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Première séance du vendredi 30 juillet 2004 54e séance de la session extraordinaire 2003-2004
M. le président. La séance est ouverte. (La séance est ouverte à neuf heures trente.)
Transmission et discussion du texte M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante : « Paris, le 29 juillet 2004, « Monsieur le président, « Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous demander de soumettre à l'Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'assurance maladie. « Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. » En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 1778). La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire. M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, monsieur le secrétaire d'État à l'assurance maladie, mes chers collègues, je suis particulièrement satisfait de vous présenter aujourd'hui les conclusions de la commission mixte paritaire qui s'est tenue hier, jeudi 29 juillet. M. Jean-Pierre Brard. Ça commence mal ! Quelle autosatisfaction ! M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission mixte paritaire. C'est en effet aujourd'hui la fin de la procédure parlementaire du projet de loi relatif à l'assurance maladie, lequel avait été déposé sur le bureau de notre assemblée le 16 juin 2004. Le Sénat a été saisi de soixante-treize articles après l'adoption du texte en première lecture par l'Assemblée nationale le 20 juillet 2004. En dépit de la brièveté du délai dans lequel le Sénat a dû examiner le texte transmis, son apport est indéniable puisqu'il a adopté conformes dix-sept articles, en a supprimé sept et en a ajouté dix. Il convient de saluer les sénateurs, dont les travaux ont bien amélioré le texte. Il restait soixante-six articles en discussion pour la commission mixte paritaire. La CMP n'a modifié le texte que sur quelques points précis. Un très grand nombre d'articles ont été adoptés dans la version du Sénat ou ont fait l'objet d'ultimes modifications de rédaction ou de coordination. M. Jean-Marie Le Guen. C'est incroyable ! M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission mixte paritaire. S'agissant du Titre I relatif à l'organisation des soins et à la maîtrise des dépenses de santé, la CMP n'a modifié qu'à la marge l'article relatif aux principes fondateurs de l'assurance maladie, le Sénat ayant précisé son dispositif et hiérarchisé les principes. Les membres de la CMP sont tombés d'accord pour que le dossier médical personnel ne comporte pas la mention de la volonté de la personne relative au don d'organes, cette disposition introduisant une certaine confusion et étant incompatible avec la loi relative à la bioéthique. La CMP a également décidé de supprimer une disposition introduite au Sénat et fixant un statut juridique législatif particulier pour les notes personnelles des professionnels de santé. Ce régime juridique est en effet déjà précisé par voie réglementaire. La confidentialité des données transmises à la commission constituée au sein de l'ONIAM et chargée d'analyser les accidents médicaux a été préservée par un amendement de la commission mixte paritaire, qui a également décidé que l'aide à l'accréditation des médecins pourra, à titre transitoire, être versée sous la forme d'une avance remboursable à ceux qui s'engagent dans la procédure de l'accréditation. La commission mixte paritaire a également rétabli le dispositif, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, qui prévoit l'information par le pharmacien de l'assuré porteur de la carte Vitale du coût de ses dépenses en médicament. Un décret précisera les conditions de cette obligation d'information. Un amendement adopté en CMP prévoit par ailleurs qu'une procédure d'évaluation et de certification de la visite médicale effectuée par les représentants des laboratoires pharmaceutiques sera accréditée par des organismes dont la liste sera établie par la Haute autorité de santé. S'agissant du Titre II relatif à l'organisation de l'assurance maladie, le Sénat a modifié substantiellement les dispositions concernant la Haute autorité de santé, en prévoyant d'y intégrer l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation de santé - ANAES. Cette intégration... M. Jean-Marie Le Guen. Cette disparition, plutôt ! Il est clair qu'il s'agit d'une éradication ! M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission mixte paritaire. ...permettra, j'en suis convaincu, de clarifier le paysage institutionnel des agences sanitaires et surtout de renforcer l'efficacité de la Haute autorité de santé. La CMP a adopté, en conséquence, une série d'amendements permettant de préciser les compétences et les moyens de la Haute autorité de santé. Cette dernière sera ainsi chargée d'établir et de mettre en œuvre les procédures de certification des établissements de santé et d'accréditation des professionnels et des équipes médicales - les termes « certification » et « accréditation » retrouvant une signification logique et comparable à celle qui existe dans d'autres pays. La CMP est parvenue à un texte de compromis concernant le renforcement des pouvoirs de contrôle des commissions des affaires sociales sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, en prévoyant, monsieur le président, la possibilité de création en leur sein d'une mission d'évaluation et de contrôle social. C'est, me semble-t-il, un progrès significatif, que souhaitaient la majorité comme l'opposition de notre Assemblée. Nous attendons à ce propos avec beaucoup d'intérêt, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale annoncé pour l'automne prochain, lequel permettra d'approfondir le sujet. Dans le même ordre d'idées, s'agissant du comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie, la CMP a rétabli, avec le souci de donner toute sa crédibilité à l'ONDAM, la mention du maximum de 1 % de dérapage des dépenses pour le déclenchement de l'alerte. Chacun sait combien la régionalisation du système de santé est importante pour les parlementaires que nous sommes. C'est la raison pour laquelle je me réjouis de la consolidation opérée par le Sénat de l'expérimentation des agences régionales de santé, que l'Assemblée avait prévue. Dans cet esprit, la CMP a réintroduit, au stade préparatoire aux ARS que sont les missions régionales de santé créées par le texte de l'Assemblée, le principe d'une direction alternative, chaque année, par le directeur de l'ARH et le directeur de l'URCAM, de ces missions régionales de santé. Cette configuration rapproche davantage les missions régionales des futures agences régionales de santé à direction unique, ce qui est bien le but recherché. S'agissant du Titre III relatif au financement, la CMP n'a apporté qu'une modification de fond, laquelle consiste à sécuriser, sur le plan juridique, l'application des dispositions relatives à la CSG sur les plus-values immobilières. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le président de la commission mixte paritaire. M. Yves Bur, président de la commission mixte paritaire. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, comme vous l'avez souvent évoqué, après le temps de la concertation avec les partenaires sociaux, qui ont fait preuve dans cette réforme d'une grande modération, après celui du débat parlementaire, dont personne ne pourra prétendre ici qu'il n'a pas eu lieu dans la forme ni sur le fond, voici venu le temps de la vraie réforme, c'est-à-dire celui où la réforme de l'assurance maladie et de notre système de santé s'engagera dans les travaux pratiques et affrontera deux difficultés majeures. La première consistera à convaincre les Français à changer radicalement leurs comportements face à la maladie et face au recours au système de santé - et à les entraîner dans un tel changement. Il conviendra naturellement de convaincre également les professionnels de santé de leur responsabilité première dans la réussite du changement de comportement des Français. La seconde difficulté consistera à accorder le temps de cette transformation des habitudes de consommation du système de soins avec un temps plus exigeant, celui du rythme des dépenses, qui ne se ralentissent pas, mais qui ne pourront pas continuer à générer les déficits que nous avons pris l'habitude de laisser supporter aux générations futures. Le temps de la vraie réforme est arrivé, monsieur Préel ! M. Jean-Luc Préel. Merci, monsieur Bur. M. Jean-Marie Le Guen. Il est devant nous ! M. Yves Bur, président de la commission mixte paritaire. Il exigera la mobilisation de tous, pour transformer l'essai marqué ici au travers de l'adoption du projet de réforme de l'assurance maladie et du système de santé. Les parlementaires, du moins ceux de la majorité,... M. Jean-Pierre Brard. Lesquels ? Les parlementaires de l'UMP ou ceux de l'UDF ? M. Yves Bur, président de la commission mixte paritaire. ...seront à vos côtés, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, pour expliquer et convaincre. Vous aurez en effet à relever le défi du temps pour rendre opérationnel au plus vite les outils que nous allons adopter ce matin. La nouvelle organisation du pilotage de l'assurance maladie doit en effet devenir rapidement opérationnelle, plus rapidement en tout cas que ne le furent dans le passé les précédentes réformes. Cette réforme n'aura pas le temps du rodage, car il y a urgence. Vous aurez également à relever le défi de l'adhésion active à cette réforme des médecins et des professionnels de santé. Nous ne pouvons plus nous satisfaire du conformisme corporatiste, dont l'immobilisme étouffe tous les niveaux du système. Chacun doit s'engager dans le débat conventionnel, avec la ferme volonté d'explorer de nouvelles voies pour une véritable contractualisation, centrée sur des objectifs précis. Nous avons fait le choix de la maîtrise médicalisée. Aux médecins, en ville comme à l'hôpital, de nous prouver que ce pacte de confiance permettra de mieux dépenser pour mieux soigner. Vous aurez encore, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, à relever avec nous le défi de la pédagogie active auprès des Français, afin de les persuader qu'une consommation excessive de médicaments, loin d'assurer une bonne santé, finit par lui nuire. Cette réforme nous permet de miser sur la capacité de responsabilité de tous les acteurs de la santé en France. Parce que nous avons tous à cœur de sauver notre modèle de solidarité face à la maladie, nous serons à vos côtés, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, pour relever un tel défi. Ensemble, mes chers collègues, nous devons sauver la sécurité sociale. L'adoption de cette réforme nous met sur la bonne voie.(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Jean-Pierre Brard. Elle nous met plutôt sur une voie de garage ! M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale. M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous allons aujourd'hui conclure l'examen, par le Parlement, du projet de loi de réforme de l'assurance maladie. Les 190 heures, ou presque, de débats en première lecture ont été très riches. Elles nous ont permis d'étudier précisément chaque article et d'améliorer le projet que je vous avais présenté il y a un peu plus d'un mois. Plus de 500 amendements, présentés aussi bien par la majorité que par l'opposition, ont été adoptés. Ce débat a montré que nous souhaitions tous préserver l'excellence de notre système de santé et d'assurance maladie. Nous rejetons tous tant sa privatisation que sa nationalisation. M. Guy Geoffroy. Très bien ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est pourquoi le Gouvernement s'est engagé dans une modernisation importante, en vue de sauver ce deuxième pilier de notre protection sociale. Cette réforme a été préparée avec l'ensemble des acteurs de la santé. Le dialogue entrepris il y a un an par Jean-François Mattei, et que Xavier Bertrand et moi-même avons poursuivi, nous a permis de définir des mesures adéquates. Nous avons fait le choix du dialogue social. Ce choix nous a permis de réussir une première étape importante : la préparation d'un projet de loi.
M. Jean-Pierre Brard. Et le président de l'Assemblée nationale ? M. le président. Monsieur Brard ! M. Jean-Pierre Brard. Il faut bien s'occuper de votre promotion, monsieur le président ! M. le président. Monsieur Brard, vous n'êtes pas mon agent électoral ! (« Heureusement ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Gérard Bapt. Qui sait ? M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'aimerais aussi, monsieur Brard, remercier les présidents qui ont mené le débat et, notamment, le premier d'entre eux, le président Debré... M. Jean-Pierre Brard. Il était temps ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...et l'ensemble des parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Vous pourriez applaudir maintenant, monsieur Brard ! Après avoir semé la pagaille, vous n'applaudissez même pas ! (Sourires. - M. Brard applaudit.) M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cette étape nous a permis d'améliorer le texte. Nous avons ainsi renforcé la confidentialité des données du dossier médical personnel et clarifié le dispositif du médecin traitant. L'Assemblée nationale a adopté une aide à la mutualisation pour deux millions de nos concitoyens pour qui il était difficile d'acquérir une couverture complémentaire. M. Jean-Marie Le Guen. On verra ce que cela va donner ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous avez aussi souhaité favoriser la qualité des pratiques professionnelles, notamment chirurgicales, avec la création de l'Observatoire des risques médicaux et l'incitation à l'accréditation. Cela devrait réduire le coût de la responsabilité civile professionnelle. Le mouvement des chirurgiens en souligne l'importance. Le Sénat a œuvré en faveur d'une meilleure répartition de l'offre de soins sur le territoire à laquelle tous les parlementaires sont attachés. Ainsi, les médecins exerçant dans des zones sous-médicalisées pourront bénéficier d'aides conventionnelles. En outre, la Haute Assemblée a renforcé les garanties d'autonomie financière de l'assurance maladie. Le Parlement a aussi, grâce à de nombreux amendements, amélioré la gouvernance de notre système de santé. Des missions régionales de santé ont été créées, ouvrant ainsi la voie de l'expérimentation des agences régionales de santé. Troisième étape, peut-être la plus importante, celle de la mise en œuvre de la loi. Nous avons fait le pari de la responsabilisation des acteurs et de la maîtrise médicalisée. Nous devons changer nos comportements face au système de soins. C'est le cœur de notre réforme, c'est la rupture avec de nombreux plans précédents qui ne prévoyaient que des hausses de recettes ou des baisses de remboursements. Y parvenir ne sera pas facile, je le sais. Nous disposons, toutefois, d'importants atouts. Les professionnels de santé sont prêts à s'engager dans la nouvelle démarche de santé qui favoriserait la coordination des soins et la qualité, notamment pour ce qui concerne l'évaluation des pratiques, les réseaux et le médecin traitant. Nos concitoyens acceptent la réforme. Ils sont très favorables à la mise en place d'un dossier médical personnel. Ils nous demandent de lutter contre les abus et comprennent le sens du forfait d'un euro par consultation. La nouvelle gouvernance permettra à chacun de prendre sa place dans la gestion de l'assurance maladie dans le cadre d'un vrai partenariat efficace et responsable. Enfin, les efforts que nous demandons aux Français sont équitables. Chacun participera : les assurés, les patients, les professionnels de santé, les entreprises pharmaceutiques et l'ensemble des entreprises. Grâce à ces atouts, grâce au soutien de la majorité, nous réussirons, avec Xavier Bertrand et l'ensemble du Gouvernement, cette troisième étape de la réforme voulue par le Président de la République et par le Premier ministre. Nous le devons pour préserver le système de protection sociale cher à nos concitoyens. Nous le devons pour que nos enfants et nos petits enfants puissent bénéficier de cette sécurité sociale construite à la fin de la deuxième guerre mondiale par le gouvernement du général de Gaulle. C'est mon ambition, c'est celle du Gouvernement. Cette réforme était nécessaire. Cette réforme structurelle est équitable et je vous en remercie ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen. M. Jean-Marie Le Guen. (« Faites court ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est un plaisir de se retrouver après ces moments d'absence... M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie.Il est partagé ! M. Jean-Marie Le Guen. ...somme toute assez courts... M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Pas pour nous ! M. Jean-Marie Le Guen. ...mais nous aurons l'occasion de nous retrouver sur ce thème à plusieurs reprises. Le temps passé à travailler sur ce texte n'a pas, c'est indiscutable et nous le regrettons, permis de l'améliorer substantiellement. Cela n'a pas non plus permis aux Français, au cœur de cette période quelque peu particulière marquée par une certaine confusion, de prendre connaissance de tous les aspects de ce texte. Un certain nombre de dispositions mineures ont été mises en avant - je pense aux innovations techniques ou financières telles que le DMP et le forfait d'un euro - mais pas les aspects les plus structurants du texte. Des dispositions, il est vrai plus subtiles, poseront d'énormes difficultés à nos concitoyens dans les mois et dans les années qui viennent. Je dirai un mot des débats au Sénat et en commission mixte paritaire. Le texte n'a pas été véritablement amélioré, bien au contraire ! Certaines dispositions adoptées en CMP nous ont choqués. Je pense au contrôle de l'identité confié aux professionnels de santé et particulièrement aux médecins. Il se dit que le Gouvernement reviendra brider sa majorité... M. Pierre-Louis Fagniez. Non, il ne s'agit pas de la brider ! M. Jean-Marie Le Guen. ...dans ses élans répressifs. Je pense aux propos de M. Mallié, alors qu'il prenait, hier, l'exemple de son hôpital. Si l'objectif à atteindre tend à refuser de soigner quelqu'un au prétexte qu'il ne serait pas en mesure de produire un document retraçant l'ensemble de ses droits, votons le dispositif suggéré par nos collègues ! C'est impossible, tant au regard de la déontologie que de la tradition humaniste du monde médical ! Donc, ne seront appliquées que des règles inapplicables afin de ne pas appliquer des règles scandaleuses ! C'est une problématique générale de ce texte. Il y a, ici, plus d'affichage que d'efficacité ! Lutter contre le déficit de l'assurance maladie en acceptant de soigner une personne après vérification de l'existence de ses droits est une disposition scandaleuse malheureusement rétablie par le Sénat puis par la CMP. Nous lutterons contre un tel dispositif ! En contradiction avec un engagement ministériel, la CMP a également repoussé un amendement du rapporteur relatif à la contribution forfaitaire d'un euro dans les services d'urgences. Il est vrai que, là encore, nous n'avions le choix qu'entre de très mauvaises solutions. Dispenser du forfait d'un euro les personnes accueillies aux urgences hospitalières, suivant en cela la tradition humaniste et sociale de l'hôpital, inciterait ceux que rejette la médecine ambulatoire à s'y rendre de plus en plus et aboutirait à un engorgement et à un dysfonctionnement de cette structure. Maintenir cette contribution, comme vous le suggérez aujourd'hui, serait contraire à la tradition sociale de l'hôpital et poserait des problèmes de gestion administrative et de contrôle considérables, source de surcoûts. Nous mesurerons la portée financière extrêmement injuste et limitée de cette contribution lors de son entrée en application. En revanche, sa portée symbolique et sympathique - les Français pensant sauver la sécurité sociale grâce à elle - s'avérera totalement dérisoire dans la réalité. Concernant la transformation de cette contribution forfaitaire, le Président de la République a expliqué, d'une façon assez singulière, qu'elle ne serait jamais supérieure au « un euro actuel ». M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il faut le croire ! M. Jean-Marie Le Guen. Donc, on est, là encore, dans les symboles et dans le cosmétique. Il est certes vrai que le cosmétique n'est pas éloigné des problèmes de santé, même s'il n'en constitue pas le cœur, nous en conviendrons. M. Jean-Pierre Brard. Il peut détériorer la santé ! M. Jean-Marie Le Guen. Absolument ! M. Hervé Mariton. Cela se voit ! M. Jean-Pierre Brard. Parlez pour vous, monsieur Mariton ! M. Jean-Marie Le Guen. Un autre sujet abordé par le Sénat et par la CMP nous pose problème. La presse a fait état, ce matin, des déclarations du ministre. Si j'ai bien compris, l'article 1er, dans sa nouvelle rédaction, revient sur un des rares acquis issus de notre discussion... M. Yves Bur. président de la commission mixte paritaire. Qu'est-ce qu'il est sévère ! M. Jean-Marie Le Guen. ...relatif à l'obligation de maintenir une offre de soins dans les zones de désertification. M. Yves Bur, président de la commission mixte paritaire. Présentation malhonnête ! M. Jean-Marie Le Guen. C'est ici un recul très net dans la mesure où l'article 1er, tel que nous l'avons adopté en première lecture, disposait clairement que l'État se portait garant et qu'il missionnait l'assurance maladie pour que soit maintenue cette offre de soins sur l'ensemble du territoire ; les maisons médicales étant in fine l'outil le permettant. Le Sénat a, semble-t-il, pour des raisons essentiellement esthétiques balayé le texte. J'ai exprimé cette inquiétude lors de la réunion de la CMP. On m'a alors répondu que les maisons médicales jouaient un rôle à un autre niveau et que l'obligation garantie de l'État existait toujours. Finalement, l'assurance maladie n'aura plus qu'une tâche de répartition de l'offre. Cela nous amène à un débat totalement faussé sur la répartition abstraite des praticiens sur le territoire. Cette idée n'est pas juste et sera source de problèmes. On passe ainsi d'une logique de substitution de l'offre à une démarche d'agrément à l'installation. S'agissant de l'accord avec les chirurgiens, si j'en crois Les Échos d'aujourd'hui, vous comptez sur une aide des collectivités locales... M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Non ! M. Jean-Marie Le Guen. ...pour faciliter l'installation de chirurgiens dans les zones désertifiées. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je n'ai jamais dit cela ! M. Jean-Marie Le Guen. Vous pourrez le démentir, monsieur le ministre, je vous en donnerai acte. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je vous le dis ! M. Jean-Marie Le Guen. C'est la raison pour laquelle je me permets de vous interpeller sur cette question. J'attends de votre part une réponse précise. Tels sont les sujets sur lesquels notre CMP a évolué. J'aborderai maintenant quelques points qui suscitent nos interrogations. Concernant les prélèvements et notamment la CRDS, les Français, pour l'essentiel, n'en ont pas véritablement saisi la portée. En revanche, les relais de l'opinion publique dans ce pays - organisations de la société civile, organisations patronales, organisations syndicales, presse - connaissent maintenant parfaitement la nature de l'opération financière réalisée, à savoir le transfert sur les générations futures d'une charge de plusieurs milliards d'euros. L'opposition estime avoir joué son rôle. Il ne faudra pas, d'ici à quelques mois ou quelques années, s'en prendre à la classe politique ! Si la société française accepte sans plus de débat... M. Richard Mallié. Nous avons examiné 8 000 amendements ! M. Jean-Marie Le Guen. ...le transfert de 60 milliards d'euros sur les générations futures, nous en sommes collectivement responsables. Notre collègue Bur a tenu de justes propos en son temps sur le sujet. Nous avons essayé de l'expliquer également. Pour nous, l'État doit, non pas diminuer la fiscalité sur les plus riches, mais utiliser l'impôt pour combler le déficit de l'assurance maladie. L'État doit assumer sa responsabilité. C'est en toute connaissance de cause que les uns et les autres ont fait leur choix. Des collègues de l'UDF et de l'UMP voulaient s'en tenir à une augmentation de la CRDS, mais une majorité a souhaité un transfert massif sur les générations futures.
Ma deuxième remarque porte sur un sujet plus léger : le dossier médical personnel. Nous constatons que beaucoup d'incertitudes demeurent quant aux dangers que nous avions soulignés - d'ailleurs en partie réduits grâce à nos différentes interventions -... M. Gérard Bapt. Absolument ! M. Jean-Marie Le Guen. ...et que les sociétés informatiques susceptibles de s'occuper de la question ont beaucoup d'appétit. La question de l'acceptabilité du dispositif, liée, pour les médecins, au temps passé à remplir les dossiers et, pour les patients, aux garanties données d'un point de vue général, reste posée. Je vous demande encore une fois d'entendre mon discours non pas comme un prétexte pour ne pas voter le texte mais comme une manifestation de notre souci que soient appliqués les aspects positifs du DMP. Car je vous assure que, si vous ne résolvez pas l'ensemble de ces problèmes, la mise en place du DMP échouera : la société française le rejettera ; ni les praticiens ni les assurés n'en voudront. Si nous ne sommes pas capables de résoudre, d'un côté, le problème du temps passé, de la rémunération et de la qualification du travail du médecin traitant chargé de gérer le dossier et, de l'autre, le problème de la sécurité au sens large des données concernant l'assuré contenues dans son DMP, le dispositif ne sera pas appliqué, et ce ne sera que la troisième ou la quatrième fois qu'un grand projet du type carnet de santé échouera. Il est donc nécessaire de poursuivre la réflexion. Troisièmement, j'insiste sur le fait que nous avons continué, au Sénat puis en CMP, à essayer de nous dépatouiller des problèmes posés par l'amendement de notre collègue Accoyer en les prenant par tous les bouts mais que nous n'y sommes pas vraiment parvenus. À mon avis, du reste, c'est impossible, car nous ne disposons pas des éléments intellectuels, scientifiques, pour asseoir une véritable démarche juridique. On nous présente de fausses bonnes raisons, comme la lutte contre les sectes. Mais notre collègue Jean-Pierre Brard ne me contredira pas si je dis qu'il n'est pas nécessaire, pour lutter contre les sectes, d'organiser davantage les professions. La réglementation en vigueur sur le sujet est potentiellement efficace ; elle suffirait si les pouvoirs publics la faisaient jouer pleinement. La question reste donc ouverte. M. Jean-Pierre Brard. L'UMP est-elle une secte ? M. Jean-Marie Le Guen. Vous pourrez répondre à cette question dans quelques instants, mon cher collègue. Quoi qu'il en soit, les psychanalystes se trouveront dans une situation difficile dans leurs rapports à l'État. Enfin, sur la question des contrats responsables, votre texte continue aussi à naviguer en pleine ambiguïté. À un moment, il était notamment question, avec ces contrats responsables, que les dépassements demandés par les spécialistes ne soient pas remboursés. C'est simple : vous devrez trancher et je sais dans quel sens vous allez le faire. En effet, si, au nom de la cohérence et de la valorisation du parcours de soins, vous interdisiez ce remboursement, vous vous mettriez à dos l'ensemble des spécialistes. Un syndicat de spécialistes, dont je tairai le nom - il s'agit, en l'occurrence, de psychiatres, praticiens qui ont déjà fait l'objet de débats, vous vous en souvenez, monsieur le ministre -, m'a écrit un courrier, que j'aurais dû vous apporter : ils y demandent à ne pas être mis en accès direct afin de pouvoir appliquer le droit au dépassement ! (Rires.) Mme Catherine Génisson. Ce n'est pas nouveau ! M. Jean-Marie Le Guen. Ils vont un peu plus loin que les autres parce que, tout de même, ils sont psychiatres : ils estiment que le droit au dépassement constitue un élément fondamental du traitement ! (Rires.) M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ce n'est pas faux ! M. Jean-Marie Le Guen. Sur le plan conceptuel, c'est le top niveau ! Même vous, monsieur le ministre, vous n'aviez pas été jusque-là ! Ils sont plus forts que tout le monde ! Ils refusent absolument d'être mis en accès direct afin de bénéficier du DE, le droit à dépassement, estimant que celui-ci est un facteur fondamental de santé publique. C'est nouveau, cela vient de sortir - ou plutôt, c'est ancien, cela vient de ressortir ! Cette pensée assez amusante marque beaucoup les professionnels de santé. (Rires.) M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je regrette de ne pas avoir reçu ce courrier ! M. Jean-Marie Le Guen. Mais les rires qui fusent ici et là montrent que chacun perçoit les limites du sophisme ! Vous devrez donc trancher entre la position psychanalytique du droit à dépassement (Sourires), l'utilité des soins et la question sociale : doit-on dorénavant accepter que le recours aux spécialistes ne soit plus remboursé par la sécurité sociale mais par les assurances complémentaires ? Je n'ai pas de doutes quand au sens dans lequel, d'ici à quelques semaines, vous trancherez - au demeurant, les rares qui en doutent sont de grands naïfs ou de grands complaisants, mais j'attends qu'ils nous donnent eux-mêmes la réponse. Toujours est-il que l'application du projet de loi est en devenir. Je le disais en commençant, monsieur le ministre, nous aurons l'occasion, à plusieurs reprises, de revenir sur le sujet, et la loi organique que vous présenterez à l'automne sera, pour nous, un repère intéressant dans le temps. Nous aurons à cœur, pendant tout l'automne, de susciter parmi nos concitoyens une meilleure prise de conscience des enjeux de la santé et de l'assurance maladie. La loi organique sera un rendez-vous important pour les uns et les autres, essentiellement pour les parlementaires que nous sommes, car force est de constater que, au fil des navettes entre le Sénat et l'Assemblée nationale, nous nous sommes pratiquement fait déshabiller de tous les éléments du petit contrôle parlementaire que nous étions parvenus à instaurer. M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission mixte paritaire. Non ! M. Jean-Marie Le Guen. J'espère que votre dénégation, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, vaut engagement, surtout en présence du président de l'Assemblée nationale. Vous nous assurez donc que vous avez la volonté politique et les moyens de faire exercer par l'Assemblée nationale un véritable contrôle sur ce qui représente tout de même la moitié du budget de l'État ? M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission mixte paritaire. Je n'ai pas l'habitude de revenir sur ma parole, mon cher collègue. M. Jean-Marie Le Guen. C'est bien, monsieur le président, mais tout ne dépend pas de vous : le président de notre assemblée doit aussi vous donner les moyens de réaliser ce travail. Mais j'imagine que nous serons tous rassemblés pour mettre cette politique en œuvre. Nous saisirons évidemment le Conseil constitutionnel car bien des points du projet de loi, selon nous, constituent des atteintes au droit à la santé et aux libertés ou des erreurs juridiques, qui appellent un examen du juge constitutionnel. J'ai cru comprendre, eu égard au calendrier parlementaire et aux exigences gouvernementales, que celui-ci aura beaucoup de travail cet été, et nous aurons l'occasion de commenter ses décisions, qui, sur ce sujet, auront la plus grande importance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. Le Gouvernement veut-il intervenir ? M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Non, monsieur le président. M. le président. Et la commission ? M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission mixte paritaire. Pas davantage, monsieur le président. M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains. M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, il est très significatif que le Gouvernement et la commission n'aient rien à répondre à notre collègue Jean-Marie Le Guen. M. Dubernard, tout à l'heure, a donné la clé pour comprendre ce comportement : il a commencé par nous dire qu'il était très content, ce qui lui a évité de nous expliquer pourquoi. M. Le Guen a résumé - car, pour tout dire, beaucoup plus de temps aurait été nécessaire - les raisons qui justifient le vote de l'irrecevabilité. Le passage en CMP n'a effectivement rien changé au texte, sinon en pire. Pour être tout à fait objectif vis-à-vis de nos collègues de l'UMP, je dois d'ailleurs admettre qu'il ne pouvait évoluer que dans ce sens car il n'est pas améliorable. M. Douste-Blazy a raison de dire que ce n'est pas une réforme supplémentaire ; cela ne fait aucun doute. Ceux qui ont déclaré qu'il s'agissait d'une réformette avaient donc tort : c'est une réforme fondamentale... M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Absolument ! M. Jean-Pierre Brard. ...puisqu'elle vise à démanteler notre système d'assurance maladie. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ah non ! C'est une grande réforme ! M. Jean-Pierre Brard. M. Dubernard, qui est un scientifique et ne peut par conséquent s'empêcher de laisser échapper des vérités, a d'ailleurs déclaré que les régions pourraient intervenir. Évidemment ! C'est l'un des problèmes ! En renvoyant les responsabilités sur d'autres, à savoir les assurances complémentaires et les régions, on rompt l'égalité fondamentale qui constitue l'esprit même de nos institutions. Outre les rapports de la commission et les prises de position gouvernementales, au-delà de l'instauration du « proconsul » et du rendez-vous annuel, il faut lire les propos de M. de La Martinière, que vous avez largement écouté et mis en appétit. M. de La Martinière, hélas ! ne passe pas dans les étranges lucarnes aux heures de diffusion de Koh-Lanta, par exemple, car expliquer les vraies raisons de la réforme, que, jusqu'à présent, vous avez tues, donnerait du sens au débat dans le pays. M. de La Martinière s'exprime malheureusement dans Le Figaro et dans Les Échos, journaux certes sérieux et respectables mais qui ne sont pas lus par la masse de nos compatriotes, en particulier ceux au cou desquels vous passez la corde tressée par les assureurs privés. Mais vous avez tort, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, de considérer que notre peuple est passif. Ce n'est pas parce que nous sommes au mois de juillet que les Français sont autistes. Ils vous regardent, ils vous écoutent et vous ne perdez rien pour attendre : la marmite mijote. N'oubliez jamais - l'histoire se déroule un peu loin des bases arrières de M. Bur, mais plus près des vôtres, monsieur le ministre - que nous sommes au pays de Jacquou le Croquant (Sourires) et prenez conscience que, d'une certaine manière, nous nous retrouvons en 1788 : les causes d'insatisfaction s'accumulent. En rejetant le dialogue - on a encore vu que vous refusiez de répondre à notre collègue Jean-Marie Le Guen - et en remettant en cause le contrat social, vous ouvrez inéluctablement la voie à des ruptures brutales qui ne vont dans l'intérêt de personne. Il serait en effet préférable de maintenir et d'enrichir ce contrat social, qui a été construit peu à peu, à la Révolution, au xixe siècle puis au xxe siècle, grâce à des figures comme celle du général de Gaulle, monsieur le président. C'est tout cela que vous bazardez, que vous mettez à l'encan, et nos compatriotes commencent à le comprendre. Ils voient bien que votre texte remet en cause le droit à l'égalité en le remplaçant par le principe de non-discrimination. Alors, ne vous étonnez pas de les voir reprendre goût à la marche à pied et à des exercices plus vigoureux pour se faire entendre. M. François Guillaume. Arrêtez ! Les vacances arrivent ! M. Jean-Pierre Brard. Mon cher collègue, si vous aviez lu le projet de loi plus attentivement, ainsi que le texte Alternance 2002 - vous ne le connaissez même pas alors qu'il fonde la démarche actuelle de l'UMP et de la droite -,... Mme Claude Greff. Arrêtez ! On va s'endormir ! M. Jean-Pierre Brard. ...vous auriez des propos plus prudents que ceux que vous essayez de tenir de votre place, puisque votre groupe ne vous reconnaît pas le droit à la parole. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Personne ne demande plus la parole ?... Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité. (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.) M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable déposée en application de l'article 91 alinéa 4 du règlement. La parole est à M. Jean-Pierre Brard. M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, « Née de la volonté ardente des Français de refuser la défaite, ... » (Sourires) Je vois que vous connaissez mes points de repères stables et intangibles ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Nous avons les mêmes ! M. Jean-Pierre Brard. Mais vous, monsieur le ministre, vous pratiquez la révision des textes fondamentaux ! Un peu comme les Évangélistes qui écrivirent l'histoire du Christ un siècle plus tard ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous êtes un spécialiste ! M. Jean-Pierre Brard. Je suis surtout fidèle aux valeurs, et à des valeurs qui ne sont pas cotées en bourse ! C'est là que nos chemins divergent ! Mais revenons à la citation : « Née de la volonté ardente des Français de refuser la défaite, - je suis sûr que le président de l'Assemblée nous écoute avec attention - la Résistance n'a pas d'autre raison d'être que la lutte quotidienne intensifiée. Cette mission de combat ne doit pas prendre fin à la Libération. Ce n'est, en effet, qu'en regroupant toutes ses forces autour des aspirations quasi unanimes de la nation, que la France retrouvera son équilibre moral et social et redonnera au monde l'image de sa grandeur et la preuve de son unité. » Que vous n'ayez pas lu, chers collègues de droite, le texte Alternance 2002, ne m'étonne pas. Vous êtes excusables car, après tout, c'est un texte éphémère. Mais de celui que je viens de vous lire, vous devriez bien vous imprégner afin de rester fidèle à l'héritage de notre nation que vous remettez en cause en le dépeçant. Le préambule du programme du Conseil national de la Résistance, que je viens de citer, rappelle ce que sont les valeurs essentielles de notre pays. Les représentants des organisations de Résistance, des centrales syndicales et des partis ou tendances politiques - de tous bords - groupés au sein du CNR avaient compris la nécessité de s'unir en faveur d'un programme d'ordre social plus juste. En un mois - en plein mois de juillet ! - vous venez, avec votre projet, de capituler devant les exigences de cet aristocrate arrogant, M. Sellière de la Borde, et des grandes compagnies d'assurance. Vous reniez les valeurs issues de la Résistance et portées par le général de Gaulle lui-même. Le Conseil national de la Résistance faisait confiance au général de Gaulle et voulait croire que cette confiance serait communicative. Louis Saillant, alors président du CNR, disait même que cette confiance « s'épanouira dans un ensemble de réalisations qui feront de la France une nation politiquement libre, socialement juste, économiquement forte ». Que voilà, mes chers collègues, des adverbes et des adjectifs qui vous sont étrangers ! Avec votre projet, ce que vous nous demandez, monsieur le ministre, c'est de prononcer l'éloge funèbre de ce qui constitue l'un des piliers de nos valeurs républicaines issues du Conseil national de la Résistance : notre système de sécurité sociale. Le programme du CNR proposait « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l'État ». Cessez, chers collègues de l'UMP, de renier le gaullisme pour faire du chiraquisme ou, pire encore, du sarkozysme. Relisez le programme du CNR au lieu de plonger la tête la première dans le feuilleton médiatico-politique - politique avec un petit « p », comme le dit si bien le Président de la République - sur l'avenir de l'UMP. Revenez à l'essentiel. Le « Gouvernement est resté debout », selon l'expression du Premier ministre lors de la discussion sur la motion de censure déposée sur son testamentaire projet de décentralisation. Ce que vous êtes en train de faire, c'est de mettre la France et nos concitoyens à genoux et, vous le savez bien, à genoux, on ne marche pas bien ! Notre peuple n'a pas vocation à vivre à genoux, même pour faire plaisir à vos commanditaires, comme M. Seillière. Vous n'avez de cesse, monsieur le ministre, de nous dire que nos concitoyens ont compris votre réforme. Au risque de vous surprendre, sur ce point, je suis parfaitement d'accord avec vous : les Français ont compris votre réforme et ils vous présenteront la facture ! Ils ont compris qu'ils allaient, encore et toujours, payer et assumer les baisses d'impôts que vous accordez aux catégories les plus aisées, les baisses de charges que vous cédez aux entreprises sous la pression de vos amis du MEDEF, l'impôt de solidarité sur la fortune que vous videz progressivement de son contenu et, encore plus cyniquement, le cadeau que vous faites aux fraudeurs en prévoyant d'autoriser le rapatriement des capitaux moyennant amnistie fiscale. Et que vous vous inspiriez de M. Berlusconi n'est pas un titre de gloire ! Depuis deux ans, vous avez aussi remis en cause les 35 heures et supprimé un jour férié ; vous avez mis en place une réforme des retraites particulièrement injuste ; gels et annulations de crédits destinés aux associations sont devenus le quotidien ; suppressions de postes et démantèlement des services publics, loi de modernisation sociale favorisant les licenciements de masse, attaque frontale des intermittents du spectacle, amorce de la privatisation d'EDF-GDF : telles sont les pierres noires qui marquent le chemin que vous avez parcouru depuis votre arrivée aux affaires. Face à tant d'injustices, nos concitoyens ont d'ores et déjà exprimé leur opinion sur les projets dévastateurs de votre gouvernement lors des dernières élections. En réponse à ce message, le Président de la République et le Premier ministre répondent au peuple français : « cause toujours, tu m'intéresses ! ». C'est à une véritable parodie de démocratie que vous vous livrez. D'ailleurs, le fait que vous ayez refusé de redonner leur place aux représentations syndicales légitimement élues par les assurés sociaux en dit long de ce point de vue. Votre projet instaure une médecine à deux vitesses, l'une pour les riches qui, ayant les moyens de souscrire une mutuelle ou une assurance privée, pourront se soigner comme bon leur semble. Et l'autre pour les pauvres, forcés de suivre un parcours balisé, semé d'embûches et pénalisant. Voilà comment la France d'en haut traite la France d'en bas ! Vous avez capitulé face aux appétits du privé et des compagnies d'assurance qui réclament l'accès aux données médicales pour sélectionner leurs clients. Gardons en mémoire les déclarations de Gilles Johanet, directeur des activités santé et collectives d'Assurances générales de France : « le point le plus essentiel c'est de nous autoriser l'accès aux données médicales des assurés ». Maintenant que vous avez permis au loup d'entrer dans la bergerie, combien de temps croyez-vous tenir face aux aimables et redoutables pressions de vos amis, les assureurs privés ? La contribution forfaitaire des patients, - qui vient d'être alourdie par la CMP, Jean-Marie Le Guen l'a rappelé - cyniquement qualifiée de « symbolique », fait reposer sur le patient le poids de la dette. Un euro, rapporté au montant de la consultation médicale à 20 euros chez un généraliste, représente une augmentation de 5 % à la charge des assurés les plus modestes. De leur côté, les industries pharmaceutiques et les grandes sociétés ne seront mises à contribution qu'à la hauteur, respectivement de 0,525 % et de 0,03 % de leur chiffre d'affaires. Vous nous avez martelé tout au long du débat parlementaire l'idée selon laquelle votre projet devait permettre de changer les comportements. En réalité, vos mesures se fondent sur la culpabilisation des assurés sociaux et la dramatisation des enjeux visant à accréditer l'idée selon laquelle il n'y aurait pas d'alternative à vos choix. Regardez la réalité en face, mes chers collègues de droite, vous qui êtes obligés de faire de la figuration ici, contraints depuis des semaines de stoïquement ne rien dire. Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et de vous entendre ! M. Jean-Pierre Brard. Et quand quelques-uns se laissent entraîner par leur goût du dialogue, ils mettent quelque cacophonie dans le débat ! M. Yves Bur, président de la commission mixte paritaire. Ils ont été davantage entendus que vous ne l'avez été du temps de votre gouvernement ! M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Bur, vous vous trompez ! Je suis un homme libre et je me suis toujours exprimé librement, y compris pour critiquer la baisse des impôts pour les plus riches, - il est vrai, beaucoup plus modeste que celle que vous avez faite depuis - quand elle fut décidée par un gouvernement que je soutenais. M. Jean Leonetti. Il est difficile de baisser les impôts de ceux qui n'en paient pas ! M. Jean-Pierre Brard. Voilà un sujet fort intéressant, monsieur Leonetti ! Le seul impôt juste est l'impôt sur le revenu. Nous connaissons votre sagacité et votre expérience : ne faites pas semblant de croire que les plus pauvres ne payent pas d'impôt, alors qu'ils payent le plus gros de l'impôt le plus injuste, la TVA ! M. Jean Leonetti. Que nous voulons baisser ! M. Jean-Pierre Brard. En réalité, en dépit de vos effets de manche, vous espérez bien que Bruxelles n'accédera pas à vos demandes de baisse de la TVA dans certains domaines, tant elles sont mal ficelées ! M. Yves Bur, président de la commission mixte paritaire. Il est vrai que, sur l'assurance maladie, vous n'avez pas eu à vous opposer au gouvernement Jospin ! M. le président. Cessez ces échanges individuels ! Vous êtes là, monsieur Brard, pour défendre votre question préalable ! M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je reconnais votre autorité morale. Votre filiation,... M. le président. Je ne vous ai rien demandé ! M. Jean-Pierre Brard. ...vous donne, dans cette assemblée, une autorité particulière pour vous exprimer. M. Guy Geoffroy. Il n'y a pas que la filiation ! M. Hervé Mariton. Il y a la compétence ! M. Jean-Pierre Brard. Certes, il y a aussi le talent personnel ! M. le président. Arrêtez, sinon nous sommes encore là dans quinze jours ! (Sourires.) M. Jean-Pierre Brard. Qu'à cela ne tienne ! J'en reviens, monsieur Leonetti, à ce que vous disiez. Vous beurrez toujours plus la tartine des plus riches, et des deux côtés, au risque de vous tacher les doigts, tandis que vous condamnez les autres au pain sec ! Telle est votre politique depuis deux ans ! Puisque vous le contestez, j'ai amené des tableaux fort bien faits...(M. Brard montre des tableaux à l'Assemblée.) M. Hervé Mariton. Voilà qui va faciliter le compte rendu ! M. Jean-Pierre Brard. ...sur l'« évolution du chômage sous les différents gouvernements depuis 1974 », alors même que nous venons d'apprendre que le chômage avait encore augmenté, du fait de votre politique. M. Jean Leonetti. Cela n'a rien à voir avec la question préalable ! M. Jean-Pierre Brard. Si, car la politique menée par le Gouvernement forme un tout homogène ! M. Jean Leonetti. Pour une fois, nous avons une cohésion ! M. Jean-Pierre Brard. Vous avez, en effet, une vraie cohésion. M. Guy Geoffroy. Cohérence plutôt ! M. Jean-Pierre Brard. Vous avez raison, monsieur Geoffroy ! Cette cohérence, on la trouve dans le texte Alternance 2002, où s'expriment les trois idéologues du régime. Je sais que ce sont des gros mots pour vous : idéologue, régime. Si ces trois piliers du gouvernement actuel sont des idéologues, cela prouve au moins qu'ils ont des idées ! Ce que l'on ne peut dire de nombre de supporters de la majorité !
M. Yves Bur, président de la commission mixte paritaire. Que vous avez tant critiqué ! M. Jean-Pierre Brard. ...grâce aux emplois-jeunes, aux 35 heures, parmi d'innombrables autres mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Et si je devais formuler une seule critique... M. Yves Bur, président de la commission mixte paritaire. Vous avez tant critiqué ce gouvernement qu'il est tombé ! M. Jean-Pierre Brard. ...c'est que nous sommes trop modestes pour défendre ce bilan. Nous devons dire clairement tant ce que nous avons fait... M. Yves Bur, président de la commission mixte paritaire. Les Français vous ont récompensé, monsieur Brard ! M. Jean-Pierre Brard. ...que les turpitudes que vous êtes en train d'élaborer. Car lorsque nous reviendrons au gouvernement, nous devrons reconstruire tout ce que vous aurez mis à bas. M. Hervé Mariton. N'oubliez pas que vous êtes l'orateur du groupe communiste ! M. Jean-Pierre Brard. Mais je crois au dialogue, au sein de la gauche. Vous, vous êtes obligés de vous taire... M. Yves Bur, président de la commission mixte paritaire. Pas du tout ! M. Jean-Pierre Brard. ...pas nous ! M. Jean Leonetti. On vous a moins entendus quand M. Jospin était Premier ministre ! M. Jean-Pierre Brard. Non, monsieur Leonetti, je me suis toujours exprimé et vous le savez. De grâce, ne voyez pas les autres à votre image ! Vous, vous vous tûtes ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mme Claude Greff. Où est le nez rouge ? M. Jean-Pierre Brard. Moi, je parlais chaque fois que cela était nécessaire. M. Yves Bur, président de la commission mixte paritaire. Parlez-nous donc de l'assurance maladie, monsieur Brard ! M. Jean-Pierre Brard. Pour revenir au solde du régime général de la sécurité sociale, à partir de 1993, les années noires... M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Elles sont à gauche, les années noires ! M. Jean-Pierre Brard. ...apparaissent sur ce diagramme et, à partir de 1997, le déficit commence à se résorber grâce aux mesures que nous avons prises et qui ont généré ce que vous cherchez vainement et que vous ne trouverez pas, même avec un compteur Geiger : la confiance. Car vous n'avez pas la confiance de notre peuple, ainsi que l'ont prouvé les élections du printemps dernier. M. Jean Leonetti. C'est pour cela que vous êtes dans l'opposition ! M. Jean-Pierre Brard. Si nous n'avons pas vocation à y rester, vous aurez, en revanche, suffisamment de temps libre en 2007 pour réfléchir à ce que vous auriez dû faire. M. Guy Geoffroy. Ne rêvez pas trop ! M. Jean-Pierre Brard. À partir de 1997, le déficit se réduit et, à partir de 1999, les comptes sont excédentaires. Mais vous revenez au pouvoir et... M. Yves Bur, président de la commission mixte paritaire. C'est l'héritage ! M. Jean-Pierre Brard. ...c'est la descente aux Enfers. M. Hervé Mariton. On n'a jamais vu de politique si immédiatement efficace ! M. Jean-Pierre Brard. Dès que vous êtes au pouvoir, le chômage augmente, parce que vous passez les plus modestes à l'essoreuse, vous réduisez la consommation, vous élargissez les marges des plus riches. Et que fait Mme Bettancourt quand elle a un peu plus d'argent ? Elle n'achète pas un deuxième bifteck parce qu'elle a déjà du cholestérol (Rires),... M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Que faites-vous du secret médical, monsieur Brard ? M. Jean-Pierre Brard. ...elle spécule à la bourse ! Telle est la réalité et je ne pratique pas la langue de bois que vous utilisez pour essayer de faire prendre des vessies pour des lanternes à notre peuple. Je savais que je parviendrai à vous sortir de votre apathie, et je vous remercie d'avoir fait écho à ma volonté de dynamiser le débat. Monsieur Mariton, vous êtes l'un des idéologues de votre parti, en même temps qu'un homme attaché au dialogue. Vous savez qu'en politique, mieux vaut avoir de véritables adversaires dont les idées sont profilées plutôt que des ectoplasmes qui discréditent le débat politique et le rendent atone. Monsieur Bur, je ne vous inscris pas au registre des ectoplasmes, car je vous connais suffisamment pour savoir que vous avez des idées tout à fait profilées et toujours teintées d'Alsace ! M. le président. Monsieur Brard, continuez à vous profiler ! M. Jean-Pierre Brard. En deux ans, le gouvernement de la gauche plurielle, dirigé par Lionel Jospin, grâce à une ambitieuse politique en faveur de l'emploi, a non seulement comblé le déficit, mais rendu les comptes excédentaires. Et ce n'est qu'au moment où son action en la matière s'est relâchée que la rupture est apparue avec une partie du peuple de gauche. M. Guy Geoffroy. Quelle belle réécriture de l'histoire ! M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Geoffroy, je vous renvoie aux Évangélistes. Vous constaterez que l'histoire est toujours une notion relative ! Mme Claude Greff. Ne vous dispersez pas ! M. Jean-Pierre Brard. Ma chère collègue, ce n'est certainement pas à vous que je m'en remettrai pour juger de ma fidélité au sujet dont nous débattons, vous qui ne voyez pas les rapports dialectiques qui existent entre les différents domaines de la politique gouvernementale. Il en résulte une cure d'amaigrissement pour nos compatriotes, qu'il s'agisse des retraites, de l'assurance maladie ou du SMIC. En effet, vous préparez l'amnistie pour les voleurs qui ont emmené clandestinement leur argent à l'étranger, mais, dès lors qu'il s'agit des gens modestes, vous prévoyez d'étaler l'augmentation du SMIC sur deux ans. M. Richard Mallié. L'action de Mme de Bettancourt a augmenté de 1,35 % ! M. Jean-Pierre Brard. Vous faites de l'épicerie, monsieur Mallié ! Pour ma part, j'essaie de faire de la politique et j'apprécie ses résultats en discutant avec les habitants de ma bonne ville de Montreuil qui en bavent chaque jour un peu plus... M. Yves Bur, président de la commission mixte paritaire. Qu'ils changent de maire ! M. Jean-Pierre Brard. ...parce que vous privilégiez les nantis et que vous réduisez toujours davantage le sort des plus modestes. Regardez les statistiques pour le tourisme, cette année. Voilà le résultat de votre politique : des gens qui ne partent pas en vacances ou qui raccourcissent leur séjour. Ce phénomène n'est pas seulement lié à la météo, c'est la Chiraquie dirigée par M. Raffarin, qui en est la cause ! Mme Claude Greff. Au fait ! M. Richard Mallié. Il y a longtemps que vous ne nous avez pas parlé du MEDEF ! M. Jean-Pierre Brard. En deux ans, vous avez réussi l'incroyable exploit de plonger le régime de la sécurité sociale dans le rouge, à un niveau proche de celui dans lequel M. Juppé l'avait immergé en 1995. Autre réalité que vous feignez d'ignorer : la question de l'emploi. Pour un million de chômeurs, la branche assurance maladie perd environ 3,5 milliards d'euros par an. Vous voyez que les deux domaines, ma chère collègue, sont connectés. Et si vous m'écoutiez, vous comprendriez comment on branche la prise ! Sur l'ensemble des branches - maladie, vieillesse, famille et accidents du travail -, le coût, pour la sécurité sociale, représente 13 milliards d'euros par an. Et votre politique, qui favorise le développement du chômage, creuse les déficits. Comparé au déficit de la branche maladie qui avoisinerait les 11 milliards d'euros en 2003, le manque à gagner lié à l'augmentation du chômage se fait lourdement sentir. M. Raffarin se sent une vocation à devenir le Premier ministre inamovible de la France puisqu'il s'est lui-même donné des perspectives qu'il est le seul à se découvrir ! M. Jean Leonetti. Votre discours était amusant, mais il devient médiocre ! M. Jean-Pierre Brard. Je vais vous citer M. Raffarin, monsieur Leonetti. M. Guy Geoffroy. Cela va relever le niveau de votre discours ! M. Jean-Pierre Brard. Vous ne serez pas déçu, monsieur Geoffroy ! Voilà ce que M. Raffarin déclare dans un ouvrage qui, certes, n'aurait pas pu être soumis au Goncourt ni au Nobel de littérature, La France de mai, publié aux éditions Grasset. M. Guy Geoffroy. Excellente lecture ! M. Jean-Pierre Brard. Vous essayez de noyer mes propos, parce que je vous tends le miroir afin que Narcisse s'y regarde. Je cite M. Raffarin : « Les résultats de notre politique de l'emploi engagée en mai 2002 ne seront lisibles qu'à la fin de 2003 et au début de 2004. » Or nous sommes en 2004 et nous constatons que vous fabriquez plus de chômeurs, parce que vous avez cassé la confiance. Vous assaillez nos compatriotes de si mauvais coups qu'ils ont peur du lendemain. Par ailleurs, en remettant en cause, par exemple, la loi de modernisation sociale, vous avez donné libre cours à tous les mauvais coups qui se traduisent par des licenciements massifs dont les médias rendent compte chaque jour. L'accroissement du taux de chômage est le résultat de votre politique. M. Raffarin a demandé qu'on juge sa politique à la fin de l'année 2003 et au début de 2004 et les résultats en sont lisibles, confirmés ce matin par l'annonce d'une nouvelle augmentation du taux de chômage en juin. Ce qui a guidé votre réforme, messieurs les ministres, n'est ni le sort réservé à nos concitoyens ni celui de leur santé, encore moins la situation des caisses d'assurance maladie, mais votre idéologie, largement inspirée par le programme Alternance 2002 auquel je faisais référence tout à l'heure, élaboré par vos compagnons de l'UMP et, surtout, insufflée par les dirigeants du MEDEF. Mme Claude Greff. Voilà enfin le MEDEF ! M. Jean-Pierre Brard. Vous avez organisé et mitonné avec amour le plat que vont dévorer avec gloutonnerie les assureurs privés ! Et je vais vous dire ce qu'il devrait advenir, après le passage du cyclone dévastateur Douste-Blazy, du Préambule de notre Constitution que vous nous faites modifier de plus en plus souvent. Le général de Gaulle disait que le pire qui puisse arriver à un homme politique, c'est qu'on ne parle pas de lui, que ce soit en bien ou en mal. De ce point de vue, vous êtes comblé, monsieur le ministre, car on parle de vous et vous allez entrer dans l'histoire sociale de notre pays comme celui qui a désarticulé notre système. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est faux ! M. Jean-Pierre Brard. Vous pouvez le dire, mais vous êtes dans l'incantation. Moi, j'ai démontré (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), alors que vous, vous ne prouvez rien. M. Guy Geoffroy. Quelle démonstration ! M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Geoffreoy, le règlement ne m'accorde qu'une demi-heure. M. Hervé Mariton. Les démonstrations les plus élégantes sont les plus courtes ! Mme Claude Greff. Et celle-ci est ridicule ! M. Jean-Pierre Brard. Madame, je souhaiterais que vos électeurs entendent vos invectives qui vous tiennent lieu d'arguments et mesurent l'insipidité des propos que vous tenez dans le cadre de notre réflexion collective. S'il fallait réviser, après ce cyclone dévastateur, le Préambule de la Constitution, il pourrait être ainsi rédigé : « La Nation n'assure plus à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle ne garantit plus à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs la protection de la santé » (« C'est faux ! sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) « la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de sa situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler, n'obtiendra plus rien de la collectivité. » M. Hervé Mariton. C'est faux ! M. Jean-Pierre Brard. Telle est votre perspective. Il ne suffit pas de dire que c'est faux. Vous le savez, l'euro symbolique, qui d'ores et déjà, représente 5 % de la consultation, n'est, comme le disent certains de vos amis, qu'un zakouski.
Je cite à nouveau M. Raffarin, qui écrit dans la France de mai : « Les réformes ne peuvent pas être des apparences de réformes ou des réformes dressant les uns contre les autres, mais des réformes qui créent de l'unité nationale et de la responsabilité ». Je regrette, messieurs les ministres, de constater que vous ne lisez même pas les ouvrages de notre premier ministre, dont j'avais pourtant imaginé qu'il était votre parangon. Vous connaissez notre peuple ; vous savez quelles sont les valeurs auxquelles il croit, auxquelles il tient. Vous n'ignorez donc pas que pour remettre en cause son héritage social, il faut savoir manier l'antiphrase. Et vous le faites, il est vrai, avec talent, en tentant de dépeindre sous des atours aguichants ce qui tend à la déstabilisation, au démantèlement de cet héritage. Mais ne vous faites pas d'illusion, car nos compatriotes ne sont pas sots : ils vous regardent, et vont comprendre rapidement - ne serait-ce qu'en étant plus souvent obligés de sortir le carnet de chèques - de quoi votre politique est faite. Ils en tireront les conclusions qui s'imposent, non seulement au moment des échéances électorales, mais même avant. Rappelez-vous, monsieur Douste-Blazy, d'une réforme que vous avez soutenue, la réforme Bayrou - il est vrai que ce n'est peut-être pas pour vous la meilleure des références. Cette loi, qui modifiait la loi Falloux, a été votée, mais les Français ayant su se faire entendre, elle n'a pas été promulguée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Comme en 1984 ! M. Jean-Pierre Brard. En effet. Mais les aveuglements et les turpitudes des uns ne sauraient justifier ceux des autres. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Certes ! M. le président. Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote. Car je suppose que vous ne souhaitez pas expliquer le vôtre, monsieur Brard ? (Sourires.) M. Jean-Pierre Brard. Je me contenterai, monsieur le président, de relever que le Gouvernement n'a rien à dire, pas plus que le rapporteur ou le président de la CMP. Lorsque nous décrivons la réalité, en termes crus, certes, mais lisibles pour le peuple français, nos adversaires politiques sont confondus ! M. le président. Je mets aux voix la question préalable. (La question préalable n'est pas adoptée.) M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Mariton. M. Hervé Mariton. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, le groupe UMP soutient bien volontiers la réforme qui lui est présentée, et qui a déjà largement et utilement été débattue ici, comme elle l'a été au Sénat, avant de connaître quelques améliorations grâce aux travaux de la commission mixte paritaire. Parce qu'elle comprend des éléments très concrets et très parlants, cette réforme a également été débattue dans l'opinion, qui l'a comprise et partagée. Les choses, de ce point de vue, sont simples et claires : un gouvernement présente une réforme ; sa majorité - en particulier l'UMP - la soutient, de même que l'opinion. Toutes les conditions sont donc rassemblées pour que les responsabilités soient claires. Celle du Gouvernement a été de préparer la réforme ; elle sera, demain, de la mettre en œuvre. Celle du Parlement - et en particulier du groupe majoritaire - aura été de l'examiner, de l'évaluer, de la corriger, de l'améliorer et de l'approuver. Chacun, ici, le mesure : la réforme que nous votons est une condition nécessaire pour sauver l'assurance maladie, cet élément essentiel du pacte républicain, et lui donner sa place dans les équilibres sociaux que nous souhaitons. C'est cette condition que nous approuvons, mais c'est son application qui la rendra, ou non, suffisante. Messieurs les ministres, nous mesurons ce qu'est votre responsabilité et nous vous faisons confiance - cette confiance étant également une exigence - pour mettre en œuvre la réforme avec toute l'attention, toute la méthode et toute la rigueur nécessaires. La réforme de l'assurance maladie - et c'est sans doute ce qui signe une grande réforme - sera tout entière d'exécution. M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Tout à fait ! M. Hervé Mariton. Vous nous avez proposé une gouvernance clarifiée, et nous en approuvons les principes. Les débats de la CMP permettent d'ailleurs de progresser encore sur ce terrain. Il est en effet plutôt bienvenu, lorsque l'on crée des organismes nouveaux, d'en supprimer quelques-uns, car trop de gouvernance tue la gouvernance. À cet égard, le développement des responsabilités de la Haute autorité de santé par le transfert de compétences jusqu'ici exercées par l'ANAES est une bonne chose. Mais ensuite, tout dépendra de ce que fera la Haute autorité de ces compétences, comme, messieurs les ministres, de la capacité de votre administration à assumer son rôle dans le pilotage de la réforme. Je ne suis pas un expert des affaires sociales,... M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes plutôt expert en affaires libérales ! M. Hervé Mariton. ...mais le sujet est important, il nous concerne tous, ici, dans cette assemblée, et concerne également tous les Français. Chacun mesure l'importance du rôle joué par vos ministères. Ce que vous présenterez au Parlement, d'ici quelques mois, en termes de stratégie ministérielle de réforme, afin de donner encore plus d'efficacité et de clairvoyance à la politique de santé, sera tout à fait essentiel. Votre copie est attendue ; nous ne doutons pas qu'elle viendra conforter la réforme que nous approuvons aujourd'hui. Ce sera une étape importante. La responsabilité des organes de pilotage de l'assurance maladie, et notamment de la direction qui va se mettre en place, est tout aussi grande, comme sera essentielle celle du Parlement en matière d'évaluation. M. le rapporteur et président de la commission a rappelé tout à l'heure à notre collègue Le Guen combien il était attaché à la mise en œuvre des procédures d'évaluation et de contrôle à nouveau réclamées par la commission mixte paritaire. C'est en effet fondamental. La nouvelle mission d'évaluation et de contrôle saura prouver rapidement que l'Assemblée nationale a la volonté de suivre ces dossiers - sans démagogie, mais avec attention, rigueur, exigence, et en faisant passer l'intérêt général de la nation avant les intérêts catégoriels. C'est un défi important, monsieur le président de la commission des affaires sociales, et le groupe se réjouit naturellement de vous voir superviser la mise en place de cette mission. Nous faisons également confiance à la présidence de l'Assemblée nationale pour accorder à ses travaux toute l'importance qu'ils méritent et y consacrer tous les moyens d'investigation nécessaires. Mme Claude Greff. Très bien ! M. Hervé Mariton. L'exécution de la réforme implique aussi des changements de comportements. Or cette expression a été entendue de manière générique, et certains de ses aspects n'ont peut-être pas été assez soulignés. Ces changements sont indispensables tant dans l'administration et dans notre assemblée que, bien entendu, chez les patients et les professionnels de santé. Mais, même si la psychologie a une grande part dans la conduite d'une action publique, il ne suffit pas de le dire pour le faire. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est vrai ! M. Hervé Mariton. Un certain nombre d'outils sont présentés dans la loi. Permettront-ils d'aller jusqu'au bout ? Nous le verrons. Il faudra beaucoup de fermeté, de volonté, mais aussi de doigté dans son exécution. Le doigté, cependant, ne doit pas faire vaciller la volonté. Si nous voulons réprimer les abus, ce qui est juste et nécessaire, il faudra le faire dans des conditions efficaces, quoique de façon adaptée, afin de préserver le droit et l'accès à la santé. On ne peut pas, en effet, vouloir une chose et son contraire. Si nous voulons veiller à une meilleure prévention et une meilleure répression des abus, il est tout à fait indispensable de s'en donner les moyens. Soyons très attentifs, demain, dans la mise en œuvre de la réforme, à ne pas - par bienveillance, gentillesse, compassion ou, éventuellement, en réponse à tel ou tel groupe d'intérêt qui ne manquera pas de se manifester - détricoter ce qui, au fil d'heures de débat, de semaines et de mois de réflexion, aura été approuvé ici, et qui représente un bon équilibre. M. Gérard Bapt. Le déremboursement et la répression accrue ne semblent pas vous suffire ! M. Hervé Mariton. Cet équilibre, il est important de ne pas le rompre. C'est en cela que la réforme, si elle est bien une condition nécessaire, n'est pas, en elle-même, suffisante. Le changement de comportement que nous appelons de nos vœux ne se produira pas spontanément ; il nous faudra l'expliquer et y inciter. À cet égard, le lien est bienvenu avec le projet de loi sur la santé publique que nous allons examiner tout à l'heure. Il serait bien présomptueux d'imaginer que le comportement du patient aura changé demain, uniquement parce que nous aurons adopté le présent texte. Sans doute ce débat aura-t-il été l'occasion de donner l'alerte sur un certain nombre de questions et de modifier certains comportements. Mais pour combien de temps ? N'ayons aucune illusion : cette réforme ne sera pas définitive, ses effets ne seront pas éternels, elle ne réglera pas tout. Il convient cependant qu'elle soit durable, produise une évolution utile et nous fasse suivre une meilleure route. En effet, celle que nous empruntons aujourd'hui entraînerait inévitablement la faillite de l'assurance maladie. Le changement de comportement concerne aussi les professionnels. Cette réforme est celle de toute la nation, non seulement parce qu'elle intéresse toute la nation, mais aussi parce que sa réussite dépend de la participation de toute la nation, et pas seulement de telle ou telle catégorie professionnelle ou de telle ou telle association d'usagers. Il faudra que chacun le comprenne et n'ait pas à cœur - au nom d'intérêts catégoriels qui peuvent sans doute s'avérer parfois légitimes, mais qui trouvent leur limite dans l'intérêt général - de défaire, revendication par revendication, ce que nous avons construit aujourd'hui.
Il y a eu une polémique, monsieur le ministre, sur les données économiques de base. Au fond, elle a eu le mérite de souligner que le sens même de notre effort, c'est bien de faire un pari sur les changements de comportement, un pari raisonné, mais indispensable. Sinon, on allait à l'échec. C'est la seule voie possible si l'on veut sauver l'assurance maladie. Sur les données de base, nous faisons confiance au Gouvernement. C'est votre rôle, en tant qu'exécutif, de nous les apporter. Nous, nous avons une responsabilité de législateur. Tout au long de ce débat, la répartition du rôle des uns et des autres a été très claire. Ces données font partie des éléments de base de la réforme. Nous votons un cadre, et nous avons su pour l'essentiel éviter de rentrer dans les détails d'application. C'est parfois un peu frustrant parce qu'on a envie de préciser ou d'être peut-être plus exigeant à tel ou tel moment, mais de tels détails sont de votre responsabilité. À ce stade du débat, il est essentiel de le souligner. Dans quelques minutes, le débat ici va s'achever. Nous aurons, et le président Dubernard y veillera, à suivre l'application de la réforme, et le groupe UMP sera volontiers stimulant et encourageant. C'est le Gouvernement, en tant qu'exécutif, qui aura la responsabilité de mettre en œuvre cette réforme et, nous le souhaitons évidemment, parce que nous le soutenons et que nous soutenons la réforme, de la faire réussir. Bref, messieurs les ministres, le groupe UMP soutient cette réforme parce qu'elle est indispensable, utile, et bien définie. Nous vous livrons les outils nécessaires. À vous de les faire vivre et de réussir le sauvetage de cette assurance maladie à laquelle nous attachons tous beaucoup d'importance. Quand on interroge les Français, c'est toujours l'un des éléments de la vie sociale auquel ils tiennent le plus. Notre rôle, en tant que groupe majoritaire, c'est de soutenir, de façon cohérente et réfléchie, ce projet à l'amélioration duquel nous avons concouru Votre rôle, messieurs les ministres, sera de le faire réussir. Pour aujourd'hui et pour demain, vous avez tout notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt. M. Gérard Bapt. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le temps de la vraie réforme est venu, vient de nous dire M. le président de la commission spéciale, sur les bases voulues par le Président de la République, a ajouté M. le ministre de la santé. Je ne crois pas, monsieur le ministre, que ce soit sur celles qu'il a évoquées lors du congrès de la mutualité à Toulouse... M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'y étais ! M. Gérard Bapt. ...que cette réforme arrive dans sa dernière mouture, et je voudrais profiter de cette dernière occasion pour expliquer pourquoi, selon nous, cette loi prépare à la fois une privatisation et une étatisation, théorie qui a donné lieu à de nombreux débats dans cette assemblée et provoqué l'incompréhension sur les bancs de la majorité, et en quoi existe une vraie opposition entre une conception de droite et une conception de gauche de la protection sociale. Comme pour la réforme des retraites, c'est le déficit qui a été le prétexte choisi pour réformer, presque en urgence après votre arrivée en fonction, notre assurance maladie. Au prix d'un dialogue social compris comme une partie de bonneteau, jouant des contradictions des principaux partenaires, vous avez présenté un projet de loi qui n'est que le premier étage d'une réforme néo-libérale, et il était significatif que le responsable du groupe UMP soit notre excellent collègue par ailleurs Hervé Mariton, qui a le défaut à mes yeux d'être le représentant du courant libéral de l'UMP. Parlons d'abord de la gouvernance. L'architecture du système de l'assurance maladie est modifiée substantiellement, mais pas vraiment clarifiée, monsieur Mariton. Le paritarisme est évacué d'un conseil d'administration transformé en conseil d'orientation où le MEDEF, avec une minorité de blocage, revient avec force, et où figureront la mutualité mais aussi les organismes complémentaires. Le Parlement est quasiment confiné au vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le directeur de l'UNCAM, nommé par l'État pour cinq ans, disposera de pouvoirs considérables. Il nommera les directeurs de caisses locales et, sur indication d'un comité d'alerte, pourra procéder à des déremboursements ou modifier le périmètre des soins pris en charge. Les organismes complémentaires, dont les assurances privées, apparaissent dans la gouvernance au travers d'une union spécifique. Ils pourront désormais intervenir dans les négociations conventionnelles et seront mis en concurrence, à l'échelon européen, à chaque élargissement du champ de l'assurance individuelle : la réforme que vous vous apprêtez à voter, mes chers collègues, leur en donnera l'occasion ! En matière de gouvernance, la réforme s'est arrêtée, par manque d'audace, à l'échelon régional, le plus pertinent pourtant pour réussir une maîtrise médicalisée et assurer l'offre de soins de qualité dans la continuité territoriale. Votre maîtrise médicalisée, monsieur le ministre, est avant tout une machine à déremboursement. M. Mariton devrait se rassurer, il y a aura de nombreux moyens de « responsabiliser », c'est-à-dire de dérembourser et de faire contribuer davantage l'assuré. La mise en place d'un ticket modérateur par acte et consultation, y compris aux urgences, concourant au transfert de la charge vers le patient, a été complétée par un amendement du Gouvernement : le forfait d'un euro, qui augmentera plus tard, concernera désormais les actes de biologie, en progression de 10 % en 2003, alors que l'enveloppe qui leur est consacrée est en forte augmentation. Au même moment, la CNAM s'apprête à supprimer le dispositif de régulation économique, lettre B flottante. Voilà une mesure bien symbolique de la volonté de la majorité de transférer le plus possible de dépenses vers l'usager, c'est-à-dire vers l'assurance individuelle. Instrument souhaitable pour améliorer la qualité des soins, le dossier médical personnel pourra être utilisé aux mêmes fins, M. Le Guen en a parlé tout à l'heure. Le choix du médecin et l'accès au spécialiste dépendront aussi de plus en plus du revenu des patients et du type d'assurance complémentaire ou surcomplémentaire souscrite. Cet ensemble de restrictions préfigurent bien la privatisation. Nous avons l'étatisation avec la gouvernance et la privatisation avec les déremboursements. Quant à la maîtrise budgétaire, on peut d'abord parler de ce scandale du report de la dette, passée et à venir, sur la CADES, et de votre prudence extrême concernant la maîtrise des dépenses pharmaceutiques quand celles-ci ont augmenté de 2,1 milliards d'euros en 2003 alors même que très peu de médicaments innovants sont arrivés sur le marché. Une loi organique complétera le mécanisme en organisant une maîtrise budgétaire lissée sur deux ans. Ainsi quittera-t-on en silence le système assurantiel, collectif et solidaire, par une maîtrise comptable qui ne veut pas dire son nom, pour un élargissement du champ de l'assurance privée et individuelle. C'est la raison pour laquelle je suis de ceux qui pensent qu'il ne s'agit pas d'une réformette mais d'une réforme fondamentale... M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Merci ! M. Gérard Bapt. ...qui, sans s'y référer, répond aux recommandations du rapport Chadelat remis en 2003 à M. Mattéi, répartissant les interventions entre assurance collective de base et assurance complémentaire individuelle. Un partenariat entre les deux unions des caisses et des complémentaires aboutira à constituer un cahier de charges définissant les règles des contrats complémentaires de base susceptibles de bénéficier d'avantages sociaux et fiscaux. Le crédit d'impôt, devenu aide directe financée par les fonds sociaux de la CMU et attribué sous plafond, ne s'appliquera qu'à la complémentaire de base. Les surcomplémentaires nécessaires pour être couvert dans les divers cas de déremboursement seront entièrement libres et livrées à la concurrence entre mutuelles et sociétés d'assurance européennes. Ainsi, répondant aux vœux des libéraux, même si M. Mariton avait encore quelques inquiétudes sur l'application de l'ensemble des dispositions, la recomposition de la protection sociale est bien lancée. Il ne s'agit pas d'une énième réforme. La réforme Juppé s'appliquait à la préservation de l'assurance maladie de base, votre réforme vise à modifier en profondeur le système. Il s'agit d'une approche qui oppose la majorité et l'opposition, et c'est tout à fait normal et noble qu'en démocratie, il y ait ainsi des conceptions qui s'affrontent s'agissant d'une dimension aussi importante pour nos compatriotes que le champ de la protection sociale et le champ de la santé. Cette différence d'approche n'est pas née d'aujourd'hui. Déjà, à la fin du XIXe siècle, on a vu s'affronter deux conceptions de la protection sociale à mettre en place. L'Allemagne, à la fin du siècle précédent, avait mis en place un système de protection sociale. En France, il existait à la même époque une forte résistance des libéraux les plus dogmatiques, qui n'admettaient que des mesures restreintes de bienfaisance publique, c'est-à-dire une version à peine modernisée de la charité individuelle. C'est Adolphe Thiers, incontestable représentant de l'idéologie des milieux dirigeants de l'époque, qui s'attachait à en montrer les bornes : « Il importe que cette vertu, la bienfaisance, quand elle devient, de particulière, collective, de vertu privée, vertu publique conserve son caractère de vertu, c'est-à-dire reste volontaire, spontanée, libre enfin de faire ou de ne pas faire car, autrement, elle cesserait d'être une vertu pour devenir une contrainte et une contrainte désastreuse. » À cette conception s'opposait celles des socialistes, Jean Jaurès notamment, une assurance sociale collective, solidaire et obligatoire. Nous voici ramenés aujourd'hui au débat sur notre système de protection sociale mis en place à la Libération par un gouvernement dirigé par le général de Gaulle. Au sein même de son gouvernement à l'époque, un certain nombre de contradictions sont apparues. M. le rapporteur de la commission a cité à plusieurs reprises Ambroise Croizat, l'un des artisans de la mise en place de ce nouveau système de protection sociale. Il fut en butte aux manœuvres des libéraux qui s'exprimaient par la voix du MRP et notamment de M. Robert Prigent. C'est quand il est devenu ministre du travail qu'il a réussi, avec le soutien populaire, à faire adopter une législation de compromis, un compromis très positif qui est devenu la sécurité sociale telle qu'elle existait jusqu'à aujourd'hui. Voilà pourquoi il ne m'apparaissait pas inutile de rappeler l'histoire de la protection sociale et de l'assurance maladie dans notre pays. Aujourd'hui, il me semble que nous sommes au début d'un épisode historique de réforme en profondeur de cette protection sociale.
C'est parce que nous restons fidèles la pensée de Jaurès que nous continuerons à œuvrer pour assurer un égal accès à des soins de qualité à toutes les couches sociales, même les plus populaires, et sur l'ensemble du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel. M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la réforme de notre système de santé était urgente et indispensable, d'autant que tous les secteurs connaissent une grave crise à la fois morale, organisationnelle et financière, qu'il s'agisse de la médecine ambulatoire ou de la médecine hospitalière. Nous arrivons au terme d'un long débat au cours duquel nous avons tenté d'améliorer ce texte, qui, finalement, est très peu différent du projet initial. Il présente, certes, des dispositions intéressantes, comme une offre de soins mieux organisée autour du médecin traitant, mais il subsiste encore des interrogations sur l'accès aux spécialistes - dermatologues, psychiatres, pédiatres -, sur le niveau de la liberté d'honoraires et sur le niveau de remboursement du patient, en cas d'accès direct. Le dossier médical personnel est une innovation intéressante tendant à améliorer la qualité des soins, mais sa mise en place sera certainement longue et onéreuse. La création d'une Haute autorité scientifique chargée d'évaluer les bonnes pratiques et le service médical rendu est également une bonne initiative. Mais au bout du compte qui sera responsable du choix et en quoi différera-t-il de ce qui se passe actuellement avec la commission de la transparence pour le médicament puisqu'en dernier ressort, il revient au ministère d'accepter ou non de prendre en compte les propositions de cette dernière ? Il est également intéressant de noter une expérimentation régionale, avec l'ébauche d'agences régionales de santé. Il n'en reste pas moins que la CMP a supprimé la création, que nous avions instituée, d'unions régionales des professions de santé ; je le regrette car cela aurait été un pas important vers la régionalisation. Mais la question essentielle est de savoir si cette réforme est bien à la hauteur des nécessités, si elle est juste, si elle permet de sauvegarder notre système pour garantir l'égal accès de tous à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire, principe auquel nous sommes très attachés. Quel sort réservez-vous au déficit cumulé de 32 milliards d'euros en trois ans, auquel vous ajoutez les déficits envisagés pour 2005-2006 ? Vous avez choisi de reporter ce déficit sur la CADES, ce qui est logique, mais en prolongeant sa durée de vie d'au moins trois ans par année de déficit, ce qui n'est pas acceptable. Martine Aubry l'avait déjà fait, et avec Bernard Accoyer, nous avions dénoncé cette pratique. Il est inacceptable de reporter cette dette sur nos enfants et nos petits-enfants, qui devront déjà assumer la retraite, la prise en compte de la dépendance, et de faire payer aux générations futures notre propre impéritie. L'UDF, elle, avait proposé d'augmenter la CRDS de 0,35 % afin de ne pas prolonger la CADES au-delà de 2014. Les compteurs remis à zéro, le projet est-il financièrement crédible ? L'équilibre sera-t-il atteint en 2007 comme vous l'annoncez ? Nous ne le pensons pas. En effet, si les 5 milliards de recettes sont quasiment assurés, les économies de dépenses de 10 milliards d'euros restent très aléatoires. En particulier, le dossier médical personnel, s'il doit améliorer la qualité des soins, sera long à mettre en place. Cette mise en place sera onéreuse, et nous n'obtiendrons pas les 3,5 milliards d'économie prévus en 2007, de même que le 1,6 milliard attendu par les groupements d'achats hospitaliers. Par ailleurs, si les médicaments génériques conduiront certainement à des économies, les nouveaux médicaments, que nous attendons tous, seront par contre plus onéreux. Il n'est donc pas assuré que vous obtiendrez, sur la ligne « médicaments », les économies escomptées. Enfin, pensez-vous, avec la nouvelle gouvernance, avoir mis en place le pilote qui nous manque tant ? Vous renforcez encore l'étatisation du système, avec un directeur général tout puissant nommé par l'État. Vous tentez de remettre en selle un paritarisme dit rénové, qui n'a aucune justification à gérer la santé ; au reste, vous le cantonnez dans un comité d'orientation alibi, qui n'aura guère de pouvoirs. Vous n'avez pas profité de cette réforme pour revenir sur les défauts majeurs de notre système que sont la séparation de la ville et de l'hôpital, - pourtant dénoncée par tous - et la séparation de la prévention et du soin. C'est ainsi que, dans la loi de santé publique, vous créez les groupes régionaux de prévention, présidés par des préfets. Nous sommes donc bien loin du responsable unique de la santé. L'UDF a proposé un projet solide et cohérent, avec la création d'une caisse spécifique, gérée paritairement, pour les maladies professionnelles et les accidents du travail, mais aussi une vraie régionalisation permettant de développer une politique de santé de proximité, prenant en compte les besoins et responsabilisant tous les acteurs - professionnels et malades. Nous pensons que seule une réelle maîtrise médicalisée, basée sur 1'efficience, pourra résoudre nos problèmes en associant tous les acteurs, en amont aux décisions et en aval à la gestion, dans des conseils régionaux de santé élus par collège. L'UDF, après avoir attendu, comme tous nos concitoyens, cette réforme nécessaire et urgente ne peut que regretter cette chance perdue. Demain, rien ne sera réglé, tout sera à reprendre. C'est pourquoi l'UDF ne votera pas ce texte. M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec. M. Patrick Braouezec. À l'issue de la CMP, nous déplorons le passage en force et l'autoritarisme du Gouvernement sur un sujet qui nous concerne tous et fait partie intégrante du contrat social de notre pays. La majorité est restée sourde aux manifestations du mois de juin, aux appels des comités locaux de défense de la sécurité sociale, comme aux amendements que le groupe des députés-e-s communistes et républicains a défendus. Aucune de ces revendications, légitimes et démocratiques, n'a ébranlé votre projet, bouclé à la va-vite, socialement injuste et mal financé. Pire, tout au long de ce débat, le Gouvernement et la majorité ont travesti les réalités. Vous affirmiez la nécessité de votre réforme pour résorber de toute urgence le « déficit abyssal » de l'assurance maladie. Ce déficit historique, affirmiez-vous alors, serait sans aucun doute la cause de la disparition de notre système de santé solidaire et universel. Votre réforme devenait du même coup une nécessité vitale. Pour justifier cette dramatisation, le Gouvernement a pris beaucoup de libertés avec les faits. Alors que le déficit était évalué par votre prédécesseur à 11 milliards d'euros pour l'année 2004, il a suffi d'un seul jour, celui de votre arrivée au gouvernement, pour qu'il atteigne 14 milliards. Rien n'était alors exagéré pour faire peur à nos concitoyens. Puis l'épreuve est arrivée de façon inattendue, sous la forme d'une note confidentielle de Bercy, qui affirmait, sans détour, que votre réforme n'était pas financée, que le déficit de la branche assurance maladie resterait au mieux de 5 milliards d'euros et au pire de 15 milliards d'euros, malgré vos mesures. Jamais, alors que vous le clamiez partout, vous n'aviez eu l'intention de combler le déficit du système d'assurance maladie. Si votre réforme n'est certes pas, à notre sens, un énième plan de sauvetage de la sécurité sociale, vous avez néanmoins utilisé toutes les recettes des trente autres plans de sauvetage de vos prédécesseurs, qui n'ont eu d'autres effets que de renforcer les difficultés de financement de la branche maladie et de transvaser le coût des dépenses socialisées de santé toujours un peu plus sur le dos des assurés sociaux. Après la dramatisation, la culpabilisation constitue la seconde étape de ce qu'il convient d'appeler un plan de communication plutôt qu'une loi de réforme de la sécurité sociale. Fraudeurs en puissance de l'assurance maladie, nous sommes tous devenus la cible des sacrifices que vous imposez à coups de déremboursements, de contrôles, de sanctions et de pénalisations. C'est ainsi que vous prétendiez redresser la situation de l'assurance maladie. Là encore, la réalité est défigurée. Vous savez, comme nous tous ici, que la fraude à l'assurance maladie par les assurés sociaux ne représente que 0,043 % des dépenses de santé et que le nombre des arrêts de travail abusifs, souvent mis en exergue, est de l'ordre de 1 pour 100 000. Il est d'ailleurs significatif que vous n'ayez pas daigné reconnaître, comme nous vous l'avons proposé durant les débats, que l'essentiel de la fraude résulte des procédures institutionnelles légales offertes aux professionnels du médicament qui facturent régulièrement, à prix d'or, des médicaments au service médical douteux, ou encore d'employeurs qui recourent aux arrêts maladie comme alternative aux départs anticipés. La réalité est différente et nos concitoyens en ont conscience. Les dépenses de santé croissantes sont une caractéristique des pays développées, en raison de la technicisation des pratiques médicales et du vieillissement des populations, qui bénéficient d'une meilleure prise en charge de leur santé. Elles sont donc naturellement structurellement en hausse. Il faut donc chercher ailleurs les motivations réelles des sacrifices que vous imposez aux assurés sociaux. Le résultat est clairement de réduire la couverture de l'assurance maladie par une avalanche de déremboursements et donc de laisser libre court au secteur privé. Dans un premier temps, vous inventez le déremboursement de un euro - je parle de déremboursement bien que vous préfériez utiliser le mot « franchise », terme que vous empruntez aux assureurs, sans doute pour habituer nos concitoyens à une dérive vers la privatisation. Puis le Gouvernement augmente le forfait hospitalier de trois euros, après l'avoir accru de 2,45 euros en janvier dernier. Vous augmentez la CSG et la CRDS pour l'ensemble des salariés et retraités, en élargissant l'assiette de la première et en augmentant le taux des deux. Enfin, vous renforcez la rigueur des protocoles d'ALD et des maladies chroniques, en transférant aux malades le coût d'une prise en charge dorénavant considérée comme injustifiée. Ainsi, contrairement à vos déclarations, l'effort n'est absolument pas réparti. Sur les 15 milliards d'euros escomptés par vos services, vos mesures coûteront 10 milliards aux assurés sociaux et aux malades, contre un petit milliard aux entreprises. Le reste, pour l'essentiel, sera prélevé sur le travail des salariés des organismes de sécurité sociale. Mais le pire était à venir : si votre texte organise le transfert de la charge des dépenses de santé vers les assurés et les malades, par réduction du périmètre de prise en charge des dépenses socialisée, il dynamite, dans un second temps, l'architecture actuelle de la branche maladie de la sécurité sociale, au moyen d'un double mouvement complémentaire d'étatisation et de privatisation. D'une part, la nouvelle gouvernance proposée par votre texte - et que l'on peut retrouver dans un certain nombre de propositions des divers acteurs privés de l'assurance maladie - consolide la mainmise de l'État sur l'organisation du système de santé. Vous créez pour cela une union nationale de l'assurance maladie, dirigée par un directeur général omnipotent. Nommé par le ministre, il bénéficiera de l'intégralité des pouvoirs d'organisation et de gestion de l'ensemble du système d'assurance maladie. Il emportera seul la décision du niveau de prise en charge collective des dépenses de santé, puisque vous avez décidé de liquider purement et simplement la représentation démocratique au sein des conseils d'administration des caisses de sécurité sociale. D'autre part, cette nouvelle gouvernance organise la cogestion d'un panier de soins déterminé conjointement par l'assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires.
Avec ce texte qui résulte d'un accord avec la mutualité française et les assurances privées pour cogérer, co-décider et cofinancer la sécurité sociale, vous augurez une véritable refondation sociale chère au MEDEF. Vous faites - et nous faites faire - un choix de société qui va placer les assurés sociaux dans le champ de la couverture sociale individuelle, au plus grand bénéfice des acteurs privés de l'assurance maladie et du patronat en général. Votre texte relève, dès lors, d'un choix réactionnaire, au sens propre du terme, qui prépare une catastrophe parfaitement prévisible en matière de santé et de justice sociale. On ne fait pas d'économies financières ni sanitaires en incitant les malades à retarder leurs visites chez le médecin, comme vous proposez implicitement de le faire. Cela ne peut qu'augmenter le risque d'une maladie plus grave dont le coût personnel, collectif et social sera plus grand. Certes, il faut réformer notre système de santé. Mais une véritable réforme doit se fixer comme priorité de lutter contre les inégalités d'accès aux soins, notamment par le relèvement des taux de remboursement de la couverture de base pour aller vers la prise en charge complète des soins. Cela oblige à poser avec force la question du financement. Le financement du système de santé par la CSG est particulièrement inéquitable, puisque 90 % des recettes proviennent des revenus du travail. Les exonérations de cotisations patronales, qui atteignent désormais 20 milliards d'euros, ne créent pas d'emplois. Elles réduisent les ressources de la sécurité sociale en tirant tous les salaires vers le bas. Nous voulons garder le principe de la cotisation sociale basée sur les salaires, qui assure le lien avec l'entreprise, lieu où se créent les richesses. Face à l'urgence, un relèvement immédiat du taux des cotisations patronales est nécessaire. Une modulation des taux de cotisations patronales en fonction du ratio entre la masse salariale et la valeur ajoutée permettrait d'augmenter la masse des cotisations. En effet, les entreprises qui licencient et compriment les salaires se verraient appliquer un taux de cotisation plus élevé ; inversement, celles qui développent l'emploi, les salaires et la formation bénéficieraient d'un taux de cotisation plus bas, mais sur une masse salariale élargie. L'objectif est d'accroître de manière durable les rentrées de cotisations avec la croissance réelle de l'économie. Relever la part des salaires dans le partage de la valeur ajoutée, qui a baissé de dix points en vingt ans, augmenterait aussi les ressources de la sécurité sociale. Cette réforme structurelle aurait un effet progressif. Dans l'immédiat nous proposons que les revenus financiers des entreprises et des institutions financières, qui représentaient 165 milliards d'euros en 2002, soient mis à contribution au même niveau que les salaires. Leur appliquer le taux des cotisations patronales à l'assurance maladie apporterait plus de 20 milliards d'euros par an au régime général. D'autres mesures sont applicables immédiatement : il serait notamment possible de créer un fonds de garantie pour les dettes patronales et de soumettre à cotisation l'épargne salariale. Une réforme de progrès du système de soins est donc indispensable. Afin d'assurer une prise en charge globale du malade, la médecine en réseau permet une meilleure coordination des professionnels de santé. Il conviendrait notamment de développer les réseaux ville-hôpital. Il faut également rétablir l'élection des conseils d'administration de la sécurité sociale par les assurés sociaux. Cette démocratie sociale dans le système de santé appelle aussi une démocratie sanitaire apte à exprimer les besoins de santé des populations, avec la reconnaissance du rôle des associations de malades et des malades eux-mêmes. Voilà ainsi résumées quelques propositions constructives que nous avons défendues dans nos amendements, mais que vous n'avez pas daigné entendre, vous bornant à reconnaître parfois leur existence et leur cohérence. Nous arrivons donc au terme de la discussion de votre texte. Dans la droite ligne de ce que vous avez commis pour nos régimes de retraite par répartition, ce projet de régression sociale historique s'est évertué à saper notre système d'assurance maladie solidaire et universel, issu de 1945. Tout au long de ce débat la stratégie du Gouvernement et de la majorité aura consisté à creuser le fameux « trou », pour y enterrer la solidarité. La logique de nos propositions est, au contraire, d'assurer un financement de la protection sociale capable de répondre aux besoins de santé de la population. La santé n'est pas un coût, et encore moins une marchandise, mais un investissement indispensable et juste. Cette première manche législative n'est qu'une étape. Dès l'automne, nous engagerons à nouveau nos forces contre les orientations rétrogrades que vous avez prévues pour la loi de finances pour 2005, pour la sécurité sociale et pour la loi organique qui visera à faire appliquer d'autorité le fonctionnement de votre nouvelle architecture de l'assurance maladie et de l'hôpital. Nous nous mettrons au service de ceux qui se rassembleront - des forces de solidarité, des syndicats de salariés, des associations, des professionnels de santé, des comités de lutte et de défense de la sécurité sociale, des acteurs et des usagers du système de santé. En attendant, vous l'avez compris, le groupe communiste votera contre cette loi de réforme de la sécurité sociale, qui n'est pas une réforme et qui est aussi injuste qu'inefficace. M. le président. La discussion générale est close. Texte de la commission mixte paritaire M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Avant de le mettre aux voix, conformément à l'article 113, alinéa 3, du Règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisi. Je suis saisi d'un amendement n° 3 du Gouvernement, visant à préciser qu'il ne peut être demandé à l'assuré d'attester de son identité qu'auprès des services administratifs des établissements de santé. La parole est à M. le ministre pour soutenir cet amendement. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Depuis le début de cette réforme de l'assurance maladie, Xavier Bertrand et moi-même avons été les premiers à souligner, en toute logique et en toute vérité, la nécessité que les assurés attestent de leur identité. Nous avons, notamment, signé récemment une circulaire enjoignant à tous les fonctionnaires de s'assurer, en demandant une pièce d'identité à l'entrée des hôpitaux, que le malade est bien le titulaire de la carte Vitale qu'il présente. Il n'en reste pas moins que cette vérification ne doit être effectuée que par les seuls services administratifs. En effet, je tiens à attirer l'attention des députés de la majorité sur les réactions très nombreuses exprimées en ce sens par les médecins et les infirmières. M. Jean-Marie Le Guen. Les députés de l'opposition sont déjà convaincus ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. M. Le Guen s'est déjà exprimé sur ce point. En prêtant le serment d'Hippocrate, les médecins s'engagent à soigner toute personne. M. Pierre-Louis Fagniez. Bien sûr ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est une question de déontologie, qui dépasse de loin les dispositions de la loi. Si donc je suis favorable à une grande fermeté pour vérifier que le porteur de la carte Vitale en est bien le propriétaire, je considère que cette vérification doit être confiée aux services administratifs. L'amendement n° 3 propose donc d'insérer, dans le dernier alinéa du III de l'article 12, après le mot : « attester », les mots : « auprès des services administratifs ». (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Avis favorable. M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen. M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas un vrai sujet, et ce que vous proposez, monsieur le ministre, n'est pas une vraie solution ! En revanche, ce que proposaient nos collègues de la majorité était un vrai danger, qu'il convient d'écarter. M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard. M. Jean-Pierre Brard. J'ai bien entendu les propos de M. le ministre, qui ont une certaine cohérence. Je souhaiterais néanmoins recevoir une réponse concrète à une question toute simple : que doit faire le personnel administratif de l'hôpital lorsque se présente aux urgences une personne qui n'a pas de carte Vitale et ne s'exprime pas en français ? M. Louis Guédon. Le renvoyer chez lui ! M. le président. La parole est à M. le ministre. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur Brard, vous ne pourrez jamais ni en aucune manière faire croire à quiconque dans cet hémicycle qu'un médecin pourrait refuser de soigner un malade. Ce serait honteux, et le fait même de l'imaginer est déjà bizarre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Richard Mallié. M. Richard Mallié. J'avoue que cet amendement me choque un peu, dans la mesure où le texte de la CMP me semble bon. À la différence des autres amendements qui nous sont présentés, qui sont de rédaction ou de cohérence, celui-ci est surprenant. Comme cela a été dit hier lors de la réunion de la CMP, les services administratifs doivent d'abord vérifier que les droits administratifs sont ouverts. En second lieu, l'identité du patient ne peut être vérifiée qu'au moment des soins. M. Gérard Bapt. Sur la table d'opération ? Le contrôle risque d'être limité ! M. Jean-Pierre Brard. Sous anesthésie ? M. Richard Mallié. Cela ne signifie pas pour autant que la personne ne sera pas soignée, mais il s'agit de vérifier que les soins correspondent bien aux droits administratifs qui ont été ouverts. L'opposition nous a abondamment reproché les contrôles prévus par le texte. Or des contrôles sont nécessaires, sans quoi il y aura des abus. M. Patrick Braouezec. Dans 0,043 % des cas ! M. Richard Mallié. Il ne me semble pas normal qu'il y ait des abus, même si notre collègue communiste les juge insignifiants. L'article 12 dispose qu'« il peut être demandé » à l'assuré d'attester de son identité. Cette rédaction, qui n'impose pas d'obligation, est déjà très modérée. L'ajout des mots « auprès des services administratifs », que propose l'amendement du Gouvernement, pose plusieurs questions. D'abord, il n'est pas certain que le contrôle aura lieu. La question se pose d'autant plus que M. Le Guen a déclaré tout à l'heure qu'il allait voter cet amendement des quatre mains - puisque les députés socialistes présents sont au nombre de quatre. M. Jean-Marie Le Guen. Ça vous permettra de contrôler mon identité ! M. Patrick Braouezec et M. Jean-Pierre Brard. D'une main seulement ! M. Richard Mallié. C'est ce qu'a bien compris aussi notre collègue communiste Jean-Pierre Brard. M. Patrick Braouezec. Communiste et républicain ! M. Jean-Pierre Brard. Tenez vos fiches à jour, monsieur Mallié ! M. Richard Mallié. Il s'agit, d'ailleurs, d'un faux débat, car cette question relève du domaine réglementaire. Pour ma part, donc, je ne voterai pas cet amendement. M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti. M. Jean Leonetti. Je comprends la méfiance de M. Mallié envers un amendement adopté avec enthousiasme par M. Le Guen. M. Jean-Marie Le Guen. Au moins, vous n'êtes pas sectaire ! M. Jean Leonetti. Néanmoins, un vent de lucidité peut parfois souffler sur l'opposition pour lui faire approuver un texte proposé. M. Gérard Bapt. C'est de la discrimination ! M. Jean Leonetti. Ce texte est très équilibré. L'exigence de lutte contre la fraude et les abus est au cœur d'une réforme solidaire. Comment pourrait-on expliquer aux Français que nous allons leur demander des efforts équilibrés, justes et nécessaires sans les assurer en même temps que la lutte contre les abus, les excès et les fraudes sera ferme ? Le problème tient donc à la méthode selon laquelle ces contrôles seront mis en œuvre. La médecine et l'assurance maladie n'ont pas vocation à lutter contre l'immigration clandestine. Cette lutte, qui est une action résolue du Gouvernement, ne doit pas empiéter sur notre débat. Face à un malade qui se confie à lui, le médecin, comme l'a dit le ministre, n'a d'autre obligation que de lui apporter des soins. Le contrôle, d'identité ou administratif, ne peut donc relever ni du médecin, ni de l'équipe soignante, mais bien de l'administration. Sans doute peut-on considérer, avec Richard Mallié, que cette question est du domaine réglementaire. Mais, pour lever tous les doutes qui pourraient subsister dans l'esprit de certains quant à l'engagement des médecins de notre pays envers leurs patients, mieux vaut sans doute le préciser clairement dans la loi, car il vaut mieux dire les choses que ne pas les dire. M. Jean-Pierre Brard. Boileau le disait déjà ! M. Jean Leonetti. Merci, monsieur Brard, d'apporter Boileau à mon moulin ! (Sourires.) M. le président. Ne mettez pas d'eau dans votre vin ! (Sourires.) M. Jean-Pierre Brard. C'est de la piquette ! M. Jean Leonetti. L'amendement proposé par M. le ministre me semble donc pleinement justifié. M. le président. La parole est à M. Pierre-Louis Fagniez.
Mais je m'inscris dans le droit fil de ce que viennent de dire M. Leonetti et surtout monsieur le ministre : en parlant de ce problème qui n'a pas lieu d'exister, on revient sur un principe fondateur de la médecine et des soins. Si des médecins, des infirmières, des aides-soignantes, bref des gens qui sont là pour soigner, devaient un jour vérifier l'identité des patients, je peux vous dire qu'aucun médecin ne pourrait l'accepter ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton. M. Hervé Mariton. Notre collègue Richard Mallié pose une excellente question, qui a le mérite de rappeler que si on veut, pour préserver l'avenir de l'assurance maladie, exercer les contrôles et les vigilances nécessaires, il est prudent de ne pas renvoyer trop systématiquement le sujet à d'autres. Au demeurant, un certain nombre d'entre nous seraient demandeurs d'une définition précise des « services administratifs ». Nous voyons bien que l'affaire n'est pas simple à résoudre. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est très simple ! M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Monsieur Mariton, vous ne savez pas comment fonctionne un hôpital ! M. Hervé Mariton. Où se trouvent ces services administratifs ? On vient de nous expliquer qu'ils pouvaient se trouver à différents endroits. Je ne le sais pas. S'il est probablement hasardeux de vouloir aujourd'hui parvenir à une solution parfaite, il est raisonnable de faire confiance au Gouvernement pour lancer un processus utile. Je m'interroge tout de même sur l'attitude qui consisterait à dire que par construction et par définition professionnelles, telle ou telle catégorie d'acteurs se retirerait par définition du processus de vigilance de gestion dans lequel nous sommes engagés. Par ailleurs, notre collègue le Guen a fait remarquer hier en CMP que si, dans des situations extrêmes où, de manière totalement contraire à l'éthique, un service administratif refusait l'accès aux soins à un patient, on pourrait imaginer alors que, conscient de son éthique, le médecin accepte plus volontiers d'aller au-delà de ce qui lui aurait été initialement demandé. M. Jean-Marie Le Guen. Je n'ai jamais dit ça ! M. Hervé Mariton. Je ne suis pas sûr, au bout du bout et dans les configurations les plus extrêmes que vous avez évoquées, monsieur le Guen, que le service administratif soit plus protecteur pour les patients que le médecin. M. Gérard Bapt. De quelle protection parlez-vous ? M. Hervé Mariton. Mais je vois bien que je vais très loin dans un raisonnement que nous ne faisons qu'ouvrir. Personnellement, je voterai l'amendement du Gouvernement. Pour autant, il est bien que cette question ait été soulevée. Il faut introduire plus de rigueur, plus de compréhension de ce qui est fait d'un point de vue économique, financier, administratif, à l'hôpital ; mais l'on ne comprendrait pas que certaines catégories en soient dispensées. Je pense qu'il faut faire mûrir les choses. J'appelle les professionnels de santé à l'hôpital - c'est en tout cas ma conviction en tant que non médecin - à se dire que si la responsabilité et l'éthique sont essentielles pour répondre à la demande de soins, la bonne gestion du système de santé et de l'hôpital, c'est aussi l'affaire de tous. M. le président. La parole est à M. le rapporteur. M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. J'ai entendu les arguments de Jean Leonetti et de Pierre-Louis Fagniez, qui, eux, savent ce qu'est le colloque singulier avec un patient. Il s'agit d'un faux débat, comme l'a dit M. Mallié. En effet, dans deux ans, la photographie apposée sur la carte Vitale réglera la plupart de ces problèmes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Jean-Marie Le Guen. Pipeau ! M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Les questions de droit administratif relèvent directement de l'administration. Et la vérification de l'identité, qui n'est pas un contrôle, monsieur Mallié, ne peut relever du personnel soignant, lequel est là pour soigner. Sachez-le, les principes du serment d'Hippocrate sont encore très présents dans la profession médicale. M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard. M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous avez réagi d'une façon indignée tout à l'heure, mais ma question n'était pas du tout une question piège et je ne vous prêtais pas de noires pensées. Cependant, la réaction de notre collègue Mallié, a montré que ma question n'était pas infondée. Vous avez répondu qu'il s'agissait d'une faculté, non d'une obligation. Comme vous le savez, lorsqu'il y a contestation, les débats qui ont lieu dans cet hémicycle éclairent les conditions dans lesquelles la loi a été formulée. Votre réponse m'agrée donc, dans la mesure elle vaut garantie du droit inaliénable de se faire soigner. Vous avez dit ce que je voulais entendre. Et vous avez bien fait puisque M. Mallié en a remis deux couches : il trouve que vous n'êtes pas assez contrôleur. Quant à M. Dubernard, il a enrichi le vocabulaire - comme quoi, il a ses chances pour l'Académie française. Mais je ne vois pas la différence entre « contrôler » et « vérifier ». Si un fonctionnaire de police vous arrête, monsieur Dubernard, y a-t-il une différence s'il « contrôle » votre identité ou s'il la « vérifie »? M. Jean-Marie Le Guen. C'est vrai ! M. Jean-Pierre Brard. Je ne me souviens pas, pour avoir lu le serment d'Hippocrate bien que n'y étant pas personnellement assujetti, de cette différence sémantique. M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen. M. Jean-Marie Le Guen. Le débat lancé par le Gouvernement, repris par la majorité, sur le problème de l'abus et des fraudes à l'hôpital, continuera à courir. Vous avez essayé de lui couper la tête, sans y arriver. Il continuera à courir et à nourrir des polémiques injustifiées et malsaines sur la vie à l'hôpital. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voilà, trois petits tours et vous ne résolvez rien ! Après avoir lancé un faux problème, maintenant authentifié par vous, et après avoir constaté votre impuissance à le résoudre, vous allez le laisser continuer à prospérer et à rendre malsaines les relations à l'intérieur de l'hôpital. Encore bravo ! M. Hervé Mariton. Vous, vous ne faites rien, monsieur le Guen ! M. le président. La parole est à M. le ministre. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Premièrement, il est évident que nous devons lutter également, monsieur le Guen, contre les abus et les dérives. Et nous le ferons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mme Claude Greff. Tant qu'il y aura des hommes, il y aura des abus ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Deuxièmement, je remercie les députés qui se sont exprimés. Il n'existe pas, et je pèse mes mots, un malade en France qui rentre dans un hôpital public sans passer par le bureau des entrées. Mme Claude Greff. Tout à fait ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. En urgence, quelqu'un du bureau des entrées se déplace jusqu'au lit du malade. Une personne de sa famille ou l'ambulancier peut également se rendre à ce service. Sinon, il est impossible et illégal de se faire soigner à l'hôpital. Les services administratifs, par définition, sont là. M. Hervé Mariton et M. Pierre-Louis Fagniez. Très bien ! M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3. (L'amendement est adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 4, présenté par le Gouvernement. C'est un amendement de cohérence avec la disparition de l'ANAES. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ? M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Avis favorable. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4. (L'amendement est adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 5, présenté par le Gouvernement. C'est également un amendement de cohérence avec la disparition de l'ANAES. L'avis de la commission est favorable. Je mets aux voix l'amendement n° 5. (L'amendement est adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1 du Gouvernement. Il s'agit d'un amendement rédactionnel. L'avis de la commission est favorable. Je mets aux voix l'amendement n° 1. (L'amendement est adopté.) M. le président. Je suis saisi d'amendement n° 7 rectifié. Il s'agit de réparer une erreur matérielle à l'article 20. L'avis de la commission est favorable. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié. (L'amendement est adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 2, présenté par le Gouvernement. C'est un amendement de cohérence avec les dispositions adoptées pour la CNAMTS, les CPAM et l'UNCAM. L'avis de la commission est favorable. La parole est à M. Jean-Pierre Brard. M. Jean-Pierre Brard. Cet amendement révèle bien les intentions profondes du Gouvernement. En effet, il prévoit que le directeur met en œuvre les orientations fixées par le conseil et le détient périodiquement informé. À la phrase suivante, il est indiqué que le conseil formule, en tant que de besoin, les recommandations qu'il estime nécessaires à leur aboutissement. Or, « recommandations » et « orientations » ne sont pas de même nature. On altère le texte en l'affadissant, ce qui est tout à fait cohérent avec la mise en place du proconsul, qui n'obéira pas au conseil, mais à ceux qui l'ont nommé. De ce point de vue, la rédaction de cet amendement est éclairante, à moins que, par des arguments très convaincants, le Gouvernement n'arrive à démontrer le contraire. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2. (L'amendement est adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 6 du Gouvernement. La parole est à M. le ministre, pour le soutenir. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. La CMP a adopté un amendement visant à ce que le relèvement du taux de la contribution sociale généralisée afférente aux plus-values immobilières des particuliers s'applique, comme pour les produits de placements, à partir du 1er janvier 2005. Pour rendre applicable cette disposition, il est nécessaire de compléter l'article 41 pour préciser que la CSG sur les plus-values immobilières suit le régime des produits de placement. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6. (L'amendement est adopté.) M. le président. Y a-t-il des demandes d'explication de vote sur ce projet de loi ? M. Jean-Pierre Brard. Oui, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Monsieur Brard, ne vous croyez pas obligé d'intervenir. (Sourires.) Cela dit, vous avez la parole pour une explication de vote. M. Jean-Pierre Brard. Les explications de vote ont déjà été cent fois données. Je ne répéterai pas ce que j'ai dit durant la défense de ma motion de procédure. M. Hervé Mariton. Peut-être vous êtes-vous laissé convaincre en cours de route ? (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Jean-Pierre Brard. Non ! Quand le Gouvernement ne répond pas sur le fait que l'affadissement du texte traduit sa pensée profonde, cela en dit long, monsieur Mariton ! Je vous vois sourire, parce que vous savez que ce que je dis est vrai, mais, évidemment, votre problème, c'est d'essayer de présenter les choses de façon attrayante. Mme Claude Greff. De ne pas parler inutilement ! M. Jean-Pierre Brard. Ma chère collègue, il est vrai que lorsqu'on a rien à dire, mieux vaut se taire. Mais si on défend les droits fondamentaux du peuple français, notre devoir est de nous exprimer. C'est ce que nous faisons depuis de nombreuses semaines, sous la houlette éclairée du président de notre assemblée. Les explications de vote ont été données et, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, le texte voté, nous continuerons la bataille. Nous nous retrouverons lors d'autres échéances pour défendre l'assurance maladie dont vous créez aujourd'hui les conditions du démantèlement. M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.
M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ah bon ? M. Gérard Bapt. ...mais je tiens à apporter une précision à propos de l'article 20. Comme il ne fait l'objet d'aucun amendement, nous n'avons pas à en débattre aujourd'hui, mais la discussion d'hier en commission mixte paritaire nous renforce encore dans notre conviction : il faudra remettre cet ouvrage sur le chantier. La majorité sénatoriale, cohérente en cela avec celle de l'Assemblée nationale, veut confier à la Haute autorité de santé un pouvoir de décision sur les conditions et sur le bien-fondé du remboursement de tels ou tels soins, de tels ou tels produits et prestations. M. le président. Monsieur Bapt, je n'ai pas envie que vous fassiez évoluer le règlement. Voici que vous revenez sur l'article 20, qui a déjà été adopté. M. Gérard Bapt. Monsieur le président, je fais une simple explication de vote. M. le président. Vous pouvez faire une explication de vote, mais je ne peux pas accepter que vous reveniez sur des articles qui ont été votés. M. Pierre Hellier. Vous avez raison, monsieur le président ! M. Gérard Bapt. Nos inquiétudes à l'égard de la réforme de la gouvernance de la sécurité sociale ont donc été renforcées par le débat d'hier. Le groupe socialiste continuera de travailler pour que la protection sociale assure vraiment cette démocratie sanitaire que nous appelons de nos vœux. M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l'Assemblée. (L'ensemble du projet de loi, ainsi modifié, est adopté. − Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Gérard Bapt. Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font !
Transmission et discussion du texte M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante : « Paris, le 28 juillet 2004 « Monsieur le président, « Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous demander de soumettre à l'Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la politique de santé publique. « Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. » En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 1777). La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire. M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, monsieur le secrétaire d'État à l'assurance maladie, mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de vous présenter les conclusions de la commission mixte paritaire qui s'est tenue mercredi 28 juillet. Nous voici en effet au terme de la longue navette parlementaire du projet de loi relatif à la politique de santé publique, qui fut déposé sur le bureau de notre assemblée en mai 2003. En seconde lecture, le Sénat avait été saisi de soixante articles après l'adoption du texte par l'Assemblée nationale en avril 2004. À l'issue de la séance publique du 9 juillet dernier, le Sénat avait adopté conformes vingt et un articles, en avait supprimé quatre et ajouté trente-neuf, la plupart à l'initiative du Gouvernement. Le titre V − « Dispositions diverses » − a été particulièrement enrichi. En conséquence, cinquante-six articles restaient en discussion au moment où a été convoquée la commission mixte paritaire. Il faut saluer le travail des sénateurs, qui ont beaucoup amélioré le texte. La CMP ne l'a modifié que sur quelques points précis. En ce qui concerne les titres relatifs aux institutions et aux instruments de la politique de santé publique, que le Sénat a peu modifiés, la CMP a proposé de supprimer une disposition relative à l'enseignement de l'éducation à la santé dès l'école primaire : sans se prononcer sur le fond, les membres de la CMP ont estimé que cette mention n'a pas sa place dans un article consacré aux compétences de l'INPES. Le titre du projet de loi relatif aux plans nationaux est celui qui a suscité le plus de débats. S'agissant de la publicité télévisée pour certains aliments et boissons, la CMP a modifié le texte adopté par le Sénat en seconde lecture : je vous rappelle qu'il imposait aux messages publicitaires télévisés de comporter une information à caractère sanitaire. Les annonceurs pouvaient s'exonérer de cette obligation en s'acquittant d'une contribution d'un montant de 1,5 % calculé sur le budget publicitaire. La CMP a procédé aux modifications suivantes visant à renforcer l'efficacité du dispositif : les messages radios et les actions de promotion sont également visés ; les informations sanitaires doivent être validées par l'INPES et l'AFSSAPS ; le montant de la contribution a été porté de 1,5 % à 5 %. Le Parlement a eu à cœur de prévenir la montée inquiétante de l'obésité, en particulier chez les enfants. La même préoccupation de clarté a guidé les membres de la commission mixte paritaire en ce qui concerne les distributeurs automatiques de produits alimentaires : la commission a adopté un amendement de M. Bur qui pose le principe général de l'interdiction des distributeurs dans les établissements scolaires dès la rentrée scolaire 2005. Il convenait de donner un signal fort en direction de la population et de tous les acteurs concernés. Je me félicite de cette disposition qui va dans le bon sens. En matière de lutte contre le tabac, la CMP a complété la disposition fiscale visant à lutter contre les baisses de prix abusives en introduisant une mention correspondante dans le code de la santé publique. La commission a également adopté un amendement de M. Bur visant à renforcer le dispositif de la « taxe premix », ces produits dans lesquels l'alcool est pour ainsi dire camouflé et qui visent une clientèle jeune, voire adolescente, notamment les jeunes filles. On peut noter à ce sujet que la CMP n'a pas modifié les articles introduits par le Sénat et relatifs à la prévention du syndrome d'alcoolisation fœtale, ce qui est une très bonne chose. Le texte adopté en CMP vise à imposer à toutes les personnes souhaitant user du titre de psychothérapeute une formation préalable, théorique et pratique, en psychopathologie clinique. Cette disposition nous a semblé de nature à protéger les personnes souhaitant s'adresser à un psychothérapeute. S'agissant du titre IV relatif à la recherche et à la formation en santé, la CMP a trouvé un accord sur les quelques points de divergence qui demeuraient entre le Sénat et notre assemblée. La CMP a ainsi précisé la notion d'investigateur coordonnateur et adopté un amendement de clarification du dispositif prévu pour les recherches portant sur l'évaluation des soins courants. Conformément au texte adopté par l'Assemblée nationale en seconde lecture, la CMP a également supprimé les dispositions limitant la communication des protocoles de recherche aux seules associations agréées. L'agrément des associations s'inscrit en effet dans une logique différente de représentation des usagers du système de santé et il faut également rappeler que l'autorité compétente n'est pas tenue de donner suite aux demandes abusives. Sur ce volet des recherches biomédicales, je crois pouvoir dire que nous sommes parvenus, au fil de la navette, à une réforme équilibrée, permettant tout à la fois de promouvoir la recherche − nécessaire au développement de connaissances et de thérapeutiques nouvelles − et de garantir les droits et la protection des personnes, notamment en matière de consentement. Je souhaite aujourd'hui en remercier tout particulièrement M. Pierre-Louis Fagniez, M. Claude Évin et Mme Martine Billard. Le titre V du projet de loi − « Dispositions diverses » − a été considérablement enrichi à l'initiative du Gouvernement, et la commission mixte paritaire ne l'a modifié qu'à la marge, en précisant les conditions de la création de l'ordre des pédicures podologues. M. Jean-Marie Le Guen. Bravo ! Ça, c'est du courage politique ! Vous répondez à une forte aspiration, qui s'est exprimée dans tout le pays ! (Sourires.) M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Par ailleurs, le Sénat avait adopté en seconde lecture un amendement portant article additionnel qui devait permettre le regroupement, la rationalisation et le développement des structures existantes en matière de médecine légale et d'actions médico-judiciaires. Parfaitement justifiée dans son principe, cette disposition intervient dans un contexte flou s'agissant de la délimitation des actes effectués dans le cadre des procédures pénales et du financement des nouvelles structures. C'est pourquoi, considérant que cette mesure devra faire l'objet d'une étude plus approfondie, la CMP a adopté la suppression de l'article. Le premier texte législatif d'ensemble depuis 1902 abordant de manière cohérente, dans une perspective pluriannuelle, le thème de la santé publique, va enfin être adopté par le Parlement. Il revient aux ministres concernés de rédiger les textes réglementaires d'application. Je leur fais confiance et sais que ces décrets seront publiés rapidement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale. M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux de participer avec vous à la dernière étape parlementaire de la discussion du projet de loi relatif à la politique de santé publique. N'oublions pas que c'est mon prédécesseur, Jean-François Mattei, qui avait pris l'initiative de ce texte. Cette loi n'est que la deuxième dont la France se dote en un siècle en matière de santé publique. La première date de 1902 et concernait la politique vaccinale. Ce texte clarifie le rôle de l'État dans la conduite de la politique de santé. Parallèlement, il améliore l'organisation de la sécurité sanitaire, en définissant plus clairement les responsabilités de l'État et des différents acteurs. Ainsi, la mission de l'Institut de veille sanitaire dans la surveillance continue de l'état de santé de la population française est renforcée, en particulier pour les populations fragilisées. Un des objectifs de cette loi est aussi d'associer les acteurs de terrain à la mise en œuvre de la politique de santé. Ce sont les acteurs régionaux qui, au sein du groupement régional de santé publique, auront à promouvoir des programmes de santé aptes à atteindre les objectifs jugés prioritaires au niveau national ou régional. Je ne reviendrai pas sur le rôle fondamental que sera appelé à jouer l'Institut national du cancer que cette loi a créé, sous l'impulsion du Président de la République, que ce soit dans le domaine des soins, dans celui de la recherche ou dans celui de la prévention. Le développement de la politique de prévention est, dans tous les domaines, l'un des axes majeurs de cette loi. C'est par le développement d'actions de prévention que nous pourrons encore améliorer l'état de santé de nos concitoyens. Les consultations périodiques de prévention représentent une avancée importante pour l'amélioration de la santé des Français. Il faut ainsi agir sur les comportements et développer l'éducation pour la santé. C'est dans cette perspective que le texte de loi fait de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé un centre de ressources pour concevoir et développer des programmes de prévention, d'information, de communication et d'éducation à la santé. Nous allons également prendre des mesures propres à prévenir les risques de l'alcoolisme, particulièrement chez les enfants. M. Jean-Marie Le Guen. Les mêmes mesures seraient utiles chez les députés ! (Sourires.) M. le président. Et n'oubliez pas les sénateurs ! (Sourires.) M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'ai apprécié le travail parlementaire effectué pour améliorer ce texte, dans ce domaine comme dans celui de la lutte contre l'obésité. L'accroissement régulier de l'obésité entraîne en effet des risques majeurs pour la santé de notre population, même si la France est actuellement moins touchée que d'autres pays. Les mesures que je vous demande d'adopter vont renforcer efficacement le programme national nutrition santé. Cette loi améliore aussi la formation des professionnels de la santé publique, grâce à la création de l'École des hautes études en santé publique. De même, la recherche biomédicale va être confortée. Ce texte actualise le dispositif d'encadrement qui avait été introduit par la loi Huriet-Sérusclat. Il était devenu nécessaire non seulement d'améliorer les garanties des personnes participant aux recherches, mais aussi de rendre possibles les recherches dont peuvent bénéficier les personnes en situation de grande vulnérabilité, comme celles atteintes de la maladie d'Alzheimer. Ce texte de loi, enrichi au fur et à mesure des débats parlementaires, est porteur d'enjeux fondamentaux pour l'évolution de notre système de santé. Il contribue aussi à rationaliser et à simplifier l'organisation de nos institutions, tant au niveau national que régional. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je ne doute pas que nous serons tous fiers de cette loi qui, pour la première fois, place la prévention au cœur de nos préoccupations de santé publique. Elle va permettre de fonder sur des objectifs transparents, régulièrement évalués et révisables, la politique de santé de notre pays. Je tiens à tous vous remercier d'avoir amélioré ce projet de loi, et tout particulièrement le président de la commission des affaires sociales, M. Jean-Michel Dubernard. Je m'engage à mettre ce texte en application dans les plus brefs délais. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen. M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai bref tant ce texte me procure de la déception et tant les positions que le Gouvernement s'apprête apparemment à nous faire prendre me donnent un sentiment de profonde colère. J'éprouve d'abord de la déception car le débat, important et ô combien nécessaire, mené par le Parlement sur la santé publique sera loin d'être une réussite. Nous avons tous ici suffisamment travaillé sur ce texte pour savoir que toute sa partie organisationnelle n'est pas, pour l'essentiel, opérationnelle, en dépit du rétablissement, par l'Assemblée nationale, de la Conférence nationale de santé et du comité régional de santé publique. Les fameux groupements régionaux de santé publique, disposition maîtresse du projet, ne pèseront rien face aux agences régionales de santé vers lesquelles, même timidement, nous nous dirigeons. La multiplication des structures et des autorités, due aux différentes politiques menées dans les domaines de l'hôpital, de la ville et de la prévention, n'a pas lieu d'être. Il fallait unifier, comme nous n'avons cessé les uns et les autres de le réclamer. Le ministère ne pourra donc mettre en œuvre ce texte parce qu'il ne correspond pas du tout aux besoins. Quant aux politiques menées en matière de santé publique, vous ne faites rien, monsieur le ministre, dans le domaine de la santé environnementale, et pratiquement rien dans celui de la santé au travail. Vous ne faites rien de plus que ce qui existe en matière de lutte contre le tabac, politique que nous avons soutenue, et rien sur la question de l'alcool, hormis l'initiative prise par Yves Bur et moi-même sur les premix, dont la fiscalité a fait l'objet d'un amendement adopté par la CMP. Rien encore ne figurait, au départ, sur l'obésité. Les plus grands fléaux en matière de santé publique auxquels notre pays est confronté sont ainsi quasiment absents de ce texte. Ce dernier se contente d'énumérer une centaine d'objectifs, aussi incertains que divers, sans priorité bien définie et, d'ailleurs, sans véritables moyens. Certaines mesures sont cependant intéressantes, notamment dans le domaine de la recherche biomédicale. Je tiens, à cet égard et après M. le rapporteur, à saluer le travail de nos collègues Fagniez et Évin, qui ont, je crois, rendu un peu de sérénité en la matière. S'agissant de l'alcoolisme, l'Assemblée nationale et, de temps à autre, le Sénat ont plutôt amélioré le texte avec la question des premix. De même, ils ont eu, après diverses tergiversations, le mérite de faire de l'obésité un vrai sujet de santé publique. Il existait, certes, le PNNS - le programme national de nutrition santé. Mais si celui-ci constituait un élément très intéressant du point de vue conceptuel, le sujet nécessitait qu'il devienne un objectif majeur de santé publique. Il ne fait aucun doute en effet que ce phénomène constituera le problème le plus grave de santé publique dans les années qui viennent. Depuis plus de 500 ans, c'est la première fois que, dans les pays développés, en l'occurrence le nôtre, l'espérance de vie va stagner, voire régresser ! Et vous savez tous ce que signifie le concept d'espérance de vie en termes d'indice de développement d'une société, de réalisation de cette société. Nous avions le sentiment, par nos travaux, ici et en CMP, d'avoir mis en avant, avec des avancées et des reculs, le caractère majeur du problème de l'obésité. Aucun d'entre nous n'avait cependant la prétention de l'avoir réglé et encore moins d'avoir élaboré une politique de santé publique en la matière. Mais nous avions, nous semblait-il, ouvert deux pistes de réflexion. Nous avions tout d'abord rappelé le caractère souverain de la santé publique à l'école. Afin d'éviter toute tentation et toute mauvaise habitude sur le plan alimentaire, nous avions écarté toute capacité des marques à influer sur la vie scolaire, voire à la financer, et nous avions limité l'argent circulant à l'intérieur des collèges et des lycées, tous soucis qui, je crois, nous rassemblaient fortement. Nous avions surtout mis en place un système vaguement crédible, qui promouvait le dialogue entre les pouvoirs publics et les industriels, afin de les amener à réfléchir sur leurs produits et sur leur communication. Notre position était tout sauf dogmatique. Elle consistait à éviter de conduire notre pays à un affrontement entre la société civile et les industriels qui, apparemment, font plus preuve d'aveuglement que d'autre chose, en prenant en compte de façon très pragmatique la réalité économique. Nous étions ainsi parvenus à un compromis en CMP pour qu'un véritable message d'éducation sanitaire accompagne la promotion des produits alimentaires. Je pensais que la taxe aurait dû être de 7,5 %. Nous sommes finalement convenus que le taux de 5 % était raisonnable. Pour en avoir parlé en particulier avec des publicitaires, ce taux me semblait en effet se situer à un niveau à peu près raisonnable, c'est-à-dire que sans être spoliateur, il était à même d'inciter les industriels à agir en la matière. Monsieur le ministre, vous n'avez rien dit sur ce point dans votre intervention, mais je n'ose penser que ce soit pour autant une lueur d'espoir ! Ne nous a-t-on pas en effet annoncé que le Gouvernement s'apprêtait à revenir au fameux 1,5 % ? Franchement, ce serait là céder, au dernier moment, à la pression des industriels que nous avons tous subie - et je ne parlerai pas des milieux publicitaires ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est le contraire ! Je vais m'en expliquer ! M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, reportez-vous donc au site Internet de l'ANIA. Ses responsables ont le cynisme d'indiquer qu'ils sont en contact avec le cabinet du Premier ministre, et que celui-ci se serait engagé à ne pas aggraver le texte ! Des affrontements sont donc à prévoir parce que la société française ne restera pas sans réagir face à ces problèmes de santé publique qui ne cesseront de s'accentuer, sans parler du coût pour l'assurance maladie. Si 20 % d'une génération est obèse et que 80 % d'entre eux deviennent, à l'âge de seize ou dix-sept ans, des diabétiques de type 1 ou de type 2 aggravé, les conséquences sur la santé publique mais aussi sur le fonctionnement et sur le financement de notre système de santé seront en effet majeures ! Mais le Gouvernement se dérobe. Il abandonne toute idée d'intérêt général pour céder aux intérêts à court terme les plus mesquins d'industriels qui ne veulent rien comprendre, comme hier lorsqu'il s'agissait du tabac et comme trop souvent aujourd'hui quand il s'agit de l'alcool. Pourtant, leur avenir dépend de leur capacité à évoluer en prenant en compte les besoins de la population. Nous ne pouvons d'autant moins nous démobiliser sur ce point que ce ne sont ni le budget de l'État, ni l'industrie, ni l'emploi qui sont en cause. En fait, il s'agit d'une vision marchande à court terme, qui s'oppose à l'intérêt général et à des principes majeurs de santé publique. Nous craignons, je le répète, monsieur le ministre, qu'il nous soit proposé de revenir sur les acquis de la CMP, lesquels ont été adoptés à l'unanimité et à la demande massive des professionnels de santé - vous disposez des pétitions signées par plusieurs centaines de pédiatres, de nutritionnistes et d'endocrinologues, qui savent, eux, ce à quoi nous sommes confrontés et ce qui nous attend demain. Si vraiment vous cédiez à la pression de lobbies obscurs agissant dans les antichambres de Matignon, parce que le Premier ministre n'a plus la force de défendre l'intérêt général, et, bouclant ses valises, part avec son petit panier de l'agroalimentaire, vous cautionneriez un recul majeur de notre politique de santé publique, et cela à une date où les Français ne risquent pas de se manifester dans la rue - peut-être ne regarderont-ils même pas les informations télévisées ce soir. Conclure par un tel recul trois ans de travail sur la santé publique nous conduit à nous interroger sur le sens du politique aujourd'hui : sommes-nous encore capables de défendre l'intérêt général plutôt que reculer devant des intérêts de boutique à court terme qui ne servent en rien l'intérêt du pays mais constituent, au contraire, une régression en termes de santé publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. Le Gouvernement souhaite-il intervenir ? M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Non, monsieur le président. M. le président. La commission le souhaite-t-elle ? M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Non plus, monsieur le président. M. Gérard Bapt. Quel silence ! M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité. (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.) M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Gérard Bapt. M. Gérard Bapt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai bref car Jean-Marie Le Guen a bien résumé l'action politique de ce gouvernement en matière de santé publique. Nous avions dénoncé à l'époque, devant M. Mattei, les limites du texte initial et son ambition étriquée. De loi de programmation, ce texte est devenu loi d'orientation et, finalement, loi sans financement, soumise à un processus d'élaboration technocratique dont ont été en particulier exclus les usagers et les associations. Nous sommes bien loin de cette démocratie sanitaire à laquelle je faisais allusion tout à l'heure ! Outre qu'il manque de cohérence et de visibilité, ce projet imagine des constructions institutionnelles technocratiques qui se heurteront aux décisions de l'Assemblée concernant, notamment, l'expérimentation régionale en matière d'offre de soins. Je vous avais d'ailleurs suggéré, monsieur le ministre, lorsque vous avez pris vos fonctions, de prolonger la réflexion de M. Mattei, dont l'action avait été troublée par la crise caniculaire. Ce projet méritait en effet selon moi d'être reporté afin d'élaborer une politique de santé publique en cohérence avec la réforme de l'assurance maladie sur laquelle vous commenciez, disiez-vous, la concertation. En définitive, l'ensemble est inopérant et extrêmement décevant.
Je vous avais interpellé pendant la discussion sur le projet de loi relatif à l'assurance maladie sur le retard apporté à l'agrément par les services du Premier ministre du plan quinquennal de lutte contre les toxicomanies. Il se trouve que le hasard - mais est-ce vraiment un hasard ou une simple coïncidence ? - fait que ce plan quinquennal, qui a dû attendre les arbitrages de Matignon pendant plus de six mois, sort aujourd'hui. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Parce que nous savions que vous alliez en parler aujourd'hui. M. Gérard Bapt. À cet égard, monsieur le ministre, je dois vous faire part de ma déception concernant l'arbitrage du Premier ministre. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Nous faisons mieux que vous en tout cas. Mme Maryvonne Briot. Tout à fait ! M. Gérard Bapt. Je ne trouve pas. Notre mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie a beaucoup travaillé et fait travailler des groupes de travail. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Et l'argent ? Comparons les moyens ! M. Gérard Bapt. On peut comparer les moyens de la MILDT : vous avez réduit de 30 % les crédits de la MILDT, ses crédits tombant de 38 millions à 30 millions d'euros. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je parle de l'ensemble des moyens ! M. Gérard Bapt. Parlons-en ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Quand vous voulez ! M. Gérard Bapt. Je suis intervenu auprès du ministre du budget, en demandant le soutien du président de la commission des finances et du rapporteur général du budget, pour que le gel de 9 millions d'euros décidé cette année concernant la MILDT soit annulé. Il semble qu'une partie devrait être dégelée. Il reste que la décision vient d'être prise par le Gouvernement de ne pas revenir sur la loi de 1970, autrement dit de rester dans une situation intenable en ce qui concerne la consommation de cannabis, notamment par les jeunes. Mme Maryvonne Briot. Ah ! M. Gérard Bapt. Les derniers chiffres parus montrent que près de deux tiers des adolescents et près de la moitié des adolescentes ont consommé du cannabis et que près de 25 % des jeunes de dix-huit ans dans ce pays sont des consommateurs habituels de cannabis. M. Jacques Le Guen. Là, c'est autre chose ! M. Gérard Bapt. La pénalisation ou la dépénalisation du cannabis fait l'objet d'un débat. La commission d'enquête du Sénat sur la politique nationale de la lutte contre les drogues illicites a publié un rapport, intitulé « Drogue, l'autre cancer ». Le Sénat préconise une attitude extrêmement répressive, avec un emprisonnement dans des centres fermés de traitement pour les multirécidivistes, qui rappellent les « sidatoriums » d'une certaine personne. Mme Maryvonne Briot. Oh ! M. Gérard Bapt. Voilà une des voies explorées par vos amis de la majorité du Sénat. Mais d'autres voix se sont élevées en faveur d'une dépénalisation de la consommation de cannabis. Pour ma part, je pense que ce serait, pour l'heure, totalement contre-productif. En effet, de grandes études internationales sont enfin sorties ces deux ou trois dernières années qui détaillent les conséquences de la consommation régulière du cannabis. Au plan broncho-pulmonaire, les effets du cannabis sont proches de ceux du tabac. La quantité de goudron présent dans une cigarette de cannabis est d'ailleurs cinq fois plus élevée que dans une cigarette de tabac. Les effets somatiques sont indéniables, notamment pour la conduite d'un véhicule, même s'il existe une tolérance pharmacodynamique et que le retentissement est atténué en cas de consommation chronique. Chez la femme enceinte, une augmentation du risque de leucémie et de formes rares de cancer a été mise en évidence. À l'école, les enseignants constatent des troubles de la mémoire, une chute du rendement du travail scolaire, l'apparition de signes d'une inadaptation sociale chez les adolescents convertis à la consommation habituelle du cannabis. M. Guy Geoffroy. En effet ! M. Gérard Bapt. Enfin, il a été constaté chez les grands consommateurs des troubles psychotiques, notamment de schizophrénie. M. Jacques Le Guen. Tout à fait ! M. Gérard Bapt. Voilà pourquoi il était urgent d'agir. Mme Maryvonne Briot. Eh bien alors ? M. Gérard Bapt. Je regrette que le Premier ministre, ait, déjà en septembre, retardé la décision de réformer la loi de 1970. Aujourd'hui, la décision qui a été prise de ne rien faire est encore un nouvel exemple de retraite en rase campagne du Gouvernement sur les problèmes de santé publique. Est-il tenable, dans une société évoluée comme la nôtre, de continuer à menacer d'un an de prison les consommateurs de cannabis quand 25 % des adolescents de dix-huit ans sont reconnus comme étant des consommateurs habituels ? Mme Maryvonne Briot. Oh ! M. Gérard Bapt. On voit bien que la législation actuelle est inadaptée et inapplicable et qu'il faut évoluer, passer à une graduation des peines, comme l'ont proposé d'ailleurs de nombreux spécialistes et la mission de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous précisiez votre position sur cette question du cannabis. Ma seconde question concerne l'aide médicale d'État et la prise en charge des étrangers résidant sur notre sol. Il s'agit bien d'un sujet de santé publique car, en excluant ces populations de la protection du petit risque, non seulement vous les exposez à de plus gros risques mais vous faites courir des risques de contagion à l'ensemble de la population. Je vous avais déjà interrogé sur ce point, et vous nous aviez dit travailler sur des décrets d'application. J'aimerais savoir où vous en êtes exactement. M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel. M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi était très attendu. Il devait en effet témoigner de notre volonté de donner enfin toute sa place à la santé publique et de développer la prévention et l'éducation à la santé, aujourd'hui parents pauvres de notre système de santé. Le texte issu de la CMP est peu différent de celui qui nous avait été présenté en première lecture et qui nous avait beaucoup déçus. Nous saluons cependant la création de l'Institut national du cancer et de l'École des hautes études en santé publique. Le Sénat et la CMP ont toutefois apporté quelques modifications qui m'amènent à faire trois remarques. Ma première remarque porte sur la nutrition et 1'augmentation de l'obésité infantile. Valérie Létard, au nom du groupe de l'Union centriste du Sénat, a insisté pour que cette lutte dépasse l'instauration d'une taxe et la suppression de distributeurs dans les écoles. Il est essentiel de mettre en œuvre des programmes d'éducation nutritionnelle sur des territoires ciblés en associant en priorité les communes concernées et tous les acteurs pouvant promouvoir de nouveaux comportements alimentaires. Ma deuxième remarque concerne les psychothérapeutes. Après l'émotion soulevée par le dépôt en dernière minute de l'amendement Accoyer, nous sommes parvenus à un texte équilibré, qui prend en compte les demandes des professionnels et assure une formation contrôlée. Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à procéder à des consultations très larges avant la rédaction du décret. Nous souhaitons qu'il ne soit pas renvoyé, pour autant, aux calendes grecques. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Moi aussi ! M. Jean-Luc Préel. Les concertations très larges sont souvent très longues. Or nous sommes impatients de voir sortir le décret. Je pense que Bernard Accoyer y sera très attentif, n'est-ce pas, monsieur Morange ? Ma troisième remarque concerne 1'expertise médico-légale. Olivier Jardé, auteur d'un rapport relatif à la médecine légale, avait mis en exergue les dysfonctionnements du système actuel qui ne garantit pas de manière uniforme sur le territoire national ni les conditions d'accueil des personnes, ni la disponibilité d'une permanence médico-légale, ni même la qualité scientifique des constatations. Il avait obtenu, en liaison avec le ministère de la justice, que ses propositions soient intégrées dans le présent texte pour reconnaître la médecine légale comme une mission de service public et assurer le rapprochement de la victime de l'infraction du lieu de consultation et de sa prise en charge médicale, psychologique et psychiatrique, grâce à un réseau de proximité faisant coïncider la carte sanitaire et la carte judiciaire. Curieusement, monsieur le ministre, ce volet important a disparu en CMP, laissant perdurer la situation actuelle très insatisfaisante. Je serais heureux de savoir ce que vous pensez faire de la réforme indispensable de l'expertise médico-légale. Quant au texte lui-même, l'UDF ne peut que renouveler ses trois critiques majeures. La première concerne la création des GRPS, les groupements régionaux de santé publique... M. Jean-Marie Le Guen. Les GRSP, pas GRPS ! M. le président. Ne mettez pas le PS à toutes les sauces ! (Sourires.) M. Jean-Luc Préel. Vous avez dit tout à l'heure, monsieur Le Guen, que vous pensiez qu'ils ne seraient pas institués. Se tromper dans le sigle n'est peut-être pas si grave. (Sourires.) La présidence de ces groupements sera confiée aux préfets. Pour nous, il s'agit d'une double erreur. Il est aberrant de séparer le soin de la prévention et de l'éducation à la santé ? Chaque médecin, en face de son malade, réalise en effet à la fois du soin, de la prévention à l'éducation. Il est donc contre-productif de créer une nouvelle structure présidée par le préfet. L'UDF est favorable, vous le savez très bien, à la désignation d'un responsable unique de la santé au niveau régional, responsable à la fois du soin, c'est-à-dire de l'hospitalisation et de l'ambulatoire, mais aussi de la prévention et de l'éducation à la santé. Nous demandons la création de véritables agences régionales de santé contrôlées démocratiquement. La deuxième critique concerne la volonté de marginaliser les associations de terrain au profit d'un système pyramidal descendant à partir de 1'INPES, système qui sera coûteux et inefficace. L'UDF demande que la politique de prévention s'appuie, pour être efficace, sur les hommes et les femmes de terrain, sur les comités départementaux de prévention et d'éducation à la santé et les comités régionaux réunis en une fédération nationale. C'est ainsi que nous concevons la prévention et l'éducation en matière de santé. La troisième critique concerne enfin la présentation de cent objectifs quantifiés, chiffre rond et artificiel. L'UDF a, tout au long des débats, demandé que l'on « mette le paquet » plutôt sur les priorités majeures, pour réduire la mortalité prématurée évitable, notamment le cancer du sein, les maladies cardio-vasculaires, les maladies dues à la consommation d'alcool ou de tabac, le cancer du colon et du rectum - qui peut être prévenu par des examens de dépistage. Quatre priorités permettraient de lancer de grandes campagnes, de concentrer les moyens financiers et d'être efficaces. Vous avez, hélas ! choisi la dilution en donnant une quantification. Nous serons jugés dans les cinq prochaines années sur les résultats prévus. J'ai peur qu'ils ne soient pas à la hauteur de nos espérances. En conclusion, si ce projet de loi était très attendu, il nous a beaucoup déçus. C'est pourquoi je ne pourrai, au nom de l'UDF, le voter. M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec. M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la politique de santé publique est l'une des initiatives législatives du Gouvernement des plus chaotiques. Souvenons-nous : le ministre de la santé, à l'époque M. Mattei, annonçait en début de législature une grande loi de programmation quinquennale de santé publique. Il se ravisait d'ailleurs quelque temps plus tard et s'engageait plutôt dans la voie d'une loi d'orientation. Sans doute s'était-il aperçu que les financements, proches de zéro, que les services du Premier ministre lui accordaient auraient raison de ses déclarations de bonnes intentions. Ce qui nous est proposé aujourd'hui est un vaste plan de santé publique incohérent, dont il faut chercher les fondements et la logique, le tout sans moyens budgétaires. C'est un chantier qui a démarré en mai 2003 par son adoption en conseil des ministres, pour un examen en première lecture par notre commission des affaires sociales fin septembre 2003, puis en séance publique les premiers jours d'octobre de la même année. Cela fait donc plus d'un an que nous travaillons à ce texte. En fait, nous sommes en présence d'un projet de loi qui juxtapose des mesures diverses et variées d'ordre sanitaire en lieu et place d'un plan stratégique et ambitieux de santé publique. Compte tenu du constat unanime du peu de moyens dont disposent les pouvoirs publics pour la santé publique, malgré l'importance que ce champ revêt, nous aurions pu soutenir une entreprise législative de ce type. Mais nous ne pouvons donner notre assentiment à un texte aussi creux. Comme toutes les associations de malades et d'usagers du système de santé et certains professionnels de santé, nous aurions voulu croire en cette démarche du Gouvernement. Nous aurions souhaité des engagements clairs, des orientations précises, définies démocratiquement. Malheureusement, ce texte constitue un prétexte non avoué à une réorganisation régionale de la santé et un support législatif permettant au Gouvernement de gérer les affaires courantes.
Sous couvert d'articulation, vous ne faites en réalité que créer un outil de contrôle financier de la politique régionale de santé d'où seront évacués les usagers et les élus, sauf s'ils sont financeurs, ce qui, vous nous l'accorderez, traduit une singulière conception de la démocratie : il faut être payeur pour être conseilleur. Cet outil et cette articulation seront censés mettre en œuvre des programmes définis nationalement et repris dans les 103 priorités s'apparentant davantage à un catalogue de bonnes intentions plutôt qu'à un engagement déterminé et financé en matière de santé publique. A prétendre trop faire, on ne fait rien ! C'est le sens malheureux de votre texte de loi. Et lorsque des propositions intéressantes sont introduites par les parlementaires, non seulement de l'opposition, mais aussi de la majorité, leur portée est immédiatement réduite. C'est le cas des mesures contre l'alcoolisme ou contre l'obésité en raison de l'indécente sensibilité de la majorité sénatoriale aux sirènes et aux pressions des grands groupes de l'agro-alimentaire, attitude dont les conséquences ont été corrigées in extremis - en tout cas, je l'espère encore - par la commission mixte paritaire. Si votre ambition était bien de mettre en œuvre un véritable plan de santé publique, pourquoi limiter la portée de certaines mesures reconnues d'intérêt général ? L'idéologie libérale du Gouvernement est telle qu'au sein même d'un texte portant sur la santé publique les intérêts privés viennent s'imposer. A cela s'ajoutent toutes les insuffisances de votre texte au regard des ambitions qu'il affiche : rien ou si peu sur la médecine scolaire, sur la santé au travail, sur la santé environnementale ! Des mesurettes pour la prévention scolaire, alors que tous les professionnels signalent que le diagnostic précoce est fondamental. Rien en matière de santé au travail, alors qu'il existe des études incontestables sur l'exposition des salariés aux risques professionnels : 7 000 à 20 000 cas de cancers sont suspectés aujourd'hui d'être d'origine professionnelle. Comment prétendre porter une loi de santé publique quand vous freinez des « quatre fers » toute proposition en faveur d'une véritable politique de prévention sur le long terme , quand vous refusez de répondre aux besoins en médecins de santé publique, médecins du travail ou des services de santé scolaire ? Il n'y a que 450 postes de médecins inspecteurs pour tout le territoire, n'est-ce pas dérisoire ? Tout cela s'inscrit dans un contexte caractérisé par l'annonce de la suppression de plusieurs milliers de postes de fonctionnaires dans le prochain budget et par le projet de loi sur l'assurance maladie qui sape la protection sociale de tous. Pour ne s'attarder que sur un exemple, le Gouvernement a à deux reprises remis en cause le dispositif de l'aide médicale d'État pour les étrangers dans les situations les plus précaires. Les motivations de cette attaque, qui porte atteinte à la santé de milliers de personnes, sont purement idéologiques et participent d'une flatterie dangereuse de la xénophobie. Cette décision va à l'encontre de la santé publique qui suppose que l'ensemble des habitants de notre pays ait accès aux soins. Une autre carence réside dans le manque cruel de moyens de la Direction générale de la santé et dans l'abandon de la recherche dans le domaine de la santé publique. Toutes ces insuffisances manifestes contrarieront à n'en pas douter la réalisation du catalogue de vos beaux objectifs. Plus regrettable encore, elles ne permettront pas d'inverser le court des choses. Dans ces conditions, nous serons toujours plus nombreux dans quelques années à déplorer le manque de considération chronique des pouvoirs publics pour les enjeux de santé publique. Nous l'avons dit dès le départ, une loi de santé publique ne se paie pas de mots. Du point de vue financier, c'est le silence le plus complet. A part mettre les régions à contribution, nous ne voyons pas comment se réaliseront les objectifs fixés par ce texte. Ce faisant, vous prenez le risque de creuser encore davantage les inégalités régionales en matière de santé. Quant au titre V, il est tout à fait surréaliste. A l'origine, il contenait quelques articles qui pouvaient avoir un lien avec la santé publique et qui se détachaient un peu du reste. Au final, c'est un festival ! Vous avez opéré un raz-de-marée législatif, en faisant mine de tout régler en ce dernier jour de session extraordinaire. Il y en a pour tout le monde : hémovigilance ; réglementation de la profession de sage-femme et de psychothérapeute ; création d'une profession de conseil en génétique ; création de l'Ordre national des pharmaciens ; aménagement des règles d'intégration au sein de l'IGAS, entre autres. Il y a plus d'articles dans le titre V - une trentaine - qu'en faveur des mesures de santé publique. Ce n'était pourtant pas les propositions qui manquaient. Nous en avons formulé plus d'une. Elles ont toutes ont été balayées d'un revers de main : visite médicale scolaire annuelle, démocratie sanitaire, plan santé travail, création d'un délégué santé dans chaque entreprise, développement des actions d'éducation à la santé et à la prévention , pour ne citer que les plus importantes. Dans ces conditions, nous finissons cette session extraordinaire d'une bien triste façon. Après la réforme inique de l'assurance maladie, l'autoritarisme sur la décentralisation, le Gouvernement présente le dernier acte de sa trilogie : la « coquille vide » de la santé publique. Ce faisant, vous ne nous offrez pas d'autre choix que de maintenir notre vote contre, comme nous y encouragent d'ailleurs de nombreux acteurs de la santé publique dans notre pays, qui appellent toujours de leurs vœux des mesures concrètes en la matière. Nous sommes persuadés que la santé publique mérite une véritable attention politique qui nécessite d'autres choix que des effets d'annonce. Cette ambition relève de l'intérêt général, tant sanitaire que social et économique. En matière de santé, rien n'est plus coûteux et inégalitaire que l'imprévision et le sacrifice de la prévention. Nous déplorons l'absence d'une loi de santé publique depuis la grande loi de 1902 de santé et d'hygiène publique. Ce que nous propose le Gouvernement ici n'est qu'un placebo. C'est pourquoi le groupe communiste votera contre ce texte sans ambition et sans financement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à M. Pierre-Louis Fagniez. M. Pierre-Louis Fagniez. Le texte sur la politique de santé publique, élaboré le 28 juillet dernier par la commission mixte paritaire, est porteur d'enjeux fondamentaux pour l'évolution de notre système de santé. A ce stade de la discussion parlementaire, je ne reviendrai pas sur l'économie générale du texte. Je me limiterai à saluer le caractère fondateur de la démarche engagée. En ce sens, je suis résolument optimiste, contrairement à d'autres qui ont manifesté un pessimisme évolutif au cours du temps. M. Gérard Bapt. C'est comme pour les finances publiques ! Nous, nous ne sommes pas optimistes ! M. Pierre-Louis Fagniez. L'ambition de ce texte est en effet de doter notre pays d'une véritable culture de santé publique, car jusqu'à présent le système de santé français était tourné vers le curatif, avec des résultats formidables, mais très peu vers la prévention, avec des résultats insatisfaisants notamment en termes de taux de mortalité prématurée. Alors que notre assemblée vient de se prononcer sur le projet de loi relatif à la réforme de l'assurance maladie issu de la CMP, nous sommes heureux de constater que l'objectif commun de ces deux textes fondamentaux est bel et bien d'améliorer les comportements des acteurs de notre système de soins et d'assurance maladie. La réforme de l'assurance maladie ne pourra donner pleinement satisfaction sans une amélioration de la qualité des soins, élément indispensable aux côtés du volet concernant la responsabilisation des acteurs. Comment mieux promouvoir la qualité de soins qu'en insufflant une véritable culture de santé publique dont ce texte est justement l'objet ? Les sujets majeurs de ce projet de loi, telles la nouvelle architecture de la politique de santé ou la recherche, n'ont pas fait l'objet de modifications significatives. En matière d'organisation de la politique de santé publique, c'est à l'État que reviendra la responsabilité de piloter les programmes d'action destinés à répondre aux grands enjeux de santé publique. Le projet de loi clarifie cette responsabilité et définit les moyens d'action correspondants, notamment en cas de crise sanitaire grave. C'est dans cette perspective que l'organisation de la sécurité sanitaire a été améliorée, en définissant plus clairement les responsabilités des différents acteurs. L'organisation proposée par ce texte à l'échelle régionale est déterminante, car ce sont les acteurs régionaux, regroupés au sein des groupements régionaux de santé publique, qui auront la charge de promouvoir des programmes de santé aptes à atteindre les objectifs de santé publique jugés prioritaires au niveau tant national que régional. En matière de recherche, j'ai écouté avec intérêt ce que vous avez dit, monsieur le ministre, sur les quelques modifications dont nous avions déjà parlé en deuxième lecture. Je suis très satisfait, comme Claude Évin et Jean-Marie Le Guen d'ailleurs, des avancées relatives aux protocoles inclus dans les soins courants. En revanche, monsieur le ministre, alors que vous avez dit qu'il fallait tout faire pour la recherche sur des gens atteints de maladie d'Alzheimer, se pose toujours la question des protocoles s'appliquant à des gens incapables de donner leur consentement et qui ne sont pas sous tutelle. Dans leur cas, s'il y a un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité du corps humain, on va se tourner vers le juge des tutelles, qui n'a théoriquement pas à intervenir puisque ces personnes ne sont pas sous tutelle. J'entends bien que, in fine, le juge est l'élément le plus protecteur, mais réclamer son intervention me paraît difficile. Je vous demande donc, monsieur le ministre, de veiller, lorsque vous prendrez les décrets d'application, à ce que le comité de protection des personnes, auquel il appartiendra finalement d'évaluer s'il y a ou non un risque sérieux, ne se tourne pas systématiquement vers le juge des tutelles. Car se tourner vers le juge des tutelles, c'est abandonner la recherche. Mme Catherine Génisson. C'est ce que nous avons dit en commission mixte paritaire ! M. Pierre-Louis Fagniez. Moyennant ces quelques réserves, je suis tout à fait favorable à cet ambitieux projet de loi, qui a élargi son champ d'action au fil de l'actualité, avec notamment les mesures consécutives à la canicule ou, à l'approche de l'été, les dispositions visant à limiter la consommation des premix ou à sécuriser les produits de tatouage. De nombreux articles additionnels portent sur les professionnels de santé : garantie de formation pour les psychothérapeutes réclamée et obtenue par notre cher rapporteur - et je l'en remercie -, ce qui a mis un terme à une longue discussion, certes nécessaire, mais qu'il fallait apaiser ; création de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes et de celui des pédicures-podologues. L'enrichissement incessant de ce projet de loi devrait d'ailleurs nous conduire à nous interroger sur l'opportunité d'étudier plus régulièrement des textes portant diverses mesures en matière sanitaire, communément appelés DMOS. Dans un domaine aussi essentiel et régalien que celui de la santé publique, notre législation gagnerait à pouvoir être plus régulièrement adaptée et modernisée. C'est, il faut le noter, sur certains des ajouts au projet de loi initial que les discussions les plus intenses entre les deux assemblées ont porté. Tel est le cas pour la prévention et la lutte contre l'obésité chez les jeunes, sujet qui a été très bien résumé par M. Le Guen. L'obésité est un fléau et l'Académie de médecine estime que, d'ici à 2020, 25 % des enfants risquent de souffrir de surcharge pondérale avec la réduction de l'espérance de vie qui en découle, sans parler des risques accrus de cancer notamment. C'est pourquoi ce nouvel enjeu de santé publique a fait l'objet de dispositions nouvelles sur lesquelles la CMP a dû se prononcer : l'une visant la publicité de certaines boissons et produits alimentaires ; l'autre, émanant de notre collègue Yves Bur, interdisant les distributeurs automatiques payants dans les établissements scolaires, mesure dont nous avons tous lieu d'être satisfaits. Si la CMP a retenu l'interdiction pure et simple des distributeurs dans les établissements scolaires et un message diététique dans les publicités, il reste qu'aucune interdiction, aucun avertissement ne pourra jamais se substituer au rôle incomparable des familles en matière d'éducation nutritionnelle. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Guy Geoffroy et M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Absolument ! Il faut le redire ! M. Pierre-Louis Fagniez. Je suis heureux de constater que M. le ministre de la santé adhère à cette proposition. Plus globalement, cette incidente nous ramène à la culture de santé publique - qui mieux que l'actuel ministre peut engager une telle culture ? - que j'évoquais au début de mon intervention et que ce texte s'efforce de faire émerger au cœur de la société française. Telle est la raison pour laquelle le groupe UMP votera ce projet en souhaitant qu'il soit mis en application le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La discussion générale est close. Texte de la commission mixte paritaire M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Avant de mettre aux voix ce texte, conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisi. Je suis saisi d'un amendement n° 2 du Gouvernement. La parole est à M. le ministre, pour le soutenir. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cet amendement traite d'un sujet extrêmement important, la lutte contre l'obésité, et je voudrais vous dire, monsieur Le Guen, que nous n'avons aucune leçon à recevoir en ce domaine. Je vous rappelle que c'est nous qui avons pris l'initiative d'augmenter le prix du tabac pour lutter contre le tabagisme et sans craindre de mécontenter les buralistes.
Mme Catherine Génisson. Vous aviez refusé de le faire en première lecture ! M. Jean-Marie Le Guen. J'avais en effet proposé un amendement qui allait en ce sens et vous l'avez repoussé. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est vrai. Vous remarquerez que je ne suis pas sectaire, puisque je reconnais que vous avez participé à cette décision. M. Jean-Marie Le Guen. Ne politisez pas le débat sur un sujet comme celui-là ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Évitez de m'interrompre, alors ! M. Jean-Marie Le Guen. Je ne vous interromps pas ; je souhaite au contraire que nous allions de l'avant ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Sur ce point, nous avons fait reculer certaines personnes. Dorénavant, il n'y aura plus de distributeurs non seulement dans les écoles, c'est-à-dire là où vous aviez proposé leur interdiction, mais aussi dans les collèges, les lycées et les établissements primaires. Cette décision est désormais acquise. En ce qui concerne la publicité à la télévision, nous avons le choix entre deux solutions qui, l'une comme l'autre, se conçoivent fort bien. La première consiste à faire suivre chaque publicité pour un produit sucré ou trop salé, d'un message d'éducation à la santé, équivalent en durée, et précisant que ce qui vient d'être dit ne doit pas être pris en compte, eu égard au caractère sucré ou trop salé du produit. Pour ma part, j'étais favorable à ce dispositif. La seconde solution, proposée par le Sénat, consiste à créer un fonds auquel sera versé 1,5 % du prix des publicités de ce type. M. Gérard Bapt. En contrepartie de chaque message ? M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Exactement. Entre les deux possibilités, le contre-message ou le versement de 1,5 % du montant de la publicité à ce fonds, j'ai trouvé que la seconde était finalement la meilleure, car elle permettrait de doter l'Institut national de promotion et d'éducation pour la santé, l'INPES, de 13 millions d'euros de plus par an, destinés à favoriser l'éducation pour la santé, à mettre en garde contre les boissons sucrées ou les produits trop salés ou à diffuser des messages sur d'autres sujets. En effet, quand on parle avec les diffuseurs, on prend conscience qu'il n'y a pas suffisamment d'éducation à la santé en France car il est difficile de s'offrir trente ou quarante-cinq secondes d'antenne à des heures de grande écoute. Ce dispositif créerait donc la possibilité de diffuser des messages d'éducation à la santé. Il est vrai, monsieur Le Guen, que, en commission mixte paritaire, vous avez demandé un prélèvement, non de 1,5 %, mais de 7 %. M. Jean-Marie Le Guen. De 7,5 % ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est vrai. M. Bur, lui, a proposé le taux de 5 %. Son raisonnement consistait à proposer un taux de prélèvement si important que les entreprises opteraient nécessairement pour le contre-message audiovisuel. On comprend sa logique. Mais, pour ma part, je ne crois pas au message audiovisuel qui suivrait une publicité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) J'ai tout de même le droit de dire que je ne suis pas favorable à cette solution ! Il me semble irréaliste de penser que, après une publicité pour Carambar, on pourra diffuser un message contre Carambar de la même durée. Je n'y crois pas ! M. Gérard Bapt. C'est pourtant ce que vous aviez initialement proposé ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'ai la simplicité de dire que, sur ce point, j'ai évolué ! En revanche, il est important, à mes yeux, de garder le taux de 1,5 %, comme le propose l'amendement n° 3. Il faut en effet que l'INPES puisse consacrer un fonds de 13 millions d'euros supplémentaires à l'éducation pour la santé, en ce qui concerne le sucre, le sel, ou tout autre sujet de santé publique. Mme Catherine Génisson. C'est incohérent ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Voilà à quoi tend l'amendement du Gouvernement. Mme Catherine Génisson. Pas l'amendement n° 2 ! M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen. M. Jean-Marie Le Guen. Je pense que M. le ministre nous a présenté l'ensemble des amendements déposés sur le texte. Sur le fond, son but est d'éradiquer la problématique de santé publique et de revenir aux positions des industriels. L'amendement n° 2 supprime la possibilité que le message d'éducation sanitaire puisse être sous le contrôle de l'AFSSA et de l'INPES, ce qui sous-entend que le décret ira vers la réintroduction de l'autoréglementation par les industriels. La volonté du Gouvernement est de renoncer à la logique de santé publique qui pourrait interférer avec la politique de communication des marques. Dans la bataille entre la santé publique et la liberté du commerce, quelles que soient les conséquences de ce commerce, monsieur le ministre, vous faites reculer la frontière de la santé publique. Ainsi, le Gouvernement agit à l'inverse de ce qui a toujours été fait en matière de santé publique et va au rebours de toutes les politiques visant à faire évoluer les industriels en les confrontant à une logique de santé publique ou en tentant de faire entrer cette culture dans leur esprit, ce qui était le but de nos amendements. Il était fondamental d'imposer aux industriels un taux de prélèvement tel qu'ils se seraient posé la question, en termes stratégiques, de savoir s'il ne valait pas mieux discuter avec les responsables de la santé publique plutôt que de payer une taxe. Or vous imaginez une petite cotisation libératoire,... M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...qu'ils vont payer ! M. Jean-Marie Le Guen. ...qui les rendra plus libres encore de faire ce qu'ils veulent. Si vous étiez cohérent, monsieur le ministre, vous devriez décider de contrôler vous-même la publicité. Mais, puisque vous optez pour une taxe, fixez son taux de prélèvement à 7,5 % ! Vous aurez ainsi un minimum de pouvoir. Les forces en présence sont faciles à évaluer. En prélevant 1,5 % des dépenses de communication faites par les industriels, vous donnez à la santé publique 1,5 % des moyens et 98,5 % à la logique commerciale. Voilà dans quelle bataille nous nous engageons ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous n'avez rien fait, vous, quand vous étiez au pouvoir ! M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas un argument ! L'obésité, nous ne l'avons pas inventée, monsieur le ministre ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est un argument facile ! M. Jean-Marie Le Guen. Nous avons fait le PNNS ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Non ! Vous n'aviez rien fait ! M. Jean-Marie Le Guen. Nous lui avons consacré plusieurs dizaines de millions d'euros. On s'aperçoit d'ailleurs que les enjeux sont en fait d'une tout autre ampleur. Évidemment, les choses évoluent. Très honnêtement, je n'ai pas eu la prétention, en 1998 ou en 1999, d'avoir compris ce qui allait se passer, en 2010 ou en 2015, en matière d'obésité. J'ai plus d'humilité que vous ne le pensez et je n'ai pas la science infuse ! Aujourd'hui, tout le monde est informé. Nous savons ce qu'il en est. Ceux qui sont au pouvoir connaissent les enjeux et sont bien conscients que le problème n'est pas de savoir ce qu'ont fait les uns et les autres en 1997 ou en 1998 ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je vous rappelle que vous étiez encore au pouvoir en 2002 ! M. Jean-Marie Le Guen. Le problème est de savoir ce qu'il faut faire maintenant. D'ailleurs, ces questions ne sont pas de celles qui nous divisent a priori. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ah bon ? Je suis heureux de l'apprendre ! M. Jean-Marie Le Guen. L'effort que nous demandons aux industriels n'est rien, compte tenu des enjeux économiques du problème. Remettons-nous en cause l'économie de la télévision ou des marques ? Pas du tout ! Mettons-nous en danger une industrie ou des emplois ? Pas du tout ! Les mesures que nous préconisons coûteraient-elles un sou à l'État ? Absolument pas ! Le Gouvernement, quel qu'il soit, aura-t-il les moyens d'informer la population, face au déferlement des milliards d'euros des industriels ? Non ! Aucun gouvernement n'aura demain la possibilité de financer des politiques de santé publique à hauteur de ce raz-de-marée que les publicités déversent quotidiennement sur les enfants et leurs parents. Nul ne prétend d'ailleurs que le budget de l'État ne le permettra. C'est pourquoi le seul moyen d'action est le corps à corps avec les industriels, pour les obliger à se conformer à d'autres logiques intégrant la dimension de la santé publique. C'est la seule voie possible. Si vous pensez qu'il suffit d'avoir une politique de communication alternative, tant mieux ! Mais, dans ce cas, donnez-vous les moyens d'agir, au lieu de vous limiter à un prélèvement de 1,5 %, qui représente une ridicule aumône. De la part du Gouvernement, il ne s'agit pas d'un recul, mais d'une débandade en rase campagne ! Je le dis très simplement : tous les parlementaires en CMP, après discussion au Sénat et à l'Assemblée nationale, ont convergé vers un diagnostic commun et une solution commune. Ce que nous proposons ne remettrait en cause ni l'équilibre politique du Gouvernement ni l'arbitrage entre l'économie et la santé publique. Nul ne peut croire que le vote que nous demande le Gouvernement influera véritablement sur l'équilibre politique ou économique du pays. Les parlementaires que nous sommes se sont prononcés sur le sujet. Allons-nous nous respecter nous-mêmes ou préférerons-nous, à la suite d'un gouvernement qui n'a manifestement pas examiné le sujet, plier devant les lobbies ? Chacun doit se poser la question en son âme et conscience. Ce n'est pas un choix politique entre la droite ou la gauche, mais une décision qui nous engage individuellement. Mes chers collègues, en tant que députés, défendrez-vous l'intérêt général ou allez-vous, pour des raisons qui ne tiennent ni aux équilibres politiques ni à votre philosophie économique, vous rallier de façon grégaire à un arbitrage rendu par un technocrate dont les critères ne sont pas les vôtres et n'ont rien à voir avec les valeurs que vous portez quand vous défendez l'intérêt général ? Nous allons voter sur ces amendements. J'espère que chacun d'entre vous va se poser la question de savoir, en son âme et conscience, ce qui est bon pour son pays, pour son travail de parlementaire et pour la dignité du parti qu'il représente. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. À titre personnel, depuis le début de nos travaux sur le texte, je suis favorable aux contre-messages télévisuels, de même durée que le message publicitaire, adressé aux mêmes auditeurs, notamment aux jeunes et aux adolescents. Je soutiens l'amendement n° 2, qui réserve au décret la mise en forme des messages sanitaires. En effet, je n'appréciais la rédaction de projet de loi, qui laissait valider par l'INPES et l'AFSSA le texte rédigé par les industriels. À titre personnel également, je suis défavorable à la taxe. J'aurais en effet préféré que l'on se contente de contre-messages. Mais je comprends les arguments du Gouvernement pour le développement de l'INPES. M. le président. La parole est à M. le ministre. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le choix est simple. Ou nous nous donnons les moyens de financer l'INPES, ce qui représente une révolution pour l'éducation à la santé ; ou nous prélevons sur les entreprises une taxe qui atteindra le même but. Je prends l'engagement que celle-ci, perçue par l'INPES, ne s'accompagnera pas d'une diminution du financement de l'État, mais viendra en plus de ce financement. L'INPES aura donc enfin la possibilité de diffuser des messages d'éducation à la santé, tout au long de l'année, à des heures de grande écoute. Monsieur Le Guen, alors que vous avez été au pouvoir entre 1997 et 2002 - je ne parle pas des vingt dernières années -, vous et vos amis avez été incapables de mettre en place une politique d'éducation à la santé. Après plus de quarante jours de discussion sur ce projet de loi et sur le projet de loi relatif à l'assurance maladie, je considère que vos propos sont pour le moins déplacés et que, s'il est une personne qui manque de crédibilité sur ce sujet, c'est bien vous et le groupe auquel vous appartenez! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Jean-Marie Le Guen. Je ne relève même pas ! M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2. (L'amendement est adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 3. Sur le vote de cet amendement, - lequel a déjà été défendu par M. le ministre -, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. La parole est à M. Gérard Bapt.
Par ailleurs, la remarque que vous avez adressée à M. Le Guen me paraît très injuste. M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Elle s'adressait à l'ensemble du groupe socialiste ! M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez appelé les médias pour dire que c'était grâce à vous que le texte avait été voté en CMP : on comprend que vous soyez gêné ! M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Bapt. M. Gérard Bapt. Je rappelle que le programme national nutrition santé a été lancé en 1998 et a commencé à être appliqué en 1999. En outre, des fonctionnaires, des personnalités et des scientifiques travaillent sur ce sujet en liaison avec votre ministère. Comment pouvez-vous affirmer, monsieur le ministre, que rien n'a été fait avant ce projet de loi ? J'ajoute, en tant que médecin, que nous n'avons pris conscience que très récemment de l'ampleur du danger que l'épidémie d'obésité fait courir à la santé publique. Quoi qu'il en soit, c'est à l'initiative de M. Jean-Marie Le Guen que, pour la première fois dans cette assemblée, a été créé, il y a un an, sous votre autorité, monsieur le président, un groupe d'études consacré aux problèmes de l'obésité. Composé de représentants de tous les groupes, cette instance a commencé ses travaux et la presse s'en est fait largement l'écho. Certes, monsieur Fagniez, les familles sont les premières concernées, mais pour être maire d'une petite commune qui a lancé, avec neuf autres villes - dont celle de M. Méhaignerie -, un programme expérimental de prévention de l'obésité juvénile dans les écoles scolaires,... M. le président. Évreux y participe également ! M. Gérard Bapt. ...je peux témoigner que le degré d'information des familles concernant ces problèmes est proche de zéro. En outre, il faut penser aux enfants qui passent plus de temps devant la télévision qu'à l'école ou avec leurs familles. Enfin, on trouve, comme par hasard, les taux de prévalence de l'obésité les plus importants dans les écoles classées en ZEP, c'est-à-dire là où les difficultés sociales sont les plus importantes, où les familles sont éclatées, où les parents n'ont pas le temps de s'occuper de la nutrition de leurs enfants. Du reste, si nous avons décidé la gratuité des repas servis dans les cantines scolaires, c'est précisément parce que ces repas sont équilibrés. Alors, renvoyer la responsabilité aux familles, c'est un peu court ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est vous qui êtes un peu court ! M. Gérard Bapt. Dans notre société, le message télévisé est, à l'évidence, capital. C'est pourquoi ce débat et le vote sur cet amendement sont très importants. M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 3. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places. .................................................................. M. le président. Le scrutin est ouvert. .................................................................. M. le président. Le scrutin est clos. Voici le résultat du scrutin : L'Assemblée nationale a adopté. Je suis saisi d'un amendement, n° 4, du Gouvernement. Il s'agit d'un amendement de précision. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen. M. Jean-Marie Le Guen. Un mot, monsieur le président. Plusieurs d'entre vous estiment que les familles doivent prendre leurs responsabilités. Nous ne sommes pas d'accord et cette question fait l'objet d'un vrai débat politique. Mais avant d'en appeler aux familles, mes chers collègues, vous feriez mieux de prendre vos responsabilités ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous n'avez rien fait ! M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4. (L'amendement est adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l'Assemblée. (L'ensemble du projet de loi, ainsi modifié, est adopté.)
ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES M. le président. Cet après-midi, à quinze heures quinze, deuxième séance publique : Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales : Rapport, n° 1779, de M. Alain Gest ; Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation de la sécurité civile : Rapport, n° 1780, de M. Thierry Mariani. Éventuellement, à vingt et une heures trente, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance. La séance est levée. (La séance est levée à treize heures vingt.) Le Directeur du service du compte rendu intégral jean pinchot |