ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES
JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 17 DÉCEMBRE 2003
COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du mardi 16 décembre 2003
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ
1. Formation professionnelle et dialogue social. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».
DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 35 «...»
Amendement n° 112 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, Jean-Paul Anciaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. - Rejet.
Adoption de l'article 35.
Article 36 «...»
MM. Maxime Gremetz, Francis Vercamer.
Amendements de suppresion n°s 113 de M. Gremetz, 162 de Mme Billard et 226 de M. Vidalies : M. Maxime Gremetz, Mme Martine Billard, MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce. - Rejet, par scrutin, de l'amendement n° 113 ; rejet des amendements n°s 162 et 226.
Amendement n° 141 de M. Vercamer, MM. Francis Vercamer, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce, Alain Vidalies. - Rejet.
Amendement n° 163 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre, Francis Vercamer, Alain Vidalies. - Rejet.
Amendement n° 227 de M. Vidalies : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre, Maxime Gremetz, Francis Vercamer. - Rejet.
Amendement n° 352 de la commission des affaires culturelles : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 164 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 228 de M. Vidalies : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 36 modifié.
Article 37 «...»
M. Maxime Gremetz.
Amendements de suppression n°s 142 de M. Vercamer, 165 de Mme Billard et 229 de M. Vidalies : M. Francis Vercamer. - Retrait de l'amendement n° 142.
Mme Martine Billard, MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements n°s 165 et 229.
Amendements identiques n°s 166 de Mme Billard et 230 de M. Vidalies : Mme Martine Billard, MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Suspension et reprise de la séance «...»
M. le président.
Amendement n° 167 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 168 de Mme Billard, avec les sous-amendements n°s 393 et 394 de M. Vidalies : Mme Martine Billard, M. Alain Vidalies. - Rejet des sous-amendements et de l'amendement.
Amendement n° 169 de Mme Billard, avec le sous-amendement n° 392 de M. Vidalies : Mme Martine Billard, MM. Alain Vidalies, le ministre, Maxime Gremetz. - Rejet du sous-amendement et de l'amendement.
Amendement n° 170 de Mme Billard, avec le sous-amendement n° 398 de M. Vidalies : Mme Martine Billard, M. Alain Vidalies. - Rejet du sous-amendement et de l'amendement.
Amendement n° 171 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 172 de Mme Billard, avec les sous-amendements n°s 396 et 395 de M. Vidalies : Mme Martine Billard, M. Alain Vidalies. - Rejet des sous-amendements et de l'amendement.
Amendement n° 173 de Mme Billard, avec le sous-amendement n° 397 de M. Vidalies : Mme Martine Billard, M. Alain Vidalies. - Rejet du sous-amendement et de l'amendement.
Amendement n° 174 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 191 de M. Depierre : MM. Bernard Depierre, le rapporteur, le ministre, Mme Martine Billard, M. Alain Vidalies. - Adoption.
Amendement n° 175 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 294 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 114 de M. Gremetz : MM. Frédéric Dutoit, le rapporteur, le ministre.
Suspension et reprise de la séance «...»
Rejet, par scrutin, de l'amendement n° 114.
Amendement n° 176 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 353 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 231 de M. Vidalies : M. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 144 de M. Vercamer : MM. Francis Vercamer, le rapporteur, le ministre. - Rejet de l'amendement n° 144 rectifié.
Adoption de l'article 37 modifié.
Après l'article 37 «...»
Amendement n° 199 de M. Depierre : MM. Bernard Depierre, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2. Loi de finances rectificative pour 2003. - Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire «...».
3. Dépôt de propositions de résolution «...».
4. Dépôt de rapports «...».
5. Dépôt d'un rapport sur une proposition de résolution «...».
6. Dépôt de rapports d'information «...».
7. Dépôt d'un projet de loi modifié par le Sénat «...».
8. Ordre du jour des prochaines séances «...».
COMPTE RENDU INTÉGRAL
présidence de m. jean-louis debré
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
formation professionnelle
et dialogue social
Suite de la discussion,
après déclaration d'urgence, d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n°s 1233, 1273).
Discussion des articles (suite)
M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, et s'est arrêté à l'article 35.
« Art. 35. - L'article L. 132-7 du code du travail est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 132-7. - La convention et l'accord collectif de travail prévoient les formes selon lesquelles et l'époque à laquelle ils pourront être renouvelés ou révisés.
« Les organisations syndicales de salariés représentatives au sens de l'article L. 132-2 qui sont signataires d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou qui y ont adhéré conformément aux dispositions de l'article L. 132-9 sont seules habilitées à signer, dans les conditions visées à l'article L. 132-2-2, les avenants portant révision de cette convention ou de cet accord.
« L'avenant portant révision de tout ou partie de la convention ou de l'accord collectif se substitue de plein droit aux stipulations de la convention ou de l'accord qu'il modifie et est opposable, dans les conditions fixées à l'article L. 132-10, à l'ensemble des employeurs et des salariés liés par la convention ou l'accord collectif de travail. »
MM. Gremetz, Dutoit, Mme Jacquaint, et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 112, ainsi libellé :
« Après la référence : "L. 132-2, rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 132-7 du code du travail : "représentant, ensemble ou séparément, une majorité de salariés exprimés et qui sont signataires d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou qui y ont adhéré conformément aux dispositions de l'article L. 132-9 sont seules habilitées à signer les avenants portant révision de cette convention ou de cet accord. »
La parole est à M. Maxime Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Il s'agit d'un amendement de cohérence qui vise à poser le principe majoritaire pour la validation d'avenants portant révision d'une convention ou d'un accord. L'article 35, dans sa rédaction actuelle, vise à renvoyer les règles de révision des accords aux règles fixées par l'article L. 132-2-2 tout en préservant l'existant qui consiste à habiliter, pour la révision d'un accord, seulement les organisations syndicales signataires de l'accord initial ou qui y ont adhéré.
Une fois encore, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, nous souhaitons attirer votre attention sur l'importance du principe de l'accord majoritaire. Nous proposons de faire en sorte que la révision des accords ne puisse se faire que par voie d'accord majoritaire : seules seront habilitées à modifier l'accord les organisations syndicales impliquées initialement, et cette révision devra être validée par la signature d'un accord majoritaire. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission.
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La commission a rejeté cet amendement. C'est le même débat que sur l'article 34.
M. Maxime Gremetz. Je le regrette !
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité pour donner l'avis du Gouvernement.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 35.
(L'article 35 est adopté.)
Article 36
M. le président. « Art. 36. - L'article L. 132-13 du code du travail est modifié comme suit :
« I. - A la fin du premier alinéa sont ajoutés les mots : ", à la condition que les signataires de cette convention ou de cet accord aient expressément stipulé qu'il ne pourrait y être dérogé .
« II. - A la fin du second alinéa sont ajoutés les mots : "si une disposition de la convention ou de l'accord de niveau supérieur le prévoit expressément. »
Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.
La parole est à M. Maxime Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Nous l'avons dit, le principe de faveur est un principe fondamental du droit du travail. Formalisé en 1973 par un arrêt du Conseil d'Etat, il précise que l'on peut négocier une convention ou un acccord en améliorant les droits du salarié mais, en aucun cas, en rognant sur les garanties minimales offertes par le code du travail. Une convention collective ou un accord de branche doivent, pour être valables, être plus favorables que la loi, de même qu'un accord d'entreprise devrait améliorer la protection offerte aux salariés, par l'accord de branche ou le code du travail.
C'est ce minimum intangible qu'on appelle « l'ordre public social ». En 1982, le législateur a déjà écorné cet « ordre public social » en rendant possible la conclusion d'accords dérogatoires, négociés sous ce seuil de protection. Pour notre part, nous y sommes opposés et nous proposions précisément l'accord majoritaire. Vous amplifiez, quant à vous, le mouvement en créant les conditions pour que le « principe de faveur » perde encore de sa force et voie son champ d'application réduit.
Par ailleurs, le mot « dérogatoire » est juridiquement contestable : toute négociation est « dérogatoire » dans la mesure où elle recherche une règle différente de celle proposée par la loi. Mais c'est une façon pratique d'expliquer que les négociations n'ont plus forcément pour objet d'améliorer, mais peuvent aggraver le sort des salariés, même s'il n'est pas toujours évident de savoir si une règle est favorable ou non. Ainsi, dans une entreprise, un accord sur les 35 heures qui augmente l'amplitude de la journée de travail satisfera un salarié pour qui la contrepartie en jours de congés supplémentaires est un progrès, mais désavantagera celui qui doit aller chercher ses enfants à l'école.
En somme, la négociation collective va changer de fonction : alors qu'elle était conçue comme un moyen d'améliorer en toutes circonstances le sort des salariés, elle va devenir un outil de gestion de l'entreprise, destiné à assouplir son organisation, à s'adapter à l'environnement économique avec des garanties au rabais pour les salariés.
Les accords « donnant-donnant » vont se généraliser, entretenant le mythe selon lequel les deux parties - l'employeur et les salariés - auraient un égal pouvoir. La réalité est tout autre, chacun le sait. Le salarié est dans une situation d'infériorité fondamentale par rapport à l'employeur, que la négociation, en principe, devrait contribuer à corriger.
Le volet consacré au dialogue social, qui reprend les grandes lignes de la « position commune » adoptée le 16 juillet 2001 par la CFDT, FO, la CGC et la CFTC, revisite de fond en comble le droit de la négociation collective, pilier de la construction d'un droit du travail dans notre pays. Or c'est au prix de nombreux conflits, de conquêtes sociales et d'avancées législatives que s'est peu à peu construit ce droit autour d'un raisonnement de bon sens. Dans la mesure où, entre le puissant et le faible, c'est la liberté qui opprime et c'est la loi qui affranchit, l'idée selon laquelle la liberté contractuelle devait, en cette matière, être encadrée par une loi protégeant le plus faible s'est peu à peu imposée.
Entre la loi sociale et le contrat de travail est donc venue s'intercaler une norme d'un type particulier : la convention collective. L'articulation entre les trois niveaux de « l'ordre public social », peut être ainsi décrite : la loi fixe, en matière de droit et de protection sociale, un seuil auquel l'accord collectif de niveau national, professionnel ou local, puis le contrat de travail ne peuvent déroger que dans un sens plus favorable aux salariés, chaque norme pouvant ajouter, et non retirer, à la norme de niveau supérieur.
La loi protège donc l'individu, fût-ce contre lui-même, c'est-à-dire contre les concessions qu'il serait amené à faire sous la contrainte, la menace ou la crainte, à commencer par celle de perdre son emploi. Cet ordonnancement est à l'origine de nombre d'avancées sociales. Or, l'article 36 rompt avec ce principe.
M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Après avoir longuement discuté de la hiérarchie des normes, nous en arrivons avec l'article 36 à la remise en cause du principe de faveur. Le groupe Union pour la démocratie française soutient ce projet de loi. Mais à ce stade du débat, je voudrais alerter le Gouvernement et mes collègues ici présents sur le risque que présente cet article, qui fait voler en éclat ce qu'on appelle le principe de faveur.
Cet article risque en effet d'instaurer une espèce d'anarchie au sein du droit social, par le biais de la négociation collective, dans la mesure où la négociation d'entreprise va pouvoir déroger aux accords de branche, chaque fois que cela ne sera pas expressément interdit.
Le groupe Union pour la démocratie française a déposé un amendement qui vise à amoindrir ce bouleversement du droit social. Nous proposerons de rendre possible la négociation au niveau de l'entreprise, voire de déroger au principe supérieur, pourvu que celui-ci l'ait autorisé. Cette dérogation devra être encadrée et décidée, temporairement, aux termes d'un règlement de manière à éviter que ne s'instaure une loi de la jungle sociale dans le domaine du travail. Nous partageons les craintes de M. Gremetz et il s'agit pour nous de faire en sorte que le salarié ne soit pas pénalisé.
Mais l'entreprise aussi peut être dans ce cas. En effet, lorsque, dans une même branche, deux entreprises situées à proximité l'une de l'autre auront des systèmes de charges sociales différentes, on peut craindre une concurrence déloyale qui risque de menacer la vie même d'une des entreprises, et donc l'emploi.
Aussi, j'alerte solennellement mes collègues ici présents sur les conséquences de l'article 36. On s'apprête à casser un système qui existe depuis des années. Pourquoi ne pas essayer d'en trouver un nouveau ? On peut l'imaginer. Mais, de grâce, encadrons-le !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, n°s 113, 162, 226 et 302.
L'amendement n° 113 est présenté par M. Gremetz, M. Dutoit, Mme Jacquaint et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 162 est présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ; l'amendement n° 226 est présenté par MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 302 n'est pas défendu.
Ces amendements sont ainsi rédigés :
« Supprimer l'article 36. »
La parole est à M. Maxime Gremetz pour soutenir l'amendement n° 113.
M. Maxime Gremetz. Sur cet amendement qui tend à supprimer la remise en cause du principe de faveur, je vous informe dès à présent, monsieur le président, que nous demanderons un scrutin public.
M. le président. Sur l'amendement n° 113, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Poursuivez, monsieur Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Avec cet article 36, vous organisez la remise en cause généralisée du principe de faveur. Comme le disait M. Blondel de Force ouvrière : depuis 1936, le MEDEF en rêvait, le Gouvernement l'a fait.
M. Yves Simon. Le MEDEF n'existait pas alors !
M. Maxime Gremetz. Or, comme chacun le sait, M. Blondel n'est pas ultra-révolutionnaire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'article 36 engage de lourdes conséquences préjudiciables pour le niveau des garanties possibles avec la négociation collective en faveur des salariés. Le principe de faveur trouve en effet ses premières sources dans les règles particulières du code du travail : les relations entre la loi, le décret et la convention collective, article L. 132-4, la relation entre les accords collectifs, articles L. 132-13, et L. 132-23, la relation entre les accords collectifs et le contrat de travail, article L. 135-2.
Au-delà, ces sources sont essentiellement constituées par la jurisprudence.
Celle du juge constitutionnel provient de plusieurs décisions. Le Conseil constitutionnel considère que le principe selon lequel la convention collective du travail « peut mentionner des dispositions plus favorables aux travailleurs que celles des lois et règlements en vigueur » doit être rangé au nombre des principes fondamentaux du droit du travail placés dans le domaine de la loi.
La jurisprudence administrative provient aussi de plusieurs sources, et en particulier de l'avis du 22 mars 1973. Pour le juge administratif, le principe de faveur est un « principe général du droit ».
Or, vous battez en brèche toute cette jurisprudence. Par conséquent, et bien que vous vous en défendiez, vous remettez en cause un point fondamental de notre législation sociale.
L'application du principe de faveur a déjà été partiellement remise en cause, notamment par l'ordonnance du 16 janvier 1982, relative à la durée du travail et aux congés payés. Aujourd'hui, après les tentatives de « refondation sociale » du MEDEF, la modification des règles d'élaboration du droit du travail par la mise à l'écart de manière généralisée du principe de faveur est toujours demeurée d'actualité. Cette remise en cause trouve son point de chute dans ce projet, même si elle était déjà en germe dans d'autres textes législatifs.
L'article 36 prévoit aussi que, sans la remettre en cause grossièrement, l'articulation des niveaux de négociation pourrait être assouplie afin d'accroître le domaine de la négociation et la liberté de négociation de chaque niveau.
L'accord de branche pourrait prévoir explicitement la possibilité pour l'accord d'entreprise, ou pour le niveau local de négociation, de prévoir des dispositions différentes et, le cas échéant, aménager le principe de faveur. Cette faculté laissée aux négociateurs vise à favoriser la conclusion, à tous les niveaux de négociation, d'accords collectifs adaptés aux diverses situations des branches et des entreprises.
Or, cette disposition va directement à l'encontre des décisions de justice, qui ont justement fait respecter l'ordre public social, et atomise le droit du travail en créant autant de règles que d'entreprises. Comme le disait notre collègue Vercamer, cela aboutira à l'anarchie : chaque entreprise appliquera son propre droit du travail, avec tous les effets collatéraux que cela entraînera, y compris pour elles-mêmes.
La tentative de remise en cause du principe de faveur par le biais de la négociation collective ayant échoué, grâce à l'intervention en justice des organisations syndicales non signataires et au raisonnement juridique retenu par le juge, c'est par le biais de la loi que cette tentative est réitirée. L'objectif est d'offrir aux accords d'entreprise la possibilité de prévoir des « dispositions différentes », c'est-à-dire, en fait, moins favorables pour les salariés que celles contenues dans l'accord de branche. Le principe de faveur n'aurait plus qu'un caractère supplétif.
La fonction initiale et essentielle de la négociation collective s'en trouve pervertie. En effet, celle-ci a vocation à rétablir une certaine égalité entre l'employeur et le salarié, qui se trouvent dans une situation d'inégalité économique et juridique.
Cette remise en cause était déjà en germe. Ainsi, vous êtes l'auteur, monsieur le ministre, de la loi du 3 janvier 2003 sur la réforme des procédures de licenciement pour motif économique révisant la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, qui renvoie aux « partenaires sociaux » la possibilité de conclure des accords sur le déroulement de la procédure de licenciement. Ceux-ci pourraient donc être moins favorables aux salariés que la loi.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que lors de votre audition par la commission, vous avez répondu que la loi n'aurait pas d'effet rétroactif et que les 35 heures ne pourraient pas être remises en cause. Or, ce matin, dans une brillante interview qu'il a accordée, non pas à L'Humanité, mais au Parisien, M. le Premier ministre a dit deux choses qui ont retenu mon attention. Tout d'abord, il a indiqué, contrairement à vous, que les accords pourront remettre en cause ceux qui ont été conclus sur la réduction du temps de travail. Ensuite, il a reconnu - et cela m'a fait chaud au coeur, c'est le cas de le dire, - qu'il aurait dû réagir plus vite pendant la canicule.
M. Yves Simon. Cela n'a rien à voir !
M. Maxime Gremetz. C'est un autre problème, mais je tenais à le souligner, car il a fait preuve de beaucoup de franchise, et il a eu raison.
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard pour soutenir l'amendement n° 162.
Mme Martine Billard. Cet article met fin au principe de faveur conçu dans un sens positif pour les salariés, et marque plutôt l'introduction d'un principe de défaveur. Vous mettez ainsi à bas des décennies de droit social. Les salariés ont dû se bagarrer, aussi bien dans les entreprises que dans les branches, même, parfois, au niveau national, pour améliorer le code du travail au moyen des conventions de branche. Si nous sommes arrivés à un certain niveau de protection des salariés dans l'ensemble des entreprises françaises, c'est bien grâce à ces conventions. Et c'est parce que les salariés avaient des représentants syndicaux et pouvaient établir un rapport de force équilibré avec la direction des entreprises, que, dans ces secteurs, les accords conclus dans une branche pouvaient ensuite se diffuser dans d'autres, où les conditions étaient moins favorables.
Jusqu'à présent, 95 % des salariés sont couverts par des accords de branche, mais, demain, comme il sera possible de conclure, au même niveau, des accords de branche, d'entreprise, et même d'établissement, nous allons nous trouver face à un chantier social totalement bouleversé et chaotique. Au sein d'une même entreprise, on pourra trouver des différences de droits entre salariés, qui porteront sur des apects importants comme le treizième mois. Ainsi, si les accords d'établissement sont différents, un établissement pourrait bénéficier d'un treizième mois, et un autre non.
Ces accords d'établissement posent un vrai problème. Actuellement, et depuis au moins deux décennies, le contrat d'embauche que signent les salariés n'indique plus, en général, le lieu de travail, parce que, dans les faits, il est fréquent d'être muté d'un établisssement à l'autre, au sein d'une même entreprise. La clause relative au lieu de travail, qui figurait dans les contrats il y a une trentaine d'années, a été peu à peu supprimée, car elle représentait une contrainte pour l'employeur. En effet, lorsqu'un salarié refusait sa mutation, on considérait qu'il était licencié. En l'absence d'une telle clause, le salarié qui refuse sa mutation est déclaré démissionnaire. Désormais, puisque les accords d'établissement pourront être différents au sein d'une même entreprise, des salariés qui sont embauchés par cette entreprise pourront, en outre, lorsqu'ils seront mutés d'un établissement à l'autre, perdre un certain nombre de droits - ou au contraire, les gagner, car cela joue évidemment dans les deux sens. Quoi qu'il en soit, cela créera une instabilité supplémentaire pour les droits des salariés.
Finalement, plûtôt que d'introduire ce chaos généralisé, il aurait presque été plus simple d'aller au bout de la logique, et de prévoir que, dorénavant, seul le code du travail s'applique. Ainsi, le MEDEF aurait été satisfait. Il est vrai qu'il demande aussi de pouvoir déroger au code du travail...
Pour l'instant, nous en restons à la dérogation aux accords de branche. Mais tous ces accords, qui ont permis la diffusion massive des avancées sociales, que ce soit en termes de temps de travail, de salaires, de formation professionnelle ou d'égalité entre hommes et femmes risquent de permettre demain des reculades face à la volonté massive des chefs d'entreprise de conquérir localement des parts de marché, donc de réduire le coût du travail, comme vous le dites si souvent, messieurs de la majorité. Contrairement à ce que disait le rapporteur, nous ne préparons pas le bonheur des salariés mais, au contraire, un avenir bien sombre.
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 226.
M. Alain Vidalies. Nous abordons les articles les plus lourds de ce projet de loi. Ils s'ajoutent à une réforme que nous avions approuvée partiellement et dont nous avions en tout cas salué l'origine : un accord interprofessionnel. S'ajoutant à un projet qui nous semblait être très timide, rester au milieu du guet et, de ce fait, dangereux, ces dispositions en dénaturent complètement le sens. Aussi nous interrogeons-nous sur votre volonté de lier la réforme du mode d'élaboration des accords collectifs à la remise en cause du principe de faveur qui sera déclinée dans les articles 36 et suivants.
Certes, vous allez nous dire, monsieur le ministre, que ces dispositions ne remettent pas en cause le principe de faveur dans les relations entre les accords et la loi, entre le contrat et la convention. Dont acte. Mais vous le remettez en cause dans les rapports entre les accords collectifs eux-mêmes. En effet, la hiérarchie qui existait entre l'accord d'entreprise, l'accord de branche et l'accord interprofessionnel n'existe plus. En tout cas, la protection deviendra l'exception et la possibilité de dérogation, la règle.
Il s'agit donc bien d'une remise en cause complète de notre histoire collective. Pourquoi, et pourquoi maintenant ? Il n'y a pas si longtemps, vous étiez aux responsabilités et vous aviez la même approche politique et « idéologique ». Mais jamais vous n'avez remis en cause le principe de faveur, parce qu'il est un élément de stabilité non seulement de notre histoire sociale, mais aussi de notre économie. Dans les grandes entreprises, la modification de tel ou tel texte ne suscitera pas d'inquiétude, car les salariés y sont organisés, ont établi un rapport de forces et noué un dialogue fructueux avec l'employeur. Mais nous savons ce qui se passera dans les petites entreprises, dont, en ce moment même, vous appelez de vos voeux le développement. Sont-elles vraiment demandeuses de cette modification ?
Votre projet est aujourd'hui rejeté par toutes les organisations syndicales de salariés, mais les artisans - notamment l'UPA - qui sont les premiers concernés, manifestent sur cette question une opposition qui rejoint totalement les arguments que j'ai developpés. La raison en est extrêmement simple : le chef d'entreprise comme le salarié ont besoin d'une certaine sécurisation juridique et économique. Or on voit bien ce que votre texte va permettre, monsieur le ministre : la loi de la jungle.
Prenons l'exemple d'une entreprise qui se trouve dans un secteur économique aujourd'hui en difficulté. Si demain, pour faire face à ces difficultés, le chef d'entreprise arrive à convaincre - et ce, au surplus, dans les conditions de souplesse que vous organisez - de signer un accord remettant en question, par exemple, le paiement du treizième mois, ses concurrents directs n'auront d'autre solution que de s'aligner.
C'est à juste titre que nous dénonçons une atomisation du droit du travail : il semble évident que l'on pourra faire à peu près tout et n'importe quoi dans toutes les entreprises, notamment dans celles où les organisations syndicales sont peu présentes. De plus, les distorsions de concurrence seront telles que c'est progressivement la règle minimale qui s'imposera.
Essayons d'élargir notre réflexion. Au moment où l'on vient de procéder, difficilement, certes, à l'élargissement de l'Europe, on sait bien que l'une des difficultés que vont rencontrer nos entreprises sera, dans certains secteurs, la concurrence avec des entreprises où les niveaux de rémunération, les charges ou les conditions de travail sont extrêmement différentes. Dès lors, l'appel à l'adaptation par le bas sera extrêmement fort et s'imposera comme une réalité.
Les dispositions que vous proposez sont d'autant plus graves qu'elles ne visent pas de manière expresse à assouplir tel ou tel aspect de l'organisation du travail régi par les accords collectifs, mais posent un principe. Dès lors, quand, en vertu du pouvoir de délégation dont dispose le législateur au titre de l'article 34, vous confierez progressivement aux partenaires le soin de négocier dans certains domaines, ces négociations ne se trouveront plus du tout encadrées par le principe de faveur.
Nous sommes donc face à une véritable révolution juridique. Malheureusement, ce n'est pas une révolution progressiste. Selon nous, ces dispositions dénaturent l'initiative que vous avez prise sur le dialogue social, monsieur le ministre. Ce soir, nous vivons un moment grave de notre histoire sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 113, 162 et 226 ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements.
Comme je l'ai fait précédemment sur l'article 34, je souhaite préciser l'objet des articles 36 et 37 du projet de loi, car la plupart des amendements de l'opposition sont fondés sur la même argumentation.
Les articles 36 et 37 visent à assouplir la hiérarchie entre les normes conventionnelles, de façon que la négociation se déroule au plus près des besoins des salariés et des entreprises. L'opposition y voit une remise en cause du principe de faveur. Il s'agit là d'une vision un peu simpliste.
M. Maxime Gremetz. Oh !
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. En effet, le principe de faveur est maintenu à un triple titre.
Ce principe est maintenu sans aucun changement par rapport au droit actuel s'agissant des relations entre la loi et les normes conventionnelles. Le champ des dérogations légales ouvert en 1982 n'est absolument pas modifié par le présent texte.
N'est pas modifié non plus l'article 135-2 du code du travail, qui permet aux salariés dont le contrat comporte des clauses plus favorables que les conventions et accords collectifs d'en conserver le bénéfice.
L'assouplissement proposé par le texte est donc encadré à la fois par le haut, grâce à la loi, et par le bas, grâce au contrat de travail.
Enfin, le principe de faveur continue de s'appliquer entre les différents niveaux de conventions. Il est toujours possible à un accord de niveau inférieur de prévoir des dispositions plus favorables que le niveau supérieur.
En quoi l'assouplissement consiste-t-il ? Il sera désormais possible à l'accord de niveau inférieur de déroger aux accords de niveau supérieur, à la stricte condition que ceux-ci ne l'interdisent pas. Ainsi, la convention de branche pourra choisir de conférer à ses dispositions une valeur impérative ou une valeur supplétive par rapport aux accords d'entreprises. En conséquence, compte tenu des garanties encadrant cet assouplissement et de son caractère limité, la commission a rejeté ces amendements qui remettaient en cause le second axe du titre II expressément souhaité par les partenaires sociaux dans la position commune de juillet 2001.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements qui visent à supprimer l'une des dispositions essentielles de son texte. Je voudrais répondre à quelques-unes des remarques qui viennent d'être faites, notamment par l'opposition.
D'abord, et tant pis s'il faut le répéter une énième fois, l'article 36 ne remet pas en cause le principe de faveur, tel qu'il est posé à l'article L. 123-13 du code du travail. Un accord collectif, qu'il soit de branche ou d'entreprise, ne pourra en aucun cas déroger à la loi, sauf si celle-ci lui en a expressément donné la possibilté.
M. Maxime Gremetz. Voilà !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est un mécanisme que vous connaissez bien, monsieur Gremetz, puisqu'il date de 1982 et que vos amis l'ont voté. L'article 36 vise à fixer les conditions dans lesquelles les dispositions des accords interprofessionnels s'imposent ou non aux accords de branche ; ni plus, ni moins. L'accord interprofessionnel pourra être totalement impératif ou, au contraire, laisser une marge d'autonomie aux accords de branche.
L'inquiétude, pour ne pas dire plus, que vous manifestez à propos de ces dispositions me paraît totalement injustifiée. Vous raisonnez de façon purement théorique, comme s'il y avait un enchaînement logique, déterministe, entre les textes. Mais la négociation, vous le savez, ne fonctionne pas de cette manière. Ainsi, l'accord récent sur la formation professionnelle fixe bien les principes, le cadre général qui s'imposera à tous, - d'autant plus que la loi intervient directement -, mais en ce qui concerne, par exemple, le DIF, il renvoie à des modalités particulières de mise en oeuvre, à la seule réserve du nombre d'heures annuelles, qui sont fixées par l'accord de branche ou par accords d'entreprise.
On ne parle pas ici de principe de faveur, mais d'articulation des niveaux de négociation et de l'autonomie des accords de branche et d'entreprise.
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Je ne peux pas dire que les réponses que viennent de nous faire le rapporteur et ministre nous aient rassurés. S'agissant du rapport avec la loi, Alain Vidalies l'a dit tout à l'heure, nous comprenons bien que vous ne remettiez pas en question le principe de faveur.
Le véritable problème se pose pour les accords interprofessionnels et plus encore pour les accords de branche auxquels les accords d'entreprise pourraient déroger. Deux points suscitent notre inquiétude.
Tout d'abord, en faisant de la dérogation le principe, vous inversez complètement l'ordre actuel des choses. En effet, jusqu'à présent, les règles qui figuraient dans un accord s'appliquaient automatiquement aux accords de niveau inférieur. Dorénavant, il faudra qu'elles le prévoient expressément. En procédant de cette manière - ce que vous ne pouvez pas nier -, vous créez des obstacles à l'onde de progrès social que pouvait représenter un accord supérieur s'appliquant à l'ensemble des accords de niveau inférieur.
De la même manière, vous modifiez l'équilibre de la négociation. Puisque le principe devient la dérogation, il faudra que les partenaires sociaux obtiennent qu'une règle qui allait normalement s'appliquer d'elle-même prévoie expressément son application aux accords de niveau inférieur. Cela signifie que ce qui devait aller de soi devient l'un des éléments de la négociation. Or cela affaiblit la situation des partenaires sociaux, en particulier des organisations syndicales, des organisations professionnelles de salariés.
A ces inquiétudes, vous ne répondez pas. Vous créez une situation qui bouleverse véritablement notre ordre juridique, en modifiant les principes qui l'ont toujours gouverné en matière de négociation collective.
Donc ne criez pas au loup sur des points sur lesquels nous n'insistons pas, comme le rapport à la loi. En revanche, répondez en ce qui concerne l'articulation entre les différents niveaux de négociation car vous bouleversez la situation dans des conditions qui sont nécessairement défavorables aux salariés et à leurs représentants.
J'observe que l'opposition n'est pas la seule à se poser des questions, mais que, même au sein de votre majorité, des voix s'élèvent contre cet article, à en juger par l'amendement déposé par M. Meslot. Même s'il n'a pas été défendu. Les arguments sont les mêmes. Cela signifie qu'en examinant le texte tel que vous l'avez rédigé, il s'est lui aussi demandé pourquoi ce qui était le principe devient l'exception et la dérogation, la règle.
Nous ne sommes pas hostiles à l'idée - vous avez rappelé la disposition votée en 1982 - que des dérogations puissent intervenir pour tenir compte de la réalité du terrain et des entreprises, mais à la condition que ces dérogations soient strictement encadrées et qu'elles constituent une exception. Dès lors que vous instituez cela en principe, vous inversez véritablement l'ordre des choses et mettez l'ordre juridique cul par-dessus tête. Ce n'est même plus de Kama-sutra du dialogue social qu'il faut parler mais d'une inversion totale des pratiques auxquelles nous étions jusqu'à présent habitués. C'est, d'une certaine façon, de l'indécence sociale, puisque vous bouleversez les règles les plus protectrices pour les salariés. C'est un changement fondamental. Et l'opposition est parfaitement fondée, sans utiliser d'arguments simplistes, pour reprendre l'expression du rapporteur, à alerter à la fois cet hémicycle et, par-delà, l'opinion, parce que ce changement aura des conséquences redoutables, jusque et y compris, cela a été rappelé, dans le domaine de la concurrence entre les entreprises dans un même secteur professionnel et dans une même branche.
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Comme nous n'arrivons pas à vous convaincre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, par des arguments techniques, je vais vous demander de réfléchir à des considérations plus simples et de bon sens.
D'abord, que signifie principe de faveur ? Je n'aime pas ce terme, mais c'est celui qui est utilisé. Cela signifie que les accords d'entreprise ou les accords de branche sont toujours plus favorables que la loi pour les salariés. Cela mérite d'être précisé car les termes « de faveur » font penser à « privilèges » ! Or ce n'est pas le sens.
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ça, ça ne change pas.
M. Maxime Gremetz. Vous dites ne pas remettre en cause le principe de faveur, mais alors, monsieur le ministre, réfléchissez au moins à cela. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce n'est pas faire offense au ministre que de lui demander, puisqu'il n'a pas l'air convaincu par les arguments techniques que nous avons opposés, de réfléchir à un autre aspect des choses. Comment se fait-il, monsieur le ministre, alors que vous vous référez sans cesse à la déclaration commune, signée par quatre syndicats représentatifs sur cinq, ce qui n'est pas rien, ces organisations qui pourtant, sur d'autres sujets, comme l'accord majoritaire, ne sont pas toutes d'accord, se retrouvent toutes pour condamner le Gouvernement ? C'est parce que précisément, il remet en cause le principe de faveur. On pourrait prétendre qu'une organisation n'est pas très intelligente, mais que les cinq ensemble ne le soient pas et ignorent ce que sont la négociation dans l'entreprise et les accords de branches serait tout de même étonnant !
Second argument de bon sens, monsieur le ministre : j'entends le MEDEF s'exclamer : « Enfin ! » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Après cinq ans de combat, ce « Enfin ! » signifie qu'il attendait, comme l'a si bien souligné Force ouvrière, la remise en cause des acquis de 1936. Il ne l'espérait plus et il obtient « enfin », avec vous, la remise en cause du principe de faveur.
De tels arguments de bon sens devraient faire réfléchir les uns et les autres.
M. le président. Je vais maintenant faire procéder au scrutin que j'ai fait annoncer dans le Palais. Celui-ci porte sur l'amendement n° 113 déposé par M. Gremetz.
M. Maxime Gremetz. On pourrait faire voter sur chacun des amendements, pour montrer l'unité.
M. le président. Si l'amendement n° 113 est repoussé, monsieur Gremetz, on considérera que le vote est identique pour les amendements n°s 162 et 226.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
Je mets aux voix l'amendement n° 113.
Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
Le scrutin est ouvert.
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 51
Nombre de suffrages exprimés 51
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 9
Contre 42
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
En conséquence les amendements n°s 162 et 226 ne sont pas adoptés.
M. Vercamer a présenté un amendement, n° 141, ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 36 :
« L'article L. 132-13 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 132-13. - Une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel peut comporter certaines dispositions moins favorables aux salariés que celles qui leur sont applicables en vertu d'une convention ou d'un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, à la condition que cette dernière ait expressément prévu les champs et les modalités de la dérogation. »
La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. J'ai déjà donné plusieurs arguments démontrant que la remise en cause - si cet article est adopté tel quel - du principe de faveur - même si monsieur le ministre nous dit qu'il n'y a pas de remise en cause de ce principe - va non seulement entraîner une anarchie sociale à l'intérieur du milieu salarié, des organisations syndicales et donc du droit social, mais également créer une sorte de jungle où régnera une concurrence déloyale à l'intérieur des entreprises, y compris d'une même branche. L'UDF, comme la plupart des parlementaires de l'UMP, est assez encline à accorder plus de flexibilité et de liberté d'entreprendre aux entreprises. C'est pourquoi je ne demande pas la suppression de l'article, mais simplement sa modification.
Cet article représente en effet un danger pour l'entreprise car, entre deux entreprises d'une même branche, la différence d'organisation du droit social à l'intérieur de chacune d'elles peut créer une concurrence déloyale susceptible d'affecter la pérennité même de l'entreprise et donc l'emploi.
Je propose d'inverser le dispositif de l'article 36. Au lieu de dire que la dérogation d'entreprise est autorisée si elle n'est pas interdite par la branche, je propose d'écrire qu'elle est possible si elle est autorisée par le niveau supérieur. Ce n'est pas anodin. Cela a d'abord l'avantage d'encadrer les dérogations, ce qui peut être utile pour les entreprises en difficulté. J'ai cité l'exemple des buralistes transfrontaliers confrontés à la concurrence du tabac importé des pays voisins. Ces entreprises mises en difficulté pourraient déroger temporairement et ponctuellement aux accords de branche parce qu'elles sont plus vulnérables que celles qui se situent au centre de la France.
J'irai plus loin, monsieur le ministre, parce qu'il ne faudrait pas que le Gouvernement fuie ses responsabilités. Autoriser les entreprises à déroger au droit social peut laisser penser que, faute d'oser réformer au niveau national, on laisse les entreprises faire leur sauce sur le terrain pour essayer de revenir en catimini sur les 35 heures, ou d'autres dispositions, comme l'écrivent certains collègues d'autres groupes dans la presse. Pour ma part, je ne le pense pas. Je crois que le Gouvernement cherche vraiment à fixer un certain nombre de règles concernant le dialogue social. Mais, monsieur le ministre, je vous le dis solennellement : j'ai été chef d'entreprise et conseiller prud'homal, j'ai vu comment ça se passe et je pense franchement que cet article 36 n'est pas une bonne idée. C'est pourquoi, je propose d'inverser le dispositif prévu et d'écrire que, pour que l'entreprise puisse déroger, il faut que ce soit autorisé par le niveau supérieur. Vous venez de dire que le DIF - droit individuel à la formation - prévoyait le renvoi aux branches pour la mise en place des dispositifs de formation. S'il prévoit ce renvoi, cela signifie qu'il l'autorise. Cela ne veut pas dire qu'il laisse les gens discuter entre eux. Quand on autorise, on prévoit forcément !
Qui plus est, dans le texte de la position commune, qui a tout de même été signée, si je ne m'abuse, par cinq organisations de salariés et trois organisations patronales, il est question « d'articulation dynamique et maîtrisée des niveaux de négociation », et il est précisé, au premier paragraphe : « chaque niveau de négociation, national, interprofessionnel, de branche et entreprise, assure des fonctions différentes dans le cadre d'un système organisé ». Il n'est pas écrit que l'entreprise peut faire ce qu'elle veut si, au niveau supérieur, on ne l'a pas interdit. Il s'agit d'un système organisé.
Au deuxième paragraphe, on peut lire : « Garant du système, le niveau national interprofessionnel doit assurer une cohérence d'ensemble. »
M. le président. Monsieur Vercamer, le temps dont vous disposiez pour défendre votre amendement est arrivé à son terme.
M. Francis Vercamer. Je termine, monsieur le président.
Au deuxième paragraphe de la position commune, il est également précisé que « la branche joue un rôle structurant de solidarité et d'encadrement ». Si on laisse l'entreprise déroger, on déroge par là même à ce principe de solidarité. Je laisse là ma lecture.
Si l'UDF se bat pour cet amendement, monsieur le ministre, ce n'est pas pour embêter le Gouvernement, c'est pour lui éviter de faire une erreur. Et, comme vous êtes un bon ministre des affaires sociales, je suis sûr non seulement que vous entendrez le groupe UDF mais encore que vous l'écouterez. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Elle est en effet défavorable à une rédaction de l'article L. 132-13 qui permettrait à la convention de niveau inférieur de comporter uniquement des dispositions moins favorables pour les salariés. Cela entraînerait une remise en cause directe du principe de faveur et serait donc socialement inacceptable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Malgré les compliments de M. Vercamer, je ne peux que lui répéter les raisons pour lesquelles je considère qu'il n'est pas souhaitable de revenir, comme le propose son amendement, au dispositif qui existe depuis l'accord interprofessionnel de 1995.
En effet, depuis cet accord, les partenaires sociaux ont fait du chemin et ont continué à travailler sur le sujet. Ce que nous proposons aujourd'hui correspond bien à l'esprit de la position commune, qui est de donner à chaque niveau la possibilité de choisir. Les branches auront bien la possibilité de choisir si elles veulent, ou non, que des accords de niveau inférieur puissent déroger. Je propose qu'elles soient obligées de l'écrire, ce qui n'est pas le cas dans le système actuel que vous voulez maintenir.
Je crois que nous avons besoin d'une articulation différente des niveaux de négociation. Comme le suggère la position commune, les partenaires sociaux, quand ils concluront des accords, devront désormais se poser la question de la valeur hiérarchique des dispositions qu'ils arrêtent ensemble. Ils devront préciser si elles ont un caractère normatif ou un caractère supplétif. Si le dialogue social a été si pauvre dans le passé, c'est pour une large part en raison de sa stérilisation par des normes supérieures, à l'exception, bien évidemment, de la réduction du temps de travail, pour laquelle la dérogation est la règle depuis 1982. Et je ne crois pas que l'on puisse dire que les règles mises en place en 1982 n'aient pas été efficaces.
M. président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Je ne peux pas laisser le ministre jouer ainsi sur les mots et laisser croire que le dispositif proposé dans le projet de loi s'apparente à celui prévu pour le temps de travail. En ce domaine, la loi prévoyait expressément que les dérogations étaient possibles. Or, ce que vous nous proposez, c'est de considérer que, si la loi ne prévoit pas expressément les choses, elle ne s'appliquera pas automatiquement. Nous ne sommes pas du tout dans le même ordre d'idées. Vous renversez complètement le raisonnement par rapport aux dispositions figurant dans les différentes lois sur le temps de travail.
Je tenais à resituer les choses car vous êtes en train d'établir un faux parallélisme, pour défendre une fausse bonne idée.
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, nous avons compris que ce texte ne porte que sur les rapports entre les différents niveaux d'accords collectifs. Vous nous parlez du temps de travail, et, bien que, comme Gaëtan Gorce vient de le souligner, ce soit un autre problème puisque cette disposition législative renvoie à l'accord d'entreprise, vous avez eu raison d'aborder cette question. En effet, un certain nombre d'accords de branche sont intervenus dans le cadre de cette loi et la question que nous nous posons est de savoir quelles vont être, en fonction de la nouvelle loi, les modifications qui vont intervenir soit par renégociation immédiate, soit du fait d'une dénonciation de ces accords. Un article du projet de loi traite de la sécurisation juridique. Nous examinerons sa portée, mais vous comprendrez que nous soyons inquiets après la déclaration de M. le Premier ministre. Après les apaisements que vous aviez apportés sur cette question aux organisations syndicales comme aux journalistes, le Premier ministre vient aujourd'hui expliquer le contraire. Il n'use pas de circonvolutions, mais il écrit très précisément qu'est prévue « la possibilité de déroger au niveau de l'entreprise aux dispositions sur la durée du travail fixée par accords de branche ».
Monsieur le ministre, on peut difficilement continuer ce débat sans que vous nous indiquiez quelle est votre réaction à cette annonce faite par le Premier ministre. Sera-t-il possible de déroger par accord d'entreprise aux accords sur la durée du travail ?
M. Maxime Gremetz. C'est évident !
M. Alain Vidalies. Je sais bien, monsieur le ministre, que vous allez être tenté de ne pas me répondre.
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai déjà répondu !
M. Alain Vidalies. Mais la déclaration du Premier ministre contredit ce que vous expliquez depuis des semaines. Ou bien il a mal compris, et, l'erreur étant humaine, on lui pardonnera facilement cette erreur, ou bien c'est vous qui ne dites pas la vérité, et là c'est plus grave, car vous vous exprimez devant l'Assemblée nationale. Comme vous l'aurez compris, monsieur le ministre, nous poserons la question jusqu'à ce que nous obtenions une réponse car cette question fait maintenant partie du débat public.
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Bien que je l'aie déjà fait et que M. Vidalies ait bien compris mes propos, je vais lui répondre. Le texte dont nous discutons contient des dispositions juridiques extrêmement précises. Il y est indiqué qu'il ne sera pas possible d'appliquer les règles qui vont être mises en oeuvre à la suite du vote de ce texte aux conventions passées. Le Premier ministre ne dit rien de différent : lorsqu'il s'agira, demain, de négocier des conventions nouvelles sur le temps de travail, les dispositions du texte seront naturellement applicables. Il n'y a donc aucun doute : ce texte n'aura pas d'effet rétroactif sur les conventions passées.
M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas la question !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 163, ainsi rédigé :
« Supprimer le I de l'article 36. »
La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. M. le ministre nous dit que l'article 36 ne remet pas en cause la primauté de la loi - personne n'a dit le contraire - qu'il maintient la possibilité d'accords plus favorables que les accords de branche - là encore, personne n'a dit le contraire - qu'à chaque niveau, il sera possible de choisir. C'est là où nous sommes en désaccord. Dorénavant, en effet, tout ce qui n'est pas interdit sera autorisé.
Il suffit donc que l'accord de branche ne prévoie pas d'interdire les accords dérogatoires moins favorables pour que tout soit autorisé en la matière. C'est là où nous ne sommes pas d'accord.
Monsieur le ministre, vous avez expliqué que, si le dialogue social était si pauvre, c'était à cause de la hiérarchisation des normes. Pourtant, dans les branches, les partenaires sociaux ont beaucoup dialogué et débattu. Voyez ce que dit à ce propos la CGC : « A titre d'exemple, le bilan de la négociation collective pour 2002 fait apparaître comme thèmes de prédilection des négociateurs au niveau de la branche la durée de travail, la formation professionnelle, le système des primes, les congés, l'apprentissage, la santé au travail, l'emploi, etc. » Je n'ai aucune raison de penser que la CGC ment quand elle écrit cela. Si, vraiment, tous ces thèmes ont été abordés, on peut difficilement dire qu'il n'y a plus de dialogue social dans notre pays.
A moins que, de votre point de vue, il n'y ait de dialogue social que lorsque, dans une branche, le patronat demande divers changements et que la majorité des syndicats de salariés refusent. Si telle est votre conception du dialogue social, il peut arriver, en effet, qu'il soit bloqué. Dans certaines branches, le rapport de forces est plutôt favorable au patronat, qui obtient ce qu'il demande : mais, dans d'autres, le rapport de forces est différent et le patronat n'obtient pas ce qu'il veut. Le désaccord de fond entre nous est là : nous ne considérons pas, comme vous, qu'il y a manque de dialogue social dès que les syndicats refusent d'accéder aux demandes du patronat. Parfois, les salariés veulent tout simplement envoyer un signe, dire « halte ! stop ! on n'en peut plus, assez de régression sociale ! ».
Voilà pourquoi je propose que nous nous en tenions aux textes actuels, et que nous refusions toutes dérogations défavorables aux salariés, en dehors des exceptions déjà prévues par la loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement pour les raisons évoquées précédemment.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Puisque j'ai été sevré de parole...
M. le président. Monsieur Vercamer, ne dites pas cela : si l'on totalise la durée de vos interventions, on voit que vous avez largement dépassé votre temps de parole. Vous pouvez dire ce que vous voulez, mais, en ce qui concerne le temps de parole, vous n'avez pas été sevré. D'ailleurs, vous n'avez pas l'allure de quelqu'un qui a été sevré ! (Rires.)
M. Francis Vercamer. C'est une attaque personnelle ! (Sourires.)
M. le président. N'en rajoutez pas ! Vous avez la parole, monsieur Vercamer, pour parler de l'amendement.
M. Francis Vercamer. Le groupe UDF votera cet amendement qui va dans le sens que j'indiquais tout à l'heure. Si tout accord d'entreprise dérogatoire est autorisé dès lors qu'il n'est pas interdit dans l'accord de branche, ce sera la loi de la jungle et l'anarchie, ce qui est préjudiciable pour les entreprises. Je me bats contre cela, car je suis là aussi pour défendre les entreprises, pas seulement le salarié - je suis désolé pour vous, madame Billard -, mais je pense que ce texte est un peu dangereux pour elles.
Mme Martine Billard. J'ai souligné le même motif tout à l'heure !
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, comme j'ai un grand respect pour les déclarations du Premier ministre, j'ai pris bonne note de votre réponse, mais je voudrais vous faire remarquer que la déclaration du Premier ministre n'est pas rédigée au futur, mais au présent et que le présent vaut impératif. Pourquoi le Premier ministre a-t-il fait cette déclaration ? Je me demande si, finalement, il ne faut pas réfléchir à l'application combinée de l'article 36 et de l'article 38. Vous allez, en effet, nous demander que certaines dispositions, pour lesquelles les dérogations ne sont aujourd'hui possibles que par accord de branche, soient étendues à tous les accords d'entreprise. Sur quel type de dispositions cela porte-t-il ? Certaines d'entre elles sont fort intéressantes : la durée du travail, le contigent d'heures supplémentaires - article L. 212-6 -, la durée maximale hebdomadaire portée de 44 à 46 heures, la dérogation à la durée du travail quotidienne et hebdomadaire, la dérogation au repos quotidien de onze heures, la dérogation au repos de deux jours des jeunes travailleurs, les équipes de suppléance, autant de dispositions très importantes concernant les modalités de la durée du travail dans l'entreprise et auxquelles on ne peut, aujourd'hui, déroger que par un accord de branche étendu.
Si vous dites qu'on pourra y déroger par accord d'entreprise et que, en même temps, l'accord d'entreprise ne sera plus tenu par les dispositions plus favorables de l'accord de branche - ce qui est la remise en cause du principe de faveur -, je crois que le Premier ministre a raison, vous organisez un système juridique qui permettra bel et bien de parvenir à l'objectif qu'il définit.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 163.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 227, ainsi rédigé :
« Dans le dernier alinéa du I de l'article 36, supprimer le mot : "ne. »
La parole est à M. Alain Vidalies.
M. Alain Vidalies. Il s'agit d'un amendement de repli. La dérogation ne peut pas devenir la règle. Dans les explications du ministre ou dans celles du rapporteur, nous avons parfois entendu l'expression « décision expresse ». Si l'on veut que le texte soit lisible, il faut que les négociateurs indiquent expressément ce à quoi on pourra déroger. Or vous choisissez la rédaction inverse au terme de laquelle tout ce qui n'est pas interdit est autorisé. Par ce biais, vous allez rendre les négociations extrêmement difficiles et les négociateurs ne sauront jamais s'ils doivent signer un accord car, avec ce dispositif, ils craindront toujours d'avoir oublié tel ou tel champ qui se trouvera verrouillé de manière dérogatoire, à l'échelon inférieur.
Acceptez au moins cette rédaction, qui ne change rien en ce qui concerne le principe de faveur. Nous ne sommes pas favorables à l'évolution que vous proposez. Mais, au moins, que les choses soient claires et indiquées expressément, y compris au niveau de chacun des accords collectifs. Et qu'on ne légifère pas par défaut, comme la rédaction actuelle tend à le faire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté l'amendement qui, en dépit de sa concision, n'est pas seulement rédactionnel, puisqu'il vise à maintenir une grande rigidité entre les différents niveaux de convention.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Je veux répondre à la commission et au ministre. L'expérience montre que, quand on ouvre une brèche, le loup s'y engouffre et creuse un formidable tunnel. C'est ce qui nous arrive aujourd'hui. Je l'ai toujours dit. En 1982, déjà, c'était le même débat. Pourquoi prévoit-on des dérogations ? Parce qu'on refuse l'accord majoritaire, qui permet d'aller jusqu'au bout de la discussion et laisse les salariés déterminer ce qui est bon et ce qui est mauvais pour eux, par l'intermédiaire de syndicats représentant la majorité des salariés. Les deux choses sont liées. On n'a pas besoin de dérogation s'il y a un accord majoritaire conclu par des syndicats qui représentent la majorité des salariés.
C'est pourquoi je ne suis pas d'accord avec cet amendement. Je le répète, je me méfie des accords dérogatoires. Il y a des principes, des règles qui sont le résultat de négociations, de constructions, de conquêtes sociales, de luttes, de compromis. Mais, si l'on fait des dérogations, tout est permis. Dès lors, on se trouve dans une situation où tout peut s'inverser. La dérogation n'est plus l'exception : elle devient la règle. Et l'exception devient le principe de faveur. C'est une mauvaise chose pour l'avenir. Ce que j'ai combattu hier, je le combats avec d'autant plus de force aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Une dernière fois, je vais essayer de convaincre l'Assemblée et M. le ministre. Cet amendement va dans le sens de celui que j'avais déposé tout à l'heure. Je regrette que ce soit le parti socialiste qui en ait eu l'initiative.
M. Alain Vidalies. On n'a pas de maladies contagieuses !
M. Francis Vercamer. Mais je reconnais qu'il va exactement dans le sens de la position commune.
J'ai rencontré les différents partenaires sociaux, y compris le patronat, et je peux vous dire que la CGPME y est opposée. Je vous conseille donc simplement de faire attention à ce que vous décidez. Vous prenez vos responsabilités. Je vous aurai assez prévenu, puisque c'est ma troisième intervention.
M. le président. Tout mandat impératif est nul, ne l'oublions pas. Vous avez évoqué l'avis d'une organisation...
M. Francis Vercamer. Tout le monde l'a fait !
M. le président. Justement, je l'ai tellement entendu que j'ai plaisir à rappeler que tout mandat impératif est nul.
Chacun va voter en son âme et conscience.
Je mets aux voix l'amendement n° 227.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. M. Anciaux, rapporteur, a présenté un amendement, n° 352, ainsi rédigé :
« Compléter le dernier alinéa du I de l'article 36 par les mots : "en tout ou en partie. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 352.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 164, ainsi rédigé :
« Supprimer le II de l'article 36. »
La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. Le II de l'article 36, que je propose de supprimer, a pour objectif de revenir sur un principe qui était en vigueur jusqu'à aujourd'hui : lorsqu'un accord plus favorable était signé, il s'imposait automatiquement aux accords inférieurs. Dorénavant, pour que ce soit toujours le cas, il faudra que l'accord supérieur l'ait prévu expressément.
On peut se demander s'il y aurait encore des accords supérieurs plus favorables. Quelle organisation syndicale prendrait la peine de négocier et de conclure des accords plus favorables pour voir sa signature désavouée au niveau inférieur, dans chaque entreprise ?
L'immense majorité des salariés travaille dans des PME et la plupart des entreprises n'ont pas de représentants syndicaux. On risque donc d'avoir des accords d'entreprise qui dérogent totalement aux accords de branche, et les syndicats de branche n'auront bientôt plus aucun intérêt à négocier pendant des heures de tels accords qui ne seront appliqués que dans un très petit nombre d'entreprises. Les syndicats préféreront se concentrer sur les entreprises où ils sont les mieux implantés, de manière à y établir de bons rapports de force et d'y obtenir de bons accords. Ils se désintéresseront de l'ensemble des autres entreprises, où ils sont peu présents, quand ils n'en sont pas complètement absents.
Monsieur le ministre, j'avais cru comprendre, au début du débat, que vous expliquiez qu'il fallait renforcer la syndicalisation et le pouvoir des syndicats, qu'il nous fallait aller vers un syndicalisme de négociation, de réforme des propositions de ce type. On risque d'aller au contraire vers un repli sur quelques bastions syndicaux, le reste des entreprises étant laissé en jachère, à la merci des rapports de force du moment, qui, en période de chômage et de mondialisation aussi forte, seront rarement favorables aux salariés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Le débat a déjà eu lieu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 164.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 228, ainsi rédigé :
« Dans le II de l'article 36, substituer aux mots : " le prévoir , les mots : " ne l'interdit pas . »
La parole est à M. Alain Vidalies.
M. Alain Vidalies. Je répondrai tout d'abord à M. Gremetz que nous ne traitons, à cet article, que de la question du rapport entre les accords collectifs. Il ne s'agit pas des accords dérogatoires prévus par la loi. La question des accords dérogatoires de 1982 n'est pas posée ici, mais se posera aux articles suivants.
La remise en cause du principe de faveur doit être expresse. Je reprends la rédaction défendue par le rapporteur. Je ne doute donc pas que, cette fois-ci, il acceptera mon amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Rejeté par la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 228.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 36, modifié par l'amendement n° 352.
M. Maxime Gremetz. Le groupe communiste vote contre !
M. le président. Je le sais, monsieur Gremetz !
(L'article 36, ainsi modifié, est adopté.)
Article 37
M. le président. « Art. 37. - I. - L'article L. 132-23 du code du travail est complété comme suit :
« En matière de salaires minimum, de classifications, de garanties collectives mentionnées au titre Ier du livre IX du code de la sécurité sociale et de mutualisation des fonds recueillis au titre du livre IX du code du travail, la convention ou l'accord d'entreprise ne peut comporter des clauses dérogeant à celles des conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels.
« Dans les autres matières, la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement peut comporter des dispositions dérogeant à celles qui sont applicables en vertu d'une convention ou d'un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord en dispose autrement. »
La parole est à M. Maxime Gremetz, inscrit sur l'article.
M. Maxime Gremetz. Le principe de faveur est un pivot essentiel de l'ordre public social. Ce principe organise l'ordonnancement des différentes normes du droit du travail de manière dérogatoire à la hiérarchie des normes en droit, en ce sens que c'est la norme au contenu le plus favorable au salarié qui doit trouver application. Comme cela vient d'être précisé, nous n'insisterons jamais assez sur les conséquences de cet article qui vient faire voler en éclat cette philosophie de la législation sociale. Vous faites purement et simplement sauter tous les garde-fous. Vous revenez cinquante ans en arrière. Cette révolution que vous annoncez est en réalité une véritable régression !
En effet, cet article bat en brèche les principes acquis depuis 1945. C'est la contrepartie accordée au MEDEF. Vous élargissez considérablement le domaine dérogatoire en permettant à l'entreprise la signature d'accords moins favorables que ceux qui ont pu être contractés au niveau de la branche ou interprofessionnel. La possibilité d'accords dérogatoires existe déjà, mais vous les généralisez. Si l'on en fait un système, autant dire que la hiérarchie entre les niveaux interprofessionnels, de branche et d'entreprise n'existe plus. Quand on connaît la réalité de la situation dans les entreprises, on peut imaginer qu'un tel système permettra toutes sortes de remises en cause de textes interprofessionnels et d'accords de branche. Comme le voulait le MEDEF, nous pouvons gager qu'un tel système dérogatoire revient à promouvoir des accords définis par les directions d'entreprises. Ce faisant, vous faites une entorse favorable au patronat et contraire à la position commune, car cette dernière, répétons-le, prévoit que la possibilité de dérogation doit être mentionnée au moment de la conclusion de l'accord.
Vous inversez ce raisonnement pour faire valoir l'absence d'opposition à la dérogation, faisant de la dérogation la règle et du respect du principe de faveur une exception.
Par ailleurs, on peut se demander pour quelles raisons le principe de faveur est remis en cause, alors que le projet de loi s'inscrit dans une démarche de renouveau de la négociation collective. Vous ouvrez là une boîte de Pandore et nous allons assister aux pires régressions en matière de droit du travail.
Le MEDEF est très content, car vous lui donnez la possibilité de remettre en cause toute la législation qui le freine dans sa croisade anti-sociale - et le mot de "croisade est bien modeste. Vous en devenez le complice - pour ne pas dire : "le bras armé.
Cet article cristallise, à juste titre, toutes les oppositions des organisations syndicales. Vous demandez au Parlement - c'est-à-dire à la majorité de voter - ce texte contre l'ensemble des organisations syndicales, qui redoutent toutes la fin des garanties collectives qu'apportait la loi aux salariés. Quel formidable dialogue social !
Monsieur le ministre, avec cet article et le suivant, je vous le dis en toute franchise, vous êtes responsable de la fin du code du travail. Vous inscrivez votre nom dans l'histoire. Vous devenez le Père Noël du MEDEF, en lui apportant un cadeau royal : lui permettre de déréglementer comme il l'entend. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Dominique Tian. Et le baron ?
M. Maxime Gremetz. Des cadeaux, vous n'en faites pas beaucoup, et quand vous en faites, c'est pour le MEDEF. Là, il doit être content, car vous le choyez !
M. Dominique Tian. Vous oubliez Mme Bettencourt !
M. Maxime Gremetz. En précisant que l'interdiction de dérogation est circonscrite notamment aux salaires minimum et aux classifications, qui ne sont pas les champs les moins importants, vous élargissez - pour ne pas dire que vous généralisez - le champ de la dérogation. Tout relève maintenant du domaine du dérogatoire, du négociable, voire du bradable !
La braderie des droits sociaux et des garanties est donc ouverte. C'est une mauvaise nouvelle pour les fêtes de fin d'année !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques n°s 142, 165 et 229.
L'amendement n° 142 est présenté par M. Vercamer ; l'amendement n° 165 est présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ; l'amendement n° 229 est présenté par MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste.
Ces amendements sont ainsi rédigés :
« Supprimer l'article 37 ».
La parole est M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 142.
M. Francis Vercamer. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° 142 est retiré.
La parole est à Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 165.
Mme Martine Billard. L'article 37 permet de déroger à tout, sauf à quelques exceptions inscrites dans son premier paragraphe. Ces exceptions semblent très généreuses, mais elles n'ont que l'apparence de la générosité !
Ainsi, vous prévoyez qu'il n'est pas possible de déroger au salaire minimum.
Toutefois, il faut savoir que, dans un certain nombre de branches, le salaire minimum est actuellement inférieur au SMIC. Donc, le fait d'écrire dans le texte qu'il n'est pas possible de déroger au salaire minimum ne changera finalement pas grand-chose pour les salariés, puisqu'on ne peut pas déroger au SMIC.
Vous prévoyez également qu'il n'est pas possible de déroger aux classifications. Toutefois, si vous aviez écrit qu'on pouvait déroger, le phénomène de dumping aurait été tel que des entreprises n'auraient plus pu embaucher, notamment celles appartenant à des secteurs où il y a déjà des difficultés d'embauche du fait des départs massifs en retraite ; cela aurait été une entrave à la fluidité.
Par ailleurs, normalement, dans les branches, tout au moins dans celles où j'ai travaillées, les salaires sont liés à la classification. Par conséquent, parler de « salaire minimum » n'a pas de sens - j'ai du reste déposé un amendement incitant à supprimer le mot « minimum » -, puisque vous touchez un salaire minimum en fonction de votre classification.
Quant aux garanties collectives, c'est la moindre des choses. Etant donné que l'on va réduire peu à peu les garanties en termes de financement des retraites complémentaires ou de la prévoyance, dans le cadre de la future réforme de la sécurité sociale, il faut bien maintenir un certain nombre de garanties ailleurs, de façon à ce que les salariés continuent tout de même à avoir une certaine couverture. Faute de quoi le recul serait tel que cela deviendrait intenable.
De surcroît, étant donné que la première partie de ce projet de loi porte sur la formation professionnelle, la moindre des choses aurait été d'inscrire dans le texte qu'il était impossible de déroger à tous les articles relatifs à la formation professionnelle et pas seulement aux dispositions concernant la mutualisation des fonds.
M. le président. La parole est à M Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 229.
M. Alain Vidalies. L'article 37 remet en cause le principe de faveur qui peut s'appliquer dans un accord de branche ou un accord d'entreprise. Nos interrogations en la matière - que j'ai déjà évoquées - portent sur le respect de la Constitution, ce qui montre bien qu'il s'agit d'une question grave.
Nous savons bien qu'un tel principe n'a pas de valeur constitutionnelle mais qu'il est un principe général du droit, selon plusieurs décisions expresses du Conseil constitutionnel à ce sujet. Or qui dit principe général du droit dit compétence du législateur conformément à l'article 34 de la Constitution. Disposons-nous encore de cette compétence quand le législateur s'en tient à des formulations expresses et renvoie l'exercice de cette compétence aux partenaires sociaux ?
Jusqu'à présent, chaque fois que la question s'est posée, il s'agissait de vérifier si, en prenant un décision expresse concernant un texte particulier - et non une méthode ou une règle -, le législateur avait respecté ses compétences. Et, à chaque fois, le Conseil constitutionnel a répondu par l'affirmative. Toutefois, avec ce texte, nous abordons un mode d'organisation totalement différent. Et pour savoir quelles sont les conséquences des mesures qui nous sont proposées, il faut aller puiser ici dans le code du travail, là dans des conventions collectives.
Pour notre part, nous estimons que, dans sa rédaction actuelle, l'article 37, notamment dans son alinéa 2, ne respecte pas les dispositions de la Constitution, en posant le principe d'une « compétence négative du législateur ». Nous n'exerçons pas les pouvoirs que la loi nous confie en ne faisant pas respecter la mise en oeuvre de ce principe général de droit qu'est le principe de faveur. Si ce principe relève de la compétence du législateur, s'il a été consacré comme il l'a été, c'est bien que son importance a été reconnue, même s'il n'est pas de nature constitutionnelle.
Il s'agit d'un problème que j'avais évoqué dans l'exception d'irrecevabilité, mais je tenais à l'aborder de nouveau, compte tenu des conséquences de tous ordres, y compris juridiques, que ne manquera pas d'avoir le dispositif qui nous est proposé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements. Le débat est le même que celui que nous avons eu sur l'article 36, mais les arguments avancés sur la remise en cause du principe de faveur sont encore moins recevables ici, puisque la convention de branche conserve son caractère impératif dans certains domaines : le salaire minimum, les classifications, la prévoyance et la mutualisation des fonds de la formation professionnelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est hostile à ces amendements de suppression. J'ai déjà répondu à M. Vidalies sur son argumentation constitutionnelle, et en particulier sur la question de la compétence négative du législateur. Je voudrais maintenant lui répondre plus au fond à la fois sur l'article 37 et sur l'article 38, qui doivent être analysés ensemble.
L'article 37 du projet de loi encourage la négociation d'entreprise, tandis que l'article 38 en généralise le champ en prévoyant que l'ensemble des sujets susceptibles d'être négociés au niveau de la branche peuvent l'être également au niveau de l'entreprise.
Le texte établit une compétence de droit commun pour la négociation d'entreprise en autorisant que les accords conclus à ce niveau prévoient des dispositions différentes de celles des conventions de branche, dans le respect de la loi, naturellement, et des dispositions impératives des conventions de branche.
Pour autant, cette extension de la négociation d'entreprise ne remet en cause ni la place de la loi, ni le rôle de la branche. La branche garde son rôle quasi réglementaire dans les domaines des minima et des classifications. Elle peut, si elle le souhaite, développer une fonction d'encadrement de la négociation d'entreprise ou prévoir des dispositions subsidiaires applicables en l'absence d'accord d'entreprise, dans l'esprit de l'accord interprofessionnel de 1995. Enfin, elle peut maintenir sur tous sujets les dispositions impératives nécessaires à la régulation des conditions de concurrence, auxquelles l'entreprise ne pourra pas déroger.
La position commune - car, une fois encore, c'est à partir d'elle que nous avons construit ce compromis - affirme elle-même la place que doit prendre la négociation d'entreprise, qui « permet de trouver et de mettre en oeuvre des solutions prenant directement en compte les caractéristiques et les besoins de chaque entreprise et de ses salariés. » La position commune indique bien qu'il appartient à la branche de choisir les dispositions qu'elle entend rendre impératives.
Au demeurant, ces dispositions s'inscrivent dans la logique du rapport du conseiller d'Etat Yves Robineau, en 1997, dont Mme Aubry ne récusait pas les termes. Bien au contraire, elle demandait le 23 juin 1997 aux partenaires sociaux de s'en inspirer, ce qu'ils ont fait dans la position commune.
M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 165 et 229.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 303 n'est pas défendu.
Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 166 et 230.
L'amendement n° 166 est présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère, l'amendement n° 230 est présenté par MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste.
Ces amendement sont ainsi rédigés :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 37, supprimer le mot : "minimum. »
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 166.
Mme Martine Billard. J'ai déjà défendu cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 230.
M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, vous avez cité plusieurs fois le rapport Robineau. Aussi, le mieux est d'en rappeler le texte. Par ailleurs, j'indique que vous avez eu raison de construire votre raisonnement en vous référant à la fois à l'article 37 et à l'article 38.
Cela dit, j'estime qu'il n'est pas possible de raisonner en termes généraux et qu'il faut des dispositions expresses. Voilà où se situe le débat entre nous.
Le conseiller d'Etat Robineau écrit dans son rapport que « l'article L. 132-26 précise bien que cette faculté de dérogation doit être expressément prévue par la disposition à laquelle il peut être ainsi dérogé, conséquence élémentaire du principe de la hiérarchie des normes ».
Il ajoute : « En second lieu le Parlement méconnaîtrait sa propre compétence si l'ampleur du champ ouvert à la négociation dérogatoire par branche ou par entreprise conduisait à restreindre à l'excès le tronc commun du droit du travail d'application uniforme au plan national que sont les principes fondamentaux visés à l'article 34 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a ainsi considéré dans sa décision que la fixation des seuils d'effectifs, eu égard à ses conséquences sur le champ d'application de ces procédures de conclusion d'accord collectif du travail, relève en principe de la seule compétence législative. »
Et il conclut ainsi : « L'accord dérogatoire comportant des clauses moins favorables doit donc être encadré par la loi de manière suffisante. »
Ces quelques lignes sont exactement contraires à la démonstration que vous venez de faire, monsieur le ministre. Le rapport Robineau va dans le sens de ce que nous souhaitions : à ce stade, il n'est besoin de rien d'autre que d'une mise en conformité juridique. Si la dérogation doit être expresse, il faut préalablement, bien entendu, que s'engage une discussion entre les partenaires sociaux sur chacun des points, puisque ce sont eux qui seront chargés de la mise en oeuvre. Il ne faut pas que, par la suite, ils puissent s'étonner de l'ampleur des conséquences d'un texte qui ne décline que des principes généraux.
M. Gaëtan Gorce. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté ces deux amendements. L'impossibilité pour l'accord d'entreprise de déroger à la fois aux minima de branche et aux classifications fixées par la branche me semble répondre au souci exprimé par les auteurs des deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que celui de la commission : rejet.
M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 166 et 230.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je vais suspendre la séance pendant quelques minutes.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Mes chers collègues, il nous reste encore une centaine d'amendements à examiner. Il ne sera donc pas possible de terminer l'examen de ce texte à une heure normale cette nuit. Je vous propose de continuer nos travaux jusqu'à minuit. Monsieur le ministre, cela vous convient-il ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je suis aux ordres de l'Assemblée !
M. le président. Si tout le monde est d'accord, allons jusqu'à minuit et nous terminerons vraisemblablement demain dans l'après-midi.
Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 167, ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 37, après le mot : "classifications,, insérer les mots : "d'indemnités de licenciement,. »
La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. Cet amendement vise à rendre impossible toute dérogation concernant les indemnités de licenciement. Le plancher de celles-ci est faible, puisque, de mémoire, je crois que le code du travail prévoit de les fixer à un dixième de mois à partir de deux ans d'ancienneté. Un salarié qui a travaillé dix ans dans une entreprise touche donc une indemnité de licenciement correspondant à un mois de salaire, ce qui fait une petite somme s'il est au SMIC. Cela dit, de nombreux accords de branche ont porté le niveau des indemnités à un tiers de mois par an, ce qui fait trois mois de salaire pour dix ans, au lieu de un mois comme le prévoit le code du travail.
En tant qu'écologiste, bien entendu je défends l'emploi, mais j'accepte certaines modifications et je ne suis pas pour l'interdiction de tous les licenciements. Cela dit, il ne faudrait pas ajouter encore à la précarité qui règne actuellement en permettant à un accord dérogatoire de réduire les indemnités de licenciement. Cela me semble le minimum dans la période de bouleversements que nous vivons.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Cet amendement et les sept suivants visent à exclure différents thèmes de l'assouplissement de la hiérarchie des normes proposé par l'article 37. Ils sont évidemment contraires à l'esprit même du texte. Par ailleurs, ils semblent oublier que l'ensemble des thèmes évoqués bénéficient de toute façon de garanties légales qu'il n'est pas proposé de remettre en cause. En conséquence, la commission a rejeté tous ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 167.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement n° 168, ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 37, après le mot : ", classifications,, insérer les mots : "de préavis de licenciement,. »
Sur cet amendement, je suis saisi de deux sous-amendements, n°s 393 et 394, présentés par MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste.
Le sous-amendement n° 393 est ainsi rédigé :
« Dans l'amendement n° 168, avant les mots : "de préavis de licenciement, insérer les mots : "notamment pour les cadres. »
Le sous-amendement n° 394 est ainsi rédigé :
« Dans l'amendement n° 168, substituer au mot : "préavis, les mots : "délai-congé. »
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 168.
Mme Martine Billard. Il s'agit de rendre impossibles les dérogations aux accords de branches de la durée s'agissant des préavis de licenciement.
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir les sous-amendements n°s 393 et 394.
M. Alain Vidalies. Le sous-amendement n° 393 est de précision dans la mesure où certaines dispositions conventionnelles spécifiques aux cadres pourraient être remises en cause. Quant au sous-amendement n° 394, il se justifie par son texte même.
M. le président. La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 393.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 394.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 168.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 169, ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 37, après le mot : "classifications,, insérer les mots : "de jours fériés,. »
Sur cet amendement, MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste ont présenté un sous-amendement, n° 392, ainsi rédigé :
« Dans l'amendement n° 169, après les mots : "de jours fériés,, insérer les mots : "et d'organisation du travail du dimanche. »
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 169.
Mme Martine Billard. Cet amendement est très important. En effet, les salariés croient que le fait que les jours fériés sont chômés et payés figure dans la loi et ils vont découvrir avec stupeur que ce n'est pas le cas, que c'est dans les conventions collectives et qu'il pourra, demain, y avoir des dérogations. Des accords d'entreprise pourront prévoir que les jours fériés seront chômés, mais plus payés, ou ne seront plus chômés, ou seront payés différemment. C'est un point très important, car il s'agit de droits qui sont acquis depuis très longtemps. Le paiement des jours fériés chômés remonte à 1968 avec la généralisation du principe de la mensualisation dont bénéficient aujourd'hui pratiquement tous les salariés. L'immense majorité d'entre eux perçoit le même salaire tous les mois, quel que soit le nombre de jours travaillés. Nous avons onze jours fériés chômés. Les conventions collectives précisent les conditions pour les prendre et leurs modalités de paiement. Tout cela risque d'être demain remis en cause, entreprise par entreprise ou zone par zone. C'est une mauvaise idée. Il ne faut pas revenir sur cette avancée qu'a été la mensualisation.
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir le sous-amendement n° 392.
M. Alain Vidalies. Je m'interroge sur les conséquences de la nouvelle organisation qui nous est proposée pour ce qui concerne le travail le dimanche. Ce n'est pas une mince affaire, car vous savez bien que cette question suscite de nombreux débats au niveau local et des interventions des élus pour obtenir des dérogations. Quand le travail du dimanche est encadré au niveau de la branche, il est acceptable. Mais si, demain, les dérogations sont possibles entreprise par entreprise, je crains que cela n'aboutisse à une déréglementation générale. Je me demande si cette question du travail du dimanche entre bien dans le nouveau champ de négociation de l'entreprise.
M. le président. La commission s'est déjà exprimée sur cet amendement.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je tiens à rassurer M. Vidalies sur ce point : la question du travail du dimanche relève de la loi. Il n'est donc pas question d'y déroger.
Quant à l'argumentation de Mme Billard, je la trouve intéressante parce qu'elle me permet de préciser à nouveau deux points. Premièrement, les conventions collectives déjà signées ne sont pas concernées. Deuxièmement, pour que l'hypothèse évoquée par Mme Billard se produise, il faudrait que les partenaires sociaux décident de renégocier une convention collective, que, avec les règles de majorité, ils acceptent d'inclure dans le champ des dérogations cette question des jours fériés et qu'enfin, dans l'entreprise, se dégage une majorité qui accepte de revenir sur ce point. On voit bien quel fossé il y a entre les craintes que vous manifestez, madame Billard, et le dispositif que nous mettons en place.
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Votre défense paraît facile, monsieur le ministre, mais il faut s'interroger sur vos intentions pour la suite. On ne peut figer les choses. Comme par hasard, vous avez confié à M. de Virville la mission de se pencher sur le code du travail. Je suppose que ce n'est pas pour rien ! Il faut faire le lien avec le RMA au statut si dérogatoire, et avec ce que vous êtes en train de décider avec votre majorité. Vous vous apprêtez, pour reprendre la formule de Bernard Thibault, car elle est juste, à « détricoter » le code du travail. Tout ça c'est pour après, mais il faut regarder le mouvement, car rien n'est figé.
Dans le même temps, je précise, pour aider à comprendre un peu mieux le contexte, que vous avez commandé une étude sur un nouveau type de contrat, un contrat de mission - on ne dit pas « mission » parce que ce terme est réservé à l'intérim, mais c'est bien de cela qu'il s'agit - pour six, huit ou dix jours selon l'importance des missions et sans garanties sociales. Ce sera mieux que les CDD parce qu'on commencera par ne plus payer la prime de précarité et ce sera beaucoup moins cher. Les organisations syndicales qui prennent tous ces éléments en compte voient bien dans quel sens les choses vont. Elles peuvent juger sur pièce. Elles perçoivent le sens du vent et du mouvement. Heureusement, on finira bien par vous arrêter un jour mais, en attendant, nous prenons acte.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 392.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 169.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 170, ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 37, après le mot : "classifications,, insérer les mots : "d'ancienneté,. »
Sur cet amendement, MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste ont présenté un sous-amendement, n° 398, ainsi rédigé :
« Dans l'amendement n° 170, avant les mots : "d'ancienneté, insérer les mots : "de primes et de congés. »
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 170.
Mme Martine Billard. Malheureusement, monsieur le ministre, ces craintes se fondent sur la pratique. Si aujourd'hui, dans certaines PME, les salariés peuvent refuser des demandes qui sont à la limite de l'illégalité, c'est précisément parce qu'ils peuvent s'appuyer sur le code du travail et les conventions. Nous n'inventons rien. Je prendrai l'exemple d'une branche précise, celle des bureaux d'études, qui relève de la convention Syntec. Il y a encore cinq ans, les ingénieurs et cadres, lorsqu'ils n'exerçaient pas de fonctions d'encadrement, avaient, comme tout salarié, un contrat de travail de 39 heures. Dans ce secteur des PME de l'informatique qui conçoivent des logiciels, les 39 heures étaient assez théoriques. Mais, les salariés pouvaient se battre pour limiter les excès, pour refuser de venir travailler le 1er mai, par exemple, ce qui est illégal, ou de travailler systématiquement le dimanche. Vous allez me dire que je vous raconte des histoires à la Zola, mais non ! C'est la réalité dans de nombreuses petites PME de l'informatique, même si c'est peut-être un peu moins vrai aujourd'hui, parce que la bulle informatique a explosé. L'un des moyens de résister pour les salariés était de s'appuyer sur le code du travail, sur les conventions de branche et, de temps en temps, sur l'inspection du travail, malheureusement pas toujours, en raison des faibles moyens dont disposent les contrôleurs du travail.
Avec cet amendement, je propose qu'il ne soit pas possible de déroger à l'ancienneté. Les accords sur l'ancienneté permettent d'avoir des jours de congé en plus. On va me dire que c'est en contradiction avec le retour à la valeur travail, mais, en général, l'ancienneté donne droit à un jour de congé supplémentaire au bout de dix ans, à deux jours au bout de quinze ans - on ne peut pas considérer que ce soit un encouragement à aller au parc de loisirs, comme je l'ai entendu une fois - ou à une prime. Demain, des dérogations pourront supprimer ces jours de congé dus à l'ancienneté, dont certains ont déjà disparu lors des négociations sur les trente-cinq heures, ou la prime d'ancienneté, ce qui réduira d'autant les salaires. L'une des critiques adressées par l'UMP aux 35 heures était pourtant que celles-ci avaient provoqué une baisse, ou du moins une stagnation des salaires.
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir le sous-amendement n° 398.
M. Alain Vidalies. Un examen attentif de ces mesures permet de mettre en évidence les difficultés qu'elles engendrent. Je vous ai interrogé sur le travail du dimanche et vous m'avez répondu, monsieur le ministre, que c'était du domaine de la loi. Vous faites référence à l'article L. 221-6 du code du travail. Mais sur la question du travail du dimanche effectué par des équipes de suppléance, l'article L. 221-5-1 prévoit un accord général, qui est un accord de branche, puis un accord d'application, qui est un accord d'entreprise. En l'occurrence, on passerait uniquement par l'accord d'entreprise.
On voit bien les questions pratiques qui sont posées par ces amendements et sous-amendements. On voit bien la réalité à laquelle on va aboutir.
Le sous-amendement n° 392, enfin, se justifie par son texte même.
M. le président. L'avis de la commission a déjà été donné, et le Gouvernement est du même avis.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 398.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 170.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 171, ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 37, après le mot : "classifications,, insérer les mots : "d'allocation maladie,. »
La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. Je tiens à défendre ces amendements, car la majorité des salariés ne se rendent pas compte de ce qui va se passer et de la réduction de droits dont ils pourraient être victimes. Je tiens à ce qu'ils aient la possibilité, le cas échéant, de retrouver ces explications.
L'amendement n° 171 vise à exclure des dérogations possibles les négociations relatives aux allocations maladie. A l'heure actuelle, il existe un délai de carence de trois jours, en cas d'arrêt maladie. Ces trois jours ne sont pas payés, sauf accord de convention ou accord d'entreprise. Il en est de même en cas d'arrêt maladie prolongé, dont la gestion dépend aussi des conventions de branche.
C'est très important. Cela risque de se traduire, à terme, par une importante régression salariale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 171.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 172, ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 37, après le mot : "classifications,, insérer les mots : "d'organisation du temps de travail, ».
Sur cet amendement, je suis saisi de deux sous-amendements n°s 396 et 395 présentés par MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste.
Le sous-amendement n° 396 est ainsi rédigé :
« Dans l'amendement n° 172, après les mots : "d'organisation du temps de travail,, insérer les mots : "notamment de travail de nuit et de travaux par roulement. »
Le sous-amendement n° 395 est ainsi rédigé :
« Dans l'amendement n° 172, après les mots : "d'organisation du temps de travail,, insérer les mots : "notamment de contingent annuel d'heures supplémentaires. »
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 172.
Mme Martine Billard. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour présenter les sous-amendements n°s 396 et 395.
M. Alain Vidalies. Ils sont défendus.
M. le président. Même avis défavorable de la commission et du Gouvernement sur cet amendement et sur ces sous-amendements.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 396.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 395.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 172.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 173, ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 37, après le mot : "classifications,, insérer les mots : "d'horaire de travail,. »
Sur cet amendement, MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 397, ainsi rédigé :
« Dans l'amendement n° 173, après les mots : "d'horaires de travail,, insérer les mots : "de temps partiel. »
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 173.
Mme Martine Billard. Il est également défendu.
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour présenter le sous-amendement n° 397.
M. Alain Vidalies. Il est également défendu.
M. le président. Même avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 397.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 173.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 174, ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 37, après le mot : "classifications,, insérer les mots : "de congés pour événements de famille,. »
La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. En cas d'événements de famille, comme les décès ou les naissances, un certain nombre de jours de congés sont prévus dans le code du travail. Certaines conventions permettent d'étendre ce nombre.
Il me semble important de maintenir un certain niveau de congés. Aujourd'hui, le code du travail ne prévoit qu'un minimum, notamment en cas de décès. Les conventions permettent d'avoir un peu plus de jours de congé, ce qui est très utile car, aujourd'hui, les familles sont très éclatées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 174.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. M. Depierre et M. Barrot ont présenté un amendement, n° 191, ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 37, substituer aux mots : "au titre Ier du livre IX, les mots : "à l'article L. 912-1. »
La parole est à M. Bernard Depierre.
M. Bernard Depierre. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. Jusqu'ici, M. le ministre a refusé systématiquement tous les amendements. Et il accepte le seul qui aggrave la situation en augmentant les possibilités de dérogations, dont ne serait exclu que le champ très restreint de la protection sociale complémentaire. Je suis étonnée et inquiète.
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
M. Alain Vidalies. Il n'y a jamais eu aucun débat sur cet amendement ! Le rapporteur nous explique qu'il y est favorable sans autre explication et le Gouvernement aussi. Or tel amendement est en retrait par rapport au projet du Gouvernement, lequel affirme respecter à la lettre les objectifs des partenaires sociaux. Le sujet n'est pas anodin, puisqu'il concerne les mécanismes de protection collective.
J'estime que nous devrions avoir des éclaircissements sur cet amendement, qui n'est pas soutenu en séance par ses auteurs, sur lequel le rapporteur ne donne aucune explication et auquel le ministre est favorable sans commentaire.
Nous souhaiterions donc avoir des explications à la fois sur la portée de cet amendement et sur les raisons qui poussent le Gouvernement à accepter une proposition en retrait sur le plan social, alors qu'il refuse toutes celles que nous avons formulées en sens inverse.
Monsieur le ministre, je vous ai dit l'autre jour que vous étiez un adepte de la marche arrière. J'espère que ce n'est pas pour aller dans le sens de ma démonstration !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous faites un faux procès et au Gouvernement et à la majorité ! Il s'agit d'un amendement de précision. La position commune prévoyait que les accords mutualisant les risques en matière de prévoyance ne pouvaient pas faire l'objet de dérogations. L'amendement précise, à travers l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale ce que sont les accords mutualisant les risques en matière de prévoyance. Il n'y a là aucun recul, mais une définition plus claire de ce souhaitaient les partenaires sociaux.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 191.
M. Maxime Gremetz. Contre !
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 175, ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 37, substituer aux mots : " mutualisation des fonds recueillis au titre du , les mots : " celles mentionnées au . »
La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. Au titre I relatif à la formation professionnelle, un article précisait que les accords à venir dans le titre II ne remettaient pas en cause l'accord national interprofessionnel sur la formation professionnelle.
Pourquoi ne pas préciser qu'il ne peut pas être dérogé aux articles concernant la formation professionnelle ? En l'occurrence, seule la mutualisation serait concernée.
Je suis un peu étonnée de constater que malgré le débat que nous avons eu, cet accord interprofessionnel transposé dans la loi n'est pas protégé dans cet article.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 175.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 294, ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 37, après les mots : " l'accord d'entreprise , insérer les mots : " ou d'établissement . »
La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. Avec cet amendement, je vais presque dans votre sens, monsieur le ministre. Bizarrement, dans tous les articles qui suivent, des dérogations sont prévues au niveau de l'entreprise et de l'établissement. Personnellement, je suis totalement opposée aux accords dérogatoires au niveau de l'établissement. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, je pense qu'on ne doit pas admetre des niveaux différents au sein d'une même entreprise. Mais si vous ne prévoyez pas, à cet endroit de l'article 37, que l'ensemble des protections s'appliquent, y compris dans les établissements, on risque d'en conclure que, par défaut, des accords d'établissements peuvent déroger en matière de salaire minimum ou de protection sociale.
Monsieur le ministre, je vous tends une perche.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Toutefois, à titre personnel, je tiens à dire à Mme Billard que je le regrette. Cet amendement, n° 294 a, par erreur, été assimilé à la série des amendements n° 167 à 174, que nous venons de rejeter. Or il apporte une précision tout à fait utile. En conséquence, à titre personnel, je suis tout à fait favorable à son adoption.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement prend la perche que lui tend Mme Billard et suggère à l'Assemblée de voter cet amendement qui apporte effectivement une précision utile.
M. le président. Beau succès, madame Billard !
M. Maxime Gremetz. Formidable !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 294.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Madame Billard, mes félicitations.
Mme Martine Billard. J'aurais préféré qu'il s'agisse d'un autre amendement ! (Exclamations.)
M. le président. Ne boudez pas votre plaisir ! (Sourires.)
M. Gremetz, M. Dutoit, Mme Jacquaint et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 114, ainsi rédigé :
« Supprimer le dernier alinéa de l'article 37. »
La parole est à M. Frédéric Dutoit.
M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, nous proposons de supprimer le dernier alinéa de cet article. Je ne reviendrai pas sur ce que nous avons déjà dit sur la manière dont le Gouvernement remet en cause le principe de faveur. Il ne pourra pas dire que nous ne l'avons pas alerté sur les dangers que comporte cet alinéa de l'article 37 !
Monsieur le ministre, vous ouvrez grand les vannes de la déréglementation et de l'atomisation de notre société.
Autant de règles que d'entreprises : voilà qui va poser un grave problème à notre société tout entière, condamnée à être régie par la loi de la jungle, une société voulue par le patronat - si j'en crois ses prises de parole - à qui vous donnez tous les gages.
Vous revenez sur des conquêtes aussi fondamentales qu'anciennes. Je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi vous voulez balayez ainsi cinquante ans d'une législation sociale qui a fait la grandeur de la France. Avec ce texte, vous organisez sa décadence. A cet instant du débat, le baron Seillière doit être satisfait du travail de cette majorité, qui répond, comme en écho, à sa volonté de refondation sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
M. Maxime Gremetz. Nous demandons un scrutin public sur cet amendement !
M. le président. Sur l'amendement n° 114, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, et nous allons suspendre trois minutes en attendant que le délai soit écoulé.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 114.
Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
Le scrutin est ouvert.
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 49
Nombre de suffrages exprimés 49
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 10
Contre 39
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 176, ainsi rédigé :
« Dans le dernier alinéa de l'article 37, supprimer les mots : "ou d'établissement. »
La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. Dans cet amendement et plusieurs de ceux qui suivent, je demande maintenant la suppression du mot « établissement ». J'observe d'ailleurs, monsieur le ministre, que lorsque vous intervenez pour défendre les accords de niveau inférieur, vous parlez toujours des accords d'entreprise et jamais des accords d'établissement. Il est vrai qu'on a tendance à les oublier. Je n'en trouve pas moins particulièrement dangereux, j'y insiste, que puissent coexister au sein d'une même entreprise des niveaux de protection différents. Cela pose un problème au regard de l'égalité des salariés, notamment en matière de contrat de travail. Lorsqu'on signe un contrat de travail, en effet, c'est avec l'entreprise et c'est normalement à l'entreprise et non à l'établissement que les droits salariaux doivent être attachés.
Déjà, l'existence de droits inférieurs selon le lieu de travail pose problème lorsque les établissements sont situés dans des régions différentes, mais imaginez que ce soit dans la même ville... Les discriminations entre salariés seraient alors totalement inacceptables.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Il est en effet contradictoire avec l'amendement n° 94 que nous venons d'adopter.
M. Gaëtan Gorce. Argument simpliste !
Mme Martine Billard. Faites un effort, monsieur le rapporteur !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je ferai un effort pour rappeler à Mme Billard qu'il s'agit là de dispositions traditionnelles de notre code du travail, qui ne distingue pas les accords d'entreprise et les accords d'établissement. Ainsi, la loi de janvier 2000 sur la RTT prévoyait que l'accord de RTT était soit un accord d'entreprise, soit un accord d'établissement. La négociation collective au sein d'un établissement distinct permet effectivement d'établir des différences de traitement entre les salariés de la même entreprise, mais c'est le cas depuis 1982. Je n'ai pas souhaité modifier les règles en ce domaine et j'invite l'Assemblée à repousser l'amendement n° 176.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 176.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. M. Anciaux, rapporteur, a présenté un amendement, n° 353, ainsi rédigé :
« Dans le dernier alinéa de l'article 37, après le mot : "dérogeant, insérer les mots : "en tout ou en partie. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 353.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 231, ainsi rédigé :
« A la fin du dernier alinéa de l'article 37, substituer aux mots : "sauf si cette convention ou cet accord en dispose autrement, les mots : "si cette convention ou cet accord l'autorise expressément. »
La parole est à M. Alain Vidalies.
M. Alain Vidalies. Cet amendement de repli pose le même principe que le précédent au niveau de l'entreprise. La possibilité de dérogation doit être explicitement prévue par les partenaires sociaux et la dérogation ne doit pas devenir la règle sans que l'on sache exactement quel peut en être le contenu. Les débats que nous venons d'avoir sur les amendements de Mme Billard et les sous-amendements montrent bien que le champ d'application de ces mesures est tellement étendu que personne n'a conscience de leurs conséquences exactes. Lorsque les négociateurs aborderont ce sujet ils devront expressément mentionner ce sur quoi l'accord pourra déroger.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Rejet : le débat a déjà eu lieu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 231.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. M. Vercamer a présenté un amendement, n° 144, ainsi rédigé :
« Compléter l'article 37 par l'alinéa suivant :
« Lorsque les dispositions dérogatoires prévues par l'accord d'entreprise sont justifiées par la situation économique de cette dernière, l'accord d'entreprise doit pouvoir être renégocié dans un délai d'un an après sa conclusion ».
La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Cet amendement souffre d'une erreur que je rectifie : il faut lire que l'accord d'entreprise « doit être renégocié » et non « doit pouvoir être renégocié ». Il a pour objet d'encadrer les accords d'entreprise dérogatoires négociés dans le cadre de mesures de redressement économique destinées à éviter un redressement judiciaire, Lorsqu'une entreprise est en difficulté, on peut imaginer, en effet, que salariés et employeurs se mettent d'accord pour essayer de passer le cap. Je propose que les accords de cette nature soient renégociés après un an, une fois le cap passé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. M. Vercamer propose de lier les possibilités de dérogation à des circonstances économiques. La commission a relevé l'imprécision de la notion et souligné que l'obligation de renégocier un an plus tard porterait atteinte à l'autonomie des partenaires sociaux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 144, tel qu'il vient d'être rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 37, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 37, ainsi modifié, est adopté.)
Après l'article 37
M. le président. M. Depierre et M. Barrot ont présenté un amendement, n° 199, ainsi rédigé :
« Après l'article 37, insérer l'article suivant :
« L'article L. 132-24 du code du travail est abrogé. »
La parole est à M. Bernard Depierre.
M. Bernard Depierre. Défendu !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Si cet amendement procède de l'idée louable de simplifier le code du travail, l'abrogation de l'article L. 132-24 ne constitue pas pour autant une simple disposition rédactionnelle. En effet, contrairement à ce qu'indique l'exposé des motifs, la dérogation en matière salariale permise par cet article n'est pas sans condition. Il faut notamment que la masse salariale de l'entreprise soit au moins égale à celle qui résulterait de l'application de la convention de branche. En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car l'article L. 132-23, tel que modifié, et l'article L. 132-24, loin de se contredire, se complètent en laissant une marge de souplesse à l'entreprise, dans le respect des dispositions arrêtées par la branche. La lecture des deux articles qui a conduit à cet amendement ne me paraît pas exacte.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 199.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2003
Communication relative à la désignation
d'une commission mixte paritaire
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Paris, le 16 décembre 2003.
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2003.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.
« J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux même fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »
Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION
M. le président. J'ai reçu, le 16 décembre 2003, de M. Jacques Remiller une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de gestion d'Eurotunnel.
Cette proposition de résolution, n° 1293, est renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.
J'ai reçu, le 16 décembre 2003, de M. Noël Mamère et plusieurs de ses collègues une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête relative au rôle de l'entreprise Vivendi Environnement sur l'utilisation des provisions versées par les communes en vue de l'entretien et de la rénovation des réseaux de distribution d'eau.
Cette proposition de résolution, n° 1294, est renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président J'ai reçu, le 16 décembre 2003, de M. François Loncle un rapport, n° 1290, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale (n° 1284).
J'ai reçu, le 16 décembre 2003, de M. Richard Cazenave un rapport, n° 1291, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la commission préparatoire de l'Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires sur la conduite des activités relatives aux installations de surveillance internationale, y compris les activités postérieures à la certification (ensemble une annexe) (n° 1283).
J'ai reçu, le 16 décembre 2003, de M. Christian Philip un rapport, n° 1296, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (n° 1149).
J'ai reçu, le 16 décembre 2003, de M. Louis Guédon un rapport, n° 1292, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du traité entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à la mise en oeuvre de contrôles frontaliers dans les ports maritimes de la Manche et de la mer du Nord des deux pays (n° 1246).
DÉPÔT D'UN RAPPORT
SUR UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
M. le président. J'ai reçu, le 16 décembre 2003, de M. Roland Blum un rapport, n° 1295, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur la proposition de résolution de M. Noël Mamère, Mme Martine Billard et M. Yves Cochet tendant à la création d'une commission d'enquête sur le rôle de la France dans le soutien aux régimes militaires d'Amérique latine entre 1973 et 1984 (n° 1060).
DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu, le 16 décembre 2003, de M. Bernard Schreiner un rapport d'information, n° 1289, fait en application de l'article 29 du règlement au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, sur l'activité de cette assemblée au cours de la quatrième partie de sa session ordinaire de 2003.
J'ai reçu, le 16 décembre 2003, de M. Jean-Claude Guibal un rapport d'information, n° 1297, déposé en application de l'article 145 du règlement par la commission des affaires étrangères sur l'avenir du processus euroméditerranéen.
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
MODIFIÉ PAR LE SÉNAT
M. le président. J'ai reçu, le 16 décembre 2003, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi de finances rectificative pour 2003, modifié par le Sénat.
Ce projet de loi, n° 1298, est renvoyé à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.
ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES
M. le président. Mercredi 17 décembre 2003, à quinze heures, première séance publique :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1233, relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social :
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 1273).
A vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2004.
M. Gilles Carrez, rapporteur (rapport n° 1285) ;
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1233, relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social :
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 1273).
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
SAISINES POUR AVIS DE COMMISSION
La commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a décidé de se saisir pour avis : du titre Ier et des articles 22 à 34, 36, 37 du titre II et des articles 49 à 52 du titre III du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux responsabilités locales (n° 1218) ; du projet de loi constitutionnelle relatif à la charte de l'environnement (n° 992).
annexes au procès-verbal
de la 3e séance
du mardi 16 décembre 2003
SCRUTIN (n° 417)
sur l'amendement n° 113 de M. Gremetz tendant à supprimer l'article 36 (article L. 132-13 du code du travail) du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (articulation entre les accords interprofessionnels et les conventions de branche).
Nombre de votants
51
Nombre de suffrages exprimés
51
Majorité absolue
26
Pour l'adoption
9
Contre
42
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
Groupe U.M.P. (364) :
Contre : 40 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
Pour : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12) :
Pour : 1. - Mme Martine Billard
SCRUTIN (n° 418)
sur l'amendement n° 114 de M. Gremetz à l'article 37 (article L. 132-23 du code du travail) du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (suppression de la remise en cause du principe dit de faveur ouverte par la généralisation des accords dérogatoires).
Nombre de votants
49
Nombre de suffrages exprimés
49
Majorité absolue
25
Pour l'adoption
10
Contre
39
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
Groupe U.M.P. (364) :
Contre : 37 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
Pour : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12) :
Pour : 1. - Mme Martine Billard
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