compétitivité n'est fondée que sur la faiblesse du coût du travail, pour rejoindre le modèle où la recherche de valeur ajoutée assure à la fois une meilleure compétitivité mondiale et un retour à l'équilibre économique et social. Malheureusement, monsieur le ministre, votre réforme des retraites donne des signes de tristesse sociale en négligeant l'aspect de la formation. Ainsi, votre contrat-jeune - Catherine Génisson et Danielle Bousquet l'ont montré - ne fait pas obligation à l'employeur de donner une formation au jeune qu'il emploie. De tels signes nous font craindre un retour à une situation plus difficile.
Cette analyse, vous l'avez constaté, porte sur une assez longue période : cinquante ans. Vous ne pourrez donc pas nous reprocher de tomber dans la polémique. Nous nous mettons aussi en cause et nous pensons que, dans le pacte national pour l'emploi, un règlement plus éthique du marché du travail empêchant le CDD de devenir l'éternelle variable d'ajustement et imposant aux employeurs le recours à un système de formation, notamment pour les jeunes, devrait nous permettre de retrouver la spirale vers la haute valeur ajoutée et vers la compétitivité internationale. Attention à ne pas toujours tirer vers le bas !
Vous déplorez comme nous que des entreprises ayant opté pour le développement de la formation soient en train de disparaître. Alors, nous devons poser ensemble la question cruciale de la valeur collective que nous voulons accorder au travail de demain. Nous devons réfléchir ensemble aux réponses que nous voulons donner à la forte demande de formation à l'innovation et à la compétitivité, qui traduit la volonté de ceux qui travaillent d'accroître et de voir reconnaître leur qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Michel Delebarre. Dans certaines intonations, au aurait dit du Le Garrec !
M. le président. Avant de donner la parole à M. Bataille, je vais arrêter la liste de ceux qui demeurent inscrits sur ces amendements : MM. Cocquempot, Mathus, Bateux, Dufau, Néri, Nayrou et Durand.
M. Jean-Marie Le Guen et M. Manuel Valls. Et nous, monsieur le président ?
M. le président. J'ai oublié M. Le Guen et M. Valls.
M. Denis Jacquat, vice-président de la commission des affaires culturelles. Et moi contre : j'ai deux casquettes !
M. le président. Je ferme donc la liste avec M. Jacquat.
C'est à vous, monsieur Bataille.
M. Christian Bataille. Monsieur le ministre, les mots ont leur importance. Il en va ainsi, dans l'amendement que nous vous proposons, des notions de « contrat social » et de « pacte national pour l'emploi ». A travers ces mots, nous voulons montrer le rôle que la puissance publique devrait jouer, selon nous, en tant que régulateur social. Je conçois évidemment qu'un tel rôle soit profondément contradictoire avec l'idéologie libérale que vous incarnez.
Nous voulons aussi, au moyen de cet amendement, faire réfléchir sur ce que doit être la nature de la République. Que voulons-nous ? Un gouvernement fort, expression de la volonté générale, qui pèse sur la décision politique, ou bien un Etat effacé, certains diront modeste, derrière un marché incontrôlable, qui fait parfois entendre timidement sa voix et met ainsi en place une politique des retraites au fil de l'eau ?
M. Michel Delebarre. C'est un vrai choix !
M. Christian Bataille. Un choix profond dont chacune des composantes s'incarne d'un côté de cette assemblée.
Monsieur le ministre, vous avez ce matin, dans votre réponse, essayé de caricaturer ce que j'avais dit de la démographie. Il ne s'agit pas pour moi, bien entendu, de nier que l'évolution démographique impose d'ouvrir le dossier des retraites, en particulier l'allongement de la durée de vie. Ce que je dénonce, c'est que l'argument de la démographie soit devenu la pensée unique, le pont aux ânes de toute réflexion sur les retraites : il n'y aurait qu'une politique possible, la baisse des retraites imposée par le constat que la démographie a changé.
C'est oublier que le Gouvernement peut montrer sa volonté de peser sur la situation, en augmentant par exemple le nombre des cotisants.
Ce matin, nous avons convié la majorité de droite et certains de ses membres les plus tonitruants à réfléchir sur le rôle que l'immigration peut jouer, aujourd'hui encore, dans l'augmentation du nombre de cotisants. J'invite à nouveau l'Assemblée à réfléchir sur ce point : où en serait le dossier des retraites si l'immigration n'avait pas alimenté l'assurance vieillesse et contribué largement à l'accroissement de la richesse nationale ?
La politique de l'emploi peut être aussi l'expression de la volonté publique. Mais dès vos premières décisions, monsieur le ministre, vous avez démantelé ce que les socialistes avaient fait sous la législature précédente, parce que vous considérez qu'au fond, la politique de l'emploi doit résulter d'une espèce de flux naturel issu du marché et qu'il n'y a pas lieu que les pouvoirs publics encouragent la création d'emplois.
Enfin, le soutien de la croissance, la politique d'aide à la production, la politique industrielle peuvent être également - Michel Delabarre l'a montré - l'expression d'une volonté politique de créer de l'emploi. Favoriser la production pour stimuler la croissance, c'est un choix politique, le contraire d'une approche qui voudrait que la France fonctionne comme cela, sans que l'Etat intervienne en matière de politique industrielle.
Les vertus de ce choix, nous aurons souvent l'occasion de les démontrer, en particulier lors du débat sur l'énergie que le Gouvernement veut organiser, mais ce n'est qu'un exemple. En réalité, il n'est pas un seul secteur industriel où l'action volontariste de l'Etat ne se traduise par un développement de l'emploi. Je suis convaincu qu'on ne peut pas faire confiance au libéralisme et aux seules entreprises pour créer des emplois. Mais vous-même, votre gouvernement, avez abandonné la priorité à l'emploi. Vous avez considéré qu'elle méritait, certes, un coup de chapeau et, dans vos discours, de temps à autre, vous voulez bien le lui donner, mais l'emploi n'est pas profondément ressenti par vous comme une priorité.
Pour vous, la politique de l'emploi relève plus du beau temps ou du mauvais temps économique que d'une volonté de la puissance publique.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bataille.
M. Christian Bataille. Pour nous, et c'est ce qui nous distingue, la société n'est pas une jungle ou une compétition entre les individus. Elle n'est pas, je le disais ce matin, une loterie, un loto, comme le voudrait M. Madelin. Elle doit être organisée. Vouloir pour demain un système de retraite favorable, c'est vouloir aujourd'hui une économie qui marche, une économie sur laquelle pèsent la volonté générale et la puissance publique.
M. le président. Monsieur Bataille...
M. Christian Bataille. Je vous invite, monsieur le ministre, à réfléchir à cet amendement, à l'accepter et à refuser ainsi le modèle libéral anglo-saxon. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Michel Delebarre. Très bien ! Chaque intervention apporte un peu de sa fraîcheur ! Je trouve cela intéressant !
Mme Nadine Morano. Passionnant même ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Gilles Cocquempot.
M. Gilles Cocquempot. L'amendement que je défends est très important, car il lie la réforme des retraites à la préservation de l'emploi. Or, sur ce point, monsieur le ministre, je ne pense pas que vous puissiez chanter : « Ça marche pour moi ! »
Rien que dans ma circonscription, quelque 1 000 emplois ont été supprimés ou sont menacés, et ce n'est pas fini ! Le plus grand employeur privé régional, ARC International, qui compte 12 500 emplois, va réduire ses effectifs de façon drastique sur le site historique de la société. Nous allons subir la même évolution qu'Usinor a fait subir en son temps au Dunkerquois, mais sur un bassin d'emploi de 100 000 à 150 000 habitants, alors qu'Usinor rayonnait sur un bassin d'emploi de plus de 250 000 habitants.
On a l'impression que, depuis que vous avez suspendu l'application de la loi de modernisation sociale, les multinationales ou les grandes entreprises privées se dépêchent d'appliquer le principe « capitaliser les profits et socialiser les pertes ». Force est en effet de constater qu'en dépit des suppressions d'emplois, la Bourse reprend de la vigueur.
C'est un sujet que j'ai eu l'occasion d'aborder lors d'un débat avec M. Anciaux sur la chaîne parlementaire et nous avons pu mettre en évidence trois types de comportements.
Le premier est, par exemple, celui de Danone, qui met en place un plan social en rapport avec sa réputation.
Le second est celui des voyous, tels les propriétaires de Metaleurop, partis en mettant la clé sous la porte et en laissant le bébé à l'Etat et aux collectivités territoriales. J'aimerais bien savoir, d'ailleurs, où en sont les poursuites engagées par l'Etat contre ces voyous internationaux.
Le troisième comportement est celui d'ARC International. Cette grande entreprise familiale a décidé de gérer dans le temps son problème de réduction d'effectifs, mais elle investit parallèlement en Chine, en Iran et dans d'autres pays où la main-d'oeuvre est disponible, peu payée et ne bénéficie pas d'une couverture sociale décente.
Plus près de vous, monsieur le ministre, la décision d'Arcelor de supprimer sur Mardyck et Isbergues près de 800 emplois directs - sans compter les emplois indirects - va dans le même sens, celle d'une vision libérale qui privilégie l'actionnariat au détriment de l'emploi. Pourquoi ai-je dit « plus près de vous » ? Parce que l'ancien président d'Arcelor, ancien vice-président du MEDEF, M. Mer, dirige aujourd'hui les finances et l'économie de la France. Or si j'en crois Le Canard enchaîné de cette semaine, il ne serait pas tendre : vous-même et M. Mattei auriez, en effet, dénoncé la paralysie budgétaire de vos ministères dans une note extrêmement éloquente datée du 14 mai : « Conscients des contraintes qui pèsent sur les finances de l'Etat, nous sommes néanmoins dans l'obligation de vous informer, monsieur le Premier ministre, que la procédure de régulation telle qu'elle est actuellement pratiquée est tout simplement sur le point d'empêcher nos deux ministères de fonctionner au quotidien. Nous attirons encore une fois votre attention sur le fait que si les reports, à tout le moins, ne sont pas libérés dans les tout prochains jours, il en résultera une paralysie du ministère, avec des conséquences très graves : la cessation de toute activité dans certains services (...) ; l'obligation, faute de crédits disponibles, de repasser certains marchés ou d'arrêter certains grands programmes (...) avec des retards et des surcoûts considérables ; la fin du recours à des fournisseurs essentiels parce qu'ils refuseront à l'avenir de travailler pour nous ou parce qu'ils auront été conduits à la faillite ; le retard dans la mise en oeuvre des programmes de lutte contre le bio-terrorisme. » Note très éloquente, monsieur le ministre.
Dites-moi comment, dans ces conditions, vous allez assumer les engagements que vous avez prévus dans votre texte alors qu'aujourd'hui, si j'en crois les nombreux gels financiers que nous découvrons chaque jour, vous n'êtes pas capable d'assumer les engagements budgétaires liés à la politique économique et sociale que vous affichez ?
M. Patrick Ollier. Cela fait cinq minutes qu'il parle !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Cocquempot !
M. Gilles Cocquempot. Je conclus, monsieur le président. Monsieur le ministre, entre le discours et la réalité, il y a une grande différence. Mais je vous sens rassuré après l'intervention du Président de la République...
M. le président. Monsieur Cocquempot !
M. Gilles Cocquempot. ... qui considérait, hier, devant le congrès de la Mutualité, que la page des retraites était déjà tournée et qu'il fallait s'attaquer désormais à la réforme de l'assurance maladie. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Monsieur Cocquempot !
M. Gilles Cocquempot. La chose semble donc entendue, malgré un simulacre de débat. Mais, comme l'a dit M. Thibault, le printemps a été chaud ; l'automne sera brûlant ! (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Philippe Pemezec. Et l'été ?
M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.
M. Didier Mathus. L'amendement n° 657 met l'accent sur un point que nous aurions tort de laisser dans l'ombre. C'est pourquoi mes collègues insistent avec une telle détermination sur la question du pacte national pour l'emploi.
En effet, il ne peut y avoir de politique des retraites sans une grande, une forte politique nationale donnant la priorité à l'emploi. C'est important non seulement pour les retraites, mais aussi pour l'ensemble des politiques sociales. De ce point de vue, c'est bien le gouvernement de Lionel Jospin qui aura pris les mesures les plus énergiques et les plus efficaces pour défendre et conforter la retraite par répartition, puisqu'il aura créé deux millions d'emplois et fait diminuer le nombre de chômeurs de un million.
M. Jean-Luc Warsmann. C'est de l'autosatisfaction !
M. Didier Mathus. Ce gouvernement, quant à lui, a commencé par attaquer le système des retraites par répartition en supprimant 129 000 emplois en moins de douze mois.
M. Joël Hart. Les emplois-jeunes, les CES, ce sont des emplois précaires !
M. Didier Mathus. Voilà une réalité incontournable, comme le disent les journalistes.
M. Philippe Pemezec. Vous vous moquez du monde !
M. Alain Néri. C'est la triste réalité !
M. Didier Mathus. Le constat est clair : la politique économique et fiscale du Gouvernement a pénalisé la consommation sans favoriser l'investissement. Le résultat est là : des dizaines de plans sociaux s'accumulent jour après jour...
M. Philippe Pemezec. A cause des 35 heures !
M. Didier Mathus. Voilà l'attitude parfaitement schizophrénique de l'Etat et du Gouvernement, qui est lui-même le premier licencieur de France.
Examinons en effet les politiques de l'Etat. On nous dit aujourd'hui qu'il faut accroître la durée de cotisation, donc allonger les carrières, alors que dans la fonction publique, des limites d'âge sont fixées. Je suppose que vous les connaissez, comme moi. Mais savez-vous, par exemple, que le CCFC, congé charbonnier de fin de carrière, qui est un dispositif accroché au plan Longuet, le plan charbonnier de 1994, établit des départs à la retraite pour les mineurs à quarante-cinq ans ? Dès lors, comment expliquer l'augmentation de la durée des carrières alors que le Gouvernement, l'Etat d'une façon générale, mène des politiques de restriction des fins de carrière souvent plus drastiques que dans le privé ?
L'une des raisons de l'inquiétude et de l'anxiété actuelles des salariés vient bien du sentiment qu'on va leur demander de travailler plus longtemps alors qu'ils vivent la retraite comme une sorte d'accès à la terre ferme après une traversée périlleuse, celle du marché de l'emploi, en particulier dans la dernière partie de leur vie professionnelle. Vous accroissez ainsi l'insécurité sociale qui pèse aujourd'hui sur des millions de travailleurs.
Par ailleurs, vous vous réjouissez de l'essoufflement du mouvement social. Mais comment ne pas comprendre que l'anxiété, l'inquiétude et une certaine forme de résignation peut-être et de désespoir qui va s'y substituer sont beaucoup plus inquiétantes pour l'état de la société ? Encore une fois, la retraite apparaissait comme une sorte d'accès à la sécurité. Or vous éloignez cette sécurité de nos concitoyens.
Enfin, n'oublions pas ce que les gens voient tous les jours à la télévision, ce qu'ils lisent dans les journaux. Connaissez-vous les « nouveaux pharaons », MM. Messier, Tchuruk, qui bénéficient, eux, de « golden parachutes », ou de ce que l'on appelle les « golden Hello » - ça vient de sortir -, c'est-à-dire les primes de bienvenue offertes au dirigeant d'un grand groupe ? Plus ces groupes vont mal, plus leurs dirigeants augmentent leurs salaires.
M. Joël Hart. Et Tapie ?
M. Patrick Ollier. Et Corbet, grâce à vous !
M. Didier Mathus. Comment ne pas comprendre l'anxiété sociale lorsque M. Philippe Jaffré, non content d'affaiblir son entreprise, finit par s'octroyer des centaines de millions de francs d'indemnités...
M. Jean-Luc Warsmann. Qui était au pouvoir alors ?
M. Didier Mathus. ... lorsque des animateurs de télévision, des dirigeants d'entreprise, gagnent des centaines de millions de francs...
M. Jean-Luc Warsmann. Vous reprochez au gouvernement Raffarin de faire ce que vous n'avez pas fait ? Un peu de pudeur !
M. Didier Mathus. ... alors qu'on ergote sur 85 % du SMIC pour des gens qui, la plupart du temps, vivent misérablement.
M. Patrick Ollier. Qu'avez-vous donc fait pendant cinq ans ?
M. Didier Mathus. L'anxiété est réelle, elle existe.
M. Patrick Ollier. Quel culot !
M. Joël Hart. Elle existait avant !
M. Didier Mathus. Peut-être le mouvement social s'essoufflera-t-il, mais cette inquiétude demeurera.
Je suis député d'une région industrielle, où les plans sociaux - dans le textile, dans la mécanique et dans d'autres secteurs - s'accumulent. Vous savez comme moi qu'il est actuellement impossible à une personne de plus de cinquante ans, en tout cas à une ouvrière ou à un ouvrier, de trouver du travail. Ce n'est pas difficile, c'est impossible : ils ne sont même pas convoqués aux entretiens d'embauche !
M. Henri Nayrou. C'est vrai !
M. Joël Hart. Ce n'est pas d'aujourd'hui !
M. Didier Mathus. Voilà la réalité ! Une véritable politique de l'emploi, grande absente du plan Fillon-Seillière, est une nécessité impérieuse. (Applaudissements sur les bancs du parti socialiste.)
M. Dino Cinieri. Il a parlé plus de cinq minutes !
M. le président. Pas du tout !
La parole est à Jean-Claude Bateux.
M. Jean-Claude Bateux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'affirmer le maintien du principe de la répartition dans le système des retraites, il faut vérifier que la formule mathématique du financement permet d'avoir des produits de retraite de bon niveau. Sinon, cette loi n'est que le cache-sexe d'une mise en route du système par capitalisation, dont on connaît tous les défauts.
Il faut donc être certain que le choix critiquable que vous avez fait de jouer d'un seul paramètre, celui de la durée de cotisation, permettra le maintien des retraites à leur niveau actuel par rapport aux revenus des personnes en activité ; or tel n'est pas le cas.
Je ne parlerai pas du caractère négatif du passage à quarante-deux années d'activité. Mais même dans cette hypothèse, encore faudrait-il que le nombre d'actifs au chômage diminue par rapport à aujourd'hui, et qu'il soit vraisemblable. Vous fondez votre projet sur une réduction du chômage, laquelle apporterait une correction optimiste au différentiel accru entre les actifs et les retraités. Nous ne pouvons qu'en douter. En effet, plusieurs de nos collègues ont déjà commenté le succès gouvernemental du jour : 49 000 emplois perdus au cours du premier trimestre 2003, soit un bilan gouvernemental de 20 000 emplois créés en un an. Et la majorité se permet de critiquer un gouvernement qui, en cinq ans, a créé deux millions d'emplois et réduit d'un million le nombre de chômeurs ? Au rythme actuel, il faudrait au gouvernement Raffarin un siècle pour en faire autant.
M. Alain Néri. Il sera parti avant !
M. Jean-Claude Bateux. Mais les Français perdent déjà patience.
La conjoncture n'explique et n'excuse pas tout. Nous étions les meilleurs en Europe ; en un an, nous sommes les plus mauvais. Ce n'est pas la conjoncture mondiale qui a décidé de prendre une série de mesures négatives pour tous, de saboter les emplois-jeunes, de suspendre une partie de la loi de modernisation sociale ou d'arrêter brutalement, en 2002, les contrats territoriaux d'exploitation dont bénéficiaient les agriculteurs, alors que les contrats d'activité durable n'entreront en vigueur qu'en 2004.
M. Jean-Luc Warsmann. Il n'y avait même pas d'argent pour financer les CTE signés ! Un peu de pudeur !
M. Jean-Claude Bateux. Tous les Français sont atteints.
La question qu'il faut se poser est la suivante. La majorité du moment se fait-elle des illusions sur sa politique ou bien organise-t-elle, convaincue à l'avance de ses résultats en matière d'emploi, un système par répartition anémié et défectueux, pour mieux développer la capitalisation, laquelle accroîtra davantage encore l'injustice et les inégalités entre nos concitoyens ?
M. Philippe Pemezec. C'est scandaleux !
M. Jean-Claude Bateux. Une bonne politique de retraite par répartition doit passer par une bonne politique de l'emploi. C'est pourquoi nous demandons un pacte national pour l'emploi, vital pour la nation. Sans cela, cette loi fera de nos concitoyens des doubles victimes, puisqu'il y aura moins d'emplois pour ceux à qui on demandera paradoxalement de travailler plus et moins pour la retraite de ceux à qui on aura demandé de travailler plus longtemps.
Notre collègue et amie Paulette Guinchard-Kunstler a souligné ce matin que cette situation aura pour conséquence un vieillissement accéléré de ceux qui auront eu une vie active plus difficile avec des conditions de retraite appauvries. Elle constituera aussi une difficulté économique supplémentaire pour notre pays, puisque le pouvoir d'achat des retraités baissera, et il est bien évident que les dépenses d'aide sociale seront en outre alourdies par le développement des séjours en maisons de retraite.
La politique de l'emploi est donc la clé du financement de ce projet, puisqu'il s'appuie uniquement sur les salaires et le nombre de salaires.
Monsieur le ministre, vous connaissez déjà votre bilan annuel : 20 000 emplois créés. Imaginez-en la projection sur le système que vous proposez. Pouvez-vous affirmer défendre la retraite par répartition si, parmi les moyens que vous négligez, il y a la politique de l'emploi ? Cette absence est criante. Ce handicap est un facteur d'échec pour le système de retraite par répartition et promet une retraite difficile à ceux qui, actuellement, étudient ou travaillent. Croyez bien que ceux qui crient leur rejet de votre projet dans la rue ne sont pas les seuls à être inquiets.
En le défendant, vous développez en effet, dans ce pays, un sentiment d'inquiétude face à l'avenir, peut-être même un sentiment d'impuissance chez certains. Vous ferez sans aucun doute adopter ce projet par votre majorité, mais ne croyez pas pour autant en sa pérennité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou.
M. Henri Nayrou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement relève de l'évidence.
Rappelons les trois leviers qui peuvent déboucher sur autant de solutions au problème des retraites : le premier est le niveau des pensions ; le deuxième, les sources de financement ; le troisième, la durée des cotisations. Le Gouvernement a choisi le troisième, va altérer le premier et reste flou sur le deuxième.
Vous nous proposez une réforme des retraites, nous vous parlons de l'emploi. Car vous avez pris le risque de déconnecter le principe des retraites de l'exigence de financement, et l'exigence de financement du problème de l'emploi.
M. Henri Cuq. Ne lisez pas, mon cher collègue !
M. Patrick Ollier. Ce sera plus vivant !
M. Henri Nayrou. Vous vous targuez de vous attaquer au dossier ardu des retraites, mais vous en oubliez l'essentiel, l'emploi, essentiel non seulement pour abonder le fonds, mais aussi pour contribuer à la cohésion et à la solidatité nationales, ainsi qu'au pacte entre les générations que vous voulez inscrire dans le marbre de la loi. Les chiffres, vos chiffres du chômage parlent d'eux-mêmes ; ils sont en berne et cela ne va pas s'arranger. Mais je ne vais pas les énumérer une fois de plus.
Cette réforme est aussi, à bien des égards, une exigence économique. Le Gouvernement mise sur l'hypothèse d'une forte baisse du chômage, dont le taux serait ramené à 4,5 % à partir de 2010. Mais au vu de la situation actuelle, on peut douter qu'il parvienne à atteindre ce résultat. Comment le pourrait-il, d'ailleurs, sans véritable politique de l'emploi ? Pourtant, comme vous l'avez souligné maintes fois depuis le début du débat, cette réforme suppose une politique dynamique et orientée vers le plein emploi. Malheureusement, on en est loin !
En refusant de soutenir la consommation des ménages, notamment modestes et moyens, en multipliant les avantages fiscaux pour les ménages aisés, qui se tournent vers l'épargne, le Gouvernement mène une politique contre-productive qui nous expose d'ores et déjà à un ralentissement de la croissance et à une hausse du chômage. Il faut d'ailleurs se référer aux divers rapports qui ont démontré qu'une politique de l'emploi soutenue permettait de compenser grandement la dégradation des ratios.
Alors, au lieu de répondre aux questions qui gênent - ce qui nous encourage à les multiplier -, vous privilégiez certains angles d'attaque contre l'opposition.
M. Patrick Ollier. Pas du tout, on ne vous attaque pas : vous n'avez rien à proposer !
M. Henri Nayrou. Ainsi, nous serions contre le principe de la réforme en général et contre celle des retraites en particulier. C'est faux !
M. Henri Cuq. Non, c'est vrai !
M. Henri Nayrou. Nous ne sommes pas contre la réforme, monsieur Cuq,...
M. Henri Cuq. Mais si, vous êtes contre tout !
M. Patrick Ollier. Vous n'avez rien à présenter !
M. Henri Nayrou. ... mais contre votre projet.
Le gouvernement précédent serait également coupable de n'avoir rien fait pour les retraites.
M. Patrick Ollier. Oui, et vous avez été sanctionnés pour cela !
M. Henri Nayrou. Disons la vérité : Lionel Jospin avait eu l'honnêteté et la prudence de prévenir les électeurs, les citoyens, de l'ordre de ses priorités : l'emploi d'abord, les retraites ensuite.
M. Patrick Ollier. Les Français vous ont jugés !
M. Henri Nayrou. Vous nous avez succédé parce que nous avons été sanctionnés,...
M. Henri Cuq. Et justement sanctionnés !
M. Henri Nayrou. ... mais vous avez fait preuve de moins de prudence en décidant de régler le problème des retraites en deux temps-trois mouvements, c'est-à-dire en trois mois...
M. Jean-Luc Warsmann. Ne polémiquez pas, débattons !
M. Henri Nayrou. ... sans même inclure dans votre stratégie quelques exigences élémentaires de viabilité économique.
M. Jean-Luc Warsmann. Ce n'est pas le fond du débat ! Ce n'est pas sérieux !
M. Henri Nayrou. Et ce pour bomber le torse devant votre majorité, libérale et méprisante, comme elle le montre à l'instant.
Le résultat n'est pas flatteur. Vous avez mis le feu au pays,...
M. le président. Monsieur Nayrou...
M. Henri Nayrou. ... vous vous débattez dans le problème des retraites, ce qui ne veut pas dire que vous battez en retraite - nuance,...
M. Henri Cuq. Vous, vous n'avez pas inventé l'eau chaude !
M. Henri Nayrou. ... et pendant ce temps, vous laissez filer l'emploi au gré de la conjoncture...
M. Jean-Luc Warsmann. C'est triste à pleurer !
M. Henri Nayrou. Mais comme celle-ci n'est pas très brillante, votre bilan de l'année écoulée ne l'est pas non plus.
Alors, revoyez l'ensemble de votre copie, réécrivez-la en vous inscrivant dans la perspective, comme le suggérait M. Delebarre, et nous serons avec vous, au nom de l'intérêt général car, quoi qu'en pense le Premier ministre...
M. Patrick Ollier. Cinq minutes, monsieur le président !
M. Henri Nayrou. ... nous avons le sens de l'intérêt général parce que nous ne sommes pas pour les intérêts particuliers. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.
M. Jean-Pierre Dufau. Nous avons, c'est vrai, une divergence de fond : faire de l'allongement de la durée des cotisations l'alpha et l'oméga d'une politique des retraites est une erreur fondamentale. En effet, ce levier n'est pas assez puissant pour soulever la charge qu'on lui assigne.
Chacun sait que, dans ce domaine, l'emploi est la priorité des priorités. Car c'est bien en augmentant le nombre de cotisants que l'on va favoriser la retraite par répartition. A ce titre, il serait judicieux que l'Etat donne l'exemple en menant une véritable politique publique de l'emploi, sans s'en remettre aux aléas du marché. Le Gouvernement précédent avait compris. Les chiffres ont été maintes fois répétés, mais ils sont réels et les faits sont têtus : deux millions d'emplois créés sous le gouvernement Jospin, un million de chômeurs en moins.
Du reste, la validité de ce raisonnement a été prouvée par le comblement, à l'époque, du déficit de la sécurité sociale. Rappelez-vous : sous le gouvernement d'Alain Juppé, il était de 55 milliards de francs ; sous le gouvernement Jospin, la sécurité sociale était à l'équilibre, et même excédentaire de 15 milliards de francs. Or, on sait très bien que la maîtrise des dépenses de santé ne permet pas à elle seule de combler le déficit. Si nous y sommes parvenus, c'est parce qu'il y avait davantage de cotisants, une véritable politique de l'emploi et une dynamisation des activités.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et la croissance !
M. Jean-Pierre Dufau. Mais ce qui vaut pour le déficit de la sécurité sociale vaut pour les retraites. Il faut augmenter les recettes en augmentant le nombre des cotisants.
Malheureusement, votre politique tourne le dos à l'emploi. Plusieurs collègues l'ont dit, je n'insisterai donc pas sur la disparition des emplois-jeunes, sur la réduction drastique du nombre de CES, sur l'abandon des crédits de la recherche qui commandent les emplois de demain, ou sur l'abrogation de la loi de modernisation sociale, qui entraîne actuellement une vague de licenciements. La litanie serait longue.
Mais le plus grave, c'est que l'allongement de la durée de cotisation pénalisera surtout les plus fragiles, les jeunes et les salariés de plus de cinquante ans.
Aujourd'hui, plus de 400 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans sont inscrits comme demandeurs d'emploi : 215 000 jeunes hommes et 200 000 jeunes femmes. Sans compter ceux qui occupent un emploi à temps partiel ou en CDD. Et c'est le moment que vous choisissez pour supprimer les emplois-jeunes ! Est-ce là dynamiser l'emploi ? En outre, ces jeunes sont souvent à la recherche d'un premier emploi et donc n'ont pas encore cotisé à l'ASSEDIC !
Au-delà de la gravité de la situation économique, ne méconnaissons pas le drame humain que cela représente.
Plus de 320 000 jeunes occupent des emplois précaires de courte durée. Au total, près de 1,5 million de salariés sont titulaires de contrats temporaires ou de courte durée. Un quart d'entre eux sont des jeunes en début de carrière. Ces jeunes chômeurs ou jeunes salariés précaires sont autant de jeunes actifs qui ne cotisent pas ou peu au régime d'assurance vieillesse. Quand pourront-ils profiter de leur retraite ? A quel âge, dans quelles conditions, avec quelle pension ? Ils ne pourront évidemment pas prétendre à une retraite à taux plein à soixante ans, car ils n'auront pas les quarante annuités, ni a fortiori quarante-deux ou quarante-quatre. S'ils veulent partir à soixante ans, leur pension de retraite sera réduite en raison de l'application d'une décote. Ce sont encore ceux-là qui seront pénalisés par ladite décote, même si elle est ramenée à 5 % par année manquante.
Le cas des salariés âgés est tout aussi dramatique. Les chômeurs de plus de cinquante ans ont les plus grandes difficultés à retrouver un emploi. Ils sont 360 000 hommes et femmes à être dans ce cas.
M. le président. Monsieur Dufau, veuillez conclure, je vous prie !
M. Patrick Ollier. Cinq minutes !
M. Henri Cuq. C'est l'heure !
M. Jean-Pierre Dufau. Je conclurai, monsieur le président, par quelques chiffres : 400 000 jeunes sont inscrits à l'ANPE, 350 000 ont un contrat précaire, 800 000 salariés de plus de cinquante ans sont privés d'emploi, soit au total 10 % de la population active.
M. Joël Hart. D'où viennent tous ces chiffres ?
M. Jean-Pierre Dufau. Voilà pourquoi il faut, avant tout, faire reculer le chômage et l'emploi précaire, assurer l'insertion des jeunes dans un emploi stable et assurer des fins de carrière professionnelle aux salariés âgés : tout le contraire de votre politique destinée à sauver nos retraites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Joël Hart. Y a qu'à !
M. Pascal Terrasse. Intervention remarquable !
M. le président. La parole est à M. Alain Néri.
M. Alain Néri. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais défendre l'amendement n° 664, dont la rédaction est si simple et si claire qu'il devrait pouvoir être voté par toute la représentation nationale.
Il s'agit simplement d'affirmer, avant l'article 1er, que le système de retraite par répartition est au coeur du contrat social entre les générations. Qui cela pourrait-il gêner ?
M. Henri Cuq. Cela fait une semaine qu'on vous l'explique !
M. Alain Néri. Il s'agit aussi de préciser qu'il est garanti par la mise en oeuvre d'un pacte national pour l'emploi.
En effet, dans un système par répartition, la question de l'emploi est à l'évidence indissociable de celle des retraites. Il ne peut y avoir d'avenir pour les retraites sans que soit mis en oeuvre un pacte national pour l'emploi, qui favorise l'accès à l'emploi des jeunes et assure le maintien en activité des plus de cinquante ans.
Je citerai un document que l'on ne peut guère contester puisqu'il émane de la Documentation française et se fonde sur les sources de l'INSEE. On y relève des taux d'activité très faibles chez les jeunes et chez les seniors dans notre pays, contrairement à ce qui se passe chez nos voisins européens : « De ce point de vue, le modèle français se caractérise par la concentration de l'activité sur la tranche d'âge intermédiaire, de vingt-cinq à quarante-neuf ans. Les taux d'activité sont faibles parmi les jeunes, du fait de l'allongement de la durée des études » - j'ajouterai, pour ma part, du fait de la suppression des emplois-jeunes - « et en raison des effets de découragement pour les plus âgés, dû à une situation difficile sur le marché du travail pour cette tranche d'âge et du fait des dispositifs de cessation anticipée d'activité. »
M. Jean-Luc Warsmann. Quel scandale : il lit un texte écrit par quelqu'un d'autre !
M. Alain Néri. Je poursuis : « Par ailleurs, le taux d'activité des femmes est inférieur à celui des hommes quel que soit l'âge. »
Nous sommes d'accord pour dire que l'emploi doit être au coeur d'un dispositif visant à sauvegarder la retraite par répartition. Souvent, vous nous accusez de n'avoir rien fait. Vous devez avoir la mémoire courte ! Je vais donc vous rappeler quelques éléments de réflexion.
D'abord, le gouvernement de Lionel Jospin a posé les bases d'une réforme grâce au travail du Conseil d'orientation des retraites que, d'ailleurs, vous citez abondamment.
M. Manuel Valls. Quand ça vous arrange !
M. Alain Néri. Il a également créé le fonds de réserve pour les retraites afin d'amortir la moitié des effets du choc démographique. Et, surtout, il a, par sa politique en faveur de l'emploi, réduit le nombre de chômeurs de plus de 900 000 et créé deux millions d'emplois en cinq ans, ce qui a procuré au régime par répartition les ressources nécessaires au financement des retraites et à leur pérennité.
M. Pierre Cardo. Quelle modestie !
M. Jean-Luc Warsmann. L'autosatisfaction à nouveau !
M. Alain Néri. Les travaux du COR ont contribué à apaiser un climat social que le plan Juppé de 1995 avait particulièrement tendu. Sans doute vous rappelez-vous les manifestations de 1995 qui ont conduit à son retrait !
M. Jean-Marie Le Guen et M. Pascal Terrasse. Ils étaient debout, à l'époque !
M. Patrick Ollier. Et aujourd'hui, vous, vous êtes assis !
M. Alain Néri. Aujourd'hui, nous vous demandons de ne pas contribuer à tendre davantage le climat social. Une mesure d'apaisement serait la bienvenue : retirez donc le plan Raffarin-Fillon pour donner du temps à la réflexion, à la concertation, mais surtout à la négociation avec les partenaires sociaux. Permettez, ce faisant, que s'instaure à l'Assemblée nationale un débat réfléchi et de qualité, au lieu du débat bâclé que vous nous imposez.
M. Pierre Cardo. Et ce seront nos enfants qui paieront la facture !
M. le président. Je vous remercie, monsieur Néri.
M. Alain Néri. Je n'ai pas terminé, monsieur le président ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Pascal Terrasse. Il vient à peine de commencer !
M. Jean-Marie Le Guen. Il lui reste encore du temps de parole !
M. le président. Je pensais que vous aviez terminé !
M. Alain Néri. Il n'est que dix-sept heures trente. Je n'ai pas l'intention de prendre le thé, j'ai donc le temps de finir mon intervention ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Patrick Ollier. Vous avez droit à cinq minutes, monsieur Néri, c'est le règlement !
M. Alain Néri. Mais si d'autres activités vous appellent mes chers collègues, vous pouvez disposer !
M. le président. Continuez, monsieur Néri !
M. Henri Cuq. Non !
M. Joël Hart. Il a fait son temps !
M. Alain Néri. Moins vous m'interromprez, mes chers collègues, plus nous gagnerons de temps.
M. le président. Vous disposez encore d'une minute.
M. Patrick Ollier. Je vérifierai à ma montre !
M. Alain Néri. Aujourd'hui, la situation est particulièrement difficile, à cause de l'échec de votre politique économique qui a suscité 100 000 chômeurs de plus en un an. Les pertes de ressources sont de ce fait considérables pour les régimes de retraites. Préjuger de la baisse du chômage relève donc du pari, à moins que ce ne soit un calcul si l'intention du Gouvernement est de démontrer que le système par répartition n'est pas finançable.
M. le président. Monsieur Néri, après avoir décompté les interruptions, je constate que vous avez épuisé votre temps de parole.
M. Alain Néri. Je n'ai pas terminé, mais comme la journée sera longue, je vais en rester là. Je reviendrai plus tard sur tous ces sujets.
M. Jean-Luc Warsmann. Quel spectacle donnez-vous ?
M. Pierre Cardo. Usez de votre autorité, monsieur le président !
M. Jean-Luc Warsmann. Ayez un peu de respect pour l'Assemblée, monsieur Néri !
M. Alain Néri. Il le faudra pour bien montrer comme il est paradoxal de vouloir allonger la durée de travail, alors que le MEDEF et le patronat licencient les personnes âgées et que le gouvernement Raffarin, en supprimant les emplois jeunes, accroît le chômage dans cette tranche d'âge, et d'autant plus que les contrats jeunes en entreprise ne sont rien d'autre que du chômage déguisé, puisque aucune formation n'est prévue. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Henri Cuq. Vous êtes aussi bonimenteur que M. Nayrou !
M. le président. La parole est à M. Yves Durand.
M. Yves Durand. Pour ma part, je défendrai l'amendement n° 664 qui fait reposer le système par répartition sur un pacte pour l'emploi et donc sur une politique pour l'emploi.
Si vous n'acceptez pas de vous engager sur ce pacte, nous saurons que la volonté que vous affichez de défendre le système de retraite par répartition relève, comme souvent chez vous, d'un double langage.
Tout le débat de ce matin et de cet après-midi a prouvé que le système par répartition ne trouvera de réelle solidité sans une volonté de développer l'emploi. Or toute votre politique l'a sapé. Mes collègues en ont donné des exemples précis, à commencer par la suppression brutale des emplois-jeunes et des aides-éducateurs, ce qui a fait du Gouvernement depuis son installation, il faut tout de même le rappeler, le premier licencieur de France ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Pierre Cardo. C'est vous qui les aviez prévus sur cinq ans !
M. Jean-Marie Le Guen. Regardez dans quelles conditions nous nous exprimons ! C'est incroyable !
M. Yves Durand. Mais surtout, le Gouvernement a sapé le principal pilier du développement de l'emploi, la formation.
M. Alain Néri. Eh oui !
M. Yves Durand. Tout le monde s'accorde à dire que la formation est à la base de l'emploi. Vous ne cessez de parler de formation permanente, de formation tout au long de la vie. Mais elle ne peut devenir une réalité que si elle repose sur une véritable formation initiale. Or, toute votre politique éducative révèle - je ne sais pas si c'est volontaire, mais je le crains -...
M. Jean-Marie Le Guen. Evidemment !
M. Yves Durand. ... que l'éducation nationale n'est plus une priorité. (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous avez supprimé le plan pluriannuel de recrutement des enseignants.
Mme Nadine Morano. Nous sommes supposés débattre des retraites !
M. Yves Durand. Vous avez supprimé les aides-éducateurs, vous avez supprimé plusieurs milliers de postes d'encadrement des jeunes, en particulier dans les collèges, où tout se joue, où l'échec scolaire est le plus important, où se fait l'orientation, où se construit la réussite, ou bien au contraire, s'éloigne.
M. Joël Hart. Pourquoi tant d'illettrisme à la fin du CM 2 !
M. Pierre Cardo. Vous n'avez rien réussi dans votre politique de l'éducation !
M. Patrick Ollier. C'est dur d'entendre tant de contrevérités !
M. Yves Durand. Comment osez-vous parler d'une véritable politique pour l'emploi reposant sur la formation, alors que vous détruisez l'éducation nationale qui en est le pilier ?
Votre politique mène inéluctablement à l'échec scolaire, donc à celui de la formation.
M. Patrick Ollier. Mensonger, choquant, scandaleux !
M. Yves Durand. Et ce sera ma conclusion, monsieur le président, je sais que vous l'attendez, même si vous êtes particulièrement attaché, à titre personnel, aux problèmes de formation et d'éducation.
Mme Nadine Morano. Nous aussi !
M. Yves Durand. Au cours des négociations qui viennent de se dérouler avec les enseignants, vous auriez pu revenir sur les coupes claires que vous avez opérées dans le budget de 2003 et que vous vous apprêtez à renouveler dans celui pour 2004.
M. Patrick Ollier. C'est de la provocation pure et simple !
M. Yves Durand. J'exprime le souhait, monsieur le ministre, que vous disiez à votre collègue de l'éducation nationale - M. Sarkozy (Sourires) - qu'il revienne sur la cassure que vous êtes en train de provoquer au sein de l'éducation nationale...
M. Joël Hart. Qu'il mette les enseignants, ces trotskistes, au travail, une fois pour toutes !
M. Yves Durand. ... et qu'il remette au premier rang des priorités de la nation, l'éducation, la formation et donc l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint qui m'a demandé la parole pour un rappel au règlement il y a un bon moment ! Je lui demande de bien vouloir m'excuser d'avoir tardé à la lui donner.
Mme Muguette Jacquaint. Nous sommes si peu nombreuses dans cet hémicycle -...
M. Jean-Pierre Brard. Mais de qualité !
Mme Muguette Jacquaint. ... 11 % de femmes députés, seulement - qu'au moins on nous laisse nous exprimer !
M. le président. Nous vous écoutons attentivement, madame Jacquaint.
Mme Muguette Jacquaint. J'ai commencé ce matin, monsieur le ministre, par un rappel au règlement, en citant des chiffres qui émanent de votre ministère, selon lesquels il y a eu 50 000 suppressions d'emplois. Je vous ai d'ailleurs demandé - et je n'ai pas renoncé à la réponse - dans quelles tranches d'âge se situaient les personnes licenciées. En commission, le groupe communiste...
M. Jean-Pierre Brard. ... et républicain !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Vous avez raison, il faut savoir tourner la page progressivement : bientôt, ce sera le groupe républicain !
M. Henri Emmanuelli. Souvenez-vous de la droite française : elle n'a pas toujours été républicaine !
Mme Muguette Jacquaint. Le groupe des député-e-s communistes et républicains - vous avez raison, monsieur Brard - avait déposé des amendements concernant la définition des licenciements économiques. Quel ne fut pas notre étonnement d'entendre les députés de la majorité nous rétorquer que nos amendements étaient hors sujet, alors que, comme chacun le sait, la question de l'emploi est au coeur de celle de la retraite par répartition.
M. Pierre Cardo. Avec la politique familiale !
M. Patrick Ollier. Ça n'a rien d'un rappel au règlement !
Mme Muguette Jacquaint. Vous n'avez pas de chiffres à nous donner, monsieur le ministre, mais, moi, je viens d'en recevoir quelques-uns, de salariés qui suivent nos débats. Ainsi, j'ai appris que le groupe AVENTIS - qui a deux sites à Romainville et à Vitry - avait annoncé 666 suppressions de postes, dont 150 à Romainville. Sur le total, plus de 200 licenciements concernent des salariés entre cinquante et un et cinquante-trois ans.
M. Pierre Cardo. Mais dans quel débat sommes-nous donc ?
Mme Muguette Jacquaint. Vous voyez bien qu'on peut être inquiet quand vous nous annoncez l'allongement de la durée de cotisations et le recul de l'âge de la retraite.
M. Pierre Cardo. Il faut surtout la sauver, la retraite !
Mme Muguette Jacquaint. On nous dit qu'il n'y a pas de moyens, qu'il ne faut pas toucher au capital ni aux profits.
M. Pierre Cardo. On y touche quand même !
Mme Muguette Jacquaint. Bien sûr, certains chiffres ne vous conviennent pas, mais ils existent, je ne les invente pas. AVENTIS, donc, a réalisé 2 milliards d'euros de profits en 2002 !
M. Pierre Cardo. Cela vaut mieux que 2 milliards de pertes !
Mme Muguette Jacquaint. Et trois de ses principaux dirigeants ont augmenté leurs revenus de 85 % ! Pour les salariés, les chercheurs, les techniciens, ils veulent toujours plus de productivité.
M. Pierre Cardo. Voulez-vous des emplois, oui ou non ?
Mme Muguette Jacquaint. Mais qui abandonne la recherche ? C'est bien AVENTIS !
Vous nous engagez à faire confiance aux entreprises pour ce qui concerne l'emploi ; or ce que nous constatons aujourd'hui, c'est tout le contraire de ce que vous nous annoncez !
M. Pierre Cardo. Faisons confiance au collectivisme : il a fait ses preuves !
M. le président. M. Ollier a raison lorsqu'il souligne que nous n'étions pas tout à fait dans le cadre d'un rappel au règlement.
Cela dit, par respect pour Mme Jacquaint, qui intervient assez peu, je me suis permis de faire jouer mon pouvoir discrétionnaire.
Mme Nadine Morano. Mais c'est n'importe quoi ! Il faut respecter le règlement.
Mme Muguette Jacquaint. Si vous avez plus intelligent à dire, parlez !
M. Jean-Pierre Brard. Calmez-vous, madame Morano, vous secrétez trop d'adrénaline !
Reprise de la discussion
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
M. Jean-Marie Le Guen. Je souhaite que tout le monde puisse s'exprimer et comprends que nos collègues de la majorité se sentent un peu frustrés, mais ils ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes. Rien ne leur interdit de prendre part au débat.
M. Michel Delebarre. Oui, amendez le texte !
M. Jean-Marie Le Guen. Ce serait fort souhaitable, puisque le Gouvernement peine à nous répondre et l'apport de nos collègues de la majorité à la discussion générale a été très intéressant, leurs points de vue étant souvent bien plus clairs que les circonlocutions par lesquelles le Gouvernement esquive certains aspects du débat.
Comme je suis moi-même déjà intervenu sur un amendement précédent,...
M. Pierre Cardo. On n'entend que vous !
M. Jean-Marie Le Guen. ... que j'ai eu l'occasion d'interpeller le Gouvernement sur différentes questions essentielles...
M. Michel Delebarre. On ne s'en lasse pas !
M. Jean-Marie Le Guen. ... mais que je n'ai malheureusement pas reçu de réponses précises, je voudrais très rapidement rappeler quelques-unes de ces interrogations.
Ainsi, monsieur le ministre, nous n'avons toujours pas reçu de réponse sur le financement de votre plan. Nous avons d'ailleurs le sentiment qu'il n'existe pas et que seule se manifeste votre volonté de faire reculer certains droits sociaux. Mais, pour ce qui est du caractère durable de votre réforme, et si nous ne considérons que la vision comptable qu'elle révèle et qui n'est pas la nôtre, nous avons le sentiment qu'elle est bancale et que nous aurons à y revenir avant longtemps, lorsque, après avoir essayé d'isoler les salariés du public, vous demanderez aux salariés du privé, non plus quarante ans, mais quarante et un ou quarante-deux ans de cotisations.
Avec la gestion de la protection sociale que vous privilégiez, vous vous privez de tout moyen réel de prélèvement supplémentaire. Aujourd'hui, vous nous expliquez qu'il est vraiment impossible de demander aux Français un effort de prélèvement supplémentaire, mais, en réalité, devant le gouffre, que fera le ministre ? Quels sont d'ailleurs les vrais chiffres de la sécurité sociale ? Jean-Louis Bianco citait tout à l'heure, en ne s'appuyant pas simplement sur les chiffres illusoires de l'emploi, mais sur la partie financée de votre réforme, le chiffre de 18 milliards d'euros, obtenu par la diminution programmée des droits des salariés du public et du privé. Ce simple chiffre est inférieur au déficit de l'assurance maladie que vous avez laissé s'installer. Vous vous privez donc d'une capacité de prélèvement par les déficits que vous organisez ou que vous laissez croître.
Ayant rappelé ces chiffres et ces questions, qui justifient notre opposition à votre réforme, ayant à nouveau demandé au Gouvernement d'expliquer en quoi il peut prétendre que son plan est durable et comment il pourra éviter de prélever massivement, dès 2004, sur les salariés et sur les pensions, j'en viens à l'aspect important de l'amendement que nous vous avons présenté et qui touche à la question de l'emploi.
M. le président. Il faut conclure, monsieur Le Guen.
M. Jean-Marie Le Guen. Je viens juste de commencer, monsieur le président. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Denis Jacquat. Ce n'est pas dix minutes par amendement, mais cinq minutes !
M. Jean-Marie Le Guen. Je voulais citer plusieurs extraits d'un article de M. Christian de Boissieu, président du conseil d'analyse économique auprès du Premier ministre, dans Le Figaro de ce matin, mais je ne rentrerai pas dans les détails,...
M. le président. Je vous en saurai gré.
M. Jean-Marie Le Guen. ... et me contenterai de lire une phrase en caractères gras, car non seulement certains de nos collègues n'écoutent pas, mais il ont de la difficulté à lire.
M. Jean-Yves Le Déaut. C'est vrai !
M. Jean-Marie Le Guen. M. de Boissieu écrit : « Mon sentiment est qu'il faudrait dès maintenant renforcer les ambitions et les moyens de la politique de l'emploi. »
M. Alain Néri. Voilà !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Lisez jusqu'au bout !
M. Jean-Marie Le Guen. Cet article concerne les retraites, mais pas l'emploi en général.
Christian de Boissieu explique que, sans politique active de l'emploi, cette réforme sera nulle et non avenue. Monsieur le ministre, vous n'êtes pas seulement le ministre de la protection sociale et de ses déficits (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
M. le président. Merci, monsieur Le Guen...
M. Jean-Marie Le Guen. ... et celui qui met en cause la retraite des Français, vous êtes aussi le ministre chargé de l'emploi. Alors soyez-le, et proposez-nous une politique de l'emploi qui soit à la hauteur et rende crédible votre politique des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Joël Hart. On n'est pas à la mairie de Paris, ici ! Restez calme, ou vous perdrez la mairie !
Rappel au règlement
M. Maxime Gremetz. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Gremetz, pour un rappel au règlement.
M. Etienne Pinte. Sur la base de quel article ?
M. Maxime Gremetz. Sur la base de l'article 58, alinéa 1er, relatif au déroulement de nos travaux. C'est donc sérieux.
M. Henri Cuq. C'est un canular ?
M. Maxime Gremetz. Nous sommes indignés. Je viens de prendre connaissance d'une dépêche qui annonce que plusieurs amendements de l'UMP ont été repris par le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Très bonne nouvelle !
M. Maxime Gremetz. Je le répète, l'affaire est sérieuse.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cette dépêche reprend simplement le rapport de la réunion de la commission de quatorze heures quarante-cinq.
M. Maxime Gremetz. Je pensais avoir compris que les amendements évoqués dans cette dépêche avaient été adoptés à l'unanimité par la commission des affaires sociales.
M. Marc Bernier. Oui !
M. Maxime Gremetz. Pourquoi nous dit-on aujourd'hui qu'il s'agit d'amendements de l'UMP ?
M. Franck Gilard. C'est l'AFP, ce n'est pas la Pravda !
M. le président. Monsieur Gremetz,...
M. Maxime Gremetz. Je lis la dépêche, monsieur le président : « Plusieurs amendements du Gouvernement au projet de réforme des retraites concernant les parents d'enfants handicapés, les femmes ou le rachat d'années d'études, qui reprennent des propositions de l'UMP, ont été adoptés vendredi par la commission des affaires sociales de l'Assemblée. »
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Des propositions de l'UMP adoptées par la commission : c'est exact !
M. Maxime Gremetz. Je suis désolé, mais ces propositions avaient déjà été adoptées par la commission des affaires sociales.
M. le président. Bien, monsieur Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je veux bien que l'on soit directif, mais il faut l'être avec tout le monde !
M. le président. Je m'y efforce.
M. Maxime Gremetz. La commission des finances avait alors fait jouer l'article 40 en disant que ces amendements ne viendraient pas en discussion.
M. Henri Cuq. Non !
M. Maxime Gremetz. Comment le Gouvernement a-t-il pu décider de reprendre des amendements qui n'ont pas franchi la barrière de la commission des finances ? Il y a un problème !
Je demande donc, monsieur le président, une suspension de séance...
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Je vais vous répondre. Il n'y aura pas besoin de suspension !
M. Maxime Gremetz. ... pour que nous puissions adresser une mise au point à l'AFP...
M. Michel Delebarre. On est obligé de s'occuper de tout !
M. Yves Censi. L'Assemblée, ce n'est pas l'AFP !
M. Maxime Gremetz. ... car cette dépêche ne reflète pas la réalité des choses : c'est la commission unanime qui avait adopté ces amendements.
M. le président. Je crois que M. le rapporteur va vous rassurer, monsieur Gremetz. Ses propos seront repris par l'AFP, qui suit nos débats, et cet incident sera tiré au clair dans l'intérêt de tout le monde.
La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, financières et sociales. Je ne qualifierais pas d'incident ce qui tient au fonctionnement normal de l'Assemblée.
M. le président. Ce n'est pas un incident, en effet.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ce n'est pas seulement une agence de presse, certes prestigieuse, mais le Journal officiel, qui pourra rendre compte de la mise au point. Il est exact que de très nombreux amendements déposés par les différents groupes, et, en tout cas, une bonne partie de ceux de l'UMP, ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution. Ici même, lors de mon intervention en tant que rapporteur de la commission saisie au fond, j'avais prévu que, malheureusement, l'article 40 pourrait nous mettre dans la situation où nous nous sommes effectivement trouvés. J'avais demandé à M. le ministre d'être attentif à ces amendements, précisément pour la raison qu'ils avaient été adoptés de façon unanime par les commissaires présents. Le compte rendu de mon intervention en fait foi. Il se trouve que le Gouvernement a été attentif à ce qui avait été dit, qu'il a donné une suite favorable et qu'il a déposé, hier ou ce matin, des amendements qui reprennent le contenu de ceux qu'avait déposés le groupe UMP en commission, qui avaient été adoptés de façon unanime et étaient donc devenus des amendements de la commission.
M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas normal !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission s'est de nouveau réunie aujourd'hui à quatorze heures quarante-cinq et elle a accepté ces amendements à l'unanimité. Il n'y avait pas de représentants du groupe communiste, ni du groupe socialiste, d'ailleurs (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
M. Franck Gilard. Ils s'étaient évaporés !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... mais nous sommes certains qu'ils les auraient acceptés...
M. Jean-Luc Warsmann. C'est sérieux, ça !
M. Patrick Ollier. On leur fait confiance !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... comme ils l'avaient fait lorsque ces amendements émanaient des commissaires de l'UMP. Par conséquent, ces amendements seront examinés en séance publique et recevront l'avis favorable de la commission.
Voilà la rectification qui est faite pour le Journal officiel et, bien entendu, pour les agences de presse.
M. Alain Néri. Il fallait que cela fût dit !
M. le président. Tout est clair à présent.
Reprise de la discussion
M. le président. La parole est à M. Manuel Valls.
M. Manuel Valls. Le lien entre notre débat sur l'avenir des retraites et celui sur la nécessaire mise en oeuvre d'un pacte national pour l'emploi est évident et nous l'illustrons à travers nos interventions. Ce débat est nécessaire...
M. Franck Gilard. Ce n'est pas un débat, c'est un monologue !
M. Manuel Valls. ... car il permet d'éclairer une nouvelle fois la différence entre nos logiques, nos approches, nos projets.
Votre projet, monsieur le ministre, est fondé sur une hypothèse de niveau de chômage avoisinant les 6 % en 2010, ce qui est en contradiction absolue avec votre politique, qui, depuis un an, aggrave le chômage.
M. Patrick Ollier. Il découvre ce qu'il dit en le lisant !
M. Jean-Luc Warsmann. C'est vraiment la signature de l'obstruction !
M. Manuel Valls. Rappelons la suppression des emplois-jeunes, l'arrêt des 35 heures, la suspension de la loi de modernisation sociale - un cadeau fait au MEDEF - , des choix fiscaux injustes en faveur des plus priviligiés, sans effet, d'ailleurs, sur la consommation qu'il faudrait pourtant soutenir dans ce moment de difficile conjoncture économique internationale. Et, comme l'a excellemment dit mon collègue Yves Durand, vous sacrifiez l'avenir, pourtant essentiel, l'éducation nationale et la recherche, ce qui, une nouvelle fois, est en contradiction totale avec les engagements du Président de la République. Qui plus est, votre plan n'est pas financé.
A l'inverse, comme l'illustrent nos interventions, nous avions fait le choix d'une fiscalité juste, en redonnant confiance aux ménages en 1997, alors que la conjoncture n'était pas bonne, en pilotant efficacement l'économie, en qualifiant la France pour l'euro et en permettant le retour de la confiance et de la croissance à travers les 35 heures, les emplois-jeunes et la priorité à la formation et à la recherche. Le résultat, sur une législature, ce sont 1 million de chômeurs en moins et 2 millions d'emplois créés. Retraites et emplois sont liés : c'est bien là toute la différence entre nous.
Votre projet, monsieur le ministre, c'est l'abandon de toute volonté nationale concernant l'emploi. La société que vous préparez par les choix que vous faites sur les retraites trouve son illustration dans le sort réservé aux salariés âgés, qui, finissant leur vie active avec des moyens très faibles, ne pourront garder leur logement, la maison acquise grâce à toute une vie de travail, ne pouvant continuer à financer les études d'enfants qui ne seront pas encore entrés dans la vie active ni les aider matériellement lorsqu'ils auront des difficultés à trouver un emploi.
De plus, si ces mêmes personnes ont connu des ruptures de carrière avec des périodes de chômage, leur niveau de pension sera automatiquement touché par le système de décote, à moins qu'ils ne travaillent au-delà de soixante-ans, jusqu'à soixante-cinq ans et plus, s'ils trouvent un emploi - et ce ne sera souvent qu'un petit boulot.
Voilà la différence de nos logiques, monsieur le ministre. Vous vouliez que nous fassions des propositions, que nous marquions les différences. Il y avait d'autres choix possibles.
Monsieur le ministre, depuis plusieurs semaines, vous citez d'augustes personnages, vous puisez vos références à gauche. Je vais être sévère avec vous, monsieur le ministre. (Exlamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) L'une de vos références, autrefois, était Philippe Séguin, qui souhaitait un fort soutien à la croissance et à l'emploi.
M. le président. Monsieur Valls...
M. Manuel Valls. Ce que vous nous préparez, monsieur Fillon, c'est un véritable Munich social ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Nadine Morano. C'est vraiment parler pour ne rien dire !
M. le président. La parole est à M. François Loncle.
M. François Loncle. J'ai entendu les arguments de mes collègues et l'amendement n° 651 que je défends est identique aux leurs. Par conséquent, je ne répéterai pas ces raisonnements extrêmement pertinents et bienvenus.
Mon collègue et ami Jean-Marie Le Guen ayant cité M. de Boissieu, je voudrais citer à mon tour une autre personnalité incontestable. Ce ne sont en effet ni M. Fillon ni M. Delebarre qui contesteront l'objectivité et la compétence de M. Bernard Brune.
M. Michel Delebarre. Absolument !
M. François Loncle. Celui-ci s'est exprimé dans une tribune du journal La Croix du 4 juin dans les termes suivants.
M. Jean-Pierre Brard. Avec de telles lectures on va directement au paradis !
M. François Loncle. J'ai d'excellentes lectures, mon cher collègue !
M. Franck Gilard. A tout péché miséricorde !
M. François Loncle. Je ne citerai pas l'article dans son intégralité, pour répondre à votre invitation à la brièveté, monsieur le président...
M. Michel Delebarre. Encore que !
M. François Loncle. ... mais j'en rapporterai tout de même l'essentiel.
M. Brune, qui est, ni un opposant systématique ni même un opposant tout court, mais un expert reconnu...
M. Franck Gilard. C'est un type intelligent !
M. François Loncle. ... écrit : le Gouvernement « n'a pas annoncé comment il tenterait de résoudre la lacune principale de sa réforme : il ne suffit pas d'allonger la durée de cotisation pour allonger la durée du travail. Il faut aussi prendre des mesures pour limiter les préretraites liées aux restructurations industrielles, annoncer une politique d'encouragement au travail des seniors dans un pays où l'on sort du travail bien plus tôt que partout ailleurs, construire une politique de gestion des fins de carrière dans la fonction publique... Problèmes difficiles certes et sans solution à très court terme ; mais on attendrait des ministres qu'ils ouvrent des pistes ».
Et M. Brune ajoute : « Mais peut-être les experts et les conseillers n'ont-ils pas joué un rôle qui est aussi le leur : donner aux gouvernants des méthodes, les conseiller sur le rythme des réformes, les calendriers, les processus. Ou peut-être ont-ils tenté de le faire, mais ministres et hauts fonctionnaires estiment, contre toute évidence, disposer du savoir-faire... ».
Et il conclut : « Qu'on ne nous dise pas que les Français sont ingouvernables. Qu'on s'interroge plutôt sur la méthode du changement. » C'est tout à fait le problème qui nous occupe. Le Gouvernement « n'a pas su ou pas voulu profiter de ce délai pour préparer l'opinion, organiser de larges débats et approfondir les détails qui fachent ».
Et si l'on rapporte cette grave question de l'emploi à ce que nous vivons dans nos circonscriptions, à ce que viennent nous dire dans nos permanences les citoyens, les électeurs, ceux que M. le Premier ministre appelle avec mépris les « gens d'en bas », il est regrettable de constater que, autant dans la législature 1997-2002, leur souci principal n'était pas l'emploi, parce que le chômage baissait, mais le logement ou d'autres sujets, autant, depuis plusieurs mois, c'est pour 80 % d'entre eux la première préoccupation. Cela résulte naturellement des fermetures et des licenciements qui sont intervenus, par exemple en Saône-et-Loire, ainsi que l'a rappelé M. Mathus.
M. Manuel Valls. Excellemment d'ailleurs !
M. François Loncle. Dans une circonscription industrielle comme la mienne, que M. Gilard connaît bien, nous assistons malheureusement à des fermetures de ce type, à des licenciements, et l'angoisse augmente.
La dernière usine textile a fermé, dans ma ville. La dernière usine de chaussures est menacée de fermeture. Une usine spécialisée dans l'optique est en voie de règlement judiciaire.
Et donc, à partir de ces expériences de terrain, et à partir de jugements très pertinents, comme celui de M. Brune, que j'ai cité, nos amendements identiques m'apparaissent totalement justifiés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Manuel Valls. M. Loncle a été très convaincant !
Rappel au règlement
Mme Martine Billard. Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour un rappel au règlement.
Mme Martine Billard. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1.
J'écoutais notre collègue Maxime Gremetz faire son rappel au règlement à propos de la dépêche AFP. Or, monsieur le président, pour ma part, j'ai reçu la convocation à la réunion de la commission des affaires sociales, dont je fais partie, après seize heures. Vous comprendrez bien que, dans ces conditions, il m'était un peu difficile d'être présente à la réunion à quatorze heures quarante-cinq.
M. Denis Jacquat, vice-président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Non, la convocation a été adressée le matin !
Mme Martine Billard. Cela a déjà été le cas mercredi soir, où j'ai reçu la convocation après coup. Y a-t-il deux catégories de députés dans cet hémicycle (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste), ceux qui reçoivent les convocations à temps et ceux qui ne les reçoivent pas ?
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vous mettez en cause les services de l'Assemblée.
Mme Martine Billard. Or, monsieur le président, j'étais toute la matinée dans l'hémicycle, et depuis j'ai été dans mon bureau. Ce n'était donc pas très difficile de me faire parvenir une convocation. C'est déjà un premier problème sur la façon dont se déroulent les débats.
Et c'est d'autant plus un problème quand je vois que des amendements ont été repris par le Gouvernement, qui avaient été déclarés irrecevables au nom de l'article 40. Par exemple, l'amendement sur les parents d'enfants handicapés : lorsque nous avons eu le débat en commission, la première fois, je l'avais sous-amendé, ou du moins j'avais proposé un sous-amendement. Car l'amendement déposé - et le problème se pose plus globalement, d'ailleurs, et on le retrouve dans d'autres parties du texte - introduit une discrimination entre les parents d'enfants handicapés, selon que ceux-ci ont eu ou non la chance d'avoir des parents qui sont passés devant le maire.
M. le président. Madame Billard,...
Mme Martine Billard. C'est très important, monsieur le président, pour le déroulement du débat, parce que du coup...
M. le président. Mais je vais vous répondre, madame Billard.
Mme Martine Billard. ... n'ayant pas pu participer à la réunion de la commission, puisque je n'ai pas reçu la convocation dans les temps,...
M. le président. Oui, d'accord...
Mme Martine Billard. ... je n'ai pas pu déposer de sous-amendement en commission,...
M. Alain Néri. Il faut réunir la commission !
M. le président. Mais vous pourrez en proposer un en séance publique, ma chère collègue.
M. Alain Néri. Il faut suspendre la séance et réunir la commission !
Mme Martine Billard. Oui, monsieur le président, mais peut-être que cette fois-ci, en commission, M. Accoyer aurait changé d'avis et aurait accepté mon sous-amendement, qui permettait d'éviter la discrimination entre les parents mariés et les parents pacsés. Par conséquent, je crois que cela pose un vrai problème, monsieur le président.
M. le président. Madame Billard, je pense que sur la question des convocations, le président de la commission sera saisi. Mais je sais qu'elles sont toujours diffusées dans les mêmes conditions pour l'ensemble des membres de la commission.
M. Joël Hart. Exact !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Et c'est du travail d'orfèvre !
M. le président. Deuxièmement, il vous a été fait remarquer que vous avez toujours la possibilité de déposer des sous-amendements en séance, quand l'amendement en question du Gouvernement viendra en discussion.
La parole est à M. Denis Jacquat, vice-président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
M. Denis Jacquat, vice-président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, Mme Billard vient de jeter le soupçon sur le fonctionnement de la commission des affaires sociales. Je pense, madame, et avec tout le respect que l'on vous doit, qu'il s'agit, dans les deux cas que vous venez de citer, d'un problème de gestion personnelle de votre courrier. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Marie Le Guen. C'est une mise en cause de notre collègue ! C'est inacceptable !
M. le président. Ecoutez, mes chers collègues, ne faisons pas un débat sur ce sujet !
M. Denis Jacquat, vice-président de la commission des affaires culturelles. Cela fait dix-sept ans que je suis député. Depuis dix-sept ans, cela fonctionne ainsi : il y a ce qu'on appelle une distribution en casiers « séance » - c'est comme cela que cela s'appelle dans la terminologie de l'Assemblée nationale. Et il appartient aux parlementaires, quand ils sont ici, de passer régulièrement à La Poste, afin de relever leur courrier.
M. Jean-Marie Le Guen. Autrement dit, Mme Billard ne fait pas son travail de parlementaire ! De tels propos sont inacceptables !
M. Denis Jacquat, vice-président de la commission des affaires culturelles. Ecoutez, monsieur Le Guen, j'ai cru comprendre que Mme Billard avait des soupçons. Certains auraient reçu une convocation et d'autres non. Je dis que dans cette maison, tout fonctionne très bien, et qu'en l'occurrence, tout a fonctionné normalement. Et j'insiste, c'est une question de gestion personnelle.
En revanche, M. le président Le Garrec, qui est un ancien de cette maison...
M. Michel Delebarre. Il n'est pas « ancien », il est « expérimenté » !
M. Denis Jacquat, vice-président de la commission des affaires culturelles. ... a bien précisé qu'il était toujours possible de déposer des sous-amendements en séance.
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. Monsieur le président, je pense surtout que dans cet hémicycle, on n'est peut-être pas habitué à la présence de députés non inscrits. Peut-être le problème vient-il plutôt de là.
M. le président. Cela n'a rien à voir.
Reprise de la discussion
M. le président. Il a été répondu aux questions de Mme Billard. Nous pouvons poursuivre la discussion.
M. Michel Delebarre. Non, monsieur le président, on vous a mis en cause personnellement en vous traitant d'« ancien » ! Ce n'est pas admissible !
M. le président. C'est mon problème personnel. Je le réglerai directement avec M. Jacquat. (Sourires.)
La parole est à M. René Dosière.
M. René Dosière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en défendant l'amendement n° 597, qui est d'ailleurs semblable à ceux qui ont été défendus précédemment, je voudrais souligner à quel point l'emploi est au coeur du problème des retraites. D'abord parce qu'on sait bien que la clé de la solution du problème des retraites se trouve dans le rapport entre les actifs et les non-actifs. Les prévisions des spécialistes nous démontrent que le nombre d'actifs ayant tendance à se réduire très fortement, il va d'ailleurs sans doute falloir mener une politique d'immigration beaucoup plus active, pour permettre à la population active d'être suffisamment nombreuse.
Mais je vois un autre signe de la nécessité de cette politique de l'emploi, c'est que pour financer les retraites, qui ne le sont que jusqu'en 2008, on nous dit : à partir de cette date, comme le taux de chômage sera de 4,5 % - il s'agit bien entendu d'une prévision et non d'une affirmation -, nous pourrons diminuer les cotisations chômage et augmenter les cotisations vieillesse en proportion. Mais encore faudra-t-il que le chômage ait été diminué de moitié d'ici là. Or depuis que l'actuel gouvernement est au pouvoir, le chômage augmente, au contraire, et l'emploi diminue - ce qui est une première - puisqu'au dernier trimestre, dernières statistiques connues, on constate qu'il a diminué. On a donc des raisons de penser qu'un tel pari est un peu risqué.
Au fond, quand on parle de la politique de l'emploi, on voit très nettement quelle est la différence entre la droite et la gauche. Quand la gauche est au pouvoir, il y a des créations d'emplois. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Richard Dell'Agnola et M. Pierre-Louis Fagniez. Des emplois publics, ça oui !
M. Jean-Marie Le Guen. Il vaut mieux des emplois publics que des chômeurs privés !
M. Joël Hart. La gauche a gaspillé l'argent public au lieu de créer des emplois ! Voilà la vérité !
M. René Dosière. Faut-il rappeler qu'entre 1997 et 2002, notre pays a créé deux millions d'emplois ? Depuis le début du siècle, on n'avait jamais créé autant d'emplois dans notre pays que durant ces cinq dernières années.
Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vrai !
M. Patrick Ollier. Grâce à la croissance ! Mais certainement pas grâce à la gauche !
M. René Dosière. Par contre, depuis que la droite est revenue au pouvoir, l'emploi régresse.
Alors, on me dira que c'est parce que la conjoncture n'est pas la même.
M. Michel Françaix. Ah, la conjoncture !
M. René Dosière. Il est vrai que la conjoncture n'est pas la même, mais alors, je voudrais qu'on m'explique pourquoi, dans une conjoncture favorable, qui était celle qu'a connue le gouvernement précédent, la France avait un rythme de croissance supérieur à celui des autres pays européens, qui avaient pourtant la même conjoncture et pourquoi, aujourd'hui, dans une conjoncture qui est plus déprimée, la France a un taux de croissance inférieur à celui de ses voisins.
Nous, nous étions capables de faire mieux que les autres et vous, vous faites pire ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Alors, il y a quand même bien un problème de politique, pas seulement un problème de conjoncture. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Si je suis interrompu, monsieur le président, je vais être obligé de prolonger un peu mon intervention.
M. le président. Non, monsieur Dosière.
M. René Dosière. Bien.
Il n'y a pas de mystère. Une conjoncture économique, cela se soutient. On sait très bien que lorsque M. Juppé est arrivé à la tête du gouvernement, il disposait d'une conjoncture économique favorable.
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Non !
M. René Dosière. Et la politique qu'il a mise en oeuvre, caractérisée par le coup de massue fiscal qu'il a donné, a cassé la croissance économique.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est faux !
M. René Dosière. Par contre, en 1997, la politique économique qui a été suivie par la gauche a accompagné et encouragé la croissance économique.
M. Jean-Marie Le Guen. Absolument !
M. Manuel Valls. C'est limpide !
M. René Dosière. Il y a un exemple très simple qui le montre. Qu'avons-nous fait ? Nous avons pris, parce que la consommation est le moteur principal de la croissance économique, un certain nombre de mesures visant à favoriser la consommation populaire, et donc à augmenter cette croissance.
Et vous, que faites-vous ? Au nom d'ailleurs du même raisonnement - à savoir qu'il faut favoriser la consommation -, vous exonérez d'impôt les contribuables les plus riches. Moyennant quoi, ces contribuables, qui ont déjà largement dépensé pour satisfaire leurs besoins, ne consomment pas davantage mais, au contraire, épargnent.
M. Patrick Ollier. Cinq minutes !
M. Jean-Luc Warsmann. Votre temps de parole est écoulé, monsieur Dosière !
M. René Dosière. Vous le voyez bien aujourd'hui, le taux d'épargne ne cesse d'augmenter.
M. le président. Monsieur Dosière,...
M. René Dosière. Il y a donc bien une pratique différente.
M. Patrick Ollier. Cinq minutes !
M. le président. Monsieur Dosière, il faut conclure.
M. René Dosière. Eh bien, je voudrais simplement faire remarquer, à tous ceux qui nous opposent que les politiques économiques peuvent être les mêmes à gauche et à droite, qu'il y a, en matière d'emploi, une politique tout à fait différente. Avec la gauche, c'est l'emploi. Avec la droite, c'est le chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !
M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 618 et des amendements identitiques qui ont été soutenus, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission saisie au fond sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Monsieur le président, nous avons dû une nouvelle fois examiner pendant pratiquement tout l'après-midi, un seul amendement identique...
M. Manuel Valls. Mais quel débat ce fut !
M. Jean-Pierre Brard. Attendez, il y a un problème de linguistique ! C'est quoi, un amendement identique ?
M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... présenté par 149 députés appartenant au groupe socialiste. Un amendement identique, c'est exactement vingt-neuf mots : « Le système de retraite par répartition est au coeur du contrat social entre les générations. Il est garanti par la mise en place d'un pacte national pour l'emploi. » Cent quarante-neuf amendements identiques ! (Exlamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Bernard Derosier. Le rapporteur conteste notre droit d'amendement !
M. Manuel Valls. C'est une provocation !
M. le président. Mes chers collègues, taisez-vous ! Arrêtez !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ce matin, mes chers collègues,...
M. le président. Monsieur Accoyer, je vous interromps une seconde. Je demande le calme, chers collègues !
M. Bernard Derosier. Mais il conteste notre droit d'amendement !
M. le président. M. Accoyer, lui, vous a écoutés dans le calme !
M. Manuel Valls. Une fois n'est pas coutume !
M. le président. Alors, écoutez-le aussi dans le calme !
Poursuivez, monsieur le rapporteur.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Toute la séance de ce matin a été occupée par l'examen d'un amendement sensiblement identique qui avait lui aussi été déposé cent quarante-neuf fois. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Marie Le Guen. C'est faux ! Ce n'était pas du tout le même !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Si cela ne correspond pas à la caricature d'une obstruction parlementaire, il faudra nous expliquer de quoi il s'agit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Malheureusement, mes chers collègues du groupe socialiste, alors qu'un certain nombre d'événements se sont produits, qui ont conduit à un certain nombre de manifestations de rues, et alors que celles-ci ont dérivé vers des actions émanant de ce que l'on peut qualifier d'éléments extrémistes,...
M. Alain Néri. Oh !
M. Jean-Pierre Brard. C'est marginal, cela !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... il n'est pas très rassurant, quand on sait que vous appartenez à un parti qui a vocation à être majoritaire un jour, si l'alternance joue,...
M. Alain Néri. Ça c'est vrai !
M. Michel Delebarre. Ne nous tentez pas !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... de constater que vous donnez ainsi dans la surenchère,...
M. Alain Néri. C'est vous qui faites de la surenchère !
M. Augustin Bonrepaux. Que vous êtes mal placés pour dire ça !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... déchirés que vous êtes autant par l'absence de projet que par les menaces qui pèsent désormais sur l'avenir de votre formation en raison du poids important de l'extrême gauche auquel vous êtes soumis (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Brard. C'est qui, l'extrême gauche ?
M. Jean-Louis Idiart. Vous êtes des fossoyeurs ! La majorité se déchaîne !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Sur le fond, j'ai écouté attentivement les parlementaires du groupe socialiste qui sont venus à tour de rôle dans l'hémicycle pour énoncer un certain nombre de contrevérités et de déclarations qui étaient toutes plus incohérentes les unes que les autres (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et ont été jusqu'à faire le panégyrique des nationalisations, à l'ère de François Mitterrand et du Premier ministre M. Mauroy. (« Et alors ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. Yves Censi. Ah ! Enfin la vérité !
M. Pascal Terrasse. Qui était ministre à l'époque, monsieur le président ? (Sourires.)
M. Michel Delebarre. C'était quand même le bon temps !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. En réalité,...
M. Jean-Louis Idiart. Et les nationalisations de de Gaulle ?
M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... on comprend bien que sur le fond, il n'y a aucune contre-proposition, comme il n'y a aucune vraie critique contre ce projet de loi...
M. Yves Durand. C'est de l'autisme !
M. Patrick Lemasle. Vous êtes des fossoyeurs !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... qui n'a qu'un but : sauver notre système de retraite, remédier à l'immobilisme que vous avez manifesté pendant de trop nombreuses années quand il fallait prendre les dispositions qui s'imposaient pour réintroduire sécurité et équité dans notre système de retraite.
Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances, va détailler les nombreuses mesures qui ont été prises pour l'emploi par le Gouvernement depuis un an. Vous me permettrez simplement de dire que la commission des affaires sociales a pu, dans les premiers articles du texte de loi qui nous est soumis, constater que ce que vous dites cent quarante-neuf fois avec les mêmes mots correspond à ce qui est exprimé dans le projet de loi lui-même.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à cet amendement. (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Qu'en pense la commission des finances, saisie pour avis ?
M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, mes chers collègues, je serais tenté de dire, comme vient de l'indiquer Bernard Accoyer, que la répétition n'ajoute rien à une argumentation, surtout quand elle est dénuée de force. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Alain Néri. Ce même Bernard Accoyer s'est livré de multiples fois à la répétition sous la législature précédente !
M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Puisque M. Bonrepaux a fait état tout à l'heure, une fois encore, du rapport de la commission des finances, je voudrais indiquer plusieurs choses. Ce ne sont pas seulement les experts en matière de retraites qui l'indiquent, c'est également Lionel Jospin, dans son discours du 21 mars 2000, qui disait la chose suivante : « La croissance économique et le plein-emploi ne suffiront pas à régler les problèmes de financement des retraites. » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Philippe Vuilque. Nous n'avons jamais dit le contraire !
M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. C'est exactement ce qu'il a dit dans le discours du 21 mars 2000, dont vous disposez certainement. Et si vous ne l'avez pas, nous le tenons à votre disposition.
Vous pouvez aussi vérifier auprès de ceux de vos collègues qui siègent au Conseil d'orientation des retraites qu'avec une hypothèse de chômage de 4,5 %, les besoins de financement des retraites sont de 3,5 % du PIB. Mais, même avec une hypothèse de chômage de 3 %, les besoins de financement seraient encore de 3,1 % du PIB.
M. Gaëtan Gorce. Et alors ?
M. Jean-Marie Le Guen. Il faut atteindre le plein-emploi !
M. Manuel Valls. Vous confirmez ce que nous disons !
M. Jean-Marie Le Guen. Agissez sur le taux de chômage !
M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Voilà la démonstration - et, encore une fois, ce n'est pas seulement moi qui le dit - que le plein-emploi et la croissance économique ne suffisent pas à régler les problèmes de financement en la matière.
Et pour être précis, pour répondre de manière exhaustive à M. Bonrepaux, qu'il ne voie pas une différence d'appréciation entre le rapport présenté au nom de la commission des finances et la position du Gouvernement. Sauf une, peut être : c'est que votre rapporteur pour avis a souhaité reprendre mot à mot ce qu'avait indiqué le COR, avec une hypothèse de travail d'un taux de chômage de 4,5 %, hypothèse que les syndicats présents au sein du Conseil d'orientation des retraites avaient d'ailleurs demandé que l'on retienne. Et je parle sous le contrôle de collègues qui sont membres du COR.
M. Denis Jacquat, vice-président de la commission des affaires culturelles. Je confirme !
M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Le Gouvernement a souhaité, lui, adopter une stratégie beaucoup plus prudente, en retenant un taux de chômage supérieur à 10 % aux hypothèses du COR. Il est pour le moins surprenant que tout le monde soit d'accord sur les projections du COR - sans doute parce que les syndicats et les partis politiques en font partie -, mais que vous ne soyez plus d'accord quand le Gouvernement retient une hypothèse moins optimiste que celle de cet organisme.
M. Manuel Valls. C'est normal !
M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Il y a là véritablement une contradiction. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
En ce qui concerne la politique de l'emploi, vous avez émis un certain nombre d'objections. Toutefois, si vous étiez un peu plus exhaustifs, le débat y gagnerait.
M. Alain Néri. Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Pourquoi un seul orateur du groupe socialiste a-t-il parlé de ce vrai problème structurel qu'a évoqué la presse il y a quelques semaines en rapportant que, l'an dernier, 300 000 offres d'emploi avaient été retirées du marché du travail faute de candidats pour les pourvoir ? C'est un vrai problème de fond. La formation tout au long de la vie est certainement l'une des réponses que l'on peut lui apporter.
Pourquoi n'avez-vous pas parlé, sinon pour les décrier, de contrats jeunes en entreprise ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) La réalité en matière de cotisation retraite, c'est que le jeune n'ayant jamais travaillé ne peut pas faire valider des trimestres. Or les contrats jeunes en entreprise offrent un « boulot » stable à 70 000 jeunes - et nous savons que le rythme de croisière sera plus proche de 300 000 que 150 000...
M. Yves Durand. Mais ils ne bénéficieront pas d'une formation adaptée !
M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Il s'agit bel et bien là d'un CDI. Les jeunes, en accédant au marché du travail, entreront dans la vie active et ils n'auront pas, le moment venu, à « courir » après les années durant lesquelles ils n'auront pas pu cotiser. C'est aussi cela la vérité des contrats jeunes en entreprise. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Christian Bataille. Vous vous fichez des jeunes !
M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. De plus, vous omettez de dire que, dans l'hypothèse de travail du Gouvernement, il y aura des rendez-vous pour réévaluer la situation,...
M. René Dosière. Qui y viendra ?
M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. ... qui seront ceux du pragmatisme.
Le Gouvernement a appelé de ses voeux un véritable débat. La majorité également. Vous êtes, vous l'avez indiqué, demandeurs du débat.
M. Alain Néri. Oui !
M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Toutefois, jusqu'à présent, vous avez choisi de rester sur le terrain de la caricature. Pour autant, il n'est pas trop tard pour vous ressaisir : la balle est dans votre camp ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ces amendements, comme ceux que nous avons examinés ce matin, sont, si j'ose dire, littéraires, ...
M. Bernard Derosier. En quoi sont-ils littéraires ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... inutiles et destinés, en vérité, à dissimuler la confusion extrême qui caractérise la pensée du groupe socialiste sur la question des retraites.
M. Pierre Morange. Excellent résumé !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous proposez un pacte national pour l'emploi. Mais de quoi s'agit-il ? Depuis trois heures, j'attends vainement que l'on me fasse une proposition pour m'indiquer en quoi doit consister le contenu de ce pacte national pour l'emploi ; or je n'en ai entendu aucune ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Christian Bataille. Nous avons fait des propositions, mais vous n'avez pas voulu les entendre !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il est vrai, mesdames et messieurs les députés, que la question de l'emploi est évidemment une question déterminante pour l'équilibre de nos régimes de retraites. A tel point que le Gouvernement, ainsi que je l'ai indiqué à plusieurs reprises, a choisi de fonder sa réforme sur l'hypothèse d'un taux de chômage de 5 à 6 % en 2020. Je dis bien « 2020 », afin de faire taire ceux qui s'efforcent par tous les moyens de décridibiliser nos propositions. Grâce à un tel taux, nous devrions pouvoir financer les 10 milliards qui manquent au régime général à cet horizon.
Il nous paraît possible d'atteindre ce taux de 5 à 6 % pour plusieurs raisons. D'abord, il est supérieur à celui de beaucoup d'autres pays européens voisins du nôtre, compte tenu des taux de croissance et des situations démographiques que nous connaissons actuellement. Ensuite et surtout, c'est un taux de chômage compatible avec les hypothèses que nous faisons en matière de démographie - je devrais d'ailleurs plutôt parler de certitudes. Plusieurs d'entre vous l'ont souligné ce matin : ce n'est pas un choc démographique qui s'annonce, mais une révolution démographique. Elle se traduira, à partir de 2006, par 300 000 départs supplémentaires à la retraite chaque année : de 500 000 nous passerons à 800 000 départs à la retraite. Or, en face, il n'y a pas de classes d'âge suffisantes pour assurer le remplacement de ces départs à la retraite.
M. Jean-Pierre Brard. Vous oubliez les naissances nouvelles !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Dans les dix prochaines années, ce sont 5,7 millions d'emplois qui seront libérés par les départs en retraite, dont une part non négligeable, monsieur Bianco, dans le secteur public, qui, naturellement, contribuera, comme le secteur privé, à la politique globale de l'emploi. Les flux annuels de départs à la retraite vont être multipliés par quatre, dans les secteurs publics de la banque, des industries légères ou encore de la fonction publique, notamment l'enseignement.
Il faut donc saisir l'opportunité qui s'offre à nous pour que la relève des générations dans l'emploi se fasse au bénéfice d'une forte décroissance du chômage. Et nous ne réussirons ce pari que si nous sommes capables de mettre en oeuvre une politique de formation, et en particulier une politique de formation continue qui soit plus efficace, plus performante que celle que nous connaissons actuellement.
Vous le savez, je me suis employé à créer les conditions d'une reprise de la négociation sur la formation professionnelle, qui avait été interrompue sous la précédente législature.
M. Nicolas Forissier. Eh oui !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Beaucoup de conseils ont été prodigués, beaucoup de critiques formulées, beaucoup de condamnations prononcées, mais je voudrais bien savoir ce que le Gouvernement précédent a fait...
M. Nicolas Forissier. Rien !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... pour éviter que la négociation en ce domaine ne s'enlise comme elle s'est enlisée en matière de formation continue.
Quant à notre politique économique, sur laquelle vous n'avez pas de mots assez durs, je voudrais vous faire remarquer qu'elle a permis à la France de conserver un taux de croissance qui est l'un des plus élevés des pays européens, alors même que nous étions soumis au ralentissement économique général. D'ailleurs, quand on regarde les performances économiques des principaux pays européens, en particulier celles de notre voisin allemand, on se rend compte que les pays qui ont choisi, face à la diminution de la croissance internationale et à des problèmes de financement des politiques publiques, d'augmenter fortement les prélèvements obligatoires ont complètement tué leur croissance interne : elle est devenue, chez eux, quasiment négative. Nous n'avons pas fait ce choix, nous avons réussi à préserver un filet de croissance et nous pensons que les conditions de la reprise sont désormais réunies.
L'un des orateurs du groupe socialiste a cité un rapport de la DARES sur la situation de l'emploi. Toutefois, comme d'habitude, il s'est contenté de citer le paragraphe qui lui convenait. Je vais donc poursuivre la citation : « Cela étant, il faut souligner que ces évolutions sont le reflet d'une situation passée. Elles ne remettent pas en cause notre analyse de la situation conjoncturelle actuelle. Les conditions de la reprise se mettent progressivement en place, en particulier les comptes des entreprises apparaissent moins dégradés que nous ne le craignions et les industriels nous annoncent un rebond de leurs investissements de 6 %, après une chute de 13 % l'an passé, si bien que la perspective d'un raffermissement assez rapide de l'activité en fin d'année demeure crédible. Une reprise des créations d'emplois pourra alors s'amorcer et entraîner un reflux du chômage à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine. »
Ces perspectives sont réalistes, elles s'appuient sur des constatations, notamment en ce qui concerne le moteur de l'économie mondiale qu'est aujourd'hui le secteur des nouvelles technologies et des télécommunications. Elles s'appuient aussi sur la mise en oeuvre des politiques structurelles que nous avons engagées et que vous avez dénoncées les unes après les autres, en oubliant souvent qu'elles ne sont pas encore toutes en application, notamment les dispositions concernant les 7 milliards d'allégements de charges que votre assemblée a votés et qui s'appliqueront à partir du 1er juillet, et celles relatives à l'augmentation du SMIC - augmentation qui aura un effet fort sur la consommation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Vous devriez être plus prudents dans vos discours sur l'emploi. Je vous ai entendus dire que quand la gauche était au pouvoir, le chômage n'augmentait pas. François Mitterrand n'était sans doute pas de gauche, puisque chacun sait combien le chômage a augmenté sous ses deux septennats ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ! - « Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ainsi, lors de la dernière année de votre législature, le chômage a augmenté de 160 000 personnes, alors que la premiére année de la nôtre, il a crû de 100 000 personnes. Cette situation ne me satisfait pas, mais c'est, en tout cas, une constatation qui devrait vous inciter à un peu plus de prudence et de modestie dans vos jugements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
S'agissant des politiques que nous avons décidé de conduire, M. Le Guen a cité l'excellent article de Christian de Boissieu paru dans Le Figaro de ce matin. Citant cet article, il a eu une formule assez méprisante à l'égard des députés de la majorité, laissant entendre qu'ils ne savaient pas lire. Mais il me semble que M. Le Guen, lui, ne sache lire que les gros titres et les encadrés !
M. Daniel Mach. Les images !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Aussi, je vais vous lire ce qu'écrit M. de Boissieu sur la politique conduite par le Gouvernement. Selon lui, il faudrait consacrer « suffisamment de ressources aux différents axes déjà privilégiés, comme l'insertion des jeunes dans les secteurs marchands » - ce sont les contrats jeunes en entreprise - « ou la dynamisation de la création d'entreprises », et il a cité à ce sujet la loi Dutreil. Pour financer de telles ambitions en période de forte contrainte budgétaire, il propose de continuer « la politique de redéploiement à l'intérieur de l'enveloppe totale des dépenses publiques ». S'agissant de l'emploi des plus de cinquante ans, M. de Boissieu écrit : « Quant à la remontée nécessaire des taux d'activité, le Gouvernement a déjà décidé de la relance du contrat initiative emploi pour favoriser l'emploi des chômeurs de plus de cinquante ans et d'une modification de la contribution Delalande pour encourager l'embauche des travailleurs de plus de quarante-cinq ans ».
Voilà comment, à partir du titre d'un journal du matin, M. Le Guen a tenté de dénoncer la politique du Gouvernement, qui est saluée par l'économiste qui a écrit cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Naturellement, le Gouvernement vous demande, mesdames et messieurs les députés, de rejeter ces amendements. Toutefois, avant de conclure, je voudrais dire que ce qui se passe ici n'est pas à la hauteur des enjeux de la réforme. Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Christian Bataille. Exact !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous pourrions avoir un vrai débat avec le parti socialiste, et peut-être aussi avec le parti communiste, qui nous a présenté son contre-projet. Mais pour l'instant, nous n'y parvenons pas, car nous avons affaire à un groupe socialiste...
M. Pascal Terrasse. Déterminé !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui fait de l'obstruction, contrairement à ce qu'il avait affirmé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Eh bien laissez-moi vous dire : l'extrémisme, il se fabrique ici et maintenant, dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe de Union pour la démocratie française.)
M. Pierre Cardo. Ils nous donnent des verges pour se faire battre !
M. Jean-Marie Le Guen. Vous n'acceptez aucun amendement !
M. Alain Néri. Les extrémistes, c'est vous !
M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, contre l'amendement.
M. Denis Jacquat. Pour le groupe l'UMP, l'emploi est une des clés de la sauvegarde de notre système de retraite par répartition. Jean-Louis Bianco a eu parfaitement raison d'insister sur ce point (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) et de citer le COR à ce sujet. Toutefois, n'ayant bénéficié que d'un temps de parole limité (Sourires), il n'a pas pu nous informer de tout ce que nous recommande le COR en la matière. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Pascal Terrasse. C'est la faute du président de séance !
M. Denis Jacquat. M. Le Garrec préside très bien, et j'ai été choqué ce matin par le comportement de Pascal Terrasse dans cet hémicycle, alors qu'à l'extérieur de celui-ci, il est toujours charmant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Je vais donc vous lire quelques extraits supplémentaires du rapport du COR : « Se préoccuper de l'avenir de notre système de retraite est aujourd'hui plus que jamais une tâche impossible sans remédier rapidement à la situation d'exclusion des salariés de plus de cinquante ans du marché du travail. Il faut maintenant amorcer une mutation trop longtemps retardée dont l'urgence est accrue par l'augmentation de l'espérance de vie. Le principal retard français dans la politique des retraites se situe du côté de la politique de l'emploi. Différents moyens doivent être mobilisés tant pour modifier les perceptions courantes sur l'âge et le travail que pour permettre à tous les salariés du secteur privé comme du secteur public de pouvoir travailler jusqu'à l'âge de la retraite. »
A cette fin, le conseil propose :
Premièrement, de construire une véritable politique de l'emploi et du travail autour des questions du vieillissement de la main-d'oeuvre, et de la gestion des âges dans les entreprises et dans les administrations - c'est proposé dans le projet de loi.
Deuxièmement, d'enrayer le recours aux mesures d'âge utilisées comme mode permanent de gestion des ressources humaines - c'est également proposé dans le projet de loi.
Troisièmement, de repenser la gestion des ressources humaines - formation, anticipation des évolutions professionnelles, conditions de travail des quarante à cinquante ans - , et d'encourager la formation professionnelle tout au long de la vie et la gestion des deuxièmes parties de carrière - c'est aussi proposé dans le texte.
Quatrièmement, d'adopter un environnement réglementaire favorable à l'emploi des seniors avec, en particulier, la révision progressive des règles d'interdiction du cumul entre un emploi et une retraite - c'est encore proposé dans le texte.
Aussi, pour toutes ces raisons, le groupe de l'UMP ne votera-t-il pas ces amendements superfétatoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour répondre à la commission.
M. Charles de Courson. Le groupe UDF votera contre ces amendements.
M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes les porte-hallebarde de l'UMP !
M. Charles de Courson. Je vais expliquer pourquoi. Le système de retraite par répartition ne fait pas débat entre nous, puisque tout le monde est d'accord. Alors, mesdames, messieurs les députés socialistes, cessez de parler de non-débat. Le débat porte sur la question de savoir s'il faut instaurer un troisième niveau.
M. Pascal Terrasse. Non, il porte sur le pacte pour l'emploi !
M. Charles de Courson. Avec le PPESV mis en place par Laurent Fabius, vous avez fait quelque chose d'intéressant, mais d'une portée limitée. En tout cas, ne nous dites plus que vous êtes contre un système par capitalisation, puisque vous avez introduit un peu d'épargne dans le système de retraites. Par conséquent, le débat porte sur le dosage et non sur le principe.
Par ailleurs, s'agissant du pacte national sur l'emploi, comment voulez-vous faire croire aux Français qu'il contribuera à créer des emplois en France ? Souvenez-vous de ce qu'a dit François Mitterrand, M. le ministre l'a rappelé tout à l'heure : « Le grand échec de mon premier septennat, c'est l'emploi. » Et je ne parle pas de son second, ce fut encore pire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Eric Raoult. Ils l'ont trahi !
M. Charles de Courson. Tout le monde sait ce qu'il faut faire en matière de politique de l'emploi : favoriser la compétitivité des entreprises et prendre des mesures dynamiques pour les gens peu qualifiés et les salariés âgés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Pierre Brard. Enlevez vos lunettes, vous verrez plus clair !
M. Charles de Courson. Je voudrais essayer d'élever un peu le débat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Quel spectacle donnons-nous aujourd'hui à nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le gauchisme est devenu la maladie infantile du parti socialiste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous voulez faire croire aux manifestants que vous êtes derrière eux, alors qu'en réalité vous les trompez. En effet, si vous revenez un jour au pouvoir, vous ne toucherez pas à la réforme que nous sommes en train d'examiner, ainsi que me l'a avoué l'un d'entre vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Yves Chamard. Exact !
M. Charles de Courson. Déjà en 1997, alors que votre plate-forme électorale prétendait que vous alliez abandonner l'indexation sur les prix pour rétablir celle reposant sur le salaire moyen, vous n'avez rien fait. Vous aviez pourtant cinq ans pour agir ! Avons-nous assisté au début du commencement d'une remise en cause de la réforme Balladur ? Non ! Eh bien, vous ferez exactement la même chose si vous revenez au pouvoir dans cinq ou dix ans : vous ne toucherez pas à cette réforme, et vous le savez bien ! C'est là l'incroyable mystification de votre attitude !
M. Patrick Ollier. Très juste !
M. Charles de Courson. Je terminerai en me livrant à une deuxième réflexion. Vous êtes en train, mes chers collègues, de dégrader encore un peu plus l'image de la classe politique.
Mme Nadine Morano. C'est vrai !
M. Charles de Courson. Il n'y a aucun dialogue, aucune proposition constructive de votre part. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très juste !
M. Charles de Courson. Vous riez d'ailleurs entre vous de vos interventions.
M. Manuel Valls. Le groupe UDF est absent du débat depuis deux jours, et vous venez nous donner des leçons !
M. Charles de Courson. Vous êtes en train de susciter, d'encourager l'extrémisme des extrémistes de tous bords. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous croyez que cela vous rapportera, mais en fait vous serez brûlés. Souvenez-vous du 21 avril ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Christian Bataille. Fouquier-Tinville !
M. Alain Néri. M. de Courson vient d'arriver, il n'a rien entendu du débat !
M. Manuel Valls. C'est insupportable !
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour répondre au Gouvernement.
M. Gaëtan Gorce. Je regrette très sincèrement le ton et la nature des interventions que je viens d'entendre. Nous sommes dans une assemblée où, a priori, tous les députés doivent être traités à égalité. Il doit en être de même de tous les groupes politiques. Nous avons nos arguments...
M. Jean-Claude Lemoine. Non, vous n'en avez pas !
M. Gaëtan Gorce. ... et nos orientations. Le fait que nos orientations soient différentes de celles du ministre, de celles de la majorité et de celles de l'UDF qui, jusqu'alors peu présente dans le débat, vient de se manifester uniquement pour engager une polémique, ne me paraît pas satisfaisant du simple point de vue de notre Constitution et des principes que nous tenons de notre République. Car, je le répète, chacun devrait être traité à égalité dans cet hémicycle, sans jugement de valeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Seul le suffrage universel est autorisé à juger de la valeur des uns et des autres, de leurs programmes ou de leurs projets ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est ce qu'il a fait !
M. Gaëtan Gorce. Nous y reviendrons.
Personne n'a de leçon à donner à qui que ce soit sur le sujet.
Si quelqu'un contribue à dégrader le débat public, c'est bien celui qui, exerçant une fonction publique importante, se permet d'accuser un groupe ou un parti politique de ne pas respecter l'intérêt national ou de le trahir au nom d'intérêts partisans. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est le cas !
M. Gaëtan Gorce. Si quelqu'un contribue à faire baisser le niveau du débat public, c'est bien celui qui dit que ce pays est marqué par la paresse et par la culture du non-travail...
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Mais c'est vrai !
M. Gaëtan Gorce. ... ou qui prétend, réveillant des polémiques que l'on croyait passées, que c'est le Front populaire qui a été responsable de la défaite de la France en 1940,...
M. Bernard Accoyer, rapporteur. La réduction du temps de travail dans les usines d'armement est une vérité historique !
M. Gaëtan Gorce. ... comme je l'ai entendu de la bouche même du ministre il y a quelques mois.
Tout cela est inacceptable ! Il faut, monsieur le président, y mettre fin si nous voulons que le débat se poursuive dans de bonnes conditions.
J'ai personnellement le plus grand respect pour le groupe UMP et ses membres, et je voudrais que ce respect soit partagé.
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. Gaëtan Gorce. J'en viens au fond.
Nous avons posé un certain nombre de questions ce matin et cet après-midi. Ces questions n'étaient pas si minces ni si simples pour mériter que l'on y réponde par l'arrogance ou par le mépris, comme tenta de le faire - il fut le seul - le rapporteur pour avis de la commission des finances.
Nous avons demandé quel serait le niveau de la pension que recevront les Français lorsque les mesures que vous proposez seront mises en oeuvre.
Nous affirmons, répétant ce que dit le COR, que le taux de remplacement, c'est-à-dire le rapport entre la pension et le dernier revenu d'activité, passera des trois quarts au deux tiers. Il faut que vous l'assumiez et que vous le disiez devant l'opinion et le Parlement. Il ne devrait pas vous être difficile de défendre cette orientation puisque vous l'avez choisie.
Nous considérons que la question doit être débattue car d'autres solutions pouvaient être envisagées, d'autres solutions de financement pouvaient être discutées.
Quant à l'emploi, vous nous répondez en commentant les notes des conjoncturistes ou de la DARES. Vous nous rappelez que, après tout, la DARES prévoit une reprise de l'activité économique qui devrait relancer l'investissement, ce dont l'emploi devrait profiter.
M. Robert Pandraud. Eh oui !
M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, contrairement à M. Accoyer, je ne porte pas de jugement sur votre capacité à gouverner : je juge votre politique. Je ne juge pas vos intentions : je juge vos résultats. Je ne juge pas vos compétences : je juge l'efficacité de l'action que vous menez. (« Très bien ! sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Que constatons-nous aujourd'hui ? Une situation économique et de l'emploi qui dément totalement vos prévisions. Dans un premier temps, vous avez adopté l'objectif de plein emploi proposé par le COR - 4,5 % - mais vous en êtes maintenant à 6 % ! Or vous ne nous expliquez pas comment vous pourriez parvenir à ces 6 % !
Quelles sont les orientations de votre politique économique et de votre politique de l'emploi qui vous permettent de rendre cet objectif crédible et donc de faire en sorte que celui-ci puisse créer la confiance des acteurs économiques, et d'abord celle du Parlement, qui est amené à se prononcer !
J'ajoute que l'on ne peut réduire, comme vous le faites, la question de l'emploi à un simple aspect financier. Vous assurez qu'avec un taux de chômage de 6 %, vous arrivez à assurer l'équilibre du régime général : il vous manque 9 à 10 milliards d'euros mais avec un chômage à 6 %, vous atteindrez, dites-vous, votre objectif.
Mais le plein emploi ou un taux de chômage le plus bas possible, ce n'est pas seulement une question de financement : c'est une question humaine et sociale, c'est une question de terrain, c'est une question de réalité pour les chômeurs les plus âgés.
Vous ne pouvez nous dire que vous allongerez la durée de cotisation sans conduire une politique de l'emploi active. Sinon, vous condamnerez les salariés de plus de cinquante ans ou de plus de cinquante-cinq ans à se retrouver plus longtemps au chômage, faute d'une reprise forte de l'emploi, au lieu de partir plus jeunes à la retraite.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Les cinq minutes sont écoulées, monsieur le président !
M. Gaëtan Gorce. J'en viens à la méthode, qui ne satisfait peut être pas complètement la majorité. Peut-être n'est-elle pas conforme aux habitudes que nous avons dans cet hémicycle.
Cela dit, monsieur le ministre, j'ai relevé que votre texte comportait au moins trois articles qui sont des déclarations d'intention : le premier, le deuxième et le troisième. Or nous nous plaçons nous aussi sur le plan des déclarations d'intention pour des sujets qui sont étroitement liés à la réussite et aux conséquences de votre réforme.
Quoi qu'il en soit, il vaut mieux que ces questions soient posées ici cent quarante-neuf fois par les députés socialistes...
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est de l'obstruction !
M. Gaëtan Gorce. ... plutôt que 50 millions ou 60 millions de fois par les Français quand ils auront à mesurer, pour leur retraite ou leur emploi, les conséquences de ce que vous aurez décidé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix, par scrutin public, l'amendement n° 618 et les amendements identiques défendus.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
Le scrutin est ouvert.
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 168
Nombre de suffrages exprimés 168
Majorité absolue 85
Pour l'adoption 54
Contre 114
L'Assemblée nationale n'a pas adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Marc Ayrault. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58.
J'aimerais que nous arrivions à tomber d'accord au moins sur un principe : les amendements que le groupe socialiste a déposés avant l'article 1er ont pour but, non pas de faire de l'obstruction, mais d'aborder encore plus au fond quatre sujets.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. La discussion générale a déjà eu lieu !
M. Jean-Marc Ayrault. Nous estimons qu'après la discussion générale et les deux motions de procédure défendues respectivement par Pascal Terrasse et par Gaëtan Gorce nous n'avons pas obtenu toutes les réponses à nos questions.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Bla-bla-bla !
M. Jean-Marc Ayrault. Je ne parlerai pas de l'intervention polémique de M. de Courson, qui vient en séance pour en repartir aussitôt après avoir fait son petit numéro, auquel nous sommes habitués depuis des années. (Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Luc Warsmann. Ce n'est pas un rappel au règlement !
M. Jean-Marc Ayrault. Mais je vous avouerai, monsieur le ministre, que votre conclusion m'a surpris, et même décu. Je dois cependant reconnaître que votre intervention était de qualité. Vous avez accepté de confronter votre analyse à la nôtre, et vos solutions aux nôtres. Cela va dans le bon sens.
M. Patrick Ollier. Vous n'avez pas de solutions ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Ayrault. C'est ce type d'échange que nous souhaitons, sur les quatre sujets qui sont à mes yeux essentiels et qui nous ont conduits à commencer de défendre hier soir nos amendements, il est vrai à plusieurs voix...
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Nous avons examiné deux amendements depuis ce matin !
M. Jean-Marc Ayrault. ... car nous considérons que ces sujets méritent chacun une heure ou une heure et demie de débat.
Ces quatre sujets, quels sont-ils ?
Il s'agit d'abord du niveau des pensions, qui ne nous semble pas garanti. Les échanges que nous avons eus jusqu'à présent nous ont permis d'avoir des précisions, mais pas sur tous les points.
M. Jean-Luc Warsmann. Ce n'est pas un rappel au règlement !
M. Jean-Marc Ayrault. Il s'agit ensuite de la question de l'emploi, élément fondamental - peut-être le premier - si nous voulons garantir l'avenir notre système de retraites par répartition.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ce n'est pas un rappel au règlement !
M. le président. Laissez le président du groupe socialiste s'exprimer ! Il va conclure.
M. Jean-Marc Ayrault. Il est parfaitement de notre droit de dire que la politique de l'emploi du Gouvernement ne permet pas de rendre crédible en 2008 ou en 2010 les orientations et les équilibres de son projet.
Il s'agit aussi de la pénibilité du travail et de l'espérance de vie.
Il s'agit enfin du financement, de sa stabilité et de sa pérennité.
Ces quatres sujets ne sont pas mineurs.
Monsieur le ministre, nous souhaitons poursuivre cet échange de qualité avant l'article 1er. Vos réponses sont moins polémiques que celles des rapporteurs, mais ma déception vient de votre conclusion.
Vous avez affirmé que nous encouragions l'extrémisme.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Eh oui !
M. Jean-Marc Ayrault. Je suis désolé, mais ce qui encourage l'extrémisme, c'est l'absence de débat politique, l'absence de réponse alternative, une droite et une gauche qui penseraient la même chose et qui s'entendraient comme larrons en foire ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Monsieur le président, mes chers collègues, s'il en était ainsi, on ne rendrait pas service à la démocratie !
M. Jean-Luc Warsmann. Nous avons étudié deux amendements depuis ce matin !
M. Jean-Marc Ayrault. C'est pourquoi nous souhaitons que cet échange ait lieu avant l'article 1er, et dans les meilleures conditions possibles. Nous ne souhaitons rien d'autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Monsieur le président, afin de ramener un peu de calme et de sérénité dans notre débat, je demande une suppression de séance d'un quart d'heure, laquelle me permettra de réunir mon groupe.
M. Patrick Ollier. Et ça, ce n'est pas de l'obstruction peut-être ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, depuis le début du débat, j'essaie de répondre à toutes les questions posées. Naturellement, certaines de mes réponses ne conviennent pas aux membres de l'opposition. Cela ne me choque pas et je suis, comme M. Ayrault, pleinement convaincu qu'en démocratie une droite et une gauche, une majorité et une opposition doivent débattre.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Tout à fait !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais, monsieur Ayrault, ce n'est pas cela qui est en question. Que vous déposiez des amendements généraux avant l'article 1er, je ne vous l'ai jamais reproché : nous sommes là pour donner des éclaircissements sur tous les sujets. Ce qui est en cause, c'est que vous dites à l'extérieur que vous ne faites pas d'obstruction mais que, dans l'hémicycle, la défense d'un seul de vos amendements vous prenne trois heures, alors que la réponse du Gouvernement ne prend que quelques minutes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
J'ai d'ailleurs du mal à retenir toutes les questions que vous posez. Ce serait beaucoup plus facile si vous présentiez vos amendements les uns après les autres, comme c'est notre tradition parlementaire. Chacun pourrait ainsi discerner la cohérence de notre projet et, le cas échéant, celle du vôtre.
En déposant cent quarante-neuf fois le même amendement, vous faites de l'obstruction. C'est votre droit, mais reconnaissez-le et ne laissez pas l'opinion publique croire que vous le faites uniquement pour obtenir des réponses car ce n'est pas exact. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
MM. Gorce, Terrasse, Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 7075, ainsi rédigé :
« Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
« « La meilleure garantie pour conforter la retraite par répartition et assurer un haut niveau de pension de retraite, est de donner la priorité à la mise en oeuvre des politiques de l'emploi permettant aux jeunes d'accéder à un emploi stable, aux salariés âgés d'avoir la possibilité de continuer à exercer une activité professionnelle et de mettre fin à l'exclusion par l'âge des jeunes et des personnes de plus de cinquante ans de la vie active. »
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Nous voulons, par cet amendement, souligner l'importance que revêt une politique de l'emploi active, notamment en direction des plus jeunes, qui ne sont évidemment pas encore préoccupés par leur retraite, mais qui pourraient l'être ultérieurement.
Le problème du chômage des jeunes est particulièrement inquiétant et la situation, depuis quelques mois, s'est dégradée : plus de 400 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans sont inscrits comme demandeurs d'emploi - soit une augmentation de 8 % en un an -, dont une majorité de jeunes hommes, mais également 200 000 jeunes femmes. Encore ces chiffres ne comprennent-ils pas les jeunes demandeurs d'emploi travaillant à temps partiel et sous contat à durée déterminée.
Or nombre d'eux, n'ayant jamais occupé d'emploi et par conséquent jamais cotisé aux ASSEDIC, ne peuvent prétendre à une indemnisation. Ce sont autant de personnes qui ne cotisent pas à l'assurance vieillesse et ne participent pas au financement des pensions de retraite.
Par ailleurs, parmi les 1,4 millions de salariés employés sur des contrats précaires de courte durée, on compte 300 000 jeunes, c'est-à-dire un quart du total ; la carrière professionnelle de tous ces jeunes connaît évidemment des aléas très importants.
Ce sont autant d'actifs qui ne cotisent pas ou cotisent faiblement au régime d'assurance vieillesse. Ils pourront difficilement prétendre à la retraite à taux plein à l'âge de soixante ans car il est clair qu'ils n'auront pas acquis les quarante annuités nécessaires, et encore moins quarante et une ou quarante-deux. Et, s'ils veulent partir à soixante ans, on le sait, leur pension de retraite sera réduite, en raison de l'application de la décote de 5 %, y compris dans le secteur public.
Nous appelons donc le Gouvernement à prendre des initiatives dans le domaine de l'emploi, plus particulièrement en faveur des jeunes. Les contrats jeunes ne suffisent pas car on observe souvent des effets de vases communicants avec les contrats d'apprentissage ou les contrats de qualification. Nous préconisons par exemple, comme je l'indiquais tout à l'heure, que vous reveniez sur votre décision de supprimer les aides-éducateurs.
M. Guy Geoffroy. Vous êtes seuls responsables de la situation !
M. Gaëtan Gorce. Nous invitons donc le Gouvernement à prendre des mesures favorisant l'emploi des jeunes et leur garantissant la possibilité de partir à la retraite dans de bonnes conditions, le plus tôt possible, et avec le niveau de retraite le plus élevé possible.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Denis Jacquat, vice-président de la commission des affaires culturelles. La commission a émis un avis défavorable. Je me suis d'ailleurs déjà exprimé tout à l'heure lors d'une explication de vote.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Naturellement, je n'ai rien contre les idées qui sont émises dans cet amendement. Mais vous conviendrez avec moi qu'il n'a rien à voir dans un projet de loi. Veut-on écrire des textes de loi applicables, compréhensibles et lisibles par nos concitoyens ? Ou veut-on légiférer en précisant de manière très littéraire tous les objectifs qui doivent être ceux de la loi ? C'est manifestement l'objectif de cet amendement, que je vous demande de rejeter.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Le représentant de la commission et celui du Gouvernement ne sont guère convaincants. M. le ministre vient de critiquer le caractère « littéraire » de cet amendement. Pour le coup, c'est une utilisation « littéraire » de l'adjectif ! Je suppose que ce n'était pas une référence. Parce que son auteur n'a pas vocation à être candidat au Goncourt...
Cela dit, monsieur le ministre, votre projet de loi comporte lui-même de nombreuses références littéraires, comme la « pénibilité du travail ». Vous nous avez expliqué qu'on ne pouvait pas régler cette question dans la loi. Vous en parlez donc. Sans doute pensez-vous, au cours d'une discussion au coin du feu avec M. Seillière... (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), le convaincre de prendre des mesures prenant en compte la pénibilité du travail ?
Par ce projet de loi, vous bouchez aux jeunes l'entrée dans la vie active et vous empêchez les plus âgés de quitter celle-ci. C'est-à-dire que vous prenez des mesures anti-emploi.
Vous avez donc bien quelque chose contre les idées formulées dans la proposition d'amendement qui vous est soumise par nos collègues. Seulement, vous ne pouvez pas le dire. Comment pourriez-vous en effet justifier votre opposition face à l'opinion publique, dans des termes clairement formulés d'une façon littéraire - pour reprendre votre formule ? Ce serait avouer que ce que vous dites avec grande habilité du point de vue sémantique ne correspond pas du tout aux objectifs de votre politique qui, elle, a des effets non pas littéraires mais très réels, qui s'exercent au détriment des jeunes de notre pays.
M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
M. Pascal Terrasse. Même s'il peut être vu comme un simple amendement littéraire, cet amendement s'inscrit parfaitement dans le cadre des articles 1er, 2 et 3 de votre propre projet, qui pourraient être considérés, eux aussi, comme littéraires. A la différence près que cet amendement a pour objet de renforcer toute une série d'articles contenus dans votre texte de loi, notamment les articles 10, 11, 12 et 13, qui permettent de maintenir en activité les personnes qualifiées âgées.
Paradoxalement, et cela a été dit depuis maintenant de nombreuses années, il y a dans notre pays un grand nombre de jeunes qui sont malheureusement privés d'emploi, tandis qu'un grand nombre de personnes de plus de cinquante ans se trouvent en situation de fragilité. Je peux vous en donner des exemples concrets : il semble que l'Agence France presse, qui rencontre quelques difficultés financières, souhaite rapidement mettre en place, avant le 1er janvier prochain, un plan de départs massifs à la retraite. Le même cas de figure se présente pour la Banque de France et pour GIAT. Cela prouve la volonté, qui n'est pas forcément affichée mais qui est réelle, du patronat et du MEDEF, de mettre fin aux contrats de travail des salariés qualifiés âgés.
Il nous paraît donc très important de réfléchir aux modalités qui permettraient aux personnes âgées qualifiées de rester en activité. Le fait de l'indiquer dans le texte de loi aurait le mérite de mettre en évidence le souhait du législateur comme du Gouvernement de garantir l'emploi au moins jusqu'à soixante ans.
Vous le savez, monsieur le ministre, aujourd'hui, près de 50 % des personnes qui partent à la retraite, notamment dans le privé, n'occupaient aucun emploi. Elles étaient dans des situations de chômage ou d'attente. Plutôt que d'allonger la durée de cotisation à quarante-trois ans, comme vous le prévoyez dans votre texte de loi, nous pensons qu'il vaut mieux faire en sorte que les salmariés travaillent réellement jusqu'à soixante ans.
Nous l'avons dit tout au long de ce débat, le système, tel qu'il est proposé ici, met en place une décote. Des personnes qui se retrouveront à 56 ou 57 ans au chômage et qui n'auraient pas les quarante annuités de cotisations, vont connaître une situation précaire, avec un taux de pension très nettement inférieur à celui auquel ils auraient pu aspirer.
Voilà pourquoi nous estimons qu'il serait souhaitable d'inscrire dans le texte, notamment par cohérence avec les articles 10, 11 et 12, l'idée selon laquelle il faut impérativement maintenir les salariés âgés en activité.
(M. le Premier ministre entre dans l'hémicycle, applaudi par les députés du groupe Union pour un mouvement populaire et de l'Union pour la démocratie française.)
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Monsieur Brard, ils nous faut d'abord procéder au vote sur l'amendement en discussion.
Je mets aux voix l'amendement n° 7075.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Jean-Claude Lefort. De peu !
Rappel au règlement
M. le président. Monsieur Brard, votre rappel au règlement porte, je suppose, sur l'ordre du jour et l'organisation de nos débats...
M. Jean-Pierre Brard. Evidemment, monsieur le président. Comment pourriez-vous en douter ? (Sourires.)
M. Patrick Ollier. Et sur quel article ?
M. Jean-Pierre Brard. Sur l'article 58-1 et non sur l'article 58-8, comme tout à l'heure... (Sourires.)
M. le président. Il était bon de le préciser. Vous avez la parole, monsieur Brard.
M. Jean-Pierre Brard. D'abord, en votre nom à tous, mes chers collègues, je souhaite la bienvenue à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Je suppose que sa venue intéresse le déroulement de nos travaux, et que c'est important.
Depuis que vous êtes annoncé, monsieur le Premier ministre, nous nous demandons pourquoi vous allez venir. (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Est-ce pour soutenir M. Fillon ? A l'évidence, il n'en a pas besoin. (« En effet ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Yves Chamard. M. Fillon est très bon !
M. le président. Donc, c'est un compliment...
M. Jean-Pierre Brard. Est-ce pour compter les troupes qui soutiennent votre politique ? Car là, il y a un problème.
M. Michel Delebarre. En effet !
M. Jean-Pierre Brard. A chaque fois que nous avons demandé le quorum, il y avait défaillance ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous n'êtes pas soutenu dans votre politique. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Monsieur Brard...
M. Patrick Ollier. Quel rapport avec un rappel au règlement ?
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Ollier, vous m'avez donné des leçons sur la façon dont on fait des rappels au règlement, surtout mal à propos ! (Rires.) Vos remarques sont donc particulièrement déplacées. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Monsieur Brard, je vous en prie. Poursuivez.
M. Jean-Luc Warsmann. Il n'y a pas le quorum au groupe communiste.
M. Charles Cova. Avec trois députés communistes ...
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je ne pensais pas que M. le Premier ministre allait arriver maintenant.
M. Jean-Yves Chamard. Il vient quand il veut !
M. Jean-Pierre Brard. Cela dit, c'est très important pour le déroulement de nos travaux. Lisez donc les titres du célèbre journal de l'après-midi qu'est Le Monde. C'est Apocalypse now : après le démantèlement de notre régime de retraite par répartition, on nous annonce celui de la santé, de EDG, de GDF, etc.
M. le Premier ministre est un peu le chef d'une grande entreprise. Mais d'une entreprise de démolition ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous aimerions donc connaître les prochains chantiers prévus, pour que notre peuple soit informé. Nous aimerions que vous placiez en perspective ce qui se fait sur les retraites par rapport aux autres mauvais coups que vous préparez. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Patrick Ollier. Je ne vois pas le rapport avec un rappel au règlement !
M. Pierre Cardo. Monsieur le président, M. Brard se fait plaisir. Demandez-lui de se taire !
M. le président. Merci, M. Brard.
Monsieur le Premier ministre, j'avais l'intention de lever cette séance, de façon que, dans le temps qui nous sépare de la prochaine séance, les groupes puissent organiser leur travail. Car ce débat est important et sa qualité nous importe. Je voulais le faire avant que nous n'abordions d'autres séries de blocs d'amendements que ceux qui nous ont occupés cet après-midi. Bien entendu, votre présence ...
M. Patrick Lemasle. Nous honore !
M. le président. Certes. Mais elle m'amènera peut-être à modifier mes intentions.
M. Patrick Lemasle. Il veut retirer le texte !
M. le président. Si vous voulez intervenir, monsieur le Premier ministre, vous avez la parole.
M. Jean-Pierre Brard. Il n'est pas venu pour rien.
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Ne changez rien à ce que vous avez prévu, monsieur le président.
M. le président. Monsieur le Premier ministre, n'y voyez aucun signe à votre égard,...
M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas une visite de courtoisie.
M. le président. ... mais je vais lever cette séance, comme je l'avais prévu auparavant.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE
M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 885, portant réforme des retraites :
M. Bernard Accoyer, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 898) ;
M. François Calvet, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis n° 895) ;
M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (avis n° 899) ;
Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information n° 892).
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)
Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 2e séance
du vendredi 13 juin 2003
SCRUTIN (n° 166)
sur les amendements n° 557 de M. Bascou, n° 558 de M. Bataille, n° 559 de M. Bateux, n° 561 de M. Besson, n° 562 de M. Bianco, n° 569 de M. Bonrepaux, n° 572 de Mme Bousquet, n° 573 de M. Brottes, n° 584 de M. Cocquempot, n° 591 de M. Delebarre, n° 597 de M. Dosière, n° 601 de M. Dufau, n° 604 de M. Durand, n° 614 de Mme Génisson, n° 618 de M. Gorce, n° 622 de M. Habib, n° 638 de M. Le Déaut, n° 641 de M. Jean-Marie Le Guen, n° 643 de Mme Lebranchu, n° 651 de M. Loncle, n° 657 de M. Mathus, n° 658 de M. Mesquida, n° 663 de M. Nayrou, n° 664 de M. Néri, n° 688 deM. Terrasse, n° 692 de M. Valls, n° 694 de M. Vidalies et n° 696 de M. Vuilque avant l'article premier du projet de loi portant réforme des retraites (garantie du système de retraite par répartition au moyen de la mise en oeuvre d'un pacte national pour l'emploi).
Nombre de votants
168
Nombre de suffrages exprimés
168
Majorité absolue
85
Pour l'adoption
54
Contre
114
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
Groupe U.M.P. (364) :
Contre : 112 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
Pour : 54 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22).
Non-inscrits (12).
|