Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2003-2004) |
Première séance du mercredi 14 avril 2004 196e séance de la session ordinaire 2003-2004 PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ M. le président. La séance est ouverte. (La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. Nous commençons par une question du groupe socialiste. M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen. M. Pierre Cohen. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. (« Il n'est pas là ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Depuis deux ans, la majorité a utilisé la valeur travail pour orchestrer une attaque en règle contre toutes les avancées économiques et sociales mises en place par le gouvernement Jospin. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On vous a entendu, monsieur le ministre, répéter que les chômeurs sont les principaux responsables de leur sort, et que seul le travail obligatoire de type RMA permettrait de leur éviter la voie de l'exclusion. M. Jean-Marc Roubaud. Comparez avec le STO, pendant que vous y êtes ! M. Pierre Cohen. Vous avez ajouté, monsieur le ministre, que les 35 heures ont détourné les Français du travail et ont mis à mal notre économie. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) S'agissant de la réduction du temps de travail, votre gouvernement a cultivé en permanence un double langage. Pendant que vous donniez l'occasion aux ultra-libéraux de votre majorité parlementaire d'attaquer les 35 heures en leur confiant une mission d'information sur ce sujet (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), le discours officiel tenu jusqu'aux élections régionales, conforté d'ailleurs par les propos du Président de la République et largement repris au cours des auditions de cette mission, consistait à déclarer qu'il n'était pas question de remettre en cause les 35 heures. Or, depuis quelques jours, contrairement aux règles et aux usages de notre assemblée, nous prenons connaissance par les médias de propositions mettant en cause l'application de la RTT avant même qu'elles aient été débattues avec tous les membres de la mission. Aujourd'hui, monsieur le ministre, comme l'essentiel a été prématurément dévoilé avant le rapport de conclusion, vous vous devez d'informer précisément les Français sur vos intentions : voulez-vous remettre en cause la durée légale du temps de travail ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail. M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur Cohen, les 35 heures constituaient-elles une bonne réponse au problème du chômage dans notre pays ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste. - « Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ceux qui croyaient de bonne foi - et il y en avait des deux côtés de cet hémicycle - au principe du partage du travail, ont pu mesurer les limites du système. M. Henri Emmanuelli. C'est faux ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Au fond, les 35 heures satisfaisaient-elles les souhaits de nombreux salariés (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), désireux de pouvoir choisir entre des revenus supplémentaires et plus de temps libre ? En tout cas, il est impossible d'imposer, comme la majorité d'alors a tenté de le faire, une réduction autoritaire du temps de travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) De ce fait, conformément aux engagements du Président de la République, nous avons assoupli ce dispositif et mis fin - je l'ai évoqué hier en réponse à la question de M. Roubaud - au système inégalitaire du multi-SMIC. Cet assouplissement des 35 heures passe par la négociation collective. C'est pour nous essentiel. Cela avait bien manqué lors de son institution ! Il revient donc aux branches professionnelles d'utiliser comme elles l'entendent ces nouvelles possibilités d'assouplissement. De nombreux secteurs, comme le bâtiment ou la métallurgie, en ont déjà tiré parti. Tel est l'équilibre de la réforme. M. Augustin Bonrepaux. Répondez à la question ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Le Gouvernement va prendre connaissance des conclusions et des propositions de la mission d'information conduite par M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques de votre assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et par le rapporteur Hervé Novelli. Monsieur le député, c'est en référence aux engagements pris par le chef de l'Etat, avec comme priorité la confiance dans le dialogue social, que nous les examinerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mme Martine David. Il aurait mieux valu que vous restiez au Sénat, monsieur Larcher ! M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union pour la démocratie française. M. Jean-Christophe Lagarde. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. En janvier dernier, le groupe UDF dénonçait les dérives antidémocratiques de deux dispositions du nouveau statut de la Polynésie française : la loi électorale et le mode de désignation de son président. En effet, la nouvelle loi régissant le mode de scrutin vise à laisser le parti majoritaire et le parti indépendantiste seuls face à face, et donc à priver d'expression tous ceux qui refusent l'indépendance mais qui voudraient tout de même une alternance. Cette exclusion est lourde de dangers pour l'avenir. Ainsi, en application de ce nouveau système majoritaire, avec seulement 46 % des voix, le parti de M. Gaston Flosse pourrait obtenir 80 % des sièges ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) C'est une manœuvre que nous avons dénoncée dès le début, aux côtés du Fetia/Api, le parti autonomiste d'opposition au gouvernement Flosse. Lors de l'examen du projet de loi, nous craignions à juste titre que ces dispositions législatives de circonstance, pour ne pas dire de connivence, n'aboutissent à un charcutage et à un tripatouillage électoral, puis à une dissolution pour convenances partisanes. Aussi, ni l'UDF, ni le Fetia/Api, n'ont été surpris que dès le premier conseil des ministres du nouveau gouvernement Raffarin - comme s'il n'y avait pas d'autres priorités ! - vous ayez décidé de dissoudre l'assemblée de la Polynésie française, élue portant il y a moins de trois ans. M. Christian Paul. C'est scandaleux ! M. Jean-Christophe Lagarde. Y avait-il urgence à agir ? Pouvez-vous nous expliquer quel serait le problème de gouvernance locale qui justifierait une telle décision ? Depuis trente ans, y a-t-il eu vacance du pouvoir ? Existe-t-il un risque d'instabilité institutionnelle ? Bien sûr que non. Et vous le savez bien, monsieur le Premier ministre. Force est de constater que cette assemblée aurait dû pouvoir continuer son travail jusqu'à son terme légal : elle fonctionnait, délibérait, des majorités s'en dégageaient sans difficulté. L'accroissement des pouvoirs de cette assemblée ne peut pas non plus justifier sa dissolution puisque, lors du débat parlementaire, Mme la ministre de l'outre-mer nous avait expliqué qu'il n'était pas significatif. M. le président. Venez-en à votre question, monsieur Lagarde. M. Jean-Christophe Lagarde. Je la pose, monsieur le président. Sans en informer le Parlement et avant même que la motion de censure ait été votée par l'assemblée de Polynésie, le Gouvernement a pris la grave décision de dissoudre. Faute d'une raison valable, pouvez-vous au moins, monsieur le Premier ministre, nous dire quel est le prétexte officiel ? Monsieur le président, vous qui êtes attaché à l'outre-mer, vous savez que c'est une question importante car elle concerne 245 000 citoyens français. Avec de telles méthodes, ils se demandent, à 20 000 kilomètres de Paris, s'ils appartiennent encore à la République française. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.- Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Arnaud Montebourg. C'est une république bananière ! M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer. Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le député, je tiens tout d'abord à vous rappeler qu'il vaut mieux respecter les principes démocratiques sans avoir en tête un respect à géométrie variable des dits principes, en fonction de celui qui les applique. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) La dissolution de l'assemblée territoriale n'est en rien une dissolution de convenance puisque je vous rappelle que le président François Mitterrand avait procédé dans les mêmes circonstances à une dissolution en 1985, à la suite du nouveau statut de 1984. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Chaque modification importante du statut de la Polynésie française a coïncidé avec une nouvelle assemblée, dotée de nouveaux pouvoirs et de nouvelles responsabilités. M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas vrai ! Mme la ministre de l'outre-mer. C'est le respect de la démocratie et l'honneur du gouvernement polynésien que d'avoir demandé à aller à nouveau devant les électeurs pour légitimer la mise en œuvre de ce nouveau statut. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Messieurs les députés du groupe socialiste, je ne vois pas pourquoi ce qui était bon en 1985 serait mauvais en 2004 ! M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas le même cas ! Mme la ministre de l'outre-mer. Monsieur Lagarde, vous avez également évoqué la réforme du mode de scrutin. Je vous rappelle que nous avons créé une nouvelle circonscription pour tenir compte de l'étendue du territoire polynésien. De plus, le scrutin proportionnel, qui a été choisi, permet la représentation des partis non majoritaires. En outre, nous avons suivi l'avis du Conseil d'Etat en prévoyant une prime d'un tiers pour des circonscriptions qui ne disposaient que de trois sièges. Enfin, vous avez évoqué la motion de censure déposée par le parti indépendantiste Tavini : cette motion n'a pas été examinée, mais - désolée ! - je n'y suis pour rien ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Henri Emmanuelli. Magouilleuse ! Mme la ministre de l'outre-mer. Le Tavini n'a pas été capable d'atteindre le quorum de vingt-cinq membres nécessaire à l'examen d'une telle motion ! Je tiens à souligner que nous avons accompli, avec ce nouveau statut, une grande avancée démocratique puisque, désormais, le Tavini est en mesure de déposer une motion de censure alors qu'il n'aurait pu le faire sous le précédent statut - avec dix membres seulement, il ne disposait pas du nombre de sièges nécessaire. Très franchement, je crois que nous n'avons pas de leçons de démocratie à recevoir de vous. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La décision du 2 avril est tout à fait conforme à la procédure qui a déjà été suivie chaque fois que le statut de la Polynésie a changé. (Mêmes mouvements.) M. Henri Emmanuelli. Vous êtes une magouilleuse ! M. le président. Monsieur Emmanuelli, ne forcez pas votre talent. (Sourires.) M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains. M. Jacques Desallangre. Ma question s'adresse à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le ministre, la facture due à la gestion à courte vue de votre gouvernement va bientôt vous être présentée. Et vous ne pourrez y faire face. Depuis deux ans, ce gouvernement a multiplié les cadeaux inutiles aux employeurs : encore dix-huit milliards supplémentaires au budget 2004. Votre ministère a baissé les impôts des plus riches et accumulé les promesses préélectorales non financées - notamment auprès des buralistes, puis des restaurateurs. Au lendemain du naufrage électoral, il vous faut éteindre les incendies que votre ministère a allumés et promettre encore et encore - aux chercheurs, aux intermittents et surtout, évidemment, au MEDEF avide d'allègements. Le MEDEF, c'est votre mentor, votre boîte à idées. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais où trouver l'argent ? La Banque centrale européenne, présidée par M. Trichet, et où se trouve le vrai pouvoir, refuse contre toute raison de baisser les taux d'intérêt pour vous aider à relancer l'économie. Alors, vous vendez les bijoux de famille. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous privatisez la SNECMA, EDF, GDF, ADP, et ce n'est qu'un début. Pris à la gorge, vous qui vous présentez avec assurance, monsieur le ministre, comme le gardien du fruit du travail et des économies de Français, vous allez vendre leur or. Vous allez puiser dans la réserve d'or de la banque de France, ce qu'aucun gouvernement n'a jamais osé. Mais, au fait, avez-vous sollicité l'autorisation de M. Trichet ? Car nous savons tous qu'en matière de politique monétaire, votre volonté ne saurait suffire puisque vous n'avez aucune marge de manœuvre pour rééquilibrer le taux de change de l'euro par rapport au dollar, ni tenter la moindre mesure de relance de l'économie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Allez-vous donc continuer de camoufler votre impuissance avec la pseudo-solution du bradage de nos grandes entreprises publiques et de la vente de l'or de la Banque de France, ce qui revient à dilapider le capital accumulé par des générations de Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mesdames et messieurs les députés, un tel sujet ne doit pas prêter à polémique. C'est pourquoi on va s'en expliquer tranquillement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. Jean-Pierre Brard. Ça m'étonnerait ! M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Premièrement, s'agissant des réserves d'or de la Banque de France, est-il possible qu'un seul d'entre vous trouve naturel et normal qu'elles ne produisent aucun revenu ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Au nom de quoi l'or de la Banque de France serait-il le seul capital dont les propriétaires, c'est-à-dire la nation tout entière, n'auraient pas le droit de s'interroger sur sa capacité à produire des revenus ? Deuxièmement, si la Banque de France n'a pas vendu d'or depuis 1969, d'autres banques européennes l'ont fait. La BCE présidée par M. Trichet - qui n'a pas toujours été votre référence, monsieur Desallangre - (Rires sur bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), a autorisé le Gouvernement à vendre 500 tonnes d'or en cinq ans. Le calcul est simple : 100 tonnes d'or valent environ un milliard d'euros, somme qui peut assurer entre trente-cinq et quarante millions d'euros de revenus par an. M. François Hollande. Ce n'est pas avec ça que le déficit sera comblé ! M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. 500 tonnes d'or permettraient d'obtenir 200 millions d'euros de revenus à un poste où il n'y en avait aucun ! Compte tenu de la situation budgétaire de la France, je trouve préférable d'être du côté de celui qui aura permis 200 millions de revenus supplémentaires, sans rien brader, plutôt que du côté de ceux qui ont creusé les trous, vidé les caisses et jamais trouvé de recette supplémentaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je vous remercie, monsieur le député, de m'avoir donné l'occasion de préciser que ce n'est pas parce que vous n'avez pas eu cette idée que nous n'aurions pas le droit, nous, de la retenir ! (Mêmes mouvements.)
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe de l'UMP. M. Michel Raison. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le ministre d'Etat, dans sa déclaration de politique générale, notre Premier ministre a indiqué que le Gouvernement veillerait à ce que la concurrence joue à plein au profit des consommateurs, en luttant contre les marges excessives. Vous-même avez évoqué cette question lors d'une émission télévisée. En effet, depuis la loi Galland votée en 1996 pour interdire la revente à perte, la pratique de la marge arrière s'est très fortement développée dans les rapports entre les fournisseurs et la grande distribution. Certains distributeurs, pour se faire une pub démagogique, demandent l'abrogation de cette loi, en prétextant son rôle défavorable sur la concurrence et ses conséquences sur une hausse des prix pour le consommateur. Lorsque l'on sait comment fonctionnent les cinq principales grandes centrales d'achat, en écrasant honteusement leurs fournisseurs, ... Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait ! M. Michel Raison. ...leur fausse morale pourrait faire sourire si le sujet n'était pas si grave. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les mesures que vous entendez prendre pour préserver les intérêts des consommateurs, d'une part, tout en garantissant, d'autre part, un traitement plus humain des fournisseurs, et donc des producteurs de matière première ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, il y a un fait qui est incontournable et qui est malheureux, c'est que depuis 2000, les prix des biens de grande consommation augmentent plus vite que l'inflation. Et c'est spécialement le cas des prix des produits alimentaires. Plus grave encore, les prix des produits de grande consommation augmentent plus fortement et plus rapidement en France qu'ailleurs. C'est donc bien qu'il y a un problème. Et ce problème pèse sur le pouvoir d'achat des Français, notamment les plus modestes, ce que nous ne pouvons pas accepter. C'est ainsi que l'on se retrouve dans une situation, à laquelle Christian Jacob et moi-même allons nous attaquer, où des producteurs se plaignent à juste titre de ce que les grandes surfaces leur achètent leurs produits de moins en moins cher, alors que les consommateurs se plaignent à juste titre de ce qu'on leur vend des produits de plus en plus chers, ... M. Jacques Desallangre. C'est ça, le libéralisme ! M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...tandis que les PME considèrent qu'elles ont de plus en plus de mal à faire vendre leurs produits dans les grandes surfaces. Avec Christian Jacob, nous allons, dans les toutes prochaines semaines, mettre tous les intervenants autour de la table. Il ne s'agit pas, monsieur le député, de désigner des coupables. Il s'agit de trouver des solutions. Et à la différence de ce qui s'est produit dans un passé relativement récent (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), nous n'allons pas nous contenter d'organiser des colloques : nous allons prendre des décisions, parce qu'il s'agit de rendre aux Français un pouvoir d'achat dont nous avons besoin pour soutenir l'activité, la croissance et l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. La parole est à M. Michel Roumegoux, pour le groupe UMP. M. Michel Roumegoux. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le ministre, depuis le mois de janvier 2004, les chercheurs ont vivement exprimé leurs interrogations quant à leur avenir et à l'emploi scientifique. Le Président de la République a récemment réaffirmé sa volonté de dialogue avec la communauté scientifique, en rappelant combien la recherche de la stratégie d'excellence de la France, fondée sur l'intelligence et l'innovation. En effet, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, me semble-t-il, souhaite relever le défi de l'avenir et amener chacun à rompre avec la peur du lendemain, en misant sur l'effort, la confiance et la responsabilité,... M. Henri Emmanuelli. Il n'y a que lui qui y croie ! M. Michel Roumegoux. ...pour réussir le pari d'une recherche ambitieuse et efficiente. Ainsi, monsieur le ministre, vous avez annoncé la semaine dernière la création de plus de 1 500 postes de titulaires dans le secteur de la recherche d'ici à janvier 2005. Pouvez-vous nous détailler, nous commenter ces annonces en faveur de l'emploi scientifique, et nous préciser comment les chercheurs ont accueilli vous propositions ? Par ailleurs, monsieur le ministre, comment comptez-vous continuer le dialogue que vous venez de reprendre afin de mener la grande réflexion nécessaire pour l'avenir de la recherche en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, la France a besoin d'une politique ambitieuse de recherche. M. Henri Emmanuelli. Bravo ! M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette politique se mesure naturellement à l'aune des moyens que l'Etat y consacre et que les entreprises consacrent à la recherche privée. Mais elle se mesure aussi à l'aune de notre capacité à réformer un système qui, depuis plus de quinze ans, s'essouffle et souffre de rigidités excessives : rigidités dans la gestion des grands organismes publics ; rigidités nées de l'absence d'une liaison suffisante entre la recherche universitaire et celle qui s'effectue dans les organismes publics ; rigidités dans les carrières ; insuffisance de la recherche privée. C'est dans ce contexte qu'est née la crise que vous venez d'évoquer. L'important, aujourd'hui, c'est de réformer l'organisation de notre système. Et on ne peut pas le faire contre les chercheurs. Il faut le faire avec leur participation. M. Henri Emmanuelli. Bravo ! M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est dans cet esprit, et sur les instructions du Premier ministre, que François d'Aubert et moi-même avons décidé, après avoir reçu les chercheurs, de rétablir les postes statutaires qui étaient l'occasion du conflit. Nous avons décidé de suspendre les recrutements sur les postes contractuels jusqu'à l'aboutissement d'une négociation sur l'emploi scientifique. Et enfin, nous avons décidé de créer, d'ici à 2005, 1 000 postes supplémentaires dans l'enseignement supérieur. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste.) La contrepartie de cet effort exceptionnel, dans un contexte budgétaire extrêmement dégradé, c'est l'engagement d'un processus de réflexion et de réforme, auquel tous les acteurs ont accepté de souscrire. Nous allons donc, avec le comité d'initiative et de proposition, présidé par les professeurs Baulieu et Brézin, engager d'ici le mois de septembre une réflexion globale sur l'organisation de notre système de recherche. Nous vous proposerons à la rentrée une loi d'orientation qui devra répondre à des questions aussi essentielles que l'optimisation de la gestion des organismes publics, les liens entre la recherche universitaire et ces derniers, ou encore le déroulement des carrières des chercheurs. Nous avons engagé un processus de réforme qui attendait depuis très longtemps. M. Henri Emmanuelli. Ça oui ! M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je crois que c'est une bonne nouvelle pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) PRÉVENTION DES INCENDIES DE FORET M. le président. La parole est à M. Richard Mallié, pour le groupe UMP, qui, pour une fois, prendra la parole après que je la lui ai donnée. (Sourires.) M. Richard Mallié. Merci, monsieur le président. J'en suis très touché. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le ministre, nous avons tous en mémoire les terribles incendies de forêt qui ont durement ravagé le sud de la France l'an dernier. Avec plus de 60 000 hectares de végétation détruits par les incendies, et surtout, surtout, dix personnes décédées, dont quatre sapeurs-pompiers dans l'exercice de leur fonction, l'été 2003 a été particulièrement dramatique dans l'ensemble du sud de la France, et plus encore dans la région méditerranéenne. Sans oublier le Massif des Maures, dans le Var, je me permettrai de rappeler les 250 hectares brûlés à Cabriès, dans ma circonscription, le 16 juillet 2003, dans une commune que je sais vous être chère, monsieur le ministre. Outre leur coût humain très élevé, ces incendies se traduisent également par des conséquences économiques très sensibles dans des régions où le tourisme représente une activité très importante. Comment ne pas se révolter quand on voit ces paysages lunaires apparaître à nos yeux pendant des années ? Nous avons tous constaté le dévouement intense et les efforts constants de l'ensemble des équipes de sécurité civile mobilisées face à ces drames durant toute cette période. Elles ont su faire preuve d'une rapidité de réaction et d'une grande efficacité dans la maîtrise des incendies de forêt. Cette année, l'état de la végétation des massifs forestiers dans le sud de la France, mais surtout dans les départements du littoral méditerranéen, fait encore redouter une saison « feu » très difficile. La semaine dernière - c'est une triste actualité -, un important incendie dans le département du Var, à une époque relativement précoce de l'année, a déjà détruit près de 700 hectares de forêt. Monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il tiré toutes les leçons de la saison 2003 ? Quelles mesures a-t-il prises et entend-il prendre dans les semaines qui viennent pour prévenir le renouvellement de ces drames ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, compte tenu de la sécheresse des sols, les risques d'incendies pour la saison 2004 sont élevés. Vous l'avez rappelé, nous avons déjà dû faire face à un premier feu important dans le Var, qui a détruit 700 hectares. Et je sais, monsieur le député, combien vous avez été touché dans votre circonscription, à Cabriès, mais aussi aux Pennes-Mirabeau. Mais je puis vous assurer que nous avons tiré toutes les leçons de cet été 2003. La première est la nécessité d'un travail d'anticipation. Des colonnes de renfort de sapeurs-pompiers préventives ont été mises en place. Nous avons instauré une obligation de débroussaillement, assortie de sanctions. Nous avons défini des plans de prévention des risques : cinquante-sept plans dans les Alpes-Maritimes, dix-sept dans le Var. Ils doivent constituer, enfin, les outils nécessaires à la régulation de l'urbanisme dans les régions forestières. La deuxième leçon que nous avons tirée, c'est qu'il faut améliorer l'équipement. Je viens de confirmer l'acquisition de deux nouveaux bombardiers d'eau de plus de dix tonnes. L'engagement pris par le Premier ministre en octobre dernier sera tenu. Par ailleurs, un avion et un hélicoptère lourd bombardiers d'eau supplémentaires seront loués, et opérationnels dès cet été. La troisième leçon, c'est enfin qu'il convient de renforcer notre vigilance. D'abord, en poursuivant notre effort de recherche et d'interpellation des incendiaires : en 2003, l'action des forces de police et de gendarmerie, sous l'autorité des parquets, a permis l'interpellation de 88 personnes et la résolution de 241 départs d'incendie. Ensuite, en vérifiant très précisément l'état de notre dispositif : je me rendrai dès lundi prochain dans les Bouches-du-Rhône, où dix pays de l'Union européenne participeront à un exercice aux côtés de nos forces de sécurité civile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, pour le groupe socialiste. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) J'étais certain de cette réaction. (Sourires.) M. Christian Bataille. Monsieur le ministre de l'économie, monsieur Sarkozy, vous avez, le 30 juin 2001, devant le conseil national du RPR d'alors, plaidé pour que la privatisation d'EDF - pas simplement l'ouverture du capital - soit engagée « sans tarder »... M. Maxime Gremetz. Scandaleux ! M. Christian Bataille. ...et qu'une partie des fonds dégagés soit consacrée à la modernisation de l'Etat. C'est d'ailleurs dans cet esprit, et pour préparer cette privatisation, que le gouvernement Raffarin II a récemment concrétisé le projet politique de la droite en ouvrant a maxima le marché de l'électricité à la concurrence, alors qu'il n'y était pas obligé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Francis Delattre. C'est vous qui avez accepté la directive ! Vous ne manquez pas d'air ! M. Christian Bataille. Mais hier, vous avez dit aux organisations syndicales qu'il n'était pas question de privatiser ! Alors, que croire dans toutes ces déclarations ? D'autre part, la Commission européenne n'impose nullement un changement de statut. M. Francis Delattre. Qui a signé la directive ? M. Richard Mallié. M. Jospin ! M. Christian Bataille. M. Mario Monti, commissaire européen, l'a précisé dans un courrier très récent à M. Imbrecht, secrétaire général de la FNME-CGT aux termes duquel « la Commission ne peut pas imposer de régime de propriété particulier » et telle n'a du reste pas été sa ligne de conduite dans l'affaire EDF. Le changement de statut constitue la voie qui a été choisie par le Gouvernement français et non pas celle imposée par la Commission. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire clairement pourquoi, malgré cette mise au point, vous persistez à vouloir modifier le statut d'EDF ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. Noël Mamère. Très bien ! M. le président. La parole est à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Avec plaisir, monsieur Bataille ! Je suis à votre disposition pour toute explication. Vous m'avez posé la question, je vais vous répondre. Première réponse : EDF garantit jusqu'à présent le système de retraite de ses agents. La Commission a indiqué que lorsque EDF est établissement public, elle a la garantie de l'Etat, automatiquement. C'est une rupture de concurrence. Ce n'est pas le Gouvernement français qui le dit, c'est la Commission. Celle-ci nous demande donc de retirer l'établissement public (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Attendez ! Cela veut donc dire que la garantie de l'Etat n'est plus là. Cela veut donc dire qu'il faut changer la garantie apportée au régime des retraites. Parce que, si l'on ne fait rien, la retraite des gaziers et des électriciens, personne ne la garantira. Première réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. François Hollande. C'est déjà fait ! M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...pour rester un grand champion ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Pour cela, il nous faut donc faire ce que vous n'avez pas fait ! (Exclamations sur les mêmes bancs.) M. Henri Emmanuelli. C'est déjà fait ! Vous êtes un menteur ! M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. A mon tour, monsieur Bataille, de vous poser deux questions. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Plusieurs députés du groupe socialiste. Ah non ! Il faut qu'il réponde ! M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Qui était Premier ministre en 2002, lors du Conseil européen de Barcelone ? (Très vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. Mes chers collègues ! M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pourquoi M. Jospin n'a-t-il pas quitté la table en disant qu'il n'acceptait pas cette directive ? Jospin l'a acceptée ! Aujourd'hui, vous devez l'assumer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Quel était le ministre des finances qui a accepté, en 1998, l'ouverture à la concurrence du marché du gaz ? N'était-ce pas Dominique Strauss-Kahn et n'avait-il pas Christian Pierret comme secrétaire d'Etat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Aujourd'hui, vous n'assumez pas ces décisions, mais nous vous ferons assumer cet héritage ! (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.) La vérité, c'est que, pour EDF, comme pour les retraites, vous avez beaucoup parlé mais vous n'avez rien fait, si bien qu'il nous faut, nous, agir ! (Très vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Huées sur les bancs du groupe socialiste où de nombreux députés se lèvent en signe de protestation.) M. Christian Bataille. C'est le gouvernement Jospin qui a alors négocié ! M. le président. Taisez-vous et asseyez-vous ! (Très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Christian Bataille. Monsieur le président, je veux répondre à M. le ministre ! Il m'a posé des questions. M. le président. Monsieur Bataille, vous n'avez pas la parole ! (Très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Claude Bartolone. Mais c'est le ministre qui lui a posé une question ! M. Christian Bataille. Oui, il m'a interrogé ! M. le président. La parole est à M. Xavier de Roux, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. M. Xavier de Roux. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux. La création d'entreprises est le moteur principal de la création d'emplois. Il existe aujourd'hui un véritable engouement, notamment chez les jeunes, pour tenter l'aventure de l'entreprise. L'an dernier, plus de 200 000 entreprises ont été créées. Le 25 mars 2004, une première ordonnance a facilité les créations en allégeant les formalités et les coûts. Cependant, nous ne sommes pas pour rien au royaume de Courteline et dans la civilisation du guichet. Des régimes juridiques, trop subtiles ou trop complexes, déroutent les entrepreneurs et les détournent de l'activité économique. Monsieur le garde des sceaux, vous qui êtes chargé de moderniser le droit des sociétés nécessaires à la vitalité de notre économie, quelles actions entendez-vous engager sans retard ? Qu'envisagez-vous pour simplifier la gestion quotidienne des 900 000 SARL que compte notre pays et des sociétés coopératives d'artisans ou de commerçants qui doivent maintenant faire face à la concurrence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous avez raison de souligner l'importance de la modernisation et de la simplification du droit économique pour permettre une meilleure compétitivité de nos entreprises et, donc, pour défendre l'emploi. S'agissant des sociétés à responsabilité limitée dont vous avez rappelé le chiffre - 900 000 - j'ai présenté, fin mars 2004, une ordonnance au conseil des ministres permettant effectivement, par des mesures très concrètes, de simplifier la vie des entrepreneurs. Ainsi, autorise-t-elle les SARL à compter jusqu'à 100 associés alors que, jusqu'ici ils étaient limités à cinquante, ce qui freinait leur développement. Ces SARL pourront émettre des obligations non cotées pour accéder à de nouvelles sources de financement. En cas de décès d'un associé qui, jusqu'ici, entraînait l'arrêt de l'activité de la société, cette activité pourra se poursuivre et les gérants pourront déplacer plus facilement qu'aujourd'hui les sièges sociaux. Vous avez évoqué la location-gérance des fonds de commerce. Cette même ordonnance a également simplifié les choses. C'est essentiel pour les commerçants et artisans. Cette location-gérance sera possible sans délai alors qu'il fallait auparavant avoir été commerçant pendant au moins sept ans pour y prétendre. De même, en cas de décès ou de divorce, le conjoint pourra poursuivre l'activité. Enfin, un certain nombre de régimes d'autorisation ont été supprimés pour permettre à ces petites entreprises de travailler plus librement. Je présenterai dans quelques semaines au conseil des ministres un texte de sauvegarde des entreprises qui modernisera le droit des entreprises en difficulté et, comme vous le souhaitez, simplifiera leur vie au bénéfice de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Daniel Fidelin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. M. Daniel Fidelin. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères. La situation en Irak ne cesse de se dégrader. Chaque jour, les affrontements qui se déroulent dans les villes irakiennes font de nombreuses victimes, tant parmi les soldats de la coalition que parmi les groupes de rebelles et la population civile. Hier, le Premier ministre a recommandé à tous les Français présents en Irak de quitter le pays et à ceux qui envisagent éventuellement de s'y rendre de différer leur déplacement. Ce matin, les médias ont indiqué qu'un journaliste français avait disparu dimanche après-midi sur la route entre Bagdad et Kerbala où il devait réaliser un reportage. Apparemment, il serait aux mains d'un groupe de combattants armés sunnites. Nous partageons tous, ici, l'inquiétude de sa famille et de ses proches. Monsieur le ministre, de quelles informations disposez-vous sur cet enlèvement ? Pouvez-vous nous assurer que l'Etat est pleinement mobilisé pour obtenir la libération, sans délai ni conditions, de ce journaliste français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, Alexandre Jordanov, journaliste à l'agence Capa a, en effet, disparu depuis le dimanche 11 avril. Au moment où je vous parle, nous n'avons reçu aucune revendication à son sujet. Ce que je peux vous dire, pour répondre précisément à votre question, et en pensant, comme vous l'avez fait à la famille d'Alexandre Jordanov et à tous ses confrères de l'agence Capa, à tous ses confrères de la communauté des journalistes, c'est que tous nos services sont mobilisés pour le retrouver. Ce que je peux dire aussi, en mesurant notre responsabilité, à travers ce que nous faisons et à travers ce que nous disons, c'est que nous examinons toutes les pistes une à une. Ce que je peux enfin ajouter, monsieur le député, au nom du Gouvernement français, c'est que nous avons demandé, et je le répète aujourd'hui devant vous, qu'il soit libéré, s'il est détenu, sans condition et le plus vite possible. Cet enlèvement s'ajoute à beaucoup d'autres et il illustre une spirale de violence et d'instabilité très grave et inquiétante en Irak. Face à cet engrenage qui touche tout le monde, toute la population civile irakienne et étrangère et qui n'épargne pas non plus les liens symboliques de l'Islam, la France est plus que jamais convaincue que la vraie, la seule solution n'est pas une solution militaire, qu'elle est une solution politique. On ne trouvera une issue à cette tragédie qu'en revenant à ce qui doit être l'objectif central de tous, que les Irakiens gouvernent l'Irak et qu'ils recouvrent rapidement, réellement, sincèrement leur souveraineté dans un climat de confiance réciproque entre les pays de la coalition et le reste de la communauté internationale. Voilà le message que la France fera entendre avec force dans les jours qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. François Dosé, pour le groupe socialiste. M. François Dosé. Monsieur le ministre de l'intérieur, ce matin, au Palais du Luxembourg, dans la différence de nos engagements politiques, dans la diversité de nos territoires, de nos responsabilités publiques et, parfois, de nos associations, les élus de France vous ont signifié avec gravité leur inquiétude face à l'évolution des services publics de proximité. Les Français viennent de manifester leur attachement à la présence de services performants, attractifs, et leur vigilance quant à la juste répartition territoriale. Par ce manifeste cosigné par dix associations d'élus, une nouvelle fois s'exprime cette exigence républicaine : l'intervention de l'Etat doit faire respecter la péréquation. Qu'il s'agisse d'expérimentations ou de maintien a minima, il est inacceptable de solliciter les territoires modestes ou meurtris économiquement pour financer ici une agence postale, là une maison de santé, ailleurs une trésorerie ou une gendarmerie. Vous ne pouvez pas vous satisfaire de donner aux communes rurales ou aux villes de banlieue le droit de payer sans aucun soutien de l'Etat. Jamais, monsieur le ministre, l'exercice quotidien de la solidarité nationale n'a régressé avec tant d'ampleur. Certes, l'égalité républicaine ne peut pas et ne doit pas formater des services uniformes, mais elle ne peut pas, ne doit pas dispenser l'Etat d'une solidarité financière élémentaire. Monsieur le ministre, quelles mesures financières entendez-vous prendre rapidement afin que l'Etat assure ses responsabilités pour garantir le maintien de services publics de proximité de qualité dans tout notre pays ? Monsieur le ministre, il me serait agréable - mais je ne doute pas de votre élégance républicaine - que vous ne me répondiez pas par des questions, puisque, par respect pour cette assemblée, je ne pourrai y répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. Émile Zuccarelli et M. André Chassaigne. Très bien ! M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, vous m'interrogez sur la politique d'aménagement du territoire. Plusieurs députés du groupe socialiste. Vous n'en avez pas ! M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Il est vrai qu'aujourd'hui il existe une fracture territoriale en France qui dure depuis trop longtemps : fracture entre les territoires urbains et les territoires ruraux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), entre certains territoires urbains qui réussissent et d'autres qui, au contraire, souffrent, entre des territoires ruraux qui se désertifient et des territoires ruraux, au contraire, qui trouvent, par exemple à travers le tourisme rural, des possibilités de développement économique. Notre premier devoir est de réduire cette fracture territoriale. Nous disposons pour cela de moyens. Je me réfère, par exemple, au CIADT du 18 décembre 2003 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) où cinquante grands projets ont été élaborés. Ils permettront à tous les territoires d'être desservis (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs) dans des délais suffisamment courts de manière à maintenir l'égalité des chances quel que soit le lieu d'habitation. D'un point de vue fiscal, grâce aux péréquations fiscales, aux dotations globales de fonctionnement ou d'équipement... M. Augustin Bonrepaux. Avec quels moyens ? M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. ...il est possible d'élaborer une discrimination positive afin que les territoires les moins favorisés obtiennent des moyens financiers supplémentaires pour compenser cet handicap. Plusieurs députés du groupe socialiste. Avec quels moyens ? M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Telle est la politique que j'essaierai de mettre en œuvre avec l'ensemble du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l'UMP. M. Jean-Pierre Door. Monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, les urgences hospitalières sont confrontées, depuis de nombreuses années, à des difficultés, plus importantes encore pendant l'été, compte tenu de la fermeture d'un certain nombre de lits, comme l'ont mis en évidence, chacun s'en souvient, les événements douloureux consécutifs à la canicule de l'an dernier. Le plan Urgences a été doté de 489 millions d'euros sur cinq ans, soit près de 10 000 postes de soignants et 15 000 lits seront ouverts. Ma question est simple, monsieur le ministre, mais, pour ceux qui s'occupent des urgences, elle a son importance : comment comptez-vous vérifier que ces fonds répondront concrètement aux besoins de chaque hôpital, comme vous vous y êtes engagé vendredi dernier, lors du congrès des urgentistes, qui étaient réunis à Paris ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale. M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le député, chaque année, un Français sur cinq a recours aux urgences hospitalières, et le drame de la canicule de l'été dernier a malheureusement montré les insuffisances du système de ces urgences hospitalières. Je vous propose une action à trois niveaux. Premier niveau, en ce qui concerne les urgences hospitalières mêmes, il faut certes accroître le nombre de postes de médecins et d'infirmières, mais le véritable progrès consisterait à renforcer les effectifs des catégories de personnel qui permettent au médecin de se concentrer sur le malade. Deuxième niveau,... M. Claude Bartolone. Vous n'avez pas le niveau ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...en amont des urgences hospitalières, pour que les Françaises et les Français attendent moins au Centre 15, nous créerons des postes de permanenciers. Troisième niveau, en aval, il faut des lits de suite pour réduire la saturation des urgences et, par conséquent, la durée d'attente des malades. Sachez aussi, monsieur le député, que j'ai immédiatement demandé à la direction des hôpitaux de prendre deux mesures importantes. M. Maxime Gremetz. Il faut du personnel ! M. le ministre de la santé et de la protection sociale. D'une part, je m'engage à publier régulièrement, tous les six mois, en toute transparence, le nombre de lits et les effectifs de médecins, permanenciers et infirmières, dans chaque établissement et dans chaque service d'urgence, pour être sûr - et cela répond à votre question - que les moyens consacrés aux urgences vont réellement à l'hôpital. D'autre part, il faut parfois faire face à des crises sanitaires exceptionnelles : nous avons vécu la canicule de l'été dernier, l'explosion industrielle de Toulouse de septembre 2001, et, demain, ce pourra être une épidémie. Pour vérifier que les Plans blancs hospitaliers sont opérationnels - ce dont je ne suis pas certain -, je demande l'organisation de simulations dans chaque établissement. Enfin, je tiens à saluer, devant la représentation nationale, l'ensemble des personnels du secteur des urgences hospitalières, qui travaillent avec dévouement, détermination et grande compétence. Nous pouvons leur dire merci. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. La parole est à M. Frédéric Soulier, pour le groupe de l'UMP. M. Frédéric Soulier. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, l'instruction relative aux dirigeants d'Air Lib a débuté voilà huit mois et nous avons appris avec intérêt que le travail de la commission d'enquête placée sous la présidence de Patrick Ollier, à laquelle j'ai participé, avait été suivi d'effets, puisque, sur cette base, le dossier a été transmis au parquet de Paris. Toutefois, nous n'oublions pas les principales victimes de cette sombre affaire, et je veux parler des 3 100 salariés à qui l'on a signifié, le 17 février dernier, leur licenciement, dès lors que le tribunal de commerce de Créteil avait prononcé la liquidation judiciaire. Face à ce drame humain que la majorité précédente nous a légué sans le régler (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), nous avions pris ici même l'engagement d'assurer un traitement social exemplaire. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez les résultats obtenus par le Gouvernement en matière de reclassement des ex-salariés d'Air Lib. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, pardonnez-moi, mais j'ai beaucoup de chiffres à vous communiquer, car je veux vraiment assurer une transparence complète sur ce dossier, qui touche tout de même plusieurs milliers de personnes, privées d'emploi du jour au lendemain. La cellule de reclassement des salariés d'Air Lib, qui a eu un an le 7 avril, a contacté 5 490 entreprises, et, résultat assez surprenant, elle a reçu 4 500 offres d'emploi. Sur les 3 100 salariés d'Air Lib, 2 504 se sont inscrits à la cellule, et j'ai le plaisir de vous annoncer que, parmi ceux-ci, 78 % du personnel au sol a trouvé un emploi durable, de même que 81 % du personnel navigant commercial - c'est-à-dire les hôtesses et les stewards. Pour les pilotes, le résultat est moins brillant, hélas ! car leur travail est spécifique et enthousiasmant, et ils n'aiment pas beaucoup changer de métier, vous le savez ; 39 % d'entre eux ont cependant trouvé un poste de pilote. Au total, monsieur le député, sur les 2 504 salariés adhérents, le taux de réussite atteint 74 %. Je tiens tout particulièrement à remercier Air France, qui a assuré près du tiers des reclassements. Il reste néanmoins encore 653 adhérents non reclassés, et, évidemment, nous ne les oublierons pas. C'est pourquoi je maintiens une antenne de la cellule de reclassement, qui fonctionnera au moins pendant six mois pour donner des chances à ces 653 personnes. Une centaine d'entre elles sont déjà proches de l'emploi ; d'autres sont en stage. Pour celles-ci, le résultat pourrait atteindre 100 % - je l'espère, du moins. Puisque vous avez commencé par ce point, monsieur le député, je voulais aussi vous dire que j'ignore quelles suites judiciaires attendent les dirigeants d'Air Lib. Ce que je sais, en revanche, c'est que la liquidation judiciaire de l'entreprise était programmée par le gouvernement Jospin pour le lendemain des élections (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et que nous avons désamorcé cette bombe à retardement en apportant une réponse efficace, humaine et sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
M. le président. La séance est suspendue. (La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze.) M. le président. La séance est reprise.
Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble d'un projet de loi M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi, adopté par le sénat, relatif aux responsabilités locales (n°s 1218, 1435). La parole est à M. le Premier ministre. M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, avant que le ministre de l'intérieur ne s'exprime sur ce texte, je voudrais vous rappeler l'architecture législative que nous proposons en ce qui concerne la réforme de la décentralisation. Elle comporte cinq textes qui sont soit d'ores et déjà votés, soit en préparation. Je vous les rappelle afin que vous ayez une vision globale de la démarche qui est la nôtre pour l'organisation décentralisée de la République. D'abord, nous avons procédé à une réforme de la Constitution afin d'y introduire les principes fondamentaux que nous voulons voir mis en œuvre pour cette République décentralisée, notamment l'interdiction de transférer des responsabilités sans les accompagner des financements nécessaires. Ce principe est désormais constitutionnel. Le deuxième texte était relatif à la participation démocratique et aux possibilités offertes aux collectivités territoriales d'organiser des référendums locaux, des consultations populaires. Le troisième, le texte de transferts, après avoir été débattu au Sénat, a été beaucoup enrichi ici, lors de vos travaux. J'y reviendrai. Le quatrième texte est la loi organique sur les financements. Déposé sur le bureau des assemblées, il sera soumis au vote du Parlement avant la deuxième lecture du projet de loi relatif aux transferts de compétences. Le cinquième traitera des ajustements financiers, avec la loi de finances, pour que nous puissions, à la fin de l'année 2004, préparer tous les financements pour 2005. M. Alain Néri. Vous ne serez plus là ! M. le Premier ministre. De ce fait, le texte de transferts qui vous est soumis aujourd'hui s'articule avec, d'une part, en amont, un texte constitutionnel, et d'autre part, un texte de loi organique, financier, en aval. La première partie s'achève avec ce vote solennel. La deuxième va s'ouvrir : discussion avec l'ensemble des parlementaires, d'une part, mais aussi avec les associations, pour enrichir et éventuellement améliorer ce texte, afin de revenir en deuxième lecture avec un projet refondé à la suite de débats eux-mêmes enrichis par la loi organique. Nous aurons ainsi une vision complète, la loi organique ayant permis, je le répète, d'enrichir le débat sur le texte de transferts des compétences. M. Alain Néri. Vous nous faites voter pour rien ! M. le Premier ministre. Si je tenais à rappeler cette architecture faite de cinq textes, c'est qu'elle constitue une œuvre qui mérite l'attention de chacun, parce que c'est une œuvre de longue haleine : depuis les lois Defferre, puis l'ensemble des processus de décentralisation qui les ont suivies, il a fallu beaucoup de temps pour rapprocher la décision des Français et pour simplifier leur vie quotidienne. Tel est, en effet, l'objectif. Il ne s'agit pas d'aboutir à l'éclatement de la République, ni de diviser la nation, ni d'en faire la somme des régions, mais de construire des échelons d'efficacité au service des citoyens pour que la devise de la République, « Liberté, égalité, fraternité », ne soit pas seulement inscrite aux frontons de nos établissements publics, mais aussi présente dans la vie quotidienne des Français. Voilà à quoi tend notre action. C'est ce à quoi nous vous invitons aujourd'hui, avec ce vote solennel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Henri Emmanuelli. Vous étiez contre la décentralisation, quand nous l'avons mise en place ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Yves Nicolin. Soyez donc cohérents, Monsieur Emmanuelli ! M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, messieurs les présidents de commissions, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, votre assemblée va procéder dans quelques instants au vote solennel sur la première lecture du projet de loi relatif aux responsabilités locales. M. le Premier ministre vient de vous rappeler l'architecture et l'esprit général de ce texte. Avant tout, je veux remercier l'Assemblée nationale pour la grande qualité du travail législatif qu'elle a effectué. Qu'il me soit permis d'exprimer tout particulièrement ma reconnaissance aux commissions et à leurs rapporteurs qui ont apporté de nombreux et importants amendements pour améliorer le texte. Je salue, en premier lieu, la commission des lois, son président Pascal Clément (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), son rapporteur, Marc-Philippe Daubresse, aujourd'hui appelé à de nouvelles fonctions au sein du Gouvernement. Leur travail constant de clarification, de rationalisation et d'innovation a permis d'enrichir considérablement ce texte. Je salue également la contribution de la commission des finances qui a eu à cœur d'établir une relation de confiance et de responsabilité entre l'Etat, les collectivités locales et les citoyens. Je remercie son rapporteur pour avis, Laurent Hénart, également nommé au Gouvernement, et son président, Pierre Méhaignerie, qui nous a fait profiter de sa très grande expérience. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales, son président, Jean-Michel Dubernard, et son rapporteur pour avis, Dominique Tian, ont de leur côté, beaucoup contribué, par leur travail constructif, à améliorer les mesures touchant directement à la vie quotidienne des Français. Enfin, la commission des affaires économiques, son président, Patrick Ollier, et son rapporteur, Serge Poignant, ont su veiller scrupuleusement à l'amélioration du service rendu aux usagers et aux citoyens. A chacun d'entre vous, j'exprime ma reconnaissance pour le travail accompli. Nous le savons tous : la décentralisation constitue un enjeu essentiel. Essentiel pour remettre l'intérêt général au cœur de nos institutions, avec un esprit de justice et d'équité. Essentiel pour donner un nouveau souffle à la démocratie locale, avec des institutions refondées au service de chaque Français. Essentiel pour que l'action puisse se concevoir au plus près du terrain : dans un Etat plus moderne, plus rapide et plus efficace, la décision doit se rapprocher du citoyen. Deux exigences nous animent. En premier lieu, l'égalité des citoyens partout sur le territoire. Il s'agit d'un impératif fondamental, auquel nous sommes tous attachés. Comme l'a dit le Premier ministre, ce texte doit contribuer à faire vivre les valeurs de notre République. C'est vrai pour les services de l'État : la qualité des services publics doit rester la même pour tous. C'est vrai aussi pour les régions. Aujourd'hui, certaines sont moins dotées que d'autres. Nous avons donc inscrit le principe de péréquation dans la Constitution. Deuxième exigence : l'équilibre entre les libertés locales nouvelles et l'autorité de l'Etat qui doit être réaffirmé dans son rôle d'impulsion et de coordination de l'action politique. La décentralisation permettra notamment de donner toute son ampleur à la coopération interministérielle, en associant au niveau local des acteurs investis de responsabilités nouvelles. Ce texte est le fruit d'une large concertation : avec les collectivités lors des assises des libertés locales, conduites à l'initiative de Patrick Devedjian, qui ont permis dans chaque région d'entendre les inquiétudes et les priorités ; et avec le Parlement. Vos débats, mesdames et messieurs les députés, ont éclairé les enjeux du texte. Ils ont permis d'apporter des améliorations importantes : 344 amendements ont été adoptés à l'Assemblée nationale, provenant de tous les groupes. La concertation a eu lieu aussi avec les milliers de fonctionnaires des différentes administrations de l'Etat qui ont fait la démonstration de leur volonté de participer activement à la modernisation de nos institutions. Nous entamons aujourd'hui une nouvelle étape. Elle doit reposer sur un acquis législatif : compte tenu de l'immense travail qui a été engagé, un recul ne serait pas compris. En revanche, après le vote en première lecture, nous pourrons reprendre la discussion devant les deux assemblées. Ensemble, nous pourrons alors définir les améliorations nécessaires à ce texte. Cette étape doit se dérouler dans le même esprit de confiance et d'ouverture. Je connais les inquiétudes des uns et des autres : avec Jean-François Copé, nous les avons entendues. En particulier, le Gouvernement s'engage à ce que la loi organique sur l'autonomie financière des collectivités territoriales soit votée avant la deuxième lecture du projet de loi sur les responsabilités locales. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je sais également que le nouveau contexte politique rend encore plus nécessaires des échanges approfondis avec les associations d'élus, les groupes et les commissions, en recherchant un maximum d'adhésion. Avec tous, nous prendrons le temps du dialogue et de la concertation. Le partage des responsabilités doit se faire selon un principe de cohérence qui guide déjà le transfert du réseau routier, en grande partie géré au niveau du département, le transfert des ports et des aéroports, la poursuite des mesures déjà prises avec succès dans le domaine des constructions scolaires. L'action doit être guidée par un impératif d'efficacité. Il faut créer des blocs de compétences homogènes qui constituent de véritables blocs de responsabilité. C'est là une des avancées les plus importantes de ce texte, dans des domaines qui touchent à la vie quotidienne des Français. Enfin, le Gouvernement s'engage à transférer, à l'euro près, les financements que l'Etat consacrait aux compétences transférées. Pour cela, toutes les garanties seront apportées. M. Henri Emmanuelli. Elles sont insuffisantes ! M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Avec une grande innovation : l'article 72-2 constitue un véritable verrou constitutionnel, une assurance qu'aucun texte de loi n'échappera désormais à la vigilance du Conseil constitutionnel dans ce domaine ; avec une réforme de la commission consultative d'évaluation des charges qui sera désormais présidée par un élu et verra ses compétences élargies ; avec l'adoption des critères les plus adaptés pour les compensations financières. Ainsi, les dépenses de fonctionnement seront calculées en prenant en compte les trois dernières années plutôt que l'année précédant le transfert. Les dépenses d'investissement seront calculées sur une moyenne de cinq ans au moins pour corriger les effets erratiques des investissements annuels. Les transferts de personnel seront prévus en fonction des effectifs au 31 décembre 2004, ou au 31 décembre 2002 si ces derniers chiffres sont plus favorables. Enfin, le mode de financement des nouvelles compétences sera, lui aussi, garanti. Ce financement se fera principalement par transfert de ressources fiscales dynamiques. Les régions bénéficieront d'une partie de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. A cet égard, les discussions avec Bruxelles ont d'ores et déjà bien progressé. Les départements bénéficieront aussi d'une partie de la taxe intérieure sur les produits pétroliers et d'une fraction de la taxe sur les conventions d'assurance. La stabilité sera assurée par la garantie supplémentaire que vous avez inscrite dans le texte, obligeant l'État à maintenir le niveau de la compensation financière en cas de diminution des recettes initialement transférées. Voilà, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, un texte qui doit rassembler nos énergies, car il y va de l'intérêt de tous les Français. Ensemble, nous devons donner un nouvel élan à notre pacte républicain au service de la cohésion nationale et de la modernisation de notre société. Ensemble, nous devons donner un nouveau visage à la décentralisation. Nous avons aujourd'hui l'opportunité de franchir une nouvelle étape. Soyez assurés de ma détermination et de ma volonté de conduire, avec Jean-François Copé, un véritable dialogue pour faire de ce projet un succès partagé par tous. Sachez, mesdames et messieurs les députés, que le Gouvernement veut prendre en compte les aspirations légitimes à un meilleur équilibre entre l'autorité de l'État et les responsabilités locales, à une plus grande harmonie entre les territoires. Ne cédons pas aux calculs et aux arrière-pensées. Avançons, travaillons dans l'intérêt général, au service de tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Pierre Albertini. M. Pierre Albertini. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, chers collègues, une réflexion sur l'organisation et la distribution des pouvoirs dans notre pays est à l'évidence nécessaire et souhaitée. Elle répond à une exigence d'adaptation à un environnement économique, social et culturel en forte évolution depuis quelques dizaines d'années. C'est ce que le général de Gaulle avait compris en proposant, en 1969, une audacieuse régionalisation, rompant avec un système administratif hérité pour l'essentiel de la Révolution française et du Consulat. M. Henri Emmanuelli. Et 1981, cela ne vous dit rien ? M. Pierre Albertini. Aussi, lorsque ce chantier fut ouvert par le Président de la République, en avril 2002... M. Henri Emmanuelli. Gaston Defferre ne l'avait-il pas déjà fait ? M. Pierre Albertini. J'y viendrai dans un instant, mon cher collègue. Mais le général de Gaulle ayant ouvert le débat avant Gaston Defferre, je ne fais que respecter la chronologie de l'histoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) De grâce, ne nous donnez pas de leçons sur ce sujet ! M. Henri Emmanuelli. Si, nous allons vous en donner, car vous étiez contre ! M. Pierre Albertini. Soyez assez modestes pour reconnaître la difficulté de l'exercice ! Lorsque le Président de la République a ouvert ce chantier en avril 2002, nous avons répondu favorablement au discours fondateur de Rouen qui a été très largement approuvé par les acteurs politiques et locaux. Ce fut, monsieur le Premier ministre, la grande affaire de la législature et vous avez présenté ce dossier comme étant extrêmement important. Il est vrai que, dans ce domaine, l'adaptation de nos structures administratives est nécessaire, d'autant que, vingt ans après la première étape de la décentralisation réalisée par Gaston Defferre entre 1982 et 1985, un bilan critique, au sens positif du terme, s'avérait nécessaire. La décentralisation n'est pas l'ennemi de l'État. Elle implique, au contraire, un État plus efficace, répondant mieux aux attentes des Français, et concentré sur ses missions essentielles. Il s'agit d'introduire dans l'action publique plus d'efficacité, d'équité et de solidarité - ce qui nous manquait, il faut l'avouer, depuis quinze ou vingt ans. Où en sommes-nous aujourd'hui, deux ans après l'ouverture de ce chantier ? Un projet de loi a été successivement examiné au Sénat et à l'Assemblée nationale en février et mars derniers. Nous avons très largement participé à cette discussion de manière constructive. Ce projet comporte plusieurs points positifs, qu'il s'agisse de la formation professionnelle, dont le transfert aux régions - qui était attendu depuis longtemps -, de la gestion des infrastructures et des grands équipements ou du logement. Sur toutes ces questions, il nous semble souhaitable que l'État conserve la capacité d'arbitrer, d'évaluer et de corriger les erreurs. Ainsi, dans le domaine du logement comme dans celui du soutien aux publics en difficulté, l'UDF a souhaité que l'État ne se dessaisisse pas de la totalité de ses outils. La décentralisation, c'est une autre répartition des compétences, non le désengagement systématique de l'État. La cohésion sociale, l'équilibre entre nos territoires, l'égalité entre les citoyens sont à ce prix. Malgré des aspects positifs, le texte qui nous est aujourd'hui soumis présente deux défauts qu'une seconde lecture permettra de corriger si nous en avons ensemble la volonté. Le premier est un manque de vision claire, d'idées directrices claires et le second concerne les inconnues en matière financière. Le texte issu de la première lecture accumule dans un certain désordre des dispositions d'intérêt très inégal. Ce n'est pas le texte fondateur et simplificateur que nous attendions. Comment le citoyen, déjà désemparé, se retrouvera-t-il dans cet enchevêtrement de compétences souvent très largement partagées ? Je rappelle que la loi n'est pas faite pour le législateur, mais pour le citoyen, et que le législateur doit à tout moment s'interroger sur sa lisibilité et son caractère compréhensible et simplificateur. Nous souhaitons une reconnaissance du fait régional plus forte dans le texte définitif auquel aboutira notre discussion en seconde lecture. Car, aujourd'hui, ce sont plutôt les départements qui bénéficient de l'essentiel des transferts de compétences. M. Henri Emmanuelli. Et de charges ! M. Pierre Albertini. Les communes et l'intercommunalité sont en revanche très en retrait. Un effort pour mieux définir les vocations respectives des différentes collectivités locales est indispensable. Peut-être avons-nous commis une erreur de perspective. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons commencé par définir les garanties constitutionnelles sans connaître l'architecture du texte, un peu comme vous, monsieur Emmanuelli, qui avez voulu réformer le Conseil supérieur de la magistrature sans avoir préalablement revu le fonctionnement de la machine judiciaire. Nous nous sommes aperçus, hélas ! que commencer par le haut n'est pas nécessairement la meilleure façon de faire lorsqu'on ignore le mode d'emploi, notamment en matière de justice ! Mais surtout, les élus locaux ont toutes les raisons de s'inquiéter sur le volume des moyens financiers qui leur seront transférés. Il y a, autour de cette question majeure, une zone d'ombre que nous ne sommes pas parvenus à dissiper totalement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Comment sera maintenue l'autonomie financière des collectivités locales, indispensable à la réussite de la décentralisation ? Certes, des garanties fortes, ont été introduites dans la Constitution. Mais la portée de ces garanties dépendra des lois encore à venir, notamment du projet de loi organique, et de l'interprétation qu'en donnera le Conseil constitutionnel. Ajoutée à cette incertitude, la question du transfert de personnels, notamment dans l'éducation nationale et l'équipement, alimente l'incompréhension, voire la suspicion - sentiment que nous ne pouvons accepter - à l'égard des élus locaux. L'expérience récente de l'aide personnalisée d'autonomie, qui a généré une augmentation de la fiscalité départementale, nous incite à la vigilance et à la prudence. La décentralisation ne saurait transférer l'impopularité de l'impôt, au risque d'échouer. Globalement, le budget des collectivités locales représente plus de 50 % du budget de l'État et davantage encore si l'on y ajoute les 30 milliards d'euros de l'intercommunalité. Dans notre pays, 71 % des investissements publics sont réalisés par les collectivités locales. En outre, elles en supporteraient les trois quarts si l'on prenait en compte les investissements du secteur de l'économie mixte. C'est dire que l'enjeu est de taille. Comment les communes, les départements et les régions vont-ils s'enraciner dans la politique de proximité et de participation que nous souhaitons pour mieux réconcilier le citoyen et ses élus ? C'est dans cette perspective dynamique qu'il convient de se placer, d'autant que les compétences transférées seront, au moins pour partie, en forte évolution dans les années à venir, soit en raison d'une maintenance insuffisante assurée par l'État d'un certain nombre de routes ou d'équipements qu'il gère aujourd'hui, soit en raison d'une attente sociale forte de la part de nos concitoyens en matière de RMI, de logement ou de santé. Une amélioration du dispositif, possible, est donc souhaitable. Dans l'attente d'une seconde lecture, que nous espérons bénéfique, les députés du groupe UDF s'abstiendront (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), en espérant pouvoir transformer cette abstention en vote positif dans quelques semaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) M . Charles Cova. Ils ne changeront pas ! M. le président. La parole est à M. André Chassaigne. M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, chers collègues, le projet de loi soumis au vote aujourd'hui a été au centre du débat électoral. Il a été rejeté massivement, notamment dans son volet financier. Les citoyens et les élus locaux se sont accordés pour exiger, avant tout transfert de compétences, la garantie de contreparties financières réelles. Depuis plusieurs mois, les actions se sont multipliées à l'initiative des personnels concernés et de leurs organisations syndicales. Des milliers de manifestants ont marché vers l'Assemblée nationale pour nous crier : « Ne votez pas cette loi ! Ne votez pas ces transferts de compétences ! » (Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Le retrait de ce texte est ainsi apparu comme une exigence forte, une revendication populaire. Aussi, au lendemain du 28 mars, sans doute tétanisé par le message sorti des urnes et la révélation du désaveu géant de sa politique, M. le premier ministre a dû nous jouer un petit air de Lamartine : « Ô temps, suspends ton vol ! ». (Rires et applaudissements sur divers bancs. En ce qui concerne la loi de décentralisation, le temps de la concertation était enfin venu. Avec l'arrêt du rouleau compresseur venait l'aveu, enfin, d'une insuffisance de dialogue ; la reconnaissance, enfin, de la nécessité d'une concertation. Nous pensions alors que ce vers d'Aragon (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), extrait de La rose et le réséda, vous avait inspiré : « Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat » (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. Pierre Albertini. Il a écrit mieux que cela ! M. André Chassaigne. Et nous avions pris acte que votre gouvernement, sonné, était prêt à interrompre le processus législatif de décentralisation, à remettre en cause ce projet de loi que vous nous aviez contraints, à la veille des élections, à étudier en catimini et au pas de charge. M. Édouard Landrain. En principe, on ne peut pas faire les deux en même temps ! M. André Chassaigne. Malheureusement, ce début d'ouverture a bien vite été stoppé par le coup de sifflet du caporal, sous-chef d'une section en déroute, mais soudainement gonflé d'une hallucinante autorité régénérée : « On continue. Circulez, y'a rien à voir ! ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Bernard Schreiner. Quelle littérature ! M. Marc Reymann. N'est pas Brard qui veut ! M. André Chassaigne. Ainsi, après avoir dit : « Ce n'est pas la rue qui gouverne », vous allez plus loin et vous affirmez : « Ce n'est pas le suffrage universel qui va décider ». Ce projet aujourd'hui soumis à notre vote, monsieur le Premier ministre, vous nous l'aviez bradé, la main sur le cœur, au nom d'une proximité perdue entre les élus et les Français. Vous prétendiez ainsi rapprocher du terrain l'exercice du pouvoir. Vous dissertiez sur le pragmatisme et l'efficacité de la gouvernance locale. Vos talents éphémères auraient presque pu faire illusion et laissé accroire votre bonne foi... (« C'est minable ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais, aujourd'hui, votre obstination à passer en force révèle un tout autre visage, celui d'un imprécateur, dogmatique et rigide (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), d'un exécutant zélé, intransigeant et sourd aux cris de la rue et du suffrage universel. (Mêmes mouvements.) M. Pascal Clément. En un mot, celui d'un communiste ! M. André Chassaigne. Derrière vos aphorismes, vos formules à l'emporte-pièce, on trouve en fait un texte qui ne parle ni de bon sens ni de proximité. M. Jean-Claude Lenoir. C'est laborieux ! M. François Rochebloine. Rendez-nous Gremetz ! M. André Chassaigne. Il s'agit plutôt d'organiser, méthodiquement, le démantèlement de l'Etat. Avec un objectif : inscrire encore plus fortement la France dans la guerre économique et la mondialisation libérale. En effet, le mode de répartition entre les départements et les régions des compétences transférées accentuera la dichotomie entre l'économique, confié aux régions, et le social, confié aux départements. Vous exonérez ainsi ces dernières, dans l'élaboration de leur stratégie économique, de toute responsabilité sociale en matière de développement, ce qui aura pour effet, en raison de la concurrence sauvage qui sévit au cœur de l'Europe libérale, de mieux les soumettre aux desiderata des multinationales, des chasseurs de prime et des maîtres chanteurs à l'emploi. (« Dont le Medef, sans doute ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Car enfin, comment voulez-vous, dans un tel cadre institutionnel, concevoir un développement économique durable, équilibré, respectueux des hommes et des territoires ? Comment tolérer que les régions, chargées de soutenir le développement économique, puissent se délester auprès des départements des politiques visant à corriger les déséquilibres sociaux créés au sein du processus productif ? Nous n'acceptons pas ce cadre institutionnel dans lequel vous enfermez les collectivités territoriales, tant il est empreint de dogmes libéraux. Et faites-nous confiance pour faire éclater, au sein des conseils régionaux et généraux, le carcan dans lequel vous voulez enfermer l'action publique ! Parmi les sentences creuses dont ce gouvernement s'est fait le spécialiste, celles relatives à la « libération des énergies » sont particulièrement ronflantes. Quelles énergies libérez-vous, monsieur le Premier ministre, en transférant vers les collectivités territoriales 96 000 personnels TOS et en rompant, de ce fait, l'unité des équipes éducatives dans les établissements ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. François Grosdidier. C'est du personnel énergique ! Il ne mérite pas votre mépris ! M. André Chassaigne. Quelles énergies libérez-vous en démantelant, pièce après pièce, les services de l'équipement dans les départements, et en décentralisant la gestion de milliers d'agents assumant des missions d'Etat ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quelles énergies libérez-vous dans les départements, privés de tout droit d'intervention dans le domaine économique sans l'accord de leur tuteur régional ? M. Michel Bouvard. Il faut vous en prendre à la loi sur la démocratie de proximité ! M. André Chassaigne. Quelles énergies libérez-vous dans l'hôpital, avec une régionalisation qui supprime toute référence aux normes nationales en matière de lits de médecine, de chirurgie, d'obstétrique ou d'équipements hospitaliers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.- Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Francis Delattre. Arrêtez-le ! M. André Chassaigne. Plutôt que d'être abreuvés de faux-semblants et de banalités navrantes, les Français ont le droit de savoir, au contraire, comment vous comptez éviter d'asphyxier les budgets des départements et des régions. Car le flot des compétences obligatoires que vous transférez vers ces collectivités sera, pour beaucoup d'entre elles, insupportable. De quelles marges de manœuvre budgétaires et politiques disposeront les régions après le transfert des TOS ? De quels moyens disposeront les départements, après le transfert du RMI-RMA effectué en janvier dernier, et après ceux prévus par cette loi, pour lancer des politiques relevant de leur seule libre administration ? L'élasticité des budgets des collectivités locales sera encore réduite par la progression inéluctable des postes de dépenses transférés. Et votre refus entêté de débattre du volet financier de la décentralisation avant ce vote ne fait que confirmer nos dires. Je ne parle même pas de cet indigent projet de loi organique, dit « d'autonomie financière des collectivités territoriales », qui sera bientôt à l'ordre du jour. Monsieur le Premier ministre, vous prétendiez à Rouen qu'en administrant près, on administrerait mieux. Ce n'est pourtant pas de cela qu'il s'agit. Il s'agit plutôt d'inciter les collectivités, sous la contrainte budgétaire, à se désengager massivement de l'action publique et à conduire, en parallèle, la politique de rigueur budgétaire que vous voulez imposer au pays. Mme Muguette Jacquaint. Très bien ! M. André Chassaigne. Il s'agit aussi d'inciter ces mêmes collectivités, contraintes de maîtriser la dépense publique, à multiplier les délégations de service, et donc les privatisations de services publics locaux. Les TOS de l'éducation nationale comme les agents de l'équipement sont les premiers visés par cette politique. Ils l'ont bien compris. D'ailleurs, votre refus systématique d'adopter tout amendement excluant la perspective de privatisation a confirmé leurs craintes. Il s'agit enfin, bien évidemment, d'un renoncement. Celui de la grande ambition gaullienne d'un aménagement harmonieux du territoire français. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ah non, pas vous ! M. Christian Cabal. Parlez plutôt de votre ambition stalinienne ! M. André Chassaigne. Car ce qui se profile avec ce texte, c'est, au final, un approfondissement des inégalités territoriales. On connaît les écarts de développement qui séparent aujourd'hui les régions. On sait aussi que ces inégalités se sont considérablement renforcées. Nos territoires se meurent et vous les laissez mourir. A force de dépouiller l'Etat de ses compétences et de privatiser nos services publics, vous aiguisez les inégalités et accélérez la désertification de nos campagnes. Contraintes budgétaires nouvelles, privatisations de services publics locaux, approfondissement des inégalités territoriales... la proximité que vous invoquez ressemble beaucoup à celle qui vous lie au Medef ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - « Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Mes chers collègues, un peu de silence ! De toute façon, vous auriez été déçus s'il n'avait pas dit cela ! M. Maxime Gremetz. Guillaume et Nicolas, même combat ! M. André Chassaigne. Cette loi, et c'est bien là votre objectif premier, générera de l'impuissance politique. Avec un Etat affaibli et des collectivités territoriales dépourvues de moyens financiers, vous protégez les multinationales (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) de tout risque d'intrusion des élus du peuple dans le domaine bien gardé de la gestion des entreprises. M. Francis Delattre. Quelle caricature ! M. André Chassaigne. C'est bien là que se situe le cœur même de votre projet de décentralisation. Il s'agit, dans le cadre de la construction d'une Europe libérale des régions, de soumettre nos institutions aux lois du marché. Dans ce schéma, la Commission et la Banque centrale européenne décident ; les Etats, en tant que modes d'expression de la souveraineté populaire, s'effacent ; les régions, enfin, appliquent les décisions et les corrigent à la marge. Quant aux marchés, ils spéculent et licencient à l'envi ! Les Michelin, Lu ou Metaleurop ont décidément de beaux jours devant eux ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Certes, les marchés applaudissent. Mais les Français, quant à eux, vous ont dit non ! (Mêmes mouvements.) Evidemment, nous récusons en bloc cette logique. Et nous n'accepterons pas l'impuissance politique dans laquelle vous souhaitez enfermer la République. Par tous les moyens, dans les territoires et les assemblées délibérantes des collectivités territoriales, nos élus seront présents pour porter, directement avec les citoyens, les syndicalistes et les élus, ... M. Bernard Schreiner. ...le drapeau rouge ! M. André Chassaigne. ...des dynamiques alternatives. Ils feront vivre de nouveaux modes d'intervention publique, notamment dans les affaires économiques, par la mobilisation du crédit bancaire, en faveur de la création d'emplois stables. M. Jean Ueberschlag. C'est terminé ! Veuillez conclure ! M. André Chassaigne. La discussion parlementaire qui a eu lieu avant les élections n'a fait que confirmer nos craintes sur la réalité de votre projet - sans parler de vos réactions d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Votre assurance sourde et hautaine a orienté nos échanges sur des questions purement techniques pour mieux éviter tout débat politique de fond. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est bien pourquoi, malgré vos quelques reculades,... Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ça suffit ! Il parle depuis un quart d'heure ! M. André Chassaigne. ...notamment l'adoption de notre amendement revenant sur votre projet d'instituer des péages sur les routes, le groupe des députés communistes et républicains votera fermement contre ce projet. M. Jean Ueberschlag. C'est scandaleux ! Son temps de parole est écoulé ! M. André Chassaigne. Pas plus qu'hier (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vous ne pourrez compter sur nous, ... M. Serge Poignant. Personne ne peut compter sur vous ! M. André Chassaigne. ...au lendemain de votre très remarquable débâcle électorale, pour approuver ces transferts de compétences que vous voulez nous imposer, et qui se situent à l'opposé d'une décentralisation donnant aux populations de réels pouvoirs d'intervention. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs suivants, je vais faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues les moins rapides de regagner l'hémicycle. (Sourires.) Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. La parole est à M. Pascal Clément. M. Pascal Clément. Monsieur le Premier ministre, la majorité est aujourd'hui heureuse de vous avoir à ses côtés pour ce texte auquel nous croyons (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)... Vous allez avoir l'occasion de crier, mais laissez-moi parler d'abord ! M. Maxime Gremetz. Ne vouliez-vous pas le retirer ? M. Pascal Clément. Je vais y venir. Nous sommes totalement convaincus, monsieur le Premier ministre, que les critiques que nous entendons s'expliquent, pour la plupart, soit par une méconnaissance du texte (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), soit par la volonté de faire primer la querelle politicienne sur l'argument de fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. Mes chers collègues de l'opposition, je sais que vous ne partagez pas le point de vue de M. Clément, ce n'est pas une nouveauté, ... M. Alain Néri. Vous non plus d'ailleurs ! M. Pascal Clément. Ils ne l'ont pas encore entendu ! M. le président. ...mais laissez-le s'exprimer ! Monsieur Clément, vous avez la parole ! M. Pascal Clément. Je vais prendre tous les arguments les uns après les autres ! Parlons d'abord du financement, évoqué en particulier par l'opposition et par ceux qui n'ont pas eu, comme nous, les parlementaires, le bonheur de travailler ce texte. Ce matin, nous avons examiné la loi organique sur l'autonomie financière. Cette loi règle-t-elle le problème du financement ? Plusieurs députés du groupe socialiste. Non ! M. Pascal Clément. En effet ! (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Or je suis frappé de voir que, depuis plusieurs jours, sur tous les bancs, tout le monde réclame le vote de cette loi... M. André Chassaigne. Pas du tout ! M. Pascal Clément. ...en amont du vote de la loi de décentralisation, pensant peut-être, parce que certains n'ont pas travaillé la question, qu'elle financerait la loi de décentralisation. M. André Chassaigne. C'est une coquille vide ! M. Pascal Clément. Très mauvaise nouvelle : cette loi n'a pas pour fonction de financer la loi de décentralisation. M. André Chassaigne. On le sait bien ! M. Pascal Clément. Elle précise la notion de ressources propres, qui fondent la part déterminante des ressources des collectivités locales. A l'occasion de chaque loi de finances, le gouvernement fixera le niveau d'autonomie financière de chaque collectivité locale, et il sera constitutionnellement obligatoire de ne pas faire descendre le taux de ressources en dessous de celui atteint lors du dernier transfert, opéré à l'occasion de la création de l'APA. La loi organique n'aura donc aucune incidence sur le financement de la loi de décentralisation. M. Jérôme Lambert. On fait des lois qui ne servent à rien ! M. Pascal Clément. Alors, me direz-vous, nous allons voter à l'aveugle la loi de décentralisation ! (« Oui ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste.) Eh bien oui, mais je vais maintenant vous expliquer pourquoi. Si nous en sommes là, c'est parce qu'un gouvernement, en 2001, et, si mes souvenirs sont bons, et si la mémoire ne m'a pas totalement échappé, c'était le gouvernement de M. Jospin, sur l'initiative du président de l'Assemblée nationale qui occupait votre siège à l'époque, monsieur le président, M. Raymond Forni, a fait voter une loi organique prévoyant que le transfert des impôts de l'Etat vers les collectivités locales ne pouvait avoir lieu que dans le cadre de la loi de finances. M. Michel Bouvard. Tout à fait ! M. Pascal Clément. Vous voudriez contrevenir à des dispositions que vous avez vous-mêmes votées ? C'est tout de même extraordinaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Henri Emmanuelli. C'est tout ce que vous avez trouvé ? M. Pascal Clément. D'ailleurs, si vous vouliez vous affranchir de la loi que vous avez votée avec le gouvernement Jospin,... M. Henri Emmanuelli. C'est la faute de Jospin ! M. Pascal Clément. ...vous tomberiez sous la censure du Conseil constitutionnel ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Augustin Bonrepaux. Rien à voir ! M. Pascal Clément. Si l'opposition nous fait le procès de voter une loi de décentralisation non financée, c'est à cause de la loi qu'a fait voter M. Jospin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Avouez que c'est tout de même intéressant à constater. M. Augustin Bonrepaux. Cela n'a rien à voir ! M. Pascal Clément. Tout le reste n'est que littérature ! M. Henri Emmanuelli. Cela ne change pas, vous êtes un guignol ! M. Pascal Clément. Deuxième point, y a-t-il eu oui ou non absence de concertation ? Plusieurs députés du groupe socialiste. Oui ! M. Augustin Bonrepaux. Bien sûr ! M. Pascal Clément. Monsieur Emmanuelli, vous faisiez entendre votre voix tout à l'heure, et elle est forte. Vous vous souvenez comme moi, puisque vous étiez au gouvernement, des lois Defferre. Plusieurs députés du groupe socialiste. Vous étiez contre ! M. Pascal Clément. Y a-t-il eu des assises des collectivités locales sous le gouvernement de M. Mauroy au moment des lois Defferre ? Est-ce que le gouvernement de la France a envoyé ses ministres faire le tour des régions, alors que nous avons réuni, nous, 55 000 personnes ? Absolument pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Plusieurs députés du groupe socialiste. Bidon ! M. Pascal Clément. J'entends dire, comme l'a fait tout à l'heure M. Chassaigne avec un humour qui fait toujours mon admiration, que nous avons agi en catimini et au grand galop, ce qui est tout de même un tour de force ! Ça n'a pas du tout été en catimini puisqu'il y a eu un grand tour de France... M. Henri Emmanuelli. Vous avez eu la réponse ! M. Pascal Clément. ...et que nous tous, le Gouvernement avec l'aide de tous les élus locaux, nous sommes venus réfléchir à ce sujet. Ne nous parlez donc pas d'une loi de décentralisation faite dans le dos des élus locaux ! M. Henri Emmanuelli. Vous avez eu la réponse ! Sauf en Alsace ! M. Pascal Clément. Troisième objection que j'entends aussi : cette loi n'intéresserait que les élus locaux. Je me rappelle sans effort ce que j'ai entendu ces dernières semaines lors de la campagne électorale. La plupart d'entre nous, comme nos collègues élus, nous expliquions que nous voulions rendre la parole au peuple, faire une démocratie de proximité vivante. M. Henri Nayrou. Monsieur le président, ramenez-le à son texte ! M. Pascal Clément. Eh bien, c'est dans ce texte, dont nous achevons aujourd'hui la première lecture, que sont prévues des consultations électorales au niveau des départements, le droit de pétition, faisant suite d'ailleurs à une loi organique que nous avons votée en août dernier, qui donnait le droit de référendum aux collectivités locales. N'est-ce pas, mes chers collègues, un droit qui permet la proximité avec le terrain et qui ne concerne donc pas simplement les élus, mais tous les Français ? Autre objection : on ne parle pas de l'intercommunalité. Petit rappel chiffré : 26 articles de la loi sur 126 traitent de l'intercommunalité,... M. Marc Laffineur. Absolument ! M. Pascal Clément. ...c'est-à-dire que, loin de le considérer comme négligeable, il a au contraire été prévu de rationaliser cet échelon indispensable. Au passage, je rends hommage à la gauche de l'avoir créé, nous l'avons voté. Il y a 36 000 communes et il était nécessaire de renforcer l'intercommunalité, de permettre les fusions, car, dans certains coins de notre pays, les intercommunalités sont trop petites et sont plus une pompe à DGF qu'autre chose. Il faut faire en sorte que, demain, l'intercommunalité réponde à la demande du citoyen. J'entends aussi qu'il faudrait supprimer un échelon de compétence (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste),... M. Henri Emmanuelli. Mais non ! M. Albert Facon. C'est le Jeanne d'Arc de la loi ! M. Pascal Clément. ...pas simplement sur ces bancs, mais aussi, en France, dans la bouche d'universitaires, très compétents, même si aucun d'entre eux, à ma connaissance, n'est élu. On parle de texte confus, mais il y a notre histoire, et on ne peut laisser croire, par démagogie, que l'on pourrait simplifier à l'extrême. Quand une action est lancée par un département, il est aidé par une communauté urbaine, une région ou des communes. Nous n'avons pas le moyen de rendre simple ce qui est enchevêtré en raison de notre histoire institutionnelle. Si ce texte paraît difficile, touffu, disent certains, c'est dû à notre histoire. Certains veulent supprimer les départements, mais, quand il s'est agi d'appliquer le principe de proximité ou de subsidiarité, on a très vite compris que le département était le mieux placé pour le RMI-RMA, mieux que l'Etat, qu'on ne pouvait pas donner les routes nationales aux régions, et qu'il était donc indispensable de respecter ce maillage français. Supprimer les départements, c'est aussi supprimer les administrations déconcentrées et les préfets. Qui vote ce type de proposition ? Il était donc clair que nous n'avions pas le choix. Nous devions respecter les intercommunalités, les communes, base de notre démocratie, les départements, maillage indépassable pour le moment de notre structure française,... M. Émile Zuccarelli. Très bien ! M. Pascal Clément. ...et les régions, qui sont évidemment la structure d'avenir puisque l'Europe s'est organisée en régions. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Proximité, synergie économique, possibilité de mobiliser tous les centres de décision dans nos régions et dans nos départements, c'est une richesse de plus pour tout le monde. Tous les pays d'Europe ont décentralisé, la Finlande, la Belgique, l'Irlande, l'Italie, l'Espagne, et nous ne voudrions pas bouger ? Ce ne serait pas raisonnable. C'est l'intérêt général et c'est en plus montrer que l'on croit dans une Europe qui, sans être jamais, je pense, une Europe des régions car c'est d'abord une Europe des nations, aura des régions fortes. Je m'étonne, pour terminer, que certains nouveaux présidents de région, sacrés par le suffrage universel, aient osé dire qu'ils n'appliqueraient pas les lois de décentralisation. (« Honteux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Lorsque vous avez décidé de confier l'aide personnalisée à l'autonomie aux départements, cela devait représenter 2,5 milliards d'euros et cela a été le double. Or vous n'avez transféré que 25 % de la somme nécessaire pour financer cette nouvelle compétence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Qu'auriez-vous dit si les présidents de conseil général d'hier avaient refusé d'appliquer la loi ? Non seulement vous vous trompez de combat mais, en plus, vous n'avez pas le sens de la démocratie que nous, nous avons eu quand, à l'époque, nous n'étions pas favorables à un tel transfert de compétence. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous vous demandons de respecter la démocratie et l'alternance. C'est la volonté du peuple qui parlera à travers cette majorité,... M. Henri Emmanuelli. Elle s'est exprimée ! M. Pascal Clément. ...comme hier avec la vôtre. Soyez donc de bons républicains, vous deviendrez de bons décentralisateurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault. M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, qu'est-ce qu'une démocratie où un gouvernement méconnaît le suffrage universel ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) M. Arnaud Lepercq. L'instruction civique, c'est en sixième ! M. Jean-Marc Ayrault. Qu'est-ce qu'une démocratie où la majorité parlementaire ignore la légitimité régionale ? Qu'est-ce qu'une démocratie où une loi se fait contre l'avis de tous ? Pourquoi, monsieur le Premier ministre, cette obstination à nous faire voter à tout prix ce texte aujourd'hui ? Le vote que vous nous imposez est une offense faite aux Français. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Il va instituer une décentralisation bâclée et inégalitaire. Il va contraindre les assemblées locales à des choix impossibles et provoquer une véritable fracture entre l'Etat et les pouvoirs démocratiques locaux. M. Édouard Landrain. Jacobin ! M. Jean-Marc Ayrault. Vous disiez pourtant vouloir tirer les leçons de vos erreurs. Mme Chantal Robin-Rodrigo. Tu parles ! M. Jean-Marc Ayrault. Vous promettiez, dès le 1er avril,... M. Henri Emmanuelli. Poisson d'avril ! M. Jean-Marc Ayrault. ...de consulter les groupes parlementaires et les nouveaux présidents des exécutifs locaux avant l'adoption du texte. C'était une sage décision tant votre projet a réussi à mécontenter les collectivités comme les administrations, les citoyens comme les élus, jusqu'au cœur même de votre groupe majoritaire. N'est-ce pas le président Jacques Barrot qui, ce matin, sur une radio, qualifiait ce texte de brouillon ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) N'est-ce pas le président Clément qui, dans un journal du soir, allait même beaucoup plus loin ? N'est-ce pas d'ailleurs faire preuve d'un certain sens du comique troupier que de l'avoir choisi comme orateur pour défendre le vote positif de l'UMP cet après midi ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je vous plains, monsieur Clément (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), mais je plains aussi vos collègues de l'UMP qui vont voter pour comme un seul homme. Il est vrai que, dans le système Chirac, les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Arnaud Lepercq. Maxime que vous appliquez ! M. Édouard Landrain. C'est un spécialiste qui parle ! M. Jean-Marc Ayrault. Le plus grave de ces défauts est d'avoir troqué une autorité enfuie pour l'autoritarisme. Convaincu d'avoir trouvé la pierre philosophale qui allait transformer le plomb de la centralisation en or libéral, M. Jérôme Lambert. L'or de la Banque de France ! M. Jean-Marc Ayrault. ...votre gouvernement reste obstinément sourd à toutes les mises en garde de l'opposition, mais aussi de votre majorité sur le caractère, - je prie M. le président de m'excuser de le citer -« intégriste » et inapplicable de votre démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je voudrais croire à votre promesse d'être plus à l'écoute lors la deuxième lecture. Mais j'entends aussi le Premier ministre adjurer le Parlement de « conclure rapidement » ce débat. Qui croire ? (« Pas vous en tout cas ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le Premier ministre pressé ou le ministre « ouvert » ? Le Villepin prêt à des améliorations que j'ai écouté attentivement ou le Raffarin enfermé dans ses certitudes ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mme Sylvia Bassot. On dit Monsieur Raffarin ! M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur Raffarin, Jean-Pierre Raffarin, monsieur le Premier ministre, avec tout le respect que je lui dois, comme tous les députés de la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pourquoi - c'est une question et non un procès d'intention - ne pas avoir accepté de remettre tout à plat dès maintenant, comme beaucoup d'élus de votre majorité le souhaitaient, plutôt que d'attendre d'hypothétiques changements en deuxième lecture ? Jusqu'à présent, votre gouvernement n'a pas donné de preuve qu'il savait écouter l'opposition. Nous n'avons cessé de vous le dire : l'ordre que vous persistez à suivre pour l'examen de cet arsenal législatif est une aberration tant sur le plan de la logique juridique et institutionnelle que par rapport à vos propres promesses exprimées lors de l'examen de la loi constitutionnelle. Débattre du cadre financier de la réforme avant de décider de la nature des transferts est une évidence si l'on veut, comme vous le promettez, assurer une véritable autonomie financière aux collectivités locales et leur donner les moyens de leur politique. M. Arnaud Lepercq. Et vous, qu'avez-vous fait ? M. Jean-Marc Ayrault. Tel n'est pas ce que vous vouliez faire, en dépit de ce simulacre médiatique qu'a été le report d'une semaine du présent vote solennel et de l'examen en commission du projet de loi organique. La logique que vous continuez de suivre est de vous décharger de vos déficits calamiteux sur les collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et M. de Villepin ne nous a pas rassurés cet après-midi. M. Alain Gest. Ce n'est pas vous qui allez nous rassurer ! M. Jean-Marc Ayrault. Vous leur confiez des responsabilités coûteuses, comme le RMI-RMA... Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Qu'aviez-vous fait avec l'APA ? M. Jean-Marc Ayrault. ... les routes nationales, la formation professionnelle, une partie des personnels de l'éducation nationale (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) sans avoir déterminé les financements correspondants. M. Pierre Méhaignerie. Et les 35 heures ? M. Jean-Marc Ayrault. Vous l'avez redit cet après-midi, monsieur le ministre de l'intérieur, la seule contrepartie prévue est le transfert d'une partie de la TIPP. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) Ecoutez ! Cela vous peut intéresser et surtout intéresser vos électeurs ! La TIPP est une ressource passive sur laquelle les collectivités n'auront aucune prise et dont toutes les statistiques montrent que la croissance est faible, lente et incertaine. Pis, ce que vous donnez d'une main sera repris de l'autre puisque le Président de la République a annoncé, seul, la suppression de la taxe professionnelle qui représentait la principale rentrée financière des collectivités locales et que vous n'avez toujours pas remplacée en dépit des engagements que vous aviez pris. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Quant au système de péréquation, il n'est nulle part défini. Nous avions estimé le transfert de l'Etat vers les collectivités locales de 11 à 13 milliards d'euros... M. Édouard Landrain. Vous n'avez jamais su compter ! M. Arnaud Lepercq. Vous vous êtes toujours trompés dans les chiffres ! M. Jean-Marc Ayrault. Ce matin, un journal plutôt proche de la majorité, le chiffrait à 13 milliards d'euros, c'est-à-dire en moyenne le quart des budgets actuels des départements et des régions. Cette politique inconséquente risque de provoquer un véritable krach des finances locales. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous avez parfaitement le droit de réagir, mais pourquoi ceux qui, sur les bancs de la majorité, pensent comme nous ne le disent-ils pas tout haut alors qu'ils sont chaque jour plus nombreux à le dire discrètement ? Les collectivités vont se retrouver devant le choix impossible d'augmenter leurs impôts ou de diminuer le service public rendu à leurs administrés. A moins qu'elles ne préfèrent mettre à contribution l'usager en instaurant des péages à l'entrée des villes ou les routes nationales départementalisées (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)... M. Édouard Landrain. Arrêtez avec ça ! M. Jean-Marc Ayrault. ... comme l'ont proposé ici certains des élus de votre majorité lors de la discussion en première lecture. Ces propositions, dictées par la crainte d'une crise financière, avaient au moins le mérite de l'honnêteté et de la sincérité. Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Quelle mauvaise foi ! M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, à l'insécurité routière... (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) S'il est un point sur lequel je suis d'accord avec le Gouvernement, c'est son action contre l'insécurité routière ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) A l'insécurité financière, voulais-je dire, vous ajoutez le déshabillage méthodique des missions de solidarité et d'aménagement du territoire de la puissance publique. Après la diminution des dotations de l'Etat, la violation répétée des contrats de plan, l'abandon des subventions aux transports publics urbains, vous privez l'Etat de tout moyen d'intervention d'urgence en matière de logement social. Il serait pourtant indispensable, dans l'intérêt général, que l'Etat corrige les politiques locales qui ne vont pas dans le sens de la solidarité en faveur des catégories les plus modestes de nos concitoyens. De la même manière, les compétences de l'Etat en matière de formation professionnelle sont mises à mal. Non seulement le Gouvernement préfère donner satisfaction au MEDEF... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Beaucoup de ceux qui réagissent contre mes propos n'étaient pas présents au moment du débat. Il y avait d'ailleurs très peu de députés de l'UMP. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Lors de ce débat, vous vous souvenez certainement, monsieur Clément, de l'échange que nous avons eu sur le transfert de la formation professionnelle aux régions, ce qui en soi n'est pas une mauvaise chose. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais la mise en concurrence de l'AFPA avec les officines de formation professionnelle proches du MEDEF en est une autre ! Nous sommes en désaccord sur ce point et nous ne sommes pas les seuls ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. Arnaud Lepercq. Et les GRETA ? M. Jean-Marc Ayrault. Pour nous, il ne peut y avoir de décentralisation que républicaine. Pour vous, elle n'est qu'un moyen de pallier vos carences. Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Arrêtez ! M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, vous avez pris, avec votre ministre de l'intérieur, des engagements. Donnez-nous des preuves de votre nouvel état d'esprit. Ecoutez nos demandes et j'en formulerai deux. Abandonnez le transfert des 100 000 agents techniciens, ouvriers et de service de l'éducation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Démago ! M. Jean-Marc Ayrault. Les collectivités vous disent qu'elles ne peuvent pas assumer convenablement leur gestion et leur charge. Et ce transfert mettrait en péril l'unité du service public de l'éducation nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous vous demandons également de garantir les financements de toutes les autres dévolutions de responsabilités aux départements et aux régions, au centime d'euro près, et cela dans la durée bien sûr ! M. Jean-Luc Reitzer. Comme vous l'avez fait ! M. Jean-Marc Ayrault. Tant que ces préalables n'auront pas été levés, nous n'accepterons pas plus aujourd'hui qu'hier de valider un texte confus, maladroit et aveugle. Votre plus grande faute est d'avoir défiguré cette belle et grande idée de la décentralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Oui, nous sommes fiers d'avoir été, avec Gaston Defferre et Pierre Mauroy, des précurseurs de la décentralisation, ... M. Claude Goasguen. Des fossoyeurs ! M. Jean-Marc Ayrault. ...puis avec Pierre Joxe, Jean-Pierre Chevènement, Daniel Vaillant... M. Claude Goasguen. Des fossoyeurs ! M. Jean-Marc Ayrault. ...de l'avoir poursuivie, permettant ainsi de moderniser l'Etat et l'organisation de notre pays. Notre désir est de continuer. Mais là où il fallait simplifier, vous avez compliqué. Là où il fallait rapprocher, vous avez éloigné. Là où il fallait de l'égalité, vous avez semé l'injustice. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Claude Goasguen. Caricature ! M. Jean-Marc Ayrault. La France que vous voulez bâtir est une nation émiettée en principautés concurrentes et inégalitaires. Par leur vote massif en faveur des majorités régionales de gauche, nos concitoyens ont contredit ce dessein et ont fait le choix d'une décentralisation solidaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vous avez dépassé votre temps de parole ! M. Jean-Marc Ayrault. Rassurez-vous, je vais conclure. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je connais l'impartialité du président ; j'ai veillé, comme vous, au temps de parole et nous avons été traités de la même façon. Nous voulons des régions, des départements, des villes qui investissent dans les politiques publiques de l'emploi, de la solidarité, de la recherche, de l'environnement plutôt que dans les charges de fonctionnement dont l'Etat ne veut plus. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Plaisantin ! M. Jean-Marc Ayrault. Vous n'êtes pas d'accord ? Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est terminé ! M. le président. Arrêtez de crier ! M. Albertini a parlé onze minutes, M. Chassaigne, quatorze minutes, M. Clément, quatorze minutes et M. Ayrault en est pour l'instant, lui aussi, à quatorze minutes. (« Qu'il arrête ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il n'y a pas eu de dépassement. Tout le monde a été logé à la même enseigne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. Jean-Marc Ayrault. Je vous remercie, monsieur le président. Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est terminé ! M. Jean-Marc Ayrault. Je comprends bien que ce que nous rappelons vous dérange ! Nous l'avions déjà dit avant les élections régionales et cantonales, mais vous ne nous aviez pas beaucoup écoutés ! Nous souhaitons des financements pérennes, évolutifs et solidaires qui organisent et garantissent la solidarité entre territoires riches et pauvres. M. Jean-Claude Lenoir. Des mots ! Des mots ! M. Jean-Marc Ayrault. Nous souhaitons une clarification du paysage institutionnel qui distingue bien les compétences de chaque niveau de collectivité. Nous voulons une démocratie participative (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui donne aux citoyens la capacité de peser sur les décisions. C'est parce que nous sommes plus que jamais favorables à la décentralisation (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) que nous voterons contre ce projet de loi, avec le soutien explicite des Françaises et les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi. Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet. Le scrutin est ouvert. .................................................................. M. le président. Le scrutin est clos. Voici le résultat du scrutin : L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur. M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Je remercie l'Assemblée nationale d'avoir adopté, en première lecture, ce projet de loi. Permettez-moi, après le Premier ministre et le ministre de l'intérieur, de redire que les messages que vous avez adressés ont été pleinement entendus, et pour ce qui concerne les garanties financières - nous évoquerons cette importante question lors de la discussion de la loi organique qui précédera la deuxième lecture - et pour ce qui concerne le souhait de clarification des compétences. Il nous faudra aussi évoquer certaines contradictions : c'est bien dans le rapport Mauroy que l'on parle pour la première fois, par exemple, du transfert des TOS. Enfin, nous vous avons entendus bien sûr pour ce qui concerne la méthode : dialogue, concertation, mais aussi détermination, car c'est cela que les Français attendent de nous. M. le président. La parole est à M. Jacques Barrot. M. Jacques Barrot. M. Ayrault m'a mis en cause. Je ne polémiquerai pas, mais j'exprimerai le regret qu'il ait feint de ne pas avoir compris ce que j'ai dit ce matin. Je n'ai jamais qualifié le texte de « brouillon ». J'ai simplement comparé la première lecture à une première esquisse de la version définitive d'un projet. En langage courant, il est fréquent d'évoquer une première version comme un « brouillon ». (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Il y a, dans toutes les disciplines, des brouillons qui honorent leur auteur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La séance est suspendue. (La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de Mme Hélène Mignon.) PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON, vice-présidente Mme la présidente. La séance est reprise.
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE Mme la présidente. Mes chers collègues, j'ai reçu de M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement une lettre modifiant l'ordre du jour d'aujourd'hui et, par voie de conséquence, celui du jeudi 29 avril. Nous poursuivrons cet après-midi, si possible jusqu'à son terme, la discussion du projet de loi relatif au divorce. Ce soir, nous examinerons le projet de loi relatif à la Banque centrale européenne. M. Jacques Myard. Scélérate ! Mme la présidente. Le projet sur la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel est renvoyé au jeudi 29 avril. L'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié.
Suite de la discussion d'un projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif au divorce (nos 1338, 1513). Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 18. Mme la présidente. Sur l'article 18, je suis saisie de deux amendements identiques, nos 131 et 158. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l'amendement n° 131. M. Jacques Myard. Monsieur le garde des sceaux, je propose d'insérer dans la dernière phrase du troisième alinéa du I de l'article 18, après le mot :« capital », les mots :« ou d'une rente ». Dans la réalité, en effet, l'attribution d'un capital ne permet pas véritablement de compenser la disparité issue de la rupture du lien conjugal. L'absence d'un capital significatif est de nature à pénaliser la partie la plus faible. Il convient donc de rendre au juge la faculté d'accorder la prestation compensatoire sous la forme la plus appropriée, sans subordonner l'attribution de la rente viagère à des critères exceptionnels, et de fixer librement les modalités du versement. Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Boutin, pour défendre l'amendement n° 158. Mme Christine Boutin. L'amendement n° 158 est identique et il est défendu. Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur ces deux amendements ? M. Patrick Delnatte, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. La commission a rejeté ces deux amendements identiques, qui réintroduisent une notion contraire à la réforme du 30 juin 2000, qui a subordonné l'octroi des rentes viagères à des critères légaux. Le projet de loi permet déjà l'octroi d'une rente, soit lorsque les critères légaux liés à l'âge et à l'état de santé du créancier sont remplis, soit lorsque les parties s'accordent dans un cadre conventionnel sur des modalités particulières de la prestation compensatoire, ce qui est possible même dans le cas d'un divorce contentieux et que le juge doit alors entériner. Il ne faut donc pas remettre en cause ce dispositif, sous peine de replonger dans des difficultés que connaissent aujourd'hui certains débiteurs de prestations compensatoires allouées au titre de la loi du 30 juin 2000. Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 131 et 158. M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements identiques. Sans revenir sur ce que vient d'indiquer le rapporteur, il me semble utile de préciser que le texte proposé n'a pas pour vocation de remettre en question les équilibres de la loi de 2000, mais de faciliter certaines procédures et de permettre certains progrès. Il propose, en particulier, des mesures autorisant la combinaison de différentes formes de capital et des allégements fiscaux qui rendront plus intéressante la formule du capital. Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Boutin. Mme Christine Boutin. J'entends bien la réponse de M. le garde des sceaux et j'ai conscience que l'introduction du concept de rente modifie les objectifs de ce texte. Il me semble toutefois - et j'y reviendrai à l'occasion d'un prochain amendement - que la formule consistant à verser un capital ne tient pas assez compte d'une réalité : l'allongement de la durée de la vie. En effet, bien peu de couples qui divorcent disposent d'une fortune colossale. Or, au moment du divorce, c'est en fonction du patrimoine du couple qu'est calculé le montant du capital. J'appelle donc sur ce point l'attention du ministre et j'invite les juges qui auront à définir le montant de ce capital à prendre en compte l'allongement de la durée de la vie. Il n'est pas rare aujourd'hui, en effet, en particulier pour les femmes, d'atteindre l'âge de quatre-vingt-cinq ou quatre-vingt-dix ans, et un capital qui peut sembler raisonnable lorsqu'on divorce à l'âge de cinquante ans peut être insuffisant pour vivre dans la dignité jusqu'à cet âge avancé. La possibilité du versement d'une rente permettrait de tenir compte des personnes les plus fragiles. Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard. M. Jacques Myard. Mme Boutin ayant répondu au ministre, je répondrai au rapporteur. Il est vrai que le capital peut se révéler insuffisant par rapport à la durée de la vie. J'entends bien le souci du ministre et du rapporteur de ne pas remettre en cause les dispositions de la loi de 2000, et les mesures que nous proposons pourraient être encadrées. Toujours est-il que la loi ne doit pas être trop rigoureuse et fonctionner comme une guillotine, ne permettant pas au juge de tenir compte de la réalité des situations. Je crains donc que le rejet de ces amendements nous prive d'une chance d'améliorer le dispositif prévu. Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Pecresse. Mme Valérie Pecresse. Pendant les six mois où il a travaillé sur ce texte, le groupe de travail sur le divorce a reçu d'innombrables témoignages manifestant combien il est pénible, psychologiquement, de rester en contact avec son ancien conjoint après un divorce. Cette situation génère une véritable usure et suscite de nombreuses demandes de révision du divorce. Le versement d'une rente maintient un lien artificiel entre des conjoints qui n'ont plus aucune relation depuis des dizaines d'années. Il est un peu fou qu'après trente ou quarante ans, on soit encore tenu par des obligations envers le conjoint dont on a divorcé depuis si longtemps ! Le groupe de travail s'est fixé pour objectif de mettre fin à cette relation au moment du divorce et d'en régler ce jour-là toutes les conséquences. Je sais que Mme Boutin et moi-même n'avons pas tout à fait la même vision du mariage et du divorce, mais il me semble qu'on doit pouvoir pacifier ces relations et éviter d'imposer des relations vécues comme très conflictuelles après de nombreuses années. Après plus de dix ans, n'est-ce pas un peu surréel ? Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies. M. Alain Vidalies. Cette question a déjà été très longuement débattue avant le vote de la loi de 2000. Le projet de loi qui nous est proposé ne remet pas en cause l'équilibre atteint par ce texte, équilibre auquel nous sommes très attachés. Le législateur avait eu une position équilibrée et n'avait pas fait du versement d'un capital l'unique solution. Selon le droit positif en vigueur, ce versement, éventuellement échelonné sur huit ans, est la règle, mais il y a une exception - que vous aviez, d'ailleurs, madame Boutin, contribué à définir en 2000 pour répondre aux situations qui vous préoccupent légitimement : nous avions décidé de laisser au juge la possibilité de retenir, pour des raisons liées à l'âge ou à l'état de santé de la personne concernée, le principe d'une rente. Contrairement, donc, à ce que pourraient laisser supposer certaines explications que l'on vient d'entendre, le texte qui nous est présenté ne remet pas en cause cette possibilité. S'il peut être amélioré - comme le fait en partie le projet de loi -, le système actuel est équilibré. Par ailleurs - et ce point sera certainement évoqué à plusieurs reprises cet après-midi -, le maintien de liens permanents avec l'ex-conjoint est, comme le rappelle Mme Pecresse et comme le savent bien les parlementaires qui rencontrent de telles situations dans leurs permanences, une réalité très difficile à vivre, notamment pour ceux qui ont reconstruit une famille après un divorce. Elle affecte aussi bien celui qui paie la rente que l'autre conjoint, dont la nouvelle famille est aussi respectable que la première et nullement inférieure selon quelque hiérarchie que ce soit.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Je confirme les propos de M. Vidalies, à savoir que l'exception permet le versement d'une rente viagère, en particulier lorsque des problèmes d'âge se posent. En ce sens, l'article 271 du code civil apparaît suffisamment protecteur. L'exception qui tient compte de l'âge ou de l'état de santé est assez protectrice pour les situations qui ont été évoquées. Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Boutin. Mme Christine Boutin. Si j'ai bien compris le texte, le versement d'un capital pour solde de tout compte répond à la demande de personnes qui divorcent et qui souhaitent rompre définitivement leurs relations avec leur ex-conjoint. Je voudrais soulever le problème de l'allongement de la durée de la vie. Prenons l'exemple d'une femme de cinquante ans qui perçoit un capital de 500 000 francs au moment de son divorce, ce qui est beaucoup. Elle a encore une espérance de vie de trente-cinq ans. Il est évident que cette somme qui lui aura été versée à l'âge de cinquante ans ne lui permettra pas de vivre décemment jusqu'à l'âge de quatre-vingt-cinq ans. Il faut être conscient que cela veut dire que nous sommes en train de créer une nouvelle pauvreté, une nouvelle précarité, en particulier pour les femmes, donc une nouvelle charge pour la solidarité nationale. Mme la présidente. La parole est M. Emile Blessig. Ensuite, nous passerons au vote, l'Assemblée étant suffisamment éclairée. M. Émile Blessig. En matière de prestation compensatoire, il faut distinguer trois situations. Il y a d'abord les couples divorcés, auxquels faisait allusion Mme Valérie Pecresse, qui souhaitent cesser toute relation et qui sont dans une situation professionnelle ou personnelle qui leur permet de se reconstruire. La prestation compensatoire en capital répond parfaitement à cette problématique. Il y a ensuite deux autres catégories de prestations compensatoires, qui mériteront une attention toute particulière tout au long de l'examen de l'article 18. La première concerne les prestations compensatoires qui sont en voie d'extinction mais qui continuent à poser problème et qui sont celles nées d'une application de la loi de 1975. Il s'agit des prestations compensatoires indemnitaires non révisables qui ont été modifiées par la loi de 2000. Enfin, il y a tous les divorces de personnes dans une situation fragile auxquelles Mme Boutin vient de faire allusion. Il nous appartiendra, lorsque nous examinerons l'article 276, de veiller à ce que la justice ait les moyens d'une bonne application de la loi. Madame Boutin, c'est vrai, les situations individuelles peuvent créer des problèmes particuliers. Mais voulez-vous dire qu'on ne pourrait divorcer que si l'on est en mesure d'entretenir une épouse très longtemps ? Il y a là un problème de liberté par rapport au lien que représente le mariage et à la faculté de pouvoir se reconstruire. Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s131 et 158. (Ces amendements ne sont pas adoptés.) Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, n°s 74 et 76, pouvant faire l'objet d'une discussion commune. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l'amendement n° 74. M. Jacques Myard. Cet amendement est défendu. Il se justifie par son texte même. Mme la présidente. L'amendement n° 76 est-il défendu ? M. Jacques Myard. Il est défendu. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements qui reviennent sur un certain nombre de principes que nous avons voulu édicter pour pacifier le divorce en séparant les conséquences financières des décisions. Cela reviendrait à aller contre toute la philosophie du texte. Je précise que, si l'équité le commande, le juge peut, tant pour l'altération définitive que pour les torts exclusifs, supprimer la prestation compensatoire. Il y a là un garde-fou qui permet d'être objectif et de répondre aux situations. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. J'essaierai d'illustrer mon propos de la façon la plus concrète possible. Vous dites, monsieur Myard, que le juge refuse d'accorder la prestation lorsque le divorce est fondé sur l'altération définitive du lien conjugal. Imaginons le cas d'une femme qui est dans une situation impossible pour des raisons qui tiennent au comportement de son mari et qui demande le divorce. Pourquoi n'aurait-elle pas droit à une prestation compensatoire ? L'effet de votre amendement serait, je le pense, contraire à ce que vous souhaitez. Voilà une des raisons pour lesquelles il faut le rejeter. Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard. M. Jacques Myard. Les explications du ministre m'ont convaincu. Je retire donc l'amendement n° 74. Mme la présidente. Retirez-vous également l'amendement n° 76 de M. Luca ? M. Jacques Myard. Oui, madame la présidente. Mme la présidente. Les amendements n°s 74 et 76 sont retirés. Je suis saisie d'un amendement n° 119. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il s'agit toujours de la rédaction de l'article 270 tel qu'il nous est proposé par le projet de loi et nous sommes dans la continuité du débat qui vient d'être ouvert par les amendements de nos collègues. L'article 270 ouvre la faculté au juge de refuser d'accorder une prestation compensatoire « si l'équité le commande ». Le texte proposé limite l'exercice de cette faculté à deux cas : « soit en considération des critères prévus à l'article 271 notamment lorsque la demande est fondée sur l'altération définitive du lien conjugal, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. » Nous pensons qu'il faut laisser au juge le soin de refuser d'accorder une telle prestation en faisant référence à l'équité, mais qu'il ne convient pas de préciser dans le texte les conditions d'application de ce principe. Des collègues ont demandé que, dans deux cas, le champ de la possibilité pour le juge de refuser d'accorder la prestation compensatoire soit ouvert. Ce ne sont que deux cas, mais il y en a beaucoup d'autres. Or je crains que si l'on s'en tient à la disposition proposée, le juge ne pourra refuser d'accorder la prestation uniquement que dans les cas qui sont cités. Nous proposons donc d'ouvrir totalement la possibilité au juge d'apprécier en équité si l'on doit ou non accorder la prestation compensatoire. Nous pensons qu'il s'agit là d'une prudence nécessaire car la rédaction qui nous est proposée va donner lieu à une abondante jurisprudence pour savoir si les conditions sont cumulatives ou si elles sont simplement limitées aux propositions de l'alinéa. Quand on entre dans l'hémicycle pour la première fois, on nous apprend que le mot « notamment » est le pire des termes qu'on puisse utiliser dans la construction de la loi. Dès qu'un de nos amendements contient ce terme, on nous le reproche. Là, il figure dans le texte et d'une manière extrêmement dangereuse. Nous pensons qu'il vaut mieux rester dans le cadre de la faculté pour le juge, si l'équité le commande, de refuser d'accorder la prestation compensatoire, de telle sorte que les cas qui ont été abordés tout à l'heure mais aussi tous ceux que l'on ne peut pas évoquer - toutes les situations particulières ne peuvent pas être visées par une prescription légale d'ordre général - puissent effectivement être retenus par le juge. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Avis défavorable de la commission. La notion d'équité est très large. Si l'on veut éviter des interprétations et des multiplications de contentieux, il est important de flécher, si j'ose dire, l'orientation du juge, sinon on risque de partir dans tous les sens. Je rappelle qu'un amendement qui sera examiné ultérieurement prévoit de supprimer le terme « notamment ». Les choses sont claires. Il faut s'en tenir à cette rédaction. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Défavorable. Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies. M. Alain Vidalies. Le choix qui a été fait par le Gouvernement modifie le texte en vigueur, mais il ne faudrait pas croire qu'il modifie considérablement l'état du droit positif. Actuellement, c'est vrai, la situation est relativement simple de ce point de vue, notamment s'agissant de l'impossibilité de donner une prestation compensatoire à l'époux contre qui le divorce est prononcé, sauf que ce principe est lui-même tempéré par une disposition qui prévoit aujourd'hui une indemnité exceptionnelle. Vous ne faites ici qu'opérer un renversement pour aboutir à peu près au même résultat : on sépare la décision sur la faute et la décision sur la prestation compensatoire, mais le juge pourra éventuellement refuser la prestation compensatoire au regard notamment des circonstances particulières de la rupture. J'ai le sentiment que le législateur en dit trop ou pas assez. Franchement, avec un texte de loi qui prévoit qu'en fonction des circonstances particulières de la rupture le juge pourra prendre une décision qui exclura le paiement de la prestation compensatoire, notamment contre l'époux qui aura l'ensemble des torts, on peut s'attendre évidemment à ce que les difficultés que nous rencontrons aujourd'hui se reproduisent demain. Il n'est pas inhumain de penser que certains débiteurs potentiels vont essayer de se placer dans une situation où ils n'auront rien à payer. Je crains fort que ceux dont ce sera l'objectif choisissent cette procédure, que vous avez raison de vouloir limiter au maximum, monsieur le garde des sceaux. Personne ne sait aujourd'hui à quoi correspondent les « circonstances particulières ». C'est pourquoi, à ce stade du débat, il serait peut-être intéressant que vous nous donniez des indications, ne serait-ce que parce que nous aurions collectivement intérêt à limiter l'interprétation possible de ce champ, de manière que les choses soient très claires et qu'on soit bien dans le cadre de circonstances exceptionnelles. Je n'ai pas lu aujourd'hui dans les travaux préparatoires sur cette formule très générale d'explicitation qui puisse être utile à la fois aux justiciables et aux magistrats ou professionnels du droit qui auront à mettre en oeuvre ce texte. Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux. M. le garde des sceaux. Il serait bien illusoire et excessif de croire qu'on peut énumérer les fautes possibles. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 119. (L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à http://www.assemblee-nationale.fr/12/tribun/fiches_id/1062.asp M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. C'est l'amendement rédactionnel que j'ai déjà évoqué et qui tend à supprimer dans le texte proposé pour l'article 270 les mots « notamment lorsque la demande est fondée sur l'altération du lien conjugal ». Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 30. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 146. La parole est à Mme la rapporteure de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, pour le soutenir. Mme Geneviève Levy, rapporteure de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Je propose qu'au premier alinéa de l'article 271 du code civil, après le mot « fixée », soient insérés les mots « , abstraction faite de la charge de l'entretien des enfants, ». En effet la prestation compensatoire présente, à l'égard de la mère, un caractère à la fois indemnitaire et alimentaire ; pour l'entretien des enfants est prévue la pension alimentaire, obligation alimentaire envers les enfants. Ces deux dettes alimentaires diffèrent donc par leurs créanciers. Dès lors l'entretien des enfants ne doit pas être pris en compte dans les critères de fixation de la prestation compensatoire. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Il ne faut pas tout mélanger : ce qui relève de la prestation compensatoire est par définition distinct de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants. Ajouter ce membre de phrase risquerait de créer une confusion lors de la fixation de la prestation compensatoire, d'autant que dans les différents éléments évoqués par l'article 271 il est déjà fait référence au temps qu'il faudra consacrer à l'éducation des enfants : ce n'est pas la même chose que la charge des enfants. Le problème que vous soulevez est donc déjà pris en compte et votre amendement est inutile à mon avis. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Défavorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 146. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 9 rectifié. La parole est à http://www.assemblee-nationale.fr/12/tribun/fiches_id/267378.aspMme la rapporteure de la délégation aux droits des femmes, pour le soutenir. Mme Geneviève Levy, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Je souhaite par cet amendement préciser, au quatrième alinéa du II de l'article 18, qu'il s'agit de la santé « physique ou psychique ». Cette précision, qui figure déjà dans d'autres textes, doit être à mon avis reprise ici, afin qu'on puisse tenir compte de la situation d'un conjoint dont les facultés, mentales ou physiques, se trouveraient gravement altérées. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Avis négatif de la commission. Nous comprenons bien la préoccupation qui s'exprime à travers cet amendement, mais le terme de « santé » suffit pour prendre en compte l'ensemble des problèmes, tant psychiques que physiques. L'acceptation très large de ce mot couvre déjà l'ensemble des situations possibles, qu'il s'agisse de l'état de santé physique ou psychique ; on peut même imaginer des pathologies qui mêlent dans des proportions variables le physique et le psychique. Restons en donc à la notion de santé, qui est complète sur le plan médical. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Même avis que la commission. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 120 corrigé. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir. M. Alain Vidalies. Nous souhaitons ajouter par cet amendement une précision qui figure déjà dans d'autres textes. Il s'agit en effet de permettre au juge, dans son évaluation des besoins et des ressources des parties, de tenir compte de la qualification et de la situation professionnelles des époux « au regard du marché du travail ». On ne peut pas en effet apprécier cet élément d'une manière absolue, déconnectée de la réalité économique. Cette précision me paraît utile notamment pour l'appréciation des chances que quelqu'un retrouve du travail, qui ne doit pas tenir compte de ses seules qualifications propres, mais également de la possibilité qu'il a, ou qu'il aura, dans un avenir prévisible, de retrouver du travail compte tenu de la situation économique. Voilà pourquoi l'absence de cette précision me semble préjudiciable à ceux ou celles qui pourraient être amenés à demander la fixation d'une prestation compensatoire, et que cette précision me semble utile pour le délibéré du juge. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur pour avis. Avis négatif à cet amendement, qui me semble introduire une précision réductrice. M. Alain Vidalies. Au contraire ! M. Patrick Delnatte, rapporteur. Dans l'appréciation de la qualification et de la situation professionnelles des époux, le juge peut déjà tenir compte du contexte économique, en particulier du marché du travail. Il ne faudrait pas l'enfermer dans cette approche unique, mais au contraire lui laisser une plus grande marge d'appréciation, afin de lui permettre d'évaluer ces éléments le plus largement possible. Cela est également dans l'intérêt des époux. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Même avis défavorable. Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Boutin. Mme Christine Boutin. Je suis étonnée par votre amendement, monsieur Vidalies, faute peut-être d'avoir la pratique qui est celle des juges aux affaires familiales ou des avocats. Je trouve effectivement que votre proposition restreint le champ de l'appréciation du juge. Je ne peux pas imaginer que le juge ne tienne pas déjà compte de cette réalité. Votre amendement a certes le mérite d'en rappeler la nécessité, mais j'imagine que le juge doit prendre en compte beaucoup d'autres dimensions de la situation de la personne concernée au moment de fixer le montant de la prestation compensatoire. Dans le cas contraire je serais vraiment très inquiète, mais sans doute est-ce parce que je ne suis, ni juge aux affaires familiales, ni avocate. Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies. M. Alain Vidalies. Cette précision n'est bien évidemment pas exclusive de toute la série d'éléments déjà prévue par la liste du code civil qu'elle modifie, tels l'âge, l'état de santé, la durée du mariage, le temps consacré à l'éducation des enfants, la situation en matière de pensions de retraite, les capacités successorales, entre autres. Ce critère n'est qu'un parmi d'autres, ce qui limite d'ailleurs l'intérêt du débat. Il s'agit surtout de faire passer un message eu égard aux personnes confrontées à cette situation. L'idée, c'est que le juge ne peut pas se contenter de dire à quelqu'un qu'il n'a qu'à se débrouiller sur le marché du travail avec la qualification dont il dispose, sans prendre en considération une situation économique objective à un moment donné. En indiquant cette précision, le législateur permet au juge, dans un débat entre les deux parties, d'opposer à l éventuel débiteur que, s'il est vrai que la demanderesse dispose d'une qualification, c'est dans une profession à laquelle le marché du travail est très défavorable actuellement, et que le juge doit prendre en compte cette situation. Cela peut constituer un argument pour la demanderesse au titre de la prestation compensatoire Je maintiens donc que c'est une précision utile. Mme la présidente. La parole est à M. Émile Blessig. M. Émile Blessig. Je crois que légiférer par liste n'est jamais une bonne solution. En effet, on quitte dès lors les positions de principe, auxquelles on tente sans répit d'apporter de nouvelles précisions. Si nous précisons le point en débat en l'espèce, pourquoi alors ne pas apporter des précisions sur l'âge ou l'état de santé ? Je pense cependant que ce débat est important et intéressant en ce qu'il illustre la volonté du législateur que l'appréciation de chacun de ces éléments tienne compte de la situation particulière de la personne qui fait l'objet de sa décision. M. Jean Lassalle. Excellent ! M. Émile Blessig. Ce débat a permis de rappeler que le législateur attend du juge qu'il personnalise ses analyses, et j'espère qu'on s'en souviendra dans les juridictions. Mme Christine Boutin. Exactement ! Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 120 corrigé. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 31. La parole est à http://www.assemblee-nationale.fr/12/tribun/fiches_id/1062.asp M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 31. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 32 et 121 rectifié. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 32. M. Patrick Delnatte. Cet amendement a été adopté par la commission. Je vais laisser à M. Le Bouillonnec le soin de le présenter. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Croyez bien que je ne gâcherai pas ce plaisir, car de tels moments sont rares et délicieux. Nous avions évoqué en commission notre souci de nous placer dans un cadre légal s'agissant d'imaginer les modalités de transfert d'un patrimoine. C'est pourquoi nous proposons de parler d'« abandon » plutôt que d'« attribution » de biens en propriété. Cela signifie que le transfert de propriété d'un bien immeuble n'est possible que si le propriétaire l'accepte, faute de quoi nous porterions atteinte au droit de propriété, droit constitutionnellement garanti. Ainsi dans l'hypothèse d'un transfert de la propriété d'un bien dans le cadre de l'exécution d'une prestation compensatoire, celui-ci suppose le consentement du débiteur. Si celui-ci n'est pas acquis, le juge doit, soit rechercher ce consentement, soit avoir recours à d'autres modalités d'exécution. C'est pourquoi nous proposons de substituer le terme d'« abandon » à celui d'« attribution », qui nous paraît en l'occurrence frôler l'inconstitutionnalité. Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Les amendements nos 32 et 121 rectifié ont été adoptés par la commission, mais j'y suis personnellement défavorable. Ils reposent en effet sur une distinction sémantique, entre « abandon » et « attribution », qui ne me semble pas vraiment opérante. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ? M. le garde des sceaux. Avis défavorable pour les mêmes raisons. Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 32 et 121 rectifié. (Ces amendements ne sont pas adoptés.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 33. La parole est à http://www.assemblee-nationale.fr/12/tribun/fiches_id/1062.aspM. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Le but de cet amendement est d'exiger, dans le cadre d'une exécution de la prestation compensatoire en capital, le consentement de l'époux débiteur à l'attribution de biens reçus par succession ou donation. Cette exigence est tout à fait logique : on ne peut pas obliger le débiteur au transfert d'un bien propre, donné ou légué par sa famille. Ce traitement spécifique de bien reçus à titre gratuit est d'ores et déjà prévu par l'article 757-3 du code civil, qui dispose que le conjoint survivant, lorsqu'il est le seul héritier, doit les partager avec les frères et sœurs du défunt. Cela prouve bien la logique de cette précision. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies. M. Alain Vidalies. Voilà un débat fort intéressant, surtout si on compare le sort qui a été réservé aux deux amendements précédents. Cela nous renvoie au débat, lui aussi fort intéressant, sur la place du conjoint survivant dans l'ordre successoral. Je rappelle - à l'adresse en particulier de M. le président de la commission, qui nous reproche parfois de ne pas défendre la famille - que nous avions proposé une très grande avancée en matière de droit de la famille et du mariage, à savoir que le conjoint survivant soit placé avant les frères et sœurs dans l'ordre successoral. Cette avancée importante a d'ailleurs été votée à l'unanimité par notre assemblée. Mais nous avions eu à l'occasion de ce débat des problèmes avec le Sénat. Celui-ci en effet, qui se sentait - cela soit dit sans offense ! - « dépositaire de la défense de la propriété foncière », avait décidé qu'il fallait préserver d'une telle horreur les biens familiaux, c'est-à-dire ceux qui étaient entrés dans le patrimoine du défunt par succession. À la suite d'un compromis entre les deux assemblées, cette exception figure dans la loi. On retrouve la même logique à l'occasion de cet amendement et des deux amendements précédents. Pourquoi en effet, monsieur le rapporteur, faudrait-il considérer différemment le patrimoine du débiteur selon qu'il provient d'un héritage, ou selon qu'il provient de son travail ? Il n'est pas plus légitime de le fragiliser dans un cas que dans un autre. Les deux amendements identiques précédents, qui ont été refusés par la commission bien que votés par la commission, posaient la vraie question : la possibilité pour le juge d'imposer à un individu le transfert de propriété d'un bien propre de son patrimoine. Et c'est une « première » ! M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement ! M. Alain Vidalies. Notre amendement ne remettait pas en cause le principe ; il attirait simplement votre attention sur le problème que pose le transfert autoritaire de la propriété d'un bien immeuble, et je veux m'assurer que chacun a bien compris ce qui a été voté. Désormais, par exemple, un juge pourra dire à un débiteur : « Monsieur, au titre de l'exécution de la prestation compensatoire, je transfère la propriété de votre maison à votre ex-épouse, même si vous étiez mariés sous le régime de la séparation des biens et qu'il s'agit d'un bien propre », sans qu'il puisse accepter ou refuser. Voilà ce qui vient d'être voté. Que le juge propose au débiteur cette solution comme modalité d'exécution de la prestation compensatoire, c'est très bien, et c'était le sens de notre amendement. Et voilà qu'après avoir refusé cette proposition, vous instaurez une protection particulière en faveur des biens entrés dans le patrimoine du créancier par succession ou par donation ! Certes cette particularité existe déjà dans la loi relative aux droits du conjoint survivant, mais l'historique de cette disposition a bien montré qu'il ne s'agissait pas d'un dogme, mais du résultat d'un compromis entre le Sénat et l'Assemblée nationale. Il ne faudrait pas généraliser ce compromis, et étendre à l'ensemble du droit de la famille ou du droit des biens cette distinction entre les éléments du patrimoine qui y sont entrés par succession ou donation et les autres. Cela reviendrait à créer une nouvelle catégorie de biens, ce qui serait en l'occurrence une régression plutôt qu'une avancée. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 33. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 13, 160 et 163. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour soutenir l'amendement n° 13. Mme Geneviève Levy, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Nous proposons par cet amendement que le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital puisse être échelonné sur une durée de dix ans, au lieu des huit prévus par le texte au cas où le débiteur n'est pas en mesure de verser immédiatement ce capital. Le délai de huit ans peut en effet se révéler insuffisant pour un débiteur qui ne dispose que de revenus modestes ; repousser cette limite à dix ans sera moins pénalisant pour lui, et cela permettra à la créancière de bénéficier d'un laps de temps supplémentaire pour faire face à la situation née de la rupture. Je pense en particulier aux épouses qui, n'ayant jamais travaillé, ne bénéficient pas de droits personnels à la retraite. Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle, pour défendre l'amendement n° 160.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir l'amendement n° 163. Mme Christine Boutin. L'esprit du texte est de « compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives » des époux par l'octroi d'un capital. Le projet apporte des critères supplémentaires pour déterminer les besoins et les ressources des époux. La réalité économique - l'absence d'actifs suffisants - amène le juge à fixer, dans la quasi-totalité des cas, un capital qui est fractionné. Malheureusement, la limitation impérative au délai de huit ans pour le règlement du capital ne permet pas, dans le cas où la disparité est importante, de compenser réellement celle-ci. Les effets de la loi du 30 juin 2000 conduisent désormais le juge à définir le capital non pas en fonction de la disparité réelle, mais en multipliant la faculté contributive mensuelle du débiteur par quatre-vingt-seize mois, c'est-à-dire huit ans. Pour remplir sa fonction, la loi doit donc, sans étrangler financièrement le débiteur, indemniser réellement le créancier et, surtout, protéger celui qui est le plus démuni. Il faut donc permettre au débiteur de s'acquitter de sa dette sur une durée plus longue que huit ans. Sinon, cela revient à reconnaître que la charge des personnes divorcées vieillissantes est du ressort non pas de l'ex-époux, mais de la société tout entière. C'est l'argument sur lequel je me suis expliqué tout à l'heure. Si nous votons ce texte en maintenant le délai de huit ans pour le paiement de la prestation compensatoire, la réforme conduira à faire grossir la catégorie des nouveaux pauvres, des ex-conjoints sans ressources et sans possibilité de s'en procurer. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements. Je comprends bien tous les arguments développés pour repousser la limite permettant au débiteur d'acquitter sa prestation. La limite de huit ans correspond à un certain équilibre. Cet équilibre existe, il n'est peut-être pas parfait, mais, je le rappelle, le texte prévoit dans le même temps que le juge pourra, « par décision spécialement motivée », porter cette durée d'échelonnement au-delà de huit ans. C'est une première garantie. Deuxième garantie : si les parties s'accordent par une convention pour une durée plus longue, le juge ne pourra pas y revenir et il actera l'accord des parties. Autrement dit, en cas contentieux, le juge a la possibilité d'aller au-delà de huit ans ; et si les ex-époux, de leur côté, s'accordent sur une convention plus longue, le juge l'actera. Le texte apporte donc beaucoup de souplesse. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Le Gouvernement partage le point de vue de la commission. Il y a un équilibre, celui de la loi du 30 juin 2000, et une souplesse : le paiement mixte, c'est-à-dire capital et rente, en cas de nécessité. Ne modifions pas cet équilibre que la jurisprudence commence à mettre en application. La loi est encore toute récente. Il faut d'après moi maintenir les choses telles qu'elles le sont actuellement tout en y ajoutant les souplesses introduites par le projet. Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure à la délégation aux droits des femmes. Mme Geneviève Levy, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Monsieur le ministre, certes, le juge pourra intervenir à nouveau sur ce point, mais, et c'est dommage, la créancière - puisque c'est d'elle dont nous parlons le plus souvent - se verra dans l'obligation de revenir devant le juge, créant éventuellement un nouveau contentieux, alors que l'on pourrait peut-être l'éviter. Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Il est parfaitement clair que si le débiteur rencontre des difficultés de paiement, il peut demander au juge la prolongation du délai de huit ans pour verser la prestation. Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies. M. Alain Vidalies. Le délai de huit ans correspond à un compromis. Je pense qu'il mérite d'être maintenu. La question posée par Mme Boutin depuis le début de nos débats est majeure ; elle est l'une des conséquences du choix opéré et sur lequel j'ai une grande interrogation : chacun l'a bien compris, ce projet de loi supprime le seul cas de divorce qui maintenait le devoir de secours entre les époux. Mme Christine Boutin. Absolument ! M. Alain Vidalies. Jusqu'à présent, en effet, le divorce pour rupture de la vie commune pour cause de l'altération grave des facultés mentales du conjoint pouvait, d'une certaine façon, être imposé à l'époux, mais, à la grande différence des autres formes de divorce, il s'agissait du seul cas où le devoir de secours était maintenu. Ce maintien du devoir de secours excluait la prestation compensatoire : le versement était uniquement sous la forme d'une pension alimentaire. Pour ce genre de divorces, évoqués précédemment, puisque le juge faisait jouer ce qu'on appelait la clause de dureté, il y avait, d'une certaine façon, le maintien de cette solidarité et, surtout, l'impossibilité d'abandonner l'autre à la société. L'un des grands impacts de la réforme qui nous est proposée aujourd'hui dans le texte est probablement la disparition de cette situation. Effectivement, dans tous les cas, on renverra à la prestation compensatoire avec, au surplus, la possibilité de transformer la rente en capital par la procédure de substitution. Il s'agit d'une question de société : certains divorces relevaient du maintien du devoir de secours et ne seront plus pris en charge dans ce même cadre. Dernière observation, le devoir de secours n'est pas uniquement à la charge du conjoint, il est également une obligation pour les enfants. De ce point de vue - et ceux qui participent à la gestion des conseils généraux le savent bien, la question posée porte notamment sur la prise en charge de l'hébergement dans un certain nombre d'établissements -, il y aura, d'une certaine façon, un transfert de charge puisque l'obligation alimentaire qui pouvait être à la charge de l'ex-époux lorsqu'il y avait maintien du devoir de secours sera exclusivement à la charge des enfants. Il ne s'agit pas là d'une simple théorie, mais d'une véritable évolution de société, dont, pour ma part, j'ai pris acte. C'est probablement sur ce point que le texte est le plus novateur, avec toutes les conséquences importantes qui en résulteront. Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Boutin. Mme Christine Boutin. Je reconnais bien là les talents d'avocat de M. Vidalies. J'ai donc vraiment peu de choses à ajouter. Toutefois, pour ma part, je déplore profondément l'évolution de notre société. Non pas que je la désapprouve - bien au contraire, je crois en demain, je crois dans le mouvement, dans la modernité -, mais abandonner le principe de secours ne constitue pas à mes yeux un progrès de société. Si bons que soient nos arguments et nos explications, je me pose franchement la question de savoir quelle société nous sommes en train de construire petit à petit, avec les meilleurs sentiments du monde. En fait, nous sommes en train de mettre en place une société dans laquelle nous privilégions le cas de séparation de couples qui sont installés, qui ont la capacité de retrouver du travail, qui ont du capital, comme s'ils allaient toujours rester riches et beaux, comme si la vie n'était pas différente. Je m'interroge réellement sur ce que nous construisons par petites touches successives. M. Jean Lassalle. Très bien ! Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Pecresse. Mme Valérie Pecresse. J'entends parfaitement l'argumentation de Mme Christine Boutin et, contrairement aux dires de mon collègue Emile Blessig, ce projet de loi ne cherche évidemment pas à oublier les personnes en situation fragile. Il s'agit d'une question fondamentale : il y a un corps de doctrine sur le divorce, un cas général ; et il y a les cas particuliers des personnes fragiles. Pour ce qui concerne ces dernières, c'est au juge d'exercer pleinement ses responsabilités, de prendre en compte leur situation, de leur attribuer une rente et, qui plus est, une rente qui pourra être versée sur une période supérieure à huit ans. D'ailleurs, le juge a tous les éléments en main pour décider lui-même s'il doit fixer le délai à huit ans, à dix ans ou à bien plus. A cet égard, nous devrions aujourd'hui édicter comme principe - puisque nos travaux feront référence pour l'interprétation de la loi faite par le juge - notre volonté commune de voir le juge exercer pleinement sa responsabilité au moment où il se trouvera face à une personne fragile et prononcer en faveur de cette dernière les mesures les mieux adaptées, c'est-à-dire, si la situation le justifie, de porter le délai à plus de huit ans. Mme la présidente. La parole est à M. Émile Blessig. M. Émile Blessig. Je voudrais faire une observation sur la disparition du devoir de secours. Il s'agit là d'une véritable évolution dans notre société : elle tend à une socialisation du devoir de secours. Ce mouvement général date de l'après-guerre et va toujours croissant, que ce soit à l'intérieur de la famille entre les générations, ou que ce soit au sein du couple. Madame Boutin, vous dites des choses justes - il existe, c'est vrai, un risque -, mais c'est faire un faux procès... Mme Christine Boutin. Non, c'est comme ça ! M. Émile Blessig. ... que de prétendre que , par ce projet de loi, on va fragiliser les époux les plus démunis. Le problème dont nous parlons est celui de la rupture du mariage, et, sur ce plan, tous les couples sont égaux ! Il y aura, de toute façon, toujours des couples qui auront du mal à assumer cette obligation de secours. Et que ce soit dans le cadre de la rupture du mariage ou sur le plan des allocations familiales ou de l'allocation logement, notre société offre - et elle s'en honore - un certain nombre de garanties. Il ne faut pas mélanger le problème des obligations de secours et le fait d'offrir à chacun, quelle que soit sa situation, la possibilité de mettre fin à un mariage dans des conditions acceptables. Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint. Mme Muguette Jacquaint. Chaque divorce est un cas particulier. J'ai bien entendu la proposition de Mme Pecresse selon laquelle ce sera au juge de se déterminer en fonction de chaque cas, s'agissant notamment des situations difficiles évoquées par Mme Boutin. Nous allons donner au juge de nouvelles responsabilités pour étudier les situations les plus diverses. Or nous ne voyons pas clairement dans le texte dont nous sommes saisis les moyens supplémentaires qui seront accordés au juge afin de lui permettre ce travail d'écoute et de prendre réellement en compte les différentes situations de divorce pour y répondre au mieux. C'est pourtant la volonté exprimée ici par chacune et de chacun d'entre nous. Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Boutin.
D'autre part, de plus en plus, on peut s'interroger sur la valeur du mariage. Lorsque l'on vit en concubinage, on n'est tenu à aucune solidarité en cas de séparation. Il en ira désormais de même pour le mariage, qui ne permettra pas d'aborder dans de meilleures conditions les difficultés de l'existence et les séparations. Je trouve assez surprenant que, 200 ans après la Révolution française qui a institué le mariage civil, on l'affaiblisse autant. Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Madame Jacquaint, l'un des objectifs de cette loi est de simplifier les procédures, afin d'éviter que les parties ne se dispersent dans des démarches accessoires et afin de permettre aux juges de disposer de davantage de temps pour se consacrer à l'essentiel. Les juges sont favorables à cette simplification, car ils souhaitent avoir cette disponibilité. Madame Boutin, ce texte ne touche pas aux éléments essentiels. Sans doute le devoir de secours est-il supprimé, mais il est transféré dans la prestation compensatoire, qui rassemble désormais des notions auparavant dispersées. Les obligations du mariage demeurent, et celui-ci garde toute sa valeur. Il faut penser à toutes les familles, y compris à celles qui sont recomposées : c'est aussi une réalité qu'on ne peut nier. Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux. M. le garde des sceaux. Pour répondre à Mme Boutin, je rappellerai la philosophie du texte, que j'ai déjà définie hier : il s'agit de tenir compte, dans le respect des libertés de chacun, de la diversification des choix de vie, qui est une réalité sociologique, et des valeurs de responsabilité qui fondent le mariage. Cette synthèse n'est pas facile, car elle doit concilier des éléments parfois contradictoires, mais c'est elle que j'ai recherchée à travers ce texte, et nombreux sont ceux qui m'y ont aidé. Vous avez dit, madame − mais c'était en vous éloignant peut-être un peu de votre point de départ −, que toutes les obligations disparaissaient et que, désormais, rien ne différencierait plus le mariage du concubinage. Dois-je rappeler que, depuis une heure et demie, nous parlons de la prestation compensatoire, qui n'existe pas dans le cas du concubinage ? Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies. M. Alain Vidalies. Monsieur le rapporteur, vous venez de déclarer que la loi prévoit le transfert du devoir de secours dans la prestation compensatoire. Vos paroles ont sans doute dépassé votre pensée, car le texte ne prévoit évidemment et surtout pas cela. Certains, à l'avenir, risquent d'utiliser vos propos, qui figureront au Journal officiel puisque vous les avez tenus à l'Assemblée nationale. Ils garantiraient certes une intense activité à la profession à laquelle j'appartiens, mais je préfère éviter cette éventualité. (Sourires.) Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Je rends hommage à votre sagacité, monsieur Vidalies. Cette correction me paraît fort utile, car je parlais d'un point de vue philosophique plutôt que juridique. Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 13, 160 et 163. (Ces amendements ne sont pas adoptés.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 122. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir. M. Alain Vidalies. Cet amendement est moins important. Le législateur avait souhaité qualifier différemment les conditions autorisant une modification, selon que celle-ci concernait la période initialement fixée, dans le cas d'une prestation compensatoire qui doit être payée en capital, ou le montant de la prestation, lorsqu'elle est payée sous forme de rente. Les exigences étant moindres dès lors qu'on ne touchait qu'aux modalités − et non au montant −, l'adjectif « notable » avait été retenu. On pouvait, par exemple, allonger la période sans toucher au capital. Peut-être l'adjectif « notable » n'était-il pas idéal, mais le principe était clair : il ne fallait pas retenir le même terme dans les deux cas. Il semblait qu'on pouvait accorder une plus grande souplesse au débiteur lorsqu'on ne modifiait pas le montant qu'il devait payer et qu'on ne changeait que les modalités de paiement. Cet amendement propose donc de ne pas remplacer le terme « notable » par celui d'« important ». Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Avis défavorable. Nous considérons en effet que, en retenant dans les deux cas l'adjectif « important », nous conférons une meilleure lisibilité au dispositif. Avec cette simplification, une même conception des choses s'impose, qu'il s'agisse de réviser les rentes ou de modifier les modalités de paiement du capital. Sans doute les spécialistes trouveront-ils à redire, mais il faut d'abord penser au justiciable. Il paraît donc plus logique de retenir l'adjectif « important » dans les deux cas. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Même avis que celui de la commission. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 122. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 80, 159 et 161. La parole est à M. Emile Blessig, pour soutenir l'amendement n° 80. M. Emile Blessig. L'article 276 du code civil prévoit que, par décision spécialement motivée, en fonction de l'âge ou de l'état de santé du créancier, le juge peut fixer la prestation compensatoire sous forme de rente. On a dit tout à l'heure que, en multipliant les conditions, on risquait de compliquer son travail. Cet article renvoie aux dispositions de l'article 271, qui précise que « la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ». Il renvoie ensuite aux critères convenus : « la durée du mariage ; l'âge et l'état de santé des époux ; leur qualification et leur situation professionnelles ; les conséquences résultant des choix professionnels faits pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ». Dans ces conditions, pourquoi ajouter à l'article 276 une condition « à titre exceptionnel » ? Depuis le début de nos débats, nous rappelons qu'il y a trois types de prestations compensatoires : celle des jeunes divorcés, sa révision et la prestation compensatoire sous forme de rente. En exigeant une décision spécialement motivée, on crée un cas particulier. Plus on accumule les adjectifs, plus on multiplie les risques de contentieux. Je suis donc favorable à une simplification de la rédaction de l'article 276, et c'est l'objet de cet amendement qui vise à supprimer les mots « A titre exceptionnel ». Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir l'amendement n° 159. Mme Christine Boutin. M. Blessig a excellemment défendu l'amendement. Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle, pour soutenir l'amendement n° 161. M. Jean Lassalle. M. Blessig a remarquablement défendu l'amendement et je n'ai pas grand-chose à ajouter, si ce n'est que j'insiste pour qu'il soit adopté. (Sourires.) Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements. M. Jean Lassalle. Mince alors ! M. Patrick Delnatte, rapporteur. Vous souhaitez, mes chers collègues, revenir sur la loi de 2000, qui, après celle de 1975, rappelait une préoccupation que les juges n'avaient guère prise en compte : le principe, c'est le capital ; la rente est l'exception, justifiée par les motifs énumérés dans le texte. Il ne nous paraît pas opportun de revenir sur ce principe qui corrigeait des situations qui avaient été dénoncées à juste titre. J'ai déposé un amendement qui sera appelé juste après et qui demande qu'on s'en tienne au texte de la loi de 2000, lequel est parfaitement compréhensible et constitue une « piqûre de rappel » pour la jurisprudence. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Je me permettrai de donner un avis à la fois sur les trois amendements identiques et sur l'amendement n° 34, qui n'a pas encore été défendu par le rapporteur, mais qu'il vient d'évoquer. En effet, si la suppression des mots « A titre exceptionnel » ne me semble pas pertinente, il me paraît utile de supprimer les mots « et qu'aucune amélioration notable de sa situation financière n'est envisageable », qui avaient été introduits par le projet de loi. L'amendement n° 34 de M. Delnatte, cosigné par M. Blessig, va un peu dans le sens souhaité, mais sans remettre en cause l'équilibre global de la loi de 2000. Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous soutenons l'amendement de M. Blessig. Le texte de 2000 prévoyait en effet la mention « A titre exceptionnel », mais le devoir de secours subsistait pour les procédures de rupture de la vie commune, où il était même le premier instrument auquel on pouvait avoir recours. Les mots « A titre exceptionnel » ne concernaient que les situations justifiant le versement d'une prestation compensatoire. Dès lors que le législateur supprime le devoir de secours, il est nécessaire de modifier la ligne directrice de l'exceptionnalité et de donner au juge la possibilité de répondre à une situation factuelle, précise, qui n'est pas générale mais qui existe bel et bien. Le juge aurait ainsi une meilleure appréciation des situations. Mme la présidente. La parole est à M. Emile Blessig. M. Emile Blessig. Je souhaiterais répondre à M. le rapporteur et à M. le ministre. En effet, la loi de 2000 était un texte de circonstance, qui visait à rendre révisables les prestations compensatoires qui ne l'étaient pas et à mettre fin à certaines situations particulièrement difficiles. En déposant cet amendement, je voulais simplement attirer l'attention sur le fait que, avec l'allongement de la durée de la vie, on voit divorcer des gens plus âgés, qui ont déjà accompli la plus grande partie de leur carrière professionnelle et qui ne souhaitent pas forcément que leur cas soit considéré comme exceptionnel.
M. Jean Lassalle. Tout à fait ! M. Émile Blessig. Voilà pourquoi cet amendement, important sur le plan symbolique, l'est également sur celui de l'égalité de traitement devant la loi de tous les candidats au divorce. Je me permets, monsieur le garde des sceaux, d'insister sur ce point et je vous remercie d'avoir accepté l'amendement suivant, dont je suis cosignataire, que je considère ainsi comme défendu. Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Pecresse. Mme Valérie Pecresse. Je comprends bien, sur le plan de l'équité, le débat qui s'est instauré sur le caractère exceptionnel de cette possibilité de révision mais, juridiquement, exceptionnel ne signifie pas « rarissime ». C'est en effet de droit qu'il s'agit ici. Et à cet égard, quelque chose d'exceptionnel ne peut l'être que par rapport à une règle générale, c'est-à-dire, en l'occurrence, le capital. La rente - éventuellement viagère, pour des motifs tenant à la fragilité de la personne concernée - relève de la simple exception. En droit, le principe doit être clairement posé par la loi. Ici, le principe, c'est le capital, ce qui est une évolution fondamentale du droit du divorce en vue de pacifier et de clarifier les situations qui en découlent. La rente n'intervient qu'à titre exceptionnel, pour des personnes particulièrement fragiles. Agir autrement serait faire de la politique et non plus du droit. Mme la présidente. La parole est à M. Émile Blessig. M. Émile Blessig. Il faut savoir mettre fin à un débat. Aussi, je retire mon amendement,... Mme Christine Boutin. Pas moi ! M. Jean Lassalle. Moi non plus ! M. Émile Blessig. ...mais je crois que ce débat devait avoir lieu. Mme la présidente. L'amendement n° 80 est retiré. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je le reprends ! Mme la présidente. L'amendement n° 80 est repris par M. Le Bouillonnec. La parole est à M. le garde des sceaux. M. le garde des sceaux. Le débat n'est pas accessoire. Il est même très important. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout à fait ! M. le garde des sceaux. Et je remercie Mme Pecresse pour les propos qu'elle a tenus. La question qui se pose est de savoir si la loi doit fixer comme règle la prestation en capital. Je propose de répondre par l'affirmative et je demande solennellement à l'Assemblée nationale de repousser ces amendements, sans quoi c'est l'équilibre de tout un pan du texte qui serait compromis. Nous souhaitons les uns et les autres que ce dernier permette d'apaiser des situations conflictuelles dans les familles. La suppression des mots « A titre exceptionnel » n'irait pas dans ce sens. Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Boutin. Mme Christine Boutin. Monsieur le garde des sceaux, je comprends votre demande solennelle mais elle me conduit, au contraire, à défendre encore plus mon amendement. J'entends bien qu'un problème peut se poser sur le plan du droit : je ne suis pas avocate mais ma formation de juriste me porte à prêter quelque peu attention au vocabulaire employé, de façon à être juridiquement compréhensible par les hommes et les femmes de droit. Vous avez insisté avec solennité sur le fait que le capital devait représenter la normalité et la rente l'exception. Mais il n'est pas si exceptionnel que cela d'être une femme ou un homme en situation de fragilité. M. Jean Lassalle. Tout à fait ! Mme Muguette Jacquaint. Très juste ! Mme Christine Boutin. On ne peut donc pas accepter que la règle ce soit le capital et la rente l'exception. M. Émile Blessig. Monsieur Blessig, souhaitez-vous ajouter quelque chose ? M. Mansour Kamardine. Le débat a eu lieu ! (Murmures.) Mme la présidente. Permettez, mon cher collègue, que je dirige les débats. M. Émile Blessig. Je n'ai rien à ajouter, madame la présidente. Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote l'amendement n° 80, repris par M. Le Bouillonnec, ainsi que les amendements n°s 159 et 161. (Ces amendements ne sont pas adoptés.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 34. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. M. Blessig peut le présenter, s'il le souhaite. M. Émile Blessig. J'estime l'avoir déjà défendu. M. Patrick Delnatte, rapporteur. J'ajoute seulement que, par cet amendement, nous souhaitons en rester aux critères définis par la loi du 30 juin 2000 plutôt que d'ajouter une condition qui pourrait se révéler défavorable aux créanciers. Mme la présidente. Le Gouvernement a émis un avis favorable. Je mets aux voix l'amendement n° 34. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements, nos 90, 75, 91 et 68 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 90 et 75 ne sont pas défendus. La parole est à M. Jean Lassalle, pour soutenir l'amendement n° 91. M. Jean Lassalle. Il s'agit, par cet amendement, d'inscrire explicitement dans la loi l'ouverture de droit de la révision de la prestation compensatoire en cas de changement de situation du créancier et, plus précisément, en cas de remariage. La dépendance patrimoniale post-divorce tend à être supprimée. La révision de plein droit œuvre dans ce sens. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. La commission a repoussé ces différents amendements. Il n'y a aucune raison d'établir l'automaticité de la révision en cas de remariage, de conclusion d'un PACS ou de concubinage. Il s'agit certes d'événements importants qui pourraient conduire le juge à réviser la prestation compensatoire du fait de changements survenus dans les ressources ou les besoins des débiteurs et créanciers. Mais il serait tout à fait incompréhensible de créer une automaticité. Il faut laisser au juge la possibilité d'examiner chaque cas. Tout mariage n'est pas forcément un enrichissement. Evidemment, si des changements de situation sont constatés, une révision doit avoir lieu. Mais le seul remariage ne crée pas en lui-même un changement important. Ce sont les conditions de vie entraînées par le remariage qui peuvent en créer un. Il convient de bien comprendre cette différence. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Je partage le point de vue de M. le rapporteur. Ce qui compte, c'est la réalité de la situation économique des personnes, non l'évolution de leur situation de famille. Un remariage peut d'ailleurs avoir lieu dans des conditions financières telles qu'il ne s'agisse en rien d'un enrichissement pour celui ou celle qui se remarie. Il ne faut pas, avec la prestation compensatoire, en rester à une vision héritée de l'ancien système de la pension alimentaire. L'automaticité serait une erreur. Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l'amendement n° 68 rectifié. Mme Muguette Jacquaint. Je défendrai cet amendement de M. Vaxès parce que ni M. le rapporteur ni M. le garde des sceaux ne m'ont convaincue. Le remariage, la conclusion d'un PACS ou le concubinage notoire du créancier modifient souvent de façon importante sa situation et manifeste avant tout sa volonté explicite de rupture des liens avec le précédent mariage. C'est pourquoi la prestation compensatoire sous forme de rente doit pouvoir être révisée, suspendue ou supprimée du fait de cette nouvelle communauté de vie. Il ne s'agit pas de mettre fin à la prestation compensatoire de manière automatique car une telle disposition reviendrait à dissuader le créancier de recréer des liens affectifs et d'amour au prétexte qu'il sera mis fin à sa prestation compensatoire viagère, et cela d'autant plus qu'un créancier peut refaire sa vie avec une personne qui ne dispose d'aucun moyen. L'article 276-3 du code civil issu de la loi du 30 juin 2000 a prévu qu'en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties, la prestation fixée sous forme de rente pouvait être révisée, suspendue ou supprimée. L'hypothèse du remariage, du concubinage notoire ou du PACS du créancier s'inscrit donc dans l'esprit de cet article. Toutefois, elle ne reste qu'implicite. C'est ce qui explique que de très grandes disparités puissent apparaître dans la prise en compte de la nouvelle situation matrimoniale des ex-époux selon les juridictions. Certaines demandes de révision de prestation compensatoire ont été ainsi purement et simplement écartées en raison, par exemple, du caractère aléatoire du concubinage notoire. Il apparaît donc nécessaire que le texte soit bien plus explicite qu'il ne l'est actuellement. Tel est l'objet de notre amendement qui prévoit que le remariage, la conclusion d'un PACS ou le concubinage notoire du créancier doivent être considérés comme un changement important dans les ressources ou les besoins des parties, qui justifie l'examen d'une demande en révision. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Les réflexions versées au débat par Mme Jacquaint sont intéressantes. Si les juges ont quelque doute, la lecture de nos travaux les éclairera ainsi sur le fait que le remariage, le concubinage notoire ou la conclusion d'un PACS constituent des changements importants, dans la mesure où ils transforment les conditions de ressources ou de vie de l'un ou de l'autre conjoint. Pour autant, il ne paraît pas utile de l'inscrire dans la loi. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Même avis que la commission. Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies. M. Alain Vidalies. Ce débat, fort légitime, doit nous permettre de clarifier nos positions sur la nature de la prestation compensatoire. On ne peut en effet considérer celle-ci comme ayant un caractère tantôt indemnitaire, tantôt alimentaire, au risque de faire naître une très grande confusion. On le voit très bien avec le devoir de secours : on demande soit son maintien soit sa disparition mais en prévoyant alors une pension alimentaire ! J'ai toujours été hostile au fait que le remariage puisse, par principe, remettre en cause la prestation compensatoire, car ce serait lui reconnaître un caractère alimentaire. Si le remariage devait automatiquement entraîner la suppression de la prestation compensatoire, cela reviendrait à substituer un nouveau devoir de secours à un ancien. La conséquence en serait qu'il faudrait alors défendre la possibilité d'une révision de la prestation compensatoire, y compris à la hausse, à l'initiative du créancier - ce que je n'ai jamais défendu. La remarque de M. le rapporteur me semble donc juste : c'est au juge d'examiner les conséquences financières d'un changement de situation familiale du créancier. Si le juge estime que c'est le cas pour un remariage, eh bien tant mieux ! Mais le législateur n'a pas à décider que la révision doit être automatique. Il entretiendrait sinon la confusion sur la nature de la prestation compensatoire. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 91. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 68 rectifié. (L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Nadine Morano, pour défendre l'amendement n° 133. Mme Nadine Morano. Aux termes du 1° du VII de l'article 18 du projet de loi, « Le débiteur d'une prestation compensatoire sous forme de rente viagère peut à tout moment saisir le juge d'une demande de substitution d'un capital à tout ou partie de la rente viagère. » C'est très bien ainsi mais je voudrais qu'il soit précisé que « le montant du capital substitué prend notamment en compte les sommes déjà versées ». Sinon la disparité entre les anciens divorcés et les personnes récemment divorcées sera très grande. En effet, d'après le barème qui nous a été transmis, les anciens divorcés pourront payer jusqu'à six fois la somme qui sera demandée à un jeune divorcé. Je prendrai un exemple concret. Si je me réfère au barème qui a été validé par le Conseil d'Etat, un homme âgé de soixante-cinq ans aujourd'hui, qui verse depuis vingt ans la somme de 10 000 euros chaque année, pourra voir la rente multipliée, selon l'espérance de vie de la créancière, par 13,75, c'est-à-dire qu'il devra encore payer environ 150 000 euros. Monsieur le ministre, cela vous fait sourire ? Sans doute n'avons-nous pas la même philosophie ni du mariage ni du divorce. En tout cas, je crois qu'il faudrait évoluer. Le divorce n'est pas une assurance-vie. On ne peut pas hypothéquer des années et des années un nouveau mariage, telle est ma conception et celle de beaucoup de Français qui sont venus me voir, qui paient pour un ancien mariage depuis vingt ou vingt-cinq ans. J'ai en tête l'exemple d'une femme qui, bien qu'ayant une qualification de médecin, n'a jamais travaillé et qui s'est fait « entretenir », j'ose employer ce mot car c'est la réalité, par son ancien mari remarié. Ces personnes se battent au sein d'associations car leur remariage, qui aurait dû être le point de départ d'une nouvelle vie, un nouvel espoir, est souvent hypothéqué par un ancien mariage qui malheureusement a échoué. Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour défendre l'amendement n° 66. Mme Muguette Jacquaint. Le projet de loi initial prévoyait, lorsque le débiteur d'une prestation compensatoire sous forme de rente viagère demandait la substitution d'un capital à tout ou partie de la rente, que le montant du capital substitué prenne notamment en compte les sommes déjà versées. Cette disposition a été supprimée par les sénateurs lors de la première lecture au motif - je reprends vos propos, monsieur le garde des sceaux -, que les premiers travaux engagés sur l'élaboration du décret qui fixera les modalités de calcul de conversion de la rente montrent que la substitution doit être effectuée au jour de la demande de conversion et selon l'espérance de vie du créancier. La substitution qui opère pour l'avenir n'aurait pas à intégrer les sommes antérieurement versées. Nous entendons cet argument, d'autant qu'en principe, la rente viagère n'est accordée qu'au profit de bénéficiaires qui ne peuvent pas, en raison de leur âge ou de leur état de santé, subvenir à leurs besoins et qu'aucune amélioration notable de leur situation financière n'est envisageable. Toutefois, il est pour le moins singulier de nous demander de nous prononcer alors que le contenu du décret qui fixera le barème utilisé pour la substitution ne nous a pas été communiqué. Tant que nous n'avons pas connaissance de ce barème, il nous semble prématuré de supprimer la disposition prévue dans le projet de loi initial. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements. Une substitution n'est pas une révision. Ce sont deux notions totalement différentes. La rente a été fixée pour un certain nombre de raisons. La substitution, elle, prend en compte l'avenir, elle ne s'attache nullement au passé comme pourrait le faire une révision. Et c'est en fonction de la situation à venir, de la durée de vie prévisible, qu'on fixe le capital à payer. En ce qui concerne le décret, je vous indique que le texte a été transmis à chaque groupe. Des tableaux mathématiques très complets nous ont ainsi été communiqués, qui permettent de voir très exactement quelles seront les règles qui seront appliquées partout en France. Jusqu'à présent, les inégalités étaient assez fréquentes selon les juridictions. Dorénavant, les règles seront précises, toujours dans l'esprit de ce que doit être, selon nous, la substitution, c'est-à-dire une facilité accordée, qui ne modifie pas les décisions de justice sur la rente viagère, lesquelles s'appuyaient sur des motifs. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Je voudrais d'abord présenter mes excuses à Mme Morano. Mon sourire de tout à l'heure n'était nullement provoqué par ses propos. J'étais en fait distrait par mes collaborateurs. Mme Nadine Morano. Ce n'est pas bien. (Sourires.) M. le garde des sceaux. Je le reconnais. Pour en revenir aux amendements, je voudrais ajouter aux raisons déjà données par le rapporteur pour les repousser un argument complémentaire. Si l'on devait prendre en compte les sommes déjà versées pour faire la conversion de la rente en capital, il faudrait se replacer à l'époque du divorce, c'est-à-dire prendre en compte non seulement l'espérance de vie restante mais également la période de vie déjà écoulée. Dès lors, le capital serait évidemment très supérieur. Nous proposons que le calcul du capital démarre au moment de la révision en fonction de l'espérance de vie. Les tableaux qui auraient dû vous parvenir sont, en réalité, le résultat des calculs d'actuaires. Ils permettent d'établir une équivalence entre la rente qui devrait encore être versée compte tenu de l'espérance de vie de la personne bénéficiaire et le montant du capital. Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies. M. Alain Vidalies. Monsieur le garde des sceaux, vous avez fait le choix du barème. Je respecte votre décision mais je voudrais revenir dessus car elle nourrit beaucoup d'inquiétude. La question du barème pour substituer le capital à la rente était déjà au cœur du débat en 2000, tout comme la prise en compte des sommes déjà versées. Le barème que vous nous avez communiqué entraînera une rigidité dans les calculs et surtout risque de pénaliser un certain nombre de personnes, qui ne pourront pas payer la somme considérable à laquelle on va aboutir en prenant en compte l'âge de la créancière, l'espérance de vie. L'exemple qui a été donné à l'instant est révélateur. C'est parce que nous étions conscients de ce problème que nous avions décidé - ce n'était pas un oubli mais le résultat de notre réflexion - de laisser le juge fixer le montant du capital de substitution. Certes, le rapporteur l'a rappelé, les décisions rendues ont été assez disparates, provoquant, chez certains justiciables, une certaine incompréhension, mais une harmonisation s'organisait peu à peu. Et si la Cour de cassation n'avait pas été amenée à rendre des décisions qui pouvaient servir de référence, elle était saisie d'un certain nombre de cas. Ne se prive-t-on pas justement, en agissant dans la précipitation, de cette harmonisation jurisprudentielle qui présentait l'avantage d'introduire une certaine souplesse et évitait de relancer le débat qui nous occupe aujourd'hui ? Dans tous les cas, il faudra être très attentif, monsieur le garde des sceaux, à la mise en œuvre du dispositif car je ne suis pas certain que le but que vous recherchez, et que nous pouvons partager, puisse être atteint par le système du barème unique qui risque d'aboutir pour beaucoup de justiciables et de créanciers à une impossibilité de transformer la rente en capital. A notre avis, c'est une fausse bonne idée. Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Pecresse. Mme Valérie Pecresse. J'entends bien les arguments de M. Vidalies. Mais ce que nous voulions, c'était substituer un capital à une rente à masse constante. Si nous laissons au juge la liberté de substituer n'importe quel montant de capital à une rente, nous risquons d'aboutir à une jurisprudence totalement erratique. J'ai été juge pendant dix ans, je sais que nous ne sommes pas des financiers, encore moins des actuaires. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est vrai. Mme Valérie Pecresse. Si les juges avaient été libres de fixer le montant du capital, les associations de divorcés se seraient vite emparées de la jurisprudence la plus favorable pour la monter en épingle, et il aurait été très difficile d'expliquer pourquoi on pouvait toucher un million de francs à Pau et seulement 100 000 francs à Nanterre. Le barème nous paraît donc malgré tout la moins mauvaise solution. Madame Morano, c'est justement pour régler les situations qu'elle évoque, pour libérer le divorcé du fardeau que constitue la rente, que nous voulons faciliter la substitution en capital. Il y avait deux façons de calculer ce capital. Soit on tenait compte des sommes déjà versées, mais cela supposait, comme l'a très bien expliqué le garde des sceaux, de se replacer à la date du divorce pour déterminer le montant de capital devant être payé par le divorcé. Soit on décidait que, à la date de la substitution, le divorcé devait telle somme en tenant compte de l'espérance de vie de son ex-femme, ou de son ex-mari, et on opérait la conversion de ce montant en capital. Dans ce cas, il s'agit d'un simple calcul financier, on ne touche absolument pas au montant qui est dû par le divorcé à son conjoint, on ne fait que le transformer financièrement. C'est l'une ou l'autre solution - le Gouvernement a choisi la seconde - mais en aucune manière on ne peut mélanger les deux. Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux. M. le garde des sceaux. Nous ne pouvions pas attendre une harmonisation de la jurisprudence, vous savez bien que la Cour de cassation ne statue que sur des éléments de fait. Cette voie n'était donc pas praticable. Quant au barème, il a le mérite de permettre à celui qui souhaite la transformation de la rente en capital de savoir à quoi il s'engage. C'est un élément de sécurité juridique et de prévision important, qui répond d'ailleurs à une ancienne revendication. Quant à l'hypothèse évoquée par Mme Pecresse de se reporter à la date du divorce et de refaire un calcul théorique, elle est quasiment impraticable. Nous en avons discuté avec des spécialistes, notamment des actuaires, cela supposait de reconstruire de manière virtuelle la situation au moment du divorce. C'est impossible. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi l'autre formule qui part du moment où la révision est demandée et qui n'évoque que l'avenir. Mme la présidente. La parole est à Mme Nadine Morano. Mme Nadine Morano. C'est vrai, madame Pecresse, la substitution du capital à la rente est incontestablement une avancée. Ce qui m'inquiète, et qui inquiète aussi M. Vidalies, c'est le barème. Ne risque-t-il pas de constituer un frein à la substitution dès lors que la personne ne pourra pas payer le capital ? Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 133. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 66. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 35. La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre. M. Patrick Delnatte, rapporteur. C'est un amendement de précision. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 35. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 36. La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre. M. Patrick Delnatte, rapporteur. L'obligation pour le juge de motiver sa décision n'est prévue que pour les décisions transitoires. Nous proposons que les décisions pérennes soient également motivées. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies. M. Alain Vidalies. Ce débat est important par rapport aux conséquences de la suppression du devoir de secours. Quels éléments le juge pourra-t-il invoquer pour refuser la substitution ? Quels peuvent être les différents cas de figure ? Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 36. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 123. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous abordons la partie du dispositif qui concerne la situation du créancier de la prestation compensatoire après le décès de l'époux débiteur. Aux termes du texte proposé par le projet de loi pour l'article 280 du code civil : « A la mort de l'époux débiteur, le paiement de la prestation compensatoire, quelle que soit sa forme, est prélevé sur la succession. Le paiement est supporté par tous les héritiers, qui n'y sont pas tenus personnellement, dans la limite de l'actif successoral et, en cas d'insuffisance, par tous les légataires particuliers, proportionnellement à leur émolument ... ». Nous nous sommes posé des questions sur la manière dont ce dispositif pouvait être mis en œuvre et nous nous sommes demandé ce qui se passerait en cas d'agissement comparable à un détournement de succession. Pour notre part, nous voulons préserver une certaine loyauté en la matière et garantir la consistance de la succession. En effet, le texte ne faisant référence qu'à « l'actif successoral », le patrimoine du défunt sera évalué au jour du décès. Lors de l'audition de M. le garde des sceaux, nous avions envisagé de donner aux débirentiers des prérogatives comparables à celles des héritiers réservataires, mais il nous est apparu que cette solution serait difficilement praticable. Voilà pourquoi nous proposons d'ajouter, après les mots : « l'actif successoral », les mots : « augmenté de la valeur des biens dont le défunt a disposé par donation postérieurement au jugement fixant le montant de la prestation compensatoire ». Dès lors, l'assise des obligations des héritiers de cet actif successoral intègrerait les donations postérieures. Cette formulation est rendue nécessaire par le fait qu'il est question d'« actif successoral » et que celui-ci résulte de la situation du patrimoine du défunt au jour de son décès. Il existe un risque que le patrimoine soit réduit au point de compromettre l'exécution de l'obligation. Il y a là un aléa. Le législateur fait le choix de ne pas entraîner les héritiers dans l'exécution de l'obligation et de limiter celle-ci au seul patrimoine, ce qui est une bonne chose car nombre d'entre eux se trouvent dans des situations très difficile, mais il faut s'assurer que cet objectif louable ne sera pas détourné de sa finalité. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Défavorable. Le fondement du rapport successoral est d'assurer l'égalité entre les héritiers. Il ne peut donc être utilisé au profit des créanciers successoraux. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Défavorable, pour les raisons qui viennent d'être données par M. le rapporteur. S'il était adopté, cet amendement créerait des complexités et des risques considérables de contentieux au moment des successions. De plus, se poserait le problème de la situation du conjoint survivant et des héritiers. Il ne faut donc pas s'engager dans cette voie. Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je n'ai pas dit que la solution que nous proposons était simple. J'avais d'ailleurs moi-même évoqué la situation de l'héritier réservataire, dont nous savons bien qu'il est difficile de la manipuler. Cela dit, en rejetant cet amendement vous permettrez que l'actif successoral du débiteur de la prestation soit réduit à zéro sans que l'on puisse rien y faire. En effet, cet actif est constitué par le patrimoine du défunt au jour du décès. Si le débiteur fait une donation-partage à ses enfants, il sera réduit à zéro au jour de son décès et l'obligation ne pourra plus être exécutée. C'est ce problème que nous avons voulu souligner. Nous avons évoqué le cas de donation-partage aux enfants, mais d'autres techniques sont possibles : transfert de patrimoine vers une société civile immobilière ou cession de parts de SCI. En instaurant l'actif successoral comme seule garantie, vous ouvrez le champ au détournement du processus. Soyez assurés que les contentieux ne manqueront pas. En outre, ce seront les plus difficiles de tous : des contentieux successoraux ! Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 123. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 37. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. C'est un amendement de coordination. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 37. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 134 corrigé. M. Richard Mallié. Il est défendu ! Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Défavorable. Nous nous en sommes expliqués lors de notre débat sur les conditions dans lesquelles un capital peut être substitué à la rente au décès du débiteur. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Défavorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 134 corrigé. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 124 corrigé et 132. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 124 corrigé. M. Alain Vidalies. Par cet amendement, nous voulons inscrire explicitement dans la loi qu'au décès du débiteur, le capital à la charge de la succession sera calculé déduction faite de la pension de réversion ou du capital représentatif de celle-ci. Le projet de loi ne dit pas le contraire, mais souvenons-vous que, lors de la discussion de la loi de 2000, nous avons rejeté un amendement relatif aux requêtes conjointes, au motif que la disposition semblait aller de soi, et que les juges aux affaires familiales ont ensuite pris des dizaines de décisions en sens contraire ! Nous avons été obligés d'intervenir à nouveau, quelques mois plus tard, à l'occasion de l'examen de la loi sur le conjoint survivant, pour préciser ce qu'avait été l'opinion commune du législateur. Cette expérience partagée devrait nous inciter à beaucoup de prudence. Mieux vaut écrire ce qui nous paraît évident pour ne pas s'exposer à la même mésaventure. Cet amendement me donne, en outre, l'occasion de rappeler qu'il faudra bien un jour lever l'incertitude qui pèse sur les pensions de réversion. Nous sommes dans une grande zone d'incertitudes. Personne n'a traité ce problème. Je ne sais pas si c'était à la chancellerie de le faire, mais l'on ne pourra pas m'empêcher de dire haut et fort que l'on ne peut modifier le code civil sans tenir compte de l'importante modification introduite, dans le calcul de la pension de réversion, par la réforme des retraites. Vous allez être obligé d'intervenir, monsieur le garde des sceaux. En effet, le capital sera-t-il calculé en fonction de la situation au moment du décès ou de la situation au moment où le juge arbitrera ? N'oublions pas que, désormais, la pension de réversion pourra être modifiée en fonction non plus des décisions de la créancière - nous ne sommes plus du tout dans le schéma de la loi de 2000-, mais de facteurs extérieurs ! Peut-être n'est-ce pas possible aujourd'hui, mais vous n'échapperez pas, monsieur le garde des sceaux, à l'obligation de préciser les conséquences de la réforme des retraites sur les pensions de réversion. Il faudra bien qu'un texte détermine à quelle date on doit se situer pour prendre en compte la pension de réversion qui sera déduite de la charge des héritiers. Mme la présidente. L'amendement n° 132 n'est pas défendu. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 124 corrigé ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Rejet, non parce que nous serions en désaccord sur le fond avec M. Vidalies, mais parce que sa demande sera satisfaite par l'amendement n° 46 à l'article 22. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Défavorable. Cette question pertinente doit en effet être traitée à un autre endroit du projet. Il faut maintenir un article autonome relatif à la pension de réversion. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 124 corrigé. (L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de cohérence. Il propose de supprimer la disposition prévoyant la prise en compte des sommes déjà versées en cas de substitution du capital à une rente lors du décès du débiteur. Rappelons que cette substitution ne saurait être confondue avec une révision. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 38. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, n°s 67 et 125, pouvant être soumis à une discussion commune. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour présenter l'amendement n° 67. Mme Muguette Jacquaint. Cet amendement rédactionnel va dans le même sens que l'amendement n° 124 corrigé, que vient de défendre M. Vidalies, et il est guidé par le même souci : celui de rendre plus lisibles les modifications apportées par le projet de loi. Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 125. M. Alain Vidalies. Je retire cet amendement, pour le reprendre à l'article 22, où il me semble plus opportun. Mme la présidente. L'amendement n° 125 est retiré. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 67 ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Défavorable. Il paraît préférable de faire figurer les dispositions relatives à la déduction de la pension de réversion dans un article distinct, comme le prévoit d'ailleurs le projet de loi. Si l'Assemblée adoptait l'amendement, la déduction de la pension ne serait opérée qu'en cas de prélèvement sur l'actif successoral et non dans le cas où les héritiers choisiraient de verser la rente sous la forme antérieure. J'ajoute que le projet de loi dispose que la pension de réversion sera prise en compte si ceux-ci continuent de verser la rente. Le problème sera réexaminé à l'article 22 où, je pense, vous obtiendrez satisfaction. Mme la présidente. Maintenez-vous l'amendement n° 67, madame Jacquaint ? Mme Muguette Jacquaint. Oui. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 67 ? M. le garde des sceaux. Défavorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 67. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 39. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte. Dans le cas où les héritiers du débiteur maintiennent le versement de la prestation compensatoire sous sa forme antérieure, l'amendement prévoit qu'ils disposent des mêmes possibilités d'action en révision que celles qui étaient ouvertes au débiteur lui-même : substitution d'un capital à la rente, libération du solde du capital restant dû, révision de la rente et révision des modalités de paiement du capital. Il prévoit donc que, lorsque les héritiers décident de continuer à payer une rente viagère, ils bénéficient de toutes les possibilités de droit commun accordées aux débiteurs qui ne se présentent pas dans la situation d'héritiers. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 39. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 18, modifié par les amendements adoptés. (L'article 18, ainsi modifié, est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 93, portant article additionnel après l'article 18. La parole est à M. Jean Lassalle, pour le soutenir. M. Jean Lassalle. L'amendement porte sur la situation des personnes handicapées confrontées à un divorce. Il s'agit de soustraire à la qualification de « revenus », lors de la détermination des besoins et des ressources par le juge, les sommes versées à des personnes handicapées au titre soit de la réparation d'un accident du travail - rente qui n'a pas la valeur juridique d'un revenu du travail, ni celle d'un capital -, soit au titre de la compensation d'une aide humaine ou technique, comme la prestation de compensation. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. L'amendement a été repoussé par la commission. Certes, les sommes que l'amendement propose d'ignorer pour la fixation de la prestation compensatoire ne correspondent ni à des revenus du travail ni à des revenus du capital. Mais la loi impose au juge d'apprécier la situation de chacun des époux de façon concrète et globale. Il ne semble donc pas opportun de remettre en cause la méthode d'appréciation qui s'applique actuellement. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Défavorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 93. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 162. La parole est à M. Jean Lassalle, pour le soutenir. M. Jean Lassalle. Il existe des cas où l'un des deux parents refuse d'exercer son droit de garde et d'hébergement. La situation est d'autant plus dommageable quand l'enfant est handicapé. Elle cause notamment des dépenses supplémentaires - frais de garde, emploi d'une tierce personne - à l'autre parent. L'autorité parentale allant de pair avec le droit de surveiller l'entretien et l'éducation des enfants, et le droit de visite et d'hébergement étant aussi reconnu comme un devoir, l'amendement vise à faire assumer par le parent qui n'exercerait pas son devoir de visite et d'hébergement, les dépenses causées par ce non-exercice. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. L'amendement n'a pas été examiné en commission. A titre personnel, j'y suis défavorable, comme aux autres amendements relatifs à l'autorité parentale. Ceux-ci ne me semblent pas pouvoir être introduits dans un texte sur le divorce, alors qu'il existe une loi sur l'autorité parentale datant de 2002. J'ai bien compris les difficultés qui se posent, dont M. le garde des sceaux s'est d'ailleurs fait l'écho. Mais il l'a indiqué lui-même : il faut laisser le texte de 2002 faire ses preuves, si l'on veut pouvoir en évaluer les effets. J'ajoute que la notion d'autorité parentale recouvre diverses situations, y compris le mariage ou le concubinage, et ne s'applique pas seulement aux enfants de divorcés. C'est pourquoi, en tout état de cause, les amendements relatifs à l'autorité parentale ne peuvent trouver leur place dans le texte que nous examinons aujourd'hui. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Je partage l'opinion du rapporteur. Puisque le problème de l'autorité parentale a été traité dans le cadre d'un texte récent, laissons-nous le temps d'observer l'évolution de la jurisprudence. J'ai demandé à ce que l'on suive de très près les conditions d'application du texte de 2002, afin que nous puissions tous disposer d'une pleine information dans ce domaine. Quoi qu'il en soit, il serait prématuré de le modifier à l'occasion du projet de loi sur le divorce. Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Pecresse. Mme Valérie Pecresse. Puisqu'il est question des allocations versées à un parent divorcé qui a la garde d'un enfant, je souhaiterais poser une question à M. le garde des sceaux : est-il possible de revoir le montant de ces allocations dès lors que l'autre parent n'exerce pas son droit de visite et d'hébergement ? En effet, si l'enfant est lourdement handicapé, un déséquilibre financier peut survenir entre les parents, qui n'aurait pas été pris en compte lors du prononcé du divorce. Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux. M. le garde des sceaux. C'est tout à fait possible. Les modalités de la démarche sont simples. Celle-ci peut même être effectuée sans l'assistance d'un avocat. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 162. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. Sur l'article 19, je suis saisie d'un amendement n° 166. La parole est à Mme Christine Boutin, pour le soutenir. Mme Christine Boutin. Après avoir essayé de défendre les femmes, et plus particulièrement les femmes qui vieillissent, je vais m'intéresser au cas de l'enfant. Dans la rédaction actuelle du projet, en cas de divorce pour altération définitive du lien conjugal, le propriétaire du logement familial peut imposer au défendeur de quitter les lieux. Or, à mon sens, le défendeur titulaire de l'autorité parentale doit pouvoir rester dans le logement familial. C'est en effet l'intérêt de l'enfant, qu'il faut avant tout protéger. Tel est l'objet de cet amendement, qui vise à favoriser l'attribution du logement au titulaire de l'autorité parentale. Par ailleurs, après un mariage qui s'est inscrit dans la durée, le défendeur ne devrait pas être contraint de quitter le domicile. L'amendement propose que le logement conjugal lui soit attribué en priorité. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. La commission n'a pas examiné l'amendement. A titre personnel, j'y suis défavorable, car il est contraire à la logique du projet de loi. En remplaçant le divorce pour rupture de la vie commune par le divorce pour altération définitive du lien conjugal, le texte a fait le choix de le ranger dans le droit commun qui s'exerce en matière de divorce. Il a donc supprimé les conséquences extrêmement discriminantes qui s'attachaient au divorce pour rupture de la vie commune et au nombre desquelles figurait le bail forcé au profit du conjoint défendeur. Puisque votre préoccupation, madame la députée, est d'assurer un logement au conjoint qui se verrait imposer le divorce pour altération du lien conjugal, je vous signale que le texte permet au défendeur qui remplit les conditions requises pour l'attribution d'une prestation compensatoire de bénéficier de celle-ci sous la forme de l'attribution d'un droit en usufruit qui peut, par exemple, porter sur le logement. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Avis défavorable. Chacun l'a bien compris : la philosophie du projet de loi est de rendre possible le choix entre les différentes procédures de divorce, et ce uniquement en fonction de la réalité de la situation du couple. Si l'on introduit des dispositifs pénalisants comme celui-ci, le choix de l'époux demandeur risque de se détourner de nouveau d'une formule de divorce pour altération définitive du lien conjugal vers un divorce pour faute. Pour éviter un tel résultat, il me semble important de ne pas introduire dans le texte des dispositifs apportant des contraintes supplémentaires. Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Boutin. Mme Christine Boutin. Monsieur le ministre, je crois que je commence à comprendre le nouveau concept de divorce que ce texte entend mettre en place : c'est un divorce qui se déroule dans la paix la plus totale. Il n'y a, dans ce cas, aucune difficulté entre les époux. Et l'harmonie entre eux est telle qu'on peut se demander pourquoi ils divorcent. (Sourires.) J'espère me tromper, mais je ne crois pas que ce divorce d'un type nouveau, que vous êtes en train de créer, sera très fréquent, car enfin quand on se sépare, ce n'est pas sans raison. Je regrette donc qu'une contrainte fondée sur l'intérêt de l'enfant ne soit pas prise en compte. Mais après tout, s'il est vrai que le divorce se passe dans le bonheur et la bonne entente, je retire mon amendement. Mme la présidente. L'amendement n° 166 est retiré. Je suis saisie d'un amendement n° 126. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L'amendement propose d'offrir, aux termes de l'article 285-1 du code civil, une autre possibilité au juge. Celui-ci pourrait, dans la situation évoquée au premier alinéa, laisser au conjoint qui exerce l'autorité parentale un droit d'habitation et d'usage sur un logement qui appartient à l'autre époux et qui ne serait pas la résidence principale. Je pense notamment aux lieux de villégiature habituelle des enfants, qui deviennent souvent inaccessibles après le prononcé du divorce. A la demande d'un des deux époux, un droit d'usage et d'habitation pourrait être concédé par le juge, dans un cadre temporaire, circonstancié au processus des vacances. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Avis défavorable. Il n'est pas souhaitable d'étendre, dans le cadre de l'autorité parentale, un bail forcé qui maintienne une relation financière entre d'anciens conjoints. Mieux vaut donc le réserver à la résidence principale. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Défavorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 126. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 19. (L'article 19 est adopté.) Mme la présidente. Sur l'article 20, je suis saisie d'un amendement n° 40. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision. Mme la présidente. Le Gouvernement y est-il favorable ? M. le garde des sceaux. Oui. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 40. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 139. La parole est à M. Gérard Grignon, pour le soutenir. M. Gérard Grignon. Nous venons de passer presque deux heures à débattre de la prestation compensatoire. Mais il est une autre contribution qui est, elle aussi, très conflictuelle : la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. L'amendement a pour objet de préciser, dans l'article 371-2 du code civil, que l'enfant est bien créancier de la pension versée au titre de la contribution et que le parent qui a la résidence effective de l'enfant fixée à son domicile perçoit la pension au nom et pour le compte de l'enfant en qualité d'administrateur légal. Il prévoit aussi que, à la majorité, la pension soit versée à l'enfant majeur, qui en dispose librement, que le versement de la contribution soit suspendu lorsque l'enfant mineur est à la charge du parent débiteur de la pension pendant un mois au moins au cours de l'année et qu'il cesse d'être dû lorsque l'enfant atteint l'âge de vingt-cinq ans.
Cette question de « gros sous » engendre, dans un conflit parental passionnel, un contentieux important devant nos juridictions. Or, une disposition simple permettrait de réduire le nombre des litiges, d'apaiser les tensions entre les parents et de favoriser l'intérêt de l'enfant en le plaçant en dehors du conflit parental. Il suffirait que la loi mentionne expressément que la contribution est due à l'enfant, celui-ci apparaissant comme le seul et unique créancier de la pension. Dès lors, le parent chez qui la résidence de l'enfant est fixée et qui en a la charge effective percevrait la contribution en qualité de représentant légal des intérêts de l'enfant et d'administrateur de ses biens. Le parent débiteur accepterait ainsi plus facilement de verser spontanément et régulièrement la contribution, ce qui aurait pour conséquence de réduire le nombre des contentieux. Le parent créancier, qui percevrait cette contribution au nom et pour le compte de l'enfant, veillerait à ce qu'elle soit utilisée dans le seul intérêt de celui-ci et qu'elle soit consacrée à son entretien et à son éducation. Quant au juge, il serait amené, dans sa recherche des critères à prendre en compte pour la fixation du montant de la contribution, à privilégier les besoins de l'enfant en fonction de son âge, de ses aspirations et de ses projets par rapport à la situation financière des parents. Enfin, la prise en considération de la personne de l'enfant et de ses besoins, d'une part, et la reconnaissance de sa qualité de créancier, d'autre part, lui conféreraient des droits distincts de ceux de ses parents, droits qui seraient de nature à le « sortir » du conflit parental, dans lequel il est trop souvent impliqué, voire manipulé. A sa majorité, la contribution serait versée directement à l'enfant, qui conserverait la liberté de rétrocéder une participation au parent à la charge effective duquel il se trouve. Par ailleurs, il semble utile que la loi fixe un terme au-delà duquel la contribution cesse d'être due. L'âge de vingt-cinq ans, qui est retenu par les services fiscaux, me paraît satisfaisant. Rappelons que l'enfant majeur qui poursuit des études et qui est encore à la charge de l'un de ses parents peut toujours exiger de son autre parent, au besoin en ayant recours à la voie judiciaire, qu'il contribue à son entretien. Le paiement de la contribution serait suspendu lorsque l'enfant est à la charge effective du parent débiteur, c'est-à-dire, en pratique, pendant les vacances d'été. Cette disposition présenterait l'intérêt de favoriser l'exercice des droits de visite et d'hébergement du parent débiteur de la contribution qui, faute de moyens, ne peut à la fois recevoir ses enfants pendant les vacances et régler la contribution. Il serait possible de suspendre également le règlement pendant les petites vacances - au prorata du temps de garde -, mais une telle mesure serait difficile à mettre en œuvre et générerait de nouveaux contentieux. C'est pourquoi la suspension ne peut être envisagée, sauf meilleur accord des parents, que pour une période d'un mois passé chez le parent débiteur. Mme la présidente. Puis-je considérer que vous avez également défendu l'amendement n° 140, monsieur Grignon ? M. Gérard Grignon. Oui, madame la présidente, l'amendement n° 140 étant de conséquence. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Avis défavorable. Sans me prononcer sur le fond, je constate que cet amendement vise à modifier l'exercice de l'autorité parentale. Or, nous avons dit que tel n'est pas l'objet du texte que nous examinons. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable pour la même raison que celle que vient d'indiquer le rapporteur. J'ajoute qu'il ne me paraît pas opportun que l'enfant puisse être créancier de l'un de ses parents. Une telle construction juridique n'est pas satisfaisante. Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Grignon. M. Gérard Grignon. Je regrette que nous n'allions pas plus loin. Cela dit, l'enfant n'est pas créancier de fait, puisque l'on désigne le parent comme administrateur légal de ses biens : il ne le devient que lorsqu'il atteint la majorité. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 139. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. L'amendement n° 140 a été défendu. La commission et le Gouvernement ont donné leur avis. Je mets aux voix cet amendement. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 20, modifié par l'amendement n° 40. (L'article 20, ainsi modifié, est adopté.) Mme la présidente. Sur l'article 21, je suis saisie d'un amendement n° 41. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 41. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 21, modifié par l'amendement n° 41. (L'article 21, ainsi modifié, est adopté.) Mme la présidente. Sur l'article 22, plusieurs orateurs sont inscrits. La parole est à Mme la rapporteure de la délégation aux droits des femmes, premier orateur inscrit. Mme Geneviève Levy, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Des cas récents de violence conjugale, que vous avez d'ailleurs évoqués hier, madame la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, démontrent que ces actes scandaleux dont les femmes sont victimes se produisent encore chaque jour sous nos yeux, alimentant la rubrique de ce que l'on appelle pudiquement les faits divers. Pour avoir notamment recueilli des témoignages dans leurs permanences et auprès d'associations, les membres de la délégation aux droits des femmes y sont particulièrement sensibles. C'est pourquoi nous approuvons sans réserve la mesure proposée dans l'article 22, qui permettra au juge, en cas de violences constatées au sein de la famille et avant même que ne soit entamée une procédure de divorce, de statuer sur la résidence séparée des époux, d'attribuer la jouissance du logement conjugal à l'époux victime et à ses enfants et de prononcer l'éviction du conjoint violent. Toutefois, nous souhaiterions, pour que cette disposition ne reste pas purement symbolique, qu'elle soit assortie d'un minimum de garanties permettant, en amont, une prise de conscience non seulement de l'institution judiciaire, mais aussi des médecins et de la police. A cet égard, il faut se féliciter des propositions faites dans le cadre de la charte de l'égalité entre les hommes et les femmes présentée par Mme Nicole Ameline le 8 mars dernier, qui tendent à améliorer l'accueil dans les commissariats et les gendarmeries des femmes victimes de violences. Par ailleurs, nous souhaiterions obtenir de M. le garde des sceaux des assurances quant à la mise en œuvre des mesures concrètes d'application que nous avons présentées dans nos recommandations : respect de la procédure contradictoire, meilleure information du juge aux affaires familiales sur les procédures parallèlement engagées, astreintes financières prononcées contre le conjoint récalcitrant, fixation par le juge des conditions de prise en charge du loyer et de la contribution aux charges du ménage du conjoint évincé et prolongation de trois à six mois du délai de caducité des mesures si une requête en divorce n'est pas déposée - un certain temps est en effet nécessaire aux femmes en situation de grande vulnérabilité pour se reprendre, réagir, accomplir les démarches nécessaires et prendre une décision grave pour leur avenir et celui de leurs enfants. Demeure cependant le problème de l'application de la mesure aux couples non-mariés, qui vivent en concubinage ou sous le régime du PACS. Comme les couples mariés, ils vivent des situations de violence qui méritent d'être prises en compte par le législateur. Une solution sera proposée dans un amendement que nous examinerons après l'article 22. Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint. Mme Muguette Jacquaint. L'article 22 traite de la question délicate des violences conjugales. A cet égard, nous souhaitons que celles-ci ne soient pas abordées uniquement au détour du projet de loi relatif au divorce, car si la mesure proposée est très importante, elle demeure insuffisante. Les violences conjugales ne sont pas encore suffisamment reconnues par les juges. C'est pourquoi - et j'ouvre ici une parenthèse - nous avons déposé une proposition de loi qui vise non seulement à inscrire le terme « violences conjugales » dans le code de procédure pénale, mais aussi à permettre l'indemnisation des femmes qui en sont victimes. Nous souhaitons qu'une attention toute particulière soit ainsi portée à l'assistance, à la protection et à l'aide financière aux victimes, afin que la reconnaissance de la souffrance de ces femmes, qu'elles soient mariées ou non, soit pleine et entière. Mais revenons au texte. L'article 22 permet enfin de reconnaître que ce n'est plus à la femme victime de violences conjugales de quitter le domicile. Cette reconnaissance était urgente, car jusqu'à présent, compte tenu de la situation psychologique dans laquelle elle se trouvait et du tabou que constituaient encore récemment les violences conjugales, il lui était quasiment impossible d'en parler à son entourage et, a fortiori, de demander à son mari de quitter le domicile conjugal. Désormais, grâce à cette disposition, ce sera possible. Il importe néanmoins que sa portée ne soit pas simplement symbolique. A cet égard, plusieurs questions se posent, qui ont d'ailleurs été soulevées par la délégation aux droits des femmes. S'agissant, tout d'abord, du délai de trois mois au terme duquel les mesures d'éloignement du mari seront caduques si aucune requête en divorce ou en séparation de corps n'est déposée, nous considérons qu'il est bien trop court, mais nous y reviendrons lorsque nous examinerons l'amendement que nous avons déposé à ce sujet. Se pose ensuite le problème des charges du ménage : à qui incombe le paiement du loyer, l'entretien quotidien, le remboursement des emprunts ? Le cœur du problème n'est pas uniquement financier : il s'agit bien d'éloigner un mari violent. La proposition qui consiste à prévoir une astreinte civile, faite par Mmes Marie-Dominique de Suremain et Maryvonne Boulet-Ansquer, toutes deux auditionnées par la délégation aux droits des femmes, nous semble juste. En effet, dans le texte, la mesure d'éloignement du domicile conjugal ne revêt aucun caractère coercitif. Or, une telle sanction obligerait le conjoint à s'éloigner. Même si cette mesure relève du code de procédure civile, donc du règlement, nous souhaiterions que le Gouvernement l'inscrive dans la loi, afin que les femmes sachent qu'elles ne se retrouveront pas complètement démunies si leur mari quitte le domicile. Cela ne pourra que les conforter dans leur démarche. Par ailleurs, la procédure de divorce n'étant pas entamée et le mariage n'étant pas encore dissous, le mari, même éloigné, doit continuer de contribuer au paiement du loyer et au remboursement des emprunts et, plus généralement, aux charges de la famille. Le rôle du juge est donc déterminant, car il lui revient de prendre en compte les souffrances psychologiques et physiques des femmes, afin d'appliquer les mesures qui s'imposent à l'égard du mari violent. Nous souhaitons que cette nouvelle mesure relative à l'éloignement du conjoint violent ne reste pas lettre morte. Nous espérons également que la réflexion sur les violences conjugales sera étendue à tous les couples, mariés ou non, afin que le tabou soit définitivement brisé et que des milliers de femmes ne se sentent plus seules dans leur lutte quotidienne. Mme la présidente. La parole est à M. Émile Blessig. M. Émile Blessig. Nous sommes tous unis dans la lutte contre les violences conjugales, mais je me dois de faire valoir que certaines associations de pères se sont inquiétées de la rédaction de cet article et souhaitent que soit réaffirmé le caractère solennel du contradictoire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous nous félicitons de ce qui peut constituer une avancée en permettant de mettre immédiatement un terme à des violences, sans que la victime de ces violences ne se voie obligée de quitter le logement conjugal. Toutefois, nous nous inquiétons des modalités pratiques d'application du dispositif, pour plusieurs raisons. Premièrement, il faut préciser que c'est l'état du droit qui a empêché que cette solution soit mise en œuvre jusqu'à présent. En cas de violences conjugales, la seule solution qui s'offrait à la victime était d'aller immédiatement demander au juge la fixation d'une date d'audience pour la procédure de conciliation et une autorisation de quitter le domicile conjugal. Le juge ne disposait pas d'instruments légaux lui permettant d'ordonner l'expulsion de l'auteur des violences. Le champ nouveau qu'ouvre le texte est intéressant. Cela étant, je préfère que l'on n'utilise pas le terme de « référé violences » que l'on commence à entendre, car cette facilité de langage à laquelle, je le confesse, il a pu m'arriver de céder, est une expression juridiquement inexacte qui risque d'entraîner des problèmes d'application du texte. On ne peut qu'espérer que les décrets d'application de la loi permettront de résoudre, au moins en partie, les difficultés de mise en œuvre qui s'annoncent. Le principe du contradictoire, évoqué précédemment par M. Blessig, est une garantie qui n'est pas seulement due aux pères, mais à tout justiciable. Le respect de ce principe constitue cependant la première difficulté prévisible d'application du texte. En effet, il va falloir tenir compte de la situation d'urgence créée par les violences, en appelant l'auteur de ces violences devant le juge dans les plus brefs délais. Sous peine de rendre totalement vaines les nouvelles dispositions, il faudra faire preuve d'imagination pour concilier ces deux exigences. L'une des solutions envisageables sera de rendre opposables aux auteurs de violences, dûment convoqués, les décisions rendues en leur absence. Le deuxième problème est celui de l'exécution, qui peut s'envisager sous deux aspects de nature différente, à commencer par l'aspect matériel. Quand on connaît la situation des greffes et la charge de travail des juges aux affaires familiales, on imagine mal comment la victime pourrait, au bout de quelques heures, repartir avec la grosse exécutoire sous le bras. Par ailleurs, une fois muni d'une décision de justice, il pourra être nécessaire de mobiliser un huissier pour la faire signifier, puis éventuellement de faire appel à l'assistance de la force publique pour la faire exécuter. Si nous souhaitons ne pas en rester aux déclarations d'intention, il est absolument indispensable que la Chancellerie prévoie des modalités d'application très précises de la loi et que le ministère de l'intérieur donne aux forces de police des instructions détaillées par voie de circulaire. Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, ne pas ajouter l'errance à la souffrance, tel est bien l'objectif du Gouvernement en matière de lutte contre les violences conjugales, ce fléau anachronique qui doit être combattu avec une particulière détermination. Je ne reviendrai pas sur les chiffres, qui font l'objet d'un constat connu et partagé par tous. La prise de conscience de cette situation doit désormais nous mener à agir. Constitutive d'atteintes à la liberté, à la dignité, à l'intégrité, la violence conjugale, qui n'épargne aucun milieu ni aucune classe sociale, est dans tous les cas illégitime. J'étais hier encore à Belfort auprès d'une jeune femme turque victime de telles violences, auxquelles les jeunes femmes issues de l'immigration sont particulièrement exposées. Le droit français comportait jusqu'à présent une importante lacune, aucun texte n'accordant expressément aux victimes de violences conjugales le droit à la jouissance exclusive du domicile familial. Si des mesures étaient parfois prises en ce sens par le juge pénal au titre du contrôle judiciaire, ou par le juge civil dans le cadre de la procédure de divorce, celles-ci étaient insuffisantes pour deux raisons. D'une part, parce qu'elles ne pouvaient intervenir qu'en liaison avec une requête en divorce ou un dépôt de plainte pour violences, ce qui fait que les victimes hésitaient à y recourir, de crainte de compromettre définitivement l'avenir de leur foyer. D'autre part, parce que rien n'obligeait le juge civil ou pénal à accorder la jouissance du domicile conjugal à la victime, plutôt qu'à l'auteur des violences. Nous allons, ce soir, combler cette lacune grâce à l'article 22 de notre projet de loi, qui affirme sans ambiguïté le droit du conjoint victime ou témoin de violences, à demeurer au domicile conjugal. Comme l'a rappelé Mme Jacquaint, trop souvent, jusqu'à présent, c'était la victime qui se voyait contrainte de fuir le domicile pour se soustraire, ou soustraire ses enfants, aux violences subies. La mise en œuvre de ce nouveau dispositif ne nécessite ni requête en divorce, ni dépôt de plainte. Pour autant, comme l'ont souligné M. Blessig et M. Le Bouillonnec, les droits de la défense doivent être garantis, et l'expulsion du conjoint violent ne pourra être ordonnée par le juge qu'à l'issue d'une procédure contradictoire. Mais cette garantie n'aura pas pour effet de ralentir l'action de la justice, car les violences conjugales, quelle qu'en soit la forme, sont des faits suffisamment graves pour justifier le recours à une procédure d'urgence, telle que celle que nous mettons en place. La procédure sera donc réputée contradictoire dès lors que le conjoint violent ou présumé tel aura été régulièrement assigné à comparaître, le cas échéant par sommation d'huissier, et sa non-comparution éventuelle ne fera pas obstacle à la décision du juge. La commission des lois a approuvé ces nouvelles dispositions, ce dont je me félicite, mais les a encore enrichies pour les rendre plus efficaces. Celles-ci s'accompagneront naturellement de mesures d'un autre ordre, comme l'activation des réseaux associatifs, qui mettent en œuvre une véritable solidarité, ou encore la poursuite du travail engagé avec l'Ordre des médecins en matière d'alerte et de prévention. Notre but est d'éviter que les violences ne se développent et de réserver le recours à la justice aux situations d'urgence. Nous sommes très sensibles à la situation des couples non mariés, situation évoquée par Mme Jacquaint et Mme Levy et à laquelle s'attache une question d'égalité. Les violences perpétrées au sein des couples non mariés, qu'il s'agisse de concubins ou de personnes liées par un pacte civil de solidarité, ne peuvent être combattues que dans le cadre d'une procédure pénale. Nous reviendrons sur ce point dans un instant puisqu'il fait l'objet d'un amendement, mais soyez assurés que nous répondrons à la demande parfaitement légitime d'une égalité de traitement entre les couples mariés et non mariés. La violence conjugale appelle aussi d'autres réponses que juridiques. Je veux rendre un hommage particulier aux associations, qui apportent en ce domaine une humanité réellement nécessaire. Il faut sans relâche éduquer, apprendre aux femmes à dire non, à ne plus supporter la violence au nom de l'amour qu'elles portent à leurs enfants - d'autant que les enfants traumatisés par de telles scènes de violences peuvent, on le sait, à leur tour devenir des agresseurs. Il faut, enfin, profiter de ce débat pour faire avancer la culture de l'égalité, qui passe par l'éradication de toute forme de violence, mais aussi par une société plus ouverte au partage des responsabilités, et plus ouverte à la différence vécue comme un facteur d'enrichissement et non d'exclusion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Mme la présidente. Sur l'article 22, je suis saisie d'un amendement n° 42. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel, madame la présidente. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 42. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 43. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Cet amendement, qui porte sur la contribution aux charges du mariage dans le cadre de l'action d'éviction du conjoint violent du domicile conjugal, devrait répondre aux préoccupations exprimées par Mme Levy et Mme Jacquaint. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 43. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 127. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement porte de trois à six mois, avec renouvellement possible pour une même durée maximale, la durée de la mesure d'éloignement du conjoint violent. Trois mois, c'est trop court pour que la victime puisse se remettre Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Plusieurs amendements relatifs à ce problème du délai ont été déposés. Si une durée de trois mois, c'est peut-être trop court, six mois, ce serait sans doute trop long, car il ne faut pas prolonger une situation par définition précaire. L'objectif de la mesure d'éloignement est de trouver une issue à la situation, par le dépôt d'une requête en divorce par exemple. Dans certains cas particuliers, la victime pourra toujours adresser une nouvelle demande au juge. La commission s'en est tenue à une proposition de compromis. C'est l'objet de son amendement n° 164, qui propose de retenir une durée de quatre mois. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Le Gouvernement se rallie à la proposition de la commission. En effet, si nous avons le souci de laisser à la victime le temps nécessaire pour introduire une requête en divorce, il convient de ne pas prolonger cette situation au-delà d'un délai raisonnable. Nous demandons le retrait des amendements qui proposent un délai de six mois, au profit de l'amendement de compromis de la commission. Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je retire l'amendement n° 127. Mme la présidente. L'amendement n° 127 est retiré. Les amendements nos 5 et 69 sont-ils également retirés ? Mme Muguette Jacquaint. Le délai de quatre mois représente un compromis acceptable, même s'il ne nous convient pas totalement. Lors des auditions auxquelles nous avons procédé, beaucoup de femmes nous ont dit que trois mois étaient insuffisants pour trouver, par exemple, une place dans un centre de réinsertion. Cet amendement constituant tout de même un progrès, nous retirons l'amendement n° 69. Mme Geneviève Levy, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Je retire également l'amendement n° 5. Mme la présidente. Les amendements nos 5 et 69 sont retirés. Je mets aux voix l'amendement n° 164. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
L'amendement n° 148 est-il soutenu ? M. Richard Mallié. Oui, madame la présidente. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 148 ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Nous reviendrons ultérieurement sur ce point que nous avons d'ores et déjà abordé. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Même avis que la commission. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 148. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 44. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Amendement rédactionnel. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 44. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 45 corrigé. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Amendement de précision qui tend à prévoir qu'il ne sera possible de remettre en cause la déduction de la pension de réversion que si les héritiers ont maintenu le versement de la prestation compensatoire sous sa forme antérieure. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 45 corrigé. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 46. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Cet amendement tend à assurer la déduction des pensions de réversion, même lorsque la prestation compensatoire va être prélevée sur la succession. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 46. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 47. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Amendement de précision. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 47. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 167. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir. M. Alain Vidalies. Cet amendement vise à pallier une des difficultés majeures qui résultent du changement de nature de la pension de réversion. En effet, le texte se borne à prévoir qu'une déduction continue à être opérée si le créancier perd son droit à pension de réversion du fait de son remariage. Or, avec l'entrée en vigueur de la loi sur les retraites, la pension de réversion va devenir une allocation différentielle. A cet égard, nous attendons avec intérêt les décrets d'application : faudra-t-il sortir du montant de la pension le loyer ou d'autres revenus ? Comment sera fixé le plafond ? En tout état de cause, à partir du 1er juillet prochain, un certain nombre de pensions de réversion versées aujourd'hui sous forme de rente vont changer de nature. Mais il ne faudrait pas que cette disposition législative se traduise, pour les héritiers, par une augmentation de la rente qu'ils doivent acquitter. C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à prévoir qu'« une déduction du même montant continue à être opérée si le créancier perd son droit ou subit une variation de son droit à pension de réversion ». Les difficultés qui vont naître de la modification de la législation sur les pensions de réversion risquent d'être nombreuses. Mais, grâce à cet amendement, les héritiers des débiteurs ne seront pas des victimes directes. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Je note, monsieur Vidalies, que cet amendement remplace celui que nous avions examiné en commission et qui présentait un certain nombre de difficultés techniques. Nous sommes favorables à ce nouvel amendement, qui répond à votre préoccupation fort légitime après le vote de la loi sur les retraites. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Cet amendement vise à rendre le mécanisme de déduction des pensions de réversion cohérent avec le nouveau régime de retraite. A compter du 1er juillet, les pensions de réversion pourront, en effet, varier à la hausse comme à la baisse en fonction de l'évolution des ressources du créancier de la prestation compensatoire et, dans ce contexte, nous comprenons votre souci, monsieur Vidalies, de clarifier le mécanisme de déduction de ces pensions du montant de la rente maintenue par les héritiers. Afin de garantir la sécurité juridique et la stabilité de la prestation, il convient en effet de maintenir le principe issu de la loi du 30 juin 2000 selon lequel le montant de la déduction opérée lors du décès ne varie pas en cas de perte ou, désormais, de fluctuation des droits à réversion, sauf décision contraire du juge. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 167. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 48. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. Peut-être, monsieur Delnatte, pourriez-vous présenter en même temps les amendements nos 49 et 50 ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Volontiers, madame la présidente. Il s'agit en effet d'amendements de précision rédactionnelle ou de coordination. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ? Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 48. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 49. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 50. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 22, modifié par les amendements adoptés. (L'article 22, ainsi modifié, est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 149, portant article additionnel après l'article 22. La parole est à Mme Valérie Pecresse, pour le soutenir. Mme Valérie Pecresse. Je tiens tout d'abord à remercier Mme Ameline pour son discours plein d'humanité. Je la remercie également d'avoir fait de la lutte contre les violences conjugales une priorité du Gouvernement et d'avoir présenté à la représentation nationale un dispositif innovant pour permettre l'éloignement du conjoint violent du domicile conjugal. Ce dispositif est excellent, en effet. Mais n'est-il pas quelque peu irréaliste, alors que 40 % des enfants français sont issus de couples non mariés, de limiter la protection des victimes aux seuls conjoints mariés ? Ce serait là une profonde injustice. Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait ! Mme Valérie Pecresse. Alors on va m'objecter que l'institution du mariage vise précisément à protéger efficacement les membres les plus faibles de la famille - traditionnellement la femme et les enfants - et que les obligations réciproques des époux sont sans commune mesure avec celles des concubins ou des pacsés. Mais que fera la mère de plusieurs jeunes enfants battue par son concubin ? Devra-t-elle abandonner le domicile du couple et ses enfants avec ? Ou emmener ces derniers dans un foyer d'hébergement d'urgence en pleine année scolaire, ce qui ne manquera pas de provoquer un traumatisme durable ? L'obligerez-vous à faire face à cette alternative alors que vous permettrez à une femme mariée dans la même situation de bénéficier d'une mesure de maintien dans le domicile conjugal ? Il y a là deux poids, deux mesures. Or cela ne me paraît pas acceptable. Ces deux femmes, en effet, sont d'égale dignité et ont droit au même respect. Certes, on peut évoquer l'atteinte au droit de propriété qui pourrait résulter de l'éloignement du concubin violent. Mais celle-ci serait strictement proportionnée à la protection de la mère et de l'enfant dans l'attente du jugement pénal sur les violences. Pour permettre à la femme battue de porter plainte et de rompre la loi du silence même quand elle n'est pas mariée, pour permettre aux enfants de poursuivre une vie normale auprès de leur mère jusqu'à la fin de l'année scolaire en cours, pour éviter que l'abandon du domicile du couple ne se retourne contre la mère lors du jugement statuant sur la garde de l'enfant, je vous demande, mes chers collègues, de voter cet amendement qui étend le référé violence aux couples non mariés dès lors qu'un enfant commun mineur vit au domicile du couple, et ce même si cet amendement dépasse le strict objet du texte qui nous est soumis. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. La commission a accepté cet amendement. Nous avons conscience qu'un certain nombre de difficultés techniques se posent. Mais nous supposons que Mme la ministre qui a déjà bien anticipé le problème pourra y répondre. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Madame la députée, je suis extrêmement sensible à votre argumentation. Je vous rappellerai cependant que ce texte est relatif au divorce et ne fait pas référence au dispositif pénal qui s'applique précisément à l'ensemble des couples, mariés ou non. Il est vrai que l'éloignement des auteurs de violence conjugal est prévu par la loi à tous les stades de la procédure s'agissant des couples non mariés qui vivent en concubinage ou pacsés. Dans le cadre d'une comparution par procès-verbal ou d'une ouverture d'information judiciaire, le prévenu peut d'ailleurs être placé sous contrôle judiciaire par le parquet avec interdiction de paraître en certains lieux et d'entrer en contact avec la victime par quelque moyen que ce soit, le non-respect de ces interdictions pouvant être sanctionné par l'incarcération. Naturellement, le Gouvernement est très sensible à la gravité des violences conjugales et il entend prendre des mesures pour lutter contre le phénomène que vous évoquez et qui touche l'ensemble des couples, mariés ou non. Afin d'harmoniser et de généraliser les pratiques innovantes, qui sont d'ailleurs mises en œuvre par un certain nombre de parquets et dans le cadre du conseil national d'aide aux victimes, la création d'un groupe de travail interministériel sur les violences conjugales piloté par le ministère de la justice et réunissant magistrats, médecins, avocats, policiers, gendarmes et associations d'aide aux victimes a été décidée. Ce groupe de travail vise à élaborer un guide de bonnes pratiques à destination des magistrats du siège et du parquet ainsi que de l'ensemble des professionnels concernés. Sa parution est prévue avant fin juin 2004. Voilà qui devrait en partie répondre à la très légitime question que vous posez. En l'état actuel du droit, il ne paraît pas possible de faire bénéficier aujourd'hui les couples non mariés de la disposition que vous souhaitez, qui fait référence à une procédure civile pouvant difficilement être élargie. Le Gouvernement est donc défavorable à votre amendement, madame Pecresse. Soyez cependant assurée de notre détermination à faire avancer ce dossier dans l'esprit qui est le vôtre. Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Pecresse. Mme Valérie Pecresse. J'entends bien vos arguments, madame la ministre. Oui, c'est vrai cet amendement est hors sujet. Mais comme le Conseil constitutionnel a judicieusement abandonné sa jurisprudence sur les amendements hors sujet,... M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Cela dépend des cas ! Mme Valérie Pecresse. ...je pense que l'on pourrait faire ici un petit effort tant les questions que nous traitons sont voisines. L'obstacle ne me paraît donc pas dirimant si la volonté de la représentation nationale s'exprime clairement. Vous faites observer par ailleurs que, grâce à la procédure pénale, le concubin violent peut se retrouver placer sous contrôle judiciaire, ce qui lui interdirait d'entrer en contact avec la victime ou de paraître en certains lieux. Certes. Mais cela ne vaut pas pour le domicile du couple puisque, si le concubin violent est signataire du bail, on ne peut l'empêcher de rentrer chez lui. Si donc je me félicite que le ministère de la justice et le ministère des droits des femmes travaillent sur la rédaction d'un guide de bonnes pratiques en matière de jugement des violences de couple, je considère que cela ne retire rien à l'intérêt de mon amendement. Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint. Mme Muguette Jacquaint. Effectivement, madame la ministre, nous ne pouvons que nous réjouir de la parution prochaine de ce guide de bonnes pratiques. Mais cela ne répond pas aux situations d'urgence que vient excellemment d'évoquer Mme Pecresse. Peu importe que ces femmes victimes de violences soient mariées, pacsées ou en concubinage.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Boutin. Mme Christine Boutin. Mes chers collègues, comment ne pas être ému par le problème soulevé par Mme Pecresse ? La violence à l'encontre des femmes est malheureusement fort répandue et présente dans toutes les classes sociales, comme l'a rappelé Mme la ministre. C'est naturellement insupportable. Toutefois, à force de gommer les différences de statut juridique entre concubinage et mariage, c'est l'institution même du mariage que vous fragilisez, car votre amendement va dans ce sens. Or, si nous examinons un texte exclusivement relatif au divorce, donc à la séparation de personnes qui ont décidé librement de se marier - car aujourd'hui plus rien n'oblige les gens à se marier -,... Mme Muguette Jacquaint. Si, des raisons d'amour ! Mme Christine Boutin. ...c'est justement parce que cette institution du mariage a été créée non pas pour les couples qui marchent bien, mais pour protéger ceux qui éprouvent des difficultés. Il ne faudrait donc pas que cela revienne dorénavant au même d'être marié ou pas. Je suis absolument convaincue que la volonté politique, l'orientation et la position de Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, ainsi que de l'ensemble du Gouvernement, contribuent incontestablement à lutter contre la violence faite aux femmes. Personne ne peut le mettre en doute. Dès lors, prévoir dans ce texte sur le divorce, donc sur la rupture d'un contrat librement consenti, non obligatoire et de moins en moins à la mode, les mêmes conséquences pour ceux qui sont mariés et ceux qui ne le sont pas, cela revient à affaiblir complètement l'institution du mariage. J'ai l'impression que nous y allons à grands pas, mais j'y demeure profondément opposée compte tenu de cette spécificité de l'union matrimoniale. En outre, il ne faut pas tourner en dérision la portée du guide de bonne conduite. Certes, il n'est pas suffisant, mais il a le mérite d'exister. Qu'une réflexion soit menée, voire qu'un projet de loi sur la lutte globale contre les violences faites aux femmes soit déposé, pourquoi pas ? Mais un tel sujet ne doit certainement pas être traité à l'occasion d'un texte relatif exclusivement à la rupture du mariage. Un tel amendement conduit à se demander si l'institution du mariage a encore une signification dans notre pays. Est-ce fondamental ou pas ? Je répète que je suis favorable à un arsenal juridique complet pour lutter contre la violence faite aux femmes et condamner ceux qui l'exercent, mais pas à l'occasion d'une législation sur la rupture du mariage ! Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Pecresse. Mme Valérie Pecresse. J'ai bien entendu les arguments de Mme Christine Boutin. Je tiens à être claire : je ne cherche pas à faire l'apologie du concubinage ou du PACS, car je considère, en tant que juriste, qu'ils offrent beaucoup moins de protection que le mariage, notamment pour les membres les plus faibles de la famille - généralement les enfants et l'épouse. Mais il faut être deux pour convoler en justes noces et, bien souvent, l'homme s'y refuse. S'il est violent, il place dès lors la femme dans une position inextricable d'infériorité et de soumission. C'est intolérable. Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait ! Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Si j'ai bien compris Mme Valérie Pecresse, elle cherche à trouver une solution juridique au cas dramatique du couple concubin, en charge d'un ou plusieurs enfants, au sein duquel la conjointe serait victime de violences. Mme Valérie Pecresse. En effet. M. Pascal Clément, président de la commission. Il faut la trouver. Mme Christine Boutin. On est d'accord. M. Pascal Clément, président de la commission. Mais la solution proposée dans cet amendement relève plus du droit civil que du droit pénal. Or c'est là où ça se corse, car toucher au droit civil, c'est toucher au droit de propriété. Cela dit, chère collègue, l'application du droit pénal permet d'aboutir à la même solution. Vous demandez l'éviction du conjoint violent. Il est déjà tout à fait possible, en cas de plainte au pénal, de parvenir à cette solution, et ce sans soulever un problème de droit de propriété qui compliquerait sérieusement la question. Je ne peux être plus clair : avec une plainte au pénal, il est possible d'évincer l'époux violent sans incidence juridique susceptible de mettre en péril le droit de propriété - lequel relève d'ailleurs d'un autre débat. Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je ferai plusieurs observations. Premièrement, notre travail en commun montre la limite de l'exercice, puisque l'examen d'un texte sur le divorce nous amène à aborder d'autres questions. Il est vrai que celles-ci s'avèrent connexes avec l'objet de ce projet de loi, puisque la législation sur le divorce se rapporte à une situation de moins en moins générale et qui tend à se confondre avec celle des couples non mariés. Deuxièmement, lors de la discussion générale, j'ai dit que le seul instrument dont nous pouvons disposer, c'est la loi pénale - je rejoins sur ce point le président de la commission. Tous les autres ne nous permettront pas de surmonter les obstacles. Je le répète : le seul instrument qui nous permettra d'aller au bout du combat que nous menons, c'est la loi pénale. M. Pascal Clément, président de la commission. Nous sommes d'accord. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Troisièmement, il ne faudrait pas s'empêtrer dans une querelle sur les termes, parler de la violence conjugale, puis de la violence de couple, puis de la violence dans la cellule familiale... En l'espèce, votre amendement concerne les enfants mineurs, mais s'ils sont majeurs et élevés par les parents en commun, la question est la même puisque la violence s'avère identique. En fait, vous ne mentionnez les enfants mineurs que pour accentuer la réalité des mauvais traitements que vous dénoncez. Mais qu'il y ait ou non un lien de filiation, il faut mener le combat contre les violences de couple et parvenir à les faire cesser. Mme Christine Boutin. Absolument ! M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est donc nécessaire de surmonter cet obstacle terminologique. Le dispositif législatif devrait peut-être faire référence aux violences en général, comme cela a été le cas pour la législation sur les violences et les agressions sexuelles, domaine dans lequel nous avons décidé que la famille ne pourra jamais rien occulter. En cette matière, le législateur a commencé à faire avancer les choses, même si ce n'est pas encore parfait. Par ailleurs, je souligne que des procureurs ont accepté de franchir le pas. Ils ne veulent même pas savoir quelle poursuite est demandée, ils dépassent les desiderata de la victime afin de mieux la protéger. Au moins, ils agissent. Dans ce cadre, il existe divers dispositifs, notamment les mesures d'éloignement. Je connais, dans le Nord, un parquet très efficace en ce domaine. Ce n'est pas la panacée, mais au moins le problème est-il bien cerné. Le groupe socialiste ne voudrait pas répondre par la négative à votre proposition qui s'inscrit manifestement dans une exigence de protection que nous comprenons. Mais, dans le même temps, nous pensons que ce n'est pas le chemin à suivre pour mener le vrai combat. Il vaut mieux rester dans les limites du texte que nous examinons. Cependant, Mme la ministre et M. le garde des sceaux doivent sentir toutes les attentes qui émanent de notre débat et constater la force des convictions que partage, en l'occurrence, l'ensemble de la représentation nationale. Le Gouvernement doit favoriser le développement de nouveaux instruments de lutte contre cette violence en levant tous les obstacles qui nous empêchent actuellement d'aller jusqu'au bout de ce combat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Mme Christine Boutin. Très bien ! Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Pecresse. Mme Valérie Pecresse. Je suis prête à m'en remettre à la procédure pénale si le garde des sceaux s'engage à donner des instructions aux parquets pour que, saisis d'une plainte et si les circonstances le nécessitent, ils prononcent le plus souvent possible l'éloignement du conjoint violent. Actuellement, ce n'est absolument pas le cas. Je suis bien placé pour en parler puisque j'ai recueilli des témoignages dans ma circonscription. Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait ! Mme Valérie Pecresse. A cette condition, je retirerai mon amendement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Ce débat aura été utile et intéressant. Monsieur Le Bouillonnec, j'ai pleinement conscience des attentes de la représentation nationale, que je connais et que je partage. Nous débattons d'un texte relatif au divorce, mais je sais parfaitement que le problème de la violence se pose de la même façon que les gens soient mariés ou non, et qu'ils aient des enfants ou pas. Mme Christine Boutin. Bien sûr. Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Cette question doit donc être réglée à tous les niveaux. Je tiens à préciser deux points. Tout d'abord, je confirme que la procédure pénale peut conduire à l'éviction du conjoint violent du domicile. C'est un moyen de parvenir au même but et au même résultat que par la voie du droit civil que vous préconisez, madame Pecresse. Par ailleurs, le groupe de travail auquel j'ai fait précédemment référence a précisément pour objectif la réalisation d'un guide de l'action publique, destiné aux magistrats du siège et du parquet ainsi qu'à l'ensemble des professionnels concernés. Il s'agit d'apporter à la législation toute la force exécutoire et l'efficacité que nous recherchons tous. Ces deux précisions devraient être de nature, madame Pecresse, à vous rassurer pleinement sur les trois aspects de l'action gouvernementale en la matière : la volonté, l'objectif et les moyens. Mme la présidente. Madame Pecresse, retirez-vous votre amendement ? Mme Valérie Pecresse. M. le garde des sceaux ne s'est pas exprimé, madame la présidente. Mme la présidente. Monsieur le garde des sceaux, c'est presque une interpellation ! (Sourires.) Vous avez la parole. M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est un collège, et Mme Ameline vient de répondre en son nom. Mais je le fais à mon tour bien volontiers. Je vous confirme, madame Pecresse, que je donnerai ces instructions (Applaudissements sur tous les bancs.) La préparation du guide de l'action publique a justement pour but de formaliser les modalités, concrètes et précises, de leur diffusion aux parquets. Mme Valérie Pecresse. Dans ce cas, je retire mon amendement. Mme la présidente. l'amendement n° 149 est retiré. Mme la présidente. Sur l'article 23, je suis saisie d'un amendement n° 128. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il tombe. Mme la présidente. En effet, l'amendement n° 128 tombe. Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 70, 92, 129 et 147. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l'amendement n° 70. Mme Muguette Jacquaint. L'article 23 du projet de loi abroge plusieurs dispositions, dont le troisième alinéa de l'article 276-3 du code civil. Cet alinéa prévoyait que l'action en révision de la prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère n'était ouverte qu'au débiteur et à ses héritiers. Sa suppression ouvre donc au créancier le droit de demander cette révision. Compte tenu du deuxième alinéa du même article, le montant de la rente ne pourra pas dépasser celui décidé initialement par le juge, mais il pourra être supérieur au montant fixé lors d'une révision. Or, si un juge accepte de diminuer le montant d'une rente initiale, c'est en raison du changement de situation du débiteur, mais aussi parce que la situation du créancier le permet. Il nous faut également garder en mémoire que les anciens époux n'ont plus aucun lien. Si la situation du débiteur vient à s'améliorer par la suite, ce ne devrait donc plus concerner le créancier. Les liens matrimoniaux n'existent plus, aussi n'y a-t-il plus aucune raison pour que les liens patrimoniaux perdurent. C'est pourquoi le groupe des député-e-s communistes et républicains demande que l'article 276-3, alinéa 3, ne soit pas supprimé, afin que l'action en révision de la rente continue à relever du seul débiteur et de ses héritiers. Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle, pour soutenir l'amendement n° 92.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 129. M. Alain Vidalies. Je vais essayer d'aller à l'essentiel, madame la présidente, mais il s'agit tout de même d'un amendement assez important. On a un peu de mal à comprendre les objectifs de la suppression du troisième alinéa de l'article 276-3 du code civil. Quels qu'ils puissent être, je ne partage pas l'idée qu'il s'agirait simplement de supprimer un texte inutile. Il nous a été répondu que les autres dispositions de l'article permettent à la créancière d'ouvrir une action en révision. J'avoue que je suis surpris par une telle interprétation, qui semble fleurir au sein de quelques officines. Quand j'ai demandé d'où venait cette interprétation, on m'a renvoyé à un article de doctrine. J'avoue que de manière générale, quand il s'agit d'interpréter l'intention du législateur, je préfère me référer aux débats parlementaires qu'à la doctrine, surtout qu'en fait de doctrine, on ne m'a parlé que d'un seul article. Voilà donc le Parlement soumis à l'interprétation, certes prestigieuse, d'un chargé de cours à l'université de Paris XI ! Mais vous me permettrez de retenir plutôt celle du rédacteur de la proposition de loi d'où est issue la rédaction actuelle de l'article 276-3, qui n'est absolument pas celle qui prévaut aujourd'hui. Et pour revenir à cet article - le seul auquel on nous renvoie - qui nous explique que les choses sont évidentes, je voudrais rappeler à ceux qui, à l'instar du président de la commission, sont très attachés au sérieux du raisonnement juridique, que son auteur, dans le paragraphe précédant sa brillante démonstration, semble confondre la modification du montant du capital avec celle des modalités de paiement du capital. Comme quoi ce n'est pas manifester une grande exigence de sécurité juridique que de faire référence à cet article. Cela signifie, pour être clair, qu'il peut y avoir d'autres idées derrière la suppression du troisième alinéa de l'article 276-3. Soyons très concrets. Quelles seraient les conséquences de cette suppression sur le plan matériel ? Prenons l'exemple d'un débiteur qui est victime d'un licenciement. Ayant perdu son boulot, il va devant le juge pour obtenir une révision de la rente. Quelques années plus tard, il hérite. Que se passe-t-il si nous supprimons le troisième alinéa de l'article 276-3 au motif qu'il ne servirait à rien ? Il se passe que l'action en révision est ouverte à la créancière. L'héritage ayant modifié la situation du débiteur dans un sens favorable, il est alors possible de revenir devant le juge afin qu'il modifie une deuxième fois le montant de la rente et la fixe à nouveau au montant initial. Si c'est ce que vous voulez, il faut le dire. M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Oui ! M. Alain Vidalies. Que les choses soient claires ! Je crois que, dans les débats en commission, les choses ont été explicitées dans ce sens par le président de la commission. Or, c'est exactement le contraire de ce qu'avait voulu le législateur de 2000. L'arbitrage qui avait été fait à l'époque était le suivant : l'action en révision était ouverte seulement au débiteur ou à ses héritiers ; et par souci d'équilibre, il était possible à la créancière, lorsque le patrimoine du débiteur le permettait, de demander que la prestation compensatoire soit transformée et prenne la forme d'un capital. Voilà ce qui avait été négocié à l'époque en commission mixte paritaire. Je propose que l'on en reste à cet équilibre. Mais quoi qu'il en soit, que les choses soit claires : que l'on ne nous présente pas la suppression proposée par le projet de loi comme étant d'ordre purement rédactionnel et que l'on ne nous dise pas non plus que la disposition qu'on nous invite à supprimer ne servait à rien ! On a le droit de changer de position, mais à condition de le faire en toute clarté. Quant à moi, je suis totalement opposé à ce que l'on supprime le troisième alinéa de l'article 276-3. Notre amendement revêt à nos yeux une très grande importance. Et nous tiendrons compte de son adoption ou de son rejet lorsqu'il s'agira de définir notre position au moment du vote sur l'ensemble. Nous souhaitons qu'on en reste à l'équilibre issu de la loi de 2000. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements. Notre collègue Vidalies a bien expliqué la problématique. A titre personnel, je suis favorable à la rédaction du projet de loi, qui clarifie le droit en vigueur - et on se rend bien compte qu'une clarification est nécessaire. Les amendements proposent d'en rester au texte actuel de l'article 276-3. Sur le fond, je n'ai pas de désaccord, mais il faut être clair : je considère que le texte actuel ne prive aucunement le créancier de sa faculté d'ouvrir une action en révision. En effet, le deuxième alinéa de l'article 276-3 précise que la révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge. Cela signifie que la rente peut augmenter, ce qui est bien reconnaître implicitement que l'action en révision est ouverte au créancier, par exemple lorsque la rente a été révisée une première fois à la baisse en cas de réduction des ressources du débiteur. Il s'agit là d'un débat de fond. Nous facilitons le plus possible les révisions, ce qui implique de chercher un équilibre. Dans le cas d'un retour du débiteur à meilleure fortune ou à bonne fortune, l'équité veut qu'il soit possible de réviser la rente à la hausse - toujours dans la limite du montant initial, qui constitue un plafond, de sorte que l'on ne peut pas parler d'un yo-yo. J'ajoute que si l'Assemblée adoptait ces amendements, il faudrait alors modifier la rédaction que le projet de loi propose pour l'article 280, afin de préciser que lorsque la rente sera, au décès du débiteur, remplacée par un capital, les dispositions de l'article 276-3 ne seront pas applicables. C'est encore une modification que nous serions obligés de faire. Le débat de fond est de savoir si les dispositions qui vont dans le sens de la souplesse et facilitent la révision ne doivent pas avoir pour contrepartie la possibilité, lorsqu'il y a un retour à bonne fortune ou meilleure fortune du débiteur, de retrouver les conditions de l'équité de la fixation de la prestation compensatoire. Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission. M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Le problème a ému un certain nombre de collègues parlementaires, puisque, légitimement, des associations se sont manifestées. Vous dites, monsieur Vidalies, qu'un équilibre a été trouvé en 2000. Je ne parviens pas à comprendre comment vous pouvez formuler une telle appréciation. Quand la prestation compensatoire est versée sous forme de capital, c'est ne varietur. Si c'est une rente, on varie. Dans quel sens ? A la baisse. Vous dites, monsieur Vidalies, que si l'ex-mari - car vous avez lâché le mot « créancière », ce qui veut bien dire que le débiteur est l'ex-mari - retrouve une meilleure situation, il ne doit pas voir sa rente augmenter, même dans les limites du plafond fixé par le juge au moment du prononcé du divorce. Où est l'équilibre si la rente ne peut être révisée que dans un seul sens ? La notion d'équilibre implique nécessairement que la révision puisse se faire dans les deux sens, surtout avec la sécurité juridique que constitue l'existence du plafond fixé par le juge. Honnêtement, si l'on veut qu'il soit possible de justifier qu'il y a eu exagération dans un sens ou dans l'autre, il faut accepter que la révision puisse se faire dans les deux sens. On ne peut pas dire que les révisions ne peuvent se faire qu'à la baisse. Pour tout vous dire, je ne comprends pas un autre système que celui que nous proposons. Peut-être n'ai-je pas fourni un effort intellectuel suffisant, mais je ne comprends vraiment pas comment on peut concevoir une révision qui ne pourrait se faire qu'au détriment du créancier. L'équilibre dont vous parlez, monsieur Vidalies, je ne le trouve pas du tout équilibré ! Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Je suis favorable à ces amendements, mais à deux conditions. La première est que l'on ne se trompe pas sur l'interprétation. A cet égard, je suis un peu étonné par ce que vient de dire M. Vidalies. Dans les débats qui ont eu lieu au Sénat le 5 avril 2000, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la loi du 30 juin 2000, disait ceci : « En cas d'amélioration de la situation du débiteur, il convient de permettre au juge de rétablir la prestation à son niveau initial. Il sera donc prévu dans un alinéa additionnel que la révision ne pourra conduire à dépasser le montant initial de la rente fixée. Cet amendement tend donc à supprimer les mots ″à la baisse″. » Le président demande l'avis du Gouvernement, représenté par Mme Gillot, qui se dit favorable à l'amendement. Un peu plus loin, M. Hyest précise : « Cet amendement a pour objet de préciser que la révision ne pourra aboutir à dépasser le montant de la rente initialement fixé par le juge. Sur ce plafond pourront intervenir successivement une première révision à la baisse suivie d'une révision à la hausse en cas d'amélioration de la situation du débiteur. C'est la suite logique de l'amendement précédent. Il faut préciser que c'est non pas une pension alimentaire, mais une rente à caractère patrimonial et qu'elle ne peut donc pas être révisée à la hausse. » Voilà ce qui a été dit : elle ne peut donc pas être révisée à la hausse. Cela me paraît très clair, et les débats sur le texte de la loi de 2000 peuvent éventuellement éclairer le juge. Compte tenu de cette interprétation, que je fais mienne, je suis d'accord pour qu'on maintienne par ces amendements le troisième alinéa de l'article 276-3. La deuxième condition que je voudrais émettre est la suivante. Si l'Assemblée décide de maintenir le troisième alinéa de l'article 276-3, il est alors impératif, comme l'a dit le rapporteur, de compléter l'article 280 afin d'exclure formellement toute possibilité de révision de la rente avant substitution d'un capital. En effet, la révision s'avère incompatible avec ce mécanisme en ce qu'elle empêcherait le règlement de la succession tant que l'action ne serait pas terminée, portant ainsi gravement préjudice aux intérêts de l'ensemble des parties. C'est pourquoi, si votre assemblée devait adopter ces amendements, je demanderai une seconde délibération sur le IX de l'article 18, afin de permettre la modification en ce sens de l'article 280 du code civil. Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies. M. Alain Vidalies. J'ai entendu les arguments qui ont été développés par le président de la commission. Je disais que le débat devait être très clair, et je pense qu'il l'est : en acceptant la suppression proposée par l'article 23 du présent projet de loi, on changerait la nature de la décision prise en 2000. La position de M. Hyest que vous avez rapportée, monsieur le garde des sceaux, c'était la position de M. Hyest. Mais lorsque nous avons débattu, ce n'était pas la mienne, et ce n'était pas celle de l'Assemblée nationale au départ. Et lorsque nous sommes parvenus à la rédaction qui a été finalement adoptée, il était clair que l'objectif était, parce que le fonctionnement de la législation relative à la prestation compensatoire versée sous forme de rente était défectueux, de permettre au juge, dans certaines circonstances, de la réviser à la baisse. Pourquoi n'avions-nous pas retenu que ce principe ? Parce qu'il était nécessaire de rééquilibrer une situation qui n'était guère équilibrée, et qui avait d'ailleurs justement poussé les sénateurs à présenter une proposition de loi. C'est l'histoire de la prestation compensatoire, c'est l'histoire de la législation de 1975 qui nous a amenés à prendre cette décision relative à une disposition qui, d'une certaine façon, est en fin de vie puisque nous avions décidé dans le même texte que la prestation compensatoire ne serait plus versée sous forme de rente, sauf exception. Aujourd'hui, nous sommes, je le répète, face à une autre interprétation du texte adopté en 2000. Ce que vient de dire le président de la commission faisait déjà partie du débat à cette époque. Mais nous avions pris une autre décision. J'enregistre donc qu'il est proposé aujourd'hui une interprétation différente. Je sais bien qu'un commentateur a pu avancer que le texte adopté en 2000 ouvrait la possibilité de réviser la rente dans les deux sens, mais enfin sa notoriété n'a pas dépassé celle de l'article dont j'ai parlé tout à l'heure. C'est donc bien à une interprétation nouvelle que nous avons affaire aujourd'hui, et il faut que tout le monde le sache, parce qu'elle va aboutir à des difficultés. Car si cette interprétation devait être retenue par notre assemblée, il est clair qu'aussitôt après la promulgation de la loi, toutes les créancières vont aller vérifier dans quel sens la situation de leur débiteur a évolué, ou vont chercher à savoir ce que l'évolution de leur propre situation leur permet d'obtenir. On risque alors d'assister aux mêmes errements que ceux qu'avait suscités la législation antérieure à la loi de 1975, c'est-à-dire à une guerre perpétuelle entre les ex-époux pour savoir s'il y a eu ou pas un changement important dans leur situation.
Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 70, 92, 129 et 147. (Ces amendements ne sont pas adoptés.) Mme la présidente. Je suis saisie de l'amendement n° 51. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Cet amendement tend à préciser qu'une séparation de corps prononcée sur demande conjointe des époux ne peut être convertie que par une nouvelle demande conjointe. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 51. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie de l'amendement n° 52. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. L'amendement n° 52 tend à abroger l'article 52 de la loi du 8 janvier 1993 dans un souci d'unification procédurale, laquelle relève principalement du domaine réglementaire. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 52. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie de l'amendement n° 165. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Amendement rédactionnel. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 165. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 23, modifié par les amendements adoptés. (L'article 23, ainsi modifié, est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie de l'amendement n° 130, portant article additionnel après l'article 23. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous souhaitions que soient insérés, dans le code de l'organisation judiciaire, après le mot : « alimentaire, » les mots : « de la prestation compensatoire ». Il convient de donner compétence aux juges aux affaires familiales pour examiner les actions relatives à la fixation de la prestation compensatoire. Les juges aux affaires familiales doivent pouvoir connaître de l'ensemble des problèmes que nous venons d'évoquer. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Cette proposition ne nous paraît pas devoir être retenue. Les contentieux susceptibles de naître à cette occasion sont indissociables de la liquidation de l'ensemble de la succession et doivent, à ce titre, relever du tribunal de grande instance. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Même avis que la commission. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 130. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. Sur l'article 23 bis, je suis saisie de l'amendement n° 53. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Cet amendement de suppression de l'article 23 bis est présenté à des fins rédactionnelles. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 53. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. En conséquence, l'article 23 bis est supprimé. Mme la présidente. Je suis saisie d'une série d'amendement portant articles additionnels après l'article 23 bis. La parole est à M. Jacques Remiller, pour soutenir l'amendement n° 85. M. Jacques Remiller. Cet amendement est défendu. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission. Cette question relève de l'autorité parentale. Nous avons déjà eu ce débat. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Défavorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 85. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Remiller, pour soutenir l'amendement n° 86. M. Jacques Remiller. Cet amendement est défendu. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Même avis que la commission. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 86. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Remiller, pour soutenir l'amendement n° 87. M. Jacques Remiller. Cet amendement est défendu. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Cet amendement a été repoussé. Cette question relève également de l'autorité parentale. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Même avis que la commission. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 87. (L'amendement n'est pas adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'une série d'amendements portant articles additionnels avant l'article 24. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 55. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Avis favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 55. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l'amendement n° 137 rectifié. M. le garde des sceaux. Cet amendement tend à modifier la numérotation d'un certain nombre d'articles du code général des impôts relatifs à la prestation compensatoire. Mme la présidente. Peut-être pourriez-vous présenter l'amendement n° 135, monsieur le garde des sceaux ? M. le garde des sceaux. L'amendement n° 135 vise à favoriser les versements de la prestation compensatoire sous forme de capital dans un souci de paiement rapide et de pacification des rapports entre les ex-conjoints. Il s'agit donc d'améliorer le statut fiscal de ce versement en capital. Je l'avais évoqué dans la présentation du texte. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Ces amendements ont été acceptés par la commission. Concernant l'amendement n° 135, je tiens à remercier le Gouvernement parce que ce problème fiscal pendant faisait obstacle à de nombreuses évolutions. Nous disposerons, ainsi, des outils nous permettant de travailler dans le bon sens. Les justiciables s'en trouveront satisfaits. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 137 rectifié. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 135. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 54. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Amendement de coordination. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Avis favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 54. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l'amendement n° 136. M. le garde des sceaux. Comme je l'ai évoqué lors de la présentation du texte, l'amendement n° 136 tend à favoriser le paiement du capital sous forme de biens existants, et ce dans un souci de neutralité du dispositif fiscal par rapport aux modalités de paiement de la prestation compensatoire. Mme la présidente. Pouvez-vous présenter votre amendement n° 138, monsieur le garde des sceaux ? M. le garde des sceaux. Cet amendement tend à assurer un meilleur accès à la Cour de cassation en facilitant l'octroi de l'aide juridictionnelle au salarié licencié. L'indemnité de licenciement ne sera pas prise en compte dans le calcul des ressources. Cette mesure de justice fiscale... M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cavalière ! M. le garde des sceaux. ...va dans le bon sens. Mme Muguette Jacquaint. Très bien ! Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Les deux amendements ont été acceptés par la commission. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 136. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 138. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 56. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Cet amendement tend à assurer l'efficacité du dispositif de lutte contre les violences conjugales en excluant l'application de certaines dispositions du code de l'urbanisme applicables en matière d'expulsion. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 56. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. La parole est à M. Emile Blessig, pour soutenir l'amendement n° 81. M. Émile Blessig. Dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, la procédure de partage judiciaire des indivisions de toute nature est régie par les articles 220 et suivants formant le titre VI de la loi civile locale. Elle donne entière satisfaction aux indivisaires qui y recourent, car elle participe d'une juridiction de proximité. Afin d'éviter toute difficulté d'articulation de la procédure locale avec les nouvelles dispositions relatives au divorce, il est nécessaire d'édicter une règle prévoyant, en Alsace-Moselle, l'application de ces dispositions de droit local. La matière y gagnerait en clarté et en cohérence. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Favorable. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 81. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Vernaudon, inscrite sur l'article. Mme Béatrice Vernaudon. La loi relative au divorce s'appliquera à l'ensemble de notre République. Dans la perspective de son examen, j'ai réuni, voici quelques semaines, en Polynésie, avec le concours des chefs de cour, des magistrats, des avocats, un représentant des notaires, ainsi que des travailleurs sociaux. Après réflexion, ils ont tous convenu que ce projet allait dans le bon sens, puisqu'il invite les parties à se concentrer davantage sur le règlement des conséquences de la rupture, devenue inéluctable, plutôt que sur ses causes. Il propose, en effet, des passerelles et allège une procédure dont le formalisme est peu compatible avec la dispersion insulaire de la Polynésie. Mes interlocuteurs m'ont surtout demandé d'insister sur l'urgence d'étendre à la Polynésie, en l'adaptant, l'aide juridictionnelle, dont seul le volet pénal est applicable sur le territoire. En matière civile, nous dépendons encore du vieux dispositif de l'aide judiciaire. Ce système est obsolète pour les justiciable et surtout injuste pour les avocats qui ne perçoivent aucune rémunération pour ce service, ce qui ne les incite pas à se surpasser pour les justiciables. De plus, en Polynésie, le recours à un avocat n'est pas obligatoire en première instance. De nombreux plaideurs, notamment des femmes lors des procédures de divorce, ne font pas appel et demandent directement l'aide aux juges. Ces derniers sont aussi débordés qu'en métropole et leur rôle devient alors fastidieux. Ils demandent que l'aide juridictionnelle soit étendue à la Polynésie et que soit ainsi garantie aux Polynésiens une égalité d'accès au droit, comme c'est le cas en métropole. Après la mission récemment remplie par le Conseil supérieur de la magistrature et le travail accompli par vos juristes et ceux du ministère de l'outre-mer sur la mise en œuvre du décret d'application relatif au tribunal foncier créé par le projet de loi organique portant statut de la Polynésie française, c'est le moment de mobiliser leurs compétences pour instaurer cette aide juridictionnelle. Tel est le message qu'il m'a été demandé de vous transmettre. Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux. M. le garde des sceaux. L'article 14 de la loi organique portant statut de la Polynésie adoptée en février dernier dispose très clairement que, dorénavant, l'aide juridictionnelle relève de la compétence exclusive de l'Etat français. Nous veillerons, bien sûr, à ce que cette règle s'applique bien à la Polynésie française. J'étudierai, avec Mme Girardin, les modalités pratiques permettant de rendre cette réforme effective, afin que l'ensemble de nos concitoyens de Polynésie française puissent accéder à la justice dans les mêmes conditions que les autres concitoyens de la République. Mme la présidente. Je suis saisie de l'amendement n° 57. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Cet amendement est d'ordre rédactionnel. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 57. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. En conséquence l'article 24 se trouve ainsi rédigé. Cependant, je suis saisie d'un amendement n° 4, qui tend à le compléter. La parole est à M. Mansour Kamardine, pour le soutenir. M. Mansour Kamardine. Je souhaitais vous amener loin d'ici, à 10 000 kilomètres, pour vous parler de Mayotte, de l'article 75 de la Constitution, de la coexistence d'un statut civil de droit local avec un statut civil de droit commun... Mais, à cette heure avancée, les uns et les autres ne comprendraient pas que je m'attarde trop longuement sur cette question. (Sourires.) L'amendement que je vous propose , et qui tend à compléter l'article 24 , se justifie par son texte même. Je vous demande donc de l'adopter. Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Cet amendement a été adopté par la commission. Il s'agit d'un complément utile. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Avis favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 24, dans la rédaction de l'amendement n° 57 et complété par l'amendement n° 4. (L'article 24, ainsi rédigé et complété, est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 58. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Dans un souci de lisibilité, cet amendement fixe au 1er janvier 2005 l'entrée en vigueur de la présente loi. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 58. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 59. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 59. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 60. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 60. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 61. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Il s'agit d'un autre amendement de coordination. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 61. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 62. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Il s'agit encore d'un amendement de coordination. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 62. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 63. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de simplification rédactionnelle. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 63. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 64. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Cet amendement précise le sort des prestations compensatoires qui, depuis le 1er juillet 2000, auraient été allouées sous la forme d'un capital échelonné, en permettant au débiteur de demander la révision sur le fondement d'un changement important de sa situation. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 64. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 65. La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir. M. Patrick Delnatte, rapporteur. Dans un souci de clarification - nous en avons parlé précédemment -, nous avons regroupé dans un paragraphe distinct les conditions et modalités d'action des héritiers du débiteur. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 65. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 25, modifié par les amendements adoptés. (L'article 25, ainsi modifié, est adopté.) Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1. La parole est à M. Mansour Kamardine, pour le soutenir. M. Mansour Kamardine. Je ne dirai que deux mots. Mon amendement n° 1 tend à ajouter un 6° à l'article 20 de l'ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 fixant les règles de détermination des noms et prénoms des personnes de statut civil de droit local applicable à Mayotte - j'en reviens toujours au droit local, madame la présidente. Vous le savez, Mayotte, pendant très longtemps, était un pays laissé en jachère, où le nom patronymique n'existait pas. A partir de 2000, chacun a dû en choisir un, et l'article 11 de l'ordonnance du 8 mars 2000 indique : « Le père d'un enfant dont le nom a été attribué en application de l'article 14 ne peut choisir un autre nom que celui donné à l'enfant. » Mais il se trouve que, entre l'adoption de ce texte et son entrée en vigueur effective, qui nécessitait un arrêté du préfet, des enfants sont nés, et que leurs parents ont pu leur attribuer un patronyme différent de celui choisi pour eux-mêmes et leurs autres enfants - « Saïd » et « Abdou », par exemple, noms aux consonances auxquelles vous n'êtes peut-être pas habitués. Je vous propose donc tout simplement que la commission de révision de l'état civil puisse connaître de ces difficultés, de façon à rendre le nom patronymique de ces nouveau-nés conforme à celui choisi par leurs parents. Mme la présidente. Voulez-vous défendre également vos amendements n°s 3 et 2 ? M. Mansour Kamardine. Si vous le désirez, madame la présidente. Avec l'amendement n° 3, qui a pour objet de permettre le dénouement de conflits, nous sommes au cœur de la question du divorce. J'assume totalement la rédaction de la loi du 21 juillet 2003, mais, à l'époque, je n'avais pas pris la dimension de l'aspect conflictuel. Quand on est en conflit, il est difficile de se mettre d'accord pour se présenter devant le juge de droit commun. Je vous demande par conséquent de remplacer les mots : « des parties » par les mots : « de la partie la plus diligente », afin de donner les moyens à ceux qui le souhaitent d'avoir accès au juge de droit commun. Quant à l'amendement n° 2, il s'agit d'une mesure de coordination entre les lois du 11 juillet 2001 et du 21 juillet 2003, la première prévoyant l'institution d'une juridiction avec échevinage composée d'un président magistrat professionnel et de deux cadis, la seconde indiquant clairement que la juridiction de droit commun connaîtra des conflits de droit commun, comme je viens de l'indiquer. Voilà, rapidement brossé, le sens de mes amendements. Il s'agit de poursuivre la modernisation du statut de droit local à Mayotte, collectivité territoriale qui, pendant très longtemps, a été laissée en marge, mais exprime une réelle volonté d'intégration et a besoin d'outils modernes pour pouvoir entrer pleinement dans le troisième millénaire français. M. Gérard Grignon. Très bien ! Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 1, 3 et 2 ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. La commission a adopté les trois amendements. M. Gérard Grignon. Très bien ! Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ? M. le garde des sceaux. Je suis favorable aux amendements n°s 3 et 2. Par contre, comme vous le savez, monsieur le député Kamardine, une mission conjointe du ministère de l'outre-mer et de la chancellerie va se rendre sur place pour examiner l'ensemble des problématiques concernant le nom patronymique, et, en accord avec Mme Girardin, j'aurais préféré que le problème du nom des enfants abordé par votre amendement n° 1 ne soit traité, sur le plan législatif, qu'une fois les contacts pris localement et le travail de cette mission accompli. Je vous demanderai donc volontiers de retirer l'amendement n° 1, mais en prenant clairement l'engagement - au nom aussi de Mme Girardin, avec qui je m'en suis entretenu - que le problème sera réglé par une disposition législative. Mme la présidente. La parole est à M. Mansour Kamardine. M. Mansour Kamardine. Vous me demandez là de faire preuve de beaucoup de sagesse. Si je comprends bien, la réflexion sera menée en concertation avec les magistrats, auxquels votre mission ira rendre visite sur place. Cela signifie sans doute que les parlementaires ne sont pas les mieux à même de faire des propositions... (Sourires.) Quoi qu'il en soit, je retire cet amendement. Mme la présidente. L'amendement n° 1 est retiré. Je mets aux voix l'amendement n° 3. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. La parole est à M. Mansour Kamardine. M. Mansour Kamardine. Je voulais simplement remercier l'ensemble de la représentation nationale pour son ouverture d'esprit. Naturellement, vous êtes tous invités à venir étudier, sous la houlette de la commission des lois, ce qui se passe à Mayotte en matière de droit personnel local, sujet extrêmement complexe. (Sourires.) Mme la présidente. M. le garde des sceaux organisera une délégation ! (Sourires.) M. Alain Vidalies. Qu'il prenne les noms des présents ! Mme Geneviève Levy, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Sans oublier personne ! Mme la présidente. En application de l'article 101 du règlement, le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 2 du projet de loi. La seconde délibération est de droit. La commission interviendra dans les conditions prévues à l'alinéa 3 de l'article 101 du règlement. Je rappelle que le rejet des amendements vaut confirmation de la décision prise en première délibération. Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1. La parole est à M. Emile Blessig, pour le soutenir. M. Emile Blessig. Vous vous souvenez des débats auxquels a donné lieu l'article 2. Nous étions tous d'accord pour estimer que les parties doivent pouvoir solliciter une seconde comparution afin de disposer d'un délai de réflexion supplémentaire, mais il y avait une petite contradiction entre le texte de l'amendement et son exposé des motifs. Bref, il s'agit de savoir si cette procédure doit être de droit ou bien être soumise à l'arbitrage du juge ? Si nous voulons véritablement améliorer le déroulement de la procédure sans bloquer les choses, j'estime qu'il faut soumettre cette demande à l'arbitrage du juge ; tel est l'objet de la seconde délibération. Le dernier alinéa de l'article 2 serait donc ainsi rédigé : « Si les parties le demandent, une seconde comparution peut être ordonnée par le juge. Dans ce cas, le divorce ne peut être prononcé qu'à l'issue de cette audience. » Mme Geneviève Levy, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Très bien ! Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ? M. Patrick Delnatte, rapporteur. Le débat sur ce sujet était intervenu au début de la discussion, et il avait été proposé de prévoir une sorte de délai de réflexion de trois mois entre la requête et l'assignation. Toutefois, je préfère la suggestion de M. Blessig. J'émets par conséquent un avis favorable. Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Avis favorable. Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1. (L'amendement est adopté.) Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement n° 1. (L'article 2, ainsi modifié, est adopté.) Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Muguette Jacquaint. Mme Muguette Jacquaint. Comme l'a indiqué Michel Vaxès, le groupe des député-e-s communistes et républicains s'abstiendra sur ce texte. Certes, monsieur le garde des sceaux, la simplification des dispositions concernant le divorce était attendue. Cependant, à vouloir trop simplifier, prenons garde de ne pas créer des injustices que nous pourrions regretter - je pense tout particulièrement à la situation des femmes. La prestation compensatoire a fait l'objet de bien des discussions, et c'est normal. Nous avons fait état des injustices qu'elle engendre parfois. Il aurait été utile de les corriger en trouvant un équilibre ne pénalisant ni les créanciers ni les débiteurs, mais nous n'avons pas été entendus. Il est également regrettable que ce texte n'aborde pas l'aide juridictionnelle en faveur des personnes en grande difficulté car un divorce coûte très cher, vous le savez, monsieur le garde des sceaux. Je terminerai mon intervention en insistant de nouveau pour que des moyens soient accordés aux juges aux affaires familiales, afin qu'ils puissent être réellement disponibles, à l'écoute de ces femmes et de ces hommes qui ont décidé de divorcer et vivent souvent un épisode douloureux. Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle. M. Jean Lassalle. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, avant de participer à nos discussions, je ne connaissais pas grand-chose à ce sujet très sensible, mais j'avais eu l'occasion de suivre de nombreux dossiers de divorce dans ma ville. Ce débat de société m'a paru très digne et très fort, et j'estime qu'il fait honneur à notre pays. Ce texte marque une étape supplémentaire, après celles enregistrées au cours des décennies précédentes, et il permettra certainement de surmonter un certain nombre de difficultés qui étaient souvent rencontrées et suscitaient des déchirements parfois plus douloureux que la séparation elle-même. J'ai noté en particulier la simplification des procédures, l'allégement des formalités. C'est donc un bon texte. Je trouve toutefois qu'il faudrait peut-être faire davantage encore en faveur des personnes les plus fragiles, notamment des femmes, dont nous avons beaucoup parlé. A cet égard, plusieurs amendements du groupe UDF seront certainement repris plus tard. Enfin, après avoir dit le droit, je pense qu'il faut peut-être parler de tout cela avec plus d'amour, plus d'humanité et plus de sensibilité, et faire en sorte de faciliter et de simplifier les choses. Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez fait un choix, que j'ai critiqué personnellement, mais vous avez eu la courtoisie de me répondre avec la même retenue par rapport à vos certitudes que j'ai essayé de le faire moi-même en prenant position. Dans ces affaires, mieux vaut, en effet, écarter les certitudes et s'enrichir, nous l'avons fait plusieurs fois au cours de l'examen des amendements, de la réflexion des autres. Nous émettons le regret que vous n'ayez pas fondé votre réflexion sur le texte adopté en octobre 2001 et en février 2002 à l'Assemblée nationale et au Sénat. De ce fait, votre volonté, que nous partagions tous, de faciliter, de pacifier, d'alléger en quelque sorte le poids « externe » qui s'ajoute, pour les époux, au drame personnel qu'ils ont à supporter, n'a pas été suffisante, à notre avis Nous vous faisons le grief de n'avoir pas fait bouger d'un iota la notion de divorce pour faute. Pour nous, c'est critiquable car vous aviez la possibilité de le faire et, d'ailleurs, vous aviez même eu le courage de le faire : votre projet de loi comportait, en effet, une modification de la notion de divorce pour faute aux termes de l'article 242, conformément à ce qu'avaient suggéré les gens que vous aviez sollicités pour réfléchir sur ce thème, à savoir maintenir l'imputation de faits graves mais supprimer la notion de renouvellement. Cela ouvrait la possibilité - c'est la seule certitude que je garderai de ce débat - à la jurisprudence de se reconstruire différemment et, du même coup, permettait d'écarter de la demande de divorce pour faute nombre de griefs qui n'y ont plus, aujourd'hui, aucune place. Vous auriez dû tenir compte davantage de ce qui avait été débattu ici et au Sénat par l'ensemble des parlementaires et qui avait abouti, je le rappelle, à l'adoption du texte dans les deux assemblées. Nous déplorons que vous ne l'ayez pas fait. De surcroît, sont apparues quelques incertitudes dues à la réforme des retraites qui a bouleversé le schéma dans lequel vous vous étiez situé. Personne, actuellement, n'est capable d'imaginer les conséquences qui vont résulter de la modification des droits à pension de réversion sur le dispositif de la prestation compensatoire. Sur ce point également, nous pensons que le Gouvernement doit assumer les conséquences, les « effets collatéraux » en quelque sorte, de ses choix sur les autres dispositifs, en particulier sur le divorce. Dernier point, s'agissant de l'article 276-3, nous estimons que dès lors que vous sortez du cadre fixé par la loi de 2000, vous ouvrez une voie qui sera empruntée par des gens que l'on aurait pu garder écartés du contentieux. Tels sont les éléments critiques que nous versons au débat. Vous avez, monsieur le garde des sceaux, fait avancer la loi. Demain, on pourra écrire que le débat a été « consensuel ». Mais, je le répète, vous n'avez pas fait bouger le divorce pour faute et ceux qui prétendraient le contraire commettraient une grave erreur. Vous avez considéré ne pas pouvoir le faire, et je respecte les raisons qui vous y ont poussé, mais je ne voudrais pas que quiconque, demain, commentant nos travaux, en arrive à la conclusion inverse de ce que nous avons fait, ou plutôt de ce que nous n'avons pas fait ! C'est pour toutes ces raisons, et en dépit de la très grande qualité de ce débat, que le groupe socialiste s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. Émile Blessig. Abstention positive ! Mme la présidente. La parole est à M. Émile Blessig. M. Émile Blessig. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sujets de société sont par excellence des sujets sur lesquels le législateur doit faire preuve de la plus extrême prudence. Il doit, certes, tenir compte des évolutions sociétales mais certainement pas chercher à les brusquer ni à les anticiper, sous l'effet de réflexions intéressantes sans doute mais qui vont trop loin ou sont trop en avance. Il doit procéder aux nécessaires adaptations en évitant les « aventures » législatives qui pourraient, elles, avoir des « effets collatéraux » extrêmement graves. En recherchant, par ce texte, la simplification, la pacification et la responsabilisation, nous apportons un certain nombre de réponses. J'ai trouvé particulièrement intéressant de distinguer, pour la première fois, conjugalité et parentalité. Les précédents textes relatifs au droit de la famille, sur lesquels nous avons travaillé ces dernières années, ont permis d'instaurer cette approche pragmatique, un peu plus pointilliste dans certains cas, de ces évolutions sociétales. Je pense notamment à la loi de 2000 qui, ne l'oublions pas, n'était pas une loi de réforme du divorce mais de réforme des prestations compensatoires, destinée, elle aussi, à remédier à des situations injustes. C'est dans cette optique que nous avons tenté de travailler. Les débats ont été riches et longs. Sans les rallonger encore, je remercie mes collègues sur tous les bancs d'y avoir participé et je souhaite qu'ils votent, ce soir, avec l'UMP, une réforme qui marquera une étape. Ce ne sera sûrement pas la dernière, nous le savons tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mme la présidente. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi. (L'ensemble du projet de loi est adopté.) Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. M. le garde des sceaux. Je tiens à remercier tous ceux qui ont participé à ce débat. Vous avez adopté, mesdames et messieurs les députés, un texte équilibré qui va à la rencontre de beaucoup de nécessités et d'exigences, et tente d'atténuer des souffrances. Nous avons, tous ensemble, fait du bon travail. Je remercie tout particulièrement le rapporteur et l'équipe de la commission, ainsi que vous, personnellement, madame la présidente - et les services de l'Assemblée - pour votre compréhension s'agissant de l'organisation des débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE Mme la présidente. Ce soir, à vingt-trois heures trente, deuxième séance publique : Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 1514, autorisant la ratification de la décision du Conseil réuni au niveau des chefs d'Etat ou de Gouvernement du 21 mars 2003 relative à une modification de l'article 10-2 des statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne : M. Philippe Cochet, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 1538). La séance est levée. (La séance est levée à vingt et une heures cinquante-cinq.) Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale, jean pinchot |