ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES
JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 18 JUIN 2003
COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du mardi 17 juin 2003
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ
1. Réforme des retraites. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».
DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 3 (suite) «...»
MM. Gaëtan Gorce, Maxime Gremetz, Pascal Terrasse, Michel Vergnier, Bernard Roman.
Amendements de suppression n°s 3353 à 3359 : MM. Daniel Paul, Jacques Desallangre, André Chassaigne.
Rappel au règlement «...»
MM. Maxime Gremetz, le président.
Suspension et reprise de la séance «...»
Reprise de la discussion «...»
MM. Maxime Gremetz, Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire ; Jacques Desallangre. - Rejet, par scrutin, des amendements n°s 3354, 3356 et 3358.
Amendements n° 3028 de M. Terrasse : MM. Pascal Terrasse, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques n°s 995 à 1143 : Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. René Dosière, Michel Lefait, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Michel Charzat, Augustin Bonrepaux, Mme Danielle Bousquet, M. François Brottes, Mmes Nathalie Gautier, Paulette Guinchard-Kunstler, M. le président.
Rappel au règlement «...»
MM. Jean-Marc Ayrault, le président.
Reprise de la discussion «...»
MM. Serge Janquin, Bruno Le Roux, Alain Vidalies, Bernard Roman, Manuel Valls, Mme Marie-Renée Oget, MM. Didier Mathus, Christophe Masse, Mme Catherine Génisson, MM. Pierre Cohen, Jean-Paul Bacquet, Jean-Marie Aubron, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. le rapporteur, le ministre, Michel Bouvard, Marcel Dehoux, le ministre, Jean-Marc Ayrault. - Rejet, par scrutin, des amendements n°s 1070, 1044, 1091, 1030, 1028, 1016, 1019, 1060, 1068, 1075, 1089, 1141, 1139, 1104, 1103, 1061, 1032, 1000, 998, 1119.
Amendements n° 3020 de Mme David : M. Gaëtan Gorce.
Rappel au règlement «...»
MM. Jean-Claude Lefort, le président.
Reprise de la discussion «...»
M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Rejet de l'amendement n° 3020.
Amendement n° 3021 de M. Durand : MM. Pascal Terrasse, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 3022 de Mme Génisson : Mme Catherine Génisson, MM. le rapporteur, le ministre, Julien Dray. - Rejet.
Amendements identiques n°s 3367 à 3373 : MM. Jean-Claude Sandrier, Jacques Desallangre, André Chassaigne, Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements n°s 3367, 3368, 3370 et 3372.
L'amendement n° 80 de Mme Billard n'est pas soutenu.
Amendements identiques n°s 1144 de la commission des affaires culturelles et 3360 à 3366 : MM. le rapporteur, Daniel Paul, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article 3 modifié.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2. Dépôt de rapports «...».
3. Dépôt de projets de loi adoptés par le Sénat «...».
4. Communication relative à la consultation d'assemblées territoriales de territoires d'outre-mer «...».
5. Ordre du jour des prochaines séances «...».
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
RÉFORME DES RETRAITES
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites (n°s 885, 898).
Discussion des articles (suite)
M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits sur l'article 3.
Article 3 (suite)
M. Le président. Je rappelle les termes de l'article 3 :
« Art. 3. - Les assurés doivent pouvoir bénéficier d'un traitement équitable au regard de la retraite, quelles que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils dépendent. »
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, monsieur le ministre de la fonction publique, l'article 3 reprend plusieurs principes, mais mon intervention portera essentiellement sur celui de l'égalité de traitement.
Il est évidemment souhaitable qu'une réforme des retraites prenne en compte les conditions de travail des salariés du public comme du privé. Ainsi que de nombreux intervenants l'ont souligné avant moi, cette prise en considération suppose que la question de la pénibilité soit abordée de manière précise. Il est en effet évident que le problème de la durée de cotisation ne devrait pas pouvoir être abordé sans être lié à la question de la pénibilité. Nous considérons même qu'elle doit, sinon constituer un préalable, du moins être un élément majeur de la négociation sur la durée de cotisation.
La prise en compte de la pénibilité suppose évidemment que l'on identifie des critères pour la qualifier. Cela relève de la négociation, mais il aurait été souhaitable que le Gouvernement nous indique, au cours de la discussion, quels sont, à ses yeux, les critères de pénibilité. Il faudrait aussi savoir qui participerait au financement des mesures qui auraient des conséquences directes sur la date, sur l'âge du départ en retraite, ou sur le montant de la pension.
Il conviendrait également que nous connaissions le type de mesures que l'on veut prendre. S'agira-t-il de bonifications, de départs anticipés, de validations supplémentaires pour augmenter les droits des salariés ?
Il serait judicieux que le Gouvernement nous donne des indications sur sa position sur ces différents sujets, même s'il appartiendra à la négociation de trancher.
Je le répète : l'égalité de traitement passe à l'évidence par cette prise en compte de la question de la pénibilité. Au lieu d'opposer les salariés en fonction de leur statut - public ou privé - il serait plus opportun de regarder la réalité des métiers et d'en tenir compte pour décider des durées de cotisation et des avantages, ou des désavantages, qui peuvent y être liés.
Cela étant cette question d'égalité de traitement ne se résume pas aux problèmes d'âge ou de pénibilité, elle se pose aussi en termes de catégories professionnelles et au regard de la situation dans laquelle se trouvent les futurs retraités dans leur carrière professionnelle. Il nous semble nécessaire d'aller le plus loin possible pour couvrir les aléas de carrière professionnelle, qu'il s'agisse des chômeurs non indemnisés, pour lesquels aucune validation ne peut intervenir, des personnes au RMI et sans activité, ou des stagiaires de l'insertion professionnelle.
Chacun sait que, de plus en plus, les salariés ont des parcours heurtés, notamment en début de carrière. Ainsi les jeunes risquent d'être les premières victimes de mesures d'allongement de la durée de cotisation si l'on ne prend pas en compte ces différents éléments.
Je sais bien que, dans votre texte, vous évoquez notamment la possibilité de racheter des années d'études, par exemple pour tenir compte du fait que certains entrent plus tardivement dans une activité professionnelle. Mais quid de ceux qui sont entrées tard dans la vie professionnelle, non pas parce qu'ils ont poursuivi des études, mais parce qu'ils ont été victimes du chômage ? Or ces périodes de chômage initial qui ont pourtant constitué leur entrée dans la vie active, n'ont jamais été prises en compte au titre des retraites.
Toutes ces questions sur lesquelles j'ai tenu à insister sont fondamentales dans le cadre du débat que nous engageons. Nous aurons l'occasion d'y revenir au long de l'examen des différents amendements que nous avons déposés. Elle me paraissent centrales et mériter de tenir toute leur place dans la discussion que nous allons avoir ce soir.
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Je suis heureux de voir que M. Delevoye - presque un voisin ! - a remplacé ce soir M. Fillon, car je peux lui indiquer, au moment où l'on parle beaucoup de modernité, que le Gouvernement n'est pas moderne du tout ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Gabriel Biancheri. Et le parti communiste, est-il moderne ?
M. Maxime Gremetz. En effet, il y a cinquante ans le gouvernement Laniel s'assignait déjà deux objectifs : réduire les charges publiques et réformer les structures économiques. Un article de l'époque avait d'ailleurs indiqué : « De tous les décrets-lois, ceux qui auront fait le plus de bruit sont ceux qui ont trait au personnel de l'Etat et des entreprises publiques. Pourtant, ils n'apportent que peu de changements au régime des retraites, tout au moins en ce qui concerne les fonctionnaires. Un recul de deux ans de la limite d'âge paraît justifié par l'évolution démographique. » Comme quoi, l'évolution démographique était déjà supposée poser de terribles problèmes ! Comme quoi les recettes préconisées étaient déjà les mêmes.
Heureusement, quelques millions de personnes sont descendues dans la rue et, comme je l'ai rappelé hier soir, ce gouvernement a eu la sagesse de retirer le décret-loi en cause parce qu'il était contesté par la grande majorité des salariés. De ce point de vue, le Gouvernement serait bien inspiré de tenir compte de cette demande légitime des salariés d'être consultés. En effet, 65 % des gens estiment qu'il faut négocier avec les organisations syndicales ; une nouvelle étude d'opinion diffusée cet après-midi montre même que 54 % des Françaises et des Français pensent que cette réforme ne va rien régler au problème du financement des retraites et ne permettra pas d'assurer leur avenir.
M. Manuel Valls. Eh non !
M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Que disaient les sondages la veille du 21 avril 2002 ?
M. Maxime Gremetz. Les Français sont très lucides. Ne nous parlez donc pas de modernité, alors que vous essayez d'appliquer de vieux remèdes. Face au problème démographique - qu'il ne faut pas nier, mais qu'il ne faut pas exagérer non plus - vous ne proposez qu'une solution : l'accroissement du nombre des années de cotisation. Mais faire travailler les gens plus longtemps, est-ce vraiment la solution, alors que nous avons trois millions de chômeurs, trois millions et demi d'emplois précaires et intérimaires, plus de deux millions de personnes travaillant à temps partiel, le plus souvent subi ? Comment pouvez-vous penser qu'il est souhaitable de faire travailler des gens jusqu'à soixante-cinq, voire soixante-sept ans alors que le taux de chômage est très élevé ?
Par ailleurs, vous parlez d'équité en indiquant que, en la matière, c'est la retraite à soixante ans pour tout le monde. Mais encore faut-il pouvoir atteindre le nombre d'annuités requis. Et s'il est vrai que chacun aura le droit de prendre sa retraite à soixante ans, ceux qui n'auront pas rempli les conditions relatives aux années de cotisation ne percevront que des pensions bien minimes.
Quant à la prise en compte des travaux pénibles, cela dépendra du bon vouloir des employeurs, en fonction d'une négociation qui devra avoit lieu dans les trois ans. Je relève d'ailleurs que votre projet de loi ne contient pratiquement rien sur la retraite anticipée, qui était un acquis.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Je n'ai pas épuisé mon temps de parole, monsieur le président !
M. le président. Si !
M. Maxime Gremetz. Déjà ? Ce n'est pas possible ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Gremetz, on ne s'en lasse pas, mais c'est tout de même fini. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je suppose que vous aurez d'autres occasions de vous exprimer !
M. Maxime Gremetz. Je termine ma phrase, monsieur le président.
M. le président. Oui, finissez.
M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur le fait que ce projet de loi ne prévoit rien en ce qui concerne un acquis pour l'instauration duquel nous nous étions battus - la retraite anticipée - en particulier pour les gens qui ont été exposés à l'amiante...
M. Dominique Tian. Ce n'est plus une phrase, c'est du Proust !
M. Maxime Gremetz. ... et j'en parle en connaissance de cause.
M. le président. Si vous trouvez qu'il n'y a rien dans le projet de loi, vous mettez bien longtemps pour le dire. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
La parole est à M. Pascal Terrasse.
M. Bruno Gilles. Il est toujours là, lui !
M. Pascal Terrasse. L'article 3 pose le problème de l'équité et je voudrais l'aborder sous l'angle de l'articulation des temps professionnels tout au long de la vie. Il conviendrait notamment de rechercher comment modifier l'attitude des entreprises à l'encontre de celles et ceux qui ont exercé des métiers pénibles et arrivent en fin de carrière.
On constate en effet, depuis de nombreuses années, que la cessation d'activité en fin de carrière intervient de plus en plus tôt, en particulier parce que les travailleurs qualifiés âgés se retrouvent très souvent mis à la porte entre cinquante ans et soixante ans. Par ailleurs quand la plupart de ces personnes commencent à percevoir une pension de retraite à partir de soixante ans, elles sortent soit d'une période de chômage, soit d'une situation d'attente, soit du bénéfice de mesures d'accompagnement.
C'est pourquoi il faut poser non seulement la question de la durée de cotisation, mais aussi celle de la durée d'activité. Au lieu de vouloir allonger impérativement la durée d'activité au-delà de soixante ans, il vaudrait mieux mettre en évidence l'avantage qu'il y aurait, dans notre pays, à permettre à des salariés qualifiés âgés d'avoir un emploi jusqu'à soixante ans.
Ce qui se passe actuellement dans certaines entreprises, notamment publiques, m'amène à profiter de la présence du ministre qui est en charge de la fonction publique, pour lui donner quelques exemples très précis.
Ainsi, les salariés de la Banque de France ont manifesté aujourd'hui même pour dire qu'ils souhaitaient rester en activité au moins jusqu'à soixante ans. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Michel Bouvard. Oh ! Voilà des malheureux qui ont bien besoin d'être défendus !
M. Manuel Valls. Les masques tombent !
M. Bruno Le Roux. Vous fermez les agences !
M. Michel Bouvard. C'est vous qui avez voté la suppression de la Banque de France !
M. Pascal Terrasse. Je pense aussi aux suppressions d'emplois et aux départs anticipés au sein de GIAT Industries ; mes collègues de la Loire en savent quelque chose.
Plus récemment, je lisais une dépêche de l'AFP concernant ses propres salariés menacés, semble-t-il, par un plan de licenciement, lequel concernerait essentiellement les salariés âgés et qualifiés.
L'Etat devrait impérativement montrer l'exemple s'agissant de l'employabilité jusqu'à soixante ans. Or tel n'est pas le choix du Gouvernement. Comment, dès lors, demander aux entreprises de permettre à des salariés d'accéder à l'emploi au-delà de cinquante ans ?
Cette question renvoie à la problématique de la cessation progressive d'activité. A cet égard, il y a une divergence entre votre projet et ce que nous proposons, car, si nous considérons que l'âge couperet de soixante ans peut être revu, nous estimons que, pour certains salariés, il est indispensable d'aménager des postes et des temps de travail dès quarante ou quarante-cinq ans. Pourquoi tient-on absolument dans notre pays, à l'instar de ce qui se passe en Suède ou en Finlande, à obliger des salariés de plus de cinquante ans à poursuivre une activité de type 3 x 8 ? Sur ce point particulier, on pourrait imaginer une cessation d'activité professionnelle...
M. André Schneider. A quarante ans !
M. Pascal Terrasse. ... qui serait progressive.
Comme nous l'avons fait pour la mise en place des 35 heures, il devrait être possible d'envisager, pour certains salariés, un passage progressif à la retraite.
M. Dominique Dord. Vous imaginez trop tard ! Il fallait imaginer quand vous étiez au pouvoir !
M. Pascal Terrasse. Ce passage progressif permettrait notamment de mieux former des jeunes entrant dans l'activité professionnelle, par exemple, ou de redéployer ces salariés âgés au sein de l'entreprise sur des postes nouveaux. Finalement, ce dispositif de préretraite choisie et progressive...
M. Dominique Dord. Excellent !
M. Pascal Terrasse. ... est un peu nouveau par rapport à votre démarche.
M. Dominique Dord. C'est surtout nouveau pour vous !
M. Pascal Terrasse. Vous avez souhaité arrêter les cessations progressives d'activité, les préretraites.
M. Michel Bouvard. C'est ce que vous avez signé à Barcelone !
M. Pascal Terrasse. Au lieu de nous reprocher de ne pas avoir réformé les retraites...
M. le président. Monsieur Terrasse, je vous demanderai de bien vouloir conclure.
M. Pascal Terrasse. J'ai été interrompu, monsieur le président.
M. le président. J'ai tenu compte des interruptions, monsieur Terrasse, comme à la boxe.
M. Dominique Tian. Il est KO !
M. Pascal Terrasse. Je termine, monsieur le président. Les députés de la majorité seraient mieux inspirés de regarder ce qui se passe chez eux aujourd'hui.
M. Dominique Dord. Regardez chez vous d'abord !
M. Pascal Terrasse. Quand des pans entiers de l'économie licencient, il serait plus utile qu'ils regardent dans quelle mesure on pourrait passer du temps de l'activité à une cessation progressive d'activité. Voilà ce que nous souhaitons défendre à l'occasion de l'examen de l'article 3. Nous allons y revenir dans un moment.
M. Dominique Dord. C'est un peu compliqué !
M. Pascal Terrasse. C'est compliqué pour vous !
M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.
M. Michel Vergnier. Monsieur le ministre, je voudrais, à ce moment du débat où l'on parle d'équité, faire part de quelques réflexions qui ne sont pas techniques mais partent du vécu. Comme chacun d'entre vous, je visite régulièrement des entreprises. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. ) Mes chers collègues, je crois que nous pouvons nous écouter tranquillement.
M. Pascal Terrasse. Prends ton temps, Michel.
M. Michel Vergnier. Dans les cinq minutes dont je dispose, j'ai un certain nombre de choses à dire qui devraient vous sensibiliser aux problèmes rencontrés dans la réalité.
M. Dominique Dord. Nous sommes insensibles !
Michel Vergnier. Vous parlez de pénibilité. Citez-moi un travail qui ne soit pas pénible ! Ce sera peut-être plus facile à faire que l'inverse.
M. Pascal Terrasse. Député de la majorité, ce n'est pas pénible ! Il ne fait rien. (Sourires.)
M. André Schneider. Nous voulons des excuses. (Sourires.)
M. Michel Vergnier. Lorsque j'étais rapporteur de la commission d'enquête sur l'ESB, j'ai visité des usines d'équarrissage. Je vous invite à aller voir dans quelles conditions travaillent les gens sur les cadavres d'animaux. Et vous voulez leurs rajouter un an ou deux de cotisation !
M. Bernard Deflesselles. C'est dramatique !
M. Michel Vergnier. J'ai visité récemment une entreprise de couturières qui travaille dans la lingerie : soixante personnes alignées dans une pièce, avec autant de marchines à coudre qui crépitent, des protections sur les oreilles pour pouvoir supporter le bruit. Vous voulez leur ajouter un an ou deux !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est minable comme argument. On ne peut pas écouter cela !
M. Jean-Claude Lefort. Les députés de la majorité rigolent !
M. Michel Vergnier. J'irai jusqu'au bout, même si cela ne vous intéresse pas, chers collègues !
M. Dominique Dord. Vous découvrez la vie !
M. Michel Vergnier. Les 3 x 8 : pendant quinze jours, cinq heures du matin-treize heures ; les quinze jours suivants : treize heures-vingt et une heures ; les quinze jours suivants : vingt et une heures-cinq heures du matin. Tout cela à la production !
M. Dominique Dord. Il faut sortir plus souvent. Ce n'est pas nouveau.
M. Edouard Landrain. Cela fait des dizaines d'années que cela dure !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
M. Michel Vergnier. Mais vous, vous voulez leur rajouter un an ou deux d'activité !
M. Dominique Dord. Eh bien oui ! Vous avez une autre solution ?
M. le président. Monsieur Dord, je vous en prie, la soirée va être longue !
M. Dominique Dord. Mais ils n'écoutent pas !
M. Bruno Le Roux. Ce n'est pas ce genre de personnes que vous rencontrez dans vos permanences, messieurs de la majorité !
M. le président. Monsieur Le Roux !
M. Michel Vergnier. Voilà une première différence. Alors que le travail est déjà difficile au point que, très souvent, les travailleurs finissent en arrêt de longue maladie, vous voulez leur rajouter un ou deux ans.
A travers notre débat, vous avez pu vous rendre compte que l'on pourrait trouver un système de financement différent de la simplification que vous proposez...
M. Bernard Deflesselles. Lequel ?
M. Michel Vergnier. ... puisque même vos experts en proposent d'autres.
Essayons de réfléchir ensemble à tout cela. La pénibilité sera le lot de 90 % des métiers. Dites-nous quels métiers vous ne trouvez pas pénibles. A mon avis, vous allez avoir quelques difficultés à moins qu'une fois de plus, vous ne choisissiez comme cibles ceux que vous préférez, c'est-à-dire les fonctionnaires qui, pour vous, ne font pas grand-chose.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Monsieur le président, ce qu'il dit est insupportable !
M. Michel Vergnier. Comme vous ne voulez pas modifier l'assiette, vous proposez d'allonger la durée de cotisation, y compris pour les travaux difficiles.
Avant de parler d'équité, regardez ce que signifie le mot et rendez-vous compte de ce qu'est le travail pénible. Franchement, je n'irai pas défendre devant les travailleurs que j'ai cités l'augmentation de la durée des cotisations, ni en 2005, ni en 2006, ni en 2008, ni en 2010. Le travail est suffisamment pénible pour que, à soixante ans, et même avant, on puisse jouir d'une retraite bien méritée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Daniel Paul. Très bien !
M. Jean-Marc Lefranc. Les communistes de soixante ans à la retraite !
M. Dominique Dord. Nous avons eu de grandes leçons !
M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.
M. Bernard Roman. L'article 3 précise que « les assurés doivent pouvoir bénéficier d'un traitement équitable au regard de la retraite, quelles que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils dépendent ». Comme pour l'article 1er et pour l'article 2, la majorité assène une affirmation de principe qui n'engage finalement que ceux qui la croient. Tout l'objet de ce débat est justement de monter qu'il y a là une forme de pari qui risque de se retourner à terme contre ceux qui auraient la faiblesse d'y croire.
Pour être crédible, cette affirmation devrait pouvoir s'appuyer sur un projet qui soit réellement financé - or le vôtre ne l'est pas -, qui soit réellement pérenne - or le vôtre ne l'est pas -, et dont la mise en oeuvre ne remette pas en cause les affirmations des ministres en charge de cette question, selon lesquelles le niveau des pensions resterait identique pour un an ou deux ans de cotisation et la retraite à soixante ans ne serait pas mise en cause. Or tout cela est faux ! Et nous ne cessons depuis une semaine aujourd'hui...
M. Bernard Deflesselles. Oh oui !
M. Bernard Roman. ... de tenter de le démontrer.
M. Dominique Dord. Avec peine !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Monsieur le président, ces mises en cause sont inadmissibles de la part d'un ami de Martine Aubry !
M. Bernard Roman. Je dois dire d'ailleurs que, au-delà des rumeurs, légitimes dans un hémicycle comme le nôtre, le silence assourdissant des ministres et du rapporteur, sur certains points précis, est tout à fait significatif et propre à susciter l'inquiétude que je note aujourd'hui. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour une mouvement populaire.)
Le projet que vous nous soumettez n'est pas financé. Et ce ne sont pas les explications laborieuses de M. Fillon, prétendant que le financement est déjà assuré à 43 % et que le reste viendra de la baisse des cotisations chômage liée à une politique de l'emploi qui ferait diminuer le chômage - excusez du peu ! - de 50 % dans notre pays, qui pourront convaincre les salariés d'aujourd'hui... qui seront les retraités de demain.
En effet, mes chers collègue, si l'objectif du Gouvernement est bien de nous faire croire qu'il n'y a pas de vraie réforme des retraitres sans le levier puissant d'une politique volontariste en matière d'emploi, pourquoi s'apprête-t-il d'ici à quelques jours à signer le plus grand plan de licenciement jamais vu dans notre pays, qui se soldera par la mise à la rue de 30 000 emplois-jeunes qui travaillent dans l'éducation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Bruno Le Roux. Voilà la vérité !
M. Augustin Bonrepaux. Oui !
M. Bruno Gilles. C'est inadmissible d'entendre des choses pareilles !
M. Dino Cinieri. Monsieur Roman, vous êtes un démago !
M. Michel Bouvard. C'est une honte ! C'est l'ancienne majorité qui a fixé l'échéance !
M. le président. Mes chers collègues, calmez-vous ? Si vous continuez à interrompre M. Roman, je vais prolonger son temps de parole... (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Soyez dur, monsieur le président !
M. Dominique Dord. Les propos de M. Roman sont renversants, monsieur le président !
M. Dino Cinieri. Nous allons imiter le silence assourdissant des ministres !
M. Bernard Roman. Monsieur le président, j'en appelle à votre indulgence envers les députés de l'UMP.
M. le président. Non !
M. Bernard Roman. N'est-il pas normal qu'ils réagissent quand on les touche là où ça fait mal ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Comment nier que 30 000 jeunes qui travaillent aujourd'hui dans l'éducation nationale perdront leur emploi le 30 juin prochain ?
M. Dino Cinieri. A cause de vous !
M. Bernard Roman. C'est une réalité objective ! Le Gouvernement assume d'ailleurs avec fierté, comme le fait le président du MEDEF, l'assouplissement, ou plutôt la suppression, des 35 heures !
M. Dino Cinieri. Quelle mauvaise foi !
M. Bernard Roman. Comment nier que toute votre politique en matière d'emploi, bien que vous vous fixiez pour objectif de baisser de 50 % le chômage, comment nier que tout ce que vous avez fait...
M. Robert Lamy. Et, vous, tout ce que vous n'avez pas fait !
M. Bernard Roman. ... et notamment la loi de modernisation sociale,...
M. Dino Cinieri. Et vous, pendant cinq ans, qu'avez vous fait ?
M. le président. Monsieur Cinieri, calmez-vous !
M. Bernard Roman. ... conduit à des plans de licenciement financiers massifs dans de nombreuses entreprises ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous ne pouvez, dans ces conditions, vous présenter devant les Français...
M. Jean-Marc Lefranc. Nous y sommes allés, nous !
M. Bernard Roman. ... en affirmant que ce plan sera financé par une politique de l'emploi alors que vous menez une politique contraire à celui-ci. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Je suis saisi des amendements identiques n°s 3353 à 3359.
L'amendement n° 3353 est représenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement 3354 est présenté par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 3355 est présenté par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 3356 est présenté par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 3357 est présenté par MM. Jacquaint, Varès et Hage ; l'amendement n° 3358 est présenté par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 3359 est présenté par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
Ces amendements sont ainsi rédigés :
« Supprimer l'article 3. »
La parole est à M. ...
M. Maxime Gremetz. Daniel Paul.
M. le président. ... Daniel Paul.
Merci, monsieur Gremetz, de me souffler le nom de M. Paul, mais je le connais bien. Nous sommes de la même région...
M. Daniel Paul. ... de part et d'autre de la Seine.
M. le président. Tout à fait. Cela crée des solidarités ! (Sourires.)
M. Daniel Paul. Quand je suis au Havre et que je regarde Paris, je vous vois à droite et moi je suis à gauche.
M. Bruno Le Roux. D'un côté, il y a les Groseille...
M. le président. Vous avez la parole, monsieur Paul.
M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, « équité » est un nom féminin qui correspond à la justice naturelle ou morale, indépendamment du droit en vigueur. « Egalité » est aussi un nom féminin qui correspond au rapport entre individus, citoyens égaux en droits et soumis aux mêmes obligations. Telles sont les définitions données par le dictionnaire des deux concepts qui s'opposent, malgré leur origine commune, dans la rédaction de l'article 3 du présent projet de loi.
En promouvant l'équité dans le traitement du droit à la retraite, on situe en fait, pour le plus grand nombre, l'exercice de ce droit sous l'angle d'une forme de morale sociale, qui se rapproche quelque peu de la charité publique.
Dans les faits, ce qui imprégne assez profondément encore les termes de cet article est la conception anglo-saxonne étroite du Welfare State, la retraite étant conçue comme un minimum vital, alors qu'elle ne peut pas et ne doit pas se regarder par rapport à chaque individu, mais vis-à-vis de la collectivité dans son ensemble, celle constituée par les salariés en activité et ceux ayant achevé leur période d'activité.
M. Dominique Tian. C'est du Marx !
M. Daniel Paul. L'article 3 nie également la spécificité de certains régimes de retraite, et cela disqualifie d'autant plus la notion d'équité dont il est porteur.
On se situe, en fait, si l'on y réfléchit un peu, dans la démarche suivante. Vous avez, d'un côté, des sommes collectées par le biais des cotisations, au travers des modalités actuelles de perception, une part importante desdites cotisations étant d'ailleurs aujourd'hui acquittées par l'Etat en lieu et place des entreprises.
M. Dominique Tian. Vous nous lisez un Que sais-je ? sur les retraites ?
M. Daniel Paul. Vous avez, de l'autre, des retraités, dont certains ont le mauvais goût de vouloir bénéficier de l'allongement de la durée de la vie. Et vous mettez, sur le plan comptable, les deux forces en présence, en faisant accepter aux uns l'augmentation des prélèvements et aux autres la réduction du montant des prestations servies.
Telle est la conception générale qui sous-tend pour l'essentiel l'article 3 de votre projet. Et cela vaut pour tous les régimes auxquels les gens ont pu être rattachés. Permettez-moi à ce sujet quelques observations.
S'agit-il, une fois encore, de traduire dans la loi le principe de compensation entre régimes, qui assure, par exemple, l'équilibre du régime agricole au moyen de larges ponctions opérées sur les régimes de fonctionnaires, notamment celui des agents de la fonction publique territoriale, et utilise le régime général pour permettre aux régimes de non-salariés de faire face à la réduction continuelle du nombre de leurs cotisants ? Nous estimons, pour notre part, que la spécificité des régimes de retraite doit être maintenue.
Elle ne rompt pas, au demeurant, le principe d'égalité entre les retraités, le niveau des prestations étant, par nature, fixé en fonction de paramètres tout à fait admissibles.
S'il importe que, dans certains cas, l'argent public intervienne pour assurer la pérennité de certains régimes en difficulté, cela ne doit pas se faire, comme c'est aujourd'hui encore trop souvent le cas, au détriment de la solidarité entre salariés, par des ponctions plus ou moins autoritaires sur les « magots » dont disposeraient telle ou telle caisse de retraite.
Nous ne sommes donc pas favorables à la répartition équitable de la misère à laquelle semble tendre la rédaction de cet article 3 et que met en lumière le contenu de la suite du projet de loi.
C'est donc tout à fait naturellement que nous vous invitons à voter cet amendement de suppression de l'article 3.
M. le président. D'autres signataires des amendements souhaitent-ils prendre la parole ?
M. Maxime Gremetz. Bien sûr ! (« Allez Gremetz ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Bernard Accoyer, rapporteur. M. Gremetz n'est pas inscrit !
M. le président. Si, il l'est.
M. Maxime Gremetz. Je ne comprends pas pourquoi les députés de la majorité sont si excités ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ont-ils besoin d'une suspension de séance ?
M. le président. Monsieur Gremetz, je vous en prie.
La parole est à M. Jacques Desallangre.
M. Jacques Desallangre. Vous prétendez résoudre le problème de financement des retraites et, pour cela, vous désignez comme coupables les fonctionnaires. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Bruno Le Roux. Voilà !
M. Bernard Roman. Il faut qu'ils s'expliquent là-dessus !
M. Jacques Desallangre. Mais vous ne proposez rien pour les salariés du régime général, sinon d'allonger d'un, de deux, voire de trois ans la durée de leurs cotisations, ce qui n'apportera aucune réponse réelle au déséquilibre financier de la caisse nationale d'assurance vieillesse. Votre réforme concerne les caisses de l'Etat, mais pas la retraite des salariés.
Permettez-moi de vous dire qu'il y a tromperie sur la marchandise ! Allonger la durée de cotisation des fonctionnaires n'équilibrera jamais le régime général, car, malgré l'existence de mécanismes de compensation, il n'y a pas de fongibilité des régimes. Vous n'apportez pas une bonne réponse à la bonne question. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, puisque M. Gremetz l'a désigné.
M. Maxime Gremetz. Je ne l'ai pas désigné : il est inscrit !
M. Dominique Tian. M. Gremetz est un apparatchik !
M. le président. M. Chassaigne n'avait pas l'intention de parler : il se levait pour partir...
Monsieur Chassaigne, vous avez la parole.
M. André Chassaigne. Monsieur le président, chers collègues, je voudrais pour défendre cet amendement de suppression de l'article 3, relatif au traitement équitable, évoquer le cas d'un privilégié.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ah !
M. André Chassaigne. Ce privilégié bénéficie d'une retraite à cinquante-cinq ans. Il gagne, selon son ancienneté, entre 1 500 et 1 800 euros par mois.
M. Augustin Bonrepaux. Ça fait beaucoup !
M. Dominique Tian. Il travaille à La Poste !
M. André Chassaigne. Ce privilégié a aussi, selon les statistiques, une espérance de vie inférieure de sept ans à celle des cadres supérieurs. Il est très souvent éloigné de sa famille car il a énormément de déplacements : il s'agit d'un agent commercial de la SNCF. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il s'agit d'un contrôleur.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il n'est pas concerné par le texte !
M. André Chassaigne. Ce contrôleur, ce privilégié, je l'ai eu au téléphone tout à l'heure et je lui ai demandé de me parler de sa journée de travail.
Il m'a expliqué qu'il partait souvent avec un train de nuit à minuit.
M. Dominique Dord. Il n'est pas touché par la loi !
M. André Chassaigne. Cela vous gêne vraiment que l'on évoque des cas précis ! C'est révélateur ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Denis Jacquat. Vous êtes hors sujet !
M. André Chassaigne. Au moment de partir, ce privilégié...
Plusieurs députés du groupe de l'union pour un mouvement populaire. Il n'est pas concerné par le projet de loi !
M. le président. Chers collègues, nous allons passer une partie de la nuit ensemble. Je vous demanderai donc de recouvrer un peu de calme.
M. Chassaigne a seul la parole !
Veuillez poursuivre, monsieur Chassaigne, ne vous laissez pas déstabiliser...
M. André Chassaigne. Oh, mais pas du tout !
M. le président. Je suis là pour vous aider. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. André Chassaigne. J'en étais au départ à minuit de mon privilégié...
M. le président. Oui, c'est ce qui m'inquiète un peu ! (Rires.)
M. André Chassaigne. ... Il arrive à Paris à six heures.
Là, nouvelle contrainte de travail : c'est dans un foyer qu'il devra dormir, avec 100 à 150 agents (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et un va-et-vient incessant. Il en repartira à seize heures.
M. Dominique Tian. Quand, avez-vous dit ? Sera-t-il à l'heure ?
M. André Chassaigne. Nouvel arrêt à dix-huit heures, nouveau départ à vingt et une heures trente. Il arrivera à Clermont-Ferrand à minuit. (Rires et exclamations sur les mêmes bancs.) A la fin de son service, il disposera de quarante-cinq minutes pour rendre ses comptes, pour boucler les opérations de versement, de recettes, de billets, pour rédiger ses rapports à son administration.
M. Michel Bouvard. Ce n'est pas une administration, c'est une entreprise!
M. André Chassaigne. Le temps d'un saut à son domicile, à onze heures du matin, il faudra reprendre le travail. Deuxième nuit à passer au foyer, après une pause à dix-neuf heures. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. Dominique Tian. Mais Gayssot n'a donc rien fait ?
M. André Chassaigne. Voilà, la deuxième journée d'un privilégié, la journée d'un contrôleur de train, avec...
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Avec pour finir une grève de la RATP au moment de rentrer chez lui ? (Rires.)
M. André Chassaigne. ... tout son lot de travail, de provocations, de stress, d'insécurité. Voilà un exemple type de ces « privilégiés » que vous condamnez régulièrement,...
M. Bernard Deflesselles. Mais non, on les comprend !
M. Dominique Dord. La mine, à côté, c'est zéro !
M. André Chassaigne. ... dont la vie familiale est sans cesse bouleversée par des contraintes particulières, et tout cela pour le salaire que je vous ai indiqué ! Pensez-vous qu'il faille comparer le sort de ce contrôleur de train à celui, par exemple, d'un cadre supérieur ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Considérez-vous qu'il faille ignorer toute la spécificité, toute la pénibilité de ces métiers...
M. Jacques Kossowski. Et c'est reparti !
M. le président. Monsieur Kossowski, je vous en prie !
M. André Chassaigne. ... en alignant la totalité des conditions de départs en retraite dans ce pays, quel que soit l'emploi occupé, et considérer, comme vous le faites par un raccourci de vocabulaire facile, que l'on est privilégié dès lors que l'on est fonctionnaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Rappel au règlement
M. Maxime Gremetz. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement. Sur quel article, au fait, monsieur Gremetz ? (Sourires.)
M. Maxime Gremetz. L'article 58, alinéa 1, monsieur le président.
Il y a des comportements que je trouve vraiment lamentables...
M. Daniel Paul. Indécents !
M. Maxime Gremetz. ... indécents en effet. Je pourrais même employer un mot encore plus fort...
M. le président. Allons, monsieur Gremetz.
M. Maxime Gremetz. ... mais je ne le ferai pas. On vous parle de cas bien réels, chers collègues de la majorité, mais vous avez l'air de croire qu'il s'agit d'êtres surnaturels. A croire que vous n'avez jamais rencontré ces gens !
M. Dominique Tian et Mme Marie-Jo Zimmermann. Mais ils ne sont pas concernés par le texte !
M. Maxime Gremetz. Et c'est vous qui nous parlez sans cesse des valeurs attachées au travail !
M. le président. Monsieur Gremetz, je vous remercie de votre rappel au règlement.
M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance...
M. le président. Ne forcez pas votre talent, monsieur Gremetz.
M. Maxime Gremetz. ... afin que nous puissions reprendre nos travaux dans le calme et la dignité. Sinon,...
M. le président. Monsieur Gremetz, j'ai écouté votre rappel au règlement, je l'ai compris, j'en ferai part à la conférence des présidents. Maintenant, asseyez-vous. Le rappel au règlement est terminé.
M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, j'ai demandé une suspension de séance. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Je vous accorde une minute. Vous pouvez faire ce que vous voulez... pendant une minute.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures treize, est reprise à vingt-deux heures quatorze.)
M. le président. La séance est reprise.
Reprise de la discussion
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 3354, 3356 et 3358 ?
M. Maxime Gremetz. Attendez ! Je suis inscrit, monsieur le président !
M. le président. Alors allez-y, monsieur Gremetz. Vous voyez que quand vous intervenez sur le fond, je ne dis rien. Mais si vous voulez intervenir dans un autre esprit, vous me trouverez sur votre chemin.
La parole est à M. Maxime Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Dans mon rappel au règlement...
M. le président. Allez-y !
M. Maxime Gremetz. Je suis pour que l'on travaille dans la dignité. On peut plaisanter, mais pas de tout.
M. Robert Lamy. Pas avec n'importe qui, surtout !
M. le président. Je vous en prie, monsieur Lamy ! Les remarques à M. Gremetz, c'est moi qui les fais !
M. Maxime Gremetz. Absolument !
Je suis d'accord, monsieur le président ! et je les accepte, si elles sont justifiées.
M. le président. Maintenant, allez-y, monsieur Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Je disais donc, mais vous m'avez interrompu,...
M. le président. Mais allez-y ! Le temps court !
M. Maxime Gremetz. Non, mais écoutez, arrêtez !
M. le président. Que voulez-vous, c'est le train des réformes ! (Rires.)
M. Maxime Gremetz. Mais pas de panique ! Je n'aime pas être bousculé.
M. le président. Oh, ça...
M. Maxime Gremetz. En tout cas, je vais vous donner une bonne nouvelle : il y a quelqu'un dans ce pays qui est content de la réforme (« Seillière ! » sur les bancs du groupe socialiste. - « Gremetz ! » « Rocard !» « Delors ! » « Kouchner ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je viens de lire le communiqué du MEDEF, qui trouve que c'est merveilleux, que c'est une bonne réforme ! Avec juste une petite réserve : soixante-cinq ans, ça l'embête. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Dominique Dord. Mais où veut-il en venir ? Ce suspense est insoutenable !
M. le président. Je vous en prie ! Laissez M. Gremetz parler lorsqu'il s'exprime sur le fond !
M. Maxime Gremetz. Comme vous ne l'avez peut-être pas tous lu, je vous cite M. Seillière, qui est un fin connaisseur. Je vais vous lire son communiqué : « Nous ne voyons pas comment la croissance pourra freiner la hausse des déficits publics. Ce qui réglera le problème, c'est la réforme. » Formidable ! La réforme, pas la croissance ! Donc, maintenant, il n'y aura plus que des réformes. Comme si les réformes étaient toujours progressistes !
Et M. Seillière ajoute : « Mais malgré tout, nous n'avons pas perdu espoir. » Evidemment, pour lui, il faut y aller. Il est resté campé sur ses positions pour ce qui touche à l'assurance maladie. Pour lui, la réforme c'est celle des retraites, mais après, c'est celle de l'assurance maladie. Il en ajoute même une troisième, toujours au nom du progrès : « il faut réglementer le droit de grève concernant les services publics. » (« Enfin ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il ne le fait pas comme celui de nos collègues qui a déposé une proposition de loi. Il ne parle même pas de « service minimum ». Non, pour lui, il faut réglementer le droit de grève !
Voilà pour ceux qui doutaient de l'équité - ou de l'iniquité - de cette réforme : la réponse nous vient tout droit de M. Seillière. Et moi, quand je vois que M. Seillière est très content, j'ai pris l'habitude de me méfier. Et je me doute que les salariés sont très mécontents, eux, parce qu'ils savent que ce sera très mauvais pour eux. Et il a de quoi être content M. Seillière, la réforme que vous proposez ne lui côute absolument rien. C'est même tout bénéfice pour lui. Ceux pour qui cela va côuter, ce sont les salariés : ils vont payer 91 %, et M. Seillière rien. Avouez que pour ce qui est de l'équité, on fait drôlement mieux !
Et puis M. Seillière sait aussi que ses cotisations à lui n'augmenteront pas. Au contraire, elles vont encore baisser. Non seulement il bénéficiera de l'exonération des cotisations patronales pour les bas salaires - 1,8 SMIC, n'est-ce pas ? -, mais on va même lui en rajouter, et l'exonérer encore un peu au titre des contrats jeunes en entreprises et autres !
Vous voyez ce qu'il en est de l'équité. Quand le patron des patrons et président du MEDEF se dit content de cette réforme des retraites, les salariés ne s'y trompent pas. Et s'ils n'en veulent pas, de cette réforme, c'est parce qu'elle est inéquitable, injuste et que c'est eux qui vont payer.
M. le président. Monsieur Gremetz, ainsi que vous le savez, le règlement prévoit qu'un seul orateur s'exprime par amendement. M. Paul avait défendu le même amendement que vous, mais j'ai interprété le règlement pour vous permettre de parler. Je voudrais que vous en preniez acte.
M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, j'en prends acte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur les trois amendements ?
M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La commission a rejeté ces amendements. Nous parlons bien du coeur même des objectifs du projet de loi, dans la mesure où c'est bien d'un traitement équitable au regard de la retraite qu'il s'agit. Quant aux interventions que nous avons entendues sur les bancs de nos collègues des groupes socialiste et communiste...
M. Maxime Gremetz. Et républicain !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... elles s'inscrivent dans un festival d'obstruction (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s comunistes et républicains.)
M. Augustin Bonrepaux. D'opposition ! Ce n'est pas pareil !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il n'y a qu'à voir les arguments avancés notamment par le compagnon de route politique de Mme Aubry, M. Roman, qui sont passés à côté de la cible. A l'évidence, M. Roman, qui n'est guère au courant de ce qui se passe dans le domaine social,...
M. Manuel Valls. Oh !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... n'avait pas noté que la loi de modernisation sociale n'avait pas donné lieu à la parution des décrets ! Sa suspension n'a donc pas dû changer grand-chose. Mais il est vrai que M. Roman ne l'avait pas remarqué.
Quant à l'agent dont a parlé notre collègue Chassaigne, tout porte à croire qu'il relève d'un régime spécial. Rappelons que ces catégories ne sont pas concernées par la réforme ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. S'il vous plaît !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Et j'ose espérer pour cet agent que, une fois terminé son séjour harassant, il n'a pas dû revenir chez lui par un jour de grève de la RATP !
M. Bruno Le Roux. C'est incroyable ! Ce n'est pas un avis de commission !
M. le président. Monsieur le rapporteur, la commission s'exprime sur l'amendement. Restez-en là ! C'est le Gouvernement qui répondra aux orateurs !
M. Bruno Le Roux et M. Manuel Valls. Très bien !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Pour ce qui est des exonérations de charges, argument déterminant avancé par M. Gremetz, il convient de rappeler que celui-ci n'a pas déployé autant de zèle à l'égard des exonérations de charges liées aux 35 heures ! Non seulement elles jouaient à hauteur de 1,8 fois le SMIC, mais elles concernaient tous les salariés, alors que les exonérations de charges que nous proposons ne s'appliquent qu'aux bas salaires. Pour toutes ces raisons, ces amendements ont été rejetés (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Bruno Le Roux. Ce n'est pas le travail de la commission. Lisez le rapport !
M. Manuel Valls. Cela lui arrive rarement !
M. le président. J'ai bien précisé qu'en vertu du règlement, la commission parle du fond de l'amendement et ne répond pas aux orateurs. Si nous respections un peu mieux notre règlement, peut-être nos débats seraient-ils plus sereins.
M. Bruno Le Roux. Mais c'est un provocateur !
M. Manuel Valls. Avec M. Geoffroy, cela en fait deux dans l'hémicycle !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, il me faut d'abord remercier l'opposition pour sa contribution : elle a le mérite de nous permettre de faire un peu le point.
Je suis toutefois très surpris par ce débat sur la pénibilité. En effet, à en croire certains discours, notamment ceux de Mme Guigou, celle-ci avait pris en engagement ferme annonçant, sitôt les socialistes arrivés au pouvoir, qu'une réflexion serait mise en route pour aboutir à des décisions sur la pénibilité. J'en déduis que tout cela n'était qu'intentions, au demeurant peu critiquables. Mais là où est la différence avec nous, c'est que lorsque François Fillon et moi-même avons reçu les syndicats, nous sommes parvenus à une relevé de décisions indiquant très clairement que nous inscrivions la notion de pénibilité dans la concertation avec les partenaires sociaux. Un engagement a été pris avec les organisations patronales et les organisations syndicales pour négocier cette question branche par branche, ce qui nous paraît la méthode la plus intelligente.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ce n'est pas suffisant !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ainsi, à la demande de la CFDT, nous avons pris l'engagement de mettre en place un groupe qui se réunira sous l'autorité de mon directeur de cabinet avant la mi-juillet pour réfléchir à la notion de pénibilité dans la fonction publique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. François Hollande. Oh ! là ! là !
M. Augustin Bonrepaux. Mais tout sera terminé à cette date !
M. Jean-Claude Lefort. Un directeur de cabinet ? Allons, monsieur le ministre, place au politique !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler. C'est ridicule !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Aucun pays d'Europe n'a encore pu entreprendre de réelles réflexions sur la pénibilité : là, des engagements précis ont été pris.
M. Terrasse estime que l'Etat doit montrer l'exemple en matière de cessation d'activité et il avait mille fois raison. Il y a dans notre pays un paradoxe : autant l'inquiétude qui domine, dans le secteur privé, c'est celle d'être licencié avant d'avoir atteint la totalité de la durée d'assurance, autant, dans le secteur public, on a plutôt envie de partir avant terme...
M. Terrasse invoque la nécessité d'une réorientation à quarante ans. C'est précisément dans cet esprit que nous avons ouvert, notamment avec le monde enseignant, la réflexion sur la seconde carrière et sur les cessations progressives d'activité.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ce n'est pas suffisant !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Les conditions de travail posent quant à elles un véritable problème.
M. Vergnier a évoqué la pénibilité du travail dans les usines d'équarrissage, le sort des couturières et les contraintes liées aux 3 x 8. Cela ne peut que renforcer notre conviction quant à la pertinence d'une réflexion branche par branche, chacune ayant, sur le plan de la pénibilité, ses caractéristiques propres.
Cela étant, personne ici ne cherche à opposer telle catégorie professionnelle à telle autre, et encore moins à opposer le secteur privé au secteur public. Nous avons tout au contraire intérêt à les rassembler.
Quant à vous, monsieur Roman, vous vous êtes une fois de plus évertué à démontrer que notre réforme n'était ni financée, ni pérenne...
M. Augustin Bonrepaux. C'est vrai !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous entendons vos arguments mais, pour notre part, nous assumons nos choix. En revanche, j'ai trouvé votre allusion aux emplois-jeunes tout à fait surprenante - quoique je vous sais capable de défendre tout et son contraire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Augustin Bonrepaux. Et vous donc !
Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est scandaleux !
M. Bernard Roman. Il y a là matière à un fait personnel.
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Lorsque Mme Aubry parlait des emplois-jeunes,...
M. Bernard Roman. Mais nous ne sommes pas pacsés !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... elle avait dit très clairement - et je pourrais adhérer à cette logique : « nouveaux emplois, nouveaux métiers ».
M. Bernard Roman. Nouveaux services !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Or on s'est assez rapidement aperçu - et la totalité des syndicats l'ont dénoncé, comme moi-même et je n'ai pas changé d'avis là-dessus - que nous assistions à la mise en place d'une administration bis. C'est ainsi qu'on a vu des Bac + 2 embauchés au SMIC dans l'éducation nationale,...
M. Guy Geoffroy. Exactement !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... et de surcroît sous contrat privé, situation paradoxale pour une administration !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Pas vous ! Pas ça !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme et de l'aménagement du territoire. Tant et si bien que ces jeunes, au bout de cinq ans, se sont retrouvés dans une impasse.
M. Bernard Roman. Et c'est pour cela que vous les jetez !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Eat et de l'aménagement du territoire. Si bon nombre de ces jeunes n'ont pu réussir à entrer dans la fonction publique après, c'est que rien n'a été prévu. C'est une véritable injustice à leur égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Vous avez, monsieur Gremetz, parlé de l'amiante. Je me dois d'appeler votre attention sur le fait que cela entre dans le cadre des maladies professionnelles. C'est donc à ce niveau que cette question doit être traité. Elle n'a rien à voir avec la problématique des retraites.
M. Daniel Paul a parlé d'une compensation entre régimes. Là encore, cela n'a rien à voir. L'équité dont le principe est inscrit dans cet article vaut pour les prestations, en aucun cas pour les modalités de financement. Rappelons toutefois que nous avons très clairement indiqué, dans le relevé de décisions, que nous supprimions la notion de surcompensation, objet de votre intervention.
Quant à M. Chassaigne, je lui répondrai en reprenant les propos du rapporteur : personne ici ne cherche à dire qu'il y aurait des travailleurs privilégiés par rapport à d'autres. Nous devons tous être extrêmement attentifs aux conditions de travail de nos concitoyens. Mais le contrôleur que vous citez en exemple, monsieur Chassaigne, n'est en rien concerné par la réforme...
Mme Marie-Jo Zimmerman. Voilà !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... dans la mesure où il relève du régime spécial de la SNCF.
M. Jean-Claude Lefort. Encore faut-il être sûr que vous n'y toucherez pas ?
M. le président. Monsieur Lefort, je vous en prie !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Quant à M. Seillière, cher à M. Gremetz, s'il n'existait pas, il faudrait qu'il l'invente pour trouver tous ses arguments. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Notre réforme vise en premier lieu les bas salaires et les basses retraites : la preuve en est que nous avons eu le souci d'augmenter le minimum des pensions. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Ce qui nous intéresse en premier lieu dans la notion d'équité, c'est précisément de privilégier une approche sociale qui assure un minimum garanti pour les basses retraites. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. le président. Sur le vote des amendements identiques 3354, 3356 et 3358, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jacques Desallangre, pour répondre au Gouvernement.
M. Jacques Desallangre. Monsieur le président. Nous ne contestons pas au rapporteur et au ministre le droit de faire remarquer que l'exemple choisi par notre collègue Chassaigne vise une catégorie de personnels qui n'est pas concernée par la réforme. Mais pour la bonne information de l'Assemblée,...
M. le président. Je vous prie de m'excuser, monsieur Desallangre.
Mes chers collègues, ayez au moins la correction de regagner vos places dans le calme. Monsieur Dord, l'hémicycle n'est pas un salon où l'on parle.
M. Dominique Dord. Je ne cherche qu'à regagner ma place, monsieur le président.
M. le président. Dans ce cas, veuillez laisser passer Mme Grosskost.
Monsieur Desallangre, je vous propose d'attendre que ces dames et ces messieurs regagnent tranquillement leurs places. Vous donnez, mes chers collègues, tous les prétextes pour faire traîner la discussion.
Poursuivez, monsieur Desallangre.
M. Jacques Desallangre. Certes, monsieur le ministre, vous pouvez nous dire ce que vous nous avez dit, mais vous ne pouvez pas, monsieur le rapporteur, critiquer sévèrement M. Chassaigne quand il évoque le cas d'un personnel sous statut SNCF, c'est-à-dire affilié à la caisse de prévoyance. L'article 3 stipule en effet que les assurés doivent pouvoir bénéficier d'un traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leurs activités professionnelles passées ou les régimes dont ils dépendent. M. Chassaigne pouvait donc fort bien évoquer le cas d'un employé de la SNCF, et vous n'aviez pas à le juger aussi sévèrement que vous l'avez fait et dans les termes que vous avez employés. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Jean-Claude Lefort. C'est tout à fait exact.
M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 3354, 3356 et 3358.
Le scrutin est ouvert.
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 241
Nombre de suffrages exprimés 241
Majorité absolue 121
Pour l'adoption 77
Contre 164
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
MM. Terrasse, Gorce, Le Garrec, Bartolone, Beauchaud, Mme Clergeau, Mme David, M. Durand, Mmes Génisson, Guinchard-Kunstler, Hoffman-Rispal, M. Masse, M. Mathus, Mme Mignon, M. Nayrou, M. Néri, Mme Oget et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 3028, ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 3 :
« Les assurés doivent pouvoir bénéficier d'une égalité de traitement quelles que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils dépendent en tenant compte des spécificités des différents régimes. »
La parole est à M. Pascal Terrasse.
M. Pascal Terrasse. D'abord, monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir répondu à l'ensemble des intervenants inscrits sur l'article 3. Depuis que nous avons entamé la discussion des articles, c'est la première fois que nous avons une réponse exhaustive.
M. Bernard Roman. Tout à fait !
M. Pascal Terrasse. Même si nous ne partageons pas forcément vos analyses ou vos points de vue, il n'en demeure pas moins que nous avons enfin le sentiment que des réponses claires nous sont apportées. Une telle méthode de travail est à poursuivre dans les semaines qui viennent.
L'amendement que je défends porte sur la pénibilité des métiers. M. le ministre vient de nous expliquer qu'il renvoyait à la négociation le contenu de ce terme. Ce que l'on peut regretter, c'est qu'il n'apparaît qu'une seule fois dans le texte, à l'article 12, et, quand on lit notamment le quatrième alinéa de cet article, on ne parle pas de la même chose.
M. Bernard Roman. Exactement !
M. Pascal Terrasse. Ce que vous souhaitez, c'est mettre en place un système qui, par la négociation, permette le cas échéant à des salariés ayant effectué des travaux pénibles de bénéficier d'avantages relevant d'une retraite progressive. Nous avons un regard un peu différent. Il nous paraît nécessaire de permettre à des salariés de bénéficier de bonifications d'un trimestre dans le cadre de leur activité professionnelle.
On pourrait imaginer, à l'instar de ce qui existe notamment pour les militaires, qui bénéficient d'une bonification trimestrielle par cinquième, des bonifications d'un trimestre tous les cinq ans pour certaines catégories professionnelles. Vous avez eu raison de parler tout à l'heure des enseignants. On pourrait imaginer que notamment celles et ceux qui enseignent dans des zones rurales difficiles, dans des secteurs difficiles, les zones d'éducation prioritaire, bénéficient d'un trimestre complémentaire tous les cinq ans. On pourrait l'imaginer également pour celles et ceux qui travaillent dans le transport, la métallurgie ou la maçonnerie. Le champ est très large. Sur ce point, nous avons une vision très différente. Alors que l'on souhaite des bonifications, vous parlez de préretraite.
Deuxième élément, la durée de cotisation ne peut pas être la seule variante d'ajustement de votre projet de loi. Selon le texte tel qu'il est proposé, elle sera de quarante-deux ans en 2020, mais, quand on y regarde de plus près, on voit que, compte tenu de l'allongement de la durée de vie, ce sera vraisemblablement en 2040 le retour à la retraite à soixante-cinq ans. Vous dites partout que vous ne remettez pas en cause la retraite à soixante ans mais, avec l'allongement de la durée de cotisation, vous revenez évidemment sur cet acquis obtenu grâce à un gouvernement de gauche en 1981. Si les salariés veulent partir à l'âge de soixante ans sans avoir cotisé quarante-deux ou quarante-trois ans, il y aura une diminution des pensions de retraite, et, par voie de conséquence, l'obligation d'aller petit à petit vers des régimes de capitalisation, ce que nous regrettons, ce à quoi nous sommes évidemment opposés.
La notion de pénibilité doit se traduire par des bonifications. C'est possible, monsieur le ministre, pour certains métiers - on a parlé des militaires, des policiers - avec un cinquième tous les cinq ans. Ça devrait l'être dans le secteur de la santé par exemple. Vous proposez un dixième pour les infirmières qui travaillent la nuit. Nous proposons, nous, puisqu'il s'agit ici d'un article portant sur l'équité, que tout le monde soit traité de la même manière. Il n'y a pas deux catégories de Français, celles et ceux qui bénéficieraient d'un traitement avantageuse et celles et ceux qui n'en bénéficieraient pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Défavorable.
M. Augustin Bonrepaux. C'est un peu bref comme réponse ! Un tel amendement mériterait d'être discuté !
M. Bernard Roman. On aimerait avoir quelques explications.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3028.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'amendements identiques n°s 995 à 1143.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Rédiger ainsi l'article 3 :
« Les assurés bénéficient d'une égalité de traitement au regard de leur retraite tenant compte de la pénibilité des métiers qu'ils ont exercés tout au long de leur carrière professionnelle. »
La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour soutenir l'amendement n° 1070.
Mme Danièle Hoffman-Rispal. L'article 3 du projet de loi pose un principe de portée générale : les assurés doivent bénéficier d'une égalité de traitement. Il s'agit évidemment d'un objectif louable, mais encore faut-il que cette affirmation prenne un sens concret.
Dans la réforme que nous propose le Gouvernement, l'équité proclamée se résume à la convergence des durées de cotisation des fonctionnaires et des salariés du privé mais, de la réalité du travail de chacun, il n'est pas question. C'est pourquoi nous proposons cet amendement car, si plusieurs critères doivent entrer en ligne de compte pour assurer l'équité entre les salariés, celui de la pénibilité est le plus important.
Les maladies d'origine professionnelle pèsent d'un grand poids sur les inégalités en matière de santé. Une moindre espérance de vie est bien souvent la conséquence de conditions de travail difficiles sur une longue période. Parmi les ouvriers, nombreux sont ceux qui subissent plusieurs facteurs de pénibilité : efforts importants, port de charges lourdes, exposition au bruit et aux vibrations. Ainsi, chez les hommes, 18,5 % des ouvriers décèdent entre soixante-cinq et soixante-dix ans, contre 8 % chez les cadres, les techniciens et les employés qualifiés. Les disparités sont donc très importantes. Cette réalité du monde du travail doit nous amener à prévoir des départs en retraite, pour un même montant de pension, à des âges différents, mais, comme je l'avais déjà mentionné lors de la discussion générale, monsieur le ministre, et vous n'avez pas totalement répondu sur ce point, votre réforme des retraites traite de la même façon de la situation d'un cadre supérieur, celle d'un manutentionnaire ou celle d'un ouvrier du bâtiment.
Le Conseil d'orientation des retraites, dans ses travaux auxquels vous affirmez vous référer, insiste pourtant sur cette question de la pénibilité du travail. Il a même publié, Mme Guinchard-Kunstler l'a évoqué la semaine dernière, un rapport intitulé « Pénibilité et retraite », dont nous aurions tout intérêt à tenir compte.
Ce rapport souligne que la pénibilité au travail est actuellement très peu prise en compte par notre système de retraite, et nous savons tous qu'elle devrait être au coeur des enjeux de toute réforme juste. Pourtant, plutôt que de l'inclure dans la loi elle-même, vous renvoyez le problème à plus tard. Alors que ce n'est pas la négociation sociale qui est à la source de votre réforme, vous vous en remettez entièrement sur ce sujet à une discussion ultérieure, et nous ne savons pas quand.
Ce que nous proposons est différent. La loi devrait reconnaître la nécessité de prendre en compte la pénibilité, et prévoir les bonifications qui en découlent pour les salariés concernés. Elle devrait ensuite impulser la négociation sociale, pour définir précisément, comme le préconise le rapport du COR, non seulement les secteurs d'activité et les métiers concernés, mais aussi le poste effectivement occupé.
Au lieu de cela, dans le cadre du projet de loi actuel, le bon vouloir du patronat est rendu indispensable pour pouvoir moduler les durées de cotisation en fonction de la dureté des tâches accomplies tout au long d'une vie professionnelle. Croyez-vous vraiment que le MEDEF sera volontaire pour diminuer le nombre d'annuités nécessaires à une retraite à taux plein d'un certain nombre de salariés, dont les conditions difficiles de travail le justifient ?
A l'instar de l'emploi des salariés de plus de cinquante ans, vous n'avez pas voulu inscrire dans la loi des mesures contraignantes pour les entreprises. Votre réforme déséquilibrée fait reposer tout l'effort sur les salariés. Pour le reste, vous vous reposez sur la bonne volonté ou la prise de conscience des employeurs. Pour avoir travaillé trente ans dans une petite entreprise, je crois que ce n'est pas réaliste.
M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour défendre l'amendement n° 1044.
M. René Dosière. Pour défendre cet amendement, je voudrais m'inspirer du rapport pour avis de la commission des finances, ce qui me permet d'ailleurs d'en souligner la qualité, ce qui n'est pas surprenant, son auteur venant du département de l'Aisne et ayant eu manifestement de bons maîtres.
De l'avis des médecins du travail, trois types de pénibilité sont susceptibles de présenter des risques à long terme sur la santé des salariés : les efforts physiques - port de charges et postures pénibles ; l'environnement agressif - chaleur, intempéries, bruit, produits toxiques ; les rythmes de travail : travail de nuit, horaires alternés, travail à la chaîne. Les enquêtes de la DARES montrent d'ailleurs que plus de la moitié des salariés de plus de cinquante ans sont soumis à l'un de ces trois types de pénibilité. Un salarié sur six en cumule deux sur trois et 6 % des salariés les trois.
Aujourd'hui, les dispositifs de cessation d'activité liés de manière directe à la pénibilité du métier concernent seulement 30 000 personnes, c'est-à-dire 1,5 % des 2 millions de salariés de plus de cinquante-cinq ans. Très ciblés, ils ne prennent pas en compte l'ensemble des travaux pénibles, qu'ils soient traditionnels, le BTP par exemple, ou nouveaux : postes exposant à des substances ou produits dangereux.
Or, face à cette situation, qui est si bien décrite, quelle est la réponse du projet de loi ? Outre le recentrage de certains dispositifs aidés de cessation anticipée d'activité sur la prise en considération de la pénibilité, cet aspect particulier de la pénibilité, du lien entre emploi et retraite, ne fait pas l'objet d'un article. C'est un aveu du rapporteur lui-même. Il a simplement été largement évoqué au stade de la préparation du texte.
Compte tenu de cet oubli, souligné par la majorité elle-même, notre amendement prend tout son sens, et je ne doute pas que notre assemblée le votera.
M. le président. La parole est à M. Michel Lefait, pour défendre l'amendement n° 1091.
M. Michel Lefait. Monsieur le ministre, votre projet n'assure en aucune façon une égalité de traitement entre les retraités au regard de la pénibilité des métiers exercés. Je viens, comme beaucoup d'entre vous sans doute, d'une région où le travail manuel et physique est encore fortement présent, dans l'industrie du verre notamment, celle du papier-carton, les métiers du bâtiment ou encore de la métallurgie ou dans les transports routiers, qui représentent plus de 20 000 emplois dans ma circonscription. On connaît, croyez-le bien, le prix et le poids sur la santé et l'espérance de vie du travail posté, des 3 x 8 ou de l'équipe volante, comme on dit encore, de la chaleur, de la manipulation de produits dangereux, sans parler des horaires et des rythmes de travail, de repas et de repos constamment décalés. A ce compte-là, la santé physique et psychologique des travailleurs assujettis à ces conditions pénibles et pénalisantes ne résiste pas aussi bien et aussi longtemps que chez d'autres travailleurs. Dans le Nord - Pas-de-Calais, chacun sait que l'espérance de vie et donc la longueur des retraites sont amputées de plusieurs années par rapport à bien d'autres régions françaises.
M. Pierre Cardo. Vous le saviez déjà depuis longtemps !
M. Michel Lefait. Avant 1981, quand l'âge légal de la retraite était à soixante-cinq ans, de nombreux travailleurs manuels disparaissaient avant l'âge de soixante-dix ans. J'en ai connu beaucoup ! Depuis que l'âge de la retraite a été ramené à soixante ans par le gouvernement Mauroy, l'espérance de vie et de retraite en relative bonne forme physique s'est considérablement allongée. C'est dire que le facteur de la pénibilité et de l'exposition à des conditions particulièrement éprouvantes ou dangereuses doit être formellement et clairement intégré dans la loi, en prévoyant la possibilité pour les travailleurs concernés de faire valoir leurs droits à la retraite au taux plein avant l'âge légal, sans la moindre décote ou pénalité.
Comment parler d'équité dans l'article 3 si, en plus de la diminution massive, à l'échéance de 2020, des montants des retraites, si, à l'augmentation inéluctable à terme rapproché des taux de cotisation, sur laquelle vous êtes étonnament discrets, et pour cause, si, à tous ces pas en arrière en matière de protection sociale, qui sont autant d'atteintes à l'encontre des salariés les plus modestes et les plus fortement exposés, les plus fragiles aussi de nos compatriotes, vous ajoutez l'injustice à l'injustice en réservant le même traitement à tous les retraités, sans prendre aucunement en compte la notion de pénibilité ?
C'est parce que nous pensons que la loi doit prévoir expressément l'obligation de traiter de manière différenciée les retraités en fonction du métier exercé et qu'on ne peut pas s'en remettre uniquement à la négociation par branche sans que l'Etat se réserve le droit et la faculté d'agir et de décider en cas d'échec des négociations que je défends cet amendement, au nom de l'efficacité et de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Sur les amendements identiques n°s 995 à 1143, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour défendre l'amendement n° 1030.
Mme Marie-Françoise Clergeau. Il n'est pas possible de renvoyer la prise en compte de la pénibilité du travail pour le calcul des retraites à une négociation sociale qui aurait lieu dans trois ans. Il est évident que si, d'entrée, la loi ne reconnaît pas le principe de pénibilité, cela ne sera pas obtenu par une seule négociation.
Pénibilité due à l'effort physique, au stress, à la pression sur les rythmes de travail, les ouvriers, les employés peu qualifiés, les artisans en sont les premières victimes. Lorsque l'on sait que les personnes qui ont les conditions de travail les plus difficiles ont l'espérance de vie la plus courte, l'on voit bien la nécessité d'inscrire dès maintenant, très clairement et de façon très précise, la pénibilité dans ce texte de loi.
La probabilité de mourir entre trente-cinq et soixante-cinq ans est de 12 % pour un homme cadre de la fonction publique, mais de 29 % pour un ouvrier non qualifié. Cet homme cadre, à soixante ans, a une espérance de vie de vingt-deux ans et demi : pour l'ouvrier, elle est de dix-sept ans. C'est donc bien une question d'équité.
Il faut reconnaître dans la loi le critère de la pénibilité qui est l'un des éléments fondamentaux pour reconstruire le pacte social. Se contenter de renvoyer à des négociations de branche ne suffit pas, car, comme le souligne le rapport du COR, sans un encadrement par la loi, ces négociations sont vouées à l'échec. Monsieur le ministre, vous pouvez encore aujourd'hui avancer sur ce point. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charzat, pour défendre l'amendement n° 1028.
M. Michel Charzat. L'amendement n° 1028 vise à réaffirmer la nécessité d'un traitement équitable des retraités au moment de leur départ, et cela en fonction de la pénibilité des métiers qu'ils ont exercés. La pénibilité des métiers dépend des conditions de travail de chaque profession : il faut en tirer les conséquences.
Dans une tribune libre, publiée lundi soir dans un grand journal national, des sociologues, mais aussi des démographes, des médecins, des psychologues, des ergonomes nous rappellent que l'usure des hommes et des femmes n'est pas seulement une donnée de la condition humaine, mais aussi la conséquence des conditions parfois inhumaines de l'exercice de certains métiers.
M. Gaëtan Gorce. Eh oui !
M. Michel Charzat. Cette usure peut être physique. On sait, par exemple, que les « cols bleus » vivent moins longtemps que les cols blancs, que les cadres supérieurs ont une espérance de vie plus longue de six ans et demi que celle des ouvriers. Le travail posté, le travail à la chaîne, le travail de nuit sont en cause, avec l'intensité croissante des cadences.
Mais l'usure peut être également - et elle l'est de plus en plus souvent - une usure psychologique. La tension nerveuse, le stress liés à l'impératif d'une performance individuelle de plus en plus contraignante, provoquent une nouvelle forme de maladies professionnelles. Certaines corporations et certaines professions dont on enviait les « privilèges » au regard de leur emploi du temps, subissent de plein fouet les conséquences d'une déstabilisation des structures familiales et des repères collectifs. Je pense, bien sûr, aux enseignants, mais, plus généralement, aux agents en charge du service public qui sont en relation avec les usagers.
Il convient, certes, de mettre en place un traitement équitable des situations individuelles et collectives en faisant jouer, branche par branche, la négociation. Mais ce n'est pas suffisant. Il appartient bien à la loi de fixer le cadre général de cette adaptation de l'âge du départ en retraite en fonction de la pénibilité des métiers. Une réforme des retraites doit affirmer la nécessité d'une modulation équitable au moment de la liquidation des droits à la retraite.
A cet effet, on peut imaginer des bonifications pour certains métiers, comme l'a rappelé à l'instant M. Terrasse, afin de répondre à une exigence vitale d'équité, mais aussi pour garantir effectivement le droit à la retraite à soixante ans, remis en cause par le projet du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux (« Ah ! » sur les bancs du groupe du l'Union pour un mouvement populaire), pour soutenir l'amendement n° 1016.
M. Augustin Bonrepaux. Cet article 3 ne fait aucune référence à la notion de pénibilité.
Cette notion apparaît pourtant, M. le ministre le rappelait tout à l'heure, dans l'excellent rapport de la commission des finances, dont je ne partage pas les conclusions, mais qui a au moins le mérite de nous donner des informations, alors que le rapport de la commission saisie au fond n'en contient aucune. Vous voyez d'ailleurs que la commission ne m'écoute pas. C'est dire l'intérêt qu'elle porte à ces débats !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Comment peut-on dire cela ?
M. Augustin Bonrepaux. Dans le rapport de la commission des finances, donc, on nous indique quel est le degré de pénibilité de différentes professions, et en particulier pour tous ceux qui sont exposés aux bruits, aux intempéries, à un environnement agressif, à la chaleur, au froid. Et bien, je voudrais vous en parler un peu, parce que je crois que c'est une question que vous connaissez mal, chers collègues de la majorité.
Vous pratiquez souvent, j'espère, les sports d'hiver, mais comme touristes. Et moi, je voudrais vous parler un peu de ceux qui travaillent dans les stations de sports d'hiver, et qui, par exemple, pour que vous puissiez vous régaler sur les pistes, commencent leur journée à dix heures du soir, travaillent toute la nuit dans le froid, dans la neige. Et à partir d'un certain âge, l'acuité visuelle baisse, les réflexes ne sont pas les mêmes. Or, il s'agit d'un métier dangereux. Donc, monsieur le ministre, obliger ces personnels à poursuivre leur travail pour avoir une retraite décente, c'est les condamner à prendre des risques.
Songez aux dépanneurs ! Lorsque vous êtes sur un remonte-pente ou sur un télésiège, il arrive qu'il tombe en panne. Il y a alors des agents qui montent sur les câbles...
M. Bernard Deflesselles. Oui, c'est ça, il restent bloqués en haut des bennes !
M. Augustin Bonrepaux. Essayez donc de monter sur les câbles, avec le froid, avec le vent ! Vous verrez comme c'est facile, surtout après cinquante-cinq ans ou soixante ans !
M. Bernard Deflesselles. Il faut attendre le dégel !
M. Augustin Bonrepaux. Moi, j'ai rencontré, monsieur le président, monsieur le ministre, des agents qui sont venus me dire : « Nous ne pouvons plus le faire ! Il faut arrêter ! » D'autant que ce sont souvent des saisonniers qui, l'été, vont travailler dans la forêt ! Est-ce que vous connaissez la pénibilité du travail des bûcherons, qui sont au contact du danger, du bruit de la tronçonneuse ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Dominique Dord. Mais il y a Blanche-Neige !
M. Pierre Cardo. Il ne faut pas oublier le chercheur de champignons, qui est obligé de se baisser !
M. Edouard Landrain. Et la peur du loup ? Vous l'oubliez, la peur du loup !
M. Augustin Bonrepaux. Est-ce que vous savez...
M. le président. Le travail dans l'hémicycle devient pénible !
M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, je constate que la majorité n'est pas intéressée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
M. le président. Mais écoutez M. Bonrepaux, chers collègues !
M. Augustin Bonrepaux. ... et ne se préoccupe pas, mis à part quelques-uns - et peut-être même, à part un seul - de ces problèmes.
Monsieur le ministre, il est regrettable que dans un projet dont on nous dit qu'il assurerait la justice, on ne parle pas de la pénibilité !
M. Pierre Cardo. Pendant cinq ans, vous n'en avez jamais parlé !
M. Yves Nicolin. C'est vous qui êtes pénible.
M. le président. Monsieur Nicolin !
M. Augustin Bonrepaux. En obligeant les salariés à travailler davantage - parce qu'ils souhaitent, et c'est normal, avoir une retraite aussi importante que possible, ...
M. Gaëtan Gorce. C'est fondamental !
M. Augustin Bonrepaux. ... on les oblige aussi à prendre des risques.
M. Yves Nicolin. Prenez-en vous-même !
M. Augustin Bonrepaux. Finalement, on va mettre en péril la vie de tous ceux qui travaillent dans ces conditions. L'autre jour, notre collègue Terrasse a cité l'exemple des agents de l'équipement, qui travaillent eux aussi à des heures indues, très tôt le matin (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ... Ça se voit, mes chers collègues, que vous ne vivez pas dans ce monde-là ! Si la Commission européenne a réglementé le travail de ces agents, c'est bien parce qu'il est pénible.
M. Yves Nicolin. Mais il est tellement beau !
M. Augustin Bonrepaux. Eh bien, il est regrettable que votre projet ne fasse aucune allusion à la pénibilité. Et, monsieur le ministre, si vous aviez réellement la volonté de mettre en place cette commission dont parle le rapport, il y serait au moins fait allusion dans votre texte. Je crois que notre amendement est tout à fait justifié, et va dans le sens de la justice que nous souhaitons. Cette justice n'est pas dans ce projet.
M. le président. Merci, monsieur Bonrepaux.
M. Augustin Bonrepaux. Ce projet va réduire le montant des retraites, parce que ces travailleurs seront obligés d'arrêter. Ils n'auront pas les quarante annuités, monsieur le président, ils auront la décote...
M. le président. J'ai compris, monsieur Bonrepaux !
M. Augustin Bonrepaux. ... et ça ne peut pas vous réjouir, monsieur le président. (« Très bien ! Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et donc, nous souhaitons que cet amendement soit adopté, parce que cela permettrait de corriger le projet...
M. le président. Merci, monsieur Bonrepaux. Je vous remercie de votre démonstration, monsieur Bonrepaux.
M. Augustin Bonrepaux. ... dans le sens que nous souhaitons, dans le sens de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Pierre Cardo. Pendant ce temps, la France essaie de vivre...
M. le président. La parole est à Mme Danielle Bousquet, pour soutenir l'amendement n° 1019.
Mme Danielle Bousquet. La pénibilité du travail, c'est sans doute l'un des aspects les plus essentiels qu'il nous faut prendre en compte dans l'examen de la question des retraites, parce que c'est un aspect déterminant de la justice sociale, et je crois que chacun y est sensible,...
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Parlez-nous de la pénibilité du travail des plagistes !
Mme Danielle Bousquet. ... parce que nous sommes largement inégaux quant à nos conditions de travail, ce qui implique, bien évidemment, des conditions inégales de retraite, et, ce qui est encore bien plus injuste, des conditions inégales de vie et de survie au-delà du départ en retraite.
Qui, à l'heure actuelle, mieux que les salariés qui travaillent dans le bâtiment peuvent dire à quel point ils sont cassés et usés quand ils atteignent l'âge de la retraite ? Chacun de vous, mes chers collègues, a eu l'occasion de recevoir dans sa permanence des salariés du bâtiment âgés venus lui dire à quel point ils sont dans l'incapacité de pouvoir continuer à travailler, et à quel point ils sont dans l'incapacité de retrouver un autre emploi.
Ce sont des salariés qui travaillent souvent dehors, par tous les temps, qui portent parfois des charges très lourdes et qui ont de très graves accidents du travail.
M. Michel Bouvard. Mais qu'a fait pour eux Mme Aubry ?
Mme Danielle Bousquet. Ce sont des personnes dont l'état de santé va en s'aggravant tout au long de leur vie active et qui sont souvent, à cinquante ans, dans l'impossibilité physique de continuer à travailler,...
M. Jean-Marc Lefranc. N'importe quoi !
Mme Danielle Bousquet. ... et cherchent vainement à exercer un autre métier que celui qui était le leur depuis des années. Ils passent donc les cinq ou dix dernières années de leur « vie active » - il est bien évident que les guillemets s'imposent ici - en invalidité, incapables de continuer à exercer leur métier de maçon, de couvreur ou de carreleur,...
M. Jean-Marc Lefranc. Vous dites vraiment n'importe quoi ! Savez-vous seulement de quoi vous parlez ?
Mme Danielle Bousquet. ... comme de trouver une autre activité salariée.
A cette usure physique, monsieur le ministre, allez-vous ajouter l'angoisse d'une toute petite retraite, parce qu'ils n'auront pas rempli les conditions requises pour bénéficier d'une retraite suffisante ?
La loi doit fixer les conditions de pénibilité qui permettent de bénéficier d'une retraite à taux plein, même si les salariés concernés n'ont pas atteint quarante annuités de cotisation, tout simplement parce que, avant qu'ils aient pu travailler quarante ans, leurs conditions de travail les ont complétement cassés. Notre amendement, monsieur le ministre, va dans le sens de la justice sociale que souhaitent, à l'évidence, tous les salariés et tous les parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l'amendement n° 1020.
M. François Brottes. Je comprends que certains de nos collègues trouvent pénible d'écouter les députés de l'opposition faire la démonstration de la nécessité de reconnaître la différence des métiers du point de vue de l'usure qu'ils entraînent. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)
M. Pierre Cardo. Vous avez mis longtemps avant de la reconnaître !
M. François Brottes. Pour autant, je ne suis pas partisan de leur accorder qu'être député, c'est exercer un métier pénible.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ce n'est pas un métier !
M. François Brottes. Je veux comprendre, en revanche - et là, je suis extrêmement sérieux, comme d'habitude - que leur refus de reconnaître la pénibilité des métiers participe de cette idée qu'il faut absolument faire un effort pour mériter un salaire, qu'il faut souffrir en travaillant,...
M. Jean-Marc Lefranc. Souffrir ! Non mais c'est pas vrai !
M. François Brottes. ... comme il est écrit quelque part qu'il faut accoucher dans la douleur. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Redonner au travail la valeur de l'effort, c'est peut-être, dans l'esprit de certains, cultiver la nostalgie du « souquez ferme ! » des galériens. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. Claude Goasguen. Qu'est-ce que c'est que ce crétin ?
M. François Brottes. Je trouve insupportable le refus d'instaurer clairement, comme le propose mon amendement, une reconnaissance de la pénibilité des métiers.
Ayant été rapporteur de la loi d'orientation forestière des bûcherons, j'en donnerai pour seul exemple celui qu'a évoqué tout à l'heure avec talent Augustin Bonrepaux. Ils exercent un des métiers les plus durs qui soient (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)... Mes chers collègues, je crois qu'il faut quand même être sérieux !
M. le président. Tout le monde doit être sérieux.
M. François Brottes. Je le suis, monsieur le président, et j'espère que vous n'en doutez pas.
Le métier de bûcheron est celui qui détient le triste record du plus fort pourcentage d'accidents du travail mortels.
Si je prends cet exemple, c'est parce que la loi sur la forêt promulguée en 2001 avait prévu qu'à une certaine échéance, après négociation entre les employeurs et les salariés exerçant ce métier, les pouvoirs publics devaient entériner, notamment, le droit à la retraite à cinquante-cinq ans à taux plein pour les bûcherons. Or, que constatons-nous, mes chers collègues ? Nous constatons que le présent texte - cette « grande réforme », tant annoncée, qui a gelé ces négociations - ne porte pas reconnaissance de cette pénibilité-là. Cela signifie que ce texte commence par ne pas respecter les lois qui ont été votées antérieurement.
Et ce refus obstiné de ne pas reconnaître cette pénibilité doit être fortement dénoncé, parce qu'il y a vraiment, très sérieusement, des métiers dont la pénibilité mérite de l'être.
Pour finir par un clin d'oeil - et cette fois-ci en n'étant pas sérieux, monsieur le président -, c'est bien grâce aux bûcherons qu'ont pu être distribués dans les boîtes à lettres des millions et des millions d'exemplaires destinés à faire la promotion de votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. André Schneider. Et vos amendements !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Gautier, pour soutenir l'amendement n° 1060.
Mme Nathalie Gautier. Je défends cet amendement n° 1060 car il est regrettable que n'apparaisse pas dans les principes mis en oeuvre dans votre réforme la prise en compte de la pénibilité du travail. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Eh oui, chers collègues ! Je vous rappelle que celle-ci a été au coeur de plusieurs grands conflits sociaux au cours des dernières années, et j'évoquerai celui des chauffeurs routiers. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Prétendre reconstruire le contrat social sans tenir compte de cette notion, c'est aller à l'échec.
M. Pierre Cardo. Et vous, qu'est-ce que vous allez construire ?
Mme Nathalie Gautier. Le Conseil d'orientation des retraites, et nous l'avons rappelé dans cet hémicycle à plusieurs reprises, a recommandé l'inscription dans la loi des critères de pénibilité. Certes, nous avons entendu le ton désabusé et fataliste des concepteurs de ce projet nous expliquant qu'il était impossible de fixer une grille de pénibilité,...
M. Pierre Cardo. Evidemment !
Mme Nathalie Gautier. ... que ce serait subjectif. Il est vrai que ce n'est pas simple,...
M. Pierre Cardo. La preuve, c'est que vous n'avez pas trouvé de solution !
Mme Nathalie Gautier. ... mais est-ce une raison pour refuser de travailler sur une question à laquelle d'autres pays européens ont apporté une réponse ?
M. Bernard Deflesselles. Il fallait le faire avant, alors !
Mme Nathalie Gautier. La véritable équité ne consiste pas à faire cotiser tout le monde pendant la même durée, alors que l'espérance de vie n'est pas la même pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler, pour soutenir l'amendement n° 1068.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Je vais vous parler de pénibilité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Mais madame, ne me regardez pas en riant !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Non, je ne vous regarde pas en riant parce que je vais me fâcher, monsieur le président (Exclamations sur les mêmes bancs), non pas contre vous mais contre notre règlement.
J'ai déposé des amendements très précis, prenant en compte des propositions. M. Fillon était tout à l'heure à votre place, monsieur Delevoye, et il les a écoutées avec intérêt, sauf que ces amendements sont tombés sous le coup de l'article 40 et n'ont pas pu venir en discussion. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. Maxime Gremetz. A bas l'article 40 !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Je voudrais, si vous le permettez, y revenir parce que c'est un dossier compliqué, tout le monde en est convaincu. C'est une vraie question, qui est aussi très complexe.
M. Bernard Deflesselles. Expliquez-nous !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Non, je ne veux pas « vous expliquer ». Je veux simplement prendre le temps, entre nous, sur un dossier comme celui-ci, d'examiner ce qui peut être fait. Monsieur Deflesselles, avez-vous lu le rapport de M. Struillou commandé par le COR ?
M. Julien Dray. Il ne sait pas lire !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler. En commission, le rapporteur et le président de la commission nous disaient qu'aucun pays européen n'avait inscrit la pénibilité dans la loi. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Ce n'est pas vrai. La Belgique l'a fait. Les Pays-Bas l'ont fait, et ont mis en place un dispositif d'invalidité très précis. On ne peut donc pas dire que rien n'a été fait. Mais en même temps, c'est vrai que la difficulté est réelle.
M. Struillou propose un certain nombre de possibilités. Il propose trois scénarios.
Le premier s'appuie uniquement, comme vous le proposez, sur les accords de branche. Parce que c'est sûrement dans le secteur privé qu'il est le plus important d'avancer sur une définition de la pénibilité. Il dit clairement que s'il n'y a pas, à un moment donné, référence à la loi, il y a des secteurs où les accords de branche ne pourront pas aboutir. Cela veut dire qu'il y a tout une série d'activités qui ne pourraient pas se voir reconnaître leur pénibilité.
Le deuxième scénario qu'il propose, c'est celui où la loi réglementerait tout. Et il dit clairement que la loi ne pourra être efficace, dans ces conditions, que si elle s'appuie sur des négociations de branche - non pas sur des accords - pour définir la pénibilité.
La troisième proposition est un équilibre entre les deux, disant clairement que les accords de branche devront être agréés, respectés par la loi et par l'Etat. Il dit, d'autre part - et c'est là justement que mon amendement retoqué en vertu de l'article 40 prenait en compte cette proposition -, qu'il faut que la loi indique très clairement que dans le cadre de la négociation sur la pénibilité, on doit tenir compte du principe de bonification d'années de cotisation. Ce serait vraiment très intéressant. Notre assemblée, en tout cas, gagnerait en crédibilité si elle étudiait l'ensemble de ces trois dispositions.
Je voudrais, si vous le permettez, monsieur le président, citer la conclusion de M. Struillou. Voilà ce qu'il dit : « Ce travail nous a convaincu, malgré la complexité et la difficulté du sujet, que si la question de la pénibilité constitue un levier de la réflexion et de l'action dans le domaine des retraites, la question des retraites peut servir à son tour de levier à la réflexion et à l'action pour dynamiser la politique de prévention des risques professionnels et favoriser la gestion des carrières et des parcours professionnels. »
Si nous faisons preuve d'autant d'insistance, c'est parce que ce point constitue un des éléments de la « rassurance ». En tout cas, il est une des conditions pour permettre à l'ensemble de la population, en particulier les travailleurs du secteur privé, d'évoluer et de prendre conscience de l'enjeu de la réforme des retraites.
Vous ne pouvez pas écarter aussi simplement que cela les propositions qui ont été faites par M. Struillon dans le rapport du Conseil d'orientation des retraites. C'est un enjeu essentiel, en tout cas, plus important qu'une lettre aux Français, pour avancer sur le projet de la réforme des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. Chère madame, vous avez évoqué l'article 40. J'aimerais vous donner quelques informations qui éclaireront votre réflexion sur les conséquences de cet article. (Sourires.)
Sur ce texte, on a enregistré 11 210 amendements : 9 157 ont été transmis par mes soins à M. le président de la commission des finances aux fins de contrôle de leur recevabilité, 2 219 amendements ont été déclarés irrecevables.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler. C'est là que le mien s'est perdu !
M. le président. Au final, l'Assemblée est appelée à examiner quelques 9 000 amendements en séance publique.
M. Claude Goasguen. Pas mal !
M. le président. Vous vous êtes plainte, madame, des conditions d'application de l'article 40 de la Constitution, mais ce serait plutôt aux députés de l'UMP de s'en plaindre.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ils n'ont pas le droit de parler !
M. le président. En effet, 61 % de leurs amendements ont été déclarés irrecevables ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je vous donne des éléments chiffrés. Interprétez-les comme vous voulez.
M. Pascal Terrasse. Ils n'en avaient déposé que dix !
M. Julien Dray. L'UMP victime de l'article 40 !
M. le président. Pour le groupe des députés communistes et républicains, ce sont 18,3 % des amendements qui ont été déclarés irrecevables.
M. François Liberti. C'est parce qu'ils sont bons !
M. le président. Tandis que pour le groupe socialiste et le groupe UDF, ce sont respectivement 21,47 % et 47,83 % des amendements qui ont été déclarés irrecevables (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Si des députés devaient se plaindre de l'article 40 de la Constitution, ce sont bien les députés de la majorité. Or je ne les ai pas entendus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Rappel au règlement
M. Jean-Marc Ayrault. Puisque vous m'en donnez l'occasion, monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Marc Ayrault. Vous venez de nous donner, comme vous l'avez fait ce matin en conférence des présidents, des pourcentages...
M. Yves Nicolin. Sur quel article votre rappel est-il fondé ?
M. Jean-Marc Ayrault. L'article 58-2, monsieur Nicolin...
M. le président. On peut aussi de temps en temps faire un petit break. (Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste.), plutôt une petite coupure. (Sourires.)
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je n'ai pas l'intention de faire un commentaire sur l'interprétation de l'article 40, je ne mets nullement en cause le président de la commission des finances - il le sait bien d'ailleurs. La mission de tout président de la commission des finances, à moins que l'on ne change la Constitution, est toujours difficile et sujette à controverse. Il est normal que l'on regrette que tel ou tel amendement n'ait pas été retenu alors qu'il aurait permis d'engager un débat - du moins si l'on est de bonne foi et Mme Paulette Guinchard-Kunstler l'a été dans son intervention.
Je ferai plutôt un commentaire politique. Le fait que 61 % des amendements de l'UMP et 47 % des amendements de l'UDF ont été repoussés au titre de l'article 40 prouve que leur dépôt relevait d'une opération de communication.
M. Alain Bocquet. Absolument !
M. Jean-Marc Ayrault. On a essayé de faire croire que les députés de la majorité allaient améliorer le texte du Gouvernement en séance, en sachant pertinemment que ces amendements allaient être retoqués au titre de l'article 40.
M. Alain Bocquet. Tout à fait !
M. Jean-Marc Ayrault. C'est donc une opération de communication politique qui a été orchestrée, et vous venez de nous faire la démonstration, monsieur le président, je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Bernard Roman. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Vous aurez l'occasion de vous exprimer, monsieur Roman.
M. Ayrault a fait un commentaire politique. Pour ma part, je n'en ai pas fait : ce n'est pas mon rôle. Je me suis contenté de vous donner une statistique. Mais je prends acte de votre commentaire politique, monsieur Ayrault.
Reprise de la discussion
M. le président. La parole est à M. Serge Janquin, pour soutenir l'amendement n° 1075.
M. Serge Janquin. Les interventions de mes collègues du groupe socialiste sur la question essentielle de la pénibilité pourraient faire penser à la lecture d'un catalogue. Mais je ne voudrais pas qu'on oublie, derrière les situations évoquées, la réalité des vies de labeur, souvent sacrifiées, voire amputées. Et je m'adresse à vous, monsieur le ministre. Originaire du Pas-de-Calais, vous connaissez au moins aussi bien que moi la réalité de ce département, sa sociologie et les conditions de travail qui y règnent. Vous savez que l'espérance de vie moyenne dans ce département est bien inférieure à la moyenne nationale.
M. Bernard Roman. Trois ans de moins.
M. Serge Janquin. Une des explications est professionnelle, elle est liée aux conditions de travail.
Permettez-moi de vous raconter une histoire, même si elle date un peu. Cette histoire est celle d'un gamin de douze ans qui, une fois son certificat d'études en poche, a été obligé de descendre au fond de la mine. A l'époque, s'il ne l'avait pas fait, la mère et les soeurs perdaient le bénéfice du logement.
M. Hervé Novelli. C'est du Zola !
M. Serge Janquin. Mais vous connaissez cette tradition du logement minier aussi bien que moi.
Il a été victime d'un accident du travail. Il a souffert de la silicose, comme ses frères d'ailleurs. Il est mort avant l'âge. Cet homme, j'en parle sans fausse pudeur, monsieur le ministre, c'était mon père.
Vous comprenez que je sois, comme mes collègues du groupe socialiste, viscéralement attaché à la prise en compte de la pénibilité du travail dans le calcul des retraites. Parce que l'injustice, elle est là.
M. Julien Dray. C'est un vrai argument !
M. Serge Janquin. Je sais bien que l'évaluation est difficile mais elle est absolument nécessaire. Il faut fixer un cadre, proposer des critères et engager des discussions avec les partenaires sociaux. Je suis persuadé que l'on peut aboutir, si vous voulez bien accepter les amendements que nous proposons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir l'amendement n° 1089.
M. Bruno Le Roux. Ce débat sur la pénibilité est sans doute l'un des plus importants pour réformer le système des retraites dans notre pays. Cela explique que nous prenions de nombreux exemples, pour bien montrer que parler, aujourd'hui, du travail en général, se moquer des Français qui travaillent, comme le ministre l'a fait récemment au cours d'un déplacement au Québec (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), c'est se tromper de réalité.
C'est oublier ceux qui, ayant travaillé durement pendant des décennies, abordent la retraite avec des perspectives de vie tout à fait autres que ceux qui ont travaillé dans des conditions plus favorables. Nous ne souhaitons pas, sur cette question de la pénibilité, une simple déclaration d'intention, nous voulons obliger le Gouvernement, avec les moyens dont nous disposons, à préciser la façon dont il compte engager la discussion sur une véritable prise en compte de ce critère.
Dans le texte que vous nous proposez, l'équité proclamée se résume, pour l'instant, à la convergence des durées de cotisations des fonctionnaires et des salariés du privé. Cela ne peut pas satisfaire ceux qui voient s'éloigner de plus en plus loin, avec votre réforme, la date à laquelle ils partiront en retraite.
Les plus inquiets, aujourd'hui, sont les personnes qui travaillent dans de telles conditions que la retraite leur semble difficilement atteignable - d'ailleurs elles y parviennent souvent dans de mauvaises conditions. Certains salariés n'ont pas du tout l'espérance d'une nouvelle vie après le travail que d'autres peuvent avoir.
Nous prenons des exemples concrets, les bûcherons, les ouvriers de la métallurgie, les salariés des travaux publics qui opèrent dans nos villes, à toute heure du jour et de la nuit, dans toutes les conditions, qui portent des charges. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous riez, mais nous sommes là devant des réalités tout à fait différentes. Quand arrive le couperet de la retraite, les salariés de la métallurgie ont une espérance de vie bien plus courte que d'autres salariés. Nous souhaitons engager un véritable débat sur ce problème.
M. Hervé Novelli. Pourquoi n'avez-vous rien fait pendant cinq ans ?
M. Bruno Le Roux. Aujourd'hui, il n'est pas abordé correctement. Vous prétendez être prêts à suivre les recommandations qui ont été publiées dans les rapports. Le Conseil d'orientation des retraites, auquel vous affirmez vous référer, insistent pourtant sur cette question de la pénibilité du travail. Il a même donné des pistes pour guider la réflexion de notre assemblée. Il y a quelques semaines, il a publié un rapport intitulé « pénibilité et retraite », dont vous auriez, monsieur le ministre, tout intérêt à tenir compte ici. Il nous rappelle que la pénibilité au travail est actuellement très peu prise en compte par notre système de retraites. Il serait pourtant intéressant de se pencher sur cette question. Cela nous permettrait de dépasser le débat, que vous montrez souvent du doigt, sur les régimes spéciaux, pour traiter l'avenir de l'ensemble des salariés de ce pays. Cela nous permettrait également d'actualiser cette notion de pénibilité du travail. Je crois que c'est ce qu'attendent les salariés.
Nous pensons que la loi devrait reconnaître la nécessité de prendre en compte la pénibilité du travail de certains salariés et prévoir d'accorder des bonifications. Cela nous semble intéressant. C'est l'objet de notre amendement.
Nous connaissons, parce que nous les recevons dans nos permanences, ces salariés qui sont inquiets pour leur future retraite. Ils nous parlent de leurs conditions de vie, de leurs conditions de travail. Essayons d'engager le dialogue, de déterminer ensemble les critères qui permettent une réforme qui leur paraisse équitable.
Aujourd'hui, avec la réforme que vous nous proposez, vous n'ouvrez aucune perspective pour les salariés qui accomplissent les travaux les plus difficiles, ni en termes de bonifications, ni en termes de départs en retraite anticipés. Nous le regrettons et nous essaierons, tout au long du débat, d'introduire cette dimension nouvelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies pour soutenir l'amendement n° 1141.
M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, d'une manière générale, notre législation sociale opère déjà une distinction, selon la nature du travail ou des activités professionnelles, pour prendre en compte l'intérêt des entreprises et la situation des salariés.
Pour les accidents du travail, par exemple, les entreprises ont organisé elles-mêmes un système fondé sur une sorte de taux d'accidentologie : celles qui présentent le plus de risques paient plus que les autres. Cette distinction existe également dans notre législation et nos règlements concernant les salariés.
Pourquoi cette distinction, qui repose parfois sur des critères objectifs - on pourrait d'ailleurs en utiliser certains - n'existe pas en matière de retraite.
Plus exactement, la différenciation existe parfois dans certains emplois, mais s'agissant du régime général, la question n'est pas posée. Or elle devient essentielle dès lors que vous avez choisi d'allonger la durée des cotisations. C'est une question prégnante dans notre société, mais qui avait pour partie trouvé sa réponse avec la loi sur la retraite à soixante ans, qui avait redonné à des travailleurs dépourvus d'horizon, la possibilité de profiter un peu de leur retraite. A partir du moment où vous prenez une autre orientation, celle de l'allongement de la durée des cotisations, la question de la différenciation entre les salariés mérite d'être à nouveau posée.
Comment faire concrètement ? Vous voulez renvoyer à la négociation. Je sais bien que l'expérience des autres ne sert à rien, mais l'exemple donné par François Brottes est pertinent. Tous ceux qui connaissent la forêt - je suis aussi originaire d'un département forestier - le savent : le taux d'accidentologie et celui de la mortalité prématurée sont très élevés chez les bûcherons. Dans la loi d'orientation sur la forêt, le législateur a inscrit l'objectif de la retraite à cinquante-cinq ans pour les bûcherons, en renvoyant à la négociation. Je pense que tout le monde était de bonne foi. Mais il ne s'est rien passé. Et depuis que votre Gouvernement est en place, monsieur le ministre, il ne s'est rien passé non plus - je ne vous en fais pas reproche.
Voilà un exemple assez précis dans lequel le législateur avait montré la piste à suivre. Mais vous ne la suivez pas.
La négociation n'a pas précédé la loi, on a déjà eu cette discussion cet après-midi. Si la négociation par branche, qui est probablement un passage obligé, avait eu lieu, si un arbitrage interprofessionnel avait pu intervenir, le législateur aurait aujourd'hui à sa disposition des critères qu'il aurait pu inscrire dans cette loi sur la retraite, et celle-ci aurait été mieux comprise. Notre amendement a pour objectif d'affirmer l'importance de cette notion. Mais il ne fixe rien dans la mesure où ce travail en amont n'a pas été fait. Peut-être en viendrez-vous à la raison sur ces questions-là. En tous les cas, la piste d'un traitement différent sur la retraite, comme cela existe dans les autres législations concernant le droit du travail, est la bonne.
M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour soutenir l'amendement n° 1125.
M. Bernard Roman. Monsieur le président, me permettez-vous, au-delà des cinq minutes qui sont imparties... (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Laissez-moi finir mon interrogation, je suis sûr que le président sera d'accord.
M'autorisez-vous à dire deux mots sur l'article 40 et à dire du bien du président de l'Assemblée nationale ? (Rires et exclamations sur divers bancs.)
M. le président. Monsieur Roman, si vous dites du bien du président de l'Assemblée nationale, vous pouvez parler un quart d'heure. (Rires.) Mais soyez bref sur le premier thème. (Sourires.)
M. Bernard Roman. Vous avez évoqué l'article 40, et il est vrai que cet article crée souvent de l'émoi dans les différents groupes de cette assemblée. Au-delà des divergences politiques profondes que nous pouvons avoir avec le président de l'Assemblée, je crois m'exprimer au nom de l'ensemble des députés quand j'affirme que nous adhérons à ses prises de position quand il cherche à réaffirmer la place centrale de l'Assemblée nationale dans le dispositif législatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Bernard Roman. Et quand il déclare, comme il y a quarante-huit heures, qu'il est normal, sur un sujet aussi important que celui des retraites, qu'un débat long se déroule.
M. Hervé Novelli. Les sirènes chantent.
M. Bernard Roman. Vous avez entrepris monsieur le président, un chantier avec l'ensemble des groupes pour essayer de moderniser et d'apporter un peu plus d'allant au travail parlementaire. Je donnerai un conseil à nos collègues de l'UMP et du groupe communiste.
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Serions-nous des alliés objectifs ?
M. Bernard Roman. Puisqu'ils regrettent que leurs amendements soient tombés sous le coup de l'article 40 de la Constitution et n'aient pas pu être examinés, je leur suggère de prendre contact avec les groupes équivalents du Sénat. En effet, du fait d'une jurisprudence du Conseil constitutionnel, les conditions d'application de l'article 40 de la Constitution ne sont pas les mêmes au Sénat et à l'Assemblée.
Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. C'est vrai.
M. Bernard Roman. S'ils sont vraiment sincères dans leur volonté de faire aboutir leurs amendements - je reviens à l'analyse de Jean-Marc Ayrault - les groupes communiste et UMP du Sénat pourront y faire examiner les amendements, les faire éventuellement voter afin qu'ils reviennent à l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
M. Jean-Claude Lefort. Je l'ai dit ce matin.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler. C'est une excellente idée.
M. Bernard Roman. Mais je suis sûr, monsieur le président, que vous serez d'accord avec nous pour affirmer qu'une telle différence entre les deux assemblées n'est pas acceptable pour le fonctionnement de la démocratie parlementaire française.
M. le président. Reste que, pour moi, monsieur Roman, le modèle, c'est l'Assemblée nationale et non le Sénat !
M. Bernard Roman. Il faudrait que les conditions d'application de l'article 40 soient les mêmes dans notre assemblée qu'au Sénat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
J'en viens à l'amendement.
Pourquoi est-il important d'introduire d'autres critères que celui qu'il est prévu d'appliquer d'une manière uniforme : l'allongement de la durée de cotisation ?
Aujourd'hui, l'âge moyen d'entrée sur le marché du travail est de vingt-deux ans, et dans la fonction publique, entre vingt-quatre et vingt-cinq ans. La proposition du Gouvernement est claire : stabiliser à l'horizon 2020 le rapport entre le temps de travail et le temps de retraite, avec la perspective d'une durée de cotisation de quarante et un ans pour tous en 2040.
Cela signifie que ceux qui entrent aujourd'hui sur le marché du travail à l'âge moyen de vingt-deux ans et que ceux qui entrent dans la fonction publique à l'âge moyen de vingt-cinq ans travailleraient, pour bénéficier d'une retraite à taux plein, les premiers jusqu'à soixante-six ans et les seconds jusqu'à soixante-neuf ans, alors que le Gouvernement ne cesse de nous répéter que son projet de loi ne changera rien au montant des retraites !
M. Alain Bocquet. Exact !
M. Bernard Roman. Voilà à quoi aboutira l'application concrète du projet de loi !
S'ils veulent quitter plus tôt leur emploi, le niveau de leur retraite sera amputé considérablement du fait de l'application de la décote.
Comment, alors que les inégalités d'espérance de vie sont dans notre pays flagrantes...
M. Jean Dionis du Séjour. Ce sont les curés qui vivent le plus longtemps ! (Sourires.)
M. Bernard Roman. ... non seulement entre les régions, comme vient de le dire Serge Janquin, mais aussi entre les métiers, peut-on dire à ces jeunes qu'un certain nombre d'entre eux qui exerceront des métiers pénibles devront cotiser toute leur vie pour, finalement, ne pas pouvoir profiter de leur retraite ? C'est inacceptable !
M. Daniel Vaillant. Scandaleux !
M. Bernard Roman. En toute logique, je ne pense pas que l'on puisse défendre ce type de position.
En conclusion, j'insisterai particulièrement sur la situation des femmes. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mme Catherine Génisson et Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Merci !
M. Bernard Roman. Je pense à celles qui, du fait d'une maternité ou parce qu'elles ont des enfants en bas âge, optent pour le temps partiel. On peut d'ailleurs regretter que le temps partiel ne soit pas partagé entre les hommes et les femmes. Mais la réalité statistique est là : ce sont les femmes qui travaillent à temps partiel...
M. le président. Monsieur Roman...
M. Bernard Roman. Je pose ma question : pouvez-vous m'expliquer, monsieur le ministre, comment une femme fonctionnaire, qui, par l'application mécanique de votre texte, ne toucherait une retraite à taux plein qu'à soixante-neuf ans, pourrait-elle avoir une retraite décente si elle entre sur le marché du travail aujourd'hui ?...
M. le président. Merci, monsieur Roman.
M. Bernard Roman. C'est impossible ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Manuel Valls, pour défendre l'amendement n° 1139.
M. Manuel Valls. Monsieur le ministre, je voudrais prolonger les propos de mes collègues, notamment ceux de Bernard Roman, qui n'a pu aller jusqu'au bout de sa logique.
Nous touchons-là à deux défauts majeurs de votre projet de loi.
D'abord, votre réponse uniforme ne tient pas compte des évolutions de la société, ni de la persistance de conditions de travail pénibles, ni de l'accès plus tardif des jeunes à un premier emploi, que traduit la moyenne d'âge des jeunes qui entrent sur le marché du travail. Elle ne tient pas plus compte de la fin des carrières continues et linéaires ni, sur un plan plus général, des conditions de travail des femmes. Autant d'éléments qui auraient dû être intégrés à votre texte.
Ensuite, vous renvoyez la prise en compte de la pénibilité dans le calcul des retraites à la négociation sociale dans un délai de trois ans. Or cette négociation ne produira pas de résultat pour toutes les raisons qui ont déjà été évoquées, notamment à cause de l'attitude du MEDEF.
Nous pensons que la pénibilité, compte tenu de l'évolution du travail des dernières années, doit être placée au coeur du contrat social. C'est la raison pour laquelle nous insistons autant sur cette question.
Le Gouvernement maintient - et nous aimerions vous entendre à ce sujet - un cloisonnement entre le privé et le public, alors que l'on aurait dû, sur ce sujet précisément, tendre vers la convergence.
Aujourd'hui, les dispositifs de cessation d'activité liés d'une manière directe à la pénibilité du métier concernent seulement 1,5 % des deux millions de salariés de plus de cinquante-cinq ans dans le secteur privé. Dans l'état actuel des rapports sociaux, si le principe de pénibilité n'est pas clairement inscrit dans la loi, ce n'est évidemment pas par la négociation qu'il le sera.
Dans le secteur public, le bénéfice du départ anticipé répond avant tout à une logique d'appartenance à un corps : il est regardé comme un avantage lié au statut et son application ne dépend pas de l'analyse de la pénibilité des fonctions concrètement exercées.
Pour de nombreux salariés, la question de la pénibilité risque donc fort de ne pas se traduire par une avancée sociale.
Ainsi, l'évolution du métier d'enseignant, que nous avons abordée hier à l'occasion d'un autre amendement, notamment dans les quartiers les plus difficiles, n'intègre pas la question de la pénibilité. Pourtant, on sait parfaitement que, dans leur immense majorité, les enseignants ne veulent pas travailler au-delà de soixante ans. Or votre projet de loi conduira la plupart d'entre eux à travailler jusqu'à l'âge de soixante-cinq ans. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous attendons vos réponses sur cette question centrale de la pénibilité, monsieur le ministre.
Pour toutes ces raisons, nous pensons que nos amendements doivent être adoptés. La pénibilité sera ainsi placée au coeur du projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Renée Oget, pour défendre l'amendement n° 1112.
Mme Marie-Renée Oget. J'ai déjà défendu cet amendement dans le cadre de la discussion générale,...
M. Yves Nicolin. Alors, à quoi bon recommencer ?
Mme Marie-Renée Oget. ... tout en regrettant que la pénibilité ne soit évoquée qu'une seule fois dans le projet de loi, à l'article 12.
Il faut en effet attendre l'article 12 pour voir aborder la notion de pénibilité dans le cadre des préretraites.
J'aimerais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur une catégorie professionnelle que je connais particulièrement bien.
Je suis l'élue d'une circonscription à vocation essentiellement agricole, et dans laquelle les activités agro-alimentaires sont très importantes.
Les salariés de l'industrie agroalimentaire connaissent des conditions de travail très difficiles : les 3 x 8, le froid et l'humidité, les gestes répétitifs. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Yves Nicolin. Les pauvres !
Mme Marie-Renée Oget. Je ne vois pas ce qui peut susciter des réflexions aussi narquoises dans vos rangs ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
S'il vous arrivait de faire les sorties d'usines du secteur agroalimentaire, vous pourriez vous rendre compte des conditions difficiles dans lesquelles se trouvent parfois les travailleurs concernés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
J'aimerais évoquer la situation des femmes qui travaillent dans ce secteur.
Il s'agit quelquefois de jeunes femmes dont les niveaux de formation peuvent être très élevés. Elles acceptent pour des raisons alimentaires d'aller travailler dans de telles conditions, souvent à temps partiel, d'où leur difficulté à bénéficier d'une retraite à taux plein. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Bernard Deflesselles. Après cinq ans de socialisme ?
Mme Marie-Renée Oget. Nombreux sont ceux qui, travaillant dans des abattoirs de volailles ou de porcs, par exemple, se retrouvent « cassés » avant l'âge et finissent leur carrière avec des taux d'incapacité élevés. Ils méritent donc que l'on s'attarde sur leur cas.
Ainsi que l'a proposé Paulette Guinchard-Kunstler, ils devraient bénéficier de bonifications d'années en fonction de la pénibilité de leur travail. Ce serait une mesure de justice sociale pour ces travailleurs qui ne pourraient supporter que leur période d'activité soit allongée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour défendre l'amendement n° 1104.
M. Didier Mathus. Cet amendement met l'accent sur un point capital : l'absence de prise en compte de la pénibilité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. André Schneider. On l'a déjà entendu !
M. Yves Nicolin. Ça devient pénible !
M. Didier Mathus. Toutes les injustices sont cruelles, mais celle qui consiste à ne pas prendre en compte la réalité du travail l'est encore plus que les autres.
On finit par se demander si la vision du travail qui sous-tend la démarche de la majorité actuelle n'est un peu doloriste - « Travaillez, prenez de la peine », disait le laboureur à ses enfants -, à moins qu'elle ne soit plus souriante, à la manière d'Alphonse Allais, d'après qui « la vie est un long tissu de coups de couteau que l'on boit goutte à goutte ».
Sous la même notion de « travail », on range des réalités différentes. Qu'y a-t-il de commun en effet entre l'ouvrier posté qui part à quatre heures du matin travailler dans une charcuterie industrielle - songez à ce que représente une vie entière d'alinéation ! - et le cadre supérieur...
M. Bernard Deflesselles. Un fonctionnaire !
M. Didier Mathus. ... qui doit prendre des décisions, à qui s'offrent des choix, des rencontres, l'ouverture sur l'extérieur ? Parle-t-on vraiment de la même chose ? A l'âge de la retraite, peut-on considérer que les choses sont égales pour ces deux salariés ?
Je pense que la plus cruelle des inégalités, c'est l'inégalité devant la mort. A cet égard, je vous invite à lire avec attention le rapport du COR qui montre que, pour la période allant de 1982 à 1996 - je ne parle pas du xixe siècle -, la différence d'espérance de vie à trente-cinq ans entre les ouvriers et les cadres était de six ans et demi, et de neuf ans entre les ouvriers non qualifiés et les membres des professions libérales.
C'est sur cette réalité que je vous invite à réfléchir sérieusement !
Quant à la probabilité de décéder entre trente-cinq et soixante ans, elle était de 8,5 % pour les hommes « cols blancs », c'est-à-dire pour les employés qualifiés, les techniciens et les cadres moyens et supérieurs. Mais elle est de 18,5 %, soit plus du double, pour les ouvriers.
Telle est la réalité !
L'inégalité est tout aussi frappante devant la maladie : s'agissant du cancer, la première cause de mortalité pour les hommes et la deuxième pour les femmes, le risque de décès pour un homme actif âgé de vingt-cinq à cinquante-quatre ans et appartenant à la catégorie des ouvriers-employés est supérieur de plus de deux fois et demie à celui d'un actif de la catégorie des cadres supérieurs et des professions libérales.
M. Paul-Henri Cugnenc. N'importe quoi !
M. Didier Mathus. Ces chiffres ne sont pas n'importe quoi : ils émanent des rapports de l'INSEE pour 1982-1996.
La question que le Parlement devrait avoir l'honneur de se poser est la suivante : que peut faire la société face à ces inégalités ?
Tous les chiffres montrent qu'il y a un cumul des inégalités de mortalité et de santé.
M. Dino Cinieri. Il fallait les régler quand vous étiez au pouvoir !
M. Didier Mathus. Les ouvriers ont l'espérance de vie sans incapacité la plus courte, mais aussi l'espérance de vie avec incapacité la plus longue. Peut-on rester indifférent à cela ? Peut-on considérer, comme vous le faites, que cet élément ne doit pas être pris en compte ? La nation a su le prendre en compte en d'autres temps, lorsqu'en 1948 elle a accordé aux mineurs - je suis le député d'une région minière - un « statut », avec la retraite à cinquante ans. Considérez-vous que ç'ait été une injustice ? Si j'en crois ce que vous faites aujourd'hui dans le cadre du régime général, je ne peux qu'être persuadé que vous pensez que c'en était une. Mois, je pense que c'était une mesure de justice élémentaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christophe Masse, pour soutenir l'amendement n° 1103.
M. Christophe Masse. J'entends régulièrement des rangs de l'UMP que nous répétons sans cesse les mêmes choses. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mais, chers collègues, nous les répéterons tant que vous n'apporterez pas de réponses concrète aux questions que l'on vous pose depuis des semaines.
L'obstruction, que vous nous accusez de pratiquer, est plutôt de votre fait : elle résulte de vos non-réponses à de vraies questions.
Mme Nadine Morano. Vous radotez !
M. Christophe Masse. Le problème que soulève nos amendements est important et il a été évoqué tout à l'heure par le président Jean-Marc Ayrault.
Nous souhaitons nous faire entendre...
M. Bernard Deflesselles. Allez donc manifester !
M. Christophe Masse. ... et, comme la répétition est la base de la pédagogie, nous continuerons de nous exprimer sur le sujet.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Très bien !
M. Yves Nicolin. Cela nous fera gagner du temps !
M. Christophe Masse. Un sondage récent, commandé par le ministère des affaires sociales, atteste que 94 % des Français jugent que la pénibilité doit être largement reconnue. Malheureusement, sa reconnaissance est aujourd'hui largement bafouée.
Nous avons sous les yeux une réforme comptable, une réforme mathématique, qui ne tient en aucun cas compte de la réalité du terrain. Pourtant, depuis quelques heures maintenant, des exemples vous sont donnés pour tenter de vous faire comprendre combien il est important de se référer au terrain. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Lionnel Luca. Il ne va pas encore nous citer des « exemples » !
M. Christophe Masse. Si vous voulez, je vais vous en donner un autre !
M. le président. Monsieur Masse, je vous en prie !
M. Christophe Masse. Je vais vous donner un exemple concret concernant pour une part les Bouches-du-Rhône : les dockers de Marseille et de Fos. (« Ah ! sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Mais vous ne les connaissez pas et, comme l'a dit Bernard Roman tout à l'heure, vous n'êtes jamais allés à la rencontre des travailleurs sur le terrain ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Vous n'avez jamais été voir des dockers arrivant à leur travail au petit jour. (Mêmes mouvements.)
M. Christian Kert. Vous non plus !
M. Christophe Masse. Vous perdez là, mes chers collègues, une excellente occasion de savoir ce que sont des conditions de travail difficiles et pénibles.
M. Bruno Le Roux. Très bonne remarque !
M. Christophe Masse. Ces conditions, nous vous les avons rappelées et nous continuons de le faire.
Il y a des emplois qui présentent une pénibilité physique et nous les connaissons. Il y a des emplois qui présentent des pénibilités plus psychologiques, liées au stress. Ceux-là, je crois que vous les connaissez.
Il faut dès maintenant...
M. Bernard Deflesselles. Vous avez eu cinq ans pour agir !
M. Christophe Masse. ... négocier sur la pénibilité, c'est-à-dire établir un vrai cahier des charges, branche par branche, métier par métier...
M. le président. Monsieur Masse...
M. Christophe Masse. Je termine, monsieur le président.
Ainsi, la pénibilité pourra être placée au centre du nouveau contrat social qui doit être passé entre les générations.
M. Bernard Roman. Très bien !
M. le président. La parole est à Catherine Génisson, pour défendre l'amendement n° 1061.
Mme Catherine Génisson. Il est exact que la notion de pénibilité est abordée dans le projet de loi. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Elle y figure trois fois : à l'article 12,...
M. Bernard Accoyer. rapporteur. Très bien !
Mme Catherine Génisson. ... à l'article 27 concernant la fonction publique hospitalière et à l'article 53. Mais elle n'est qu'évoquée et l'on ne peut accepter le renvoi à la négociation collective. Il faut l'encadrer beaucoup plus. La loi doit être beaucoup plus précise sur ce sujet de la pénibilité qui est au coeur de notre réflexion. Je voudrais vous parler de la pénibilité due à l'effort physique, au stress, ou au rythme de travail. Je me permettrai d'ailleurs, comme me le suggérait tout à l'heure le président de la commission des affaires sociales, de prendre un exemple précis, celui des urgentistes. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Cela concerne les aides-soignants, les infirmières et les médecins. Ces personnes sont soumises à la pénibilité des rythmes de vie, à une pénibilité physique du travail et au stress. En effet, elles doivent prendre en charge des malades très graves et sont confrontées à l'angoisse, voire à l'agressivité des familles ou, plus grave encore, à l'échec. Je peux parler par expérience personnelle de collègues, d'infirmières, d'aides-soignantes que je retrouvais après une deuxième nuit de garde et qui me disaient ne pas avoir dormi de la journée, car elles avaient repensé au décès de telle ou telle personne.
M. Bernard Roman. Eh oui !
Mme Catherine Génisson. C'est exactement cela ! Nous sommes au coeur de la pénibilité qu'il est fondamental de prendre en compte pour les retraites. On le sait, les personnes qui ont les conditions de travail les plus difficiles sont aussi celles qui ont l'espérance de vie la plus courte. J'ai d'ailleurs insisté, lors d'interventions précédentes, sur la nécessité d'entreprendre des études épidémiologiques sur les conséquences médicales et sociales de cette pénibilité. Il est donc très important que cette notion soit décrite de façon beaucoup plus précise dans la loi.
Entre trente-cinq et soixante-cinq ans, la probabilité de mourir est de 12 % pour un cadre de la fonction publique, mais de 29 % pour un ouvrier non qualifié. On sait aussi qu'un cadre de soixante ans a une espérance de vie de 22,5 années, alors que celle d'un ouvrier est de 17 ans. C'est donc bien une question d'équité qui se pose à nous tous. Il faut par conséquent reconnaître ce critère dans la loi et le définir de façon beaucoup plus précise qu'il ne l'est actuellement.
Renvoyer à des négociations collectives et fondamentales n'est pas suffisant. Pour que celles-ci aboutissent de façon positive, il faut qu'elles s'appuient sur la loi. Ce sujet nous concerne tous. Nous devons donc tous y travailler. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean Dionis du Séjour. Ce débat devient pénible ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Pierre Cohen. Monsieur le ministre, depuis le début de ce débat, tout votre discours consiste à faire croire aux Français qu'il n'existe pas d'autre choix possible que l'augmentation du nombre d'années de cotisation, et votre argumentation s'appuie en grande partie sur l'allongement de la durée de vie. Or, même si, en moyenne, ce constat est juste, nous savons qu'il ne l'est pas d'une manière uniforme. Il existe à cela beaucoup de raisons. La principale, avancée par de nombreuses études sérieuses, c'est la pénibilité du travail.
M. Dominique Dord. Voilà, il l'a dit !
M. Pierre Cohen. Le travail pénible, c'est, au pire, celui des métiers où l'on est confronté à des maladies graves, voire à des morts précoces. Mais c'est aussi le travail subi, l'exploitation réglée par la cadence, les mauvaises conditions de travail. C'est la pression psychologique, le manque de reconnaissance. C'est le risque, le danger, le fait de vivre en permanence dans une ambiance de violence ou d'entrer dans une profession avec un idéal et de se voir confier des tâches qui sont à l'antipode de ce que l'on souhaitait. Je sais que je vais faire hurler un certain nombre de députés, mais je pense aux instituteurs. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Gaëtan Gorce. Voilà !
M. Pierre Cohen. J'arrête ici mon énumération, mais tout le monde l'a compris : ce que j'ai dit concerne aussi bien le public que le privé et les métiers manuels que les métiers intellectuels.
Monsieur le ministre, parce qu'il fallait prendre en compte les acquis sociaux, et parce que certains métiers ne pouvaient plus être poursuivis dans de bonnes conditions, une solution s'est imposée qui a d'ailleurs fait l'objet d'un consensus, tant auprès des salariés que des chefs d'entreprise, ce qui est assez rare dans notre pays : le départ anticipé à la retraite. Si vous ne voulez pas aller à contre-courant de cette réalité, il vous faut accepter cet amendement. Prenez en compte la pénibilité pour rendre plus juste ce droit à la retraite ! A mon avis, ce sera certainement une bonne occasion pour rouvrir les négociations avec les organisations syndicales, qui ont tant manqué à ce projet de loi ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.
M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le président, je vais défendre l'amendement n° 1000. Dans la pseudo-réforme qui nous est proposée, un élément a été oublié : la pénibilité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Je le dis d'autant plus que certains cas précis ont été évoqués par les uns et les autres et j'ai remarqué avec quelle attention vous avez écouté les caractéristiques de ces métiers. Cela dit, j'interviendrai en tant que professionnel de santé. Alors que je donnais hier des consultations (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
M. Edouard Landrain. Vous devriez être ici tout le temps !
M. Jean-Paul Bacquet. Vous l'avez dit vous-même, être parlementaire, ce n'est pas un métier, c'est une mission ! Nous avons tous un métier à côté !
En examinant mes patients donc, je pensais à cette notion de pénibilité.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La Gauche caviar !
M. Jean-Paul Bacquet. Je vous en prie ! Vous oubliez sans doute que certains d'entre vous se sont empressés de prendre leur retraite...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Comme Fabius !
M. Jean-Paul Bacquet. ... de professeur de faculté avant que la réforme soit mise en place. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues !
M. Jean-Paul Bacquet. Quant à moi, je suis issu d'un milieu rural. Mes parents n'avaient pas le certificat d'études. J'ai fait des études et je les ai payées. (Exclamations sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.) Je n'ai donc pas de leçons à recevoir de vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Arrêtez, mes chers collègues, cela ne sert à rien et, de surcroît, cela fait perdre du temps !
Poursuivez, monsieur Bacquet.
M. Jean-Paul Bacquet. Lorsque l'on reçoit un maçon en consultation, on ne peut que constater l'usure prématurée de son organisme, due aux conséquences des intempéries, au travail à l'extérieur. Les maçons, comme les couvreurs, ont des pneumopathies, des broncho-pneumopathies récidivantes, une amputation de leurs capacités respiratoires. Quant aux dockers, ils ont des arthroses prématurées, des pincements discaux, des ostéophytoses marginales. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On mesure les conséquences de la pénibilité du travail de ces ouvriers du bâtiment ou des travaux publics qui manipulent des marteaux piqueurs et qui, le soir, ne peuvent même plus tenir le verre ou le couvert à table parce que la risarthrose a détruit les articulations de leur main. Comme le disait à juste titre et avec beaucoup de détails notre collègue Bonrepaux, ces hommes qui travaillent dans le froid, qui montent sur des installations gelées,...
M. le président. Monsieur Bacquet, veuillez conclure !
M. Jean-Paul Bacquet. ... sont atteints d'une maladie - le syndrome de Raynaud - qui détruit les articulations. De plus, leur stress est tel qu'ils sont obligés de manger des somnifères le soir, car ils ont des angoisses pour le travail qu'ils auront à faire le lendemain. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ces travailleurs soumis aux trois-huit ont des douleurs gastriques et des maux de dents, et je pourrais continuer ! (Mêmes mouvements.) J'insiste sur le fait que, chez ces personnes, les accidents de travail se multiplient, ainsi que les indemnités journalières et ce que l'on appelle la mise en invalidité pour « usure prématurée de l'organisme ». Et cette invalidité, ils la refusent, parce qu'elle correspond à des revenus insuffisants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Aubron.
M. Jean-Marie Aubron. Au risque d'importuner la majorité, je vais revenir sur la pénibilité du travail. Je le ferai sans statistiques, mais en évoquant des personnes qui m'entourent, car je viens de la Lorraine où j'ai travaillé dans la sidérurgie, comme je l'ai dit il y a quelques jours. Durant une trentaine d'années, nous avions autour de nous des personnes dont les conditions de travail étaient très difficiles. Pourquoi ne voulez-vous pas considérer la pénibilité, qui est un problème évident ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je citerai un seul cas, celui d'un brave homme venu dans la sidérurgie après avoir quitté les mines du Nord - Pas-de-Calais, touchées par des fermetures. Il est arrivé chez nous et a travaillé dans une aciérie comme « maçon fumiste ». Je vais vous expliquer ce qu'est un « maçon fumiste ». (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Oh, je sais que cela ne vous intéresse pas !
M. André Chassaigne. Quel mépris de la classe ouvrière !
M. Jean-Marie Aubron. Ce brave homme était couvert d'amiante et portait de gros sabots de bois. Avant qu'il descende dans les fours, on en mesurait la température pour savoir s'il était encore possible d'y travailler. Il remuait des pièces de maçonnerie de quarante kilogrammes au moins. Voilà les conditions dans lesquelles il travaillait, sur trois postes de travail, quarante-huit heures par semaine, y compris les samedis, les dimanches et les jours de fête. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Guy Teissier. Sortez vos mouchoirs : séquence émotion !
M. Jean-Marie Aubron. Ce brave homme était un de mes voisins. Il a été obligé de quitter son travail à cinquante ans à cause des restructurations successives que nous avons connues dans la sidérurgie. Je ne sais pas dans quel état était sa colonne vertébrale - je ne suis pas médecin -, toujours est-il qu'il ne pouvait pratiquement plus bouger. Il a vécu quelques années, puis il est décédé. Il n'avait pas tout à fait 37 annuités et demie, mais, croyez-moi : il n'aurait pas pu faire un an de plus !
Mme Nadine Morano. Et vous n'avez rien fait avant ? Chapeau !
M. Jean-Marie Aubron. Il faut prendre en compte la pénibilité, car ils étaient des milliers à être dans ce cas. Dans la sidérurgie, il y a plus de métiers difficiles que de métiers trop faciles. Ne pas prendre en compte la pénibilité, c'est refuser de voir la réalité en face ! C'est surtout fermer les yeux sur la réalité de ces braves hommes, qui ont travaillé pour la richesse de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.
Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Monsieur le ministre, je suis surprise du temps qu'il nous faut pour convaincre nos collègues de la majorité de prendre en compte la pénibilité des métiers dans les droits à la retraite. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Apparemment, il y a, dans cet hémicycle, des députés de la majorité élus de circonscriptions où il n'y a pas de travailleurs qui exercent des métiers pénibles...
M. Bernard Roman. Eh, oui !
Mme Geneviève Perrin-Gaillard. ... ou qu'ils ne les ont jamais rencontrés ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il y aurait donc une France d'en haut, que vous représenteriez, et une France d'en bas que nous représenterions !
M. Pascal Terrasse. Voilà la vérité !
Mme Nadine Morano. C'est n'importe quoi !
M. le président. Madame Morano !
Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Ne pas prendre en compte la pénibilité, monsieur le ministre, c'est ne faire aucun cas des difficultés rencontrées par nos concitoyens dans l'exercice de leur travail. C'est en fait accepter que ceux qui ont eu un travail pénible tout au long de leur vie n'aient droit à strictement aucune reconnaissance.
M. Guy Teissier. C'est faux !
Mme Geneviève Perrin-Gaillard. De plus, la pénibilité ne fera que s'accroître sous l'effet des exigences de productivité et de rentabilité de l'économie libérale vers laquelle vous allez nous entraîner ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce seront toujours les mêmes qui auront un travail pénible : ceux qui l'ont déjà aujourd'hui !
Les conséquences de la surdité dont vous faites preuve sont graves. D'abord, nous n'avons aucune chance de pouvoir améliorer les conditions de travail dans les métiers les plus pénibles. Ensuite, et nous pouvons tous partager ce point de vue, nous aurons encore plus de mal à attirer des jeunes vers les formations pour ces métiers dits pénibles si nous ne reconnaissons pas la pénibilité du travail pour déterminer le niveau de la retraite. Nous devons en parler. Personne ici n'a parlé de la formation ! Nous nous battons depuis des années pour que nos jeunes aillent vers les métiers du bâtiment, vers ces métiers dits difficiles, mais ce sera peine perdue si, aujourd'hui, vous ne reconnaissez pas la pénibilité pour l'exercice des droits à la retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission a examiné cet amendement déposé 149 fois à l'identique et qui évoque la pénibilité des métiers. Cette notion figure dans d'autres articles du texte, comme l'a dit Mme Génisson, qui s'est d'ailleurs trompée de références. Il s'agit de l'article 12 pour le régime général, de l'article 34 pour les catégories B actives de la fonction publique et de l'article 54 pour les personnels hospitaliers. Cela démontre que la pénibilité est bien prise en considération dans ce texte.
La commission a en outre considéré que d'autres éléments avaient été pris en compte, en particulier l'abaissement de l'âge de la retraite pour les vieux travailleurs manuels décidé en 1975 par Jacques Chirac, Premier ministre, et le rapport Struillou, commandé par la précédente majorité, qui a conclu - page 24 - qu'aucun pays étranger n'avait institué un dispositif tenant compte de la pénibilité.
M. Bernard Roman. A l'époque c'était vrai, mais c'est fini !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Quant aux exemples qui ont été pris par nos collègues, ils relèvent du régime général et il s'agit le plus souvent de gens ayant fait de très longues carrières pour lesquels, vous le savez, le départ à la retraite sera possible jusqu'à trois ans plus tôt qu'auparavant, ce qui est une autre avancée.
Mme Nadine Morano. Très bien !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. S'agissant de la durée de cotisation, c'est avec dix à quinze ans de retard que le public et privé seront enfin alignés, ce qui est un élément d'équité. Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je veux tout d'abord remercier l'opposition d'avoir rendu au Gouvernement le plus bel hommage. En effet, j'ai pu mesurer mesdames, messieurs, par l'abondance de vos interventions quelle fut votre frustration de ne pas avoir été entendus sur le sujet de la pénibilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Or, aujourd'hui, nous vous apportons un certains nombre de réponses.
Plusieurs députés pour un groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ce débat a au moins l'intérêt de permettre d'apporter un certain nombre de précisions.
M. Manuel Valls. Voilà !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. J'ai entendu M. Bonrepaux parler avec beaucoup de passion, ce qui ne m'étonne pas, de la situation de conducteurs d'équipements qui, à soixante ans, avaient des difficultés sérieuses pour exercer leur profession.
Je rappellerai simplement que cette catégorie de fonctionnaires est classée en service actif et peut donc partir à la retraite à cinquante-cinq ans. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe pour l'Union pour un mouvement populaire.) La notion de pénibilité est déjà intégrée dans la fonction publique.
M. Augustin Bonrepaux. Vous n'avez pas bien lu le rapport ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous n'avez pas la parole !
M. Augustin Bonrepaux. Comment peut-on avoir quarante annuités à cinquante ans ? Le ministre ne répond pas à la question ! Il dérape. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Bernard Deflesselles. C'est vous qui dérapez !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je vous rappelle donc, mais on aura l'occasion d'y revenir au titre III, que les services actifs de la fonction publique tiennent compte de la pénibilité.
Le Gouvernement, dans son texte, a proposé très clairement trois réponses pour la pénibilité. D'abord, il a intégré, et c'est une formidable avancée qui tend à réduire l'inégalité que vous dénoncez entre les ouvriers et les cadres supérieurs, la capacité pour celles et ceux qui ont démarré à quatorze, quinze et seize ans de pouvoir partir avant soixante ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela n'avait jamais été fait et c'est aujourd'hui dans les textes.
M. Pierre Hellier. Cela avait été refusé par le PS !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Quelle formidable reconnaissance de la pénibilité du travail !
Ensuite - et quelle différence entre l'attitude qui fut la vôtre lorsque vous étiez aux affaires et la nôtre ! - nous avons intégré dans le relevé de décisions les points suivants : « Les partenaires sociaux seront incités par la loi à conclure d'ici à trois ans une négociation sur la définition et la prise en compte de la pénibilité. Dans la fonction publique, le Gouvernement engagera un réexamen de la situation des emplois correspondant à des métiers pénibles. » Et nous donnerons un avis favorable à un amendement du rapporteur de la commission des finances.
La grande différence entre nous - j'ai fait cette constatation avec beaucoup de tristesse en écoutant vos interventions - c'est que nous, nous faisons une grande confiance à la capacité des partenaires sociaux de mettre sur le chantier une réflexion, une discussion, et de parvenir à des accords.
M. Edouard Landrain. Eh oui !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Quoi qu'il en soit, j'ai pu mesurer à quel point la qualité du travail parlementaire pouvait être nourrie par la répétition d'arguments identiques dont je me demande s'ils ont pour objet de faire oeuvre de pédagogie ou de faire gagner du temps.
M. Augustin Bonrepaux. Ces arguments sont plus riches les uns que les autres !
M. le président. Contre les amendements, la parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. J'ai écouté très attentivement les interventions de nos collègues, et je voudrais dire que certains commentaires, qui laissaient croire que d'aucuns seraient uniquement les élus de circonscriptions huppées, où l'on ne rencontrerait aucun problème de pénibilité du travail, avaient quelque chose de blessant !
M. André Chassaigne. Ce sont vos réactions qui nous le laissent penser !
M. Michel Bouvard. Moi, je suis l'élu d'une circonscription industrielle où beaucoup de gens font du travail posté, chez Saint-Gobain, par exemple dans les fours, devant les fibres de renforcement ou dans les fonderies chez Pechiney, dans les alliages sur les métiers spéciaux, dans les cartonneries à La Rochette.
M. Bruno Le Roux. Il va falloir aller les voir plus souvent !
M. Michel Bouvard. Ma circonscription compte aussi beaucoup d'agriculteurs et des bergers qui font quatre-vingt heures par semaine l'été pour préserver leur troupeau des prédateurs qui ont été réintroduits par la majorité que l'on sait... (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement pluriel. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Augustin Bonrepaux. Ah non ! Par votre majorité ! Evitez donc de parler de loup ! (« Hou ! hou ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Michel Bouvard. Chers collègues de l'opposition, nous avons pris conscience autant que vous des problèmes de pénibilité du travail. Les exemples que vous avez pris prouvent bien l'extrême diversité des situations, et chacune de vos démonstrations a montré combien il est difficile de régler cette affaire uniformément par la loi, et combien la négociation des partenaires sociaux peut permettre de prendre en compte non seulement la diversité des situations, mais également leur évolution dans le temps.
J'espère que ce soir ceux qui ont suivi ce débat n'auront pas été trop nombreux. (« Oh si ! » sur les bancs du groupe socialiste.) On a envoyé, en effet, une image des métiers industriels, agricoles et techniques qui n'est pas la meilleure qu'on puisse imaginer pour favoriser le recrutement dans ces professions.
M. Bruno Le Roux. Dire que c'est pénible est la stricte vérité !
M. Michel Bouvard. Il est vrai que ceux qui sont aujourd'hui en fin de carrière ont subi ces métiers qui ont longtemps été difficiles. Mais ceux-ci ont évolué. Il faut en tenir compte et donc repousser les amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Marcel Dehoux, pour l'amendement.
M. Marcel Dehoux. Je défends l'amendement n° 1037. Je suis, vous le savez, un élu du Nord - Pas-de-Calais, ce département, monsieur le ministre, qui vient dimanche dernier de vous donner un signal fort dans le canton que vous parcourez régulièrement, celui de Fauquembergues.
M. Pascal Terrasse. Rappelez-nous les chiffres !
M. Marcel Dehoux. Lors d'une élection partielle, en effet, les électeurs vous ont fait savoir qu'ils n'étaient pas d'accord avec votre politique...
M. Pascal Terrasse. C'est un avant-goût de ce qui va se passer l'année prochaine !
M. Marcel Dehoux. ... alors que 68 % se sont déplacés pour voter, 54 % d'entre eux ont donné leur voix au candidat socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Bernard Roman. Au premier tour !
M. Marcel Dehoux. Vous déteniez pourtant ce siège depuis des lustres !
M. Pascal Terrasse. Siège historiquement à droite !
M. Marcel Dehoux. Dans ce Nord - Pas-de-Calais que vous parcourez souvent, monsieur le ministre, il y a encore de nombreux ouvriers textiles. Avez-vous déjà passé une journée, une nuit dans une usine au milieu des métiers à filer (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), des revideurs, des continues à filer, qui font un bruit à rendre sourd dans une chaleur étouffante ? Non vous ne savez pas ce que c'est et vous ne pouvez pas en parler. (Même mouvements sur les mêmes bancs.)
M. Yves Nicolin. C'est pitoyable !
M. Bernard Deflesselles. Vous êtes enseignant, monsieur Dehoux ! Vous n'avez jamais mis les pieds dans une usine !
M. Marcel Dehoux. Ça brise ceux qui travaillent là. Ce fut le cas de mes grands-parents et de mes parents qui sont morts, quelques mois après leur retraite. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire). Dans ce Nord, il y a encore, vous le savez bien, des ouvriers de la métallurgie, qui subissent la chaleur des fours, le bruit des usineuses, des aléseuses, des forgeuses, qui les brisent aussi.
M. Yves Nicolin. C'est pitoyable !
M. Marcel Dehoux. Ça existe, monsieur !
Je suis élu de la circonscription de l'Avesnois que vous connaissez bien. Il y a plus d'un siècle, le 1er mai 1891, les ouvriers se battaient pour la semaine de huit heures. Certains en sont décédés...
M. Yves Nicolin. Pitoyable !
M. Marcel Dehoux. Les grands ancêtres de M. Seillière disaient que c'étaient des fainéants. Je suis député de la circonscription de Léo-Lagrange - par parenthèse, vous pourrez rappeler à M. le Premier ministre qu'il avait choisi sa patrie et son parti - qui, en 1936, a inventé les congés payés. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Là encore, certains avaient déclaré que cela permettrait aux « fainéants » d'aller se saouler sur les plages. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je suis aussi dans la circonscription de Pierre Mauroy qu a instauré la retraite à soixante ans et la cinquième semaine de congés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Ce soir mes voisins et mes amis m'ont chargé de vous dire qu'ils étaient contre votre article 3. Par respect pour eux et pour leur travail, je demande à l'assemblée d'adopter mon amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je n'admets pas que vous prétendiez parler au nom de ceux qui souffrent dans le travial.
M. Augustin Bonrepaux. C'est bien normal qu'on parle pour eux !
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Car si vous êtes l'élu d'une circonscription difficile, je dois vous dire que moi, j'ai eu de la chance d'avoir un père qui a commencé à me faire apprendre le métier en étant ouvrier. Et je suis fier de mon pasé d'ouvrier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault pour un rappel au règlement.
M. Jean-Marc Ayrault. Non pas pour un rappel au règlement. Je veux simplement répondre au ministre qui a redemandé la parole. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Mais, monsieur Ayrault, le Gouvernement peut demander la parole quand il le veut.
M. Jean-Marc Ayrault. Alors, je vais demander la parole pour un rappel au règlement. Mais je voulais simplement remercier M. Bouvard pour son intervention. Ici, nous représentons la diversité de la France, à gauche, comme à droite. A des nuances près c'est vrai, car la sociologie n'est pas la même partout. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On peut estimer aussi que dans toutes les circonscriptions de France...
M. le président. Nous représentons la Nation !
M. Jean-Marc Ayrault. ... il existe des situations comme celles que nous, membres du groupe socialiste, avons décrites tout au long de ce débat. Nous pouvons reconnaître cela. Mais, par ailleurs, le groupe socialiste ayant déposé un amendement ainsi rédigé : « Les assurés bénéficient d'une égalité de traitement au regard de leur retraite, tenant compte de la pénibilité des métiers qu'ils ont exercé tout au long de leur carrière professionnelle », qu'est-ce qui empêche la majorité de faire un geste à l'égard de l'opposition et d'accepter cet amendement ? Elle ferait ainsi la preuve de sa bonne foi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
Je vais maintenant mettre aux voix par un seul vote les amendements n°s 1070, 1044, 1091, 1030, 1028, 1016, 1019, 1060, 1068, 1075, 1089, 1141, 1139, 1104, 1103, 1061, 1032, 1000, 998, 1119, qui viennent d'être soutenus.
Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
Le scrutin est ouvert.
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 289
Nombre de suffrages exprimés 289
Majorité absolue 145
Pour l'adoption 92
Contre 197
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
Mme David, MM. Le Garrec, Terrasse, Gorce, Bartolone, Beauchaud, Mme Clergeau, M. Durand, Mmes Génisson, Guinchard-Kunstler, Hoffman-Rispal ; MM. Masse, Mathus, Mme Mignon, MM. Nayrou, Néri, Mme Oget et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 3020, ansi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 3 :
« Les assurés bénéficient d'une égalité de traitement au regard de la retraite tenant compte des inégalités d'espérance de vie. »
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Jean-Claude Lefort. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement depuis une demi-heure !
M. le président. Je vous donnerai la parole dans quelques instants.
M. Jean-Claude Lefort. Monsieur le président, rappel au règlement !
M. le président. Monsieur Lefort, j'ai d'ores et déjà donné la parole à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Je regrette après le président de notre groupe que le Gouvernement n'ait pas jugé utile de faire un geste sur l'amendement précédent qui, dans sa formulation comme sur le fond, n'aurait pas dû poser de problème puisque nous sommes bien dans des articles portant sur des déclarations de principe. La question de la pénibilité, qui nous a occupés pendant une bonne partie de l'après-midi et de la soirée, aurait mérité une reconnaissance plus nette que celle que vous lui avez témoignée, à travers des déclarations que l'on pourrait qualifier de lénifiantes, puisqu'elles n'ont pas trouvé leur traduction dans un amendement comme celui que nous avons présenté.
L'amendement que je défends a pour objectif de prendre en compte les inégalités d'espérance de vie. Evoquant ce point, je suis évidemment dans le prolongement de ce qui a été dit précédemment, puisque l'on sait combien la pénibilité du travail et les différences devant l'espérance de vie sont liées. Entre un ouvrier et un cadre, toutes les études montrent, en effet, une différence d'espérance de vie à 35 ans, qui est évidemment très nette également lors du départ à la retraite. C'est une des raisons qui a conduit le gouvernement de Pierre Mauroy, en 1981 et 1982, à mettre en oeuvre la retraite à 60 ans, ce dont le groupe socialiste est fier. Nous avons d'ailleurs le souvenir du comportement de l'opposition de droite de l'époque, dans cet hémicycle.
On retrouve la même analyse après 60 ans : la durée de vie passée à la retraite est très nettement inférieure selon les emplois occupés tout au long de la vie. Dans de nombreuses professions, les salariés sont victimes d'une usure prématurée en raison de conditions pénibles, insalubres, dangereuses ou astreignantes. Ces conditions ont un effet important sur la santé. Or, les assurés sociaux doivent pouvoir bénéficier au moment de leur départ en retraite d'un traitement équitable, tenant compte des inégalités d'espérance de vie.
J'ajoute que contrairement à ce que j'ai entendu de la bouche de M. Fillon et de vous-même, monsieur le ministre, certains pays ont pris en compte l'espérance de vie. C'est le cas en particulier de la Suède, dont le dispositif est un peu particulier mais qui a intégré cet élément dans sa réflexion sur le montant des retraites. Une réforme des retraites doit prendre en compte ces conditions au moment de la liquidation des droits à la retraite. Tel est le sens de cet amendement.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lefort, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Claude Lefort. Monsieur le président, cela fait une demi-heure que j'ai demandé la parole.
M. le président. Monsieur Lefort, quand vous voulez vous faire remarquer, vous savez le faire ! (Sourires.) Vous avez la parole pour un rappel au règlement.
M. Jean-Claude Lefort. Monsieur le président, j'ai fait preuve de correction.
M. le président. Allez-y, monsieur Lefort.
M. Jean-Claude Lefort. Oui, je vais le faire, naturellement. Mon rappel au règlement se fonde...
M. le président. Sur l'article 58, alinéa 1 !
M. Jean-Claude Lefort. Puis-je choisir sur quel article se fonde mon rappel au règlement ?
M. le président. Je vous en prie, monsieur Lefort !
M. Jean-Claude Lefort. Il se fonde sur l'article 58, alinéa 1. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Voilà, c'est ce que j'avais dit !
M. Jean-Claude Lefort. Monsieur le président, j'avais levé la main pour faire un rappel au règlement parce que j'avais constaté la présence furtive du président de la commission des finances mais, à présent, je ne le vois plus.
M. Julien Dray. Il a pris son Valium et est allé se coucher !
M. Jean-Claude Lefort. En dépit des bons conseils de notre ami Roman, je souhaiterais, moi, que notre règlement s'applique. Or M. le président de la commission des finances a la haute main sur le tampon qui a rendu irrecevables des centaines et des centaines d'amendements de fond présentés par notre groupe.
M. Yves Bur. Ne reprenez pas ce débat ! L'UMP a été plus maltraitée que vous !
M. Jean-Claude Lefort. Vous n'avez pas à en juger !
Je voudrais rappeler les termes de l'article 40 de la Constitution...
M. le président. Monsieur Lefort...
M. Jean-Claude Lefort. Je les rappellerai, monsieur le président.
M. le président. Soit. Mais dépêchez-vous !
M. Jean-Claude Lefort. « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique. »
M. Augustin Bonrepaux. Le président de la commission des finances doit venir s'expliquer !
M. Jean-Claude Lefort. Or, je veux rappeler que le système des retraites concerne tout à la fois le service public et le service privé stricto sensu, l'ensemble des amendements que nous avons déposés ne pèsent donc pas sur les charges publiques. Ils concernent un problème de société. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pourquoi alors que vous avez la majorité et que le vote de nos amendements ne causera aucune surprise ; pourquoi, après que le Gouvernement a dit que le temps de la discussion avec les partenaires sociaux était terminé, et qu'était venu le temps de la discussion parlementaire ; pourquoi sur des amendements fondamentaux, qui représentent précisément une alternative à votre projet de casse des retraites,...
M. Pierre Cardo. C'est votre interprétation !
M. Jean-Claude Lefort. ... faudrait-il qu'aucun débat n'ait lieu entre nous ? Pourquoi ne pas démontrer qu'il est possible de faire autrement que de poursuivre dans la voie de la loi Balladur ? Pourquoi ne pas démontrer que l'on peut prendre sa retraite après trente-sept ans et demi de cotisation, dans le privé comme dans le public ?
M. Pierre Cardo. Parce que, après Balladur, vous avez eu le pouvoir pendant cinq ans et que vous ne l'avez pas fait !
M. Yves Bur. Il fallait avoir ce courage avant, monsieur Lefort !
M. Jean-Claude Lefort. Le président de la commission n'est plus là, mais les coups de tampon qu'il a donnés ont aussi écarté ceux de nos amendements qui demandent un référendum. En quoi cela a-t-il à voir avec la charge publique ? Est-ce que la lettre du Premier ministre ne coûte pas cher à la nation, monsieur le président ?
M. Pierre Cardo. Et vos amendements ?
M. Jean-Claude Lefort. Il l'a envoyée aujourd'hui à tous les Français. C'est scandaleux ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je demande, quant à moi, que le président furtif de la commision des finances vienne expliquer pourquoi il a mis ces coups de tampon sur nos amendements.
M. Yves Bur. On vous l'a déjà expliqué !
M. Jean-Claude Lefort. Monsieur le président, si le président de la commission des finances ne revient pas sur sa décision, je demande une réunion d'urgence du bureau, afin que le règlement de l'Assemblée nationale soit respecté. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Messieurs et mesdames de la majorité, en défendant nos droits, je défends aussi les vôtres. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) Car, demain, c'est vous aussi qui pourrez en faire un libre usage. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Défendons ensemble les droits du Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Lefort, je prends acte de votre demande.
Reprise de la discussion
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Le rapporteur de la commission des finances !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, mes chers collègues, la meilleure façon de respecter les droits du Parlement, c'est, avant tout, de respecter la Constitution car celle-ci s'impose à toutes et à tous.
M. Pierre Cardo. C'est tout à fait exact !
M. Yves Bur. Ce n'est pas une question d'interprétation !
M. Bruno Le Roux. Vous faites une lecture de l'article 40 particulière sur le point qui nous concerne.
M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Je pense d'ailleurs que les parlementaires doivent montrer l'exemple.
En ce qui concerne l'article 40 de la Constitution sur lequel le président Méhaignerie s'est expliqué,...
M. le président. Monsieur Bertrand, en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, vous devez vous exprimer sur l'amendement et sur rien d'autre. C'est le règlement. Donnez votre avis sur l'amendement qui a été défendu par M. Gorce.
M. Julien Dray. Il faut bien écouter le président.
M. Augustin Bonrepaux. La question de fond est celle de l'application de l'article 40.
M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. L'amendement n'est évidemment pas recevable. Je rappelle que notre objectif, est bel et bien de conforter la retraite par répartition. Que je sache, la sécurité sociale n'est pas privée. Voilà la raison pour laquelle l'article 40 de la Constitution a été appliqué dans toute sa rigueur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Bruno Le Roux. Vous avez appliqué votre interprétation de l'article 40.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3020.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. M. Durand, Mme David, MM. Le Garrec, Terrasse, Gorce, Bartolone, Beauchaud, Mmes Clergeau, Génisson, Guinchard-Kunstler, Hoffman-Rispal ; M. Masse, M. Mathus, Mme Mignon, M. Nayrou, M. Néri, Mme Oget et des membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 3021, ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 3 :
« Les assurés bénéficient d'une égalité de traitement au regard de la retraite tenant compte des périodes d'inactivité et de formation qu'ils ont connues tout au long de leur carrière professionnelle. »
La parole est à M. Pascal Terrasse.
M. Pascal Terrasse. L'amendement n° 3021 a pour objectif de faire bénéficier les futurs bénéficiaires d'une retraite d'une bonification au titre des périodes d'inactivité et de formation. Nous revenons à un débat que nous avons eu tout au long de la journée entre validation et bonification. Il nous paraît en effet indispensable de donner des bonifications à certaines catégories professionnelles, au titre de ces périodes. En l'occurrence, il s'agit de les accorder à ceux qui ont eu des périodes d'inactivité en raison d'une interruption de carrière, d'un handicap, d'une maladie, ou encore parce qu'ils ont souhaité bénéficier d'une formation. Si l'on veut permettre aux travailleurs qualifiés d'accéder à un emploi au-delà de cinquante ans, il faut bien évidemment que ces travailleurs âgés puissent bénéficier de formations qualifiantes de manière à s'adapter à leur poste de travail.
Actuellement, les entreprises licencient des travailleurs qualifiés âgés parce que, malheureusement, leurs capacités professionnelles ne leur permettent pas de tenir les postes de travail sur lesquels ils pourraient être employés. Nous souhaitons donc que, lorsqu'un salarié s'engage dans le cadre d'une formation continue, il puisse bénéficier de validations pour ces périodes. Au lieu d'allonger la durée de cotisation, il serait préférable de valider les périodes pendant lesquelles les salariés auront suivi des formations, par exemple en accordant quatre trimestres de bonification pour une formation longue. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. En effet les périodes d'inactivité sont prise en charge, lorsqu'il s'agit de maladie et de chômage, depuis la création du fonds de solidarité vieillesse. Quant à la formation, le débat a déjà eu lieu. Valider ainsi ces périodes mettrait en cause le principe même de la répartition : c'est le travail qui doit financer les retraites.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3021.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mme Génisson, M. Durand, Mme David, MM. Le Garrec, Terrasse, Gorce, Bartolone, Beauchaud, Mmes Clergeau, Guinchard-Kunstler, Hoffman-Rispal ; M. Masse, M. Mathus, Mme Mignon, M. Nayrou, M. Néri, Mme Oget et des membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 3022, ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 3 :
« Les assurés bénéficient d'une égalité de traitement au regard de la retraite tenant compte des inégalités entre les hommes et les femmes. »
La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Nous revenons sur un sujet que nous avons déjà largement évoqué, puisque cet amendement demande que l'on tienne compte des inégalités entre les hommes et les femmes dans l'établissement des retraites. Certes, les femmes sont fières de participer au développement économique de notre pays et elles ne sont pas des victimes, puisqu'elles représentent 45 % des actifs. D'ailleurs 80 % des femmes âgées de vingt-cinq à cinquante-cinq ans ayant jusqu'à deux enfants travaillent, ce taux étant de 55 % pour celles qui en ont trois.
Néanmoins il faut souligner que 80 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes, ce temps partiel étant subi pour plus d'un million d'entre elles. De plus, j'ai souvent rappelé ce chiffre : 80 % des personnes qui gagnent moins de 250 euros par mois sont des femmes et, donnée fondamentale, 10 % des femmes qui travaillent vivent en dessous du seuil de pauvreté. Par ailleurs les problèmes d'articulation entre vie privée et vie professionnelle sont le lot quotidien des femmes.
En conséquence, il en résulte de grandes inégalités entre les hommes et les femmes au moment de l'arrivée à l'âge de la retraite.
En outre, il subsiste de gros écarts de revenus entre les hommes et les femmes tant dans le secteur privé que dans le secteur public où ils tiennent non pas à des différences salariales mais aux fonctions occupées.
Certes, on peut me rétorquer que la réforme concernant les retraites n'a pas pour objet de corriger toutes les inégalités professionnelles qui frappent les femmes. Pour autant, elle ne doit pas aboutir à les amplifier. Or tel sera malheureusement le cas avec ce texte. En effet la réforme que vous présentez ne sera pas un facteur d'égalité comme vous le prétendez depuis le début. Au contraire elle aggravera les inégalités, entre les jeunes et les personnes âgées, ainsi que, essentiellement, entre les hommes et les femmes.
M. Yves Bur. N'importe quoi !
Mme Catherine Génisson. Chacun sait que les durées de cotisation sont moins longues pour les femmes que pour les hommes, essentiellement en raison des interruptions d'activité professionnelle et de la pratique du temps partiel. En moyenne elles cotisent environ 122 trimestres au lieu de 165 pour les hommes et seulement 39 % d'entre elles parviennent à bénéficier d'une retraite à taux plein, contre 80 % pour les hommes.
Le système de la décote les pénalise également davantage.
La situation des femmes sera encore aggravée, puisque certains avantages familiaux dans la fonction publique seront écornés. Ainsi, la bonification d'un an par enfant est supprimée, au profit d'une validation des périodes d'interruption pouvant aller jusqu'à trois ans. Cela créera une inégalité entre les femmes selon qu'elles travailleront dans la fonction publique ou dans le secteur privé.
Pour nous répondre, M. le ministre s'est souvent appuyé sur le principe de l'égalité professionnelle. Il a évidemment son importance et il faut faire en sorte que la loi de mai 2001 soit appliquée. Il n'empêche que les femmes arrivent à l'âge de la retraite avec une grande inégalité au regard de leurs droits par rapport aux hommes. Il est donc essentiel de prendre en compte la proposition n° 14 de la délégation aux droits des femmes, reprise dans l'amendement n° 3022. Notre assemblée s'honorerait donc de le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission appelle nos collègues à se référer au compte rendu analytique d'hier, pour connaître les raisons qui ont conduit la commission à rejeter cet amendement, puisque la question de l'inégalité entre les hommes et les femmes a été débattue pendant des heures et des heures.
Mme Catherine Génisson. Il le faut !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Rejet !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Rejet !
M. le président. La parole est à M. Julien Dray.
M. Julien Dray. Monsieur le président, je comprends votre volonté de faire en sorte que le débat ne s'enlise pas. Cependant, il me semble nécessaire, à ce moment de la discussion, de revenir sur les propositions que nous avons formulées et, surtout, sur l'absence de réponse de la commission, dont le rapporteur se borne la plupart du temps à indiquer que ce n'est pas important ou que cela a été débattu auparavant.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Vous n'étiez pas là hier ! Les réponses figurent dans le compte rendu !
M. Julien Dray. J'assiste aux débats depuis quelques heures...
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Non, quelques minutes !
M. Julien Dray. ... et j'avoue que le silence total du ministre sur son banc me surprend. Peut-être songe-t-il à ce qui s'est passé dimanche dans un département qui lui est cher, dans un canton auquel il tenait. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je peux comprendre qu'il soit perturbé par ce qui s'est passé, et qu'il pense à ce qui pourrait arriver dans les mois à venir dans ce département.
En ce qui concerne le débat, la question essentielle est celle de savoir si cette réforme va faire avancer l'égalité. Lisant les discours des ministres et les écrits du Premier ministre, j'ai constaté que vous n'avez pas arrêté, tout au long des semaines qui viennent de s'écouler, d'essayer de convaincre nos concitoyens, visiblement avec difficulté, puisque vous avez multiplié les moyens de propagande.
M. Daniel Vaillant. Et cela coûte cher !
M. Julien Dray. Le message ne doit pas bien passer, sinon, pourquoi le Premier ministre aurait-il éprouvé le besoin d'envoyer une nouvelle lettre aux Français ? En général, quand les choses se passent bien, on n'a pas besoin de multiplier les interventions. Il y a donc, visiblement, un défaut dans la cuirasse.
Nous sommes certainement tous attachés à l'égalité entre les hommes et les femmes, sujet qui a fait l'objet de nombreux débats dans cette assemblée. A cet égard, le Gouvernement pourrait adresser un signal positif, qui, sans lui coûter cher car cela n'impliquerait aucun engagement financier, montrerait sa volonté de résoudre la question cruciale de l'inégalité devant la retraite entre les hommes et les femmes.
Mme Génisson a très bien expliqué, en donnant des statistiques qui illustrent cette situation, les problèmes qui sont posés. M. Delevoye pourrait donc peut-être nous dire comment le Gouvernement envisage de régler cette question ou de faire un pas, afin d'adresser un signal positif au pays. Au moins, nos débats nous auraient-ils permis d'avancer et nous aurions fait un progrès dans notre réflexion. Sinon, nous serons obligés de revenir sans cesse sur le sujet, en intervenant, en répondant à la commission, en discutant.
M. Delevoye ne pourrait-il prendre la parole et nous expliquer la position du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3022.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Julien Dray. Nous y reviendrons !
M. le président. Je suis saisi des amendements identiques n°s 3367 à 3373.
L'amendement n° 3367 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 3368 est présenté par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 3369 est présenté par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 3370 est présenté par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 3371 est présenté par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 3372 est présenté par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 3373 est présenté par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
Ces amendements sont ainsi rédigés :
« Dans l'article 3, substituer aux verbes "doivent pouvoir bénéficier le verbe "bénéficient. »
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 3367.
M. Jean-Claude Sandrier. Cet amendement de notre groupe porte sur la rédaction de l'article 3 dont nous avons pu souligner les limites, notamment au travers de l'amendement de suppression que nous venons de soutenir. Néanmoins il faut bien s'interroger sur ce qui se cache derrière ce souci d'un « traitement équitable » martelé si fortement.
Cela signifie-t-il, pour les rédacteurs du projet de loi, que les dispositions propres à certains régimes, et qui tiennent notamment compte de la pénibilité des tâches et des contraintes horaires de la vie professionnelle passée, devraient être révisées à la baisse au motif qu'elles seraient inéquitables ? L'équité procéderait alors, si l'on peut dire, de l'abaissement des prestations servies à l'ensemble des retraités. En ce sens, cet article 3 se situe clairement dans la filiation de la réforme Balladur de 1993 dont force est de constater qu'elle n'a pas permis d'éviter des difficultés financières majeures aux organismes de retraite.
Nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler au cours du débat. Toujours est-il que les solutions habituellement utilisées quand notre système de protection sociale connaît quelques difficultés de financement n'ont pas d'efficacité et que c'est au travers de la croissance et de la création d'emplois que l'on consolide le plus sûrement la situation tant des retraites que de la protection sociale en général.
Quant au choix des termes, l'expression « doivent pouvoir bénéficier » est pour le moins alambiquée et l'on se demande si le rédacteur y croit vraiment. Il est, en effet, normal, pour nous, que les assurés bénéficient de prestations servies au titre de la retraite ; cela n'est donc pas du domaine de l'hypothétique. Employer, pour cet article, une forme de conditionnalité est pour le moins étonnant. Donner à chaque retraité les moyens de subvenir à ses besoins sans être contraint de devoir poursuivre une activité professionnelle est un devoir de solidarité nationale. C'est aussi un devoir de le faire, non pas au travers d'une mise en question des droits de chacun, mais par une élévation permanente des garanties offertes grâce à une mobilisation plus significative de la richesse créée au bénéfice des salaires ou des cotisations sociales, donc du financement des retraites.
Si l'article 3 ne vise qu'à caractériser une retraite minimale, équitablement faible, il ne peut évidemment être accepté. Dans le même temps, il s'agit, pour nous, d'inscrire clairement que tout doit être mis en oeuvre pour que les droits des salariés à une retraite suffisante pour subvenir à leurs besoins soient effectifs.
Tel est le sens de cet amendement que nous vous invitons à adopter.
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour soutenir l'amendement n° 3368.
M. Jacques Desallangre. Cet amendement, vous le voyez, propose de remplacer : « Les assurés doivent pouvoir bénéficier » par la formule : « Les assurés bénéficient ».
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cela change tout !
M. Jacques Desallangre. Oui, cela change tout, monsieur le rapporteur, car si l'affirmation est positive, elle laisse pourtant subsister une hypothèque sur la possibilité de sa concrétisation. Or une telle affirmation, par la force de son contenu, par sa portée, ne peut supporter le risque d'une incertitude. Un tel engagement ne pourrait qu'être amoindri dans la perception qu'en auront celles et ceux qu'il concerne, qu'il intéresse, si une telle formulation devait être malheureusement maintenue. A un engagement qui prendra force dans la loi doit correspondre une formulation sans ambiguïté et qui ne laisse aucune part à une possible interprétation réductrice. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur divers bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 3370.
M. André Chassaigne. A l'occasion de la défense de cet amendement, je voudrais donner quelques explications au rapporteur, qui a interrompu l'intervention de M. Desallangre en disant que cela ne changeait rien, mais il n'écoute pas. Il ne va donc pas pouvoir comprendre ce que cela peut changer.
M. Augustin Bonrepaux. Le rapporteur doit écouter !
M. le président. Il a une très grande capacité d'écoute.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. J'écoute, mais c'est tellement compliqué que je travaille aussi avec les administrateurs !
M. André Chassaigne. Monsieur le rapporteur, je me suis rendu compte que vous connaissiez très mal le texte que vous êtes censé défendre puisque vous lui donnez un aspect réducteur qu'il n'a pas. Effectivement, sa rédaction concerne aussi les agents de la SNCF.
Cela étant, j'en viens à cet amendement qui porte sur l'article 3 qui commence ainsi : « Les assurés doivent pouvoir bénéficier... ». Or cette expression peut-être interprétée de plusieurs façon. Avez-vous voulu dire : « Les assurés doivent bénéficier d'un traitement équitable » ? Ou : « Les assurés peuvent bénéficier d'un traitement équitable » ? Ou : « Les assurés bénéficient d'un traitement équitable » ?
M. Daniel Paul. Ce n'est pas pareil !
M. André Chassaigne. Effectivement ce n'est pas tout à fait le même sens. Si vous aviez voulu dire « Les assurés bénificient d'un traitement équitable », vous vous seriez alignés sur la rédaction de l'article 2 et de l'article 4 puisque le premier dispose : « Tout retraité a droit à une allocation », alors que le second indique : « La nation se fixe pour objectif. »
M. Jacques Desallangre. Il n'y a pas d'ambiguïté !
M. André Chassaigne. En toute logique, la rédaction aurait dû être celle proposée dans notre amendement : « Les assurés bénéficient d'un traitement équitable... »
M. Jacques Desallangre. C'est simple !
M. André Chassaigne. Or vous semblez avoir retenu une autre interprétation selon laquelle : « Les assurés peuvent bénéficier ». Comme vous aviez jugé que « peuvent » n'était pas assez fort, vous l'avez remplacé par « doivent » pour arriver à ce début de phrase particulièrement alambiqué qui crée tout le caractère hypothétique de l'application de cet article : « Les assurés doivent pouvoir bénéficier d'un traitement équitable. »
M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est dramatique !
M. André Chassaigne. Ce n'est pas du tout le même sens, selon la rédaction qui est retenue.
Je pourrais vous donner une leçon de français en vous disant que notre langue exige beaucoup plus de légèreté que l'emploi que vous en faites, et je pourrais vous citer Boileau dans l'Art poétique : « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, polissez-le sans cesse et le repolissez, quelquefois ajoutez et souvent enlevez. » (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz pour défendre l'amendement n° 3372.
M. Yves Nicolin. On ne s'en lasse pas !
M. André Schneider. Il va nous citer une maxime ! (Sourires.)
M. Yves Bur. Il a tellement peu parlé aujourd'hui !
M. Maxime Gremetz. J'ai très peu parlé, mais nous sommes partageurs, vous le savez bien !
M. le président. Monsieur Gremetz, nous vous écoutons avec attention.
M. Maxime Gremetz. Cet article n'est pas le seul dont il aura fallu rectifier la rédaction pour le mettre en bon français, car, si ma mémoire est bonne, la commission des affaires sociales a adopté presqu'une dizaine d'amendements rédactionnels. Je regrette qu'elle n'en ait retenu aucun touchant au fond, mais il faut faire avec ce que l'on a !
En l'occurrence cet amendement apparemment rédactionnel n'est pas uniquement rédactionnel. En effet, il existe une grande différence, entre « bénéficient » et « doivent pouvoir bénéficier » car cela laisse sous-entendre qu'il faut que les conditions nécessaires soient réunies, ce qui change tout.
M. Yves Bur. Eh oui !
M. Maxime Gremetz. Or il est question d'un droit assumé dont les salariés doivent bénéficier car il s'agit de l'argent de leurs cotisations. Alors que l'on parle d'un salaire différé, on dit à des gens qui ont travaillé et cotisé toute leur vie qu'ils « doivent pouvoir bénéficier »...
M. Christian Paul. Ce n'est donc pas sûr ! On verra !
M. Maxime Gremetz. ... si on ne leur « pique » rien entre temps !
M. André Schneider. Maxime Gremetz en professeur de français ! C'est extraordinaire !
M. Maxime Gremetz. Par ailleurs, comme vous avez commencé, avec M. Balladur, par casser l'égalité et l'équité qui existaient entre le public et le privé...
M. Yves Bur. On va la rétablir !
M. Maxime Gremetz. ... vous venez nous expliquer aujourd'hui, qu'il faut les rétablir. Mais, au lieu de le faire par le haut, vous tirez tout le monde vers le bas...
M. Yves Bur. Non, vers le haut !
M. Maxime Gremetz. ... pour faire plaisir au MEDEF. Vous voyez bien que ce n'est pas qu'une question de jeux de mots. Il s'agit bien d'un problème de fond.
M. André Schneider. M. Gremetz a bien éclairci le débat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Accoyer, rapporteur. La majorité a rejeté cet amendement... (« Non, la commission ! », sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)...
M. François Liberti. Vous parlez au nom de la commission !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Monsieur le président, la majorité ou la commission s'exprime...
M. le président. La majorité de la commission ! (Sourires.)
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Merci, monsieur le président !
La commission a rejeté cet amendement pour des raisons très précises. L'article 3 comme l'article 1er et l'article 2 sont, j'en conviens, déclaratifs.
M. Jacques Desallangre. C'est pour cela que c'est important !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Néanmoins, lorsque le texte prévoit que les assurés doivent pouvoir bénéficier d'un traitement équitable, cela veut dire que les conditions sont réunies pour que les caisses ou la nation puissent faire bénéficier les assurés des pensions de retraites ou des retraites.
M. Augustin Bonrepaux. Eh bien, il faut le dire !
Mme Martine David. Il n'y a pas de garantie.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. La rédaction proposée par nos collègues communistes s'inscrit au contraire dans le registre de l'affirmation : même s'il n'y a pas d'argent, même si les entreprises ne peuvent plus cotiser, même si l'Etat est en situation de faillite, il faudra quand même payer.
M. François Liberti. Mais non, c'est de l'interprétation !
M. Jacques Desallangre. C'est lamentable !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. Je précise que, s'il n'y avait pas de réforme, nous aurions en 2020 un besoin de financement...
M. Yves Bur. ... énorme !
M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... de 43 milliards d'euros, avec 28 milliards d'euros pour le secteur public et 15 milliards d'euros pour le secteur privé, soit sept fois plus par assuré du régime public que par assuré du régime général.
M. Yves Bur. C'est ça l'équité de gauche.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est dire, mes chers collègues, l'urgence de la réforme !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Même avis que celui de la commission.
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour répondre à la commission.
M. Maxime Gremetz. Je veux en fait répondre à la fois au ministre, qui n'a pas répondu (Sourires) et au rapporteur. Monsieur le rapporteur, vous rendez-vous compte de ce que vous avez osé envisager ? Une faillite de la France !
M. Yves Bur. Avec les communistes, c'est ce qui se passerait !
M. André Schneider. Comme pour L'Humanité !
M. Maxime Gremetz. Vous avez utilisé, pour vous opposer à notre proposition, l'argument selon lequel, demain, si la France est en faillite, on ne pourra plus payer ni les retraites, ni rien du tout... (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mme Martine David. Et dans ce cas-là, le projet de loi se casse la figure !
M. Maxime Gremetz. Quelle perspective avez-vous pour notre pays, pour son développement durable et humain !
M. Jean Ueberschlag. C'est vous qui avez amené notre pays à cet état !
M. Maxime Gremetz. Je me permets de vous rappeler, monsieur le rapporteur, que la retraite, ce n'est pas la mendicité.
M. François Liberti. Ce n'est pas le RMI !
M. Maxime Gremetz. Ce sont les salariés qui constituent leur retraite, de génération en génération...
M. Louis Giscard d'Estaing. Non !
M. Yves Nicolin. La répartition, il ne sait pas ce que c'est !
M. le président. Monsieur Giscard d'Estaing ! Monsieur Nicolin !
M. Maxime Gremetz. C'est la répartition, précisément ! Ce sont les richesses que les salariés créent !
Et quand le patron paie ses cotisations, sur quoi paiet-il ? Sur les richesses qu'ont créées les salariés !
M. François Liberti. Tout à fait !
M. Maxime Gremetz. Vous ne l'avez pas encore compris ? Je vois que vous n'avez pas été ouvrier !
M. Yves Nicolin. Si !
M. Maxime Gremetz. Je suis le seul dans cette assemblée à l'avoir été.
M. Yves Nicolin. Nous sommes deux !
M. Maxime Gremetz. Vous ne vous êtes pas déclaré comme tel ! Vous avez eu honte ! Regardez la composition sociale de l'Assemblée et vous verrez qu'il n'y a qu'un ouvrier et qu'une ouvrière. Vous vous êtes appelé technicien de surface, peut-être !
M. le président. Monsieur Gremetz.
M. Maxime Gremetz. C'est une question importante. Au moins parlons clair, parlons franc et parlons français !
M. le président. Pas mal, le jeu de mots !
M. Maxime Gremetz. A cette heure-ci...
M. le président. A cette heure-ci, c'est remarquable !
M. Maxime Gremetz. Donc, adoptez notre amendement, parce qu'il le mérite.
M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 3367, 3368, 3370 et 3372.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
L'amendement n° 80 de Mme Billard n'est pas défendu.
M. le président. Je suis saisi des amendements identiques n°s 1144 et 3360 à 3366.
L'amendement n° 1144 est présenté par M. Accoyer, rapporteur, Mmes Fraysse et Buffet, MM. Dutoit, Liberti, Gremetz et Mme Jacquaint ; l'amendement n° 3360 par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 3361 par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 3362 par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 3363 par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 3364 par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 3365 par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 3366 par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
Ces amendements sont ainsi rédigés :
« A la fin de l'article 3, substituer au verbe : "dépendent le verbe : "relèvent. »
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 1144.
M. Bernard Accoyer, rapporteur. La précision proposée par les communistes est apparue opportune à la commission et, après avoir étudié avec attention le contre-projet communiste, qui met singulièrement en lumière l'absence de contre-projet socialiste...
M. Manuel Valls. Qui peut croire à ces sornettes, à ce petit jeu, monsieur Accoyer ?
M. Bernard Accoyer, rapporteur... La commission a décidé à l'unanimité d'adopter cet amendement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
M. Daniel Paul. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 3 est marqué par une conception pour le moins étroite de l'égalité de traitement entre assurés et salariés cotisant aux divers régimes de retraite par répartition de notre pays.
Ainsi nous parle-t-on des régimes de retraite dont les assurés « dépendent ». Un tel terme mérite pour le moins d'être corrigé. Il sous-entend en effet que les salariés sont en quelque sorte contraints et forcés de cotiser à tel ou tel régime de retraite et qu'il y aurait là une forme d'atteinte à la liberté des individus.
Etrange conception de la participation de chacun au financement des retraites et donc à l'exercice de la solidarité intergénérationnelle.
Mais cela implique une autre conception des régimes de retraite.
Nous ne pouvons, en particulier, oublier que, depuis plus de vingt ans maintenant, les salariés de ce pays sont privés du droit d'élire les conseils d'administration des caisses de retraite du régime général, parce qu'aucune disposition législative ne permet de le faire.
On notera d'ailleurs que, les ordonnances promulguées par le gouvernement de M. Juppé, prévoyaient la persistance de cette situation pour le moins anormale.
Laisser entendre que les salariés dépendent de tel ou tel régime de retraite signifie donc que serait durablement maintenu ce manque évident de démocratie que constitue l'absence d'élections aux conseils d'administration des caisses du régime général, alors même que de telles élections sont organisées dans le cadre des régimes spécifiques ou pour les régimes complémentaires obligatoires.
Nous estimons, pour notre part, qu'il est grand temps de mettre un terme à cette conception étrange de la participation de chaque salarié aux régimes de retraite existants. La situation est en effet plus subie qu'admise comme un élément incontournable de la réalité économique et sociale.
N'oublions jamais que les cotisations d'aujourd'hui financent les prestations servies aujourd'hui et qu'elles ne constituent pas une épargne pour des prestations futures. Il faut donc renforcer le lien entre les assurés, les cotisants et les régimes de retraite auxquels ils sont rattachés.
Tel est le sens de cet amendement qui, au lieu de la notion de lien de dépendance, retient l'idée, plus positive, que les assurés « relèvent » d'un régime de retraite, dont chacun serait appelé à appréhender la consistance et la qualité au travers d'une plus grande démocratie dans la gestion. Nous ne pouvons donc que vous inviter à l'adopter.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Sagesse.
M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 1144 et 3360 à 3366.
(Ces amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président. J'ai reçu, le 17 juin 2003, de M. Henri Sicre, un rapport, n° 940, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Arabie saoudite sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (n° 519).
J'ai reçu, le 17 juin 2003, de M. Roland Blum, un rapport, n° 941, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Ouzbékistan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole et un échange de lettres) (n° 548).
J'ai reçu, le 17 juin 2003, de M. Loïc Bouvard, un rapport, n° 942, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la coopération sur l'observation de la Terre, signé à Turin le 29 janvier 2001 (n° 556).
DÉPÔT DE PROJETS DE LOI
ADOPTÉS PAR LE SÉNAT
M. le président. J'ai reçu, le 17 juin 2003, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.
Ce projet de loi, n° 939, est renvoyé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
J'ai reçu, le 17 juin 2003, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention entre la République française et la Confédération suisse portant rectifications de la frontière entre les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie et le canton de Genève.
Ce projet de loi, n° 943, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
J'ai reçu, le 17 juin 2003, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la décision du Conseil modifiant l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, EURATOM du Conseil du 20 septembre 1976 (ensemble une annexe).
Ce projet de loi, n° 944, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
J'ai reçu, le 17 juin 2003, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud.
Ce projet de loi, n° 945, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
J'ai reçu, le 17 juin 2003, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen instituant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République libanaise, d'autre part (ensemble deux annexes, cinq protocoles, un acte final, treize déclarations communes et deux déclarations unilatérales).
Ce projet de loi, n° 946, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
J'ai reçu, le 17 juin 2003, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part (ensemble dix annexes, deux protocoles, un acte final et quatorze déclarations).
Ce projet de loi, n° 947, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
J'ai reçu, le 17 juin 2003, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part (ensemble six annexes, sept protocoles, un acte final, cinq déclarations communes et neuf déclarations unilatérales).
Ce projet de loi, n° 948, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
COMMUNICATION RELATIVE À LA CONSULTATION D'ASSEMBLÉES TERRITORIALES DE TERRITOIRES D'OUTRE-MER
M. le président. J'ai reçu, de M. le Premier ministre, une lettre, en date du 10 juin 2003, relative à la consultation des assemblées territoriales de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon sur la proposition de loi organique (n° 936), adoptée par le Sénat, portant réforme de la durée du mandat et de l'âge d'éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat, et la proposition de loi (n° 937), adoptée par le Sénat, portant réforme de l'élection des sénateurs.
Cette communication a été transmise à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES
M. le président. Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 885, portant réforme des retraites :
M. Bernard Accoyer, rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 898) ;
M. François Calvet, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis n° 895) ;
M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 899);
Mme Claude Greff, rapporteure, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information n° 892).
A vingt et une heure trente, deuxième séance publique :
Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 18 juin 2003, à une heure.)
Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
TRANSMISSIONS
M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, les textes suivants :
Communications du 16 juin 2003
N° E 2313. - Projet de position commune du Conseil sur le courtage des armements ;
N° E 2314. - Projet d'action commune du Conseil.../2003/PESC du... sur la poursuite du programme de coopération de l'Union européenne en faveur de la non-prolifération et du désarmement dans la Fédération de Russie ;
N° E 2315. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la gestion des déchets de l'industrie extractive COM [2003] 319 final.
N° E 2316. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre général pour financer les activités communautaires à mener à l'appui de la politique des consommateurs pendant les années 2004 à 2007 COM 44 final.
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